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1 LA BAREMISATION DE LA JUSTICE : UNE APPROCHE PAR LANALYSE ECONOMIQUE DU DROIT RAPPORT FINAL Février 2019 RECHERCHE REALISEE AVEC LE SOUTIEN DE LA MISSION DE RECHERCHE DROIT ET JUSTICE Responsable scientifique Cécile Bourreau-Dubois (PR en sciences économiques, BETA) Rédacteurs du rapport Cécile Bourreau-Dubois (PR en sciences économiques, BETA) Bruno Deffains (PR en sciences économiques, CRED) Claudine Desrieux (PR en sciences économiques, CRED) Myriam Doriat-Duban (PR en sciences économiques, BETA) Romain Espinosa (CR, CNRS, CRED) Bruno Jeandidier (CR, CNRS, BETA) Julie Mansuy (IE, BETA) Jean-Claude Ray (PR émérite en sciences économiques, BETA) Membres de l’équipe Jean-Claude Bardout (Vice-président du TGI de Toulouse) Julie Favrot (Doctorante en économie, BETA) Isabelle Sayn (DR CNRS en Droit privé, Centre Max Weber)

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LA BAREMISATION DE LA JUSTICE :

UNE APPROCHE PAR L’ANALYSE ECONOMIQUE DU DROIT

RAPPORT FINAL

Février 2019

RECHERCHE REALISEE AVEC LE SOUTIEN DE LA MISSION DE RECHERCHE DROIT ET JUSTICE

Responsable scientifique Cécile Bourreau-Dubois (PR en sciences économiques, BETA)

Rédacteurs du rapport Cécile Bourreau-Dubois (PR en sciences économiques, BETA)

Bruno Deffains (PR en sciences économiques, CRED) Claudine Desrieux (PR en sciences économiques, CRED)

Myriam Doriat-Duban (PR en sciences économiques, BETA) Romain Espinosa (CR, CNRS, CRED) Bruno Jeandidier (CR, CNRS, BETA)

Julie Mansuy (IE, BETA) Jean-Claude Ray (PR émérite en sciences économiques, BETA)

Membres de l’équipe Jean-Claude Bardout (Vice-président du TGI de Toulouse)

Julie Favrot (Doctorante en économie, BETA) Isabelle Sayn (DR CNRS en Droit privé, Centre Max Weber)

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Le présent document constitue le rapport final d’une recherche réalisée avec le soutien du GIP Mission de recherche Droit et Justice

(convention n° 16.37)

« La barémisation de la justice :

une approche par l’analyse économique du droit »

Son contenu n’engage que la responsabilité de ses auteurs. Toute reproduction, même partielle, est subordonnée à l’accord de la Mission.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ................................................................................................................................. 7

PARTIE 1. LA PLACE DES BAREMES DANS LA LITTERATURE EN ECONOMIE DU DROIT ....................................................................................................................................... 9

1.1. LA REDUCTION DE L’INCERTITUDE SUR LES DECISIONS DES JUGES ............................................. 11

1.2. L’AUGMENTATION DE LA SEVERITE DES SANCTIONS ET LA PERTE DE POUVOIR DES JUGES ....... 20

1.3. QUEL AVENIR POUR LES BAREMES ............................................................................................. 27

CONCLUSION DE LA PARTIE 1 ............................................................................................................ 30

PARTIE 2. UNE ANALYSE DE LA DISPARITE PRE-BAREME : LE CAS DU CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ....................................................................................... 31

2.1. CONTEXTE DE L’ETUDE ............................................................................................................... 33

2.2. ANALYSE QUANTITATIVE............................................................................................................ 48

2.3. ANALYSE DES DECISIONS RELATIVES AU LICENCIEMENT ABUSIF ................................................ 70

CONCLUSION DE LA PARTIE 2 ............................................................................................................ 79

PARTIE 3. UNE ANALYSE EX-POST DE L’INTRODUCTION D’UN BAREME : LE CAS DES PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANT ............................................................... 83

3.1. L’ANALYSE EX-POST DU RECOURS A UN BAREME EN MATIERE DE FIXATION DE CEEE A PARTIR D’UNE APPROCHE EXPERIMENTALE .................................................................................... 85

3.2. L’ANALYSE EX-POST DU RECOURS A UN BAREME EN MATIERE DE FIXATION DE CEEE A PARTIR DE DECISIONS DE JUSTICE ....................................................................................................... 179

3.3. L’ANALYSE EX-POST DU RECOURS A UN BAREME EN MATIERE DE FIXATION DE CEEE A PARTIR D’UNE ENQUETE QUALITATIVE PORTANT SUR LA TABLE DE REFERENCE INDICATIVE DU MINISTERE DE LA JUSTICE .................................................................................................. 249

CONCLUSION DE LA PARTIE 3 .......................................................................................................... 305

CONCLUSION GENERALE ........................................................................................................... 309

ANNEXES ......................................................................................................................................... 313

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ........................................................................................ 439

TABLE DES MATIERES ................................................................................................................ 443

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INTRODUCTION

La recherche ici présentée a été menée entre le 1er décembre 2016 et le 31 janvier 2019. Elle a été réalisée par une équipe fédérant les compétences d’économistes, de juristes et de praticiens du droit1 et portée par deux laboratoires de recherche en économie : le BETA (UMR Université de Lorraine/Université de Strasbourg/CNRS) et le CRED (équipe d’accueil de l’Université Paris 2). Cette recherche fait suite à l’appel à projet « la barémisation de la justice » lancé début 2016 par la Mission de recherche Droit et Justice, dans un contexte marqué par la diffusion en France de barèmes tant en matière civile que pénale. L’appel à projet invitait à réfléchir aux différents aspects du barème, à savoir la fonction politique (i.e le barème comme instrument pour poursuivre un objectif fixé a priori par les pouvoirs publics) ; la fonction instrumentale des barèmes (i.e le barème comme outil pour assurer une meilleure égalité des citoyens devant la justice) et la fonction managériale (i.e le barème comme outil pour améliorer les rendements des services de justice). C’est principalement au second aspect du barème que cette présente recherche apporte des éléments de réponse.

La restitution de cette recherche est structurée en trois parties, correspondant aux trois axes d’investigation proposés par l’équipe dans le cadre du projet de recherche soumis à la Mission. La première partie propose une analyse prospective du barème, réalisée à partir de l’examen de la littérature en économie du droit portant sur les barèmes. Il s’agit d’identifier les différents effets attendus et observés consécutifs à l’introduction d’un barème. Cette littérature est principalement appliquée au cas américain, car force est de constater que si les études théoriques et empiriques sur les barèmes anglo-saxons sont relativement nombreuses, elles restent en revanche extrêmement marginales voire inexistantes dans le cas français, du moins jusqu’à cette recherche. Cette littérature majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins de poser des questions générales et d’alimenter ainsi les discussions sur les conséquences de la mise en place de barèmes, indépendamment du cadre juridique dans lequel ils sont mis en œuvre. Est ainsi étudiée la capacité des barèmes à être créateurs de plus d’équité et de plus de coopération entre les parties. Par ailleurs, est également analysée la capacité d’un barème à faire converger les décisions des juges vers les préférences sociales exprimées par le barème, capacité qui dépend notamment de la réaction des juges face à la perte de leur pouvoir discrétionnaire.

Les deux parties suivantes du rapport proposent une évaluation empirique de la barémisation dans le cas français, en se focalisant en particulier sur la mesure de la disparité des décisions en l’absence de barème et sur la capacité d’un barème à la réduire, c’est-à-dire à homogénéiser les décisions de justice. Ainsi, la deuxième partie propose une analyse empirique ex ante de l’introduction d’un barème, en prenant le cas des indemnités prud’homales qui, n’étaient pas l’objet d’un barème, du moins jusqu’à l’ordonnance de septembre 2017 instaurant des seuils planchers et plafonds impératifs en matière d’indemnités en cas de licenciement abusif. Plus précisément, cette partie vise à documenter l’ampleur des écarts en matière de décisions pré-barème, à partir de

1 La contribution des juristes et des praticiens du droit à cette recherche a été plurielle. Elle s’est déclinée sous la forme de

participation directe à la réalisation de certaines opérations de la recherche (Isabelle Sayn, Directrice de Recherche CNRS en droit privé au Centre Max Weber et Jean-Claude Bardout, Vice-président du TGI de Toulouse) ou sous la forme d’échanges dans le cadre de présentation de travaux (avec Flavien Dréno doctorant en droit, Jean Garrigue Maître de conférences en droit et Soleine Hunter-Falck, conseillère, Pôle social chambre 6-4 cour d’appel de Paris).

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l’exploitation de minutes, collectées dans le cadre du projet, rendues par le bureau des jugements du Conseil des prud’hommes de Paris au cours des mois de février 2013, février 2014, février 2015, février 2016 et février 2017. Ce travail de statistique descriptive permet notamment d’établir des corrélations entre les montants obtenus et les caractéristiques des affaires, et d’identifier ainsi les sources possibles d’écarts entre les décisions. Par ailleurs, est simulée une application du barème 2017 sur les observations collectées pour calculer la différence entre ce que les requérants ont réellement obtenu et ce qu’ils auraient obtenu avec le barème en cas de licenciement abusif.

Enfin, la troisième partie est une analyse empirique ex post de l’introduction d’un barème, en prenant le cas de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants (CEEE) dont la fixation est encadrée depuis la circulaire de 2010 par un barème indicatif, appelé table de référence. Cette analyse va plus loin que la précédente au sens où elle propose d’estimer de manière économétrique les écarts de décisions portant sur des affaires similaires avant et après la mise en place du barème. Pour ce faire, deux approches méthodologiques ont été mobilisées. D’une part, ont été comparées, du point de vue de l’inégalité de traitement, des décisions rendues avant 2010 et des décisions rendues après 2010. A cette fin ont été mobilisées deux bases de données (2003 et 2013) du ministère de la Justice issues d’affaires jugées en tribunal de grande instance, ainsi que deux bases de données issues de JURICA (décisions en cours d’appel), l’une déjà collectée (2008) pour la période antérieure à 2010, l’autre (2016), collectée dans le cadre du projet. D’autre part, dans le cadre d’une enquête expérimentale, des affaires fictives (reflétant des situations assez standards) ont été soumises à des élèves-magistrats de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM), avec pour finalité qu’ils décident d’un montant de pension alimentaire et ce, avec versus sans barème. Enfin, pour compléter l’approche quantitative précédente, a également été menée auprès de magistrats en charge des affaires familiales (en TGI ou cour d’appel), une enquête qualitative portant sur leur usage de la table de référence.

L’ensemble de cette recherche n’aurait pas pu être mené à bien sans l’implication précieuse de l’équipe administrative du BETA. Nous devons beaucoup également aux étudiants vacataires de l’Université Paris 2 et de l’Université de Lorraine qui ont participé à la saisie et à l’exploitation des données. Qu’ils soient ici tous remerciés pour leur contribution à ce rapport de recherche.

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PARTIE 1. LA PLACE DES BAREMES DANS LA LITTERATURE EN

ECONOMIE DU DROIT

La littérature en économie du droit relative aux barèmes s’est développée suite à la mise en place de « guidelines » aux Etats-Unis, dans les années 70-80 pour les divorces, au début des années 1990 en matière criminelle. Les justifications à la mise en place des barèmes relevaient à la fois de l’équité et de l’efficacité (PAYNE, 1997 ; WALDFOGEL, 1999 ; REINGANUM, 2000). Du côté de l’équité, il était attendu du barème qu’il permette un traitement équitable des individus en diminuant la variabilité des décisions des juges dans les affaires similaires (TIEDE, 2009). Il s’agissait donc principalement de garantir l’équité horizontale. Du côté de l’efficacité, l’objectif des barèmes consistaient à augmenter la sévérité des sanctions pour certains actes délictuels ou criminels afin de réduire les incitations à commettre ces actes (LACASSE & PAYNE, 1999 ; ALEXANDER et alii, 1999). Un argument de transparence s’ajoutait à ces deux motivations puisqu’un barème permet également une meilleure prévisibilité des décisions et en particulier des sanctions (REINGANUM, 2000). Les arguments d’efficacité et de transparence vont donc dans le sens d’une plus grande dissuasion (WALDFOGEL, 1998). Les arguments mis en avant aux Etats-Unis sont également ceux qui ont été mobilisés en France pour justifier l’instauration de barèmes, notamment en matière de pensions alimentaires pour enfants2, mais aussi en matière prud’homale3.

L’opposition à l’égard des barèmes s’est appuyée, quant à elle, sur la perte de pouvoir des juges, ceux-ci étant privés, de manière plus ou moins directive de leur pouvoir discrétionnaire (barèmes impératifs versus indicatifs) et donc de leur capacité à juger en tenant compte des spécificités de l’affaire mais aussi de leur sensibilité (probablement davantage encore dans les systèmes où les juges « font le droit » que dans les systèmes où les juges « disent le droit »).

L’équité comme l’efficacité sont des notions qui interrogent depuis toujours les économistes, dont les outils d’analyse, notamment empiriques mais également théoriques, permettent d’anticiper analytiquement et de tester ensuite empiriquement les effets attendus des barèmes, dans différents domaines du droit. La littérature en économie du droit portant sur les barèmes s’est donc logiquement développée d’abord aux Etats-Unis à la fin des années 1990 et au début des années 2000, accompagnant ainsi la mise en place des « guidelines ». Depuis, quelques articles plus récents sont venus la compléter et portent sur des domaines variés : la délinquance, la criminalité en col blanc, les sanctions disciplinaires à

2 En matière de pensions alimentaires pour enfants, BOURREAU-DUBOIS et alii (2005) expliquent que « les motifs légitimant

l’instauration d’un barème peuvent relever à la fois de l’équité et de l’efficacité (BOURREAU-DUBOIS et alii, 2003) ... Cet objectif d’équité se justifie dans la mesure où il a été montré que, confrontés à des affaires similaires, les magistrats pouvaient prendre des décisions différentes en matière de fixation de pensions alimentaires pour enfants (BOURREAU-DUBOIS et alii, 2003). Par ailleurs, un barème serait source d’efficacité et ce, pour plusieurs raisons. D’une part, en favorisant la coopération entre les parties lors de la procédure de divorce, il devrait contribuer à accroître la probabilité de paiement de la pension. D’autre part, il permettrait d’éviter le gaspillage des ressources de la collectivité, premièrement, en automatisant la fixation et la révision des pensions par les magistrats et deuxièmement, en participant à la réduction des transferts sociaux de substitution – s’il augmentait réellement le taux d’effectivité du paiement des pensions –. Enfin, en bornant les décisions des juges, le barème éviterait la fixation de pensions dérisoires ne couvrant pas les besoins essentiels de l’enfant » (p. 101). 3 Le barème impératif mis en place en matière prud’homale dans le cas de licenciements sans cause réelle et sérieuse vise à

uniformiser les décisions (argument d’équité) mais aussi à faciliter la négociation en permettant aux parties de disposer d’une référence commune (argument d’efficacité).

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l’école, le divorce. De nature principalement empirique, avec quelques rares travaux théoriques, cette littérature permet de s’interroger sur la pertinence des justifications des barèmes qui constituent autant d’hypothèses à tester. Les travaux peuvent ainsi être regroupés en fonction des questions concrètes que suscite l’instauration de barèmes : les barèmes ont-ils produit une diminution de la disparité des décisions des juges, permettant ainsi une plus grande équité dans le traitement des justiciables mais aussi une réduction de l’incertitude sur les jugements ? Ont-ils effectivement conduit à des sanctions plus sévères renforçant ainsi leur effet dissuasif ? Ont-ils enfin contribué à diminuer le pouvoir discrétionnaire des juges ? Les réponses qui sont apportées reposent le plus souvent sur le cas américain mais permettent néanmoins de poser des questions à caractère général et d’alimenter le débat sur les effets positifs et négatifs des barèmes, indépendamment du cadre dans lequel ils sont appliqués. L’ensemble de ces travaux permet en outre de tirer des enseignements sur l’utilité de recourir à des barèmes alors que leurs domaines d’application semblent se diversifier (responsabilité, divorce, licenciement, etc.) et que parallèlement, le développement de la justice prédictive pose la question de leur utilité. Nous proposons en effet, une fois l’état des lieux dressé, de nous projeter dans le monde de la justice prédictive et de nous interroger sur la pertinence des barèmes. On peut alors se demander si la justice prédictive est une forme de parachèvement du barème en ce sens que la mise à disposition des données permettrait d’affiner à l’extrême les barèmes et de fixer exactement la même décision pour toutes les affaires aux multiples caractéristiques communes, le big data permettant de traiter rapidement une masse d’informations beaucoup plus conséquente que ne le ferait un juge. Ce faisant, le barème pourrait déterminer le programme prédictif jugé le plus adapté au cas traité. Est-ce au contraire un garde-fou contre les excès de la justice prédictive, en fixant un cadre minimal à la prise de décision des juges ?

La première partie de cette recherche sur l’économie du droit des barèmes porte sur la capacité des barèmes à réduire l’incertitude qui pèse sur le procès. Deux questions sont alors abordées. La première consiste à se demander si les barèmes sont effectivement source d’équité en ce sens qu’ils limitent la possibilité des juges de prononcer des jugements différents pour des cas similaires (diminution de la disparité inter-juges). La seconde porte sur la capacité des barèmes à faciliter ou non la négociation entre les parties étant entendu que le barème, en réduisant l’incertitude sur le jugement, permet plus facilement de se mettre d’accord sur la base d’une référence commune. La deuxième partie aborde l’argument d’efficacité et notamment le fait que les barèmes tendent à augmenter la sévérité des sanctions (ou plus généralement à aligner les sanctions sur les préférences sociales), accroissant ainsi la dissuasion à commettre un acte répréhensible mais conduisant en contrepartie à une perte de pouvoir des juges, d’autant plus grande que le barème sera doté d’un caractère impératif. L’impact des barèmes sur les réactions des juges face à l’encadrement de leurs décisions, en termes de motivation et de stratégie de contournement, sera alors abordé. Enfin, la troisième partie est consacrée à l’avenir des barèmes face au développement de la justice prédictive.

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1.1. LA REDUCTION DE L’INCERTITUDE SUR LES DECISIONS DES JUGES

Les barèmes constituent une source d’information, partagée par les parties, leurs avocats et les juges, sur les décisions de ces derniers. Deux effets positifs sont attendus de la réduction de l’incertitude relative aux jugements : une plus grande équité des sanctions dans la mesure où comme le rappellent BOURREAU-DUBOIS & JEANDIDIER (2012), « l’équité est une conséquence mécanique d’un barème : à caractéristiques identiques, le montant fixé par le barème est identique (traitement égal des égaux) », et d’autre part, davantage de coopération entre les acteurs.

1.1.1. LES BAREMES, SOURCES D’EQUITE

Les barèmes, en dotant les juges de règles de calcul communes et de grilles de peine partagées, visent à rendre les sanctions plus équitables en ce sens qu’un même délit, une même infraction ou un même dommage doivent donner lieu à la fixation d’une même peine, d’une même amende ou d’un même montant de dommage et intérêt. Il s’agit ici d’une équité dite « horizontale » au sens où des affaires identiques doivent être traitées de manière similaire.

Or, dans la littérature d’économie du droit consacrée aux barèmes, leur impact sur l’équité des sanctions reste très discuté. Des études empiriques concluent en effet que la variabilité des décisions des juges aurait en réalité augmenté (WALDFOGEL, 1991 ; LACASSE & PAYNE, 1999) et que les juges continueraient d’être partiaux (SORENSEN et alii, 2012 ; BEKKERMAN & GILPIN, 2014). Enfin et de manière plus contre-intuitive, l’iniquité des barèmes pourrait être intrinsèque dès lors qu’ils seraient construits sur des critères qui ne prennent pas en compte toutes les dimensions qui permettraient un traitement équitable des parties (BRINIG & ALLEN, 2012).

A. Barème et variabilité accrue des décisions des juges

L’une des raisons à l’instauration de barèmes réside dans la volonté des décideurs publics de réduire la disparité des sanctions pour des affaires identiques, dans un souci d’équité horizontale. En matière de pension alimentaire, BOURREAU-DUBOIS et JEANDIDIER (2012) expliquent ainsi que l’équité entre enfants de familles distinctes contribue à justifier l’instauration de barèmes, dans la mesure où « à situation identique et en l’absence de propositions par les parties, deux enfants vivant dans deux familles distinctes se verront fixer le même montant de pension alimentaire (et par construction, les débiteurs des deux familles auront la même obligation) ».

Les études françaises sur la capacité des barèmes à atteindre cet objectif étant encore très (trop) rares, l’expérience étrangère en la matière peut s’avérer intéressante pour savoir si l’instauration d’un barème suffit à satisfaire l’objectif d’équité horizontale. En particulier, LACASSE & PAYNE (1999) se sont intéressés à l’instauration de barèmes (« guidelines ») dans le cadre du plaider coupable aux Etats-Unis, en 1987. Cette réforme du système pénal fédéral américain avait pour double objectif d’augmenter la durée moyenne des peines pour les crimes graves et d’éliminer la variabilité des sanctions décidées par les différents juges. Pour tester l’efficacité des barèmes dans la réalisation de ces deux objectifs, les auteurs ont collecté des données dans deux federal district courts de New York. L’une de

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leurs hypothèses de travail était plus particulièrement de vérifier que la variabilité des sanctions (peines de prison) attribuable aux juges avaient été éliminée par l’instauration des barèmes. Or, leur étude montre, une fois traités les biais de sélection liés aux caractéristiques des affaires4, des juges et des défendeurs, qu’au contraire, elle aurait augmenté. Plus précisément, le montant de variation attribuable au juge dans les décisions prises lors de procès était de 4% avant la réforme et comprise entre 5 et 13% après la réforme, selon le type de crime et le tribunal5. En conséquence, le barème est probablement insuffisant pour éliminer toute variabilité dans les sanctions entre juges, ces derniers conservant une marge de pouvoir discrétionnaire, même en présence de barèmes impératifs. Dans le cas de cette étude, les auteurs estiment que les juges peuvent en effet être sensibles aux remords de l’accusé ou apprécier différemment les éléments de preuve6.

D’autres études semblent plaider en faveur d’une réduction de l’iniquité grâce aux barèmes, mais d’une manière toute relative. En effet, ARGYS et alii (2001) estiment, toujours aux Etats-Unis et à propos des pensions alimentaires pour enfants, que l’instauration d’un barème en matière de pension alimentaire aurait réduit de manière significative l’iniquité horizontale en limitant la possibilité pour les juges de fixer un montant très éloigné du montant standard. Cependant, leur étude montre surtout que si les lignes directrices ont réduit la disparité des pensions, c’est parce qu’elles ont supprimé les points aberrants, plutôt que par l’égalisation des pensions sur l’ensemble de distribution. Ils concluent finalement que « leurs résultats suggèrent que l’adoption de lignes directrices réduit le risque de montants extrêmes dans certains cas, mais ne semble pas améliorer l’équité horizontale pour l’ensemble des familles » (p. 246).

Il apparaît à la lecture de ces études empiriques que le débat n’est pas tranché pour savoir si les barèmes réduisent ou pas la disparité entre juges et peuvent donc être perçus comme des outils d’équité horizontale à disposition de la justice. S’il est évident que les systèmes juridiques américains et français diffèrent à de nombreux égards, l’obtention de résultats contradictoires et contestables en termes de pertinence du cadre juridique mais aussi d’échantillonnage sont une invitation à développer des études empiriques dans le cadre du droit français, à l’instar des études proposées dans ce rapport. Il est également important de noter que les travaux cités ici sont relativement anciens et que les méthodes économétriques ont depuis fortement évolué, permettant notamment de mieux traiter les problèmes de biais de sélection. Leur utilité réside donc exclusivement dans l’interrogation qu’ils posent sur la réalité d’une justice équitable parce que barémisée et sur la capacité de cet outil à intégrer toutes les dimensions d’une décision de justice pouvant impacter l’équité

4 Les biais de sélection dont il est question résultent du fait que certaines affaires dotées de certaines caractéristiques, ou

certains types de défendeurs (revenu moyen, âge, etc.) ou encore certains juges ont davantage de chances de donner lieu ou de recourir à une procédure de plaider coupable que d’autres. 5 WALDFOGEL (1991), sur la base d’une étude empirique portant sur trois districts fédéraux, parvient à la même conclusion

que LACASSE & PAYNE (1999), selon laquelle les « guidelines » ne réduiraient pas la disparité inter-juges. 6 En matière de pension alimentaire où le barème est indicatif, on peut également penser que les juges accordent un degré

de confiance différent aux éléments de revenu qui leur sont apportés ou ont une perception différente de la situation familiale, reposant sur des éléments pris en compte dans le barème mais laissant au juge une marge d’appréciation. Il n’est alors plus certain que l’iniquité horizontale disparaisse du fait de l’instauration de barèmes. En matière prud’homale, le barème est impératif mais il semble que l’on observe des comportements d’évitement, les demandeurs évoquant à titre principal d’autres causes de licenciement, notamment la nullité du licenciement, et à titre subsidiaire le licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’objectif d’homogénéisation des décisions pourrait s’en trouver compromis.

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horizontale. Ils posent en cela la question de la constitution même des barèmes (1.1.3), des éléments pris en compte, de la façon dont l’information est incluse puis traitée (1.1.2).

B. Une absence d’impartialité des juges

Les études présentées précédemment interpellent sur la capacité des juges à maintenir une part de pouvoir discrétionnaire malgré l’instauration de barèmes, même lorsqu’ils sont impératifs. Cela sous-entend que les juges eux-mêmes peuvent être des facteurs d’iniquité horizontale, parce que consciemment ou non, ils intègrent dans leur jugement des éléments subjectifs qui ne devraient pas entrer dans les déterminants de la décision. De précédents travaux sur le cas français en matière de pension alimentaire et avant l’instauration de barèmes (JEANDIDIER & RAY, 2006 ; JEANDIDIER et alii, 2012) avaient montré économétriquement que des décisions de justice de première instance ou d’appel prises sans barème, sont potentiellement entachées de soupçons d’iniquité. Plus précisément, des différences significatives apparaissent, toutes choses égales d’ailleurs, entre les montants de pension alimentaire selon des critères qui ne peuvent pas être considérés comme des facteurs explicatifs du coût de l’enfant ou de son partage entre parents (effet négatif du fait de bénéficier de l’aide juridictionnelle, effet positif de la représentation par un avocat pour le parent créancier, effet négatif lorsqu’il s’agit d’enfants naturels, effet positif lorsque la fratrie est majoritairement constituée de garçons). Plus généralement, la question se pose alors de savoir si les barèmes suffisent à éliminer l’influence de certains facteurs, sources d’iniquité. C’est l’objet de travaux récents menés par SORENSEN et alii (2012) d’une part et BEKKERMAN & GILPIN (2014) d’autre part.

SORENSEN et alii (2012) se demandent dans quelle mesure les barèmes empêchent les juges de prendre des décisions en fonction des caractéristiques personnelles des défendeurs (genre, race, etc.) alors même que celles-ci ne sont pas incluses dans les critères de décision pris en compte par le barème, voire sont prohibés. Ils considèrent des barèmes indicatifs auxquels les juges se conforment afin de moins s’exposer à d’éventuels recours. Ils développent un modèle théorique où le juge cherche à maximiser une fonction d’utilité par rapport à une sentence idéale, sous contrainte de coûts. La sentence optimale, qui maximise l’utilité du juge, est ainsi fonction de la sentence idéale (qui dépend des caractéristiques de l’affaire et du défendeur) mais aussi du fait que le juge s’éloigne plus ou moins des sentences minimale et maximale du barème. Les auteurs cherchent alors à estimer dans quelle mesure l’écart entre les sentences attendues moyennes entre deux groupes (définis par la race ou le genre) s’explique par les caractéristiques des affaires, le résidu étant supposé résulter des préférences des juges. Ils réalisent une étude empirique sur données américaines qui montre que, toutes choses égales par ailleurs, les juges sanctionnent moins sévèrement les femmes et plus sévèrement les hommes noirs, relativement aux hommes blancs. Leur étude est confirmée par REHAVI & STARR (2014) qui montrent que « dans le système fédéral, plus de la moitié de la différence de peine noir-blanc inexpliquée par l’arrestation et les caractéristiques antérieures du délinquant peuvent être expliquées par les décisions relatives à la mise en accusation initiale, en particulier la décision des procureurs de porter des accusations comportant une « peine minimale obligatoire »7. Or,

7 D’après les auteurs, « toutes choses étant égales par ailleurs, les personnes arrêtées de couleur noire ont beaucoup plus

de chances d’être mises en accusation avec une peine minimum obligatoire : 7,5% pour le détenu blanc moyen, contre 12,4% pour un détenu noir comparable » (p. 1336).

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imposer une peine minimale constitue un moyen de pression important sur le juge pour qu’il impose une peine plus lourde.

BEKKERMAN & GILPIN (2014) s’intéressent pour leur part aux sanctions disciplinaires dans les établissements scolaires qui sont encadrées par des lignes directrices assimilables à des barèmes. Ils montrent que d’une part, les sanctions sont plus sévères dans les établissements accueillant une majorité de lycéens hispaniques ou noirs (même si les disparités se sont estompées dans les états qui obligent les établissements à appliquer les lignes directrices pour les délits graves) et d’autre part, que l’application de barèmes augmente les disparités fondées sur la race pour les délits mineurs et accroît la sévérité des sanctions pour les délits graves. Ils ajoutent que les disparités en défaveur des noirs et des hispaniques ne sont pas réduites lorsque les taux de sanction et leur sévérité sont accrues pour les autres étudiants. En d’autres termes, l’iniquité se maintient même lorsque l’échelle des sanctions augmente pour l’ensemble des individus concernés.

S’il ne s’agit pas, là encore, de transposer directement ces résultats à l’ensemble des domaines où des barèmes s’appliquent, il peut être intéressant de se questionner sur la capacité des barèmes à gommer toutes les sources d’iniquité, y compris les plus subjectives et les plus discutables. Cependant, une telle démarche empirique nécessite de disposer de données personnelles (sur les accusés notamment comme le genre, la race, etc.), dont nous ne disposons pas dans le cas français, souvent pour des questions éthiques. L’analyse ne peut en effet porter que sur des caractéristiques observées et présentes dans les décisions de justice (par exemple pour les pensions alimentaires : sexe et âge des enfants, niveau de revenus, lieu de résidence, etc.). Les questions de discrimination potentielle ne peuvent donc pas être abordées dans le cas français comme elles peuvent l’être aux Etats-Unis notamment.

Les barèmes, comme nous venons de le montrer, semblent ne pas pouvoir gommer toutes les sources d’iniquité dans les décisions des juges. Pour prolonger notre analyse, nous proposons de réfléchir au fait qu’ils pourraient eux-mêmes générer de l’iniquité, en particulier de par la façon dont ils sont construits. L’iniquité serait alors intrinsèque au barème.

C. Une iniquité intrinsèque aux barèmes

Le fait que les juges puissent inclure dans leur décision des éléments non intégrés dans le barème est source d’iniquité extrinsèque au sens où l’élément à l’origine du traitement inéquitable ne dépend pas du barème. A celle-ci peut s’ajouter une iniquité intrinsèque, liée à la construction même du barème. Autrement dit, le barème serait par construction inéquitable parce que ses éléments constitutifs ne traitent pas les parties prenantes de la même manière. C’est ce que dénoncent BRINIG & ALLEN (2012) dans un article consacré aux barèmes dans les procédures de divorce et dans lequel ils expliquent que les barèmes sont inéquitables pour le parent non-gardien. Il ne s’agit donc plus ici d’iniquité entre affaires similaires, mais d’une iniquité entre des parties impliquées dans une même affaire. Plus précisément, dans les barèmes de pension alimentaire pour enfant, ce-dernier est perçu uniquement comme un coût, induisant un transfert de richesse du parent non-gardien vers le parent gardien. C’est d’ailleurs ce que l’on retrouve dans BOURREAU-DUBOIS et JEANDIDIER (2012), qui expliquent que l’équité d’un barème, au-delà de l’équité entre affaires,

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« concerne les parents d’une même famille ; pour eux, l’équité est le fruit de l’application d’un principe de proportionnalité : la contribution de chaque parent à l’entretien et à l’éducation de l’enfant est proportionnelle à leurs ressources individuelles respectives (le coût absolu de l’enfant est partagé proportionnellement, ce qui peut aboutir à ce qu’un parent débiteur peu fortuné ait à verser une petite pension alimentaire à un parent créancier très riche), compte tenu de leur implication respective dans la garde de l’enfant (estimée en temps). Or, pour BRINIG & ALLEN (2012), l’enfant a une valeur qui ne dépend pas du seul fait d’être parent mais plutôt du fait de pouvoir exercer sa parentalité (relation quotidienne). Or, aucun barème ne considère la garde de l’enfant comme un gain pour le parent gardien. Autrement dit, le temps passé avec son enfant procure un gain d’utilité dont il devrait être tenu compte dans les bénéfices attendus de la garde de l’enfant, en déduction des coûts générés par la domiciliation de celui-ci. Les auteurs insistent également sur le fait que seul le parent gardien décide de la façon dont il dépense le transfert de revenu, sans que le parent non-gardien n’ait son mot à dire. Or, une fois les besoins de l’enfant satisfaits, rien ne prouve que l’argent éventuellement restant soit utilisé au bénéfice de l’enfant et s’il l’est, rien ne garantit que cette dépense corresponde aux souhaits du parent débiteur (celui-ci pourrait par exemple préférer que la dépense porte sur un livre plutôt que sur un jeu vidéo). Enfin, les auteurs analysent deux types de barèmes différents (correspondant à ceux appliqués dans les Etats américains : « pourcentage of obligator income » et « income shares models ») et concluent que certains sont plus incitatifs pour le parent-gardien à demander le divorce, ce qui constitue là encore un facteur d’iniquité (l’idée étant que le barème, par la manière dont il est conçu, peut, à la marge, inciter des parents gardiens à divorcer afin de capturer le transfert de richesse organisé par le barème). L’ensemble de ces facteurs auraient alors eu pour conséquence d’accroître le montant des pensions alimentaires (relativement aux montants observés avant l’instauration des barèmes), au bénéfice des parents gardiens. Là encore, une analyse comparative appliquée au cas français permettrait de juger de la pertinence de ces arguments, en France tout au moins.

Les barèmes ont pour objectif de réduire l’incertitude sur les décisions des juges. Une conséquence immédiate, voire mécanique, de leur instauration est donc la réduction de l’iniquité horizontale des décisions. Nous avons cependant montré que cela n’est pas toujours le cas, des disparités étant toujours observées dans certains domaines et pour certaines juridictions. Ces disparités peuvent être dues aux juges eux-mêmes et au fait que le barème laisse une part de discrétion dans la décision (iniquité extrinsèque) mais aussi aux barèmes eux-mêmes par la façon dont ils sont conçus et les éléments qu’ils prennent en compte (iniquité intrinsèque).

Après avoir évoqué le fait que la réduction de l’incertitude sur les jugements permise par les barèmes a des conséquences sur l’équité des jugements, nous proposons d’évoquer une autre de ses conséquences : la facilitation de la négociation dans la mesure où ils fournissent une référence commune aux parties. Dans une optique d’efficacité désormais, et non plus d’équité, on peut penser qu’en permettant une plus grande prévisibilité des sanctions, les barèmes peuvent accroître la coopération entre les parties, qu’ils s’agissent de couples en instance de divorce, d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’une procédure de plaider-coupable.

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1.1.2. L’INCITATION A COOPERER DAVANTAGE

Les travaux menés en économie des conflits, qu’ils s’agissent des modèles fondés sur les biais d’optimisme des parties ou sur l’utilisation stratégique d’informations privées, mettent en avant l’importance de l’information et donc de l’anticipation des décisions dans le mode de règlement des conflits : arrangement amiable/plaider-coupable ou procès. Les barèmes, parce qu’ils rendent les décisions plus prévisibles, sont donc susceptibles de favoriser la coopération. Néanmoins, on peut se demander si la nature du barème, indicatif ou impératif, n’est pas également un élément déterminant de l’efficacité du barème en termes de coopération.

A. Des barèmes pour faciliter les négociations

THALER & SUNSTEIN (2010) dans leur célèbre ouvrage « Nudge », s’intéressent très brièvement aux barèmes ; ils plaident en faveur de leur instauration en matière de divorce, l’objectif étant de fournir un ancrage, un ordre de grandeur aux époux pour qu’ils puissent mieux anticiper la décision du juge et trouver un accord. Dans le même ordre d’idées, BARTHELEMY & CETTE (2015), avant l’instauration d’un barème impératif dans le cas des licenciements sans cause réelle et sérieuse en 2016, expliquaient que « pour faciliter la négociation, l’idée d’un barème est bonne, mais encore faut-il que les juges l’exploitent réellement pour forcer davantage au compromis » (p. 108) et d’ajouter « le dispositif du projet de loi Macron, consistant à fournir aux juges un barème indicatif, est toutefois de nature à favoriser le règlement des litiges dès la conciliation » (p. 141).

L’argument est simple : un barème signifie plus de transparence, donc plus de prévisibilité facilitant ainsi la coopération. A l’inverse, lorsque le jugement est incertain, comme c’est plus souvent le cas en l’absence de barème, les attentes des parties tendent plus facilement à diverger. On pourrait donc penser qu’il peut être utile de limiter le pouvoir discrétionnaire des juges pour faciliter la coopération. Mais on peut également penser que, si les parties n’aiment pas le risque (aversion pour le risque) ou sont plutôt pessimistes sur le jugement attendu, plus l’incertitude sur le jugement est grande et plus elles vont être incitées à négocier pour échapper au risque du procès. Dès lors, la question se pose de savoir si les barèmes, en réduisant l’incertitude, incitent ou au contraire désincitent à la coopération.

DEFFAINS & LANGLAIS (2006) apportent une réponse en comparant l’impact des barèmes indicatifs et impératifs sur la coopération des parents, relativement à la pension alimentaire en cas de divorce. En effet, un barème indicatif laisse une marge de manœuvre au juge qui peut décider de s’en écarter (il reste donc une marge d’incertitude) tandis qu’un barème impératif contraint le juge dans sa décision (la règle de calcul est connue donc la décision est prévisible). Les auteurs construisent un modèle théorique de décision où ils introduisent une asymétrie d’information entre les parents et le juge (et pas entre les parties comme c’est traditionnellement le cas en économie des conflits). Leur résultat contredit l’idée selon laquelle plus de certitude permet plus de négociations. En effet, ils montrent que c’est au contraire l’incertitude sur la décision des juges qui va inciter les parents à négocier, s’ils ont de l’aversion pour le risque ou sont pessimistes, car l’arrangement permet justement aux parents pessimistes/averses au risque d’échapper au risque. En conséquence, un barème indicatif (risque) est préférable à un barème impératif (certitude) si l’on souhaite

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favoriser la coopération dès lors que les parties ont de l’aversion pour le risque ou sont pessimistes. L’introduction de barèmes indicatifs serait donc préférable si l’objectif poursuivi est d’accroître la coopération entre les parties. Plus largement, le modèle de Deffains et Langlais interroge sur le fait de savoir si c’est le risque qui incite les parties à négocier et dans ce cas, le barème parce qu’il le réduit (surtout s’il est impératif) est défavorable à l’arrangement ou si c’est au contraire la certitude qui permet l’arrangement, auquel cas le barème en fournissant de l’information aux parties encourage les accords amiables.

B. Des barèmes obstacles à la négociation ?

Le fait qu’un barème indicatif soit plus favorable à la négociation qu’un barème impératif nous amène à nous demander si le barème n’est pas plutôt un obstacle à la négociation dès lors que nous considérons qu’elle est encouragée par l’incertitude et que le barème contribue à la faire disparaître. La certitude que permet le barème, au lieu de servir de référence à l’accord, pourrait alors nuire à l’arrangement dont l’objectif est surtout d’échapper à un risque. Les travaux menés sur la procédure de plaider coupable en matière criminelle, dont l’objectif, au-delà de l’économie de coûts de procès, est de permettre à l’accusé d’échapper au risque du procès, permettent d’obtenir un éclairage intéressant.

Les modèles de plaider coupable avancent généralement l’hypothèse que c’est le risque du procès qui va inciter l’accusé à plaider coupable afin d’obtenir une peine certaine plutôt que de risquer un jugement aléatoire. En conséquence, le barème, parce qu’il rend le jugement plus prévisible, devrait désinciter l’accusé à plaider coupable. TAHA (2001) s’est intéressé à cette question et montre que le taux de plaider coupable augmente après l’instauration des barèmes, contrairement aux prévisions des modèles théoriques fondés sur l’aversion au risque (c’est la peur du risque qui incite à plaider coupable) ou de signal (les innocents refusent de plaider coupable et se « signalent » ainsi comme innocents). Ce résultat reste néanmoins statistiquement fragile de sorte qu’il n’est pas certain que plus de certitude (et donc moins de risque) conduirait à plus d’accords ; ce résultat ne suffit donc pas à contredire la conclusion théorique à laquelle parviennent DEFFAINS & LANGLAIS (2006) dans le cas du divorce, dans laquelle ils montrent que c’est au contraire l’incertitude qui incite à l’accord. Poursuivant ses investigations, TAHA (2001) montre qu’en réalité, l’augmentation du taux d’accord est liée au fait que les procureurs, après l’instauration des lignes directrices, ont réduit les charges dans l’étape préalable aux poursuites devant le juge. Autrement dit, les accusés plaident davantage coupables parce que les procureurs, en accord avec les avocats de la défense, diminuent les charges retenues contre eux pour favoriser l’arrangement, de sorte que le barème est contourné, les juges se retrouvant face à des charges plus faibles retenues par les procureurs. Ce n’est alors pas l’effet certitude qui accroît les incitations à négocier mais la manipulation du barème pour conduire à des peines plus faibles. La négociation est donc bien encouragée par la certitude, mais la certitude d’avoir une peine réduite basée sur des charges réduites de sorte à se situer sur la partie du barème correspondant à des peines plus faibles.

Il paraît en définitive difficile de savoir si le barème encourage la négociation en donnant aux parties une base de négociation fiable fondée sur des informations partagées ou s’il constitue plutôt à obstacle à l’arrangement parce qu’il élimine le risque auquel les parties veulent échapper. Un éclairage théorique peut être apporté dans le cas bien particulier du plaider-coupable américain. REINGANUM (2000) montre en effet, par un modèle

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théorique dit « de signal », que la probabilité de plaider coupable ne devrait pas être impactée par l’introduction des lignes directrices (tandis qu’au contraire, les peines prononcées diffèrent). L’auteure propose plus précisément un modèle de théorie des jeux dans lequel une commission de jugement peut ex ante imposer l’application du barème ou au contraire s’en remettre à la décision du juge lorsque la procédure de plaider-coupable échoue. Dans ce modèle, l’asymétrie d’information porte sur le degré de gravité du crime, connu seulement du criminel (parce qu’il est seul à connaître parfaitement sa véritable implication dans l’activité criminelle, son histoire criminelle antérieure et ses caractéristiques propres). A l’inverse, le procureur connaît uniquement la distribution a priori de l’infraction et des caractéristiques du délinquant ainsi que la distribution a priori des peines en cas de jugement. Le pouvoir de négociation est donc dans les mains de l’accusé puisque c’est lui qui fait l’offre que le procureur accepte ou rejette (d’où le nom de modèle de signal). En cas de refus, l’affaire est portée devant le tribunal qui est supposé recevoir un « signal » qui peut être « informatif » ou « non-informatif » sur la gravité du cas et les caractéristiques de l’accusé. S’il l’est, le tribunal, qu’il soit soumis à un barème ou libre de sa décision, impose la sanction « idéale » correspondant à ce type d’affaires. S’il ne l’est pas, alors la sanction diffère selon le régime choisi ex ante par la commission : barème ou discrétion du juge. Au final, trois résultats théoriques sont obtenus. D’abord, la proposition de l’accusé est une fonction croissante de la gravité du crime et de la sanction anticipée si le signal est « non-informatif » (sanction qui correspond soit au barème soit à la sanction anticipée du juge selon l’option choisie par la commission) de sorte qu’un accusé qui anticipe une sanction plus élevée formulera une proposition également plus élevée. Ensuite, la probabilité de procès à l’équilibre est une fonction décroissante de la vraie gravité du crime et est indépendante de la sanction anticipée ; en d’autres termes, les affaires de gravité supérieure ont plus de chances d’être résolues par un plaider-coupable. Enfin, la sentence optimale telle que spécifiée dans le barème est supérieure à la sentence optimale du tribunal lorsque la sentence est laissée à la discrétion du juge. Cela s’explique par des questions de timing et des problèmes d’asymétrie d’information : la commission décide ex ante, avant le début de la procédure de plaider-coupable, de laisser ou non sa liberté au juge dans le prononcé du jugement de sorte ; elle doit donc décider de la procédure avant que l’information ne soit disponible puisqu’elle est révélée par la procédure de plaider coupable qui opère une sélection parmi les accusés, ceux ayant commis les délits plus graves étant davantage incités à plaider-coupable. Pour l’auteure, ces résultats sont conformes à l’observation, notamment le second qui implique que la probabilité attendue de procès est indépendante de l’option choisie par la commission ce qui est compatible avec le fait que le barème n’a pas d’influence sur le taux de plaider-coupable des accusés. En d’autres termes, dans le cas présent, le barème n’aurait pas d’influence sur la négociation.

Les barèmes ont pour objectif premier de réduire l’incertitude, ce qui peut avoir un effet positif en termes d’équité mais aussi de négociation. Or, les résultats auxquels parviennent les auteurs ne sont pas tranchés, ni sur l’une, ni sur l’autre. En conséquence, il n’est pas certain que les barèmes conduisent à des décisions plus justes au regard de l’équité horizontale ; elles ne peuvent l’être que sur les éléments pris en compte par le barème, celui-ci étant susceptible d’ignorer des éléments pris en compte par les juges lorsqu’ils ne sont pas contraints ou qui vont les conduire à adapter l’usage du barème. Il n’est pas non plus certain que les barèmes modifient le taux d’arrangement notamment parce que l’incertitude est source de compromis lorsque les parties ont de l’aversion pour le

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risque ou sont pessimistes. Nous proposons maintenant de nous intéresser au second objectif affiché des barèmes qui est l’augmentation de la sévérité des sanctions, avec les conséquences que cela implique en termes de réduction du pouvoir discrétionnaire des juges.

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1.2. L’AUGMENTATION DE LA SEVERITE DES SANCTIONS ET LA PERTE DE POUVOIR DES JUGES

L’un des arguments mis en avant pour justifier l’instauration des « guidelines » en matière criminelle aux Etats-Unis réside dans la volonté d’obliger les juges à prononcer des peines plus lourdes, avec pour conséquence directe de réduire leur pouvoir discrétionnaire. Nous proposons, dans un premier temps, de vérifier que les « guidelines » ont effectivement atteint leur objectif en matière de sévérité des sanctions pour étudier, dans un second temps, la réaction des juges face à cette limitation de leur pouvoir discrétionnaire.

1.2.1. L’AUGMENTATION DE LA SEVERITE DES SANCTIONS

L’objectif poursuivi aux Etats-Unis par le durcissement des sanctions via le barème est incontestablement un objectif dissuasif, l’idée étant celle défendue par BECKER (1968) que des sanctions plus sévères vont avoir un plus fort impact désincitatif puisqu’elles augmente les coûts attendus de l’activité illégale. Si cet argument mérite d’être vérifié empiriquement, il importe également de s’interroger sur l’équité verticale des sanctions, autrement dit, la capacité du barème à préserver une proportionnalité entre la gravité du délit/crime et la peine. En effet, s’il est exigé d’un barème qu’il satisfasse un objectif d’équité horizontale (des affaires similaires doivent conduire à des jugements identiques), il est également attendu qu’il tienne compte de l’équité verticale (des affaires de différentes doivent conduire à des jugements différents). Il peut alors être souhaitable d’associer au barème d’autres types de sanction.

A. Des sanctions plus dissuasives

En matière pénale, PAYNE (1997) rappelle que si l’on se réfère au modèle de crime de BECKER (1968), les barèmes, en réduisant la variance de la sanction, peuvent inciter les individus qui ont de l’aversion au risque à commettre plus de crimes/délits que sous un système où le juge conserve son pouvoir discrétionnaire. Pour ce type de personnes, c’est en effet le risque qui est désincitatif et tout dispositif visant à réduire le risque, réduit par là même l’effet désincitatif. En conséquence, les objectifs d’équité (même sanction pour des affaires similaires) et d’efficacité (effet désincitatif des sanctions à commettre un acte répréhensible) pourraient s’avérer contradictoires. Une façon de concilier les deux objectifs consiste à uniformiser les sanctions via le barème et à accroître leur sévérité en fixant au sein du barème, des sanctions plus élevées.

Aux Etats-Unis, l’un des objectifs des « guidelines » était justement de renforcer la dissuasion à commettre des crimes/délits, non pas directement par l’instauration de barème visant l’uniformité mais indirectement par le fait que les barèmes obligeaient les juges à fixer des sanctions plus sévères. Or, selon ANDREONI (1991), les jurys auraient peur de se tromper et de condamner un innocent de sorte que plus les peines sont sévères et moins ils condamnent. Des sanctions plus sévères (peines planchers) conduiraient alors à moins de condamnations et aurait donc un effet dissuasif plus faible. LACASSE & PAYNE (1999) proposent une étude empirique sur deux tribunaux, visant à tester l’impact des « guidelines » notamment sur la durée des peines. Ils concluent qu’il n’est pas certain que la durée des peines ait augmenté. Plus précisément, ils observent que la durée des peines de prison a bien augmenté lorsqu’il y a procès mais qu’il n’y a pas d’augmentation systématique

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équivalente dans les affaires ayant donné lieu à un plaider-coupable. L’effet dissuasif du barème pourrait donc s’en trouver amoindri.

PARKER & ATKINS (1999) aboutissent à la même conclusion après avoir montré empiriquement que les « guidelines » à caractère incitatif mises en place en matière de droit pénal des affaires (amendes), n’auraient pas eu d’impact sur le niveau moyen des sanctions et leur variabilité, ni sur la structure des peines (relation entre le dommage et la sanction). Ce dernier point conduit à s’interroger sur la capacité des barèmes à préserver la proportionnalité des sanctions relativement à la gravité des actes illicites commis.

B. Perte de proportionnalité des peines

L’objectif d’équité horizontale du barème ne doit pas occulter une seconde dimension de l’équité, verticale, en particulier si l’objectif du barème est de dissuader les auteurs potentiels d’actes répréhensibles les plus graves. Or, selon WALDFOGEL (1998), les « guidelines » auraient conduit à une uniformité excessive des décisions, affectant la proportionnalité entre peine et sanction. L’objectif des barèmes est en effet de réduire la disparité injustifiée en limitant la variabilité des sanctions. Mais ce faisant, ils peuvent nuire à la proportionnalité entre la peine et la sanction ou empêcher d’appliquer une sanction qui correspond mieux au crime. L’étude empirique menée par l’auteur montre que les réductions dans la disparité injustifiée permises par le barème ne compensent pas la perte en termes de proportionnalité, venant en cela nuancer les arguments en faveur de l’instauration de barème. Les barèmes élimineraient donc à la fois la bonne (disparité inter-juges) et la mauvaise (disparité inter-affaires) disparité, sauf à ce qu’ils intègrent toutes les caractéristiques de l’affaire mais aussi du mis en cause, pertinentes pour établir la sanction. En d’autres termes, le problème des barèmes serait l’uniformité, pas la variabilité (SCHULHOFER, 1992).

Cette réserve justifie le fait qu’aucun barème n’ait été instauré pour les licenciements pour cause abusive où l’indemnisation au cas par cas garantit l’évaluation individualisée du préjudice, donc de la gravité de l’affaire8 ; elle s’applique également au barème impératif mis en place dans les tribunaux prud’homaux en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse parce qu’elle conduit à une uniformisation des indemnités, incitant les demandeurs à invoquer d’autres motifs à titre complémentaire voire principal. Un moyen de sortir de l’uniformité consiste en effet à associer à la sanction prévue par le barème, d’autres sanctions complémentaires qui laissent au juge une partie de son pouvoir discrétionnaire.

C. Barèmes et sanctions complémentaires

KAHAN & POSNER (1999) s’interrogent sur la possibilité de coupler des sanctions non monétaires fondées sur la réputation (honte) aux « guidelines », dans les cas de criminalité en col blanc. Ils montrent que ce type de sanction serait compatible avec l’objectif

8 Ainsi, dans leur rapport « Réformer le droit du travail », BARTHELEMY & CETTE (2015) précisent, à propos du barème : « On

peut raisonnablement s’interroger sur la constitutionnalité d’une telle construction législative en raison du droit à réparation intégrale du préjudice subi. À cette interrogation légitime on peut toutefois opposer la nécessaire distinction entre l’absence de cause sérieuse, création du législateur et à ce titre pouvant peut-être faire l’objet d’un barème, et le licenciement abusif par lequel la réparation intégrale s’impose » (p. 136) et d’ajouter « Il serait plus prudent, comme nous le proposons, de distinguer l’absence de cause sérieuse pour laquelle le forfait barémisé peut se concevoir et le licenciement abusif où resterait en vigueur la réparation intégrale du préjudice » (p. 143).

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d’uniformité inhérent aux lignes directrices tout en préservant le caractère dissuasif des sanctions. L’instauration de « guidelines » pour ce type de délits a en effet conduit à substituer des peines de prison aux amendes, sans effet sur la dissuasion. Les auteurs défendent alors l’idée que les lignes directrices peuvent conserver leur utilité, à condition de coupler un autre système de sanction reconnu pour son caractère dissuasif. La sanction « complète » reposerait alors sur deux éléments : une composante réputationnelle (fondée sur la honte) qui consisterait en une publicité stigmatisante sous la forme d’une annonce dans les médias, payée par le défendeur et détaillant la nature de l’infraction commise, la nature de la peine infligée et les mesures prises pour empêcher la répétition d’infractions similaires et une composante monétaire sous forme d’amende (sauf dans les cas les plus graves où la prison s’impose) qui varierait en fonction de la gravité du crime, conformément aux critères énoncés dans les lignes directrices. Ce type de sanctions n’introduirait en outre pas de tension entre des sanctions réputationnelles, plutôt individualisées, et l’objectif d’uniformité des peines poursuivis par le barème en vertu de l’équité horizontale. Les sanctions réputationnelles sont effectivement exposées à un risque élevé de disparité entre juges car elles reposent sur leur appréciation par le juge des faits et du contexte et donc laisse une grande latitude à leur pouvoir discrétionnaire, sauf si elles consistent en des sanctions de type « publicité stigmatisante » où le pouvoir discrétionnaire du juge se limite à décider du média et du format de la publicité, comme le préconisent les auteurs. Ici, la justification de la sanction réputationnelle repose sur son caractère stigmatisant et donc dissuasif, identique à celui de l’emprisonnement (au moins pour les cas les moins graves) mais permettant une économie de coûts à la société. Elle viendrait ainsi utilement compléter l’amende qui est souvent perçue par le délinquant comme le prix à payer pour son comportement et ne présente donc pas le même effet dissuasif. En d’autres termes, généraliser l’idée de KAHAN et POSNER reviendrait à accepter que si l’objectif du barème est l’uniformisation des décisions en vertu de l’équité horizontale, l’objectif de dissuasion et plus généralement d’efficacité, peut conduire à lui associer d’autres décisions qui laissent de la place au pouvoir discrétionnaire du juge. De cette manière, il semble possible de préserver la bonne disparité, tout en réduisant la mauvaise.

L’instauration de barèmes peut se justifier par la volonté de donner de la sécurité et de l’information aux parties afin de faciliter la négociation mais peut aussi avoir pour objectif d’uniformiser les sanctions, éventuellement dans le sens d’une plus grande sévérité. Dans les deux cas, les études empiriques conduisent à des résultats contradictoires qui ne permettent pas de trancher sur l’effet des barèmes en termes de négociation ou de sévérité des sanctions. Mais dans les deux cas, le pouvoir discrétionnaire des juges se trouve réduit. Face à cela, des études montrent que les juges peuvent adopter des comportements différents, de résistance ou de coopération.

1.2.2. LA PERTE DE POUVOIR DES JUGES

Face à l’instauration de barèmes, les juges peuvent développer différents comportements en fonction de leur motivation à se conformer au barème. Ils peuvent plus précisément résister ou s’adapter stratégiquement. Mais l’instauration de barème, en particulier dans un système de hiérarchie juridique où interviennent plusieurs acteurs, peut également modifier l’expression des pouvoirs des juges. Enfin, le comportement des juges face au barème peut aussi être un indicateur de l’idéologie à laquelle ils adhèrent. La

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question est donc celle de l’impact du barème sur la façon dont les juges envisagent leur pratique.

A. Perte de motivation, résistance ou coopération stratégique ?

L’instauration d’un barème, surtout s’il est doté d’un caractère impératif, a pour conséquence immédiate de contraindre la décision des juges et donc de limiter leur souveraineté décisionnelle. Ceci peut être ressenti comme une perte de pouvoir qui va engendrer des réactions différentes selon les juges.

Plusieurs auteurs se sont plus particulièrement intéressés aux motivations des juges à exercer leur activité et certains insistent d’une part sur les différentes dimensions de leur pouvoir, d’autre part sur l’alignement des sanctions sur leurs préférences. Pour mieux comprendre l’impact du barème, il est alors utile de voir quels sont les éléments identifiés dans la littérature en économie du droit qui entrent dans la fonction d’utilité des juges c’est-à-dire dans la valeur qu’ils donnent à leur travail. Ainsi, LANDES & POSNER (1980), dans le cadre du système jurisprudentiel américain de common law, montrent que les juges, face à l’absence de reconnaissance salariale, cherchent plutôt à maximiser leur pouvoir entendu comme le nombre de fois où ils sont cités par d’autres juges. POSNER (1996) suppose également que l’utilité des juges fédéraux dépend du revenu, du pouvoir, du prestige, des loisirs et de l’excitation intellectuelle. Selon KORNHAUSER (2000), les juges sont sensibles au respect de la loi, à leur pouvoir, au fait d’être cités, à leur réputation, et à leur charge de travail. De même, HIGGINS & RUBIN (1980) estiment que les juges ont des préférences en matière de pouvoir discrétionnaire mais aussi de richesse au sens où rendre des décisions qui ne sont pas renversées augmente leurs chances de promotion dans une juridiction supérieure. Enfin, REINGANUM (2000) suppose que les juges ont des préférences par rapport à la peine infligée à l’accusé : les juges auraient en tête une peine idéale et préfèreraient les peines les plus proches de celle-ci. Dans le même ordre d’idées, MICELI (2004) rappelle que si le pouvoir discrétionnaire des juges leur permet d’adapter leur jugement aux caractéristiques particulières de l’affaire, il leur permet aussi de prendre des décisions conformes à leurs propres préférences. La question est alors de savoir si les barèmes peuvent affecter la satisfaction des juges au travail, d’une part parce qu’ils limitent leur pouvoir discrétionnaire mais aussi parce qu’ils peuvent imposer des peines différentes de la peine considérée par le juge comme idéale pour l’affaire en question.

BOYLAN (2004) s’est plus particulièrement intéressé aux conséquences de l’instauration de barèmes sur les choix d’activité des juges américains. Il propose d’étudier les choix d’activité des juges fédéraux en âge de prendre leur retraite, ceux-ci pouvant opter pour continuer une activité à plein temps, prendre un emploi de juge senior représentant une charge de travail de 25% par rapport à celle d’un juge à temps plein pour un salaire identique ou prendre leur retraite9. Il pose alors l’hypothèse que si les barèmes réduisent la satisfaction des juges au travail, le nombre de juges admissibles à la retraite qui choisissent de continuer à exercer à plein temps devrait diminuer avec l’instauration des « guidelines » au niveau fédéral. Il explique que les « guidelines » ont notamment réduit le pouvoir des juges de district américains avec des peines plus élevées que celles qu’ils considéraient

8 Le fait que certains juges restent à temps plein tend à montrer que la satisfaction des juges ne passe pas seulement par

leur rémunération mais par d’autres éléments.

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comme idéales et accru le nombre de décisions susceptibles d’être portées en appel. Les lignes directrices seraient donc à l’origine de deux sources d’insatisfaction pour les juges10. Son étude permet de conclure que les lignes directrices ont incité les juges à choisir plus rapidement un statut de juge senior : plus précisément, les juges des tribunaux de district choisissent de devenir senior en moyenne 0,4 ans après qu’ils soient devenus éligibles, contre 3 ans avant l’instauration des « guidelines ».

Si l’étude de BOYLAN (2004) confirme le fait que l’instauration de barèmes réduit la satisfaction au travail des juges en fin de carrière parce qu’ils contraignent leurs décisions, on peut également se demander comment les juges moins avancés dans leur carrière peuvent réagir pour contrer l’effet négatif des barèmes sur leur pouvoir décisionnaire. ALEXANDER et alii (1999) s’interrogent ainsi sur la réaction des juges face à l’instauration de barèmes et distinguent deux comportements possibles : d’une part, la résistance (les juges continuent de décider en fonction de leurs préférences) et d’autre part, la coopération qui peut être stratégique (accepter d’appliquer une réforme pour en éviter d’autres non-souhaitées dans le futur) ou résulter d’effets d’apprentissage (évolution des préférences des juges) ou de changements de normes (les juges appliquent les barèmes car ils correspondent à des changements qu’ils souhaitent eux-mêmes). Leurs résultats confortent le modèle coopératif (stratégie, apprentissages, nouvelles normes) car les amendes et les sanctions totales (amendes barémisées et autres sanctions) ont augmenté significativement avec les guidelines et les sanctions totales tendent à être plus élevées même quand le juge n’est pas contraint (notamment quand le caractère impératif du barème s’assouplit).

B. Substitution de pouvoir entre acteurs du système judiciaire

Certains travaux mettent en évidence une substitution de pouvoir entre acteurs du système judiciaire tandis que d’autres permettent de réfléchir à la façon de partager au mieux les objectifs d’équité (horizontale et verticale) et d’efficacité (dissuasion) poursuivis par la politique pénale notamment. Dans le premier cas, il s’agit de réfléchir à la façon dont une fois le délit commis et le mis en cause arrêté, les pouvoirs de décisions se répartissent entre le juge et le procureur. Dans le second cas, le débat porte sur les rôles respectifs du législateur et du juge entre la détermination d’une sanction dissuasive ex ante et la fixation d’une sanction adaptée à la gravité du crime et aux caractéristiques de l’affaire ex post.

L’article de TAHA (2001) porte plus spécifiquement sur les conflits de pouvoir entre le procureur et le juge. L’auteur distingue deux phases de négociation dans le cadre du plaider-coupable : avant et après la mise en accusation. Une fois la mise en accusation effectuée, le barème contraint la négociation du plaider-coupable donc réduit le pouvoir de négociation du procureur. Les procureurs/avocats de la défense vont donc agir ex ante, avant la définition des charges qui vont être retenues. La contrepartie d’une fréquence accrue de plaider-coupable serait donc la réduction des charges par les procureurs qui usent ainsi de leur pouvoir discrétionnaire.

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Selon Boylan (2004), les juges peuvent ne pas apprécier les « guidelines » pour deux raisons différentes : les juges peuvent ne pas apprécier la perte de souveraineté décisionnelle en raison du cadre fixé par le barème mais ils peuvent aussi ne pas être en accord avec les jugements prévus par le barème (peines excessives par exemple par rapport à la peine qu’ils estiment plus appropriée).

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MICELI (2004) pose quant à lui la question de l’interaction entre le législateur et les juges dans un processus séquentiel de décision, le législateur et les juges agissant à des moments différents (ex ante pour le législateur, ex post pour le juge) et ayant des opinions potentiellement divergentes sur la fonction sociale de la punition. Selon le modèle standard d’économie du crime proposé par BECKER (1968), l’objectif premier de la sanction est la dissuasion. Les sanctions sont donc définies dans le but de dissuader les délinquants potentiels, qui valorisent l’acte illégal davantage que le préjudice social qu’il induit. Les peines sont alors indépendantes des caractéristiques du délinquant et reflètent plutôt le coût social de l’acte illégal dans une perspective d’internalisation (aligner les coûts privés du délinquant sur le coût social de son acte). Mais d’autres éléments, notamment relatifs à l'équité (caractéristiques du délinquant, de l’affaire), peuvent également être intégrés dans la définition des peines. Le législateur semble alors mieux placé pour poursuivre l’objectif de dissuasion par la définition de sanctions ex ante, indépendantes des caractéristiques spécifiques du prévenu et de l’affaire, parce qu’elles vont servir de signaux aux délinquants potentiels pour les dissuader de réaliser certains actes illégaux. En revanche, les juges sont mieux à même de poursuivre l’objectif d’équité ex post parce qu’ils sont seuls en mesure de prendre en compte les circonstances particulières de l’affaire qu’ils ont à juger. Les lignes directrices peuvent alors être considérées comme pouvant réaliser un équilibre entre ces valeurs sociales concurrentes.

MICELI (2004) propose alors un modèle permettant d’étudier l’interaction entre le législateur et les juges dans la détermination des peines pénales. Cela revient à déterminer le degré optimal de discrétion judiciaire, en se focalisant sur les deux objectifs sociaux contradictoires associés à la sanction pénale (la dissuasion et l’équité des peines). L’auteur conclut que le système institutionnel de « guidelines » en matière pénale permet de combiner à la fois l’effort de dissuasion et le souci d’équité : une plus grande sévérité des peines imposée par les « guidelines » favorise la dissuasion en réduisant l’intervalle au sein duquel le juge peut fixer la sanction tout en lui laissant une marge de manœuvre pour tenir compte des spécificités de l’affaire. En d’autres termes, dissuasion et pouvoir discrétionnaire ne sont pas incompatibles dès lors que la poursuite de l’objectif de dissuasion ne contraint pas trop fortement les juges et leur laisse une possibilité d’ajustement.

L’alignement plus ou moins fort des décisions des juges sur le jugement prévu par le barème dépend comme nous l’avons vu, surtout dans le cas de barèmes indicatifs, de leur sensibilité aux spécificités de l’affaire et de leur volonté d’en tenir compte pour se rapprocher d’une décision qui leur semble juste dans le cas d’espèce qu’ils ont à traiter. Mais le comportement des juges face au barème, d’une manière plus générale et non plus à l’égard d’une affaire donnée, peut aussi dépendre de la façon dont ils conçoivent l’acte de juger et donc de leur idéologie.

C. Idéologie et barèmes

SCHANZENBACH & TILLER (2007) s’intéressent à l’influence de l’idéologie politique des juges et reviennent sur les débats qui ont conduit à l’instauration de barèmes aux Etats-Unis. La disparité inter-juges serait liée à l’idéologie politique : les démocrates estiment que les « guidelines » impliquent plus d’équité tandis que les républicains pensent que les « guidelines » conduisent à des sanctions plus sévères et plus dissuasives. TAHA (2000) explique, dans le même ordre d’idées, que « les directives ont été créées pour traiter ce que

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le Congrès estimait être des résultats indésirables du système fédéral de justice pénale. Beaucoup de conservateurs croyaient que le large pouvoir discrétionnaire des juges dans la détermination de la peine aboutissait à des peines trop indulgentes, tandis que de nombreux libéraux craignaient que ce pouvoir discrétionnaire ne conduise à une discrimination à l’encontre des défendeurs pauvres ou appartenant à une minorité ».

Les résultats de l’étude empirique de SCHANZENBACH & TILLER (2007) amènent à conclure que les sanctions dépendent des préférences des juges, que la durée des peines dépend de l’alignement entre la couleur politique du juge et celle du tribunal et que les juges utilisent les exceptions au barème pour s’en écarter, cette pratique dépendant de l’alignement entre la couleur politique du juge et celle du tribunal. Ainsi, par exemple, leur étude montre que la sensibilité politique a un effet significatif sur les peines d’emprisonnement moyennes, celles-ci étant inférieures d’environ 6,5 mois en moyenne si le délinquant est condamné par un démocrate plutôt que par un républicain.

Dans un autre article, FISCHMAN & SCHANZENBACH (2011) se demandent si le processus de contrôle des décisions des tribunaux de district impacte les décisions des juges par rapport au barème, selon que ce le contrôle s’effectue strictement ou « avec déférence ». Les auteurs observent que les juges démocrates sont plus indulgents que les juges républicains mais que les différences sont plus faibles lorsque le contrôle est strict. Ils en déduisent que les juges se sentent contraints par la perspective d’un contrôle de leur décision. Néanmoins, ils constatent que les juges nommés avant l’adoption des lignes directrices semblent moins sensibles à la fois à la contrainte du barème et au mode de contrôle de leur décision. Cette étude conforte l’idée que les juges s’efforcent, autant que possible, de préserver une marge de discrétion et ce, d’autant plus qu’ils ont eu une pratique antérieure au barème.

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1.3. QUEL AVENIR POUR LES BAREMES

Depuis peu, de nouveaux outils sont apparus sur le marché du droit qui sont susceptibles d’impacter profondément les pratiques tant des professionnels du droit que des juridictions (en considérant que ces outils ne sont pas – pour l’heure - directement accessibles pour les justiciables eux-mêmes). Un des enjeux importants concerne l’utilité même des barèmes dès lors que ces nouveaux outils offrent un potentiel de référent incontournable pour l’organisation de la justice. D’une manière générale, nous regrouperons ces outils sous le terme de « justice prédictive » même si le terme de « justice quantitative » serait sans doute plus adapté. La justice prédictive désigne en réalité un ensemble de techniques permettant d’évaluer la probabilité d’une décision de justice à partir des caractéristiques des décisions passées. Traduite littéralement de l’anglais, l’expression est trompeuse mais commode.

Il convient d’associer étroitement la justice prédictive au développement de l’intelligence artificielle et notamment au machine learning (apprentissage supervisé), même si rien n’interdit de construire un système d’aide à la prévision fondé seulement sur le calcul statistique et le traitement du langage naturel, les deux composantes indispensables à l’analyse des décisions de justice.

Le débat sur la justice prédictive est d’abord né d’une confusion, à la suite de la médiatisation venue des États-Unis d’outils permettant de prédire quel type de crime pouvait être perpétré dans quel quartier et à quel moment. Outre qu’il s’agit là de police prédictive et non de justice prédictive, les deux démarches se distinguent également par le niveau de difficulté technique.

L’interprétation, par un humain ou par une machine, de traces laissées derrière eux par des délinquants n’a pas grand chose à voir avec l’interprétation d’une décision de justice, qui passe par la compréhension du langage utilisé dans les décisions de justice.

Le volume des décisions de justice et leur répartition statistique par type de contentieux sont deux facteurs de succès essentiels d’une application digitale de justice prédictive. L’analyse prédictive ne comporte pas seulement un risque de résultats aberrants pour des types de contentieux trop spécifiques pour permettre la constitution d’un corpus d’apprentissage suffisant. Elle risque aussi d’apprendre ce que l’on sait déjà pour des contentieux similaires, en très grand nombre. Inutile, en particulier, d’utiliser l’apprentissage pour estimer des dommages-intérêts obéissant à un barème existant. On voit là immédiatement un enjeu évident du rapport entre barème et justice prédictive. Cette dernière n’ayant guère d’intérêt dans un environnement où des barèmes ont pu être mis en place.

Et même si cela n’est pas le cas, des techniques classiques d’analyse sémantique et statistique peuvent donner des résultats satisfaisants : l’offre « Jurisprudence Chiffrée » de Francis Lefebvre, apparue en 2010, ne recourt pas à l’intelligence artificielle. La justice prédictive présente surtout un intérêt dans la masse des décisions qui ne sont ni trop spécifiques, ni trop communes.

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Les autres enjeux sont d’ordre méthodologique. Si, à une date donnée, le volume des décisions d’un type de contentieux donné est suffisant pour réaliser une modélisation de qualité du raisonnement du juge, ni le volume du flux de décisions, ni le mode de raisonnement ne sont constants dans le temps. Au centre du raisonnement, on trouve la règle de droit, qui peut évoluer sous l’action du législateur. Mais un jugement est aussi imprégné de la doctrine et de l’air du temps, deux matières indissociables. La perception que l’on peut avoir d’une pratique à un moment donné peut très bien évoluer à la période suivante. Pensons par exemple aux affaires de harcèlement sexuel. Il y a là un véritable enjeu autour du développement de la justice prédictive.

La common law ou les juridictions administratives en France ont une culture du précédent : deux décisions similaires n’ont pas la même valeur d’apprentissage, puisque la plus ancienne inspirera la plus récente dans la formulation du jugement. Outre que cela pose une véritable question sur l’influence de la common law dans le développement des outils de justice prédictive (le fait prime souvent le droit…), cela signifie aussi que les décisions de ce type sont plutôt plus faciles à prévoir. La prévisibilité de la décision dépend également du degré de juridiction concerné. Si une décision est frappée d’appel, c’est qu’elle a été contestée, et que deux raisonnements juridiques s’affrontent. À plus forte raison, l’arrivée en cassation est la preuve d’une complexité que le moteur d’intelligence artificielle aura du mal à démêler. Une étude devrait néanmoins être engagée pour confirmer cette hypothèse, une fois que l’open data des décisions de justice sera achevé (s’il l’est un jour…). Quoiqu’il en soit, il y a fort à parier que vu sous cet angle le développement de la justice prédictive risque fort de conduire à la mise en place de barèmes « implicites » uniquement fondés sur le passé des décisions de justice. On comprend que dans ce cas, il y a peu de chances que ces dispositifs garantissent l’efficacité des décisions de justice du point de vue des justiciables, même s’ils conduiront certainement à réduire l’incertitude juridique.

Quoi qu’il en soit, il faudra tenir compte des changements de législation et savoir structurer les métadonnées législatives et les relier chronologiquement à celles des décisions pour éviter des résultats qui seraient déconnectés de la réalité et de la pratique juridiques. L’apprentissage de la machine doit donc être continu, tout comme celui de l’humain.

Il semble acquis que toutes les décisions ne seront intégralement pas mises à disposition en open data. Très vraisemblablement, les jugements non prononcés publiquement y échapperont, tandis que les affaires sensibles, pour lesquelles le jugement n’est rendu qu’après débat en chambre du conseil, verront leur décision réduite au dispositif. L’analyse prédictive sera délicate, sinon inopérante, sur cette catégorie de contentieux. Si l’apprentissage de la machine est un processus compliqué, on peut le faciliter par l’emploi de métadonnées. Les décisions de justice pourraient être accompagnées d’un jeu d’attributs, qui seraient renseignés au fur et à mesure de la progression du contentieux : juridiction, type de contentieux, bénéfice de l’aide juridictionnelle, caractère individuel ou collégial de la décision, publicité réduite ou non au dispositif, instruments juridiques invoqués, etc. Faute de métadonnées, comme c’est le cas aujourd’hui, la modélisation du raisonnement juridique s’appuie uniquement sur l’extraction de termes contenus dans le corps du texte, avec toutes les chausse-trapes de l’expression écrite et des conventions de rédaction propres à chaque greffe.

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Indépendamment de ces considérations techniques, la critique académique porte aujourd’hui essentiellement sur la performativité. Ce terme désigne l’idée selon laquelle les résultats de la justice prédictive influencent le juge pour les décisions ultérieures. Il serait amené à prendre des décisions conformes à celles du passé, entretenant ce qu’on appelle en mathématiques un « retour à la moyenne » et, avec lui, d’éventuels biais discriminatoires.

Or l’analyse prédictive intéresse d’abord les avocats et les justiciables avant d’intéresser les juges. Si le justiciable, ou son avocat, déduit de cet outil que sa cause est perdue, il renoncera à une action, et le juge n’aura pas à se prononcer. Si au contraire l’analyse est à son avantage, il préfèrera sans doute recourir à l’arbitrage, pour autant que son type d’affaire y soit éligible. L’arbitrage, ou tout autre mode alternatif de résolution des conflits, n’étant pas une décision de justice, sa sentence n’entrera pas dans le circuit de l’open data et n’affectera pas l’apprentissage de la machine. Le risque de performativité ne concerne que les actions en justice faisant suite à une analyse de justice prédictive exécutée par le juge lui-même. Il convient également de ne pas perdre de vue que l’information particulière, les préjugés, l’humeur, le stress, etc., pèsent aussi sur les décisions humaines. Parce que la machine n’aura pas fait l’apprentissage de ce « bruit », l’analyse prédictive devrait, non pas introduire un biais, mais aider à mettre en évidence ceux qui existent aujourd’hui.

Au final, on comprend bien que le développement des instruments de justice prédictive offre un potentiel intéressant pour analyser et interpréter les décisions de justice mais qu’il ne s’agit pas de remplacer les barèmes. D’une part, ces instruments visent essentiellement à comprendre comment les décisions de justice ont été prises dans le passé pour essayer d’en inférer une certaine logique de décision futur. D’autre part, la justice prédictive présente un intérêt limité pour la construction de barèmes qui visent à déterminer des prix et des valeurs dans le cadre d’un raisonnement économique complexe.

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CONCLUSION DE LA PARTIE 1

La littérature en économie du droit portant sur les barèmes est essentiellement empirique, avec peu d’articles théoriques. Les résultats empiriques sont plutôt critiques sur la capacité des barèmes à atteindre leurs objectifs notamment en termes de réduction de la disparité des décisions. Il conviendrait désormais de développer des études empiriques en Europe (à l’instar de DESRIEUX et alii sur les Prud’hommes ; BOURREAU-DUBOIS et alii sur les pensions alimentaires, etc.) pour tester les barèmes appliqués en France et en identifier les forces et les faiblesses, comme instruments de décision à la disposition des juges mais aussi des parties et de leurs avocats.

La mise à disposition récente des données de la justice conduit à s’interroger quant au rôle des barèmes, dans un contexte propice au développement de la justice prédictive. D’une certaine manière, les barèmes sont de la justice prédictive dès lors qu’une décision est fondée sur le même raisonnement que le barème, que le juge l’applique de manière impérative ou indicative. Le barème est en effet un instrument de décision judiciaire et dès lors que les décisions passées sont fondées sur lui et que les juges y adhèrent (ou sont contraints de l’appliquer), il est par définition un excellent instrument de justice prédictive puisqu’il détermine, autant qu’il permet de prévoir, les décisions futures. En revanche, le barème n’est pas un instrument de justice prédictive si, pour toutes les raisons invoquées dans la littérature, les juges s’en écartent quand ils prennent leurs décisions. Cela doit conduire à réfléchir à l’évolution possible des barèmes, en tant qu’instruments de décision, dans un contexte où l’open data peut en améliorer la qualité en réduisant les risques d’iniquité et d’inefficacité. Plusieurs questions se posent alors : quel design pour des barèmes de plus en plus complets dans les éléments d’informations susceptibles d’être intégrés ? Quelles conséquences du passage de l’incertitude au risque, voire à la certitude (dissuasion, coopération) ? Quelle place pour ces barèmes dans le processus décisionnel des juges (résistance ou coopération) ? L’open data est peut-être une chance à saisir d’améliorer la qualité des barèmes en permettant d’y intégrer davantage d’éléments susceptibles d’être pertinents dans la construction des raisonnements économiques et juridiques qui le soutiennent. Leur qualité en tant qu’outil de décision pourrait s’en trouver accrue et si tel est le cas, les barèmes pourraient devenir des instruments efficaces de justice prédictive, mais fondés davantage sur la qualité de leur construction que sur la reproduction de décisions passées. Enfin, des résultats divergents entre ceux prévus par un barème et ceux prédits par l’observation du passé doivent interroger sur la qualité de sa conception et du raisonnement qui le soutient mais aussi sur la pratique passée des juges en vue d’améliorer la qualité des décisions futures, la complexité des raisonnements étant parfois plus efficace et plus équitable que la simplicité des instruments.

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PARTIE 2. UNE ANALYSE DE LA DISPARITE PRE-BAREME : LE CAS DU

CONTENTIEUX PRUD’HOMAL

Une des raisons qui est souvent avancée pour justifier la mise en place d’un barème est celle de l’inégalité de traitement par la justice d’affaires comparables. Dans le cadre de la seconde partie de cette recherche, nous proposons de tester cette hypothèse en prenant comme champ d’application les litiges du travail.

Cette partie s’organisera en trois sous-parties. La première (2.1) vise à fournir des éléments de contexte en rappelant le fonctionnement des conseils des prud’hommes ainsi que les résultats issus des analyses quantitatives existantes sur ces juridictions ainsi que leurs limites. La seconde (2.2) consiste en une analyse statistique menée sur une base de données réelles issues de décisions prises en bureau des jugements par le Conseil des prud’hommes de Paris au cours des mois de février 2013, février 2014, février 2015, février 2016 et février 2017. L’approche retenue vise notamment à documenter les montants demandés et obtenus, ainsi qu’à identifier la source des écarts de décisions, selon certaines caractéristiques des affaires (section, type de représentation du demandeur, âge, sexe du demandeur). Enfin, dans la troisième (3.3), nous concentrons l’analyse sur les montants fixés en matière de licenciement abusif, qui sont devenus, au cours du déroulé de la recherche, l’objet d’une barémisation (d’abord indicative puis obligatoire). Comme évoqué dans le projet, nous simulons notamment une application du barème 2017 sur les observations que nous avons collectées et calculons la différence entre ce que les requérants ont réellement obtenu et ce qu’ils auraient obtenu avec le barème.

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2.1. CONTEXTE DE L’ETUDE

Nous décrivons ci-dessous le fonctionnement des conseils de prud’hommes (2.1.1), les difficultés auxquelles ils font face (2.1.2.), puis les limites des analyses quantitatives précédentes portant sur ces juridictions (2.1.3).

2.1.1. LE FONCTIONNEMENT DES CONSEILS DE PRUD’HOMMES

Les conseils de prud’hommes (CPH) représentent la juridiction de premier degré en charge de régler les litiges individuels qui surviennent entre salariés11 et employeurs à l’occasion de la formation, de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail de droit privé.12 L’article L511-1 du Code du travail dispose ainsi que ces conseils sont compétents pour l’ensemble des litiges individuels régis par le Code du travail (contestation d’un licenciement, congés payés, salaire, prime, plainte d’harcèlement ou de discrimination au travail, …). Les conflits collectifs, tels que l’exercice du droit de grève ou l’interprétation des conventions collectives, ne relèvent cependant pas de leur champ de compétences mais celui des tribunaux de grande instance. Institués en 1806, les conseils de prud’hommes ont été généralisés en 1979. Il en existe aujourd’hui 210, répartis sur l’ensemble du territoire. La justice prud'homale est rendue, non par des magistrats professionnels ayant la qualité de fonctionnaires d'État, mais par des conseillers prud’homaux, représentants à la fois des salariés et des employeurs selon une logique de paritarisme.

Les paragraphes suivants rappellent le fonctionnement de la procédure prud’homale (A.), puis le mode de désignation des conseillers prud’homaux13 (B.).

A. Une procédure récemment revisitée

Lorsqu’un salarié décide de porter une affaire aux prud’hommes, la première question qui se pose est celle de la juridiction compétente. Les parties n’ont pas le choix du conseil de prud’hommes, mais sont affectées à l’un de ces conseils, généralement celui dans le ressort duquel se trouve l’établissement où est effectué le travail.14 Chaque conseil de prud’hommes se compose de cinq sections, chacune spécialisée dans un des secteurs composant l’activité économique (agriculture, industrie, commerce, encadrement et activités diverses).

11

Les conseils de prud’hommes sont compétents pour toutes les relations contractuelles encadrées par un contrat de travail. Ce dernier est caractérisé par un lien de subordination entre l’employeur et le salarié. « Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements (Cass. Soc., 13 novembre 1996) » BARDIN-FOURNAIRON & BARRAULT (2013, p.15). Les stages ne relèvent ainsi pas de la compétence des conseils des prud’hommes, sauf si ces derniers sont requalifiés comme contrat de travail par le juge. Les contrats d’apprentissages sont quant à eux des contrats de travail, à durée déterminée ou indéterminée, et peuvent faire l’objet d’un recours au conseil des prud’hommes pour tout litige relatif à l’enregistrement du contrat d’apprentissage auprès de l’autorité administrative ou à la rupture du contrat (BARDIN-FOURNAIRON & BARRAULT (2013, p.27)). Notons aussi que les conseils de prud’hommes statuent en premier et dernier ressort (sans possibilité d’appel) pour les demandes inférieures ou égales à 4000 euros. 12

Les personnels de services publics recrutés avec un contrat de travail de droit privé dépendent aussi des conseils de prud’hommes en cas de litiges avec leur employeur. 13

Nous employons ici le terme « conseillers prud’homaux » bien que le terme « conseillers prud’hommes » soit la dénomination officielle. 14

Si le travail est réalisé en dehors de tout établissement (VRP, travailleurs à domicile…), la demande est portée devant le conseil de prud’hommes du domicile du salarié (article R1412-1 du Code du travail).

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34

Chaque conseil de prud’hommes dispose d’une formation dite de « référé », composée d’un conseiller prud’homal salarié et d’un conseiller prud’homme employeur. Cette formation vise à donner une décision sur les cas nécessitant une urgence, sans passer par une phase de conciliation. Par exemple, il peut s’agir de statuer sur des mesures qui ne peuvent se heurter à aucune contestation sérieuse (un salarié qui ne serait pas payé), ou bien de mesures nécessaires pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite (un licenciement d’une femme pendant son congé maternité). En 2017, les affaires en référé ont représenté 15,9% des affaires introduites devant les conseils de prud’hommes15.

Pour les affaires hors référés (dites « au fond » et représentant près de 85% des affaires), la première étape de la procédure (sauf exceptions) est celle de la conciliation. La conciliation est un préalable aux règlements des conflits du travail en audience non-publique durant laquelle deux conseillers prud’homaux (un de chaque collège) tenteront d’aider les parties à résoudre leur conflit à l’amiable. Si la conciliation aboutit, cela évite l’audience en bureau de jugement. Etant l’affaire des parties, elle ne peut jamais leur être imposée. En cas d’échec de la conciliation, l’affaire est renvoyée devant le bureau de jugement, si les parties ne l’abandonnent pas16. Cet abandon peut prendre la forme d’une radiation17, d’un retrait du rôle18 ou d’une caducité19. Il existe un délai entre l’audience de conciliation et l’audience de jugement, afin de permettre aux parties de se mettre en état20. On constate un nombre élevé de « renvois » par le bureau de jugement : les parties n’ont pas échangé leurs pièces suffisamment en amont de l’audience, et les conseillers prud’homaux renvoient alors l’affaire à une audience ultérieure, souvent plusieurs mois après. Notons que certaines affaires passent directement en bureau de jugement et ne connaissent donc pas l’étape de conciliation. Il s’agit d’affaires aux motifs spécifiques, comme les demandes de requalification de CDD en CDI, les contestations de refus par l’employeur de l’octroi de certains congés, les licenciements d’administrateurs salariés, ou encore les contestations d’un relevé de créance [BARDIN-FOURNAIRON & BARRAULT (2013, p. 77)].

Le bureau de jugement est composé de deux conseillers issus du collège employeurs et deux conseillers issus du collège salariés. Lorsque les débats ont pris fin, les conseillers sont appelés à se prononcer sur la solution à donner au litige. Les délibérés sont secrets. Pour qu’un jugement soit rendu, il faut qu’une majorité de voix se dégage, c’est-à-dire qu’au moins trois membres soient d’accord pour approuver la même solution au litige. Lorsqu’il y a deux voix contre deux, l’affaire est mise en départage.21 « En cas de départage, l’affaire est

15

En 2017, on dénombrait 20156 référés pour un total de 126 693 affaires nouvelles. Source : Ministère de la Justice : http://www.justice.gouv.fr/statistiques.html#statistique-judiciaire 16

Notons que la conciliation peut être partielle, c’est-à-dire ne porter que sur un seul ou une partie des chefs de demandes. Dans ce cas, la procédure suit son cours pour le reste du litige. 17

La radiation est prononcée lorsque les juges constatent un manque de diligence des parties. « L’affaire est supprimée du rang des affaires en cours. […] Elle ne fait pas obstacle à la poursuite de l’instance après rétablissement de l’affaire s’il n’y a pas par ailleurs péremption. » [BARDIN-FOURNAIRON & BARRAULT (2013, p. 137)] 18

Le retrait du rôle est ordonné quand les deux parties en font la demande écrite et motivée. L’affaire est alors retirée du rang des affaires en cours et peut être rétablie sur la demande d’une des parties. [BARDIN-FOURNAIRON & BARRAULT (2013, pp. 138)] 19

Une affaire est déclarée caduque si le demandeur ne se présente pas à l’audience du bureau de jugement et si son motif d’absence n’est pas considéré comme légitime. L’affaire est alors retirée. Le demandeur pourra réitérer sa demande une seule fois. 20

Les parties échangent leurs arguments écrits et les pièces sur lesquelles elles se fondent. Les juges en prennent connaissance puis fixent une date d’audience. Ainsi, le dossier est « mis en état » d’être jugé. 21

Pour plus de détails sur les éléments de procédure, voir BARDIN-FOURNAIRON & BARRAULT [2013].

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renvoyée devant (…) le même bureau de jugement (…) présidé par un juge du tribunal d’instance dans le ressort duquel est située le siège du conseil de prud’hommes ».22 Le renvoi en départage n’a pas à être motivé. Comme pour le bureau de jugement, le prononcé du jugement rendu en départage doit être prononcé en audience publique. Selon le ministère de la Justice, le taux de départage était en moyenne de 20 % pour l'année 2011 mais il était très variable d'un territoire à l'autre, variant de 41 % à Angers, 43 % à Bobigny mais de 1 % à Cherbourg ou 3 % à Aix-les-Bains (TRESOR-ECO (2014)). Les conseils de Guéret, Bernay, Lannoy et Saint-Omer enregistrent même des taux de départage de 0%.23 On observe également une grande variabilité au cours du temps : le conseil de prud’hommes d’Angers enregistrant par exemple 41 % de taux de départage en 2011 contre 7% en 2017.24

Afin de réduire le nombre d’étapes pour atteindre une décision finale et réduire ainsi la durée de traitement d’une affaire, quelques aménagements ont été apportés à cette procédure par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite loi Macron). Le bureau de conciliation devient « bureau de conciliation et d’orientation » (BCO). Il peut homologuer des accords issus de règlements amiables des différends. Il assure la mise en état du dossier, et peut sanctionner des défauts de diligence des parties pour accélérer le traitement de la procédure. Les conseillers prud’hommes peuvent donc préparer la séance de conciliation en disposant des pièces produites par les parties, et ainsi avoir une connaissance de la nature du litige et identifier le cas échéant les pièces manquantes.25 Si une partie ne comparaît pas, personnellement ou représentée (sauf motif légitime), le BCO peut en effet juger l’affaire, en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués.26 Enfin, le BCO oriente les affaires devant la formation de jugement appropriée en cas d’échec de la conciliation : il s’agit d’une modification importante puisque l’affaire peut maintenant être envoyée directement en formation de départage présidée par un juge d’un tribunal de grande instance, sans passer par le bureau de jugement, soit sur accord des parties, soit si la nature du litige le justifie. Cette dernière formation peut donc désormais être saisie directement après la phase de conciliation et non plus seulement lorsque le bureau de jugement le requiert (voir schéma 2 en annexe 2.B). L’orientation de l’affaire par le BCO peut aussi se faire vers le bureau de jugement composé (i) soit de quatre conseillers prud’homaux, (ii) soit d’une formation restreinte de deux conseillers. Cette orientation est possible à deux conditions cumulatives : il faut que le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et il faut par ailleurs que les parties soient d’accord. Les parties qui acceptent d’être jugées par ce bureau de jugement composé de deux conseillers au lieu de

22

Article L.1454-2 du Code du travail. 23

L’analyse empirique de DESRIEUX et ESPINOSA (2019) montre que la composition syndicale des conseils de prud’hommes (pourcentage de syndicats non-réformistes versus syndicats réformistes) influence significativement les taux de départage, principalement par un effet de sélection. 24

Données en ligne du ministère de la Justice. 25

Le BCO peut ordonner un report de la séance lorsqu’une ou plusieurs parties entend produire des pièces complémentaires qui apparaissent utiles à la tentative de conciliation. Rien n’interdit que des pièces qui n’ont pas été produites en amont de la séance le soient lors de celle-ci 26

L’article L. 1454-1-3 du Code du travail prévoit que « si, sauf motif légitime, une partie ne comparaît pas, personnellement

ou représentée, le bureau de conciliation et d'orientation peut juger l'affaire, en l'état des pièces et moyens que la partie

comparante a contradictoirement communiqués. Dans ce cas, le bureau de conciliation et d'orientation statue en tant que

bureau de jugement dans sa composition restreinte mentionnée à l'article L. 1423-13. ». Les conseillers composant le bureau de conciliation et d’orientation ont donc vocation à juger sur le champ l’affaire. Ils statuent alors dans le cadre du bureau de jugement dans sa composition restreinte. (Source : http://www.justice.gouv.fr/justice-civile-11861/fiches-techniques-cph-12836/la-procedure-prudhomale-conciliation-et-orientation-29032.html )

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quatre bénéficient d’une procédure accélérée puisque le bureau de jugement doit statuer dans les trois mois de la décision d’orientation.

Pour limiter le nombre de renvois (i.e., les reports d’audiences à cause du manque de communication des pièces entre parties), la procédure de saisine du conseil de prud’homme a également été modifiée. Cette procédure est devenue plus contraignante : selon le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, la requête permettant la saisine du conseil de prud’hommes doit comporter chacun des chefs de la demande et un exposé sommaire des motifs. Elle devra être accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions, énumérées sur un bordereau annexé. En exigeant les pièces dès la saisine, l’objectif espéré est de réduire par la suite la durée de traitement de l’affaire.

Notons que d’autres points concernant la procédure prud’homale ont été révisés par le décret n° 2016-660 (par exemple, la convocation du défendeur en lettre recommandée avec avis de réception seulement, l’instauration d’un défenseur syndical permettant d’assister ou de représenter une partie en remplacement des délégués permanents ou non-permanents des organisations d’employeurs et de salariés, l’ouverture de la médiation conventionnelle,….).27 Plus généralement, plusieurs réformes affectant le fonctionnement de la justice prud’homale se sont déroulées entre 2015 et 2018. Elles sont principalement issues de la loi du 6 août 2015 sur pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, de l’ordonnance n°2016-388 du 31 mars 2016 relative à la désignation des conseillers prud’hommes, du décret n°2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, de la loi n° 2016-1088 du 8 août et de la loi 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant les ordonnances prises à l’automne 2017 concernant la réforme du code du travail. Nous détaillerons certaines de ces mesures dans les sections suivantes, notamment pour celles relatives à l’introduction d’un barème pour les indemnités relatives aux licenciements abusifs (2.3).

B. Les conseillers prud’homaux

Comme rappelé précédemment, la justice prud'homale est rendue, non par des magistrats professionnels ayant la qualité de fonctionnaires d'État, mais par des juges représentants les salariés et les employeurs selon une logique de paritarisme. De 1979 à 2008, l’élection des conseillers prud’homaux s’est faite par un vote direct des électeurs par liste, organisé tous les cinq ans. Lors de la dernière élection de 2008, 14 512 conseillers ont alors été élus. L’élection s’effectuait au suffrage universel direct, organisée pendant le temps de travail des salariés, le même jour sur tout le territoire.28 Les deux collèges (employeurs et

27

Pour plus de détails sur les mesures affectant la procédure prud’homale suite au décret n°2016-660, nous renvoyons le lecteur au décret lui-même, ou à la fiche d’application de ce décret disponible sur le site du ministère de la justice (http://www.justice.gouv.fr/art_pix/dsj_cph_fiche_application_dans_le_temps.pdf) qui offre une vision claire et concise de ces réformes. 28

Le scrutin avait lieu par liste, à la représentation proportionnelle intégrale, avec répartition des restes suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Le vote se tenait ainsi par collège et par section. Étaient électeurs tous les salariés, les employeurs et les demandeurs d’emploi, inscrits sur les listes électorales prud’homales, à condition de remplir certaines conditions. Les électeurs n’étaient pas inscrits dans leur commune de résidence mais dans la commune de leur établissement de travail, selon le collège et la section auxquels ils sont rattachés. Les électeurs doivent être âgés de 16 ans minimum ; être ou avoir été sous contrat de travail de droit privé français ou être employeur de personnes sous contrat de droit privé français. Les non ressortissants français ont la qualité d’électeur lorsqu’ils sont

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salariés) ont montré des paysages sensiblement différents au cours des derniers scrutins. En effet, les principales fédérations représentant les employeurs ont majoritairement choisi de faire une liste commune.29 Au contraire, les syndicats salariés ont choisi de présenter des listes différentes lors des élections, et se sont donc faits concurrence au moment du vote. Parmi les cinq principaux syndicats salariés ayant présenté des listes, on distingue habituellement les syndicats « réformistes » (CFE-CGC, CFTC et CFDT) et, par opposition, les syndicats « non-réformistes » (CGT et FO).30 Dans les débats nationaux, ces derniers se caractérisent souvent par de plus fortes confrontations avec les fédérations patronales que les syndicats « réformistes ». En utilisant des méthodes d’estimation de points idéaux sur la propension à ratifier les Accords Nationaux Interprofessionnels (ANI), DESRIEUX ET ESPINOSA

(2019) montrent que cette catégorisation est fondée empiriquement.

Au cours des trois dernières élections, les résultats pour le collège salariés montrent que les syndicats non-réformistes obtenaient généralement entre 50 et 55% des voix, alors que les syndicats réformistes avaient des scores établis entre 45 et 50% des voix. Le tableau 2.1 résume ces résultats (au niveau agrégé, c’est-à-dire national).

Tableau 2.1 : Les résultats des élections prud’homales

Syndicat Part des sièges obtenus en… 1997 2002 2008

CGT 34.6% 35% 39.7% FO 22% 18.3% 16% CFDT 32.2% 31.9% 26.9% CGC 6.5% 7.1% 8.9% CFTC 3.1% 4.9% 3.6% Autres 1.6% 2.6% 4.9%

Source : Ministère du Travail

Une abstention croissante des électeurs a été observée au cours des années. Le taux de participation obtenu au scrutin de 2008 était de 25,63% de votants sur l’ensemble du corps électoral. Plus précisément, le taux de participation a été de 25,48% pour le collège salariés (18 683 971 inscrits) et de 31,16% pour le collège employeurs (518 688 inscrits).

Ces faibles scores de participation expliquent en partie la réforme du mode de désignation des conseillers prud’homaux. L'Ordonnance n°2016-388 du 31 mars 201631 met

titulaires d’un contrat de travail régi par le droit français. Enfin, il ne faut pas être privé de ses droits civiques par l’effet d’une décision de justice pour pouvoir être électeur. Les règles d’éligibilité prévoyaient d’être de nationalité française, être âgé de 21 ans au moins et n’être l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative aux droits civiques. (Rapport « Pour le renforcement de la légitimité de l’institution prud’homale : Quelle forme de désignation des conseillers prud’hommes ? », M. Jacky RICHARD, Conseiller d’Etat M. Alexandre PASCAL, Inspecteur de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), Rapport pour le Ministère du Travail, de la solidarité et de la fonction publique, Avril 2010) 29

Notons tout de même la percée de la liste « Employeurs de l’économie sociale » en 2002 (11,32%) et 2008 (19,08%). 30

Le syndicalisme réformiste est parfois également dénommé « syndicalisme social-démocrate », et opposé au « syndicalisme révolutionnaire » ou « contestataire ». Lors des questions économiques et sociales, il est très fréquent de voir les organisations syndicales se regrouper selon ces deux sensibilités. À titre d’exemple, au printemps 2016, lors des débats sur la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (dite loi El Khomri), les syndicats réformistes (CFDT, CFTC, CFE-CGC) ont plaidé pour des modifications du projet de loi, tandis que les syndicats non-réformistes (CGT, FO) ont appelé à l’abandon total du projet. Source : http://www.leparisien.fr/economie/loi-el-khomri-5-syndicats-sur-11-se-mettent-d-accord-sur-des-contre-propositions-03-03-2016-5595415.php (Dernière visite : Novembre 2018) 31

Les décrets n°2016-1359, 2017-266, et 2018-813 ont précisé les modalités de la mise en œuvre de cette réforme concernant la désignation des conseillers prud’hommes.

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en place de nouvelles modalités de désignation des conseillers prud'hommes. L'élection des conseillers prud'hommes prend fin. Ils sont désormais nommés conjointement par le garde des sceaux, ministre de la Justice, et le ministre chargé du travail sur proposition des organisations syndicales et professionnelles.

La durée du mandat a été ramenée à 4 ans au lieu de 5 ans. L’attribution des sièges dans chaque conseil se fait également en fonction des suffrages obtenus, au niveau départemental par chaque organisation, dans le cadre de la mesure de l'audience syndicale.32 Pour les organisations professionnelles d'employeurs, cela se fait en fonction de l'audience patronale déterminée au niveau national.33 L'ensemble des dispositions prévues par l'ordonnance du 31 mars 2016 est entré en vigueur le 1er février 2017.

2.1.2. LES DIFFICULTES RENCONTREES DANS LES CONSEILS DE PRUD’HOMMES

Les conseils de prud’hommes constituent une juridiction singulière dans le paysage juridique français. Ils sont marqués par trois difficultés importantes : un nombre de nouveaux cas élevés chaque année, des durées de traitements longues, et un taux d’appel très élevé comparativement aux autres juridictions. Nous rappelons ci-dessous quelques faits stylisés permettant de mieux comprendre le fonctionnement des conseils de prud’hommes. Pour cela, nous décrivons le niveau élevé d’affaires portées devant ces conseils (A.), les durées de traitement de ces affaires (B.) et le nombre important d’appels (C.).

A. Un niveau d’activité dans les conseils de prud’hommes

Le nombre d’affaires nouvelles a oscillé autour de 200 000 nouveaux cas chaque année jusqu’en 2014.34 Une baisse du nombre d’affaires portées devant les conseils de prud’hommes se constate depuis (Graphe 2.1). Il semble toutefois difficile d’établir des liens de causalité clairs pour expliquer ce phénomène car plusieurs changements se sont cumulés au cours de ces dernières années (introduction de la rupture conventionnelle du contrat de travail depuis la loi du 25 juin 2008, création du statut d’auto-entrepreneur en 2009, introduction du barème indicatif (décret n°2016-1581 du 23 novembre 2016) puis obligatoire (réforme du Code du travail de 2017), changement du formulaire de saisine depuis le 1er août 2016). Notons par ailleurs que d’autres juridictions font face à une baisse du nombre de demandes, comme par exemple les tribunaux de commerce (Graphique 2.B).

32

Cette audience se mesure au travers des scores enregistrés par les organisations syndicales au cours des élections professionnelles (comités d’entreprises, délégués du personnel), du scrutin organisé auprès des salariés des très petites entreprises et des employés à domicile, et des élections aux chambres départementales d’agriculture. Source : http://travail-emploi.gouv.fr/dialogue-social/representativite-syndicale-et-patronale/article/mesure-d-audience-de-la-representativite-syndicale-annonce-des-resultats (Dernière visite : Novembre 2018) 33

Les sièges seront attribués à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne. La parité femme-homme pour les candidatures sera exigée. La liste de candidats, déposée par le mandataire au niveau départemental, est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. La désignation des juges du CPH ne sera pas la seule concernée par cette parité car depuis le 1er janvier 2017, les élections professionnelles (délégués du personnel, CE) seront également concernées. Source : http://www.juritravail.com/Actualite/les-elections-des-delegues-du-personnel-entreprises-de-11-a-25-salaries/Id/240531 (Dernière visite : Novembre 2018) 34

Il s’agit des affaires portées au fond comme en référé (voir le schéma sur le déroulement des litiges).

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Graphique 2.A : Nombre d’affaires nouvelles devant les conseils de prud’hommes (2004-2018)

Source : Statistiques du ministère de la Justice. Données manquantes sur le nombre d’affaires totales pour 2007 et 2008. http://www.justice.gouv.fr/statistiques.html

Graphique 2.B : Nombre d’affaires nouvelles dans les conseils de prud’hommes et les tribunaux de commerce

Source : Statistiques du ministère de la Justice. http://www.justice.gouv.fr/statistiques-10054/

DESRIEUX & ESPINOSA (2017) proposent une analyse empirique des déterminants de l’activité des juridictions prud’homales. Ils soulignent que le nombre d’affaires nouvelles et la durée de traitement des cas sont liées entre eux. Les conseils recevant le plus grand nombre d’affaires ont des durées de traitement des cas relativement longues du fait de l’encombrement de la juridiction. Cependant, toute variation à la hausse de cette durée de traitement diminue significativement le nombre d’affaires nouvelles en retour. Ce résultat s’interprète par le fait que les parties peuvent être découragées par des durées de traitement trop longues, et renoncent alors à porter leurs cas devant le conseil de prud’hommes.

0

50 000

100 000

150 000

200 000

250 000

2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016

Affaires nouvelles (yc référés) Affaires nouvelles (hors référés)

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20 000

40 000

60 000

80 000

100 000

120 000

140 000

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2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017

Tribunaux de commerce CPH (hors référés)

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Un autre déterminant du nombre d’affaires nouvelles mis en avant par les auteurs est le nombre d’inscriptions à Pôle Emploi (selon leur estimation, 0,624% d’affaires supplémentaires pour 1% d’inscriptions à Pôle Emploi en plus). Le corollaire est également vérifié : le nombre de sorties de Pôle Emploi diminue le nombre d’affaires nouvelles portées devant les conseils de prud’hommes (0,261% d’affaires en moins pour 1% de sorties de Pôle Emploi en plus). Ceci suggère que les requérants font davantage recours aux conseils de prud’hommes lorsqu’ils se font licencier. On peut également penser que les salariés se portent moins vers la justice prud’homale lorsqu’ils trouvent un nouvel emploi.

Comme rappelé précédemment (2.1.1.), chaque conseil de prud’hommes se compose de cinq sections, chacune spécialisée dans un des secteurs composant l’activité économique (agriculture, industrie, commerce, encadrement et activités diverses). C’est en général l’activité principale de l’entreprise qui permet de déterminer la section compétente. Les sections commerce et industrie sont celles enregistrant le plus grand nombre de nouveaux cas chaque année (graphique 2.C). Les évolutions des différentes sections au cours du temps sont relativement symétriques. Cependant, la composition des cas traités revêt de fait une très grande hétérogénéité géographique35, reflétant ainsi la diversité du tissu économique.

Graphique 2.C : Evolution du nombre de nouvelles affaires par section

Source : Statistiques du ministère de la Justice. Nombre de nouvelles affaires annuelles, hors référés.

Pour compléter cette description des affaires portées devant les conseils de prud’hommes, nous nous intéressons à la nature de ces affaires. La majorité des cas traités (79,6% en 2012) résulte de contestations par des salariés « ordinaires »36 de la rupture du contrat de travail pour motif personnel (TRESOR-ECO (2014)).37 Rappelons toutefois qu’il s’agit

35

L’implantation géographique des conseils de prud’hommes fait l’objet de nombreux débats depuis la réforme de la carte judiciaire lié au décret n°2008-514 du 29 mai 2008 (dite « réforme Dati »). L’analyse des effets de cette implantation géographique entraîne des développements qui iraient au-delà du présent rapport consacré aux effets de la barémisation, mais le lecteur intéressé par cette question peut se reporter aux articles d’ESPINOSA et alii [2017] et ESPINOSA et alii [2018] pour une analyse des effets de l’implantation géographique des conseils de prud’hommes. 36

Les salariés « ordinaires » représentent 95% des affaires nouvelles. Les autres sont portées par des salariés dans des procédures collectives (2,3%), des employeurs (0,9%), des apprentis (0,2%) et des salariés protégés (0,2%) (GUILLONNEAU &

SERVERIN(2015)). 37

En moyenne 25% des salariés ayant fait l’objet d’un licenciement pour motif personnel ont fait l’objet d’un contentieux (Trésor-Eco, 2014).

0

10 000

20 000

30 000

40 000

50 000

60 000

70 000

2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016

Section commerce Section industrie

Section activités diverses Section encadrement

Section agriculture

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là du motif principal de la demande : il est très fréquent qu’un salarié porte une affaire devant les conseils de prud’hommes en évoquant plusieurs « chefs de demandes », c’est-à-dire plusieurs motifs de contestations (par exemple, une revendication sur des salaires impayés et une contestation de licenciement pour motif personnel). Seul le motif principal enregistré par les services des greffes apparaît dans les données délivrées par le ministère de la Justice, ce qui peut générer une vision incomplète sur la réalité des autres motifs.38 Cette difficulté est l’une des motivations de cette étude, où la base de données constituée a permis de recenser précisément l’ensemble des chefs de demandes pour chaque affaire.

Concernant l’identité des plaignants, en 2013, 62% des demandeurs étaient des hommes, ce chiffre étant une proportion relativement stable au cours de ces dernières années (GUILLONNEAU & SERVERIN (2015)). L’âge moyen des demandeurs est d’environ 44 ans. On note cependant un « vieillissement » dans la structure d’âges des demandeurs entre 2004 et 2013. En effet, la part des demandeurs de moins de 30 ans a diminué de 24% à 15%. Au contraire, la part des demandeurs de plus de 50 ans a cru de 21% à 34%. Quant aux salariés de 60 ans et plus, ils représentent 10% des demandeurs en 2013, contre 2% en 2004.

B. Des durées de traitement excessives

Une critique récurrente adressée aux conseils de prud’hommes est la durée excessive de traitement des cas. Selon le rapport LACABARATS (2014), les condamnations de l'État liées au dysfonctionnement de la juridiction prud'homale, et notamment aux délais excessifs sont en augmentation constante.39

Une brève comparaison avec les autres juridictions françaises (tableau 2.2) montre effectivement une durée moyenne de traitement des cas largement plus élevée dans les conseils de prud’hommes.

Tableau 2.2 : Durée moyenne des affaires terminées (en mois)

2016 Toutes affaires

2017

Toutes affaires Référés

Cours d’appels 12,7 13,3 2,1

Tribunaux de grande instance 7,4 7,6 2,1

Tribunaux d’instance 5,7 5,7 4

Conseils de prud’hommes 14,7 15,4 2,1

Tribunaux de commerce 5,4 5,5 1,8 Source : Les chiffres clefs de la Justice, Edition 2018, Ministère de la Justice.

Le graphique 2.D ci-dessous illustre l’augmentation constante de la durée moyenne de traitement des affaires (au niveau agrégé) au cours de ces dernières années.

38

La procédure aux conseils de prud’hommes est caractérisée par « l’unicité de la demande ». Ce principe impose aux salariés de n’intenter qu’une seule action contre son ancien employeur : « Aussi, toutes les demandes fondées sur le même contrat de travail doivent-elles être présentées dans le cadre d’une seule et même instance. » (BARDIN-FOURNAIRON &

BARRAULT (2013, p.57)) Ainsi, les requérants sont incités à joindre à leur demande principale toutes les demandes secondaires possibles, car l’instance les empêchera d’en faire la demande ultérieurement. Ceci peut conduire à une inflation des motifs. Notons toutefois que ce principe d’unicité de la demande a été supprimé depuis le 26 mai 2016 (Décret n°2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail). 39

En 2013, l'Etat a été condamné 66 fois pour dysfonctionnement de la justice civile, pour un montant total de 1.855.311 euros. 51 condamnations portent sur un déni de justice en matière prud'homale.

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L’augmentation de cette durée s’accompagne d’une augmentation de l’âge moyen du stock d’affaires en attente de jugement. Les affaires relatives au droit du travail sont donc portées devant les juridictions ayant la plus longue durée moyenne de traitement, et en cas d’appels, elles se confrontent de nouveau à des cours où la durée de traitement est particulièrement longue.

Toutefois, le graphique 2.E fait apparaître une récente diminution du nombre d’affaires « en stock », qui semble principalement s’expliquer par la baisse du nombre d’affaires nouvelles (hors référés), l’évolution du nombre d’affaires terminées (hors référés) étant à peu près constante depuis 2010. Ainsi, il semble probable que la durée de traitement des affaires dans les conseils de prud’hommes diminue prochainement.

Graphique 2.D : Evolution de la durée de traitement des affaires et âge moyen du stock

Graphique 2.E : Nombre d’affaires ouvertes, terminées et évolution du stock

0

2

4

6

8

10

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18

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2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016

Durée des affaires terminées en mois (nc référés)

Age moyen du stock en mois (nc référés)

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150000

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250000

2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016

Stocks au 31/12 (nc référés) Affaires nouvelles (hors référés)

Affaires terminées (hors référés)

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43

Si à l’heure actuelle les conseils de prud’hommes font toujours apparaître des durées de résolution des affaires relativement longues, ces chiffres cachent toutefois de fortes disparités. Tout d’abord, les conseils recevant le plus de demandes ont généralement des durées de traitement plus longues. Ainsi, en 2013, 6 conseils recevaient le quart des affaires (Paris, Bobigny, Lyon, Marseille, Nanterre et Bordeaux). La durée moyenne de traitement des affaires au fond dans ces 6 conseils était de 19,7 mois. A l’opposé, les 134 conseils les plus petits ont une durée de traitement moyenne de 12,5 mois (GUILLONNEAU & SERVERIN

(2015)).

Selon le ministère de la Justice40, 25% des affaires terminées en 2017 l’ont été au bout de 5,7 mois, et la moitié au bout de 12,9 mois. Pour rappel, lorsqu’une plainte est déposée, la première étape est celle de la conciliation où les parties tentent de trouver un accord à l’amiable. En cas d’échec, l’affaire est portée devant le bureau de jugement où quatre conseillers prud’homaux doivent rendre la décision. Ils peuvent également décider de renvoyer le cas au bureau de départage où un juge professionnel du tribunal d’instance complète leur formation et prend une décision sur l’affaire. La durée de traitement de l’affaire dépend fortement du stade où elle trouve son issue : les affaires terminées devant le bureau de conciliation en 2013 ont été traitées en moyenne en 2,5 mois, et celles étant passées à la fois par la conciliation et le bureau de jugement en 18,8 mois (32 mois en cas de départage) (GUILLONEAU & SERVERIN (2015.))

DESRIEUX & ESPINOSA (2017), proposent un travail économétrique basé sur les données du ministère de la Justice entre 2004 et 2014. Leurs résultats confirment ces effets de procédure liées au taux de conciliation et au taux de départage. Ils montrent aussi de manière plus surprenante, une corrélation négative entre la charge de travail par conseiller et la durée de traitement des affaires. Cette corrélation peut résulter d’un effet de productivité. On peut également y voir un effet de pression sur chaque conseiller afin d’éviter un accroissement trop important du nombre de cas enregistrés en attente de décision. Ce type de corrélation négative entre le nombre de juges et leur « productivité » (mesurée par le nombre de cas résolus / nombre de juges) a déjà été montré dans d’autres études d’analyse économique du droit, relatives à d’autres contextes (BEENSTOCK & HAITOVSKY

(2004), DIMITROVA-GRAZL et alii. (2012)).

L’analyse de DESRIEUX & ESPINOSA (2017) montre également que sur la période 2004-2014, plus la densité de population dans le département où se trouve le conseil est forte, plus la durée moyenne de traitement des cas est élevée. Ceci peut s’interpréter comme un taux d’activité plus grand du conseil créant un effet de congestion. Enfin, un taux de chômage élevé est associé à une durée moyenne de traitement plus longue : dans les zones où les relations d’emplois sont moins nombreuses, moins d’affaires sont potentiellement portées devant les juridictions, réduisant d’autant le temps d’attente des justiciables.

Une analyse de la durée de traitement des affaires dans les conseils de prud’hommes implique aussi de décrire les affaires terminées.

Le graphique 2.F illustre l’évolution des affaires terminées avec et sans délibéré entre 2004 et 2017. On constate une récente diminution du nombre d’affaires terminées sans

40

Chiffres issus du document « Les chiffres clefs de la Justice 2018 », publié par la sous-direction de la statistique et des études du Ministère de la Justice, disponible en ligne : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/justice-chiffres-cles-2018.pdf

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délibéré. Les proportions d’affaires envoyées au départage restent relativement stables sur la période (graphique 2.G), tout comme les taux d’acceptation et de rejets (graphique 2.H) malgré une légère augmentation du taux de rejet entre 2016 et 2017. Le taux de conciliation (graphique 2.I) connaît une diminution importante au cours de ces dernières années. Enfin, le nombre de cas radiés, caduques ou désistés diminue depuis 2016 (graphique 2.J).

Graphique 2.F : Evolution des affaires terminées avec et sans délibéré

Graphique 2.G : Affaires terminées en délibéré avec ou sans départition

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20 000

30 000

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50 000

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2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016

Terminées sans délibéré Terminées avec délibéré

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10 000

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30 000

40 000

50 000

60 000

70 000

80 000

2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016

Au fond sans départition Avec départition (au fond ou non)

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Graphe 2.H : Taux d’affaires acceptées et taux de rejets sur les affaires terminées au fond

Calculs des auteurs : Nombre de cas acceptés/Nombre d’affaires terminées au fond (hors référés) et Nombre de cas rejetés/Nombre d’affaires terminées au fond (hors référés). Données publiques du ministère de la Justice.

Graphique 2.I : Evolution du taux de conciliation

Calcul : Nombre de cas conciliés/Nombre d’affaires terminées (hors référés). Source : Statistiques du ministère de la Justice

Graphique 2.J : Evolution du nombre de radiations, de désistements et de caducités de la demande

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10

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80

2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016

Taux d'acceptation Taux de rejet

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2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016

0

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30 000

2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016

Radiation Désistement du demandeur

Caducité de la demande

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C. Des taux d’appels très élevés mais ambigus

Une autre caractéristique des conseils de prud’hommes est l’importance de l’appel des décisions rendues. En comparant aux autres juridictions (tableau 2.3), le taux d’appel apparaît en effet nettement plus élevé.41

Tableau 2.3 : Les taux d’appels en 2016 Taux d’appels sur les jugements au

fond prononcés en 2016

Tribunaux de grande instance en 1er ressort 21,6%

Tribunaux d’instance 5,7%

Conseils de prud’hommes en 1er ressort 66,7%

Tribunaux de commerce en 1er ressort 14,5% Source : Chiffres clefs de la Justice, édition 2018, Ministère de la Justice.

42

Au cours de ces dernières années, le taux d’appels des décisions rendues en conseil de prud’hommes a légèrement augmenté (il était de 61,5% en 2004 sur les jugements prononcés au fond). Cette proportion élevée peut s’expliquer par l’importance des décisions rendues en charge d’appels, à savoir celles dont le montant en jeu est supérieur à 4000 euros : ce nombre est passé de 70 000 à 78 000 entre 2004 et 2013, soit une augmentation de 11 pour cent (GUILLONNEAU ET SERVERIN, 2015).

Un second facteur serait l’anticipation d’un changement de décision suivant l’appel. Ce facteur est toutefois moins persuasif. Certes, le rapport LACABARATS souligne que « le taux de confirmation totale des jugements des CPH (28,3 % en 2012) est très nettement inférieur à celui constaté pour les appels des autres juridictions (de 46 à 53,6 %) ». Cependant, les chiffres donnés par GUILLONNEAU & SERVERIN (2015) tempèrent ce constat : les cours d’appels ont confirmé totalement (29%) des décisions rendues en première instance, mais ont également confirmé partiellement 49% de ces décisions. Dans 22% des cas, les cours d’appels ont infirmé totalement les décisions rendues en première instance. Ainsi, les chiffres annoncés concernant les confirmations en appel doivent être pris avec précaution, car ils peuvent concerner soit des confirmations totales ou bien partielles (étant donné la multiplicité des chefs de demandes), ce qui conduit à des estimations très différentes.

Notons également un lien entre le taux d’appel élevé et la durée excessive de traitement des affaires mentionnée précédemment. En effet, un fort taux d’appel implique un rallongement de la procédure pour obtenir la décision finale sur une affaire. On estime que les affaires prud’homales représentaient 28% des affaires traitées en appel en 2013.

2.1.3. LES LIMITES DES BASES EXISTANTES

La description précédente a permis d’établir une description statistique des conseils de prud’hommes permettant de mieux comprendre le fonctionnement et les difficultés de ces juridictions. Les chiffres proposés sont issus des bases de données du ministère de la Justice. L’intérêt de ces données est de fournir des informations sur l’ensemble des conseils de prud’hommes en France. Leur inconvénient est toutefois que ces données sont

41

Ce taux élevé provient essentiellement de l’appel concernant les affaires jugées au fond (le taux d’appel varie du simple au double entre les affaires en référé et au fond). Voir paragraphe II-A pour l’explication du référé. 42

http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_CC%202018.pdf

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incomplètes. Plusieurs informations fondamentales sont manquantes et limitent les analyses précédentes. D’une part, ces données renseignent le motif principal de demande pour chaque cas, mais n’indiquent pas l’ensemble des chefs de demande.43 D’autre part, ces motifs principaux sont regroupés par catégorie, et donc ne sont pas toujours reportés avec précision. Enfin, l’issue de la décision est renseignée par une acceptation du cas ou un rejet du motif principal. Cette information mériterait d’être étayée par les montants demandés et reçus. Par exemple, un salarié peut estimer avoir subi un dommage dans sa relation de travail et demander une réparation de 1 000 euros. La décision rendue par le conseil de prud’hommes peut être de lui reconnaître son dommage, mais de ne lui accorder que 500 euros de réparation. Ainsi, le cas sera enregistré comme « accepté » car la nécessité de réparer le salarié pour le dommage subi est reconnue, mais du point de vue du salarié, la décision rendue peut être perçue comme défavorable car le montant de la réparation est inférieur à ces attentes. Plus précisément, la catégorisation correspondante retenue par le logiciel de traitement des cas aux conseils de prud’hommes s’intitule « Fait droit à une partie

des demandes du ou des demandeurs ». Cette absence d’informations sur les montants demandés et reçus ne permet donc pas de déterminer dans quelle mesure une décision rendue est réellement favorable au salarié. De plus, elle empêche d’analyser la disparité des décisions rendues en première instance. Il s’agit d’une limite importante car elle empêche d’avoir une vision complète de l’activité des conseils de prud’hommes. Notre étude permet de combler cette difficulté.

43

Cette information sur les chefs de demandes (motifs) n’est pas disponible en accès public, mais nécessite une convention avec le ministère de la Justice et le CASD (centre d’accès sécurisé aux données).

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48

2.2. ANALYSE QUANTITATIVE

Notre analyse quantitative a pour objectif d’identifier les montants demandés et obtenus. Dans un premier temps, nous décrivons la collecte des données et la formation de notre base (2.2.1), puis nous présentons des statistiques descriptives sur ces données (2.2.2). Enfin, nous décrivons les montants demandés et obtenus, en tentant de voir les corrélations qui peuvent exister entre ces montants et certaines variables, comme la nature de la section, l’âge, le genre ou la présence d’un avocat (2.2.3.).

2.2.1. DESCRIPTION DE LA COLLECTE ET DE LA BASE DE DONNEES

Pour pallier les difficultés mentionnées dans la section précédente, nous avons constitué une nouvelle base de données. Cette base s’appuie sur les décisions rendues en bureau de jugement des sections « Activités diverses », « Encadrement » et « Commerce » du conseil de prud’hommes de Paris au cours des mois de février 2013, février 2014, février 2015, février 2016 et février 2017. Le choix de se centrer sur le mois de février pour chacune de ces années s’explique car ce mois est « représentatif » de l’activité du conseil de prud’hommes, i.e., ne souffre pas d’effets de saisons (comme par exemple la légère baisse d’activités pendant les mois d’été).44

Pour rappel, c’est l’activité principale de l’entreprise qui permet de déterminer la section compétente. A titre d’illustrations, la section « Commerce » traite des cas portés par des vendeurs, serveurs, manutentionnaires, employés de commerce, hôtesses d’accueil…. La section « Encadrement » traite les affaires des salariés cadres. On y trouve parmi les demandeurs les professions de responsables de magasins, directeurs administratifs et financiers, juristes d’entreprises… Enfin, la section « Activités Diverses » représente un ensemble plus hétérogène de salariés ne correspondant pas aux autres secteurs (i.e. ne sont pas rattachés au secteur du commerce, de l’industrie, de l’agriculture ou de l’encadrement). Par exemple, on trouve dans cette section des demandeurs qui exercent les professions suivantes : salariés d’associations, secrétaires de cabinets d’avocats, assistantes juridiques de cabinets d’avocats, agents de surveillance, aides-soignantes, gardiennes d’immeubles, éclairagistes pour des chaînes de télévision…

Pour chacune des trois sections sous étude, nous avons collecté la feuille d’audience de chaque formation (i.e., de chaque « chambre ») qui s’est tenue au cours du mois. A titre d’exemple, le 1er février 2016, trois chambres se sont réunies pour la section « Activités Diverses », trois chambres pour la section « Commerce » et quatre chambres pour la section « Encadrement ». Chaque feuille d’audience renseigne les informations suivantes :

- Date de l’audience

- Composition de la chambre

- Nombre de cas « appelés »45 par ordre dans cette chambre

- Numéro de chaque cas « appelé » dans cette chambre

- Décision sur le cas : prononcé, renvoi, caducité, …

44

Cette information sur la représentativité du mois de février nous a été fournie par entretien avec la directrice des greffes du conseil de prud’hommes de Paris au début du projet, Mme Millien-Wallon. 45

Un cas « appelé » dans une chambre désigne ici un cas qui apparaît dans la liste des cas que la chambre doit traiter ce jour-là. Un cas peut apparaître dans cette liste mais faire l’objet d’un renvoi, d’un retrait du rôle ou d’une caducité. Ainsi, tous les cas qui sont listés dans la feuille d’audience ne feront pas l’objet d’une audience et d’une décision.

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De plus, nous avons traité la côte et la minute de chaque cas passé dans une chambre et pour lequel une décision a été prise par cette chambre (i.e., le cas est soit accepté, rejeté ou envoyé en départage). L’étude de ces deux documents ont permis de collecter les informations suivantes pour ces cas :

- Informations sur le demandeur

o Genre

o Année de naissance

o Nationalité

o Lieu de domiciliation

o Profession

o Statut (salarié)

o Nombre de représentant et catégorie du représentant (avocat, délégué syndical,…)

o Octroi de l’aide juridictionnelle (aucune, partielle, totale)

- Informations sur le défendeur :

o Code APE

o Nature (salarié, employeur, liquidateur)

o Lieu de domiciliation

o Nombre et nature des représentations (avocats,…)

- Informations sur le litige :

o Numéro du cas

o Nombre de demandeurs

o Nombre de défendeurs

o Date de saisine

o Date de la première conciliation

o Date des autres séances de conciliation (si pertinent)

o Date de l’audience programmée en bureau de jugement

o Dates des autres audiences programmées en bureau de jugement (si pertinent)

o Date de la formation en départage (si pertinent)

o Nature des chefs de demande

o Montant demandé pour chaque chef de demande

o Montant reçu pour chaque chef de demande

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La collecte s’est réalisée grâce à une convention établie entre Claudine Desrieux et Romain Espinosa d’une part, et le conseil de prud’hommes de Paris d’autre part. Cette convention prévoit une collecte dans le respect des règles statistiques. La collecte d’informations s’est faite grâce à des vacataires. Pour les cas relatifs à des licenciements abusifs, nous avons recherché des informations complémentaires à savoir :

o La date d’embauche

o La date de licenciement (permettant d’établir l’ancienneté du salarié)

o La présence ou non d’une convention collective

o Le niveau de rémunération du salarié

2.2.2. STATISTIQUES DESCRIPTIVES

Dans cette section, nous présentons les données exploitées à l’issue de notre travail de collecte. Dans un premier temps, nous identifions les données exploitables (A.), puis nous établissons quelques statistiques descriptives à propos des cas (B.) et des parties (C.).

A. Données exploitables

Comme mentionné précédemment, notre collecte d’informations s’est déroulée sur les cas traités en chambres des sections « commerce », « encadrement » et « activités diverses » en février 2013, février 2014, février 2015, février 2016 et février 2017. Ainsi, ce sont 10 647 cas qui ont fait l’objet d’un appel. Sur ces 10 647 cas seuls un peu plus de 20% (soit 2 374) sont « exploitables » dans le sens où ils ont fait l’objet d’un prononcé par la formation réunie (i.e. acceptation, rejet ou renvoi en départage), et ne sont pas donc enregistrés comme « radiation », « renvoi », « désistement », « retrait du rôle » ou « caducité ».46 Nous n’avons également pas exploité les décisions de jonction de cas.

Du fait de ces restrictions et de l’importance des renvois, nous obtenons donc 2 374 cas « exploitables » et codés pour extraire les informations mentionnées dans le paragraphe précédent. Parmi ces cas exploitables, nous avons identifié les cas où le demandeur évoque un licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Cette identification s’est réalisée via une recherche des mots clefs suivants : « licenciement sans cause réelle ni sérieuse » et « rupture abusive ». Parmi ces 2 374 cas exploitables, seuls 61% (soit 1468 cas) correspondent à des cas où le demandeur demande la reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Enfin, parmi ces 1 468 cas, nous avons 1 029 cas pour lesquels le montant des demandes d’indemnisation pour ce licenciement abusif, les années d’ancienneté et le niveau de rémunération du salarié sont indiqués.

Il faut ici souligner combien la connaissance des montants fixés par les prud’hommes selon les caractéristiques des affaires en cas de licenciement abusif est particulièrement coûteuse en temps de saisie informatique. En effet, pour obtenir un échantillon de taille raisonnable à des fins d’exploitation statistique robuste (soit ici 1 029 affaires), il a fallu en amont collecter plus de 10 000 affaires.

46

Voir notre paragraphe A. de la section 2.1.1 pour l’explication de ces termes.

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B. Statistiques descriptives sur la durée des cas

Tout d’abord, le graphique 2.K présente un histogramme relatif aux dates de saisine. Pour rappel, notre base comporte les cas passés et décidés devant le bureau de jugement en février 2013, 2014, 2014, 2016 et 2017.

Graphique 2.K : Distribution des cas codés par motif principal et année de saisine (Échantillon : 2246 cas)

Certains cas ont été portés devant le conseil de prud’hommes dès 2009. On peut expliquer le délai d’attente pour passer en bureau de jugement du fait du « stock » d’affaires en attente, et des renvois parfois multiples avant que le cas soit traité par le bureau de jugement. Nous constatons également une différence entre les affaires portant sur des licenciements abusifs et celles ayant d’autres motifs, puisqu’une grande majorité de cas ont pour motif principal la contestation d’un licenciement considéré comme abusif.

De même, nous pouvons représenter un histogramme représentant le nombre de cas par année où a eu lieu la décision finale (graphique 2.L).

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52

Graphique 2.L : Histogramme des cas codés par type de motif principal et année de décision (Échantillon : 2372 cas)

Sans surprise, on constate que la majorité des cas de notre base ont fait l’objet d’une décision au cours des années 2013 à 2017. Notons un faible nombre de cas dont la décision finale a été prononcée en 201847 : il peut s’agir de cas passés en bureau de jugement en 2017 et dont le prononcé de la décision finale s’est fait en 2018, ou bien dont la décision correspond à un renvoi en départage et ce départage (établissant la décision finale) a été fait en 2018. Enfin, on constate un léger « creux » sur le nombre des décisions rendues au cours de l’année 2015. L’explication se trouve dans le fait qu’une grève des conseillers prud’homaux (en opposition au « projet de loi Macron ») a paralysé le déroulement des audiences cette année-là au mois de février.48

Concernant la durée de traitement des cas décidés en bureau de jugement, définie comme le temps écoulé entre la date de saisine et la date du prononcé de la décision finale (prise par le bureau de jugement ou par la formation de départage le cas échéant), nous constatons dans notre base une durée moyenne de 581 jours, soit environ 19 mois.49 Notons toutefois une certaine disparité dans cette durée de traitement, comme l’illustre la figure 2.13. Sur cette figure, chaque carré représente une tranche de 25% des cas codés (i.e., un

47

Pour rappel, chaque décision prise par une chambre doit faire l’objet d’un « prononcé » en audience publique. Le prononcé ne se fait pas toujours le même jour que le jour où l’audience a eu lieu. 48

Article de presse mentionnant cette grève : https://www.ladepeche.fr/article/2015/02/03/2042269-les-prud-hommes-font-la-greve-des-audiences.html 49

Notons qu’il ne s’agit pas d’une durée moyenne de traitement des cas au conseil de prud’hommes, car le calcul d’une telle durée moyenne nécessiterait d’inclure les cas conciliés. Or ces cas n’apparaissent pas dans la base puisque nous nous concentrons ici sur les cas portés devant le bureau de jugement.

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quartile). Ainsi, 25% des cas de notre base ont été résolus en moins de 369 jours, alors que le dernier quartile (correspondant aux 25% de cas ayant la durée de traitement la plus longue) correspond à une durée de traitement supérieure à 741 jours (soit presque 25 mois).

Graphique 2.M : Durée de traitement des cas par quartile

748 jours 518 jours

369 jours

Notons que dans notre base de données, la durée de traitement la plus courte est de 16 jours (cas dont la date de saisine est le 16 janvier 2017 et dont la date de passage en bureau de jugement a été le 1er février 2017). En application de l’article 1245-2 du code du travail50, les parties ont été convoquées directement devant le bureau de jugement (sans phase de conciliation). A l’opposé la durée de traitement la plus longue a été celle d’une affaire où 2048 jours ont été écoulés entre la date de saisine (2 mai 2007) et la date de la dernière audience en bureau de jugement (14 février 2014), suite à de multiples renvois.

50

Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine.

100%

75%

50%

25%

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54

C. Statistiques descriptives sur les parties

Dans cette section, nous présentons les principales caractéristiques des demandeurs et des défendeurs dont les cas sont recensés dans notre base de données, comprenant les cas « exploitables » et codés mentionnés au-dessus.

Le tableau 2.4 recense les informations sur les demandeurs.

Tableau 2.4 : Statistiques descriptives sur les demandeurs (moyennes et p-values) 1468 cas de contestation de licenciement et 906 cas hors licenciement

Demandeurs Tout l’échantillon

Hors licenciement

Licenciement p-value

Nationalité Français (%) 60,7 61,4 60,4 0,623

Afrique Sub-Saharienne (%)

7,3 7,4 7,2 0,874

Afrique Du Nord (%) 5,4 6,1 5,0 0,282

Genre Homme (%) 54,1 55,7 53,1 0,216

Résidence Paris (%) 34 33,2 34,5 0,498 Petite Couronne (%) 34,6 32,3 36,0 0,066 Grande Couronne (%) 19,4 21,9 17,9 0,018 Hors IDF (%) 11,3 12 10,8 0,369

Naissance Année de naissance 1971 1971 1970 0,024

Sur l’échantillon total des données exploitables, nous notons que près de 61% des demandeurs sont de nationalité française. Environ 54% des demandeurs sont des hommes, et un tiers des demandeurs réside à Paris. La plupart des demandeurs résident plutôt en petite ou grande couronne. Pour rappel, le conseil de prud’hommes compétent est celui du lieu d’exercice du travail du demandeur, ce qui explique pourquoi de nombreux demandeurs résident en dehors de Paris. L’année de naissance « moyenne » qui apparaît dans notre échantillon est 1971, suggérant que les demandeurs ont en moyenne entre 42 et 46 ans (puisque leur cas passe en bureau de jugement entre 2013 et 2017).

A titre de comparaison avec l’étude de GUILLONNEAU & SERVERIN (2015) portant sur l’ensemble des cas portés devant les conseils de prud’hommes en France entre 2004 et 2013, nous obtenons un âge moyen assez proche, puisque ces auteurs déterminent un âge moyen des demandeurs à 44 ans. Cependant, elles mentionnent qu’entre 2004 et 2013, la proportion d’hommes parmi les demandeurs était toujours supérieure à 60%, ce qui représente une proportion légèrement plus forte que celle établie dans notre échantillon.

Notons que si notre échantillon est séparé en deux parties selon la nature du motif (avec ou sans cas de licenciement abusif), la disparité des données précédentes est relativement faible. Ceci est confirmé par l’analyse des p-values, indiquée dans la dernière colonne du tableau 2.4. La p-value est une probabilité indiquant dans quelle mesure les statistiques déterminées pour les cas « hors licenciement abusif » et celles déterminées pour les cas de licenciements sont significativement différentes ou non. Généralement, une valeur p>0,1 ne permet pas d’établir que les grandeurs sont statistiquement différentes. Au contraire, si p<0,01, alors il y a de très grande chance pour que les grandeurs soient statistiquement différentes. Dans le tableau 2.4, la plupart des valeurs p-value sont au-

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dessus de 0,1 : les demandeurs portant des cas de licenciement n’ont pas des caractéristiques statistiquement différentes des demandeurs portant d’autres cas. La seule différence notable concerne le lieu de résidence des demandeurs. On observe en effet significativement plus de demandeurs en grande couronne pour les motifs hors licenciement (p=0,018).

Le tableau 2.5 présente les informations sur le profil des défendeurs. On observe qu’une grande majorité de ces défendeurs sont des entreprises domiciliées à Paris. Au regard de la p-value, on note que les affaires relatives à des licenciements se distinguent significativement des autres affaires sur l’identité du défendeur (i.e., il s’agit plus souvent d’entreprises ou de liquidateurs que d’associations).

Tableau 2.5 : Statistiques descriptives sur les défendeurs (moyennes et p-values) 1468 cas de contestation de licenciement et 906 cas hors licenciement

Défendeurs Tout l’échantillon

Hors licenciement

Licenciement p-value

Résidence Paris (%) 80,1 81,7 79,2 0,135 Petite Couronne (%) 10,4 11,3 9,8 0,260

Grande Couronne (%) 2,9 2,3 3,3 0,180 Hors IDF (%) 6,1 4,4 7,1 0,008

Type de défendeur

Entreprise ou employeur (%)

83,6 79,8 86 <0,001

Liquidateur (%) 7,7 10,9 5,7 <0,001

Association (%) 4,4 4,3 4,4 0,887

Enfin, le tableau 2.6 décrit les types de représentations des demandeurs et des défendeurs. On estime que 70,7% des demandeurs sont représentés par un avocat, et seulement 7% choisissent d’être représentés par un délégué syndical. Cette représentation par un avocat est plus forte pour les cas de licenciement que pour les autres cas. Notons que plus d’un demandeur sur cinq (21,9%) choisit de ne pas être représenté, ce qui est surtout le cas pour les cas autres que les licenciements.

Tableau 2.6 : Type de représentation pour les parties au litige (moyennes et p-values) Représentant principal du premier demandeur / défendeur 1468 cas de contestation de licenciement et 906 cas hors licenciement

Tout l’échantillon

Hors licenciement

Licenciement p-value

Demandeur Avocat (%) 70,7 64,5 74,5 <0,001

Représentant syndical (%)

7,0 7,4 6,7 0,546

Sans représentation (%)

21,9 27,4 18,5 <0,001

Défendeur Avocat (%) 60,7 61,3 60,3 0,638

Membre de l’entreprise

24,1 19,3 27,0 <0,001

Sans représentation (%)

14,5 18,5 12,1 <0,001

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Concernant les défendeurs, plus de 60% sont représentés par un avocat, et 24,1% sont représentés par un membre de l’entreprise. Notons que la représentation des défendeurs par un membre de l’entreprise est plus forte lorsque le cas est relatif à un licenciement (27% contre 19,3% dans les autres cas), ce qui s’explique surtout par une diminution significative des affaires non représentées en cas de licenciement (18,5% hors licenciement, 12,1% en cas de contestation de licenciement). Seulement 14,5% des défendeurs n’ont pas de représentant, et cette situation est plus fréquente pour les cas autres que les licenciements.

2.2.3. LES DISPARITES SUR LES MONTANTS DEMANDES ET OBTENUS

Dans cette section, nous analysons et comparons les montants demandés et obtenus. Dans un premier temps, nous établissons et commentons le ratio « montant obtenu/montant demandé » (A.), puis nous analysons plus en détails les montants demandés pour comprendre s’ils sont corrélés à d’autres variables comme la nature de la section, l’âge, le genre ou encore la présence d’un avocat (B.). Enfin, nous menons une analyse similaire sur les montants obtenus (C.).

A. Le ratio « montant obtenu/montant demandé »

Nous présentons maintenant les informations collectées concernant les montants demandés et obtenus. Pour rappel, il s’agit d’informations fondamentales pour comprendre le sens des décisions rendues, mais qui sont absentes des bases antérieures relatives aux décisions issues des conseils de prud’hommes.

Le tableau 2.7 rassemble les statistiques descriptives sur les montants demandés et obtenus. Ce tableau se compose de deux parties : le haut du tableau est relatif à l’ensemble des demandes effectuées par les parties (tous chefs de demandes confondus) et le bas du tableau ne concerne que les informations relatives à la demande principale.51

Intéressons-nous tout d’abord au haut du tableau, c’est-à-dire aux montants relatifs à l’ensemble des demandes. Le ratio « Montant obtenu/Montant demandé » se situe en moyenne autour de 21%. Cela suggère des stratégies de « gonflements » des demandes de la part des parties lorsqu’elles ouvrent des cas par rapport à ce que les conseils estiment comme justes montants de compensations. En effet, pour 100 euros demandés en moyenne, elles obtiennent 21 euros. Cependant, ce calcul comprend les cas déboutés (dont le montant obtenu est donc zéro). Si on exclut ces cas pour se concentrer sur les cas acceptés le ratio « montant obtenu/montant demandé » s’établit à 34,4%. Ce chiffre signifie que les demandes acceptées reçoivent en moyenne un tiers des montants demandés. Le ratio s’établi même à 32,7% (soit moins du tiers) pour les cas relatifs à des licenciements.

51

A titre d’illustration, supposons une demande qui comprend trois chefs de demande : un licenciement abusif qui est la demande principale et dont l’indemnité demandée est 10 000€, un rappel sur salaire de 2000€ et une indemnité pour harcèlement pour 5 000 €. On considère que le « total des demandes » est ici de 17 000€, et que la demande principale est 10 0000€.

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Tableau 2.7 : Statistiques descriptives sur les demandes (moyenne et p-values) La demande principale correspond à la demande la plus élevée formulée par le demandeur 1468 cas de contestation de licenciement et 906 cas hors licenciement

Tout l’échantillon

Hors Licenciement

Licenciement P-value

Total Demandé (€) 111 588 90 319 124 714 0,004

des Obtenu (€) 17 530 14 996 19 094 0,059

demandes Obtenu / demandé (%) 21,0 22,1 20,3 0,101

Obtenu = 0 (%) 38,9 40,6 37,8 0,172

Obtenu / demandé (si >0)

34,4 37,3 32,7 <0,001

Demande Demandé (€) 58 285 50 196 63 278 0,105

Principale Obtenu (€) 8 912 8 182 9 362 0,334

Obtenu / demandé (%) 18,5 19,7 17,8 0,146

Obtenu = 0 (%) 63,9 65,0 63,1 0,358

Obtenu / demandé (si >0)

51,2 56,2 48,3 <0,001

Nombre de demandes

6,9 6,6 7,2 <0,001

Avant de commenter la partie inférieure du tableau 2.7, notons que le nombre de chefs de demandes se situe en moyenne autour de 7 pour un cas, et devient même légèrement supérieur à 7 pour les cas concernant des licenciements. Ceci peut se comprendre dans la mesure où un salarié énoncera toutes les dimensions conflictuelles de sa relation salariale lorsqu’il décide de porter son cas au conseil de prud’hommes, en particulier s’il est licencié.

Si on se concentre uniquement sur la demande principale, on constate que le ratio « montant obtenu/montant demandé » est de 18,5% en moyenne, mais ce chiffre est fortement déterminé par les cas déboutés (dont le montant obtenu est zéro). En se concentrant sur les motifs principaux acceptés, le ratio est nettement plus élevé (51,2%) : le montant obtenu correspond à près de la moitié du montant demandé pour les cas que nous pouvons considérer comme « légitimes » puisqu’ils sont acceptés. Notons que 63,9% des cas ont un rejet de leur demande principale (définie comme le chef de demande où le montant est le plus élevé). Cependant, ce chiffre inclut les demandeurs qui ont eu tous leurs chefs de demandes déboutés, et qui représentent une proportion d’environ 40% (38,9% mentionnés dans la partie haute du tableau). Ainsi, on estime à environ 20% la proportion de demandeurs qui ont été déboutés de leur chef de demande principale mais ont reçu des indemnités sur les autres chefs de demandes.

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Pour poursuivre l’analyse des montants demandés et obtenus, nous commentons quelques statistiques descriptives plus fines, tout d’abord sur les montants demandés (B.), puis sur les montants obtenus (C.).

B. Analyse des montants demandés

Nous nous intéressons maintenant aux montants demandés, en essayant de comprendre les variations qui existent entre ces montants.

Le tableau 2.8 regroupe les statistiques descriptives des demandes par section, genre, âge du demandeur et type de représentation. Les montants reportés sont les montants moyens demandés par cas (tous chefs de demandes confondus). Les graphiques 2.N à 2.T illustrent ces données.

Tableau 2.8 : Statistiques descriptives des demandes par section Moyennes du total des montants demandés. Écarts-types entre parenthèses 504 cas en Activités Diverses, 938 en Commerce et 895 en Encadrement

Activités Diverses Commerce Encadrement

Total 52 845 (69 046)

52 567 (67 364)

209 072 (429 197)

Genre Femme 52 431 (67 014)

51 904 (52 921)

189 843 (462 017)

Homme 53 314 (71 424)

53 062 (76 434)

224 470 (400 794)

Age Moins de 35 ans 35 346 (26 623)

35 728 (42 185)

90 815 (122 932)

35 ans – 55 ans 57 672 (77 772)

51 570 (66 648)

184 728 (304 072)

Plus de 55 ans 59 281 (75 828)

68 122 (80 786)

264 192 (567 302)

Représentation Avocat 56 084 (71 066)

60 677 (76 566)

209 365 (349 475)

Conseiller Syndical 36 917 (36 829)

25 484 (24 190)

96 148 (115 323)

Aucune 47 252 (69 298)

43 155 (43 700)

215 961 (630 348)

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Graphique 2.N : Montants moyens demandés par affaire selon le type de section

Le graphique 2.N représente les montants moyens demandés par cas selon le type de section : ce montant moyen est d’environ 52 000 euros pour les affaires traitées devant les sections « Activités diverses » et « Commerce », alors qu’il est plus important pour la section « Encadrement » (209 072 euros). Ceci peut s’expliquer par le fait que la section « Encadrement » gère des cas relatifs aux salariés cadres dans les entreprises, qui perçoivent des salaires plus élevés que les autres salariés. Ceci conduit à des indemnités moyennes plus importantes, notamment en cas de licenciements. Les barres noires sur le graphique correspondent aux intervalles de confiance à 95%. On estime qu’il y a 95% de chance que la moyenne des montants demandés (par section) se situe dans cet intervalle noir. Un intervalle plus grand représente ainsi une plus grande hétérogénéité dans les montants demandés.

Les graphiques 2.O, 2.P et 2.Q font apparaître les montants moyens demandés par année et par section. Les fluctuations restent relativement faibles selon les années de notre échantillon, même si les montants moyens demandés en section « Encadrement » sont légèrement plus faibles au cours des trois dernières années de notre échantillon (2015, 2016 et 2017, comparativement à 2013 et 2014). Les intervalles de confiance sont similaires d’une année à l’autre, bien que légèrement plus resserrés pour la section « encadrement » en 2016 et 2017, traduisant une moindre hétérogénéité dans les montants demandés.

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Graphique 2.O : Montants moyens demandés par année pour la section « Activités diverses »

Graphique 2.P : Montants moyens demandés par année pour la section « Commerce»

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Graphique 2.Q : Montants moyens demandés par année pour la section «Encadrement»

Une autre lecture des montants demandés peut se faire par genre du demandeur (graphique 2.R). De manière assez intéressante, on constate que le genre est peu corrélé avec les montants demandés dans les sections « Activités diverses » et « Commerce », mais est davantage corrélé avec ces montants dans la section « Encadrement ». Le tableau 2.8 tempère cette lecture du fait que les écarts-types apparaissent très important dans la section encadrement (pour les hommes et les femmes). Pour rappel, l’écart-type mesure la dispersion d’un ensemble de données. Plus il est faible, plus les valeurs sont regroupées autour de la moyenne (ce qui compose un ensemble relativement homogène). Au contraire, un écart-type élevé signifie que les données sont plus dispersées autour de la moyenne, rendant l’ensemble plus hétérogène.

Une autre raison pour laquelle on peut tempérer l’effet du genre sur les montants demandés vient des intervalles de confiance. Pour rappel, on estime qu’il y a 95% de chances pour que la moyenne de chaque groupe (i.e. groupes d’hommes ou groupes de femmes par section) se trouve dans l’intervalle représentée par un trait noir sur le graphique. Dans chacune des sections, on observe que les intervalles de confiance pour les moyennes des montants demandés par les hommes et par les femmes se recoupent. On ne peut donc pas rejeter l’hypothèse que ces montants sont identiques pour les hommes et pour les femmes dans chaque section.

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Graphique 2.R : Montants moyens demandés par genre et par section

Le graphique 2.S illustre les montants demandés par catégorie d’âge (demandeurs dont l’âge est inférieur à 35 ans, entre 35 et 55 ans, et supérieurs à 55 ans). De manière assez logique, on constate que plus l’âge du demandeur augmente, plus les montants demandés sont importants, et ceci quelle que soit la section envisagée. Ceci se comprend par une ancienneté dans l’entreprise qui a toutes les chances d’être plus grande avec l’âge du demandeur, et par un préjudice qui pourrait être estimé d’autant plus important que les individus avancent en âge. Cependant, l’effet de l’âge semble être particulièrement important dans la section « Encadrement », alors que les autres sections ont des progressions plus faibles en fonction de l’âge. Notons enfin que pour la section « Activités diverses », les intervalles de confiance se recoupent entre les catégories « 35 à 55 ans » et « 55 ans et plus » : les montants moyens de ces groupes ne sont donc pas significativement différents. Autrement dit, la différence des montants demandés selon l’âge est surtout marquée chez les moins de 35 ans qui demandent moins que les autres catégories. La différence des montants demandés selon l’âge est moins certaine entre les groupes des « 35 à 55 ans » et « 55 ans et plus ».

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Graphique 2.S : Montants moyens demandés par catégorie d’âge du demandeur et par section

Enfin, une dernière grille de lecture des montants demandés peut se faire par type de représentation du demandeur (avocat, délégué syndical ou absence de représentation). On note que la présence d’un avocat correspond souvent à des montants demandés plus élevés, alors que celle d’un délégué syndical tend à minorer les montants demandés. Plusieurs interprétations peuvent être faites. D’une part, les avocats peuvent avoir une vision plus complète des demandes habituellement formulées et encourager leurs clients à demander davantage. Cependant, rappelons qu’il existe un fort écart entre montants demandés et obtenus, comme expliqué dans le paragraphe précédent. Cela peut suggérer que les avocats demandent bien davantage que ce qui est effectivement reçu, alors que les délégués syndicaux peuvent demander des montants plus proches de ce qui est réellement obtenu. Notons enfin que pour la section « Encadrement », les intervalles de confiance se recoupent entre la présence d’un avocat et l’absence de représentation. La moyenne de chaque groupe se situant à 95% dans ces intervalles, on ne peut pas exclure que les moyennes soient identiques pour ces groupes.

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Graphique 2.T : Montants moyens demandés par type de représentation et par section

Pour conclure cette analyse des montants demandés, on peut souligner que les montants demandés varient assez fortement entre la section « Encadrement » et les autres sections, à savoir les sections « Activités Diverses » et « Commerce ». L’âge apparaît également comme un facteur influençant les montants demandés (surtout au palier des 35 ans), alors que le genre joue un faible rôle.

C. Analyse des montants obtenus

Nous présentons maintenant quelques faits stylisés sur les montants obtenus (par cas, tous chefs de demandes confondus).

Le graphique 2.U représente les montants obtenus totaux par session. En cohérence avec le graphique 2.N sur les montants demandés, on constate que les montants obtenus en section « Commerce » et en section « Activités Diverses » sont proches, alors que la section « Encadrement » fait apparaître des montants obtenus plus importants. Cela reflète la composition des demandeurs : la section « Encadrement » est composée de demandeurs ayant en moyenne des responsabilités et des niveaux de salaires supérieurs aux autres sections.

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Graphique 2.U : Montants moyens obtenus par section

Nous poursuivons cette analyse en présentant les graphiques relatifs aux montants obtenus par année et par section (graphiques 2.V à 2.AA) On observe qu’il y a peu d’écarts à l’intérieur de chaque section au cours des années, malgré un pic sur les montants obtenus dans la section « Commerce » pour l’année 2015. Ce pic apparaissait également sur le montant demandé pour cette section cette année-là (graphique 2.P). Toutefois, l’année 2015 n’est pas forcément représentative : comme mentionné précédemment, cette année-là, une grève a paralysé le fonctionnement du conseil de prud’hommes. De plus, nous avons détecté la présence d’un cas en série important dans la section « Commerce » en 2015, et qui influence l’analyse.52 Un cas en « série » est un cas similaire mais porté par plusieurs demandeurs différents contre le même défendeur. Par exemple, cela peut être un cas de discrimination contre une catégorie de salariés : tous les salariés portent individuellement plainte contre le défendeur devant le conseil de prud’hommes, mais le résultat est identique pour chaque cas du fait de la similitude de l’affaire. On a donc une « répétition » d’un même cas.

52

Pour toute la section Commerce (toutes années confondues), seuls 10 cas ont obtenus un total supérieur à 100 000€. Tous ces cas ont été décidés en 2015 contre le même défendeur.

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Graphique 2.V : Montants moyens obtenus par année pour la section « Activités diverses »

Graphique 2.W : Montants moyens obtenus par année pour la section « Commerce»

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Graphique 2.X : Montants moyens obtenus par année pour la section « Encadrement»

Nous analysons maintenant les montants obtenus par section et par genre.

Graphique 2.Y : Montants moyens obtenus par genre et section

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On observe que le genre est peu corrélé avec les montants obtenus dans les différentes sections. L’écart apparaît cependant plus marqué en section « encadrement ». Puisque les indemnités sont parfois corrélées aux montants des salaires, et que les femmes ont quelques fois des salaires moindres pour des postes comparables, cela pourrait expliquer cet écart. Cependant, la lecture des intervalles de confiance montre que les moyennes des sommes obtenues pour les femmes et pour les hommes dans cette section peuvent recouper des montants identiques. Le genre du demandeur ne semble donc pas déterminer significativement les montants obtenus à l’intérieur de chaque section.

Le graphique 2.Z représente les montants moyens obtenus par âge et par section. De manière assez logique, on retrouve des montants moyens obtenus croissants en fonction de l’âge. Notons toutefois que la progression est relativement faible pour la section « Activités diverses ». Cependant, nous rappelons que cette section regroupe un ensemble assez hétérogène de professions, ce qui peut expliquer la moindre visibilité des résultats pour cette section. Pour la section « Commerce », l’effet de l’âge est particulièrement marqué pour les demandeurs de plus de 55 ans (par rapport à la population des autres demandeurs de cette section). La section « Encadrement » fait apparaître une progression constante en fonction des catégories d’âge, notamment entre les moins et les plus de 35 ans.

Graphique 2.Z : Montants moyens obtenus par âge et section

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Graphique 2.AA : Montants moyens obtenus par type de représentation et section

Le graphique 2.AA illustre l’impact du type de représentation sur les montants obtenus. Il fait apparaître un « effet avocat » : lorsque les demandeurs sont représentés par un avocat, ils obtiennent plus en moyenne en comparaison à une représentation par un conseiller syndical, ou une absence de représentation. On constate aussi qu’une absence de représentation peut conduire à des montants moyens obtenus plus élevés qu’en présence de conseiller syndical. Cela peut s’expliquer par le fait qu’une absence officielle de représentation peut toutefois s’accompagner de conseils extérieurs qui guident les demandes et les arguments de ces demandeurs.

Pour conclure cette section, les montants obtenus semblent être principalement corrélés à la section (notamment la section « Encadrement » par rapport aux autres), l’âge, et la présence d’un avocat.

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2.3. ANALYSE DES DECISIONS RELATIVES AU LICENCIEMENT ABUSIF

Nous proposons ci-dessous une analyse plus précise des cas relatifs à des licenciements abusifs. Pour mener à bien cette analyse, nous nous centrons sur les cas faisant l’objet d’un licenciement abusif (identifiés par les mots clefs « licenciement sans cause réelle ni sérieuse » et « rupture abusive » dans l’intitulé des chefs de demandes), et pour lesquels nous disposons de l’information sur les salaires et l’ancienneté du salarié. Dans un premier temps, nous présentons une analyse des montants demandés et obtenus (2.3.1). Nous étendons ensuite notre analyse pour discuter des effets de l’introduction d’un barème dans les décisions rendues dans les conseils de prud’hommes (2.3.2).

2.3.1. DESCRIPTION DES MONTANTS DEMANDES ET OBTENUS

Le tableau 2.9 rassemble les informations sur les montants demandés et obtenus pour le motif de licenciement abusif. Pour les demandes acceptées, on constate que les demandeurs obtiennent environ 50% des sommes demandées. Notons que la section « Encadrement » enregistre le plus faible ratio « Montant obtenu/Montant demandé » (pour les cas acceptés), puisque ce ratio s’établir à 44,6% pour cette section, contre 52,9% en section « Activités Diverses » et 47,4% pour la section « Commerce ».53

Si le montant moyen obtenu est plus élevé en section « Encadrement » (37 425 euros), il représente un équivalent en mois de salaires comparables à la section « Commerce », soit une compensation obtenue d’environ 6 mois ½. La section « Activités Diverses » affiche une compensation moyenne de 12 426 euros, soit un peu plus de 10 mois de salaires. Notons toutefois que l’écart type dans la section « Activités Diverses » est plus élevé que dans les deux autres sections, ce qui laisse suggérer que la dispersion des montants distribués (en termes de mois de salaires) autour de la moyenne dans cette section est plus forte que dans les autres sections. La section « Activités diverses » représente en effet un ensemble moins homogène que les autres sections en ce qui concerne les professions exercées par les demandeurs.

53

Le tableau est établi sur notre échantillon comprenant 260 cas en « Activités Diverses », 497 cas pour « Commerce » et 540 cas pour la section « Encadrement ».

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Tableau 2.9 : Statistiques descriptives sur le motif de licenciement abusif. Le motif de licenciement abusif regroupe : « licenciement abusif », « rupture abusive » et « licenciement sans cause réelle ou sérieuse ». Moyennes. Ecarts-types entre parenthèses. 260 cas en Activités Diverses, 497 cas en Commerce, 539 cas en Encadrement

Motif : Licenciement abusif Activités Diverses Commerce Encadrement

Demandé (€) 28 288 (39 246)

28 958 (44 601)

100 767 (115 149)

Obtenu (€) 4 875 (9 835)

4 333 (8 123)

17 293 (28 615)

Obtenu / demandé (%) Obtenu/demandé (%) si le cas est accepté

20,8 (31,5)

52,9%

17,6 (27,4)

47,4%

20,5 (27,2)

44,6%

Obtenu = 0 (%) 60,8 62,6 54,0 Obtenu si > 0 (€) 12 426

(12 380) 11 577 (9 623)

37 425 (31 956)

Obtenu si > 0 (mois de salaire) 10,2 (21,1)

6,7 (5,2)

6,6 (4,2)

2.3.2. LICENCIEMENT ABUSIF ET BAREME ORDONNANCE 2017

Dans cette section, nous proposons quelques analyses concernant l’introduction d’un barème dans les décisions rendues par les conseils de prud’hommes. Nous rappelons tout d’abord le barème introduit par les ordonnances de l’automne 2017 (A.), puis nous proposons un exercice de simulation de ce barème sur les cas présents dans notre base et correspondant à des licenciements abusifs (B.). Enfin, nous commentons particulièrement les cas décidés en 2017 par rapport aux cas décidés les années antérieures, puisqu’une première tentative de barème indicatif avait été proposée en 2016 et pouvait s’appliquer sur les décisions rendues en février 2017.

A. Le barème issu de l’ordonnance n°1387 du 22 septembre 2017.

Le chapitre II de l’ordonnance n°1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail instaure des montants planchers et des montants plafonds des indemnités relatives à la réparation du licenciement irrégulier ou sans cause réelle ni sérieuse. Ce barème a été validé par le Conseil constitutionnel (décision n°2018-761 du 21 mars 2018) et s’applique à tous les licenciements prononcés depuis le 24 septembre 2017. La loi 2018-217 du 29 mars 201854 a ratifié les ordonnances prises à l'automne 2017 concernant la réforme du Code du travail, dont cette ordonnance n°1387.

Ce barème n’est donc pas applicable pour les cas que nous avons collectés, puisqu’il s’agit de cas passés en bureau de jugement jusqu’en février 2017. Nous reportons les seuils définis dans cette ordonnance dans le tableau 2.10.

54

Loi du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social

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Tableau 2.10 : Barème issu de l’ordonnance n°1387 du 22/9/2017 (pour les entreprises de plus de 11 salariés)

Ancienneté du salarié dans

l’entreprise

(en années complètes)

Indemnités minimales

(en mois de salaire brut)

Indemnités maximales

(en mois de salaire brut)

0 Sans objet 1

1 1 2

2 3 3,5

3 3 4

4 3 5

5 3 6

6 3 7

7 3 8

8 3 8

9 3 9

10 3 10

11 3 10,5

12 3 11

13 3 11,5

14 3 12

15 3 13

16 3 13,5

17 3 14

18 3 14,5

19 3 15

20 3 15,5

21 3 16

22 3 16,5

23 3 17

24 3 17,5

25 3 18

26 3 18,5

27 3 19

28 3 19,5

29 et au-delà 3 20

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Notons que pour les entreprises de moins de 11 salariés, l’ordonnance n°1387 mentionne que les barèmes planchers sont différents (0,5 mois pour une ancienneté de une ou deux années, 1 mois pour une ancienneté de 3 ou 4 années, 1,5 mois pour 5 ou 6 années d’ancienneté, 2 mois pour 7 ou 8 années d’ancienneté, et 2,5 mois pour 9 ou 10 années d’ancienneté). Rappelons également qu’il existe des conditions pour lesquelles le barème n’est pas applicable : aucune limite ne s'applique aux prud'hommes dès lors que le juge constate que le licenciement est nul suite à un harcèlement (harcèlement moral ou harcèlement sexuel), une discrimination ou une atteinte aux libertés fondamentales du salarié (exemple : le droit de grève). Dans ces cas, les prud'hommes sont libres de fixer le montant des indemnités prud'homales, sans plancher ni plafond. Il en est de même en cas de violation des règles applicables aux droits de la femme enceinte et aux accidents du travail ou maladies professionnelles.55

Nous ne pouvons pas réaliser une étude sur les effets de l’introduction du barème dans les décisions observées, car ce barème s’applique à une période ultérieure à celle de notre échantillon (i.e. au 24/09/2017 alors que notre collecte s’est arrêtée en février 2017 date à laquelle ce barème n’était pas applicable). Toutefois, pour mettre en perspective notre analyse et le barème introduit en septembre 2017, nous proposons une simulation dans le paragraphe suivant. Il s’agit de calculer ce qu’une application théorique du barème aurait indiqué comme montant d’indemnités pour les cas de licenciement abusif qui ont été acceptés dans la période couverte par notre échantillon (i.e. antérieure à l’application du barème). Il s’agit donc bien d’un exercice de calcul d’une indemnité « fictive » telle que l’application du barème décrit précédemment le suggère.

B. Simulation du barème 2017 à des cas décidés antérieurement

Nous proposons ci-dessous d’appliquer le barème défini par cette ordonnance à 408 cas répertoriés dans notre base de données, pour lesquels la demande a été acceptée, et pour lesquels nous avons pu collecter des informations sur l’ancienneté du salarié et le montant de leur salaire.56

L’exercice consiste donc à calculer l’indemnité théorique qui aurait été pratiquée si le barème 2017 avait été en place lorsque chacun de ces 408 cas a été décidé. Le graphique 2.AB fait apparaître sur les lignes orangées les bornes « plancher » et « plafond » si le barème 2017 avait été appliqué. Les points représentent les montants réellement obtenus pour les cas correspondants.

Notons tout d’abord que trois cas de figures se présentent :

- Certains cas ont reçu des compensations inférieures à celles que le barème aurait indiqué (9,8% des cas, distribués assez régulièrement entre les différentes années d’ancienneté).

55

Source : https://droit-finances.commentcamarche.com/faq/54743-indemnites-aux-prud-hommes-bareme-2018 et https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F33999 56

Dans la très grande majorité des cas, le salaire renseigné était en valeur brute. C’est sur les valeurs brutes que le barème s’applique.

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- D’autres cas ont perçu des indemnités correspondant aux bornes du barème (31,1% des cas). On remarque que cette situation correspond particulièrement aux cas dont les demandeurs ont une ancienneté supérieure à 10 années.

- Enfin, les autres cas (59,1%) ont perçu des indemnités supérieures à celles que le barème aurait indiqué. Notons que ces cas correspondent majoritairement à des situations où l’ancienneté du demandeur est très faible.

Graphique 2.AB : Simulations des montants qui auraient été attribués en application du barème 2017

En complément de cette analyse, nous présentons dans le graphique 2.29. les écarts (en mois de salaires) entre les montants obtenus et les montants issus d’une application fictive du barème sur ces cas. Les mois de salaires présentés correspondent aux déviations par rapport au barème si ce dernier était appliqué aux décisions. Un cas dont les indemnités sont comprises entre le plancher et le plafond du barème indiquera ainsi une déviation nulle. Les cas ayant donné lieu à des indemnités supérieures de X mois à ce que le barème aurait indiqué présenteront une déviation de +X mois. Au contraire, les cas ayant donné lieu à des indemnités supérieures de Y mois à ce que le barème aurait indiqué présenteront une déviation de -Y mois

En moyenne, on constate que l’écart s’établit à 1,62 mois de salaires (réellement perçu « en plus » par rapport à l’application théorique du barème). Ce chiffre suggère donc que l’application du barème entraîne peu d’écarts en moyenne par rapport aux pratiques réellement observées dans notre échantillon. Notons d’ailleurs une importante

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concentration de cas en zéro, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’écarts entre ce qui a été réellement obtenu et ce qu’une application fictive du barème donnerait. Ensuite, certains cas ont un écart négatif, ce qui signifie qu’ils auraient obtenu plus en application du barème que ce qu’ils ont réellement obtenu. D’autres cas ont un écart positif : l’application fictive du barème aurait conduit à des montants moins élevés que ceux observés

Graphique 2.AC : Ecarts (en mois de salaires) entre les montants obtenus et les montants en application « fictive » du barème

Avant de poursuivre, nous rappelons les limites de cette analyse de simulation. Tout d’abord, l’échantillon comporte 408 cas décidés dans les sections « Activités diverses », « Commerce » et « Encadrement » du conseil de prud’hommes de Paris, et nous ne pouvons pas déterminer si les résultats obtenus sont généralisables à un plus grand nombre de cas, provenant de ce conseil de prud’hommes ou d’un autre conseil. Par ailleurs, il s’agit d’un exercice où nous calculons une indemnité théorique « fictive » qui nous sert de comparaison avec nos observations. Cet exercice est moins robuste que celui d’une comparaison sur « données réelles », mais cette dernière approche ne pourra se faire que dans le futur car elle nécessiterait de collecter de nouvelles données pour les années 2018, 2019 et suivantes. Enfin, notre « exercice » ne concerne que l’indemnité relative au licenciement, hors les cas comportant plusieurs chefs de demandes. Il n’est donc pas exclu qu’un arbitrage puisse s’opérer entre les différents chefs de demandes : les contraintes imposées par le barème pourraient avoir un « second effet » qu’on pourrait qualifier d’ « effet rebond », celui d’augmenter les montants attribués pour les autres chefs de demandes d’un même cas. Nous ne sommes pas en mesure de déterminer si cet effet s’observe (il faut de nouveau

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attendre une future collecte de données pour vérifier l’existence de cet effet et le quantifier), mais ce scénario est envisageable. Rappelons par ailleurs que le barème ne s’applique qu’à l’indemnité pour licenciement abusif. Or un licenciement peut cumuler plusieurs autres indemnités qui ne sont pas soumises au barème (indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, indemnité compensatrice de congés payés). Ainsi, l’ensemble des montants obtenus peut ne pas varier (ou varier différemment de notre analyse) du fait du cumul de ces indemnités, qui ne font pas toutes l’objet d’un barème. Un fait important est d’ailleurs qu’en parallèle de l’introduction du barème, l’indemnité légale de licenciement a été augmentée. Notre analyse présentée dans les graphiques 2.AB et 2.AC est donc très partielle, car elle ne porte que sur une dimension (l’indemnité pour licenciement abusif) et non pas de l’ensemble des indemnités perçues par les demandeurs qui portent leurs cas dans les conseils de prud’hommes. Des effets « rebonds » peuvent exister entre les différentes indemnités sollicitées dans les chefs de demandes.

Enfin, au-delà de ces effets rebonds entre les chefs de demandes, on peut aussi envisager un changement du nombre de ces chefs de demandes. Si l’ordonnance encadre le montant des indemnités pour licenciement abusif, un autre effet envisageable serait que le demandeur augmente le nombre de ses chefs de demandes en retour pour percevoir plus d’indemnités au total. En d’autres termes, il est important pour de futures évaluations de ce dispositif de poursuivre l’analyse en termes de montants demandés et obtenus « au total » et « pour le motif de licenciement abusif » uniquement.

2.3.3. CAS PASSES EN BUREAU DE JUGEMENT EN 2017

La définition de seuils planchers et plafonds pour l’indemnité de licenciement abusif suite à l’ordonnance n°1387 du 22 septembre 2017 a été précédée par plusieurs tentatives d’introduction de tels seuils.

Ainsi, en application de l’article 258 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, le décret n°2016-1581 du 23 novembre 2016 portait fixation d’un référentiel indicatif d'indemnisation.57 Une différence importante avec le barème de 2017 était que cette version issue du décret n°2016-1581 était indicative et non obligatoire. De plus, ce barème indicatif en cas d’absence de conciliation était établi en fonction de différents critères (âge du salarié, ancienneté du salarié, et difficultés particulières de retour à l'emploi du demandeur tenant à sa situation personnelle et à son niveau de qualification au regard de la situation du marché du travail au niveau local ou dans le secteur d'activité considéré). Le barème issu du décret n°2016-1581 est présenté en annexe 2.C. Il est entré en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 24 novembre 2016.

Nos données sont donc en partie concernées par ce décret, puisque les cas passés en bureau de jugement en février 2017 sont concernés par ce barème indicatif. Une question

57

Pour être précis, une tentative d’établissement d’un barème avait été réalisée dans le projet de la loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques de 2015 antérieurement au décret n°2016-1581. L’encadrement de l’indemnité octroyée par le juge au salarié licencié sans cause réelle ni sérieuse s’effectuait selon l’ancienneté du salarié et l’effectif de l’entreprise. Le conseil constitutionnel n’a pas rejeté l’idée d’un plafonnement de l’indemnité dans sa décision du 5/8/2015 (décision 2015-715 DC), mais a considéré que ce dispositif devait retenir des critères présentant un lien avec le préjudice du salarié. Cette première version a donc été revue pour aboutir au barème indicatif présenté en 2016.

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qui se pose alors est de savoir si les montants observés cette année-là sont différents des montants attribués antérieurement. Les précédents graphiques 2.V à 2.X ne montrent pas de différences significatives entre les montants généralement attribués en 2017 par rapport aux années antérieures. Cependant, il s’agit de graphiques relatifs à l’ensemble des montants demandés (tous cas confondus), et une analyse plus spécifique aux cas de licenciements abusifs (seuls soumis à ce barème indicatif pour l’indemnité de licenciement abusif) est nécessaire.

Le tableau 2.11 établit les écarts moyens d’indemnités obtenues (en nombre de mois de salaires) entre les montants réellement obtenus et les montants fictifs qui auraient été perçus en application du barème défini en septembre 2017 (sur les mêmes données que le paragraphe précédent). L’objectif est de voir si les montants fixés en 2017 (correspondant aux cas passés en bureau de jugement en 2017 et donc soumis au barème indicatif de 2016) sont différents de ceux fixés lors des années antérieures.

Tableau 2.11 Ecarts (en nombre de mois de salaires) entre l’indemnité obtenue et l’indemnité « fictive » en application du barème 2017

2013 2014 2015 2016 2017

Nombre de mois de salaire d’écart au barème

1,762 1,767 1,784 1,285 1,378

Inférieur au barème (%) 13,2 % 10,5 % 9,1 % 9,7 % 5,5 % Dans le barème (%) 28,6 % 26,3 % 29,1 % 34,7 % 39,7 % Supérieur au barème (%) 58,2 % 63,2 % 61,8 % 55,6 % 54,8 %

On observe à la lecture du tableau 2.11 une diminution de l’écart entre l’indemnité obtenue et l’indemnité « fictive » à partir de 2016. Sur 2013 à 2015, l’écart est en moyenne de 1,76 mois au-dessus du barème. On passe à 1,33 mois au-dessus du barème en 2016-2017. Un examen de la p-value (p-value=0.065, test unilatéral) suggère qu’on peut dire à 90% de certitude qu’on a une distance au barème plus faible en 2016-2017 qu’en 2013-2015.

Si la tendance globale est à la diminution des ‘trop versés’ par rapport à ce que le barème (dans sa version 2016) préconise, on observe toutefois deux phénomènes opposés : on a moins de décisions qui sont en dessous du barème (surtout en 2017) et moins de décisions au-dessus du barème. On observe donc que les décisions convergent vers le barème.

Certes, l’année 2016 dans le tableau correspond aux cas passés en bureau de jugement en février 2016, et donc ne sont pas soumis au barème indicatif. Cependant, les discussions sur la définition de seuils planchers et plafonds étaient déjà ouvertes à ce moment-là, puisque cette disposition était inscrite dans la loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques de 2015, et qu’une première tentative de barémisation avait été établie mais rejetée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 5/8/2015 (décision 2015-715 DC).

On peut discuter des raisons pour lesquelles on constate une certaine convergence des montants obtenus en 2016 et 2017. Cela peut être dû aux discussions puis à l’introduction d’un barème indicatif, ou à des changements de composition des cas ces

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années-là. Cependant, en observant les montants demandés en 2016 et 2017 (graphiques 2.O-2.Q), il n’y a pas de différences observées entre la structure des demandes en 2016 et 2017 par rapport aux années antérieures. Le scénario d’un changement de composition des cas ces années par rapport aux années précédentes nous semble donc peu probable.

Pour terminer, nous soulignons que les limites exposées précédemment continuent de s’appliquer à cette analyse. Notre échantillon est « contextualisé » à un conseil de prud’hommes donné et une période donnée sans garantie de généralisation. De plus, nous ne pouvons pas exclure la présence d’ « effets rebonds » entre les chefs de demandes et les différentes indemnités demandées et obtenues, qui viendraient limiter notre analyse sur les écarts d’indemnisation relatif au chef de demande du licenciement abusif.

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CONCLUSION DE LA PARTIE 2

Notre travail a porté sur les cas décidés en bureau de jugement dans les sections « Activités Diverses », « Commerce » et « Encadrement » au cours des mois de février 2013, février 2014, février 2015, février 2016 et février 2017.

Notre travail entend compléter les analyses quantitatives antérieures sur les décisions des conseils de prud’hommes en comblant une difficulté importante, qui est celle des écarts entre les montants demandés et obtenus, et les corrélations entre ces montants et différentes variables comme la section, l’âge du demandeur, le genre, ou la présence d’un avocat. Nos résultats montrent des écarts importants entre les montants demandés et obtenus, tous chefs de demandes confondus. Une « acceptation » de la demande doit donc être comprise avec précaution : d’une part car un cas comprend plusieurs chefs de demandes qui ne sont pas toujours tous « acceptés » et d’autre part car même en cas d’acceptation d’un chef de demande, le montant demandé ne correspond pas nécessairement, et même rarement, au montant obtenu. Si on considère que les montants obtenus sont les montants « justes », alors les montants demandés peuvent cacher des stratégies de « gonflement » des demandes par les parties.

De plus, les montants demandés varient assez fortement entre la section « Encadrement » et les autres sections, à savoir les sections « Activités Diverses » et « Commerce ». L’âge apparaît également comme un facteur influençant les montants demandés (surtout au palier des 35 ans), alors que le genre joue un faible rôle. Concernant les montants obtenus, ils semblent être principalement corrélés à la section (notamment la section « Encadrement » par rapport aux autres), l’âge, et la présence d’un avocat. En analysant plus spécifiquement les licenciements abusifs, on constate que lorsque les cas sont acceptés, les demandeurs obtiennent en moyenne 50% des montants demandés. Nos données étant antérieures à l’instauration du barème défini par l’ordonnance n°2017-1387, elles ne nous permettent pas d’évaluer les effets de ce barème. Notre exercice de simulation montre qu’une application « fictive » de ce barème sur les cas de notre échantillon conduit à des situations variées (certains cas perçoivent plus et d’autres moins avec cette application fictive du barème). Toutefois, nous rappelons que le barème ne s’applique qu’au motif de licenciement abusif, et que d’autres indemnités (non soumises au barème) sont versées au demandeur (pour le licenciement ou pour d’autres chefs de demandes). L’effet total du barème nécessiterait donc une analyse dans le futur pour constater la présence ou non d’ « effets rebonds » par lesquels une limite sur un type d’indemnité entraînerait plus de versements sur d’autres indemnités, ou une augmentation des chefs de demandes.

Nous rappelons également plusieurs limites de notre travail. Tout d’abord, notre échantillon provient de cas déposés au conseil de prud’hommes de Paris. Nous ne pouvons donc pas garantir la représentativité de ces cas au niveau national, puisque ce conseil (comme tout autre conseil) peut être dépendant de caractéristiques socio-économiques et structurelles particulières. Une de ces particularités est de recevoir peu de cas en section « Agriculture » et « Industrie », c’est pourquoi nous nous sommes concentrés sur les trois autres sections rassemblant le plus de cas, à savoir les sections « Encadrement », « Commerce », et « Activités diverses ». Par ailleurs, nous ne pouvons pas exclure le fait que la « population » des demandeurs dépendants de ce conseil, et que les cas portés devant ce conseil aient des spécificités limitant la généralisation de nos résultats.

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De la même manière, nous avons prélevé un échantillon de cas relatifs aux années 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017. Il ne nous semble pas que ces années soient « particulières » au regard des cas portés devant ce conseil, mais nous ne pouvons pas garantir non plus que l’ensemble des cas à venir soit parfaitement similaires à ceux de ces années-là.

Notons également que nous nous intéressons aux cas ayant atteint l’étape du bureau de jugement. Nous ne sommes donc pas en mesure de proposer une analyse des déterminants des saisines, ni du succès de l’étape de conciliation au cours de ces années. Nous nous sommes concentrés uniquement sur les cas portés devant le bureau de jugement.

Notre étude a permis d’établir certaines observations qui manquaient jusqu’à présent, notamment sur les montants obtenus et demandés. Elle ne vise pas à établir des causalités sur ces phénomènes, ce qui impliquerait des investigations complémentaires, au-delà de l’objectif de ce rapport. Enfin, notre « exercice » relatif aux effets de l’application théorique du barème 2017 est soumis à plusieurs limites détaillées précédemment. Il repose notamment sur un point de comparaison « fictif » (le calcul de l’indemnité théorique qui aurait été perçue si le barème avait été en application sur des cas décidés antérieurement), et ne s’applique pas à l’ensemble des indemnités perçues par le demandeur (uniquement celle obtenue pour licenciement abusif) alors que des arbitrages entre les versements obtenus pour chaque chef de demande ne peuvent pas être exclus. De plus, d’autres effets peuvent apparaître : une multiplication des chefs de demandes, un gonflement des montants relatifs aux chefs de demandes hors barème, ou d’autres arbitrages « inter-chefs de demandes » (par exemple, les cas apparaissant sous le seuil plancher du barème pourraient ne plus être acceptés, mais des montants supplémentaires pourraient être alloués sur des chefs de demandes hors barème). Ces limites soulignent la nécessité et l’intérêt de poursuivre les analyses sur les décisions prises par les conseils de prud’hommes, afin d’avoir une vision plus claire de leurs pratiques.

Rappelons également que la collecte et le codage des données s’est fait avec des « moyens humains ». Malgré nos efforts de vérification, il est possible que des erreurs de codage subsistent.

Enfin, nous avons souvent été confrontés à des difficultés dans la collecte des données. Une de ces difficultés provient du manque d’harmonisation des intitulés présentés dans les procès-verbaux. A titre d’exemples, au fil des cas codés sur la question du licenciement (qui ont eu lieu avant la réforme par ordonnance de 2017), nous avons noté les appellations suivantes :

- Indemnité pour licenciement abusif

- Indemnités pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

- Dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail

- Indemnités pour rupture abusive

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Certains cas avaient même des demandes à la fois pour une « indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse » et des « dommages et intérêts pour rupture abusive ».

Vu la multiplicité des possibilités d’indemnisation pour un licenciement, il nous semblerait important d’harmoniser l’intitulé des chefs de demandes (notamment pour un licenciement abusif) pour mieux identifier les différents chefs de demandes et les différentes indemnités sollicitées. Nous concluons donc le rapport sur cette recommandation importante pour mener dans le futur des études quantitatives fiables.

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PARTIE 3. UNE ANALYSE EX-POST DE L’INTRODUCTION D’UN

BAREME : LE CAS DES PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANT

Un des effets attendus de la mise en place d’un barème est la réduction de l’inégalité de traitement des affaires comme celle de la durée de traitement des affaires. Dans la troisième partie de cette recherche, nous proposons de tester ces deux hypothèses58 en nous intéressant à la table de référence indicative pour calculer une Contribution pour l’Entretien et l’Education de l’Enfant (CEEE), mise en circulation par le ministère de la Justice en 2010.

L’identification, voire la mesure, de la disparité des décisions inter-juges (ou inter-tribunaux) est une question assez bien documentée dans la littérature internationale en criminologie59

et en économie du droit60. Cependant, les travaux concernent surtout les Etats-Unis et le cadre français a été peu analysé. Nous inspirant de ces travaux, nous proposons de mettre en œuvre plusieurs méthodologies distinctes pour identifier les sources de disparités des décisions de justice dans le cas de la fixation des pensions alimentaires pour enfant. Nous considérons que le fait de mener l’analyse simultanément selon plusieurs méthodologies différentes accroît la probabilité que nos conclusions soient relativement robustes si les résultats convergent vers des enseignements similaires. En effet, la littérature montrant que dans ce champ d’analyse aucune méthode n’est totalement à l’abri de limites méthodologiques (WALDFOGEL (1998), pour une synthèse de ces limites), recourir à plusieurs méthodes permet de limiter le risque d’interprétations fragiles.

Cette troisième partie s’organisera donc en trois sous-parties. La première (3.1) analyse des données issues d’une méthodologie quasi-expérimentale. Elle consiste à soumettre un ensemble de cas types (très simplifiés) de divorces à un ensemble de « cobayes » (selon la terminologie de l’expérimentation) avec pour objectif qu’ils fixent le montant de CEEE pour chacun des cas types. La sélection des cas types a consisté à déterminer un plan d’expérimentation permettant de comparer systématiquement les types de décisions. La principale comparaison est bien sûr de comparer des décisions prise avec barème indicatif et d’autres prises sans barème indicatif. La deuxième (3.2) consiste en des analyses statistiques menées sur la base de données réelles et représentatives (par opposition donc à expérimentales) issues de décisions de justice. L’approche, relativement simple, consiste alors à mesurer l’inégalité de traitement, la variance en termes statistiques, sur deux ensembles d’affaires, l’un avant 2010, date de mise en place et de diffusion du barème de CEEE, l’autre après 2010. L’analyse est menée successivement à partir d’un corpus de décisions de cour d’appel, puis de tribunal de grande instance, avec cependant d’importantes limites dans le second cas (cf. infra). Dans les deux sous-parties, l’hypothèse

58

Cette partie 3 traite principalement de l’hypothèse relative à l’inégalité de traitement ; faute de données adéquates, l’hypothèse relative à la réduction de la durée des procédures n’est traitée que marginalement dans la sous-partie 3.3. 59 Cf. notamment, RHODES W. (1991), “Federal Sentencing Guidelines: Some Measurement Issues with Application to Pre-Guideline Sentencing Disparity”, The Journal of Criminal Law and Criminology, 81(4), 1002-1033 ; ALSCHULER A. W. (1996), “The Failure of Sentencing Guidelines: A Plea for Less Aggregation”, The University of Chicago Law Review, 58(3), 901-951 ; HOFER P. J., BLACKWELL K. R., RUBACK R. B. (1999), “The effect of Sentencing Guidelines on Inter-Judge Sentencing Disparity”, The Journal of Criminal Law and Criminology, 90(1), 239-321. 60 Cf. notamment, WALDFOGEL J. (1998), “Does Inter-Judge Disparity Justify Empirically Based Sentencing Guidelines?”, International Review of Law and Economics, 18, pp. 293-304 ; ANDERSON J. T., KLING J. R., STITH K. (1999), “Measuring Inter-judge Sentencing Disparity: Before and After the Federal Sentencing Guidelines”, Journal of Law and Economics, 42(1), 271-307 ; LACASSE C., PAYNE A. A. (1999), “Federal Sentencing Guidelines and mandatory Minimum Sentences: Do Defendants Bargain in the Shadow of the Judge?”, Journal of Law and Economics, 42(1), 245-269.

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selon laquelle l’existence d’un barème serait de nature à réduire l’inégalité de traitement serait confirmée dès lors que la variance avec barème (expérimentation) ou post-2010 (données réelles) est inférieure à la variance sans barème (expérimentation) ou pré-2010 (données réelles). La troisième (3.3) vient compléter ces analyses quantitatives en se focalisant plus spécifiquement cette fois-ci sur la pratique (et non plus sur la décision en matière de montant fixé de CEEE) des juges en charge des affaires familiales en cour d’appel (CA) et en tribunal de grande instance (TGI). Cette approche repose sur une enquête qualitative, elle a été menée dans la perspective de donner d’éventuels éléments de compréhension et d’interprétation des conclusions quantitatives mises en relief dans les deux premières sous-parties.

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3.1. L’ANALYSE EX-POST DU RECOURS A UN BAREME EN MATIERE DE FIXATION DE CEEE A PARTIR D’UNE APPROCHE EXPERIMENTALE

Cette première sous-partie relative à l’analyse de nos données expérimentales est organisée en trois sections. Dans la première section (3.1.1.), nous évoquons les questions méthodologiques préalables à l’analyse. La deuxième section (3.1.2.) n’était pas prévue dans notre projet, elle consiste à étudier l’impact du barème sur le niveau de CEEE. En effet, notre projet était de nous centrer sur la seule question de l’impact en termes de disparité des montants de CEEE, or dès les premières analyses statistiques, nous nous sommes rapidement aperçus que l’on ne pouvait pas écarter a priori l’impact en termes de niveau de CEEE, d’une part parce que niveau et disparité peuvent être structurellement liés (la variance dépend de la moyenne) et, d’autre part, parce que l’incidence en termes de niveau est une question en soi intéressante (une grande partie de la littérature américaine relative aux barèmes de pension alimentaire pour enfant lors de divorces, datant de la fin du siècle passé, est d’ailleurs presque exclusivement consacrée à cette question d’impact en termes de niveau). Enfin, la troisième section (3.1.3.) porte sur notre objet principal d’analyse, à savoir l’impact du barème sur la disparité des décisions en matière de CEEE.

3.1.1. PRESENTATION DE LA METHODOLOGIE

Après avoir présenté le protocole expérimental (A), nous aborderons trois questions méthodologiques préalables : le traitement des données manquantes (B), la question de l’effet d’ancrage (C) et, enfin, la question de la pondération de l’échantillon (D).

A. Le protocole expérimental

Notre expérimentation consiste à placer des sujets (cobayes) dans une situation assez similaire à celle qu’ils rencontreraient s’ils devaient traiter des affaires de divorce, mais, dans notre cas, en se focalisant sur la seule décision consistant à fixer le montant de CEEE. Le protocole est expérimental car, pour les besoins de l’analyse, les affaires en question sont nécessairement très simplifiées, elles ne sont pas réelles et les sujets ne sont pas des juges. En effet, une analyse expérimentale repose sur un plan d’expérimentation, c’est-à-dire sur un ensemble d’informations complet, au sens où par croisement des différentes informations, tous les cas de figures (la combinatoire des différentes informations) peuvent être analysés systématiquement. On comprend alors pourquoi les cas types soumis au traitement des sujets sont nécessairement simples (limités en information). On notera cependant que notre approche diverge pour partie de la méthodologie expérimentale habituelle en économie expérimentale dans la mesure où nous avons opté pour un protocole non décontextualisé (les sujets savent qu’ils traitent des affaires de divorce, alors que l’économie expérimentale s’efforce de décontextualiser en demandant aux sujets de prendre des décisions hors contexte et ce, afin d’observer des comportements de décision « purs », non affectés, par exemple, par des a priori liés au contexte61). Nous avons opté pour cette approche contextualisée principalement pour une raison pratique : compte tenu

61

Une autre différence essentielle avec l’approche d’économie expérimentale standard est le fait que dans notre cas les sujets ne sont pas rémunérés. En économie expérimentale, la rémunération est introduite comme élément central de la motivation à réaliser le mieux possible le jeu expérimental.

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du fait que l’expérimentation s’est déroulée, non pas en laboratoire d’économie expérimentale, mais à l’Ecole nationale de la magistrature (ENM), la contextualisation était indispensable pour justifier la participation des sujets. C’est en effet l’ensemble d’une promotion d’élèves de l’ENM qui s’est prêté à cette expérimentation.

La structure expérimentale est assez simple. Elle consiste à faire traiter (au sens de décider un montant de CEEE) les mêmes 48 affaires (cas types) par chacun des élèves, sachant que la promotion était divisée en deux sous-groupes, l’un ayant à sa disposition la table de référence de calcul de CEEE du ministère de la Justice (en version simplifiée, pour une lecture plus rapide), tandis que l’autre ne l’avait pas. Aucun des deux sous-groupes ne savait que l’expérimentation portait sur l’usage du barème : une première séance effectuée en amphithéâtre s’est déroulée sans table de référence, puis, dans la foulée (pour éviter les contacts entre les élèves des deux sous-groupes), une seconde session s’est déroulée avec table de référence (le second sous-groupe ne savait donc pas que le premier n’avait pas bénéficié de la table de référence). In fine, en comparant statistiquement les décisions prises par les deux sous-groupes, il est alors possible de mesurer l’impact du barème, principalement en termes de réduction d’hétérogénéité (l’hypothèse étant qu’avec la possibilité de recourir au barème, les décisions devraient être moins dispersées).

1. Le choix des cas types

Pour pouvoir bien identifier des effets différentiés selon le type d’affaires, il convient que le jeu de cas types à traiter soit systématique (exhaustif) par croisement des caractéristiques définissant les affaires. On arrive donc assez vite à un nombre de cas élevé, ce qui impose de faire des choix dans les caractéristiques à retenir car on ne peut pas faire traiter par les sujets un trop grand nombre de cas (manque de temps, lassitude, etc.). Nous avons donc fait le choix de retenir principalement les cas les plus fréquents, bien que l’on puisse penser que l’hétérogénéité est plus grande lorsque ce sont des cas particuliers. Mais si l’on pense qu’un barème a pour finalité en premier lieu de faciliter l’activité de masse des juges, il est justifié, au moins en première analyse, de se focaliser d’abord sur les cas les plus fréquents. L’analyse de l’impact d’un barème sur les décisions relatives aux affaires très particulières est donc exclue de notre champ d’étude. Ainsi, les choix que nous présentons ci-dessous sont tirés d’observations statistiques de la base de données des décisions de TGI 2012 impliquant la fixation d’une CEEE pour enfants (l’une des bases de données qui sera analysée en sous-partie 3.2). Ces choix, effectués initialement sur uniquement des raisonnements statistiques, ont ensuite été soumis à la critique de collègues non statisticiens de l’équipe rassemblée sur ce projet (un juge de TGI ayant une grande expérience en matière d’affaires de divorce et une chercheure juriste également spécialiste du droit de la famille) et ce, dans le but de s’assurer que les cas types retenus correspondent relativement bien à des situations assez communes dans la pratique des tribunaux.

Nous avons retenu six caractéristiques d’expérimentation (le choix ayant été très logiquement principalement déterminé par les paramètres constitutifs de la table de référence de fixation de CEEE du ministère de la Justice) pour définir les affaires types :

le nombre d’enfants dans la fratrie (tous concernés par la CEEE) ;

le type d’hébergement ;

le revenu du parent créancier ;

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le revenu du parent débiteur ;

la proposition du parent créancier ;

la proposition du parent débiteur.

Dans tous les cas, nous avons considéré qu’il s’agissait d’un divorce (pour limiter le nombre de cas types). Sont donc exclus dans cette analyse les séparations de parents non mariés. Nous avons également exclu toutes les particularités « mineures » des affaires (par exemple, les charges évoquées par les parents, les attitudes des parties, la localisation des parents, les argumentations spécifiques des avocats…), ce qui illustre parfaitement le fait que l’on se situe dans un cadre expérimental. Dans un tel cadre, il faut en effet tenter de maitriser les facteurs de variation, donc les affaires sont décrites de manière très succincte et systématique (cela sous-entend que tout ce qui n’est pas évoqué dans la présentation des cas types est constant, c’est-à-dire similaire à toutes les affaires). Cela peut paraître curieux, voire beaucoup trop artificiel, aux lecteurs non habitués aux approches expérimentales, mais si l’on veut prendre en compte toute la complexité des affaires (ou tout du moins une partie de cette complexité), il faut étudier statistiquement des décisions de justice réelles, ce que nous ferons par ailleurs, en sous-partie 3.2, à partir des bases de données.

2. Des cas types dont les caractéristiques sont proches des caractéristiques des affaires fréquentes

Le choix des modalités retenues pour chacune des caractéristiques repose sur une analyse statistique préalable des caractéristiques des affaires traitées en première instance (via l’exploitation de la base TGI-CEEE 2012). Autrement dit, les cas types retenus sont simplifiés par rapport aux affaires réelles que traitent les magistrats, mais correspondent néanmoins à des configurations relativement fréquentes.

Les statistiques nous montrent que les cas les plus nombreux sont ceux où il y a un ou deux enfants, nous ne retenons donc que ces deux situations (soit 90% des affaires en TGI en 2012). Nous renonçons donc à tester la situation des familles nombreuses. Il nous reste à déterminer un âge pour ces enfants (élément de contextualisation), nous avons retenu la médiane observée. Dans les affaires traitant de la fixation d’une CEEE d’un enfant unique, l’âge médian est de cinq ans. Dans les affaires traitant d’une fratrie de deux enfants, les âges médians sont respectivement de six et dix ans. Ce seront donc des enfants mineurs. Là encore nous excluons d’étudier les familles avec enfant majeur, car ce sont des cas particuliers et minoritaires.

Les statistiques nous montrent que dans les trois quart des cas, la résidence est fixée chez la mère. Nous retenons donc cette situation ; sont donc exclues les situations de résidence alternée (en particulier parce que l’usage de la table de référence indicative dans cette situation est compliqué, et donc incompatible avec une situation d’expérimentation où les sujets ont peu de temps pour traiter un grand nombre de cas). Nous excluons également les situations où la résidence est fixée chez le père, car ces situations demeurent assez minoritaires et que, comme évoqué supra, on ne peut pas traiter tous les cas. On distinguera cependant deux situations parmi les hébergements chez la mère : le droit de visite et d’hébergement (DVH) dit « classique » (un week-end sur deux et la moitié des vacances chez le père) et le droit de visite et d’hébergement dit « réduit » (durée de séjour chez le père

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inférieure au DVH « classique »)62, afin de tester si la variance des décisions est différente selon ce paramètre, paramètre qui est explicitement constitutif de la table de référence du ministère de la Justice.

Pour les revenus des parents (revenus d’activité, revenus de remplacement, revenus relevant d’une logique de minima social), nous avons cherché à déterminer dans la base de données CEEE-TGI 2012, les combinaisons « père-mère » de revenus les plus typiques statistiquement (cf. tableau 3.1, infra). La première combinaison peut être énoncée ainsi : les deux parents ont des revenus moyens (entre 1 200 et 2 000 euros par mois) relativement proches, mais le père a un revenu un peu supérieur à la mère. Nous avons retenu le montant médian du sous-groupe d’affaires se situant dans cette configuration. A savoir, lorsqu’il s’agit de couples ayant un ou deux enfant(s) mineurs hébergés à titre principal chez la mère et que les ressources des deux parents se situent entre 1 200 et 2 000 euros, le revenu médian de la mère est égal à 1 500 et celui du père à 1 600. La seconde combinaison est constituée d’un revenu féminin relativement faible (inférieur à 1 200 par mois, pour contraster avec la première combinaison, mais clairement supérieur au Revenu de Solidarité Active (RSA) car nous ne souhaitons pas traiter le cas particulier des revenus très faibles qui ne sont pas explicités dans la table de référence du Ministère de la Justice), et d’un revenu masculin nettement plus élevé (supérieur à 1 600 par mois, pour contraster avec la première combinaison). L’analyse de la distribution croisée des revenus parentaux nous a alors amené à retenir les montants suivants : 1 000 euros par mois pour la mère et 1 900 euros par mois pour le père. Par contraste (et là nous nous écartons volontairement de la stratégie de ne retenir que les cas les plus fréquents), nous avons souhaité ajouter une troisième combinaison plus rare, de manière à prendre en ligne de compte les situations où c’est la mère créancière qui gagne plus que le père. Le cas sera celui où la mère gagne plus de 2 000 euros et le père a des revenus faibles (mais supérieurs au RSA, cf. supra) ; là encore les montant précis ont été déterminés par analyse des distributions des revenus pour aboutir à la détermination d’un revenu paternel égal à 1 100 euros et un revenu maternel égal à 2 500 euros.

Tableau 3.1 : structure de répartition des affaires selon les revenus des parents Revenu de la mère

Revenu du père Inconnu 0-500 euros

500-1200 euros

1200-2000 euros

2000 euros et plus Total

Inconnu 25,77% 2,61% 2,44% 1,84% 0,82% 33,48% 0-500 euros 0,90% 1,15% 1,12% 0,71% 0,22% 4,10% 500-1200 euros 1,69% 2,80% 5,21% 3,22% 0,70% 13,62% 1200-2000 euros 1,54% 4,54% 9,72% 10,36% 2,47% 28,63% 2000-3000 euros 0,44% 1,42% 2,84% 5,11% 2,29% 12,09% 3000 euros et plus 0,80% 0,60% 1,51% 2,40% 2,76% 8,07% Total 31,14% 13,12% 22,84% 23,64% 9,25% 100,00% Source : base de données de décisions de justice CEEE-TGI 2012.

Concernant les propositions des parties, les statistiques issues de la base CEEE-TGI 2012 montrent que le cas très nettement le plus fréquent (21%), si l’on met à part le cas où

62

Ces deux formes de DVH sont de loin les plus fréquentes : pour les fratries d’un enfant, l’enfant vit chez sa mère avec un DVH dit « classique » dans 57% des cas et avec un DVH dit « réduit » dans 20% des cas ; pour les affaires relatives aux fratries de deux enfants, ces pourcentages sont respectivement de 57% et 13% (source : base de décisions de justice CEEE-TGI 2012).

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les deux parents s’accordent pour ne pas prévoir de pension alimentaire, est celui où la demande et l’offre sont situées entre 100 et 200 euros (cf. tableau 3.2 infra). Nous avons donc retenu les valeurs médianes d’offre et de demande de CEEE pour les affaires (avec un ou deux enfants) comprises entre ces deux bornes. On s’attend bien sûr à ce que la demande médiane soit supérieure à l’offre médiane, mais qu’elles soient relativement proches. C’est le cas avec une offre médiane égale à 140 euros et une demande médiane égale à 200 euros ; ce couple de propositions constitue donc notre premier cas. Notons que nous n’avons pas retenu de cas où l’offre est égale à la demande, car il nous semble que dans ces situations d’accord le recours à la table de référence est plus secondaire, le juge le plus souvent homologuant l’accord presque « les yeux fermés ». Le deuxième cas, certes moins fréquent mais qui contraste avec le cas précédent du fait d’un désaccord plus prononcé entre les parents, est celui où la mère demande plus que n’offre le père (elle demande plus de 100 euros et il offre moins de 100 euros, mais il s’agit d’une offre non nulle). Les montants précis retenus correspondent aux valeurs médianes calculées à partir des affaires correspondant à ce type de combinaison de propositions, à savoir une offre égale à 100 euros et une demande égale à 300 euros. Nous avons également retenu (troisième cas) la combinaison de propositions suivante parce qu’elle est relativement fréquente statistiquement : le cas où le père ne veut pas payer de CEEE, son offre est donc égale à 0, et où la mère demande une pension alimentaire relativement standard (entre 100 et 200), soit une demande médiane égale à 150 euros. Enfin (quatrième cas), nous avons choisi de retenir également la situation assez fréquente où le père ne fait pas de proposition précise d’offre (il est disposé à payer une pension, mais inférieure à la demande exprimée par la mère, sans en indiquer explicitement le montant précis) et la mère demande une pension alimentaire relativement standard (entre 100 et 200), soit une offre indéfinie et une demande égale à la valeur médiane des demandes standards, c’est-à-dire 150 euros63.

Tableau 3.2 : structure de répartition des affaires selon les propositions des parents Demande

Offre Non

explicitée 0 euros 1-100 euros

100-200 euros

200 euros et plus Total

Non explicitée 0,18% 0,94% 3,54% 4,91% 1,63% 11,19% 0 euros 1,24% 22,69% 3,07% 3,59% 1,62% 32,22% 1-100 euros 0,31% 0,20% 14,78% 4,62% 1,26% 21,18% 100-200 euros 0,38% 0,02% 0,02% 21,08% 3,21% 24,72% 200 euros et plus 0,07% 0,00% 0,00% 0,02% 10,60% 10,69% Total 2,19% 23,85% 21,42% 34,22% 18,32% 100,00%

Source : base de données de décisions de justice CEEE-TGI 2012.

Au total nous avons donc retenu 2 x 2 x 3 x 4 = 48 cas types à traiter. Le jeu d’affaires soumis aux auditeurs de l’ENM a donc été constitué de 48 cas types (cf. tableau 3.3). Il s’agit donc non pas d’affaires réelles reprenant la totalité des informations contenues dans un dossier, mais de cas types « médians » construits à partir de quatre critères uniquement : le nombre d’enfants, le couple de revenus des parents, le temps de résidence de l’enfant chez le parent hébergeant et le couple de propositions de pension alimentaire des parents64.

63

Dans la base de données, nous pouvons observer de nombreuses affaires où la proposition chiffrée du père est inconnue, alors que c’est beaucoup plus rare pour les mères. 64

L’âge de l’enfant (ou des deux enfants) est mentionné, mais est constant d’une affaire à l’autre. Dans tous les cas, c’est le père qui est débiteur de la CEEE puisque l’enfant est toujours en résidence principale chez la mère.

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Tableau 3.3 : les 48 cas types numérotés faisant l’objet de l’expérimentation

1 enfant âgé de 5 ans 2 enfants âgés de 6 et 10 ans

Revenus Propositions DVH

« classique » DVH

« réduit » DVH

« classique » DVH

« réduit »

Père : 100 Mère : 300

1 5 25 29

Père : 1900 Père : 0 Mère : 150

2 6 26 30

Mère : 1000 Père : non explicitée Mère : 150

3 7 27 31

Père : 140 Mère : 200

4 8 28 32

Père : 100 Mère : 300

9 13 33 37

Père : 1100 Père : 0 Mère : 150e

10 14 34 38

Mère : 2500 Père : non explicitée Mère : 150

11 15 35 39

Père : 140 Mère : 200

12 16 36 40

Père : 100 Mère : 300

17 21 41 45

Père : 1600 Père : 0 Mère : 150

18 22 42 46

Mère : 1500 Père : non explicitée Mère : 150

19 23 43 47

Père : 140 Mère : 200

20 24 44 48

3. Le déroulement de l’expérimentation.

Notre expérimentation a été réalisée le 13 octobre 2017 auprès des auditeurs de justice de 1ère année de l’ENM, dans le cadre de l’une de leur séance de formation à Bordeaux. La promotion de ces auditeurs a été divisée en deux groupes de taille similaire et de composition sociodémographique relativement homogène65 (concernant cette composition, cf. infra, § D). Ils ont pris part à l’expérimentation de manière décalée dans le temps dans le cadre de deux sessions successives de deux heures chacune, organisée en amphithéâtre. Les deux groupes se sont vus demander de fixer des montants de CEEE pour un jeu de 48 affaires (cas types) synthétisées dans un document présentant les cas types et prévoyant une case pour renseigner le montant de CEEE (ce document, très visuel pour en faciliter l’usage, est présenté en annexe 3.A). Il a été demandé au premier groupe (composé de 161 auditeurs) de fixer un montant de CEEE sans qu’aucun propos relatif à l’existence d’une table de référence n’ait été fait, tandis que pour le second groupe (composé de 151 auditeurs) le même exercice a été demandé, mais une version simplifiée de la table de référence du ministère de la Justice a été distribuée ; il leur a alors été simplement précisé qu’ils étaient libres de l’utiliser ou non.

65

La constitution de ces deux groupes a été réalisée à partir des groupes déjà constitués par l’équipe pédagogique de l’ENM selon une logique cherchant à respecter l’équilibre de chaque groupe (en termes de composition par genre et par origine de recrutement).

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Dans les deux cas, l’introduction à l’exercice a été brève (une simple explication sur le contexte, sur la manière de renseigner le document et une précision pour leur faire comprendre que les cas types étant très simplifiés, ils devaient considérer que toute information qui n’est pas explicitée dans le document, mais à laquelle ils pouvaient penser, devait être considérée comme constante ou identique d’un cas type à l’autre) et ce, de manière à ne pas influencer leur comportement de décision. Il a également été indiqué que la séance se terminerait par un débriefing au cours duquel ils auraient alors, mais alors seulement, loisir de poser des questions et faire des remarques. Aucune question à haute voix n’a été acceptée en cours de procédure. Aucun bavardage avec un voisin n’a été autorisé. Quelques auditeurs ont posé des questions de compréhension en aparté en début d’exercice, nous n’y avons répondu que lorsqu’il s’agissait de questions de compréhension, nous nous sommes abstenus lorsque la question revenait plus ou moins à nous demander des aides sur la meilleure façon de procéder.

Les auditeurs ont réalisé l’exercice selon une rapidité assez variable, mais aucun n’a manqué de temps. On peut penser que les dernières minutes avant le ramassage des documents a dû être un peu perturbant pour les retardataires, car l’amphithéâtre est devenu progressivement bruyant (malgré la consigne ne s’abstenir de discuter pendant l’exercice).

Le débriefing nous a fait comprendre qualitativement, d’une part, que l’exercice avait été compris, d’autre part, qu’il avait été perçu comme étant plutôt intéressant. Les remarques ont cependant montré un certain scepticisme de la part de certains auditeurs, face à un exercice très (trop) simplifié. Nous avons bien sûr admis que la réalité est fort différente, mais nous avons tenté d’expliquer que c’est justement le propre de la méthode d’expérimentation que de simplifier les choses pour s’assurer de pouvoir identifier des effets spécifiques. Lors du débriefing de la seconde session, nous avons dévoilé notre stratégie, à savoir que seul le second groupe disposait de la table de référence ; cela a provoqué un certain effet de surprise, ce qui nous laisse penser que le « secret » quant à la modalité première du protocole expérimental a été correctement respecté. Enfin, un débat intéressant a eu lieu quant au respect de la règle de procédure ultra/infra petita. En effet, et nous y reviendrons dans les développements infra, plusieurs auditeurs ont été gênés lorsque le barème proposait un montant hors des propositions de parties. Il sera donc intéressant de traiter spécifiquement cette question dans le corps de nos analyses statistiques.

4. Les limites de la procédure expérimentale

Notre procédure comporte des limites, dont nous avons conscience, qu’il convient de souligner.

Tout d’abord, une expérimentation plus optimale aurait été de procéder avec la complicité d’un ou plusieurs tribunaux pour sélectionner des binômes « x » et « y » d’affaires similaires et d’attribuer le lot des « x » de manière aléatoire à un sous-ensemble de juges travaillant sans barème, et le lot des « y » à l’autre sous-groupe de juges travaillant, lui, avec barème (voire, autre protocole possible, soumettre les mêmes affaires aux deux sous-groupes de juges, affaires qui seraient alors jugées deux fois). Ce type de protocole, relativement idéal, est cependant peu réaliste car la magistrature est tout à fait réticente face à ce type d’expérimentation de terrain. Par ailleurs, demeure la difficile question de la détermination d’affaires similaires, chacune constituant par définition un cas d’espèce.

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La seconde limite tient au fait que nous recourrons à des élèves de l’ENM et non pas à des juges en activité, ce qui peut laisser penser qu’un biais est possible, les uns n’ayant pas nécessairement les mêmes comportements que les autres. De ce point de vue, le fait qu’il s’agisse de magistrats en formation initiale (et non pas des étudiants de diverses formations, comme c’est souvent le cas dans les expérimentations en laboratoire) nous permet de penser que l’éventuel biais devrait être limité (mais inconnu). Par ailleurs, ce choix est lié à notre expérience en matière d’expérimentation. En effet, dans le cadre d’une précédente recherche portant sur la fixation de la CEEE66, nous avons mis en place une procédure expérimentale assez similaire (mais sans faire intervenir le barème) en s’adressant directement à des juges. Or, le taux de réponse (l’expérimentation se faisait pas voie postale) a été très faible, ce qui a constitué une limite important de la procédure. La disponibilité et la motivation des juges étant faibles, recourir aux élèves de l’ENM (disponibles, puisqu’associés à l’expérimentation dans la cadre de leur formation, et a priori motivés) s’avère finalement nettement plus adéquat, même si cela demeure critiquable.

La troisième limite tient à la grande simplification des cas types proposés à l’expérimentation. Là encore notre expérience passée nous incite à penser qu’il s’agit d’un choix raisonnable. En effet, lors de notre première expérimentation auprès de juges, les cas types proposés étaient certes simplifiés, mais leur présentation nécessitait la lecture d’un tableau en une page contenant entre 50 et 70 informations selon le nombre d’enfants dans la fratrie. En sachant que les juges devaient se prononcer sur 32 cas types, la longueur et la complexité de la présentation des 32 cas types ont assurément contribué au fait que l’expérimentation n’ait été menée à bien que par quelques dizaines de juges (alors que l’on en espérait plusieurs centaines). De plus, compte tenu de la richesse de l’information fournie, l’ensemble des 32 cas types ne s’inscrivait pas dans un plan d’expérimentation, mais dans une sorte d’échantillon diversifié des situations les plus courantes qui n’autorisait pas une analyse systématique des facteurs d’hétérogénéité comme permet de le faire un plan d’expérimentation.

Enfin, la quatrième critique tient au fait que nous ayons opté pour une expérimentation en deux sous-groupes (l’un avec et l’autre sans recours à la table de référence), et non pas une expérimentation à groupe unique (chaque auditeur traite d’abord les cas types sans barème, puis les retraite dans un second temps avec barème). Une telle procédure aurait permis d’analyser la différence individuelle de décision pour un même cas type et un même auditeur. Ce type de comparaison n’est pas possible avec notre protocole ; pour un cas type donné, nous pouvons seulement comparer la moyenne des deux sous-groupes. Ce choix a été motivé pour des raisons pratiques, il n’aurait pas en effet été possible de demander aux auditeurs de traiter deux fois les 48 cas types dans un laps de temps raisonnable. Il aurait donc fallu soit réduire le nombre de cas types (et donc se limiter encore plus dans la diversité des situations), soit envisager deux sessions séparées dans le temps, ce qui était incompatible avec le programme de formation à l’ENM.

66 BOURREAU-DUBOIS C., DEFFAINS B., DORIAT-DUBAN M., JANKELIOWITCH-LAVAL E., JEANDIDIER B., KHELIFI O., LANGLAIS E., RAY J.-C. (2003), « Les obligations alimentaires vis-à-vis des enfants de parents divorcés : une analyse économique au service du droit », rapport final rédigé pour le compte de la Mission de Recherche Droit et Justice et la MiRE, CREDES-EPS-ADEPS, Université Nancy 2, 335 p.

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B. Le traitement des données manquantes

Nous avons eu la très bonne surprise de constater que globalement les 312 feuillets d’expérimentation (un par auditeur) avaient été renseignés très correctement et pratiquement sans données manquantes, ce qui constitue un gage de qualité très appréciable.

L’analyse détaillée nous enseigne cependant qu’il existe quelques situations imparfaites, auxquelles nous avons dû remédier. A noter que ces imperfections ne touchent pas les décisions, car la totalité des 312 auditeurs ont renseigné les 48 montants de CEEE.

Dans chacun des groupes, un auditeur n’a pas renseigné sa fiche signalétique de fin d’expérimentation (fiche permettant de caractériser les auditeurs selon quelques informations sociodémographiques et psychologiques, cf. infra § D). Nos analyses économétriques retenant ces informations comme variables contextuelles et comme facteur de pondération, nous avons fait le choix d’écarter ces deux expérimentations. Les effectifs des deux sous-groupes passent donc respectivement de 161 à 160 dans le premier groupe, et de 151 à 150 pour le second. Dans la suite de cette sous-partie, toutes les analyses porteront donc sur un échantillon de 310 auditeurs.

Dans le second groupe (groupe avec table de référence), on déplore quelques données manquantes partielles toujours dans cette fiche de renseignement. Afin de ne pas écarter plus d’auditeurs, nous avons fait le choix de procéder à une imputation de valeurs manquantes selon les méthodologies habituelles. En l’occurrence, dans la mesure où ces cas sont très peu fréquents, six au total (sur 310), et donc où la procédure d’imputation est assurément faiblement influente sur les résultats, nous avons fait appel aux méthodes les plus simples, c’est-dire le remplacement des données manquantes par leur moyenne ou leur mode calculés sur le second groupe. Le tableau 3.4 résume cette procédure.

Tableau 3.4 : les procédures d’imputation de données manquantes

Information manquante Méthode de remplacement Nombre d’auditeurs

concernés

Age Moyenne = 29 2

Sexe Mode = femme 1

A déjà eu l’occasion de traiter des affaires de divorce, ou non

Mode = non 1

A suivi un autre cursus de formation en plus des études classiques de droit

Mode = non 2

Test d’altruisme/égoïsme Moyenne = échelon 4 2

Test d’aversion à l’inégalité Moyenne (et mode) = échelon 8 2

Test d’aversion au risque Moyenne (et mode) = échelon 5 1

Nombre total d’imputations 11 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. NB. Le total d’imputations est supérieur au nombre d’auditeurs concernés (six), car certains auditeurs n’ont pas répondu à plus d’une question.

En conclusion, nous pouvons souligner que la procédure d’imputation a été très limitée et que l’on travaille donc sur un corpus de données a priori de très bonne qualité du fait d’un taux de données manquantes extrêmement faible.

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C. L’effet d’ancrage

L’effet d’ancrage est un phénomène bien connu des procédures expérimentales. L’idée générale est que l’ordre des questions (ici les cas types à traiter) peut avoir une incidence sur les réponses. Plus précisément, on peut penser que les premières questions (d’où l’image d’ancrage) sont particulières, car les sujets ne maitrisent pas encore bien la procédure de questionnement, elles contribuent donc à un certain apprentissage (et ce d’autant plus lorsque les questions ont un caractère répétitif, comme c’est le cas dans notre protocole) et donc elles peuvent aboutir à des réponses différentes de ce qu’elles seraient si ces questions étaient posées plus tard dans le questionnaire. Il est également possible que les premières questions aient une incidence sur les suivantes, par contamination. D’où l’idée de ne pas placer les mêmes questions au début du protocole pour tous les sujets, et plus généralement de modifier l’ordre des questions. Si l’ordre des questions est purement aléatoire et varie d’un sujet à l’autre, il est alors probable que l’effet d’ancrage ne soit pas visible en moyenne (car il est négligeable, telle question n’arrivant en premier que pour un nombre limité de sujets).

Dans notre protocole, il n’a malheureusement pas été possible techniquement d’imprimer des feuillets de réponses selon un ordre purement aléatoire des questions (des cas types). En revanche, pour tenir compte de ce phénomène probable, nous avons édité quatre lots de feuillets de réponses organisés chacun selon un ordre différent, et ces feuillets ont été distribués aléatoirement aux sujets. Plus précisément, comme le questionnaire est conçu par blocs de quatre questions par page67 (cf. annexe 3.A), nous avons fait varier, d’une part, l’ordre des pages et, d’autre part, l’ordre des questions d’une même page. Pour illustrer ce choix, nous indiquons au tableau 3.5 la composition de la première page pour les quatre lots (pour une présentation complète de l’ordre des cas types par lot, cf. annexe 3.B).

Tableau 3.5 : ordre des quatre premières questions selon le lot

Revenus Propositions N° du cas

type N° d’ordre de

la question N° de lot

Père : 100 ; Mère : 300 1 1

1 Père : 1900 Père : 0 ; Mère : 150 2 2

Mère : 1000 Père : non explicitée ; Mère : 150 3 3

Père : 140 ; Mère : 200 4 4

Père : 100 ; Mère : 300 9 1

2 Père : 1100 Père : 0 ; Mère : 150 10 2

Mère : 2500 Père : non explicitée ; Mère : 150 11 3

Père : 140 ; Mère : 200 12 4

Père : non explicitée ; Mère : 150 3 1

3 Père : 1900 Père : 0 ; Mère : 150 2 2

Mère : 1000 Père : 100 ; Mère : 300 1 3

Père : 140 ; Mère : 200 4 4

Père : -9 ; Mère : 150 11 1

4 Père : 1100 Père : 0 ; Mère : 150 10 2

Mère : 2500 Père : 100 ; Mère : 300 9 3

Père : 140 ; Mère : 200 12 4 NB. Quel que soit le lot, les quatre premières questions concernent des cas types avec un seul enfant hébergé en DVH « classique ».

67

Une page est constituée de quatre questions correspondant chacune à l’un des quatre couples de propositions, mais le bloc (la page) est homogène du point de vue des trois autres critères (revenus, nombre d’enfants, DVH).

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Ainsi, il est possible de tester si un effet d’ancrage existe (ce qui est attendu) dans notre protocole. Les montants de CEEE décidés pour tel ou tel cas type sont-ils différents selon que le cas type était traité au début du protocole et plus loin dans la procédure ?

Nos analyses économétriques portant sur l’estimation du montant de CEEE des 48 cas types nous ont permis tout d’abord de tester si le numéro de lot avait une incidence sur ces montants de CEEE, toutes choses égales par ailleurs. De ces analyses (cf. les résultats détaillés en section 3.1.2. infra), il en ressort deux enseignements principaux :

les réponses apportées aux 48 fixations de CEEE en suivant l’ordre du lot n°3 sont significativement inférieures à celles apportées aux mêmes 48 fixations de CEEE en suivant un autre ordre et ce, uniquement pour le sous-groupe des auditeurs ayant décidé sans avoir à disposition la table de référence ;

on ne note pas de différence significative (non significatif au seuil de 1%) selon le lot pour les réponses apportées par les sujets ayant eu la possibilité de recourir à la table de référence.

Concernant le second enseignement, le fait que l’effet de lot ne soit pas globalement observable pour les sujets ayant répondu « avec barème à disposition » ne surprend pas vraiment : dans ce cas, c’est justement le barème qui sert d’ancrage. Dans les premières questions, les auditeurs ne savent pas trop comment répondre, mais le barème leur donne déjà une indication, leurs réponses sont donc moins hasardeuses que dans le cas où les sujets doivent décider sans cette information. On peut donc considérer que dans le second groupe tous les sujets ont ce barème comme connaissance commune dès le départ, et donc il n’y a pas (ou très peu) d’hétérogénéité selon les lots.

Concernant le premier enseignement, il est difficile de savoir pourquoi l’ordre des questions selon le lot n°3 amène à prendre des décisions statistiquement différentes. On peut alors se poser la question de l’ancrage de manière plus précise en étudiant, non plus l’ensemble des réponses apportées aux 48 cas types, mais celles apportées au démarrage de la procédure (on se limitera aux quatre premiers cas types). Les analyses descriptives (tests de différences de moyenne, cf. tableau 3.6) montrent que ces premières questions sont effectivement spécifiques (au sens où elles n’amènent pas des réponses similaires selon leur place dans le questionnaire) et ce, que l’on les étudie ensemble68 ou séparément. On note cependant que cette conclusion n’est pas vérifiée pour le cas type n°3.

68

Une analyse économétrique limitée aux seuls quatre cas types numérotés de 1 à 4, analyse qui permet de tenir compte des caractéristiques individuelles socio-économiques et psychologiques des sujets, confirme les résultats de l’analyse descriptive : les coefficients de régression associés aux lots 1, 2 et 4 (versus lot 3, en référence) sont significativement différents de zéro. L’analyse, dont les résultats sont disponibles en s’adressant aux auteurs, permet également de conclure que ces différences par lot ne sont pas dues à des caractéristiques individuelles des sujets puisqu’on les contrôle, ce qui aurait pu être le cas si la distribution supposée aléatoire des lots n’avait pas été effective et que la malchance aurait attribué assez systématiquement les feuillets de lot n°3 à des sujets spécifiques.

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Tableau 3.6 : tests de différence de moyennes des premières questions selon le lot N° de cas

types N° de lots comparés

N° d’ordre du lot X

N° d’ordre du lot 3

Différence de moyenne

Seuil de significativité

1, 2, 3, 4 Lot 1 – lot 3 1, 2, 3, 4 3, 2, 1, 4 17,4 ***

1, 2, 3, 4 Lot 2 – lot 3 17, 18, 19, 20 3, 2, 1, 4 29,0 ***

1, 2, 3, 4 Lot 4 – lot 3 19, 18, 17, 20 3, 2, 1, 4 22,9 ***

1 Lot 1 – lot 3 1 3 43,5 ***

1 Lot 2 – lot 3 17 3 56,4 ***

1 Lot 4 – lot 3 19 3 41,7 ***

2 Lot 1 – lot 3 2 2 9,3

2 Lot 2 – lot 3 18 2 18,6 ***

2 Lot 4 – lot 3 18 2 15,7 **

3 Lot 1 – lot 3 3 1 0,7

3 Lot 2 – lot 3 19 1 8,1

3 Lot 4 – lot 3 17 1 7,1

4 Lot 1 – lot 3 4 4 16,0 **

4 Lot 2 – lot 3 20 4 32,9 ***

4 Lot 4 – lot 3 20 4 27,0 *** Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Seuils de significativité : *** significatif au seuil de 0,1%, ** significatif au seuil de 1%, * significatif au seuil de 5%. Guide de lecture (troisième ligne) : les cas types n°1, n°2, n°3 et n°4 apparaissent, dans le lot n°4, respectivement aux places n°19, n°18, n°17 et n°20, alors que dans le lot n°3, ils apparaissent respectivement aux places n°3, n°2, n°1 et n°4. La moyenne des quatre montants de CEEE fixés pour le lot n°4 est supérieure, de 22,9 euros, à la moyenne des quatre montants de CEEE fixés pour le lot n°3 ; cette différence est significative au seuil de 0,1% (test de Student).

Pour autant, cette analyse laisse dubitatif. En effet, si l’effet d’ancrage peut se lire par des différences significatives pour un même cas type placé à deux rangs nettement différents (par exemple le cas type n°1 placé en rang n°3 selon le lot n°3 et en rang n°17 selon le lot n°2), en revanche, outre le fait que cela ne s’observe pas curieusement pour le cas type n°3, la logique de l’ancrage voudrait que l’on n’observe pas de différences très significatives pour un cas type placé à deux rangs proches, or on observe par exemple une différence significative aux réponses apportées au cas type n°1 selon qu’il est placé en rang n°1 (lot n°1) ou au rang n°3 (lot n°3), donc dans les deux cas en début de questionnaire. Et le sentiment de doute est accru par le fait que lorsque l’on mène une analyse économétrique sur les 48 cas types, mais en excluant les réponses lorsqu’elles sont apportées en rang n°1 à 4 (on exclut donc les premières pages du questionnaire quel que soit le lot, parce que l’on pense que l’effet d’ancrage porte principalement sur les cas types de la première page), l’effet des lots subsiste toutes choses égales d’ailleurs69. On peut alors penser que plus que d’un simple effet d’ancrage, le lot n°3 serait également entaché d’un effet de contamination (mais non systématique, cf. supra).

Somme toute, on retiendra de cette analyse méthodologique que le rang d’apparition dans le questionnaire peut avoir une incidence sur les comportements de décision (sans que l’on comprenne vraiment pourquoi), ce qui nous incite, dans la suite de nos analyses économétriques, à introduire le numéro de lot comme variable contextuelle et ce, de manière à purger de cet effet de lot les estimateurs des déterminants faisant l’objet principal de l’analyse.

69

Résultats détaillés disponibles sur demande adressée aux auteurs.

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D. La structure des deux sous-groupes d’auditeurs

Comme nous l’avons indiqué supra, les structures sociodémographiques des deux sous-groupes de sujets sont a priori similaires puisque les deux sous-groupes d’auditeurs ont été constitués indépendamment de notre procédure expérimentale et selon un objectif pédagogique selon lequel il est souhaitable pour l’ENM que les groupes d’étudiants soient relativement homogènes de différents points de vue (genre, expérience, etc.).

Pour autant, comme notre analyse repose exclusivement sur la comparaison des décisions émanant de ces deux sous-groupes, il convenait de s’assurer que cette homogénéité était effective.

C’est notamment dans cette perspective que le protocole prévoyait en fin de procédure une courte « fiche d’identité » permettant de caractériser les sujets. Cette fiche comprend dix questions portant sur (cf. annexe 3.A pour la formulation précise des questions) :

le sexe ;

l’âge ;

la situation de vie en couple (marié, pacsé, union libre) ;

le fait d’avoir un ou des enfant(s) ;

le fait d’avoir suivi un autre cursus universitaire que le parcours « droit » habituel ;

le fait d’avoir exercé une profession avant d’entrer à l’ENM ;

le fait d’avoir déjà eu l’occasion de traiter des affaires de divorce ;

une échelle de mesure de l’altruisme ;

une échelle de mesure de l’aversion à l’inégalité ;

une échelle de mesure de l’aversion au risque.

Comme on peut le lire à l’énoncé de cette liste, notre préoccupation pour caractériser les sujets (et pour pouvoir tenir compte d’éventuels effets individuels sur la détermination des montants de CEEE) s’est articulée autour de plusieurs thèmes (tout en restant à une liste de questions limitée à une page) assez habituels lorsque l’on étudie ce type de comportements : le genre, l’âge, la formation et l’expérience professionnelle, l’expérience familiale. A cela s’ajoute deux échelles de mesures psychologiques énoncées selon les formulations qui ont fait leur preuve dans d’autres contextes (en particulier les mesures d’altruisme et d’aversion au risque) et une échelle moins habituelle pourtant sur la mesure de l’aversion à l’inégalité, justifiée par le sujet de l’expérimentation puisque les auditeurs sont amenés à prendre différentes décisions en s’assurant qu’elles soient équitables entre elles.

Comme le montre le tableau 3.7 ci-dessous, on n’observe pas de différences très marquées entre les deux sous-groupes. Pour autant, dans la mesure où nos analyses préliminaires nous ont montré que certaines de ces caractéristiques jouaient significativement dans la détermination du montant de CEEE, nous avons voulu corriger, autant que faire se peut, les petites différences de structure entre les deux sous-groupes.

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Tableau 3.7 : structures brutes et pondérées des deux sous-groupes d’auditeurs Caractéristiques individuelles Structures brutes

du sous-groupe « avec barème »

(1)

Structures pondérées du sous-groupe « avec

barème » (2)

Structures brutes du sous-groupe « sans barème »

(3)

Homme 23,3% 27,5% 27,5%

Age moyen 29,2 ans 28,6 ans 28,6 ans

Couple marié Couple pacsé Couple en union libre Pas en couple

13,3% 16,7% 19,3% 50,7%

12,5% 10,6% 25,6% 51,3%

12,5% 10,6% 25,6% 51,3%

Avec enfant(s) 16,7% 16,3% 16,3%

Cursus « droit » uniquement Cursus « droit » et autre cursus Pas de cursus « droit »

68,7% 22,0% 9,3%

68,1% 25,0% 6,9%

68,1% 25,0% 6,9%

A exercé une profession avant d’entrer à l’ENM70

42,7% 33,8% 33,8%

A déjà traité une affaire de divorce

46,0% 50,0% 50,0%

Echelle d’altruisme 4,79 4,77 4,91

Echelle de risque 4,17 4,10 4,04

Echelle d’inégalité 7,65 7,71 7,90 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. On trouvera la structure pondérée détaillée des variables continue (l’âge et les trois échelles) en annexe 3.C.

Pour ce faire, nous avons mis en œuvre la procédure de calibrage d’échantillon (pondération) CALMAR (CALage sur MARges) utilisée et développée par l’INSEE71. Cette procédure pondère les observations (les poids varient de 0,32 à 1,82) de manière à faire converger simultanément les dix distributions de caractéristiques des deux sous-groupes. En l’occurrence, nous avons calé les distributions du sous-groupe des auditeurs ayant travaillé avec la possibilité de recourir à la table de référence sur les distributions du sous-groupe d’auditeurs qui n’ont pas eu cette opportunité. Le résultat de la procédure est indiqué dans la colonne (2) du tableau et la comparaison avec la colonne (3) permet de prendre la mesure de la proximité des structures statistiques entre les deux sous-groupes permise par la procédure de pondération.

La procédure de pondération permet donc de compenser le fait que le sous-groupe « avec barème », comparativement au sous-groupe « sans barème », est un peu sous-représenté en hommes (4 points de pourcentage), un peu plus âgé en moyenne, surreprésenté (6 points) en auditeurs vivant en couples pacsés et à l’inverse sous-représenté

70

Cette question comporte une sous-question demandant de préciser le métier exercé ; cette information qualitative n’est pas utilisée dans la procédure de calibrage expliquée infra. A titre d’information, le lecteur peut trouver la statistique détaillée relative à cette sous-question en annexe 3.C. Globalement, parmi les 110 auditeurs ayant déclaré avoir exercé une profession et l’ayant précisée, la plus grande part (68%) ont exercé un métier lié explicitement au droit (juriste, enseignant en droit, auditeur de justice, avocat, greffier, cadre du Ministère de la Justice, administration pénitentiaire, notaire), les autres se partageant entre cadres de la fonction publique (inspecteurs, attachés, enseignants… : 20%) ou salariés du secteur privé (cadre bancaire, trader, secteur commercial, communication… : 12%). 71

« Ce programme est utilisé à l’Insee depuis 1990 pour redresser les échantillons des enquêtes-ménages, ainsi que par de nombreux organismes statistiques français et étrangers dans différents domaines de la statistique d’enquête » indiquent J. LE GUENNEC et O. SAUTORY dans leur texte de 2002 qui présente les fonctionnalités supplémentaires offertes par la nouvelle version de la macro. La macro CALMAR et sa documentation peuvent être téléchargées sur le site de l’INSEE (https://www.insee.fr/fr/information/2021902).

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99

(6 points) en auditeurs vivant en union libre, un peu surreprésenté (2 points) en auditeurs n’ayant pas suivi de cursus universitaire en droit, nettement surreprésenté (9 points) en auditeurs ayant déjà exercé une activité professionnelle avant d’entrer à l’ENM et sous-représenté (4 points) d’auditeurs ayant déjà eu à traiter des cas de divorce. En revanche, les deux sous-groupes ne se distinguent pas vraiment du point de vue des échelles de mesures psychologiques, du moins en moyenne (les écart-types sont un peu supérieurs pour le sous-groupe des auditeurs « avec barème » en ce qui concerne l’altruisme et le risque).

3.1.2. L’EFFET DE LA TABLE DE REFERENCE SUR LE NIVEAU DE CEEE

Comme nous le mentionnions en introduction, étudier l’effet de la table de référence du ministère de la Justice sur le niveau de CEEE ne faisait pas partie de notre projet initial. Mais nos premières investigations empiriques relatives à l’effet de la table de référence sur la dispersion des montants de CEEE nous ont amené à vouloir traiter cette question. En effet, comme nous le montrerons à la section 3.1.3. (qui traite de la question de la dispersion), il est difficile d’analyser la variation de dispersion sans tenir compte de l’effet en termes de niveau. Cependant, autant l’analyse de l’effet d’un barème sur la dispersion des décisions repose sur une hypothèse largement partagée (le barème apportant une information commune à tous les décideurs, elle doit amener à une réduction de la dispersion des décisions), autant il est plus délicat d’avancer une hypothèse pertinente quant à l’effet d’un barème sur le niveau de CEEE. Certes, on peut s’appuyer sur la littérature existante, dont en particulier la littérature américaine qui, lors de la généralisation des barèmes de pensions alimentaires dans les différents Etats américains au cours des années 80, a montré que les guidelines avaient joué de manière notable sur l’augmentation des pensions alimentaires (voir par exemple, MEYER & HU (1999), BARTFELD (2000), CANCIAN et alii (2003)72). Mais le contexte américain de l’époque était fort différent de la situation actuelle en France, les Etats-Unis se caractérisaient en effet par une situation où le niveau des pensions alimentaires était en moyenne, de notoriété publique, très faible et fortement éloigné des coûts estimés des enfants. Tel ne nous semble pas être le cas actuellement en France. S’il fallait cependant avancer une hypothèse, nous pourrions simplement souligner que, lorsque la table de référence propose un montant éloigné des propositions des parties, il est probable que la décision du juge tende à se rapprocher de la proposition de la table de référence (donc à la hausse ou à la baisse selon que l’éloignement est positif ou négatif). Aussi, pour étudier cette question, la présente section 3.1.2. sera structurée très classiquement en deux paragraphes : approche descriptive (A), puis approche économétrique (B).

A. Approche descriptive

Afin de familiariser le lecteur aux données collectées lors de l’expérimentation, notre approche descriptive commencera par une visualisation graphique, avant d’en venir à quelques tests de différences de moyenne permettant de souligner quelques premiers résultats qui, ensuite, seront à confirmer à l’aide de l’approche économétrique.

72

MEYER D. R. & HU M.-C. (1999), “A note on the Antipoverty Effectiveness of Child Support among Mother-Only Families”, Journal of Human Resources, vol. 34, n°1, pp. 225-234. BARTFELD J. (2000), “Child Support and the Postdivorce Economic Well-being of Mothers, Fathers, and Children”, Demography, Vol. 37, n°2, pp. 202-213. CANCIAN M., MEYER D. R. & PARK H.-O. (2003), The importance of Child Support for Low Income Families, Report prepared for the Bureau of Child Support Wisconsin Department of Workforce Development, Institute for Research on Poverty, University of Wisconsin, 14 p.

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100

1. Présentation graphique

Comme le montre le graphique 3.A, on observe des changements de montants moyens selon que le cas type est traité par le sous-groupe « sans barème » ou le sous-groupe « avec barème », puisque peu de points se situent juste sur la bissectrice. On note également qu’il y a grosso modo autant de situations d’augmentation du fait du barème (au-delà de la bissectrice) que de situations de diminution (sous la bissectrice). Il convient cependant de tester si les différences (entre les deux sous-groupes) de montants moyens sont statistiquement significatives (cf. infra, § 2).

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Guide de lecture (losange rouge) : la moyenne du montant de CEEE fixé pour ce cas type (n°34) est égale à 80 euros (axe horizontal) pour le sous-groupe d’auditeurs n’ayant pas eu la possibilité de recourir à la table de référence et est égale à 75 euros (axe vertical) pour le sous-groupe d’auditeurs qui ont eu la possibilité de recourir à la table de référence.

Avant d’en venir à ces tests de différence de moyennes, dévoilons, à l’aide des quelques graphiques complémentaires ci-dessous, « ce que cachent » ces moyennes et ce, pour illustrer la grande diversité des situations. Ces graphiques complémentaires sont construits de la manière suivante. Il s’agit d’une série de 24 graphiques qui doivent être lus par binômes (numérotés de pavé n°1 à pavé n°12), l’un des deux graphiques du binôme se rapportant au sous-groupe « sans barème » et le second au sous-groupe « avec barème ». Afin de rendre moins fastidieuse la lecture et donc de devoir éditer 96 graphiques (48 cas types fois deux sous-groupes), nous avons regroupé sur chaque graphique quatre cas types qui ne se distinguent que du point de vue du couple de propositions des parties (les autres critères, communs aux quatre cas types, sont indiqués dans le titre du graphique). Pour distinguer les quatre couples de propositions, les bâtons des histogrammes sont partitionnés, proportionnellement aux effectifs concernés, par couleurs (une couleur par couple de propositions). Ces graphiques représentent la répartition statistique détaillée des

50

100

150

200

250

50 100 150 200 250

CEE

E fi

xées

par

le s

ou

s-gr

ou

pe

"ave

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e"

CEEE fixées par le sous-groupe "sans barème"

Graphique 3.A : Montants moyens des 48 cas-types

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101

montants de CEEE fixés par les sujets. Sur l’axe horizontal, le montant de CEEE est indiqué par tranches de 10 euros et varie, sur tous les graphiques, de 70 euros à 300 euros. Pour permettre une plus grande lisibilité tout en maintenant une possibilité de comparaison entre graphiques – permise par le maintien de la même graduation de l’axe horizontal quel que soit le cas type –, nous avons censuré l’axe aux deux extrémités à ces deux valeurs, qui doivent donc être interprétées comme étant « 70 euros ou moins » et « 300 euros ou plus ». Sur l’axe vertical, on peut lire la fréquence absolue (le nombre d’auditeurs ayant décidé de tel montant de CEEE), fréquence qui peut varier, pour le sous-groupe « sans barème » de 0 à 640 (160 auditeurs * quatre cas types représentés), et de 0 à 600 (150 auditeurs * quatre cas types) pour le sous-groupe « avec barème ». Nous commentons quatre binômes assez illustratifs des principales configurations rencontrées, mais le lecteur curieux pourra trouver la totalité des 24 graphiques en annexe 3.D.

Le premier binôme ci-dessous (graphique 3.B), concerne les cas types où il s’agit d’un enfant unique hébergé chez sa mère avec un DVH dit « classique » et dont le père et la mère gagnent respectivement par mois 1 900 euros et 1 000 euros. Ce qui frappe à la lecture de ce binôme, c’est, d’une part, l’assez grande hétérogénéité des décisions (on trouve des décisions presque sur tout le spectre de l’axe horizontal) et, d’autre part, la présence de deux ou trois pics de fréquences selon le sous-groupe. Dans le sous-groupe « sans barème », les pics à 150 euros et 200 euros sont très probablement dus au montant demandé par la mère (150 euros pour la représentation en brun et en vert ; 200 euros pour la représentation en bleu). Le graphique relatif au sous-groupe « avec barème » est d’allure assez similaire, avec cependant l’apparition d’un troisième pic de fréquences pour la tranche de montants de CEEE égale à 190-200 euros. On peut y voir assez explicitement ici l’effet de la table de référence qui pour cet ensemble de quatre cas types suggère un montant de 192 euros. Ce pic rassemble environ 80 décisions, au détriment principalement des montants fixés « sans barème » au niveau 150 euros. Pour autant, si un nombre non négligeable d’auditeurs a suivi la suggestion de la table de référence, il n’en demeure pas moins que le nombre d’auditeurs qui s’en sont tenus à la demande de la mère à 150 euros reste nettement plus important. Mais au total, pour ces cas types on peut penser que, du fait de l’existence de ce troisième pic, en moyenne les montants de CEEE ont augmenté (moyenne « avec barème » supérieure à la moyenne « sans barème).

On retrouve une configuration assez proche dans le cas du pavé n°7 (cf. annexe 3.D), pour les cas types se distinguant de ceux du pavé n°1 par le seul fait qu’il s’agit d’affaires avec deux enfants, avec l’apparition (pour le sous-groupe « avec barème ») d’un troisième pic plus dispersé entre 160 et 190 euros, la table de référence suggérant un montant de 162 euros. Il en va de même pour le pavé n°2 (qui ne se distingue du pavé n°1 que par le seul fait que l’enfant bénéficie d’un DVH « réduit »), l’apparition du troisième pic (pour le sous-groupe « avec barème ») se situant entre 250 et 270 euros du fait d’une suggestion de la table de référence à 257 euros. A nouveau, on observe le même scénario au pavé n°8 (même configuration que le pavé n°1, mais cette fois-ci avec deux enfants à DVH « réduit »), le troisième pic de fréquences se situant entre 220 et 230 euros (suggestion de la table de référence : 221 euros).

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Graphique 3.B : distribution des montants de CEEE fixés par les sujets pour les cas types n°1, 2, 3 et 4

Pavé N°1 (cas types 1, 2, 3 et 4) Juges SANS barèmeRevenus père=1900, revenus mère=1000, un enfant, garde classique

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

400

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

Pavé N°1 (cas types 1, 2, 3 et 4) Juges AVEC barèmeRevenus père=1900, revenus mère=1000, un enfant, garde classique

Montant de CEEE préconisé par le barème : 192 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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103

Ces quatre pavés ont donc en commun le fait qu’il s’agit de cas types avec le même couple de revenus 1 000-1 900 euros. Mais on peut aussi observer la même logique aux pavés n°6 et n°12 pour des cas types ayant comme couple de revenus les valeurs 1 500-1 600 euros (et, respectivement, un et deux enfant(s) avec DVH « réduit ») ; ici, le troisième pic de fréquences se situe entre 170 et 190 euros au pavé n°12 (suggestion de la table de référence : 174 euros) et à 200 euros au pavé n°6 en se confondant avec la demande de la mère pour l’un des couples de propositions des parties (suggestion de la table de référence : 203 euros).

Notre deuxième illustration concerne le binôme rassemblant les cas types où il s’agit d’un enfant hébergé chez sa mère avec un DVH « réduit » et dont le père et la mère ont comme revenu respectivement 1 600 et 1 500 euros (graphique 3.C). Visuellement, on peut remarquer une assez forte différence avec le binôme précédent. Premièrement, en partie73 du fait de revenus plus faibles que dans le binôme précédent, les montants de CEEE fixés sont nettement moins dispersés (quasi absence de montants supérieurs à 200 euros) et, deuxièmement, on observe un unique pic de fréquences sur la valeur 150 euros (le pic à 200 euros est assez négligeable en ne se distinguant pas nettement d’autres bâtons d’histogramme comme ceux à 100 euros ou 140 euros). Au graphique « avec barème », ce pic est renforcé (il s’accroît d’une centaine de décisions), car la suggestion de la table de référence est égale à 152 euros. Cette configuration explicite donc un phénomène de forte concentration sur une valeur unique au détriment des montants fixés « sans barème » à un niveau plus bas ou plus élevé, on peut donc s’attendre dans ce cas-là à une quasi égalité de la moyenne quel que soit le sous-groupe d’auditeurs. Une telle situation quasi-uni-modale ne se retrouve dans aucun autre pavé.

A l’inverse des deux premières illustrations, notre troisième illustration (graphique 3.D) se caractérise par l’absence de pics de fréquences nets, ou plus précisément par l’existence d’un nombre important (5 ou 6) de bâtons d’histogramme rassemblant un nombre conséquent de décisions. Il s’agit des quatre cas types où les deux enfants hébergés chez la mère bénéficient d’un DVH « réduit » et où le père et la mère ont respectivement comme revenu mensuel 1 100 et 2 500 euros. La distribution des montants est donc moins dispersée que dans le premier exemple (pas de montants supérieurs à 200 euros, comme dans la deuxième illustration), mais elle n’est pas quasi-uni-modale comme dans la deuxième illustration. On pressent que les auditeurs ont eu du mal à trancher pour ce type de configuration où la mère est créancière alors même qu’elle dispose d’un revenu plus de deux fois supérieur à celui de son ex-conjoint, d’où l’absence de concentration forte sur des valeurs « évidentes ». On note cependant un certain effet de concentration sur les valeurs d’offre du père, en particulier sur la valeur 140 euros pour la configuration de propositions « 140-200 » (en bleu sur le graphique). L’effet du possible recours à la table de référence produit un effet de recentrage sur la valeur suggérée (100 euros), avec pour conséquence probable une baisse du montant moyen. On retrouve un scenario assez similaire, mais moins prononcé, au pavé n°3 (cf. annexe 3.D) pour le même couple de revenus « 1 100-2 500 » et un enfant avec DVH « classique ».

73

La causalité est fragile puisque nous avons souligné supra que les décisions pouvaient être assez dispersées avec ce type de couples de revenus (pavés n° 6 et n°12).

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Graphique 3.C : distribution des montants de CEEE fixés par les sujets pour les cas types n°17, 18, 19 et 20

Pavé N°5 (cas types 17, 18, 19 et 20) Juges SANS barèmeRevenus père=1600, revenus mère=1500, un enfant, garde classique

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

400

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

Pavé N°5 (cas types 17, 18, 19 et 20) Juges AVEC barèmeRevenus père=1600, revenus mère=1500, un enfant, garde classique

Montant de CEEE préconisé par le barème : 152 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

400

500

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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Graphique 3.D : distribution des montants de CEEE fixés par les sujets pour les cas types n°37, 38, 39 et 40

Pavé N°10 (cas types 37, 38, 39 et 40) Juges SANS barèmeRevenus père=1100, revenus mère=2500, deux enfants, garde réduit

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

10

20

30

40

50

60

70

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90

100

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130

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160

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180

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

Pavé N°10 (cas types 37, 38, 39 et 40) Juges AVEC barèmeRevenus père=1100, revenus mère=2500, deux enfants, garde réduit

Montant de CEEE préconisé par le barème : 97 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

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300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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Notre quatrième et dernière illustration (graphique 3.E) concerne à nouveau des cas types où la mère gagne 2 500 euros et le père 1 100 euros, mais cette fois-ci avec un seul enfant bénéficiant d’un DVH « réduit ». La distribution des décisions « sans barème » est assez similaire à celle de notre troisième illustration (plusieurs bâtons d’histogramme à effectifs non négligeables situés entre 70 et 200 euros), mais ce qui distingue les deux illustrations est le fait que le barème ne produit pas un effet de concentration sur une valeur quasi-unique comme dans la troisième illustration. Au contraire, on observe quatre bâtons d’amplitudes quasi-équivalentes (entre 80 et 100 décisions) et un bâton se détachant un peu avec un effectif plus important (140 décisions) sans doute du fait de la suggestion de la table de référence à 100 euros. Dans ce cas de figure, il est bien difficile visuellement de deviner si la moyenne « avec barème » est supérieure ou inférieure à la moyenne « sans barème ».

On retrouve un scénario similaire au pavé n°11 (cf. annexe 3.D).Ces quatre doubles graphiques illustrent la grande diversité des situations issues de notre expérimentation ; ils montrent que, selon les cas types, les décisions sont plus ou moins dispersées, que les concentrations sur certaines valeurs peuvent selon les cas se faire sur les niveaux d’offre ou de demande (mais sans systématisme évident) ; elle montrent enfin que le niveau de CEEE suggéré par la table de référence a souvent un effet (attendu) de concentration sur cette valeur, mais sans que cela soit massif dans toutes les configurations. On comprend alors pourquoi, comme nous l’avons montré au graphique 3.A, l’effet de la table de référence sur le niveau moyen des montants de CEEE n’est pas systématiquement un effet haussier ou baissier, la position de la valeur de référence de la table par rapport au couple des propositions des parties pouvant produire des décisions à la hausse ou à la baisse selon les cas. L’analyse économétrique nous permettra de mieux identifier les éventuels facteurs structurels des cas types jouant le plus dans la différence entre les montants fixés « sans barème » et les montants fixés avec « barème », mais avant d’en arriver à ces analyses, commençons par identifier à l’aide de statistiques descriptives les cas types où les différences de moyennes sont effectivement statistiquement significatives.

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Graphique 3.E : distribution des montants de CEEE fixés par les sujets pour les cas types n°13, 14, 15 et 16

Pavé N°4 (cas types 13, 14, 15 et 16) Juges SANS barèmeRevenus père=1100, revenus mère=2500, un enfant, garde réduit

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

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Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

Pavé N°4 (cas types 13, 14, 15 et 16) Juges AVEC barèmeRevenus père=1100, revenus mère=2500, un enfant, garde réduit

Montant de CEEE préconisé par le barème : 113 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

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50

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120

130

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150

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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2. Etude (test) de différences de moyennes « avec versus sans »

Au graphique 3.A, nous avions observé que, selon le cas type, le montant moyen de CEEE fixé avec l’opportunité de recourir à la table de référence était supérieur ou inférieur au montant moyen fixé sans cette opportunité. Pour autant, globalement, c’est-dire en confondant les 48 cas types, on observe que la moyenne du sous-groupe « avec barème » est légèrement supérieure à la moyenne du sous-groupe « sans barème » : 150,3 euros versus 146,6 euros, et cette différence est statistiquement significative au seuil de 0,1%. La grande taille des deux sous-échantillons de décisions (7 676 décisions « sans barème » et 7 200 décisions « avec barème ») peut expliquer pourquoi une si faible différence est statistiquement significative. Qu’en est-il de chacun des cas types ? Le tableau 3.8 rassemble les valeurs des 96 moyennes et nous informe de la significativité des différences de moyennes deux à deux (par cas type).

Tableau 3.8 : valeurs moyennes des montants de CEEE fixés pour les 48 cas types

1 enfant âgé de 5 ans 2 enfants âgés de 6 et 10 ans

Revenus Propositions DVH

« classique » DVH

« réduit » DVH

« classique » DVH

« réduit »

Père : 100 Mère : 300

208,9 210,6

246,6 255,3

181,9 180,9

213,4 225,0

Père : 1900 Père : 0 Mère : 150

151,5 168,2

161,2 188,1

145,4 158,6

152,6 177,6

Mère : 1000 Père : non explicitée Mère : 150

152,5 167,3

160,8 185,2

146,8 158,2

152,8 176,1

Père : 140 Mère : 200

184,8 195,9

199,0 214,4

173,6 174,2

187,3 204,5

Père : 100 Mère : 300

110,0 102,1

135,8 121,8

98,9 93,5

113,4 106,6

Père : 1100 Père : 0 Mère : 150e

89,1 86,6

111,4 113,2

81,2 75,5

99,6 95,2

Mère : 2500 Père : non explicitée Mère : 150

95,5 89,2

117,1 112,3

83,8 75,8

102,3 95,9

Père : 140 Mère : 200

134,3 130,7

149,0 138,6

128,2 120,6

134,9 127,5

Père : 100 Mère : 300

161,7 159,7

197,3 200,1

142,5 134,9

169,4 170,5

Père : 1600 Père : 0 Mère : 150

136,2 148,6

148,3 161,5

126,1 130,7

139,3 153,6

Mère : 1500 Père : non explicitée Mère : 150

138,0 146,9

148,7 157,5

127,2 130,4

140,3 152,7

Père : 140 Mère : 200

160,5 156,5

179,8 191,0

150,8 144,0

166,7 169,0

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Guide de lecture : la première ligne de la cellule indique la moyenne pour le sous-groupe « sans-barème », la seconde ligne indique le montant moyen pour le sous-groupe « avec barème ». Les cases vertes identifient une différence « avec – sans » positive (hausse) significative statistiquement (au seuil de 10%) ; les cases roses identifient au contraire les baisses significatives statistiquement (au seuil de 10%) ; les cases blanches indiquent une différence non significative statistiquement au seuil de 10%.

Ce tableau nous montre que l’effet de la table de référence est significativement positif (hausse de la moyenne) pour 20 cas types, significativement négatif (baisse de la

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moyenne) pour 14 cas types et sans effet significatif sur la moyenne dans également 14 cas types. Une lecture, par colonne, de la couleur des cellules nous indique que le nombre d’enfants et le type de DVH ne semblent pas déterminant quant au signe de l’effet. En revanche, une lecture en ligne nous indique plus clairement que le signe de l’effet serait plutôt lié aux combinaisons « revenu – propositions » (il est rare qu’une même ligne comprenne à la fois des cellules roses et des cellules vertes).

Pour approfondir ce constat, nous pouvons nous poser la question de savoir si, pour chacun des cinq critères (définissant les cas types) pris un à un, certains sont plus systématiquement associés à une hausse ou à une baisse de montant de CEEE du fait de l’opportunité de recourir à la table de référence. Comme l’illustre le tableau 3.9, seuls les cas types proposant la situation où la mère gagne nettement plus de revenus que le père donne lieu à une réduction significative de la moyenne de montant de CEEE lorsque l’on compare les montants fixés par le sous-groupe « avec barème » aux montants fixés par le sous-groupe « sans barème ». Dans tous les autres cas, on observe soit une différence non significative (DVH « classique », couple de propositions « 100-300 » et couple de propositions « 140-200 »), soit, et ce sont les cas les fréquents, une hausse de la moyenne des montants de CEEE. On peut donc en conclure que, selon une analyse descriptive, ces critères pris un à un (en non pas en les combinant comme au tableau 3.8) sont peu discriminants pour expliquer le signe de la différence de montants de CEEE moyens.

Tableau 3.9 : valeurs moyennes des montants de CEEE fixés selon les onze modalités des quatre critères définissant les cas types et selon la position de la valeur suggérée par le barème par rapport aux propositions

Moyenne « sans »

Moyenne « avec »

Significativité de la différence

1 enfant 2 enfants

153,2 158,4 *** ** 139,9 142,0

DVH « classique » DVH « réduit »

137,8 139,1 *** 155,3 162,2

Revenu du père 1 900 et Revenu de la mère 1 100 Revenu du père 1 100 et Revenu de la mère 2 500 Revenu du père 1 600 et Revenu de la mère 1 500

176,2 190,0 *** *** ***

111,5 105,3

152,0 156,7

Proposition père 100 ; proposition mère 300 Proposition père 0 ; proposition mère 150 Proposition père non explicitée ; proposition mère 150 Proposition père 140 ; proposition mère 200

164,9 163,4 *** ***

128,5 138,1

130,5 137,3

162,4 163,9

Barème inférieur à l’intervalle des propositions Barème dans l’intervalle des propositions Barème supérieur à l’intervalle des propositions

127,4 120,5 ***

*** 147,3 147,9

156,2 173,1 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Guide de lecture : les cases vertes identifient une différence « avec – sans » positive (hausse) significative statistiquement (au seuil de 10%) ; les cases roses identifient au contraire les baisses significatives statistiquement (au seuil de 10%) ; les cases blanches indiquent une différence non significative statistiquement au seuil de 10%. *** : différence significative au seuil de 0,1% ; ** : différence significative au seuil de 1%.

En revanche, si l’on ajoute la prise en compte du niveau de CEEE suggéré par la table de référence au regard de l’intervalle des propositions et ce, en distinguant les cas types où cette suggestion est soit inférieure, supérieure ou à l’intérieur de l’intervalle des propositions, on observe que cela semble être un facteur assez déterminant en termes de

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signe de la différence de moyenne entre les deux sous-groupes. Le fait que la valeur suggérée par le barème soit inférieure aux propositions (inférieure à l’offre) amènerait le sous-groupe ayant l’opportunité de l’utiliser à fixer des montants plus faibles en moyenne que ne le fixent les auditeurs n’ayant pas accès au barème, et inversement le fait que le barème fasse une suggestion supérieure aux propositions (supérieure à la demande) inciterait les auditeurs disposant du barème à fixer en moyenne des montants supérieurs à ceux fixés par leurs homologues n’ayant pas accès au barème. Et quand la valeur suggérée par le barème est dans l’intervalle des propositions, on n’observe pas de différence entre les deux sous-groupes.

Ce constat est confirmé lorsque l’on étudie la fréquence à laquelle les auditeurs fixent une CEEE hors de l’intervalle des propositions (cf. tableau 3.10). Lorsque le barème suggère une valeur inférieure à l’offre, 12,7% des auditeurs qui n’ont pas connaissance du barème fixent, sans le savoir, une CEEE à un niveau inférieur à cette offre, mais ce pourcentage est presque doublé (22%) pour le sous-groupe qui, lui, a connaissance de la valeur suggérée par la table de référence. On peut donc considérer que la table de référence incite à fixer une CEEE hors des propositions des parties (en l’occurrence ici une CEEE plus basse que l’offre). De même, lorsque le barème suggère une valeur supérieure à la demande exprimée, 9,2% des auditeurs n’ayant pas accès à la table de référence fixent (toujours sans le savoir) une CEEE supérieure à la demande, et c’est dans une proportion plus de trois fois supérieure (29,3%) que les auditeurs munis de la table de référence fixent une CEEE supérieure à la demande exprimée, là aussi, l’effet incitatif est flagrant.

Tableau 3.10 : proportions de fixations de CEEE à des niveaux supérieur, inférieur ou égal à l’offre et à la demande selon le type de cas type et le sous-groupe d’auditeurs

% de fixations < à l’offre

% de fixations = à l’offre

% de fixations > à l’offre

Cas types avec barème < offre

Sous-groupe sans barème

Sous-groupe avec barème

12,7 22,0

55,0 63,7

32,3 14,3

Cas types avec barème dans l’intervalle

Sous-groupe sans barème

Sous-groupe avec barème

1,4 0,3

8,0 4,6

90,6 95,1

Cas types avec barème > demande

Sous-groupe sans barème

Sous-groupe avec barème

0,3 0,0

0,7 0,5

99,0 99,5

% de fixations < à la demande

% de fixations = à la demande

% de fixations > à la demande

Cas types avec barème < offre

Sous-groupe sans barème

Sous-groupe avec barème

96,6 99,3

3,4 0,7

0,0 0,0

Cas types avec barème dans l’intervalle

Sous-groupe sans barème

Sous-groupe avec barème

74,3 79,6

24,7 18,9

1,0 1,5

Cas types avec barème > demande

Sous-groupe sans barème

Sous-groupe avec barème

15,8 5,5

75,0 65,2

9,2

29,3 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. NB. Sont exclus les cas types où l’offre n’est pas exprimée.

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De telles proportions de décisions prises hors des propositions des parties sont surprenantes au regard de la règle de procédure qui veut que le juge ne puisse statuer extra petita74 ; ces proportions conséquentes doivent donc, pour partie, être attribuées à la méconnaissance de cette règle par certains auditeurs (ou à l’oubli de l’appliquer). Pour autant, d’une part, il faut souligner que cette question de procédure, notamment dans le cas de la CEEE, est discutée par la profession, certains magistrats considérant que l’on ne peut y déroger, d’autres au contraire expliquant que l’on peut justifier une CEEE hors des propositions des parties (nous verrons d’ailleurs que, dans le corpus de décisions analysé à la sous-partie 3.2., on observe quelques cas correspondant à cette seconde interprétation de la règle de procédure). D’autre part, la probable inexpérience des auditeurs ne remet pas en cause nos résultats expérimentaux qui montrent que dans de telles situations, la présence d’un barème modifie, en moyenne, les comportements de décision (peut-être excessivement, mais nous pourrons tester infra si des modifications de même type s’observent dans les analyses de corpus de décision effectuées par les magistrats). Enfin, notons que, dans la suite de ce rapport, pour évoquer cette question nous utiliserons l’expression « règle de procédure ultra/infra petita ».

Après avoir étudié la significativité statistique des différences de montants de CEEE selon le sous-groupe, par cas type et selon les modalités constitutives de ces cas types, attachons-nous à l’étude de l’ampleur de ces différences.

3. Etude de l’ampleur des différences de changements moyens « avec versus sans »

L’objectif de cette étude est de tenter de déterminer les modalités pour lesquelles l’effet du barème en termes de niveau est plus important, par exemple l’effet est-il plus important pour les cas types avec un enfant que pour les cas types avec deux enfants. Il s’agit donc de mesurer la différence, entre deux modalités, des différences de montants de CEEE « avec – sans barème ». Nous étudions donc des différences entre des indicateurs agrégés, de telles différences ne se prêtent donc pas à des tests statistiques. Le tableau 3.11 présente ces différentes différences.

74 La règle de procédure selon laquelle le juge ne peut accorder plus (ultra petita) qu’il ne lui a été demandé par les parties

nous semble constituer une application particulière, à des sommes d’argent, de la règle plus générale selon laquelle le juge ne peut pas statuer sur ce qui ne lui a pas été demandé (extra petita) – ni, d’ailleurs, omettre de statuer sur un chef de demande (infra petita). Le Code de procédure civile n’envisage en effet que ces deux derniers cas lorsqu’il dispose, en son article 5, que « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ». En revanche, à l’article 464 de ce Code, le cas ultra petita est explicitement ajouté au cas extra petita : « les dispositions de l’article précédent sont applicables si le juge s’est prononcé sur des choses non demandées ou s’il a été accordé plus qu’il n’a été demandé » – sachant que l’article 463 est relatif au cas infra petita : « la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs (…) ». En matière de CEEE, le juge statue infra petita s’il fixe une contribution inférieure à ce que la partie débitrice a offert de payer. Il juge ultra petita s’il fixe une contribution supérieure à ce qui a été demandé. L’interdiction de juger ultra ou infra petita pose problème en matière de CEEE. D’une part, si le parent créancier demande une contribution inférieure à la capacité contributive du créancier, et donc le plus souvent en deçà du montant suggéré par la table de référence et inférieure à l’Allocation de Soutien Familial (ASF), alors la décision du juge revient à entériner une manœuvre frauduleuse pour percevoir une ASF indue. D’autre part, même si le montant est supérieur à l’ASF et donc non éligible à une ASF différentielle, donner force de loi à une contribution très faible ou inférieure aux capacités de payer des parents est contraire à l’intérêt de l’enfant. Il est donc possible de motiver une décision ultra petita concernant la CEEE, en motivant la décision sur l’intérêt de l’enfant, voire sur l’ordre public (les intérêts de la société qui finance par ses impôts les allocations familiales).

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Tableau 3.11 : ampleur des différences selon les onze modalités des critères constitutifs des cas types

Moyenne « sans »

Moyenne « avec »

Différences « avec – sans »

1 enfant 2 enfants

153,2 158,4 +5,2

139,9 142,0 +2,1

DVH « classique » DVH « réduit »

137,8 139,1 +1,3

155,3 162,2 +6,9

Revenu du père 1 900 et Revenu de la mère 1 100 Revenu du père 1 100 et Revenu de la mère 2 500 Revenu du père 1 600 et Revenu de la mère 1 500

176,2 190,0 +3,8

111,5 105,3 -6,2

152,0 156,7 +4,7

Proposition père 100 ; proposition mère 300 Proposition père 0 ; proposition mère 150 Proposition père non explicitée ; proposition mère 150 Proposition père 140 ; proposition mère 200

164,9 163,4 -1,5

128,5 138,1 +9,6

130,5 137,3 +6,8

162,4 163,9 +1,5 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Guide de lecture : les cases vertes identifient une différence « avec – sans » positive (hausse) significative statistiquement (au seuil de 10%) ; les cases roses identifient au contraire les baisses significatives statistiquement (au seuil de 10%) ; les cases blanches indiquent une différence non significative statistiquement au seuil de 10%.

Ce tableau nous permet de souligner le fait que l’effet du barème, en termes de différence de montants de CEEE, serait un peu (3,1 euros) plus important pour les affaires à un seul enfant (5,2 euros) que pour les affaires à deux enfants (2,1 euros), nettement plus (5,6 euros) pour les affaires avec DVH « réduite » que pour les affaires avec DVH « classique » et également nettement plus important (respectivement 8,1 euros et 5,3 euros) pour les affaires avec des offres du père peu standards (0 euros et offre non explicitée) que pour les affaires avec une offre plus commune (140 euros). Quant à l’impact du barème selon les couples de revenus, il se distingue, comme nous l’avons déjà évoqué, surtout par une différence de signe de la différence : le barème amènerait à réduire en moyenne les montants de CEEE dans les affaires où la mère, créancière, dispose d’un revenu nettement plus élevé que le père débiteur, et ce à la différence des deux autres modalités de couples de revenus (où la mère gagne moins que le père).

Cela étant dit, il faut reconnaître que cette analyse uni-factorielle par modalités de critères n’est pas totalement satisfaisante, elle s’appuie en effet sur des différences d’ampleur limitées (inférieures à 10 euros) parce qu’elle regroupe des cas types très divers pour lesquels les différences peuvent se compenser, en témoigne le graphique 3.F ci-dessous qui montre que cas type par cas type les différences peuvent être nettement supérieures en valeur absolue.

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Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. NB. Les numéros de cas types sont indiqués sur l’axe horizontal. Guide lecture : pour le cas type n°13, la moyenne des montants de CEEE fixés par les auditeurs du sous-groupe « avec barème » est 14 euros plus faible que la moyenne des montants de CEEE fixés par les auditeurs du sous-groupe « sans barème ».

4. L’ampleur des différences de montant de CEEE selon les caractéristiques des auditeurs

Pour terminer cette analyse descriptive des montants de CEEE selon que ces dernières sont fixées avec ou sans possibilité de recourir à la table de référence, nous analysons à titre accessoire les différences entre montants moyens « avec versus sans barème » selon les caractéristiques des auditeurs. L’analyse est accessoire car les caractéristiques des auditeurs ne sont pas au centre de notre problématique, ce sont des facteurs contextuels. La question centrale du projet n’est pas de déterminer quels types de sujets/auditeurs sont plus, ou moins, réceptifs à l’usage du barème, mais de tenter de déterminer pour quels types d’affaires l’usage du barème est plus impactant. Pour autant, il n’est pas totalement inintéressant de présenter ces résultats, ne serait-ce que dans la perspective d’autres travaux de recherche plus axés sur les acteurs.

Si l’on se fie à l’ampleur des différences75 entre le montant moyen de CEEE décidé sans avoir la possibilité de recourir à la table de référence et le montant moyen de CEEE décidé en ayant la possibilité de recourir à la table de référence, on peut en conclure (cf. tableau 3.12) que seraient plus sensibles à l’usage d’un barème (au sens d’une différence plus élevée) les individus ayant les caractéristiques suivantes (comparativement à la caractéristique inverse) : les femmes, les individus plus âgés, les individus vivant en couple, les individus ayant un ou plusieurs enfant(s), les individus ayant suivi un cursus de formation autre que le cursus standard de droit (en plus ou en remplacement), les individus ayant exercé un métier avant leur entrée à l’ENM, les individus ayant déjà eu l’occasion de traiter une affaire de divorce, les averses au risque, les individus plutôt égoïstes et les individus qui considère plutôt les inégalités plutôt justifiées. Il faut cependant reconnaître que les différences (selon les caractéristiques) de différences sont la plupart du temps assez faibles.

75

Ces différences « avec – sans barème » sont toujours positives car elles incluent des décisions relatives à tous les cas types, or nous savons qu’en moyenne sur l’ensemble total des décisions la différence est positive, il y a donc peu de chance qu’en partitionnant l’ensemble des décisions selon seulement deux modalités on obtienne une différence de moyenne négative. A la seule exception du sous-groupe des hommes, toutes les différences sont significatives au seuil de 5% au moins, cela est en partie dû à la taille élevée des sous-groupes, taille qui varie de 1 200 (sous-groupe des individus avec enfant et ayant eu accès au barème) à 6 000 (sous-groupe des individus sans enfant et ayant eu accès au barème).

-15

-5

5

15

25

131635 9 364140374439113433153820121017252845 1 1448214342 5 2319 4 2427294718222646 3 8 2 3231 7 30 6

Graphique 3.F : les différences de moyennes "avec - sans" selon les 48 cas-types

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Tableau 3.12 : ampleur des différences selon les principales caractéristiques des auditeurs Moyenne

« sans » Moyenne « avec »

Différences « avec – sans »

Homme Femme

146,4 149,3 +2,9

146,6 151,2 +4,6***

Moins de 30 ans 30 ans et plus

148,0 151,5 +3,5***

143,1 148,5 +5,4***

Pas en couple En couple

147,6 150,5 +2,9*

145,5 150,9 +5,4***

Sans enfant Avec enfant(s)

147,1 150,9 +3,8***

144,0 149,2 +5,2**

Avec autre cursus de formation Avec cursus « droit » uniquement

141,7 148,9 +7,2***

148,8 151,5 +2,7**

N’a pas exercé de métiers avant l’entrée à l’ENM A exercé un métier avant d’entrer à l’ENM

147,7 151,2 +3,5***

144,2 149,7 +5,5***

N’a jamais traité des affaires de divorce A déjà traité des affaires de divorce

147,7 151,1 +3,4**

145,5 150,3 +4,8***

Averse au risque (échelons de 1 à 4) Aime le risque (échelons de 5 à 10)

144,8 150,5 +5,7***

147,9 150,8 +2,9**

Pense d’abord à soi (échelons de 5 à 10) Aime aider les autres (échelons de 1 à 4)

145,8 152,5 +6,7***

146,9 149,7 +2,8**

Pense que les inégalités sont justifiées (échelons de 7 à 10) Pense qu’il faut réduire les inégalités (échelons de 1 à 7)

142,9 148,2 +5,3***

148,2 152,3 +4,1*** Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Guide de lecture : *** : différence « avec – sans » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence « avec – sans » significative au seuil de 1% ; * : différence « avec – sans » significative au seuil de 5%. Les cases en bleu indiquent laquelle des deux modalités est associée à la plus forte différence.

Au terme de cette analyse descriptive de l’effet de la table de référence du Ministère sur le niveau de CEEE, nous avons pu dégager quelques pistes pouvant nous mener vers une meilleure compréhension des comportements des auditeurs lors de cette expérimentation. Par exemple, nous avons souligné que les montants de CEEE fixés avec la possibilité de recourir à la table de référence étaient, en moyenne, un peu plus élevés que lorsque ce recours n’est pas proposé. Mais nous avons également monté que derrière cet effet moyen, se cachaient des situations fort diverses, puisque selon les cas types l’effet du barème sur le niveau de CEEE pouvait être soit positif, soit négatif, soit nul. Nous avons également montré que cette diversité se traduisait par des focalisations sur certaines valeurs particulières, telles que le montant d’offre, le montant de demande et le montant suggéré par la table de référence, mais sans que l’on puisse dégager aisément de systématisme. Comme attendu (car il s’agit d’un effet structurel par construction), les critères de définition des cas types sont assez déterminants pour expliquer les niveaux de CEEE, mais ces critères semblent également assez structurants en termes de différence « avec versus sans barème » des montants moyens de CEEE ; par exemple l’un des critères, à la différence des autres, est associé à une différence négative. L’analyse a également montré l’importance jouée par la position du montant suggéré par la table de référence au regard des niveaux d’offre et de demande. Nous avons également constaté un effet d’ancrage lié à un lot, sans que l’on puisse cependant apporter à ce stade une explication convaincante. Enfin, notre analyse descriptive a montré que les caractéristiques des auditeurs n’auraient pas d’effet vraiment discriminant sur l’ampleur des différences « avec versus sans barème », sauf peut-être pour

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le type de formation qui montre un effet nettement supérieur à ceux observés pour les autres caractéristiques. L’ensemble de ces pistes de réflexions doivent maintenant être soumises à une analyse plus approfondie en recourant à l’économétrie et ce, afin de pouvoir tenir compte simultanément des différents facteurs susceptibles de jouer sur le comportement de fixation des montants de CEEE.

B. Approche économétrique

Notre approche économétrique portant sur le niveau de de CEEE s’inspire de l’analyse descriptive. Elle est organisée en trois paragraphes. Au premier paragraphe (1) nous étudions l’effet global du recours à la table référence toutes choses égales par ailleurs à l’aide d’un outil économétrique standard. Le deuxième paragraphe (2) prolonge l’analyse en tentant d’identifier des effets du recours à la table de référence selon différentes modalités structurelles du barème, la question étant de savoir si la table de référence joue plus, ou moins, selon tel au tel type d’affaires. Enfin, dans un dernier paragraphe (3), nous justifions le recours à une économétrie multiniveaux du fait de la particularité des données expérimentales.

1. La mise en valeur d’un effet global du barème sur le montant de CEEE ceteris paribus

Dans ce paragraphe nous recourons à la procédure PROC MIXED du logiciel SAS pour estimer l’impact de différents facteurs sur le niveau de CEEE fixé par l’ensemble des 310 auditeurs et l’ensemble des 48 cas types. Il s’agit d’une régression linéaire généralisée, assez proche donc dans l’esprit d’une régression par les moindres carrés ordinaires, mais qui procède par maximisation de la vraisemblance. L’objectif est de tester si, toutes choses égales par ailleurs, on observe bien un effet global du recours au barème.

Le tableau 3.13 rassemble les résultats relatifs à trois premières spécifications. La première est très simple puisque n’est introduit que l’indicatrice séparant les deux sous-groupes d’auditeurs. Elle revient à faire une différence de moyenne comme nous l’avons effectué précédemment et donc confirme l’effet positif du recours à la table de référence : le sous-groupe des auditeurs ayant eu l’opportunité de recourir à la table de référence fixent des montants de CEEE en moyenne supérieurs d’environ quatre euros.

La seconde spécification introduit, en plus de l’indicatrice de barème (sous-groupe d’auditeurs), les caractéristiques individuelles des auditeurs. Pour la plupart d’entre elles, on n’observe aucun effet, ce qui corrobore les constatations descriptives que nous avions faites supra. On note seulement un effet négatif (-4 euros environ) associé au fait que les auditeurs n’ont pas suivi (exclusivement) un cursus de formation standard en droit. Ainsi peut-on dire que pour les auditeurs ayant eu la possibilité de recourir au barème et qui n’ont pas suivi (exclusivement) un cursus en droit, l’effet du barème est nul76. Mais le résultat le plus important est le fait que la prise en compte de ces caractéristiques ne modifie pas l’effet significatif du barème. On note également que cette spécification, comparativement à la précédente, ne gagne pas beaucoup en pouvoir explicatif (le logarithme de la vraisemblance diminue très peu).

76

On observe également un effet significatif lié au niveau d’aversion à l’inégalité : pour chaque point supplémentaire sur l’échelle (qui en comporte dix), point supplémentaire qui signifie « penser plus qu’il est nécessaire de réduire les inégalités », les auditeurs fixent, toutes choses égales par ailleurs, un montant supérieur de 77 centimes d’euros.

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116

Tableau 3.13 : trois spécifications étudiant l’effet global du barème sur le niveau de CEEE (1) (2) (3)

Constante 146,57 *** 145,-5 *** 162,97 ***

Avec barème Sans barème

4,11 *** Réf.

4,26 *** Réf.

4,25 *** Réf.

Femme Homme

/ -0,07 Réf.

-0,06 Réf.

Age / -0,12 -0,12

En union libre Pacsé(e) Marié(e) Pas en couple

/

-0,67 -1,39 0,31 Réf.

-0,68 -1,35 0,19 Réf.

Avec enfant(s) Sans enfant

/ -0,85 Réf.

-0,72 Réf.

Pas de cursus en « droit » Cursus « droit » et autre cursus Cursus « droit » seulement

/ -4,19 ** -4,55 *** Réf.

-4,19 *** -4,56 *** Réf.

A exercé un métier avant ENM N’a pas exercé de métier avant l’ENM

/ -0,61 Réf.

-0,61 Réf.

A déjà traité une affaire de divorce N’a jamais traite d’affaire de divorce

/ -1,43 Réf.

-1,44 ** Réf.

Echelle d’altruisme / 0,06 0,05

Echelle d’aversion à l’inégalité / 0,77 ** 0,77 ***

Echelle d’aversion au risque / 0,18 0,18

DVH « réduit » DVH « classique »

/ / 20,14 *** Réf.

Fratrie de deux enfants Fratrie de un enfant

/ / -14,33 *** Réf.

Propositions « non explicitée – 150 » Propositions « 0 – 150 » Propositions « 100 – 300 » Propositions « 140 – 200 »

/ /

-29,36 *** -29,99 *** 1,08 Réf.

Revenus « 1 100 – 2 500 » Revenus « 1 900 – 1 000 » Revenus « 1 600 – 1 500 »

/ / -45,78 *** 28,57 *** Réf.

Log-vraisemblance -79 164 -79 136 -73 096

Effectifs 14 876 14 876 14 876 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Régressions MIXED pondérées. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1%. ** : coefficient significatif au seuil de 1%. * : coefficient significatif au seuil de 5%.

La troisième spécification introduit les critères constitutifs des 48 cas types. Dans cette nouvelle spécification, l’impact du barème est toujours estimé à environ quatre euros et les effets relatifs à la formation des auditeurs et à leur aversion pour l’inégalité ne sont pas modifiés (les critères des cas types sont en effet plutôt orthogonaux aux autres facteurs puisque tous les auditeurs traitent les mêmes cas types)77. L’analyse permet simplement de mettre en valeur l’effet structurel propre de chacun de ces critères, les autres étant donnés. Ainsi, le fait qu’il s’agisse d’un cas type impliquant deux enfants (versus un enfant), amène à

77

On peut simplement remarquer qu’un effet négatif (–1 euro environ), lié au fait d’avoir par le passé déjà traité une affaire de divorce, devient significatif au seuil de 1% (il ne l’était qu’au seuil de 8% dans la spécification n°2).

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une fixation de CEEE inférieure de 14 euros environ, ce qui est attendu du fait de la prise en compte des économies d’échelle dans les coûts de l’enfant. Le fait qu’il s’agisse d’un cas type traitant d’une affaire où la fratrie bénéficie d’un DVH dit « réduit » (versus « classique ») implique des montants de CEEE supérieurs de 20 euros environ, ce qui est également attendu dans la mesure où l’enfant réside plus longtemps chez la mère créancière. Plus le revenu du débiteur est élevé, plus le montant de CEEE fixé par les auditeurs est également élevé (environ +29 euros environs lorsque le père débiteur dispose de 1 900 euros, comparativement à la situation de référence « 1 600 euros », et environ -46 euros lorsque le père dispose de 1 100 euros, comparativement à la même situation de référence), ce qui est tout autant attendu dans la mesure où la CEEE doit être proportionnée aux ressources des parents. Enfin, en ce qui concerne les propositions des parties, on observe que, par rapport à la situation relativement standard « 140-200 » choisie comme référence, il n’y aurait pas de différence significative lorsque les auditeurs traitent une proposition moins consensuelle de type « 100-300 » ; il s’agit d’un résultat plutôt intéressant indiquant qu’un moindre consensus n’entraîne pas nécessairement une différence de niveau de CEEE (il en sera peut-être autrement en terme d’homogénéité des montants, cf. infra, section 3.1.3.). En revanche, on observe, d’une part, que lorsque le père ne veut pas payer de CEEE, cela implique un effet de réduction du montant de pension alimentaire fixée par les auditeurs en moyenne de -30 euros (comparativement à la situation de référence de propositions « 140-200 ») et que, d’autre part, lorsque le père n’exprime pas de montant d’offre explicitement, la réduction est équivalente (environ -29 euros) à celle en cas de refus de paiement d’une CEEE. On notera enfin que le pouvoir explicatif de la régression n°3 est nettement supérieur à celui de la spécification n°2 (le logarithme de la vraisemblance diminue de 8%), ce qui était bien sûr attendu car, par construction, on s’attend à ce que les montants de CEEE varient significativement selon les critères des cas types.

A titre de comparaison, nous proposons au tableau 3.14 ci-dessous, une spécification très proche de la spécification n°3 que nous venons de commenter.

Ici, ce ne sont pas les modalités de cas types qui sont introduites, mais des indicatrices identifiant chacun des 48 cas types (avec le cas type n° 1 en référence78). Cette spécification n’apporte pas d’information supplémentaire, elle confirme simplement le caractère assez mécanique de l’impact des critères des cas types sur les montants de CEEE : tous les cas types amènent à fixer un niveau de CEEE significativement inférieur à celui relatif au cas type n°1, à l’exception des cas types n°8 et n°2979 (respectivement non significatif et significativement positif : +9 euros). Mais cette spécification n’est pas très aisée d’usage, car le commentaire cas type par cas type (et les critères associés à chacun d’eux) rendrait le commentaire fastidieux, aussi nous ne retiendrons pas ce type de spécification par la suite.

78

Cas type n°1 : un enfant avec DVH « classique » ; le père gagne 1 900 euros et la mère gagne 1 000 euros ; le père propose une CEEE de 100 euros et la mère demande une CEEE de 300 euros. 79 Cas type n°8 : un enfant avec DVH « réduit » ; le père gagne 1 900 euros et la mère gagne 1 000 euros ; le père propose une CEEE de 140 euros et la mère demande une CEEE de 200 euros. Cas type n°29 : deux enfants avec DVH « réduit » ; le père gagne 1 900 euros et la mère gagne 1 000 euros ; le père propose une CEEE de 100 euros et la mère demande une CEEE de 300 euros.

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Tableau 3.14 : spécification introduisant les 48 cas types pour estimer le niveau de CEEE (3 bis) Suite

Constante 206,71 *** Cas type 24 -24,48 ***

Avec barème Sans barème

4,25 *** Réf.

Cas type 23 Cas type 22

-56,78 *** -55,02 ***

Femme Homme

-0,06 Réf.

Cas type 21 Cas type 20

-11,06 *** -51,16 ***

Age -0,12 Cas type 19 -67,39 ***

En union libre Pacsé(e) Marié(e) Pas en couple

-0,68 -1,35 0,19 Réf.

Cas type 18 Cas type 17 Cas type 16 Cas type 15

-67,54 *** -49,00*** -65,74 *** -94,92 ***

Avec enfant(s) Sans enfant

-0,72 Réf.

Cas type 14 Cas type 13

-97,48 *** -80,72 ***

Pas de cursus en « droit » Cursus « droit » et autre cursus Cursus « droit » seulement

-4,19 *** -4,56 *** Réf.

Cas type 12 Cas type 11 Cas type 10

-77,15 *** -117,28 *** -121,83 ***

A exercé un métier avant ENM N’a pas exercé de métier avant l’ENM

-0,61 Réf.

Cas type 9 Cas type 8

-103,50 *** -3,23

A déjà traité une affaire de divorce N’a jamais traite d’affaire de divorce

-1,44 ** Réf.

Cas type 7 Cas type 6

-37,11 *** -35,49 ***

Echelle d’altruisme 0,05 Cas type 5 41,11 ***

Echelle d’aversion à l’inégalité 0,77 *** Cas type4 -19,51 ***

Echelle d’aversion au risque 0,18 Cas type 3 -50,07 ***

Cas type 48 Cas type 47 Cas type 46 Cas type 45 Cas type 44 Cas type 43 Cas type 42 Cas type 41 Cas type 40 Cas type 39 Cas type 38 Cas type 37 Cas type 36 Cas type 35 Cas type 34 Cas type 33 Cas type 32 Cas type 31 Cas type 30 Cas type 29 Cas type 28 Cas type 27 Cas type 26 Cas type 25

-41,94 *** -63,41 *** -63,46 *** -39,79 *** -62,17 *** -80,95 *** -81,40 *** -70,92 *** -78,37 *** -110,54 *** -112,26 *** -99,61 *** -85,21 *** -129,78 *** -131,24 *** -113,39 *** -15,0 *** -45,64 *** -45,02 *** 9,30 ** -35,85 *** -57,42*** -57,92 *** -28,33 ***

Cas type 2 -50,11 ***

Cas type 1 Réf.

Log vraisemblance -72 428

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Effectifs : 14 876. Régressions MIXED pondérées. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1%. ** : coefficient significatif au seuil de 1%. * : coefficient significatif au seuil de 5%.

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Etudions désormais plus spécifiquement le mécanisme que nous avons présenté dans la partie descriptive de cette section relatif à l’impact de la position de la valeur suggérée par le barème au regard des valeurs d’offre et de demande. A cette fin, au tableau 3.15 nous rappelons de manière synthétique les résultats descriptifs.

Tableau 3.15 : différences de CEEE selon les différents cas types et selon la valeur suggérée par le barème

1 enfant âgé de 5 ans 2 enfants âgés de 6 et 10 ans

Revenus Propositions DVH

« classique » DVH

« réduit » DVH

« classique » DVH

« réduit »

Père : 100 Mère : 300

208,9 210,6 192

246,6 255,3 257

181,9 180,9 164

213,4 225,0 221

Père : 1900

Père : 0 Mère : 150

151,5 168,2 192

161,2 188,1 257

145,4 158,6 164

152,6 177,6 221

Mère : 1000 Père : non explicitée Mère : 150

152,5 167,3 192

160,8 185,2 257

146,8 158,2 164

152,8 176,1 221

Père : 140 Mère : 200

184,8 195,9 192

199,0 214,4 257

173,6 174,2 164

187,3 204,5 221

Père : 100 Mère : 300

110,0 102,1

84

135,8 121,8 113

98,9 93,5 72

113,4 106,6

97

Père : 1100

Père : 0 Mère : 150

89,1 86,6 84

111,4 113,2 113

81,2 75,5 72

99,6 95,2 97

Mère : 2500 Père : non explicitée Mère : 150

95,5 89,2 84

117,1 112,3 113

83,8 75,8 72

102,3 95,9 97

Père : 140 Mère : 200

134,3 130,7

84

149,0 138,6 113

128,2 120,6

72

134,9 127,5

97

Père : 100 Mère : 300

161,7 159,7 152

197,3 200,1 203

142,5 134,9 129

169,4 170,5 174

Père : 1600

Père : 0 Mère : 150

136,2 148,6 152

148,3 161,5 203

126,1 130,7 129

139,3 153,6 174

Mère : 1500 Père : non explicitée Mère : 150

138,0 146,9 152

148,7 157,5 203

127,2 130,4 129

140,3 152,7 174

Père : 140 Mère : 200

160,5 156,5 152

179,8 191,0 203

150,8 144,0 129

166,7 169,0 174

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Guide de lecture : la première ligne de la cellule indique la moyenne pour le sous-groupe « sans barème », la seconde ligne indique le montant moyen pour le sous-groupe « avec barème », la troisième ligne (en rouge) indique le montant suggéré par la table de référence. Les cases vertes identifient une différence « avec – sans » positive (hausse) significative statistiquement (au seuil de 10%), les cases roses identifient au contraire les baisses significatives statistiquement (au seuil de 10%), les cases blanches indiquent une différence non significative statistiquement au seuil de 10%. Les chiffres surlignés en jaune indiquent des montants de CEEE suggérés par le barème supérieurs à la demande de la mère, les chiffres surlignés en bleu indiquent des montants suggérés par le barème inférieurs à l’offre du père (lorsqu’elle est exprimée).

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120

Ce tableau montre visuellement qu’il y a une assez bonne correspondance entre les cellules vertes et les chiffres surlignés en jaune, et une assez bonne correspondance entre les cellules roses et les chiffres surlignés en bleu. La question est donc de savoir si cette apparente corrélation se retrouve économétriquement.

Lorsque l’on tient compte du lien entre montant suggéré par le barème et propositions des parties80, on observe, au tableau 3.16 – spécification n°4, que les effets que nous avons mis en valeur lors de l’analyse descriptive sont effectivement significatifs ceteris paribus : le fait qu’il s’agisse de cas types pour lesquels le montant suggéré par la table de référence est inférieur à l’offre du père entraine une réduction du montant fixé de 10 euros et le fait qu’il s’agisse de cas types pour lesquels le montant suggéré par la table de référence est supérieur à la demande de la mère entraine une majoration de 5 euros, toutes choses égales d’ailleurs. Mais, ce qui saute aux yeux dans cette spécification n°4 est le fait que l’effet global du barème devient significativement négatif. Si l’on combine les coefficients de ces deux facteurs, on peut avancer les résultats suivants. Comparativement aux décisions prises par les auditeurs n’ayant pas accès à la table de référence lorsqu’ils se prononcent sur les cas types où la valeur suggérée se situe dans l’intervalle des propositions81 (0 + 0 = 0), les décisions prises par les auditeurs qui ont accès à la table de référence sont plus basses (-5,56 + 0 = -5,56) lorsqu’ils traitent ces mêmes cas types, elles sont nettement plus basses lorsqu’ils traitent des cas types où la valeur suggérée par le barème est inférieure à l’offre du père (-5,56 – 10,02 = -15,58), et elles sont quasi-identiques (-5,56 + 5,02 = -0,54) lorsqu’ils traitent des cas types où la valeur suggérée par le barème est supérieure à l’offre de la mère. Ce résultat est pour le moins troublant, puisque nous savons qu’en moyenne globale (et pour 20 cas types sur 48) les montants fixés avec la possibilité de recourir à un barème sont supérieurs à ceux fixés sans possibilité d’utiliser la table de référence. Des analyses plus détaillées mériteraient donc d’être investiguées (cf. infra).

Ajoutons que dans cette spécification n°4, les effets estimés des différents autres facteurs demeurent inchangés (ou varient très marginalement) par rapport à la spécification n°3, qu’il s’agisse des facteurs de contexte (caractéristiques individuelles des auditeurs) ou des facteurs plus structurels (critères des cas types) et ce, quand bien même, pour ces derniers, les indicatrices ajoutées dans la spécification n°4 ne soient pas indépendantes de ces facteurs structurels82.

80

Lien pris en compte par un jeu d’indicatrices identifiant si le montant suggéré par la table de référence est soit inférieur à l’offre, soit supérieur à la demande, soit dans l’intervalle des propositions (modalité de référence). Lorsque l’offre n’est pas exprimée, nous avons considéré que la valeur suggérée était supérieure à l’offre. 81

Ils ne savent pas que la valeur suggérée par le barème est dans l’intervalle des propositions, mais ils peuvent réaliser que les propositions sont plutôt en adéquation avec le revenu du père ; à l’inverse, lorsque la valeur suggérée par le barème est supérieure à la demande, ils ne le savent pas plus mais ils peuvent réaliser que la demande est plutôt faible au regard du revenu du père, et lorsque la valeur suggérée par le barème est inférieure à l’offre, ils ne le savent pas mais peuvent réaliser que cette offre est plutôt excessive au regard du revenu du père. 82

En effet, le fait que la valeur du barème soit ou non dans l’intervalle des propositions est très dépendant du couple « proposition-revenu » : à proposition donnée, le fait que la valeur suggérée par le barème soit dans l’intervalle ou non dépend du revenu puisque le barème est principalement calculé à partir du revenu du parent débiteur (et plus marginalement selon le nombre d’enfants et le type de DVH).

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Tableau 3.16 : spécifications tenant compte de la situation de la suggestion du barème par rapport aux propositions et de l’effet d’ancrage pour expliquer le niveau de CEEE

(3) (4) (5)

Constante 162,97 *** 174,41 *** 167,40 ***

Avec barème Sans barème

4,25 *** Réf.

-5,56 *** Réf.

-6,01 *** Réf.

Femme Homme

-0,06 Réf.

-0,06 Réf.

0,14 Réf.

Age -0,12 -0,12 -0,11

En union libre Pacsé(e) Marié(e) Pas en couple

-0,68 -1,35 0,19 Réf.

-0,68 -1,35 0,19 Réf.

0,20 -0,79 -0,99 Réf.

Avec enfant(s) Sans enfant

-0,72 Réf.

-0,72 Réf.

1,20 Réf.

Pas de cursus en « droit » Cursus « droit » et autre cursus Cursus « droit » seulement

-4,19 *** -4,56 *** Réf.

-4,19 *** -4,56 *** Réf.

-3,45 *** -5,11 *** Réf.

A exercé un métier avant ENM N’a pas exercé de métier avant l’ENM

-0,61 Réf.

-0,61 Réf.

-1,16 Réf.

A déjà traité une affaire de divorce N’a jamais traité d’affaire de divorce

-1,44 ** Réf.

-1,44 ** Réf.

-0,35 Réf.

Echelle d’altruisme 0,05 0,05 -0,03

Echelle d’aversion à l’inégalité 0,77 *** 0,77 *** 0,35 *

Echelle d’aversion au risque 0,18 0,18 -0,02

DVH « réduit » DVH « classique »

20,14 *** Réf.

19,13 *** Réf.

19,13 *** Réf.

Fratrie de deux enfants Fratrie de un enfant

-14,33 *** Réf.

-13,93 *** Réf.

-13,93 *** Réf.

Propositions « non explicitée–150 » Propositions « 0 – 150 » Propositions « 100 – 300 » Propositions « 140 – 200 »

-29,36 *** -29,99 *** 1,08 Réf.

-32,19 *** -32,82 *** 0,67 Réf.

-32,19 *** -32,82 *** 0,67 Réf.

Revenus « 1 100- 2 500 » Revenus « 1 900 – 1 000 » Revenus « 1 600 – 1 500 »

-45,78 *** 28,57 *** Réf.

-43,36 *** 27,35 *** Réf.

-43,36 *** 27,35 *** Réf.

Barème < intervalle de propositions Barème > intervalle de propositions Barème dans intervalle de propositions

/ -10,02 *** 5,02 *** Réf.

-10,01 *** 5,02 *** Réf.

Lot 1 Lot 2 Lot 4 Lot 3

/ /

10,15 *** 19,13 *** 13,70 *** Réf.

Log-vraisemblance -73 096 -73 044 -72 699

Effectifs 14 876 14 876 14 876 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Régressions MIXED pondérées. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1%. ** : coefficient significatif au seuil de 1%. * : coefficient significatif au seuil de 5%.

Quant à la spécification n°5, qui intègre des indicatrices identifiant les différents lots de feuillets (variation de l’ordre des cas types), elle confirme notre analyse descriptive : le lot

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122

n°3 montre une spécificité (avec des montants, ceteris paribus, moindres). Même si nous ne savons pas exactement d’où provient cet effet d’ancrage, ce résultat nous conforte dans l’idée qu’il convient de tenir compte de ce facteur de contexte. On observera également que, comparativement à la spécification n°4, on ne décèle que peu de changements dans la valeur des coefficients des autres facteurs : les coefficients relatifs au barème et au cursus de formation sont marginalement modifiés, le coefficient associé à l’aversion à l’inégalité est divisé par deux et perd en significativité, enfin, celui associé à l’expérience en matière d’affaire de divorce perd sa significativité (confirmant ainsi sa faible robustesse, puisque sa significativité avait déjà fait l’objet de changements entre les spécifications n°2 et n°3).

2. La mise en valeur d’effets spécifiques du barème sur le montant de CEEE ceteris paribus

Après avoir vu au paragraphe précédent que l’effet global du barème était significativement positif lorsque l’on ne tenait pas compte de la valeur suggérée (par rapport aux propositions) par la table de référence, mais significativement négatif lorsque l’on en tenait compte, l’objet de ce nouveau paragraphe est de tenter d’approfondir l’étude de l’impact du barème sur le niveau de CEEE en nous posant la question de savoir si l’effet du barème varie selon les critères constitutifs des cas types. En d’autres termes, les auditeurs ayant eu la possibilité de recourir à la table de référence sont-ils plus sensibles au barème, au sens de fixer un montant significativement différent que ne l’ont fait les autres auditeurs, lorsqu’ils traitent une affaire ayant tel critère que lorsqu’ils traitent une affaire ayant tel autre critère ? On étudie donc ici des effets croisés « barème * critère » (tableau 3.17).

En moyenne et toutes choses égales par ailleurs, lorsqu’ils traitent un cas type avec DVH « réduit » les auditeurs du sous-groupe « sans barème » fixent un montant supérieur de 17 euros environ par rapport aux cas types avec DVH « classique » ; dans la même situation, les auditeurs « avec barème » majorent encore plus leurs décisions (23 euros), et la différence (attribuable à la possibilité de recourir à la table de référence) de 6 euros est significative statistiquement. Du point de vue de la taille de la fratrie, les deux sous-groupes ont un comportement plus similaire : ils attribuent une CEEE plus faible (-13 euros) lorsqu’ils traitent un cas type de deux enfants que lorsqu’ils traitent un cas type avec un enfant et ce, dans une proportion quasi identique (la différence estimée de 2 euros n’est significativement différente de zéro qu’au seuil de 5%) ; le recours à la table de référence n’aurait donc pas d’incidence majeure de ce point de vue.

Comparativement à la situation assez commune où les parties font des propositions moyennes et proches (140-200), les auditeurs, quels qu’ils soient, fixent des montants de CEEE significativement plus faibles lorsque la demande est faible (150), et ce comportement de minoration est influencé par la possibilité de recourir à la table de référence puisque les auditeurs « avec barème » minorent significativement moins (5 et 8 euros environ respectivement pour les deux cas types avec une offre égale à 150) que les auditeurs « sans barème ». Avec un couple de propositions « offre non explicitée-150 », la minoration pour le sous-groupe d’auditeurs « sans barème » est estimée à -32 euros et pour le sous-groupe d’auditeurs « avec barème » elle est estimée à -27 euros.

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Tableau 3.17 : spécification avec facteurs croisés pour expliquer le montant de CEEE (6)

Constante 157,81 ***

Avec barème Sans barème

0,009 Réf.

Femme Homme

0,14 Réf.

Age -0,11

En union libre Pacsé(e) Marié(e) Pas en couple

0,20 -0,79 -0,98 Réf.

Avec enfant(s) Sans enfant

1,19 Réf.

Pas de cursus en « droit » Cursus « droit » et autre cursus Cursus « droit » seulement

-3,45 *** -5,11 *** Réf.

A exercé un métier avant ENM N’a pas exercé de métier avant l’ENM

-1,16 Réf.

A déjà traité une affaire de divorce N’a jamais traite d’affaire de divorce

-0,35 Réf.

Echelle d’altruisme -0,03

Echelle d’aversion à l’inégalité 0,35 *

Echelle d’aversion au risque -0,02

DVH « réduit » DVH « classique »

17,39 *** Réf.

Fratrie de deux enfants Fratrie de un enfant

-13,31 *** Réf.

Propositions « non explicitée–150 » Propositions « 0 – 150 » Propositions « 100 – 300 » Propositions « 140 – 200 »

-31,93 *** -33,91 *** 2,55 * Réf.

Revenus « 1 100- 2 500 » Revenus « 1 900 – 1 000 » Revenus « 1 600 – 1 500 »

-40,53 *** 24,15 *** Réf.

Lot 1 Lot 2 Lot 4 Lot 3

10,15 *** 19,13 *** 13,70 *** Réf.

Barème * DVH « réduit » Barème * Fratrie de deux enfants Barème * Propositions « ? –150 » Barème * Propositions « 0 – 150 » Barème * Propositions « 100 – 300 » Barème * Revenus « 1 100 – 2 500 » Barème * Revenus « 1 900 – 1 000 »

5,68 *** -2,11 * 5,30 *** 8,10 *** -3,05 * -10,87 *** 9,13 ***

Log-vraisemblance -72 575

Effectifs 14 876 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Régressions pondérées. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1%. ** : coefficient significatif au seuil de 1%. * : coefficient significatif au seuil de 5%.

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Avec un couple de propositions « 0-150 », la minoration pour le sous-groupe d’auditeurs « sans barème » est estimée à -34 euros et pour le sous-groupe d’auditeurs « avec barème » elle est estimée à -26 euros. Ce comportement de minoration, comparativement aux cas types avec un couple de propositions « 140-200 », ne s’observe en revanche pas lorsque les auditeurs traitent des cas types avec des propositions égales à « 100-300 ».

Enfin, du point de vue des couples de revenus, on observe deux comportements opposés. Comparativement à la situation médiane où les deux parents ont des revenus moyens et similaires (1 600-1 500), les auditeurs fixent des montants de CEEE plus élevés lorsqu’il s’agit de cas types où le père gagne nettement plus que la mère (1 900-1 000)83 et des montants plus faibles dans le cas inverse (1 100-2 500)84. Mais ce qui est intéressant de souligner ici, est le fait que ces deux comportements sont renforcés par la possibilité de recourir au barème, les différences (-11 euros et +9 euros) entre les deux sous-groupes étant statistiquement significatives.

3. La prise en compte d’une spécificité des données expérimentales pour estimer l’effet du barème sur le montant de CEEE ceteris paribus

Jusqu’à présent, nous avons fait appel à une méthodologie standard d’économétrie en utilisant des régressions linéaires simples. Or, la nature-même des données, parce qu’elles sont expérimentales, laisse penser que ce type d’outil n’est pas le plus pertinent.

L’idée générale est la suivante. Les effets, sur le montant de CEEE, des caractéristiques d’affaires (les sept modalités des cinq critères que sont le nombre d’enfants, le type de DVH, le couple de revenus et le couple de propositions, ou les 48 cas types) dépendraient pour partie des caractéristiques des auditeurs. Même si nous contrôlons par les caractéristiques individuelles connues des auditeurs, il n’est pas exclu qu’il existe une corrélation du fait de caractéristiques non observées. En effet, chacune des 48 réponses étant traitée par le même auditeur (et ce pour chacun des 310 auditeurs), nos estimations souffrent peut-être d’un biais de non-indépendance des observations et dans ce cas les écarts-types des estimateurs seraient biaisés85.

D’où la nécessité de recourir à un modèle multiniveaux où chacun des 310 ensembles de 48 réponses sont « nichés » dans les 310 auditeurs. Du point de vue de la spécification, nous avons considéré que chacun des effets des caractéristiques de cas types pouvaient varier selon les auditeurs en partie de façon aléatoire et en partie de façon déterminée par les dix caractéristiques connues des auditeurs (sexe, âge, vie en couple, enfant(s), formation, expérience en matière de divorce, exercice d’un métier avant l’ENM, risque, inégalité, altruisme).

D’où le modèle suivant :

Niveau 1 : les montants de pension alimentaire (PA) fixés, pour chaque cas type k, par chaque auditeur j, sont égaux à :

83

+24 euros pour les auditeurs du sous-groupe « sans barème » et +33 euros pour les auditeurs du sous-groupe « avec barème ». 84 -41 euros pour les auditeurs du sous-groupe « sans barème » et -51 euros pour les auditeurs du sous-groupe « avec barème ». 85

En l’espèce, ils sont sous-estimés, donnant l’illusion que tel effet est significatif alors qu’il ne l’est pas.

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(1) PAk,j = β0j + β1j Zk,j + εk,j

- où Zk,j représente les caractéristiques des K cas types (DVH, nombre d’enfants…), qui sont les mêmes pour chaque auditeur j, sauf lorsqu’on inclut la dummy de barème Bk,j et cela isolément ou croisée avec les Zk,j,

- et où β1j est le vecteur des K coefficients de régression correspondants.

Niveau 2 : chaque groupe j (auditeur) a ses propres impacts sur PAk,j :

(2) β0j = γ0 + γ1 Xj + η0j

(3) β1j = µ0 + µ1 Xj + η1j

- où Xj représente les caractéristiques des J auditeurs (sexe, âge,…),

- et où η0j ~ N(0, θ0²) et η1j ~ N(0, θ1²)86,

- et où, en cas d’homoscédasticité supposée, on a : εk,j ~ N(0, σ²),

- mais où, en cas d’hétéroscédasticité supposée au niveau 1, on a : σ²k=exp(λ Wk), où λ est le vecteur de coefficients de Wk (qui, ici, est en fait le vecteur Zk), d’où 48 variances résiduelles.

Nous verrons, infra à la section 3.1.3., que ce type de spécification peut nous être assez utile pour étudier la question de la différence de variance de montants de CEEE selon que le barème peut ou non être mobilisé. Mais, à ce stade, l’intérêt est uniquement d’estimer des coefficients moins biaisés.

Les coefficients que nous estimons, les βj, sont dit aléatoires parce qu’ils dépendent, aux équations (2) et (3), des termes d’erreur ηj qui captent les éventuels effets de caractéristiques inobservées des j auditeurs. Ces βj sont donc constitués de deux composantes dépendantes des auditeurs, cette composante aléatoire et une composante déterminée par les caractéristiques observée (Xj) des j auditeurs, la composante déterministe étant estimée par les γ et les µ des équations (2) et (3)87.

86

On suppose que r(η0j,η1j) = 0 (Variance components). En effet, si l’on spécifiait, pour les neuf termes d’erreurs (la constante aléatoire, l’effet aléatoire du barème et des sept indicatrices représentant les caractéristiques du barème) des corrélations a priori quelconques, il faudrait alors estimer 72 paramètres de covariance en plus des neuf paramètres de variance, ce qui nécessiterait une procédure de calcul complexe et incertaine. C’est pourquoi nous nous sommes limités à l’estimation des variances des neuf termes d’erreurs en supposant que leurs covariances étaient nulles. 87

S’agissant de la structure de la matrice de variance-covariance entre effets aléatoires, nous avons opté pour une matrice diagonale (c’est-à-dire à covariances nulles) à valeurs pouvant différer selon les effets aléatoires (dite « variance components ») faute de raison qui aurait pu faire que l’importance de l’effet, sur le montant de CEEE, d’un des critères de constitution des cas types, serait lié à l’ampleur d’un autre effet. S’agissant de la structure de la matrice de variance-covariance entre les 48 cas types, il n’était pas envisageable de choisir une structure autre que « Variance components » (qui oblige déjà à estimer 48 variances) car admettre la possibilité de covariances non nulles aurait obligé à estimer pas moins de 1 104 covariances (= 0,5*48² - 48). Quant au choix des variables explicatives de la variance résiduelle, n’ont été retenues ici que des variables de niveau 1. C’est ce que fait Harvey Goldstein (« Heteroscedasticity and complex variation », 9 pages, 2004, http://www.bristol.ac.uk/media-library/sites/cmm/migrated/documents/modelling-complex-variation.pdf) quand il spécifie la fonction linéaire qu’il utilise pour expliquer la variance des erreurs de niveau 1 (les epsilons, dont la variance, dite résiduelle, est alors en partie expliquée). Idem pour George Leckie (« Modelling heterogeneous variance-covariance components in two-level multilevel models with application to school effects educational research », Juillet 2014, 6 p., https://www.statistics.gov.hk/wsc/CPS108-P3-S.pdf) qui, bien que prétendant modéliser la variance de l’erreur résiduelle comme étant hétérogène à la fois au niveau 1 (élèves) et au niveau 2 (écoles), n'utilise toutefois comme facteurs de variation que le sexe et l’âge auquel est mesurée la réussite (11 ans versus 16 ans), c’est-à-dire des variables de niveau 1.

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Dans un premier temps, nous estimons un modèle (cf. tableau 3.18 ci-dessous, spécification 7) un peu simplifié, en négligeant la composante déterministe, soit un modèle de type :

(1) PAk,j = β0j + β1j Zk,j + εk,j

(2) β0j = γ0 + η0j

(3) β1j = µ0 + η1j.

La spécification n°8 (toujours tableau 3.18) correspond, quant à elle, à la spécification du modèle complet que nous avons présenté formellement supra, elle intègre donc l’effet déterministe des caractéristiques des auditeurs sur les coefficients de régression aléatoires de premier niveau (les coefficients associés aux critères définissant les cas types et aux interactions entre ces derniers et l’indicatrice de barème).

La comparaison entre les spécifications n°7 et n°8 nous indique que la prise en compte des caractéristiques individuelles (dont les effets sont généralement non significatifs) ne modifie pas sensiblement les coefficients associés aux autres facteurs, si ce n’est celui relatif au barème (sous-groupe d’auditeurs) qui est réduit et perd de sa significativité. Assez logiquement, une fois pris en compte les éventuelles différences entre les deux sous-groupes d’auditeurs (via leurs caractéristiques individuelles observées), il n’y a plus d’effet du barème indépendamment des modalités des cas types, tous les effets « passent » par les termes d’interaction.

Pour saisir les effets du barème dans une telle spécification avec effets croisés, il convient de sommer les coefficients intervenant dans les interactions et dans les effets directs, puis de tester la significativité de ces sommes de coefficients. La première partie du tableau 3.19 ci-dessous résume ces calculs effectués à partir des coefficients de régression indiqués au tableau 3.18.

Dans ce tableau de synthèse, nous avons accolé (deuxième partie du tableau) les résultats issus des mêmes types de calcul mais appliqués aux coefficients estimés à l’aide d’une régression mixte (cf. tableau 3.17 supra) et dont nous venons de faire le commentaire à la fin du précédent paragraphe 2. On ne peut qu’être frappé par la grande similitude entre les deux ensembles de résultats : coefficients identiques à tout au plus trois ou quatre euros près, signes identiques et niveaux de significativité pour l’essentiel identiques. Aussi, nous nous passerons de commenter les résultats issus de la procédure d’estimation en multiniveaux, car ces commentaires seraient en tous points identiques à ce que nous avons écrit supra en fin de paragraphe 2.

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Tableau 3.18 : estimation des effets croisés du recours à la table de référence à l’aide d’un modèle multiniveaux

(7) (8)

Constante 156,87 *** 170,29 ***

Avec barème Sans barème

-0,95 *** Réf.

-0,39 Réf.

DVH « réduit » DVH « classique »

14,91 *** Réf.

14,91 *** Réf.

Fratrie de deux enfants Fratrie de un enfant

-11,09 *** Réf.

-11,09 *** Réf.

Propositions « non explicitée–150 » Propositions « 0 – 150 » Propositions « 100 – 300 » Propositions « 140 – 200 »

-30,62 *** -32,42 *** -0,26 Réf.

-30,63 *** -32,43 *** -0,27 Réf.

Revenus « 1 100- 2 500 » Revenus « 1 900 – 1 000 » Revenus « 1 600 – 1 500 »

-38,78 *** 19,72 *** Réf.

-38,78 *** 19,72 *** Réf.

Barème * DVH « réduit » Barème * deux enfants Barème * Propositions « 100 – 300 » Barème * Propositions « 0 – 150 » Barème * Propositions « non explicitée–150 » Barème * Revenus « 1 900 – 1 000 » Barème * Revenus « 1 100- 2 500 »

6,30 *** -2,73 -2,49 8,59 *** 6,14 *** 9,48 *** -10,88 ***

6,32 *** -2,70 -2,46 8,62 *** 6,18 *** 9,51 *** -10,85 ***

Lot 1 Lot 2 Lot 4 Lot 3

10,65 *** 15,14 *** 11,95 *** Réf.

10,94 *** 14,92 *** 12,56 *** Réf.

Femme Homme

/ -2,13 Réf.

Age / -0,41

En couple Pas en couple

/ -0,37 Réf.

Avec enfant(s) Sans enfant

/ 0,29 Réf.

Pas de cursus en « droit » ou cursus droit et autre cursus Cursus « droit » seulement

/ -2,79 * Réf.

A exercé un métier avant ENM N’a pas exercé de métier avant l’ENM

/ -1,47 Réf.

A déjà traité une affaire de divorce N’a jamais traite d’affaire de divorce

/ 1,25 Réf.

Echelle d’altruisme / -0,07

Echelle d’aversion à l’inégalité / 0,35

Echelle d’aversion au risque / 0,11

Log-vraisemblance 135 671 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Effectifs : 14 876. Régressions multiniveaux pondérées. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1%. ** : coefficient significatif au seuil de 1%. * : coefficient significatif au seuil de 5%.

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Tableau 3.19 : l’effet du barème selon les critères constitutifs des cas types MODELE MULTINIVEAUX Sans barème Avec barème Différences

DVH « réduite » versus DVH « classique » 14,91 *** 21,21 *** +6,30 ***

Deux enfants versus un enfant -11,09 *** -13,83 *** -2,74

Propositions « 100 – 300 »… Propositions « 0 – 150 »… Propositions « non explicite-150 »… … versus Propositions « 140-200 »

-0,26 -32,43 *** -30,62 ***

-2,74 * -23,83 *** -24,48 ***

-2,48 +8,60 *** +6,14 ***

Revenus « 1 100- 2 500 »… Revenus « 1 900 – 1 000 »… …versus Revenus « 1 600 – 1 500 »

-38,78 *** 19,72 ***

-49,66 *** 29,21 ***

-10,88 *** +9,49 ***

MODELE DE REGRESSION MIXTE Sans barème Avec barème Différences

DVH « réduite » versus DVH « classique » 17,39 *** 23,07 *** +5,68 ***

Deux enfants versus un enfant -13,31 *** -15,42 *** -2,11 *

Propositions « 100 – 300 »… Propositions « 0 – 150 »… Propositions « non explicite-150 »… … versus Propositions « 140-200 »

2,55* -33,91 *** -31,93 ***

-0,50 -25,81 *** -26,63 ***

-3,05 * +8,10 *** +5,30 ***

Revenus « 1 100- 2 500 »… Revenus « 1 900 – 1 000 »… …versus Revenus « 1 600 – 1 500 »

-40,53 *** 24,15 ***

-51,40 *** 33,28 ***

-10,87 *** +9,13 ***

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Effectifs : 14 876. Estimations issues du tableau 3.18, spécification n°8 (modèle multiniveaux) et du tableau 3.17, spécification n°6 (modèle de régression mixte). *** : coefficient (ou différence de coefficients) significatif au seuil de 0,1%. ** : coefficient (ou différence de coefficients) significatif au seuil de 1%. * : coefficient (ou différence de coefficients) significatif au seuil de 5%.

On peut donc s’interroger légitimement sur l’intérêt de recourir à une modélisation multiniveaux. Pour ce faire, nous pouvons comparer les résultats présentés supra au tableau 3.17, effectuée avec une procédure d’estimation linéaire mixte, et ceux présentés au tableau 3.18 (spécification n°8 qui est similaire à celle du tableau 3.17). Le plus souvent, d’une régression à l’autre, les coefficients estimés sont très proches (différence de un ou deux euros), et ces petites différences tiennent certainement au fait que dans le modèle multiniveaux nous avons postulé que les effets étaient aléatoires et qu’il y avait de l’hétérogénéité de la variance. Seul le coefficient associé à la modalité « Revenus 1 900-1 000 » varie sensiblement selon la méthode (24,15 versus 19,72), mais sans que cela ne change les conclusions relatives à l’impact de cette modalité sur le niveau de CEEE. La méthodologie multiniveaux, parce qu’elle tient compte des corrélations intra-groupe, permet de corriger les écarts-types du biais de non-indépendance des observations, cela donne donc plus de crédit au recours aux seuils de significativité pour sélectionner les effets les plus robustes. A cet égard, on observe que les facteurs explicatifs dont les coefficients étaient peu significatifs (au seuil de 5%) avec la méthode de régression linéaire mixte, ne le sont plus avec la méthode multiniveaux, ce qui permet de trancher en faveur de l’absence d’effet. C’est le cas des deux termes d’interactions « Barème * Propositions 100-300 » et « Barème * Deux enfants ». Les auditeurs minorent donc les CEEE des enfants de fratrie de deux par rapport à elles des enfants uniques d’une ampleur comparable qu’il s’agisse d’auditeurs ayant accès au barème ou d’auditeurs n’ayant pas accès. Et l’absence de différence significative entre la CEEE pour les enfants dont les parents ont pour propositions « 100-300 » et celle pour ceux dont les parents ont pour propositions « 140-200 » s’observe tout autant que les auditeurs aient ou non la possibilité de recourir au barème.

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Après avoir étudié l’impact du recours potentiel à la table de référence sur le niveau des contributions à l’entretien et l’éducation de l’enfant, abordons le cœur de notre problématique de recherche, à savoir l’impact de cette même table de référence sur l’hétérogénéité des décisions des auditeurs.

3.1.3. L’EFFET DE LA TABLE DE REFERENCE SUR LA VARIANCE DE CEEE

Cette question est au centre de la présente recherche car l’hypothèse selon laquelle un barème réduirait l’hétérogénéité des décisions est l’un des arguments permanents dans les débats sur l’usage des barèmes en matière de décisions judiciaires. Non qu’il faille à tout prix rendre les décisions monolithiques en les transformant en propositions produites mécaniquement, car, en droit, le juge doit garder son pouvoir d’appréciation et toutes les affaires demeurent des cas d’espèce, il n’en demeure pas moins que les débats sont traversés par des appels récurrents à plus d’équité selon le principe que toutes affaires similaires doivent être jugées de manière similaire. Pour autant, en la matière il est bien difficile, et peut-être même superfétatoire, d’avancer un objectif en termes de niveau d’homogénéité optimal. L’objectif est donc « seulement » de tendre vers plus d’homogénéité.

Dans notre cas de figure, les décisions en question sont des montants de CEEE. Le fait qu’il s’agisse de décisions quantitatives (et non pas de décisions qualitatives de type, par exemple, « reconnue coupable versus non coupable »), est une aubaine pour les statisticiens que nous sommes. En effet, la statistique a produit un nombre considérable d’indicateurs d’homogénéité adaptés aux observations quantitatives, pour reprendre le vocabulaire de statistique, d’indicateurs de dispersion. Pour autant, nous nous en tiendrons dans la suite de cette sous-partie principalement qu’à un seul : la variance, qui est sans doute l’indicateur de dispersion le plus commun. Il s’agit très simplement de calculer les écarts entre chaque valeur individuelle observée et la moyenne de l’ensemble88, puis de faire la moyenne de ces écarts pour obtenir un indicateur unique. Si cette moyenne est faible, c’est parce que les différents écarts (du moins la plupart) sont également faibles, ce qui signifie que les observations sont proches de la moyenne d’ensemble, étant proches de cette dernière elles sont peu différentes les unes des autres, d’où une faible dispersion (ou une forte homogénéité).

Variance (x) = ∑ (𝑥− ��)2𝑛

1

𝑛 89

Recourir à cet indicateur est naturellement discutable. En particulier il s’agit d’une mesure de dispersion absolue, alors que l’on pourrait préférer une mesure relative. Prenons un très simple exemple pour illustrer ce débat. Sans barème, deux auditeurs devant traiter deux affaires décident respectivement d’octroyer 50€ et 150€, soit une moyenne de 100€ ; les écarts à la moyenne sont en valeur absolue de 50€ et en relatif égaux à 50%. Avec barème, les deux auditeurs décident respectivement d’octroyer 225€ et 75€, soit une moyenne de 150€ ; les écarts à la moyenne sont en valeur absolue de 75€ et en relatif égaux à 50%. Le barème est-il neutre parce que dans les deux cas « avec barème » et « sans

88

Dans le cas de la variance, ces écarts sont élevés au carré pour supprimer l’effet de compensation entre écarts positifs et écarts négatifs. Ce faisant, la variance accentue l’idée d’hétérogénéité, puisque les plus forts écarts (élevés au carré) ont plus de poids dans la moyenne que les faibles écarts. 89

Cette formule correspond à la variance dite biaisée, pour l’indicateur non biaisé, le numérateur est égal à n-1, cette distinction est sans importance en ce qui nous concerne compte tenu de la grande taille de nos échantillons.

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barème » les écarts relatifs sont égaux à 50%, ou accroît-il l’hétérogénéité parce que l’écart passe de 50€ sans barème à 75€ avec barème ?90 Dans cet exemple, la variance « sans barème » est égale à 2 500 et la variance « avec barème » est égale à 5 625, soit une augmentation correspondant bien à l’approche absolue. L’indicateur de dispersion qui pourrait être utilisé pour une approche relative est le coefficient de variation, il se calcule en rapportant la racine carrée de la variance (dénommé écart-type) à la moyenne91. Dans notre exemple, le coefficient de variation est dans les deux cas « sans barème » et « avec barème » égal à 0,5, ce qui correspond bien à la neutralité du barème selon une approche relative. Les deux approches sont défendables, et il y a peu d’arguments pour choisir l’une plus que l’autre. Nous avons fait le choix de retenir principalement la variance, car il nous semblait (peut-être à tort) que dans les discussions sur les iniquités dans les décisions de justice quantitatives, les différences étaient plus souvent exprimées en euros qu’en pourcentages. Mais parce que nous ne sommes pas totalement convaincus par cet argument, sans aller jusqu’à mener systématiquement les deux approches, nous ferons de temps à autre, pour certaines les analyses plus déterminantes, un parallèle entre les deux approches (variance et coefficient de variation).

Après ce préambule méthodologique, venons-en à nos analyses. Cette sous-partie sera organisée comme la précédente en deux sections, l’une (A) rassemblant quelques indicateurs descriptifs, la seconde (B) étant consacrée à nos analyses économétriques.

A. Approche descriptive

Cette section A est organisée en six paragraphes. Le premier paragraphe (1) présente une vue générale des données collectées, du point de vue de la dispersion, à l’aide d’un graphique. Le deuxième paragraphe (2) propose des analyses de différences de variance : la variance augmente-elle ou diminue-elle significativement lorsque l’on offre aux auditeurs l’opportunité de recourir à la table de référence ? Le paragraphe 3 pose la question de savoir si les variances sont fortement influencées par quelques observations extrêmes. Le paragraphe 4 étudie les variations de variance entre les deux sous-groupes d’auditeurs. Le paragraphe 6 propose des éléments pour apprécier le lien entre les variances des décisions et les caractéristiques des auditeurs. Enfin, le dernier paragraphe revient sur la question des décisions prises hors des propositions des parties et de leur impact sur les variances.

1. Présentation graphique

Comme dans la section précédente, nous présentons les variances relatives aux 48 cas types selon les deux sous-groupes sur un graphique (graphique 3.H) permettant visuellement d’identifier le fait que la variance « avec barème » est plus (au-delà de la bissectrice), ou moins (en-dessous de la bissectrice), élevée que la variance « sans barème ».

90

Exemple inverse : sans barème, deux auditeurs décident d’octroyer respectivement 50€ et 150€, soit une moyenne de 100€ ; les écarts à la moyenne sont de 50€ et 50%. Avec barème, deux auditeurs décident d’octroyer respectivement 200€ et 100€, soit une moyenne de 150€ ; les écarts à la moyenne sont de 50€ et 33%. Le barème est-il neutre parce que dans les deux cas « avec barème » et « sans barème » l’écart absolu est de 50€, ou diminue-t-il l’hétérogénéité parce que l’écart relatif passe de 50% à 33% ?

91 Coefficient de variation (x) =

√∑ (𝑥𝑗− ��)2𝑗=𝑛

𝑗=1

𝑛

∑ 𝑥𝑗𝑗=𝑛𝑗=1

𝑛

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On observe que, contrairement à ce qui était plutôt attendu, la variance ne diminue pas systématiquement pour tous les cas types, même si les situations de baisse sont majoritaires (35 sur 48). On observe également que deux cas types (n°6 et n°7, losanges rouges sur le graphique) sont relativement atypiques par comparaison avec les autres cas types du fait de variances « avec barème » très élevées (de l’ordre de 3 000, alors que la moyenne de ces 48 variances « avec barème » est égale à 839).

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017.

Pour illustrer nos propos méthodologiques préliminaires, un second graphique (n°3.I) propose une représentation des coefficients de variation. Même si les rapports relatifs entre indicateur « avec barème » et indicateur « sans barème » sont modifiés92, l’allure du nuage est assez similaire à celui présenté au graphique 3.H, et l’ordre de grandeur du nombre de cas types situés au-dessus ou en-dessous de la bissectrice est le même93.

92

Par exemple pour les deux points atypiques en haut du graphique 3.H, le rapport « avec / sans » des variances de l’ordre de 3 (3 000 / 1 000), alors qu’en graphique 3.I le même rapport appliqué aux coefficients de variation est de l’ordre de 1,5 (0,3 / 0,2). 93

Du point de vue du signe de la différence entre « avec barème » et « sans barème », on n’observe que trois inversions lorsque l’on passe de l’approche absolue (variance) à l’approche relative (coefficient de variation) : la variance « avec barème » du cas type n°26 est légèrement supérieure à la variance « sans barème » (496 versus 488), alors que c’est l’inverse qui est calculé avec les coefficient de variation (0,15 versus 0,14), et les cas types n°36 et n°37 sont concernés par des inversions de signe dans l’autre sens, respectivement les variances sont égales à 863 versus 778 et 896 versus 815, et les coefficients de variations sont égaux respectivement à 0,229 versus 0,231 et 0,26 versus 0,27.

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

0 500 1000 1500 2000 2500

Var

ian

ces

po

ur

le s

ou

s-gr

ou

pe

"ave

cbar

ème"

Variances pour le sous-groupe "sans barème"

Graphique 3.H : variances des 48 cas-types

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Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017.

Ces graphiques montrent finalement que, comme pour les montants moyens de CEEE étudiés en section 3.1.2., nous sommes donc confrontés à une assez grande diversité des situations qu’il nous faut donc étudier plus en détail.

2. Tests de différences de variances « avec versus sans »

Est-ce que la variance « avec barème » est statistiquement différente de la variance « sans barème » ? Globalement, c’est-à-dire pour l’ensemble des décisions relatives aux 48 cas types, la réponse est affirmative : la variance globale « avec barème » est significativement (au seuil de 0,1%) supérieure à la variance « sans barème » (2 498 versus 2 272, soit une différence de 10%). Un tel résultat pourrait surprendre au regard de l’hypothèse centrale selon laquelle un barème devrait réduire la variance des décisions. Mais cet indicateur global est trompeur puisqu’il mélange différents cas types qui par construction sont hétérogènes. Le fait que la variance globale augmente ne signifie pas nécessairement que les décisions sont moins homogènes lorsque les auditeurs ont eu la possibilité de recourir à la table de référence, cela peut signifier que c’est la variance entre les cas types qui s’est accrue (chacun se détachant plus spécifiquement des autres), mais que la variance au sein de chaque cas type a pu se réduire (comme le graphique précédent le montrait pour 35 d’entre eux), or la variance totale est la somme de ces deux types de variance (inter et intra)94. C’est en effet le cas, comme l’illustre le tableau 3.20 suivant : au

94

Dans le cas du sous-groupe « sans barème », constitué de 150 auditeurs, la variance intra-groupes est égale à

∑∑ (𝐶𝐸𝐸𝐸𝑗− 𝐶𝐸𝐸𝐸𝑘

)2𝑗=150

𝑗=1

150𝑘=48𝑘=1

48 et la variance inter-groupes est égale à

∑ (𝐶𝐸𝐸𝐸 𝑘− 𝐶𝐸𝐸𝐸 )2𝑘=48𝑘=1

48, avec j le nombre d’auditeurs,

k le nombre de cas types, et l’expression « CEEE » avec barre supérieure signifiant « moyenne ».

0,05

0,10

0,15

0,20

0,25

0,30

0,35

0,10 0,15 0,20 0,25 0,30 0,35 0,40 0,45Co

effi

cie

nts

de

var

iati

on

po

ur

le s

ou

s-gr

ou

pe

"av

ec

bar

èm

e"

Coefficients de variation pour le sous-groupe "sans barème"

Graphique 3.I : coefficients de variation des 48 cas-types

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sein de chacun des cas types la variance a en moyenne diminué (la variance intra baisse), mais elle a plus augmenté, en moyenne, entre les cas types (la variance inter augmente), ce qui explique que la variance totale ait augmenté. Donc, de ce point de vue, on peut considérer que l’hypothèse centrale de réduction de l’hétérogénéité entre affaires comparables du fait du barème est confirmée.

Tableau 3. 20 : variances totales, intra-cas types et inter-cas type Sans barème Avec barème Différence

Variance totale Variance inter-cas types Variance intra-cas types

2 272 1 224 1 048

2 498 1 681 817

+226 +457 -231

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017.

Etudions donc plutôt la significativité statistique des différences de variances cas type par cas type. Le tableau 3.21 rassemble les deux fois 48 variances observées lors de l’expérimentation. Par son jeu de couleur, il nous indique les différences « avec – sans barème » statistiquement significatives au seuil de 10%.

On s’aperçoit alors que les cas types où une baisse de variance est observée sont de loin les plus nombreux (30 cas types, contre 10 différences positives, et 8 cas types où la différence n’est pas statistiquement avérée). Ce résultat est donc plus conforme avec l’hypothèse relative à l’impact des barèmes. Cela étant souligné, il n’en demeure pas moins que nous sommes confrontés à un nombre non négligeable de situations où la variance « avec barème » est supérieure à la variance « sans barème », ce qui ne peut que nous interpeller et nous inciter à poursuivre l’analyse.

Le tableau 3.21 nous laisse en effet penser que les critères constitutifs des cas types peuvent être à l’origine de ces différences de signe de différences. En effet, par exemple, on constate que pour tous les cas types traitant de situations avec le couple de revenus « 1 100-2 500 », la variance diminue (significativement ou non significativement dans deux cas). On peut donc penser que face à cette situation peu commune où la mère créancière gagne nettement plus que le père, le barème a joué un rôle de régulateur en apportant une information objective pour traiter ce type de cas particulier. De manière moins nette, on constate que les augmentations de variance se situent plutôt en haut du tableau pour les affaires avec un couple de revenus « 1 900-1 000 » et des couples de propositions où le père refuse de payer la pension alimentaire ou ne revendique pas un montant d’offre explicitement. De tels constats nous mènent donc à étudier les différences de variances selon les différents critères constitutifs des cas types.

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Tableau 3.21 : valeurs des variances de montants de CEEE fixés pour les 48 cas types

1 enfant âgé de 5 ans 2 enfants âgés de 6 et 10 ans

Revenus Propositions DVH

« classique » DVH

« réduit » DVH

« classique » DVH

« réduit »

Père : 100 Mère : 300

2 459 1 256

2 302 1 812

1 888 1 196

2 400 1 391

Père : 1900 Père : 0 Mère : 150

571 1 190

1 227 3 122

488 496

521 1 652

Mère : 1000 Père : non explicitée Mère : 150

416 1 056

1 072 2 945

425 493

444 1 619

Père : 140 Mère : 200

599 694

610 1 498

673 509

535 733

Père : 100 Mère : 300

910 314

1 775 911

508 302

896 815

Père : 1100 Père : 0 Mère : 150e

1 534 462

1 841 752

1 151 579

1 321 623

Mère : 2500 Père : non explicitée Mère : 150

1 652 496

1 556 664

1 168 542

1 338 561

Père : 140 Mère : 200

787 413

965 405

863 778

847 574

Père : 100 Mère : 300

1 367 1 064

2 296 1 406

1 225 411

1 888 689

Père : 1600 Père : 0 Mère : 150

729 439

699 1 062

889 321

666 476

Mère : 1500 Père : non explicitée Mère : 150

568 304

569 967

784 308

529 453

Père : 140 Mère : 200

573 302

698 638

601 177

790 380

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Guide de lecture : la première ligne de la cellule indique la variance pour le sous-groupe « sans barème », la seconde ligne indique la variance pour le sous-groupe « avec barème ». Les cases vertes identifient une différence « avec – sans » positive (hausse) significative statistiquement (au seuil de 10%), les cases roses identifient au contraire les baisses significatives statistiquement (au seuil de 10%), les cases blanches indiquent une différence non significative statistiquement au seuil de 10%.

Cette analyse (cf. tableau 3.22) confirme notre intuition concernant les couples de revenus, puisque l’on observe une différence de variance négative significative pour les décisions traitant des cas types avec un couple de revenu « 1 100-2 500 » et, par opposition, on observe une différence positive pour les cas types avec un couple de revenu « 1 900-1 100 ». Mais la différence également négative significativement pour le troisième couple de revenus rend notre interprétation précédente, exprimée en termes d’hétérogénéité due au traitement de situations peu communes, moins convaincante.

Concernant les autres critères, on observe des différences positives significatives ou des différences négatives non significatives. Il convient cependant de rester prudent dans l’interprétation de ces résultats car, comme pour la variance globale, en traitant des variances par critères, on mélange des situations différentes (relatives aux autres critères) sources d’une hétérogénéité légitime. Notons enfin que l’analyse en termes de coefficient de variation (non reproduite ici) ne change pas fondamentalement le signe des différences ; on observe en effet un seul changement de signe : le coefficient de variation relatif au critère de couple de revenus « 1 900-1 100 » est plus faible pour le sous-groupe « avec

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barème » que pour le sous-groupe « sans barème », alors que l’inverse est observé en ce qui concerne les variances.

Tableau 3.22 : valeurs des variances de montant de CEEE fixés selon les onze modalités des quatre critères définissant les cas types

Variance « sans »

Variance « avec »

Significativité de la différence

1 enfant 2 enfants

2 460 2 720 ** * 1 996 2 157

DVH « classique » DVH « réduit »

2 396 2 816 *** 1 996 1 914

Revenu du père 1 900 et Revenu de la mère 1 100 Revenu du père 1 100 et Revenu de la mère 2 500 Revenu du père 1 600 et Revenu de la mère 1 500

1 829 1 999 * *** ***

1 575 920

1 277 936

Proposition père 100 ; proposition mère 300 Proposition père 0 ; proposition mère 150 Proposition père non explicitée ; proposition mère 150 Proposition père 140 ; proposition mère 200

3 625 3 510 *** *** ***

1 628 2 207

1 459 2 059

1 204 1 546 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Guide de lecture : les cases vertes identifient une différence « avec – sans » positive (hausse) significative statistiquement (au seuil de 10%), les cases roses identifient au contraire les baisses significatives statistiquement (au seuil de 10%), les cases blanches indiquent une différence non significative statistiquement au seuil de 10%. *** : différence significative au seuil de 0,1% ; ** : différence significative au seuil de 1% ; * : différence significative au seuil de 5%.

3. Est-ce que les variances dépendent d’auditeurs « outliers » ?

Avant d’aller plus avant dans l’analyse, il convient de vérifier si ces indicateurs de dispersion ne sont pas fortement déterminés par des valeurs influentes (« outliers »). Par valeurs influentes nous entendons des décisions très différentes des décisions les plus nombreuses. Il est en effet utile de se poser la question de l’éventuelle existence de décisions influentes, car ces dernières peuvent constituer une explication en soi d’un niveau de variance élevé. Il ne s’agit pas in fine d’exclure ces valeurs influentes du calcul des variances, comme on le ferait plus communément dans le calcul d’une moyenne, puisque justement, un barème peut avoir pour fonction d’éviter ce type de décisions excessives qui assurément sont sources d’iniquité, mais il s’agirait plutôt d’en tenir compte dans nos prochaines analyses.

En nous inspirant du mode astucieux de calcul des statistiques d’influence (de type BELSEY, KUH et WELSH, 1980) utilisées pour identifier les observations qui contribuent le plus à la qualité globale d’ajustement d’un modèle de régression et à la valeur de chaque coefficient de régression, nous avons imaginé des outils permettant de repérer les auditeurs qui contribuent le plus à la dispersion des montants de CEEE, cela d’abord cas type par cas type puis en moyenne pour tous les cas type : pour chacun des 48 cas types (dédoublés en 96 puisque soumis aux deux sous-groupes d’auditeurs), nous avons calculé ce que vaudrait la variance des montants de CEEE si on la calculait sur tous les auditeurs sauf un (donc 160 calculs de variances pour chacun des 48 cas types soumis aux auditeurs sans barème, soit 7 680 calculs de variances, et de même pour les 150 auditeurs n’ayant pas eu accès à la table de référence, soir 7 200 autres variances).

Puis nous avons comparé chacune de ces variances – notées V(-i, cas type) – à V(cas type), la variance calculée sur tous les auditeurs concernés (auditeur i inclus cette fois), ce

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qui nous a fourni, pour chaque cas type-auditeur la valeur de l’indicateur de contribution relative à la dispersion (soit 48 cas types * 310 auditeurs = 5 580 valeurs). Nous avons alors calculé, pour chaque auditeur, la moyenne de ses contributions relatives à la dispersion des 48 cas types, ce qui, après classement de ces moyennes par valeurs décroissantes, nous a permis de voir que très rares étaient les auditeurs qui se distinguaient nettement des autres auditeurs par des contributions particulièrement fortes à la dispersion du fait de leur choix de montants de CEEE spécialement forts ou faibles.

Pour chacun des 150 auditeurs « avec barème », seul un auditeur se distingue nettement des autres par sa contribution à la dispersion sur 48 cas types95. Et encore, cette auditrice ne s’est pas systématiquement distinguée des autres auditeurs, seulement dans 19 cas types sur 48.

Enfin, au-delà de ce seul cas, nous avons cherché à savoir si certaines caractéristiques (observées) d’auditeurs étaient significativement associées au niveau de la contribution à la variance. Comme l’indique le tableau 3.23 ci-dessous, un seul coefficient de régression apparait significatif, le fait d’aimer le risque et encore, il n’est que faiblement significatif. La contribution à l’hétérogénéité des décisions ne semble donc pas être liée aux caractéristiques individuelles (observées) des auditeurs.

Tableau 3.23 : impact estimé des caractéristiques des auditeurs « avec barème » sur leur niveau de contribution individuelle à la variance

Coefficient et seuil de significativité

Constante 71,7 ***

Femme 5,3

Plus de 30 ans 3,4

Vit en couple 1,3

A un ou des enfants(s) 1,6

A suivi uniquement un cursus de droit 2,8

A déjà traité une affaire de divorce -0,3

Echelle de risque -6,3 *

Echelle d’altruisme 2,7

Echelle d’inégalité -3,9 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Effectifs : 150. R

2 = 10%.

*** : coefficient significatif au seuil de 0,1% ; * : coefficient significatif au seuil de 5%.

En conclusion, notre analyse nous convainc quant au fait que les valeurs des variances calculées ne sont pas déterminées par des décisions influentes d’individus prenant leurs décisions de manière très particulière. Aussi, il ne s’avère pas nécessaire de tenir compte de cet aspect dans la suite de nos analyses.

4. Etude de différences de changements de variance « avec versus sans »

Outre le signe de la différence de variance selon le critère définissant les cas types, ces différences sont-elles d’ampleur différentes critère par critère ? Dit autrement, le barème

95

Les caractéristiques de cette auditrice qui se singularise sont les suivantes : il s’agit d’une femme de 25 ans, ne vivant pas en couple, sans enfant, ayant uniquement fait un cursus juridique, n’ayant pas exercé de profession avant d’entrer à l’ENM, ayant été amenée à traiter des affaires de divorce, à mi-chemin entre prudence et prise de risque et autant portée à aider les autres qu’à prendre soin de ses propres intérêts, mais estimant qu’il est extrêmement important de réduire les inégalités (score 10/10).

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produit-il un impact différencié selon les critères des affaires traitées ? Comme le montre le tableau 3.24 ci-dessous, la contribution à la différence de variance est nettement plus prononcée (en gras dans la dernière colonne du tableau) pour les critères suivants : DVH « classique », couple de revenus « 1 100-2 500 », couples de propositions « montant non explicité-150 » et « 0-150 ».

Tableau 3.22 : ampleur des différences de variance selon les onze modalités des critères constitutifs des cas types

Variances « sans »

Variance « avec »

Différences « avec – sans »

1 enfant 2 enfants

2 460 2 720 +260

1 996 2 157 +161

DVH « classique » DVH « réduit »

2 396 2 816 +420

1 996 1 914 -82

Revenu du père 1 900 et Revenu de la mère 1 100 Revenu du père 1 100 et Revenu de la mère 2 500 Revenu du père 1 600 et Revenu de la mère 1 500

1 829 1 999 +170

1 575 920 -655

1 277 936 -341

Proposition père 100 ; proposition mère 300 Proposition père 0 ; proposition mère 150 Proposition père non explicitée ; proposition mère 150 Proposition père 140 ; proposition mère 200

3 625 3 510 -115

1 628 2 207 +579

1 459 2 059 +600

1 204 1 546 +342 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Guide de lecture : les cases vertes identifient une différence « avec – sans » positive (hausse) significative statistiquement (au seuil de 10%), les cases roses identifient au contraire les baisses significatives statistiquement (au seuil de 10%), les cases blanches indiquent une différence non significative statistiquement au seuil de 10%.

L’analyse des différences par critères ayant l’inconvénient de mélanger, comme pour l’étude de la variance totale, des cas types aux caractéristiques différentes (sauf celle qui est étudiée), et donc de mélanger la variance intra-cas type à la variance inter-cas types, on pourrait préférer étudier les combinaisons de critères, donc les cas types eux-mêmes, mais l’approche descriptive est peu adaptée dans ce cas de figure, car elle devient fastidieuse. Pour autant, pour illustrer la différence d’ampleur des différences de variance selon le cas type, nous proposons les graphiques 3.J et 3.K ci-dessous.

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Les bâtons en bleu foncé identifient les différences non significatives statistiquement au seuil de 10%. Guide de lecture : pour le cas type n°1, la variance des montants de CEEE fixés par les auditeurs du sous-groupe « avec barème » est inférieure de 1 200 à celle des montants de CEEE fixés par les auditeurs du sous-groupe « sans barème ».

-1500

-1000

-500

0

500

1000

1500

2000

1 45111410291521134139382535 9 344216 5 434448121718401920334628363747242627 4 322223 2 3 8 3031 7 6

Graphique 3.J : les différences de variance "avec - sans barème" des 48 cas-types

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Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Guide de lecture : pour le cas type n°10, le coefficient de variation des montants de CEEE fixés par les auditeurs du sous-groupe « avec barème » est inférieur de 0,19 à celui des montants de CEEE fixés par les auditeurs du sous-groupe « sans barème ».

Le graphique 3.J montre que lorsque l’hypothèse d’une réduction de la variance du fait de l’usage du barème est confirmée, certes les réductions sont différentes d’un cas type à l’autre (et l’analyse économétrique permettra peut-être d’identifier des facteurs explicatifs de ces différences de différences), mais on n’observe pas de cas types très particuliers. En revanche, lorsque la différence de variance est positive, on observe deux cas types assez particuliers par l’ampleur de la différence qui leur est associée (plus de 1 500). Il s’agit des cas types n°7 et n°6, ils ont pour particularité d’avoir une variance « avec barème » très élevée au regard de celles des autres cas types (environ 3 000, contre 812 en moyenne). Du point de vue de leurs critères, il s’agit d’affaires avec un enfant avec DVH « réduit », dont le couple de revenus est « 1900-1 000 » et dont le couple de propositions est soit « 0-150 », soit « offre non explicitée-150 » et, du fait de la combinaison des couples de revenus et de proposition, le montant de CEEE suggéré par la table de référence est supérieur à la demande. En comparaison avec l’analyse précédente qui soulignait les différences de variance les plus importantes selon les critères, les critères de ces deux cas types ne sont pas totalement en adéquation : seuls les couples de propositions sont communs aux deux analyses. Cette remarque doit donc nous inciter à être méfiant quant à l’analyse présentée au tableau 3.24.

A titre de comparaison, nous avons reproduit le même type de graphique (3.K) en utilisant le coefficient de variation et non plus la variance. L’ordre des cas types est partiellement modifié, mais on peut constater que si l’on s’intéresse en priorité aux différences les plus fortes (en positif comme en négatif), on trouve une assez forte intersection. Prenons, pour illustrer cela, le quartile 1 (Q1) et le quartile 4 (Q4), donc les 6 cas types aux deux extrêmes des deux graphiques. En termes de variance, Q1 comprend les cas types 1, 45, 11, 14, 10 et 29 et, dans Q1 en termes de coefficient de variation, on retrouve les cas types 11, 14 et 10. Quant à Q4, il est constitué des mêmes cas types, qu’il s’agisse de l’approche en termes de variance que de celle menée en termes de coefficient de variation : 6, 7, 31, 30, 8 et 3. Concernant Q4, les cas types ont tous en commun, à l’exception d’un seul, de concerner des couples de proposition « 0-150 » ou « offre non explicitée-150 » et un couple de revenus « 1900-1 000 », on peut donc penser que la source principale d’accroissement de l’hétérogénéité est liée à la combinaison de ces deux critères. Quant aux trois cas types communs aux deux Q1 (10, 11 et 14), ils ont à nouveau en

-0,20

-0,15

-0,10

-0,05

0,00

0,05

0,10

1011143915384535 9 4234414344 1 29161318211912482546332040 5 471728242627 4 3637322223 2 8 3 30 6 7 31

Graphique 3. K : les différences de coefficient de variation "avec - sans barème" des 48 cas-types

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commun les couples de propositions « 0-150 » ou « offre non explicitée-150 », mais cette fois-ci associés au couple de revenus « 1 100-2 500 »96.

5. Les différences de variance varient-elles selon les caractéristiques des auditeurs ?

Pour aborder cette question, analysons les résultats présentés au tableau 3.25.

Les auditeurs hommes se caractérisent par des décisions plus hétérogènes que leurs homologues féminins, puisque la variance « sans barème » et la variance « avec barème » des décisions des hommes sont significativement supérieures à celles des femmes. Cette plus forte hétérogénéité dans les décisions masculines se traduit par une différence de variance positive plus prononcée pour les hommes.

Les auditeurs les plus jeunes sont un peu plus hétérogènes dans leurs décisions que les auditeurs les plus âgés, mais cette différence ne s’observe que pour le sous-groupe des auditeurs ayant eu accès à la table de référence et encore, cette différence n’est que modérément significative. Cela se traduit, pour les plus âgés, par une légère différence de variance « avec – sans » négative, et, au contraire pour les plus jeune, une assez forte différence positive.

On n’observe pas de différence significative des variances selon que les auditeurs vivent ou non en couple, mais les variances des auditeurs ne vivant pas en couple étant supérieures, on observe une différence positive de variance « avec – sans » un peu supérieure pour ces derniers. Il en est de même, d’une part, pour l’opposition entre auditeurs ayant un ou des enfant(s) et ceux sans enfant97 et, d’autre part, pour l’opposition entre auditeurs ayant exercé un métier avant leur entrée à l’ENM et ceux qui n’en ont pas exercé.

Avoir suivi un autre cursus de formation que la faculté de droit est associé à une plus grande hétérogénéité des décisions, significative uniquement dans le sous-groupe « sans barème » ; dans ce cas, la différence de variance « avec – sans » est plus prononcée pour les auditeurs ayant suivi exclusivement le parcours « droit ».

On observe une configuration de résultats assez particulière en ce qui concerne l’expérience à l’égard des affaires de divorce. En l’absence d’accès à la table de référence, avoir de l’expérience en matière d’affaire de divorce réduit très significativement l’hétérogénéité, mais avec l’opportunité d’accéder à la table de référence c’est l’inverse qui se produit : la variance est plus élevée (certes de manière non significative au seuil de 10%) pour les auditeurs ayant de l’expérience, comme si le barème perturbait des décisions plutôt homogènes lorsqu’elles sont prises par des auditeurs qui ont de l’expérience et ne recourent pas au barème. Il en résulte une opposition très marquée entre une différence « avec – sans » négative pour les auditeurs sans expérience et une forte différence positive pour les auditeurs avec expérience.

96

C’est également le cas des cas types 15, 38 et 39 qui appartiennent à Q1 en termes de coefficient de variation, mais pas à Q1 en termes de variance. 97

Les deux caractéristiques « vie en couple » et « avoir un ou des enfant(s) » ne se distinguent que par le fait que dans le cas de la caractéristique « avoir un ou des enfant(s) » la différence de variance « sans barème » est significativement différente au seuil de 1%.

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Tableau 3.25 : ampleur des différences de variance selon les principales caractéristiques des auditeurs

Variance « sans »

Variance « avec »

Différences « avec – sans »

Homme Femme

2 571*** 3 278* +707

2 159 2 260 +101

Moins de 30 ans 30 ans et plus

2 306 2 812* +506

2 175 1 902 -273

Pas en couple En couple

2 355 2 711 +356

2 183 2 280 +97

Sans enfant Avec enfant(s)

2 356** 2 621 +265

1 833 1 884 +51

N’a pas exercé de métiers avant l’entrée à l’ENM A exercé un métier avant d’entrer à l’ENM

2 328 2 964 +636

2 155 2 366 +211

Avec autre cursus de formation Avec cursus « droit » uniquement

2 467*** 2 593 +126

2 165 2 453 +288

N’a jamais traité des affaires de divorce A déjà traité des affaires de divorce

2 589*** 2 289 -300

1 953 2 743 +790

Averse au risque (échelons de 1 à 4) Aime le risque (échelons de 5 à 10)

2 118 2 249*** +131

2 388 2 699 +311

Pense d’abord à soi (échelons de 5 à 10) Aime aider les autres (échelons de 1 à 4)

2 315 2 250* -65

2 548 2 465 -83

Pense que les inégalités sont justifiées (échelons de 7 à 10) Pense qu’il faut réduire les inégalités (échelons de 1 à 7)

2 490*** 2 306 -184

2167 2 627 +460 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Les cases en bleu indiquent laquelle des deux modalités est associée à la plus forte différence. Guide de lecture : la variance des montants de CEEE fixées par les hommes du sous-groupe « sans barème » est égale à 2 571 et celle des montants de CEEE fixées par les femmes du sous-groupe « sans barème » est égale à 2 159, la différence entre ces deux variances est significative au seuil de 0,1%. *** : différence de variance, entre caractéristiques individuelles (exemple : homme versus femme) significative au seuil de 0,1% ; différence de variance, entre caractéristiques individuelles, significative au seuil de 5%.

Aimer le risque est associé à plus d’hétérogénéité dans les décisions98, ce qui est plutôt cohérent : aimer le risque peut amener à prendre des décisions un peu plus originales, au risque qu’elles soient mal acceptées, voire contredites en appel. Et c’est pour le sous-groupe aimant le risque que la différence (positive) « avec – sans barème » est la plus élevée.

Etre plutôt égoïste est associé à moins d’hétérogénéité dans les décisions, mais la différence est soit non significatives (sous-groupe « sans barème »), soit faiblement significative (sous-groupe « avec barème »). Les différences de variance « avec – sans » sont d’ailleurs de très faible ampleur ; l’altruisme ne semble donc pas constituer un trait de caractère en lien avec l’hétérogénéité des décisions.

Enfin, aimer les inégalités (du moins, penser qu’elles sont le plus souvent justifiées) est associé très significativement à plus d’hétérogénéité dans les décisions en l’absence d’accès à la table de référence, mais la différence disparait lorsque l’accès à la table de référence est octroyé. Curieusement, ceux qui pensent qu’il faut réduire les inégalités sont plus hétérogènes lorsqu’on leur donne justement l’opportunité de les réduire en recourant à la

98

La différence est cependant significative uniquement pour le sous-groupe des auditeurs ayant eu accès à la table de référence. Ceux qui n’aiment pas le risque accueillent sans doute avec grand intérêt la suggestion faite par la table de référence parce qu’il s’agit alors d’une information confortant leur décision, parmi ce sous-groupe l’hétérogénéité est donc plus faible parce que la valeur suggérée est sans doute plus plébiscitée (que parmi ceux qui aiment le risque).

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table de référence que lorsqu’ils n’ont pas cette opportunité, comme si le barème perturbait leur sens naturel de l’équité.

Au total, on peut remarquer que les niveaux d’hétérogénéité ne sont jamais très significativement différents d’une caractéristique à son contraire, à l’exception de l’aversion au risque (seule comparaison significative au seuil de 1%), lors des décisions prises avec possibilité d’accès à la table de référence, alors que cela est moins vrai pour les décisions prises « sans barème » (dans une comparaison sur deux, la différence est significative au seuil de 1%). On peut donc voir dans l’impact du barème un effet de nivellement des différences liées aux caractéristiques individuelles.

6. Est-ce que les changements de variance dépendent du fait que le barème est intérieur ou extérieur à l’intervalle propositions ?

Nous revenons sur la question de l’éventuel lien entre le montant de CEEE fixé par les auditeurs et le fait que la valeur suggérée par la table de référence soit dans ou hors de l’intervalle des propositions. Nous avions avancé l’idée dans la section précédence, à propos du niveau des CEEE, que ce fait avait un effet incitatif à la hausse lorsque la suggestion est supérieure à la demande, et à la baisse lorsque la suggestion est inférieure à l’offre. Qu’en est-il du point de vue de la dispersion des décisions ?

On peut penser que lorsque la valeur suggérée est dans l’intervalle des propositions, la décision se fixera très probablement au sein de cet intervalle (donc dans une plage de valeur contrainte par deux bornes). Au contraire, lorsque la valeur suggérée par la table de référence est hors de l’intervalle des propositions, on peut penser que cette information indicative sera de nature à inciter l’auditeur à se libérer de la « contrainte » de la règle de procédure ultra/infra petita, au moins pour certains d’entre eux. Dans ce cas, la plage de valeurs possibles n’est plus vraiment bornée, ce qui ouvre la porte à une plus grande dispersion. Par ailleurs, certains auditeurs peuvent « profiter » de cette opportunité de sortir de l’intervalle des propositions, alors que d’autres pourront au contraire demeurés fidèles à la règle de procédure ultra/infra petita, la coexistence de ces deux types de comportements (peut-être dépendants de l’expérience ou de l’aversion au risque) est alors également source d’hétérogénéité. L’hypothèse est donc que, pour le sous-groupe des auditeurs ayant l’opportunité de recourir à la table de référence, la variance devrait être plus faible lorsque la proposition de la table de référence se situe dans l’intervalle des propositions que lorsqu’elle se situe hors de cet intervalle. Et de ce fait, il devrait être plus probable que la variance « avec barème » soit supérieure à la variance « sans barème » lorsque la suggestion de la table de référence est hors de l’intervalle des propositions que lorsque cette suggestion est située dans l’intervalle. Le tableau 3.26 et le graphique 3.L nous permettent de tester cette hypothèse selon une approche descriptive.

Il s’agit uniquement de tester la « corrélation » entre les couleurs des cellules (rose et vert) et les couleurs du surlignage (jaune et bleu) des valeurs suggérées par la table de référence. Le résultat est mixte.

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Tableau 3.26 : valeurs des variances de montants de CEEE fixés pour les 48 cas types mises au regard de la valeur suggérée par la table de référence

1 enfant âgé de 5 ans 2 enfants âgés de 6 et 10 ans

Revenus Propositions DVH

« classique » DVH

« réduit » DVH

« classique » DVH

« réduit »

Père : 100 Mère : 300

2 459 1 256 192

2 302 1 812 257

1 888 1 196 164

2 400 1 391 221

Père : 1900

Père : 0 Mère : 150

571 1 190 192

1 227 3 122 257

488 496 164

521 1 652 221

Mère : 1000 Père : non explicitée Mère : 150

416 1 056 192

1 072 2 945 257

425 493 164

444 1 619 221

Père : 140 Mère : 200

599 694 192

610 1 498 257

673 509 164

535 733 221

Père : 100 Mère : 300

910 314 84

1 775 911 113

508 302 72

896 815 97

Père : 1100

Père : 0 Mère : 150

1 534 462 84

1 841 752 113

1 151 579 72

1 321 623 97

Mère : 2500 Père : non explicitée Mère : 150

1 652 496 84

1 556 664 113

1 168 542 72

1 338 561 97

Père : 140 Mère : 200

787 413 84

965 405 113

863 778 72

847 574 97

Père : 100 Mère : 300

1 367 1 064 152

2 296 1 406 203

1 225 411 129

1 888 689 174

Père : 1600

Père : 0 Mère : 150

729 439 152

699 1 062 203

889 321 129

666 476 174

Mère : 1500 Père : non explicitée Mère : 150

568 304 152

569 967 203

784 308 129

529 453 174

Père : 140 Mère : 200

573 302 152

698 638 203

601 177 129

790 380 174

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Guide de lecture : la première ligne de la cellule indique la variance pour le sous-groupe « sans barème », la seconde ligne indique la variance pour le sous-groupe « avec barème ». Les cases vertes identifient une différence « avec – sans » positive (hausse) significative statistiquement (au seuil de 10%), les cases roses identifient au contraire les baisses significatives statistiquement (au seuil de 10%), les cases blanches indiquent une différence non significative statistiquement au seuil de 10%. Les chiffres surlignés en jaune indiquent des montants de CEEE suggérés par le barème supérieurs à la demande de la mère, les chiffres surlignés en bleu indiquent des montants suggérés par le barème inférieurs à l’offre du père (lorsqu’elle est exprimée).

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S’agissant des valeurs de la table de référence supérieures à la demande de la mère (surlignées en jaune), elles sont plutôt bien corrélées avec les cellules en vert qui repèrent les augmentations significatives de variance :

- toutes les cellules vertes (10) ont un montant surligné en jaune (toutes les augmentations significatives de variance sont associées à une valeur de barème supérieure à la demande) ;

- bien que certains (2) montants surlignés en jaune se situent dans des cellules roses (dans deux cas le fait que la suggestion soit supérieure à la demande est associé à une baisse significative de la variance), on ne peut pas vraiment retenir ce constat au détriment de l’hypothèse dans la mesure où dans ces deux cas le montant suggéré par le barème est quasi-égal à la demande (152 euros suggérés, contre 150 euros demandés), ce qui pourrait les faire considérer comme des situations où la valeur suggérée est dans l’intervalle des propositions ;

- les autres cas (6) de montants surlignés en jaune concernent des différences de variance non significatives, donc sur lesquelles il est difficile de se prononcer99.

Ces constatations vont donc plutôt dans le sens de la confirmation de l’hypothèse.

S’agissant des valeurs de la table de référence inférieures à l’offre du père (surlignées en bleu), elles sont totalement déconnectées des cellules vertes qui repèrent les différences significativement positives de variance :

- la plupart (six sur huit) des montants surlignés en bleu sont associés à des cellules roses qui identifient des baisses significatives de variance ;

- les autres cas (2) de montants surlignés en bleu concernent des différences de variance non significatives, donc sur lesquelles il est difficile de se prononcer100.

Ces constatations vont donc plutôt dans le sens de l’infirmation de l’hypothèse.

S’agissant enfin des situations où la valeur suggérée par la table de référence appartient à l’intervalle des propositions (non surlignées), l’hypothèse est qu’il est peu probable qu’elles soient associées à des augmentations de variance101. C’est effectivement le cas puisque :

- la plupart (21 sur 23) des montants non surlignés se situent dans des cellules roses, c’est-à-dire que l’on observe le plus souvent une différence de variance négative lorsque la table de référence suggère une valeur située dans l’intervalle des propositions (sans doute par effet de concentration sur cette valeur) ;

- les deux autres cas de montants non surlignés concernent des différences de variance non significatives, donc sur lesquelles il est difficile de se prononcer102.

Ces constatations vont donc plutôt dans le sens de la confirmation de l’hypothèse.

99

On notera cependant que parmi ces six cas, trois cas montrent une différence de variance positive et les trois autres cas une différence de variance négative. 100

Dans les deux cas il s’agit de différences de variances négatives. Dans un cas, il serait légitime de considérer que la valeur suggérée est dans l’intervalle des propositions, car la valeur suggérée est à peine inférieure à l’offre (97 versus 100). 101

Mais l’hypothèse ne dit rien quant à la probabilité d’observer une différence de variances plutôt négative que nulle. 102

Dans un cas il s’agit d’une différence de variance positive et dans l’autre cas négative.

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Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Légende :

: variance « avec barème » : différence de variances significative au seuil de 10% ; barème > demande

: variance « sans barème » : différence de variances non significative au seuil de 10% ; barème > demande

: différence de variances significative au seuil de 10% ; barème > offre et < demande : différence de variances significative au seuil de 10% ; barème < offre

: différence de variances non significative au seuil de 10% ; barème > offre et < demande : différence de variances non significative au seuil de 10% ; barème < offre

-1500

-1000

-500

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

1 45 11 14 10 29 15 21 13 41 39 38 25 35 9 34 42 16 5 43 44 48 12 17 18 40 19 20 33 46 28 36 37 47 24 26 27 4 32 22 23 2 3 8 30 31 7 6

Graphique 3.L : variances "sans barème" et "avec barème" classées par ordre croissant de différence de variance avec indication de la significativité de la différence et de la position du barème au regard des propositions

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S’agissant enfin des situations où la valeur suggérée par la table de référence appartient à l’intervalle des propositions (non surlignées), l’hypothèse est qu’il est peu probable qu’elles soient associées à des augmentations de variance103. C’est effectivement le cas puisque :

- la plupart (21 sur 23) des montants non surlignés se situent dans des cellules roses, c’est-à-dire que l’on observe le plus souvent une différence de variance négative lorsque la table de référence suggère une valeur située dans l’intervalle des propositions (sans doute par effet de concentration sur cette valeur) ;

- les deux autres cas de montants non surlignés concernent des différences de variance non significatives, donc sur lesquelles il est difficile de se prononcer104.

Ces constatations vont donc plutôt dans le sens de la confirmation de l’hypothèse.

Au total, notre hypothèse est validée pour la plupart des cas types, sauf pour ceux pour lesquels le montant suggéré par le barème est inférieur à l’offre. L’hypothèse d’un effet d’incitation à l’hétérogénéité attaché à la valeur du montant suggéré par le barème comparativement aux valeurs des propositions ne vaudrait que pour la demande (valeur suggérée supérieure à la demande). Une explication possible est le fait que dans l’autre cas (valeur suggérée inférieure à l’offre), la plage des possibilités de fixation est contrainte avec zéro comme valeur minimale (alors qu’avec une valeur suggérée supérieure à la demande, la plage des possibilités de fixation n’est pas contrainte à la hausse).

En guise de conclusion de ce paragraphe A consacré à l’analyse descriptive de la variance des décisions collectées expérimentalement, nous pouvons résumer quelques traits saillants de nos résultats : l’impact du recours possible à la table de référence est, dans un nombre important de cas types, un effet d’homogénéisation des décisions (moindres variances), mais cet effet n’est pas systématique, quelques cas types étant associés au contraire à une différence de variance « avec – sans barème » positive. L’analyse descriptive a permis d’identifier quelques observations pouvant contribuer à l’explication de ces cas particuliers : ils sont très souvent associés à une conjonction de couples de propositions (« 0-150 » et « offre non explicitée-150 ») et d’un couple de revenus (1 900-1 000 »), avec comme conséquence une situation particulière au regard des valeurs suggérées par la table de référence. En effet, dans une telle configuration la valeur suggérée par la table de référence est supérieure à la demande, car cette dernière est modeste (150) alors que les revenus du débiteur sont assez élevés (1 900). En revanche, l’analyse descriptive a montré ses limites pour tenter d’identifier les critères de cas types les plus sujets à un impact lié au recours au barème (parce que l’analyse en termes de critères est brouillée par un mélange de variance inter-cas types et de variance intra-cas types). Enfin, d’une part, l’analyse a montré que les variances n’étaient pas affectées par la présence d’éventuels auditeurs très particuliers dans leurs décisions et, d’autre part, que le plus souvent les analyses en termes de coefficient de variation (dispersion relative) défèrent peu de celles menées en termes de variance (dispersion absolue).

Enfin, il nous semble également intéressant de souligner une certaine concordance avec certains résultats descriptifs mis en valeur à la section 3.1.2. portant sur les niveaux de CEEE. Si l’on compare le graphique 3.F (niveau, par cas type, des différences de moyennes

103

Mais l’hypothèse ne dit rien quant à la probabilité d’observer une différence de variances plutôt négative que nulle. 104

Dans un cas il s’agit d’une différence de variance positive et dans l’autre cas négative.

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« avec – sans barème ») avec le graphique 3.J (niveau, par cas type, des différences de variances « avec – sans barème ») et si l’on effectue un focus sur deux des questions qui ont retenu toute notre attention, à savoir « qu’est-ce qui peut expliquer des différences de moyennes très élevées ? » et « qu’est-ce qui peut expliquer des différences de variances positives », on ne peut qu’être frappé par la concordance. En effet, les cas types constituant le quatrième quartile des différences de moyennes (les cas types montrant des augmentations de moyennes les plus importantes) et ceux constituant le quatrième quartile des différences de variances (les cas types montrant des augmentations de variances les plus importantes) sont dans deux cas sur trois les mêmes cas types. Ce constat est de nature, d’une part, à porter une attention particulière aux caractéristiques de ces cas types et, d’autre part, à croiser l’analyse des variances avec l’analyse des moyennes.

B. Approche économétrique

Dans ce paragraphe, nous cherchons à mieux identifier l’impact du recours à la table de référence sur la variance des décisions de CEEE selon les différents cas types, plus exactement selon les critères constitutifs de ces cas types. Dans la section 3.1.2. précédente, consacrée à l’analyse de l’impact du barème sur le niveau des montants de CEEE, les estimations économétriques reposaient sur l’échantillon constitué des milliers de décisions collectées lors de l’expérimentation ; ici, comme la variance est une valeur agrégée, les régressions sont effectuées sur un petit échantillon de 96 variances (une par cas type et par sous-groupe d’auditeur), du moins dans un premier temps.

Aussi, ce paragraphe sera construit en quatre sous-paragraphes. Dans un premier temps (1) nous étudions l’impact du recours à la table de référence sur les variances en cherchant à identifier des effets différenciés par critères. Dans un second temps (2), nous étudions le lien entre les critères constitutifs des cas types et les différences de variance « avec versus sans accès au barème ». Le sous-paragraphe suivant (3) est constitué par un focus analytique portant sur une question qui tout au long de nos analyses nous a préoccupé : l’incidence de la règle de procédure ultra/infra petita. Enfin, au dernier sous-paragraphe (4), comme nous l’avions annoncé dans la section 3.1.2., nous revenons à l’analyse économétrique des milliers de décisions à l’aide de modèles multiniveaux et ce, en mobilisant de manière originale une opportunité offerte par cette méthodologie pour étudier les variances résiduelles.

1. L’étude de l’impact spécifique du barème sur la variance

Les régressions économétriques présentées au tableau 3.27 ci-dessous reposent, comme nous venons de le préciser, sur les 96 variances des 96 cas types105 ; ces régressions sont effectuées selon une estimation par les moindres carrés ordinaires (MCO). Dans la mesure où l’on se situe au niveau des cas types, il n’est pas possible de contrôler les caractéristiques individuelles des auditeurs membres des deux sous-groupes, mais l’on sait que, grâce à la pondération, les distributions des caractéristiques des deux sous-groupes sont identiques, du moins les distributions des caractéristiques qui sont observées. Nous faisons donc l’hypothèse selon laquelle les caractéristiques non observées sont très voisines

105

Ces 96 variances ont pour moyenne la valeur 946 ; la moyenne des 48 variances « sans barème » est égale à 1 054 (elles varient de 416 à 2 459) ; la moyenne des 48 variances « avec barème » est égale à 839 (elles varient de 177 à 3 122). La moyenne des 48 différences de variances moyennes est égale à -216 (les différences moyennes varient de -1 203 à +1 896).

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d’un sous-groupe à l’autre ou corrélées avec les observées ou encore de faible impact sur les montants de CEEE fixés.

La spécification n°1 nous informe que lorsque l’on tient compte uniquement de la possibilité de recourir à la table de référence, on observe un effet négatif (substantiel : -241 à mettre en regard avec les 1 054 points de variance « sans barème ») et significatif associé à cette possibilité de recours. L’hypothèse générale selon laquelle un barème produit de l’homogénéisation serait donc confirmée. Ce résultat n’est pas contradictoire avec le premier résultat descriptif que nous avions présenté, à savoir que la variance globale est supérieure dans les décisions du sous-groupe « avec barème ». En effet, ici nous travaillons sur chacune des variances par cas type (donc des variances intra-cas types), ce qui signifie que la variance inter-cas types n’est pas prise en compte. Ce signe négatif associé au barème est donc la traduction économétrique du fait que la variance intra-cas types baisse, en moyenne, lorsque les auditeurs ont la possibilité de recourir à la table de référence (un résultat descriptif que nous avions également mentionné en début de section 3.1.3.

Tableau 3.27 : estimations de la variance des 96 cas types en fonction de leurs critères (1) (2) (3) (4)

Variable dépendante Variance CV

Constante 1054*** 531*** 586*** 0,139***

Avec barème Sans barème

-241* Réf.

-216* Réf.

-327 Réf.

-0,039*** Réf.

DVH « réduit » DVH « classique »

/ 354*** Réf.

206# Réf.

0,006 Réf.

Fratrie de deux enfants Fratrie de un enfant

/ -272** Réf.

-206# Réf.

-0,005 Réf.

Propositions « offre non explicite – 150 » Propositions « 0 – 150 » Propositions « 100 – 300 » Propositions « 140 – 200 »

/

220 298* 660*** Réf.

165 258 948*** Réf.

0,065*** 0,078*** 0,060*** Réf.

Revenus « 1 100 – 2 500 » Revenus « 1 900 – 1 000 » Revenus « 1 600 – 1 500 »

/ 126 438*** Réf.

265# 110 Réf.

0,103*** 0,008 Réf.

Barème * DVH « réduit » Barème * Fratrie de deux enfants Barème * Propositions « non-explicitée – 150 » Barème * Propositions « 0 – 150 » Barème * Propositions « 100 – 300 » Barème * Revenus « 1 100 – 2 500 » Barème * Revenus « 1 900 – 1 000 »

/ /

295# -132 110 81 -576* -278 656**

/

R2 ajusté 0,02 0,36 0,52 0,58

Effectifs 96 96 96 96 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. CV : coefficient de variation. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1% ; ** : coefficient significatif au seuil de 1% ; * : coefficient significatif au seuil de 5%. # : coefficient significatif au seuil de 10%.

La deuxième spécification ajoute les critères des cas types. Elle montre que ces critères jouent significativement sur les variances. Toutes choses égales d’ailleurs, les décisions sont plus hétérogènes (dispersées) lorsqu’il s’agit de traiter un cas type avec DVH « réduit » plutôt qu’un cas type avec DVH « classique », ce qui peut signifier que les auditeurs sont moins d’accord entre eux quant à l’appréciation du fait que l’enfant soit moins hébergé chez

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le père, alors que l’appréciation de l’impact du temps d’hébergement (sur le coût de l’enfant) serait plus consensuelle dans la situation standard et plus fréquente du « un week-end sur deux et la moitié des vacances »106. Cela étant dit, les CEEE étant en moyenne plus élevées en cas de DVH « réduit » qu’en cas de DVH « classique », il se peut que la différence de variance soit due en partie à cela, puisque la variance n’est pas indépendante de la moyenne. C’est ce que montre la spécification n°4 qui régresse le coefficient de variation et non plus la variance. Selon une approche en termes de dispersion relative, on n’observe plus de lien significatif entre le coefficient de variation et le type de DVH.

Les décisions sont également plus hétérogènes lorsqu’il s’agit de cas types relatifs à un enfant unique plutôt qu’une fratrie de deux enfants, mais là encore si l’on tient compte, en recourant au coefficient de variation, du fait qu’en moyenne les montants de CEEE sont plus élevés pour les enfants uniques que pour les fratries de deux enfants, la différence perd sa significativité.

Comparativement à des propositions assez standards et assez consensuelles de type « 140-200 », la variance est plus élevée dans les autres configurations de propositions, toutes chose égales d’ailleurs. Mais la différence n’est clairement significative que pour les cas types traitant des couples de propositions « 100-300 ». Le fait que les parents fassent des propositions très peu consensuelles serait donc un facteur significatif d’hétérogénéité. Là encore l’analyse en termes de coefficient de variation (spécification n°4) est instructive car elle montre que selon une approche relative, tous les coefficients sont fortement significatifs : relativement aux montants moyens, la dispersion des décisions serait plus forte lorsque les couples de propositions ne sont pas consensuels (écart important entre l’offre et la demande ; père refusant de payer une pension alimentaire ; père n’exprimant pas clairement son offre).

Enfin, comparativement à de situations où les deux parents gagnent grosso modo le même revenu, la variance des décisions serait significativement plus élevée lorsque les parents ont des revenus fort différents, du moins lorsque que c’est le père qui gagne nettement plus (dans le cas inverse, la différence est curieusement non significative). L’approche en termes de dispersion relative confirme les signes des coefficients, mais inverse les significativités : c’est lorsque la mère gagne très nettement plus que le père que l’hétérogénéité relative est très significativement supérieure à celle observée pour un couple aux revenus quasi-identiques (alors que la différence n’est pas significative pour un couple où le père gagne nettement plus que la mère). Cette inversion tient au fait que les niveaux de CEEE sont corrélés aux revenus du débiteur (le père), la moyenne, qui est au dénominateur dans le calcul du coefficient de variation, est élevée dans la configuration « 1 900-1 000 » (d’où un coefficient de variation bas comparativement à la configuration « 1 600-1 500 »), alors qu’elle est faible dans la configuration « 1 100-2 500 » (d’où un coefficient de variation élevé comparativement à la configuration « 1 600-1 500 »).

La spécification n°3 aborde la question des impacts spécifiques du barème selon les critères de construction des cas types. Pour mener l’analyse, précisons que pour les modalités de référence, l’impact du barème ceteris paribus correspond au coefficient associé à la variable « barème ». Pour les autres modalités, il convient de faire la somme des

106

Pourtant, dans le protocole expérimental, ces deux DVH étaient exprimés avec la même précision : « un week-end sur deux et la moitié des vacances » dans un cas, « un week-end pas mois et deux semaines de vacances scolaires sur l’année », dans le second cas.

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coefficients associés au barème et à l’interaction. Et si l’on veut déterminer si le coefficient associé à la modalité de référence (celui associé au barème) est significativement différent de la somme évoquée supra (pour les autres modalités), il convient de se reporter à la significativité du terme d’interaction. Le tableau 3.28 résume cette information issue du précédent tableau pour ce qui concerne la variance et à laquelle nous avons ajouté l’information similaire dans le cas du coefficient de variation.

L’impact de l’éventuel recours à la table de référence sur la variance des décisions comme sur le coefficient de variation des décisions est rarement différent d’un critère à l’autre, toutes choses (les autres critères) égales d’ailleurs. C’est seulement au seuil de 10% que l’on peut dire que le recours potentiel au barème produit une baisse de la variance plus forte en cas de DVH « classique » qu’en cas de DVH « réduit », mais la hiérarchie est inversée si l’on raisonne en termes de dispersion relative (coefficient de variation). L’effet du recours potentiel au barème sur la variance ou sur le coefficient de variation est négatif quelle que soit la taille de la fratrie, mais les deux effets négatifs (pour un enfant ou pour deux enfants) ne se distinguent pas statistiquement.

Tableau 3.28 : effet du barème sur la dispersion des décisions selon les critères de cas types

Variance CV

DVH « réduit » avec barème versus sans barème DVH « classique » avec barème versus sans barème (Réf.)

-32# -327

-0,077# -0,044

Deux enfants avec barème versus sans barème Un enfant avec barème versus sans barème (Réf.)

-459 -327

-0,051 -0,044

Propositions « non explicite – 150 » avec barème versus sans barème Propositions « 0 – 150 » avec barème versus sans barème Propositions « 100 – 300 » avec barème versus sans barème Propositions « 140 – 200 » avec barème versus sans barème (Réf.)

-217 -246 -903* -327

-0,053 -0,065 -0,079 -0,044

Revenus « 1 100 – 2 500 » avec barème versus sans barème Revenus « 1 900 – 1 000 » avec barème versus sans barème Revenus « 1 600 – 1 500 » avec barème versus sans barème (Réf.)

-605 329** -327

-0,083# 0,020** -0,044

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. CV : coefficient de variation. ** : différence par rapport à la référence significative au seuil de 1% ; * : différence significative au seuil de 5%. # : différence significative au seuil de 10%. Guide de lecture : lorsque les auditeurs qui ont accès au barème traitent les affaires avec DVH « réduit », leurs décisions sont moins dispersées (-32) que lorsque que ce sont les auditeurs qui n’ont pas accès au barème qui traitent les mêmes affaires. La différence de variance est significative au seuil de 10%. Lorsque les auditeurs qui ont accès au barème traitent les affaires avec DVH « classique », leurs décisions sont moins dispersées (-327) que lorsque que ce sont les auditeurs qui n’ont pas accès au barème qui traitent les mêmes affaires. Mais cette différence de variance n’est pas significativement différente de zéro au seuil de 10%.

Concernant les propositions des parties, on observe que la différence d’effet (par rapport à la situation de référence « 140-200 ») du recours potentiel au barème sur la variance n’est significative que pour le couple de propositions « 100-300 ». Dans le cas donc de propositions très éloignées, l’éventuel recours au barème réduit significativement plus la dispersion qu’il ne le fait pour des propositions proches107. Mais cette différence ne s’observe pas en termes de dispersion relative.

107

Des calculs complémentaires nous permettent de dire que la différence (d’effet du barème sur la variance) est également statistiquement différente (au seuil de 1%) entre ce couple de propositions « 100-300 » et respectivement les deux autres couples de propositions « 0-150 » et « offre non explicitée-150 », mais les différences ne sont pas significatives en termes de coefficient de variation. En revanche il n’y aurait pas de différence significative entre ces deux derniers

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Enfin, lorsque les revenus du couple parental sont très inégaux et en faveur du père (il perçoit un revenu assez élevé), le recours éventuel à la table de référence entraine un accroissement de la variance qui, comparativement à l’effet négatif observé pour des couples ayant des revenus moyens équivalents, est très significativement différent de la réduction de la variance observée pour ces couples aux revenus proches108. Le même type d’effet est observé en étudiant le coefficient de variation. On note également qu’en termes de coefficient de variation, la dispersion est plus réduite, du fait de l’éventuel recours à la table de référence, lorsque le couple a des ressources inégales au profit de la mère que lorsque le couple à des revenus moyens équivalents (mais la différence n’est significative qu’au seuil de 10%).

Ces résultats confirment donc certains de nos propos énoncés lors de l’analyse descriptive, à savoir que les critères de revenus et de propositions constituent des facteurs assez déterminants pour expliquer le niveau de l’effet du recours éventuel à la table de référence sur l’hétérogénéité des décisions. Poursuivons désormais l’analyse de cette même question mais selon une approche un peu différente, à savoir en n’étudiant pas les variances en elles-mêmes, mais les différences de variances entre le sous-groupe « sans barème » et le sous-groupe « avec barème ».

2. L’étude de l’impact des caractéristiques d’affaires sur la différence de variance « avec – sans barème »

Pour mener cette analyse, notre variable dépendante est dans un premier temps, cas type par cas type, la différence de variance selon le sous-groupe d’auditeurs. Notre échantillon est donc constitué de 48 observations. Les résultats de ce type de régressions sont rassemblés au tableau 3.29.

La spécification n°1 nous apporte des informations similaires à celles obtenues précédemment (tableau 3.27) lors de l’estimation des effets croisés sur la variance des décisions : si l’on s’en tient aux liens significatifs au seuil de 10%, on observe que, ceteris paribus, la différence de variance serait, d’une part, plus élevée (ou moins négative) en cas de DVH « réduit » plutôt qu’en cas de DVH « classique » et, d’autre part, en situation de revenus parentaux inégalitaires au profit du père (« 1 900-1 000 ») plutôt qu’en situation de revenus proches (« 1 600-1 500 »). A l’inverse, la différence de variance serait plus faible (ou plus négative) en cas de propositions très divergentes (« 100-300 ») plutôt qu’en cas de propositions plus consensuelles (« 140-200 »).

Comme nous l’avons déjà souligné, notamment à propos du recours au coefficient de variation, nous savons que la variance dépendant de la moyenne la différence de variance doit également en dépendre. D’où la spécification n°2 qui introduit la différence de moyenne, cas type par cas type, comme variable explicative. De même, il est raisonnable de penser que la différence de variance dépende du niveau de variance « sans barème » ; en effet, si, par exemple, la variance est très réduite dans le sous-groupe qui ne recourt pas à la table de référence et si cette dernière produit l’effet attendu de concentration, l’effet observé en valeur absolue ne pourra qu’être faible (puisque portant sur une variance « sans

couples de propositions en termes de variance (-217 n’est pas différent statistiquement de -246) ni en termes de coefficient de variation (-0,053 n’est pas différent statistiquement de -0,065). 108

Nos calculs complémentaires montrent que la différence est également significative entre le couple de revenus « 1 100-2 500 » et le couple de revenus « 1 900-1 000 » : -605 est différent de +329 au seuil de 0,1%. Cette significativité de différence est également observée en termes de coefficient de variation (-0,083 est statistiquement différent de +0,020).

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barème » faible). C’est pourquoi, nous introduisons dans la spécification n°3 la variance « sans barème ». Ces deux raisonnements sont confirmés par la significativité des deux variables ajoutées : premièrement, différence de variance et différence de moyenne vont de pair (puisque le signe du coefficient est positif) et, deuxièmement, plus la variance « avant barème » est élevée, plus la différence de variance est négative (la baisse de variance est plus forte).

Tableau 3.29 : estimation de la différence de variance des 48 cas types en fonction de leurs critères (1) (2) (3) (4) (5)

Variable dépendante : Différence de variance Variance « avec »

Différence de CV

Constante -327 -349# 84 84 -0,044*

DVH « réduit » DVH « classique »

295# Réf.

-128 Réf.

231 Réf.

231 Réf.

0,033* Réf.

Fratrie de deux enfants Fratrie de un enfant

-132 Réf.

24 Réf.

-201 Réf.

-201 Réf.

-0,007 Réf.

Propositions « non explicite–150 » Propositions « 0 – 150 » Propositions « 100 – 300 » Propositions « 140 – 200 »

110 81 -576** Réf.

-287 -526* -347# Réf.

29 -38 220 Réf.

29 -38 220 Réf.

-0,009 -0,021 -0,035# Réf.

Revenus « 1 100 – 2 500 » Revenus « 1 900 – 1 000 » Revenus « 1 600 – 1 500 »

-278 656** Réf.

535* Réf. -26

320 393# Réf.

320 393# Réf.

-0,039* 0,064*** Réf.

Moyenne de CEEE « avec barème »

– moyenne de CEEE « sans barème » / 75*** 37* 37* /

Variance de CEEE « sans barème » / / -0,72*** 0,28# /

R2 ajusté 0,41 0,59 0,74 0,63 0,45

Effectifs 48 48 48 48 48 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. CV : coefficient de variation. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1% ; ** : coefficient significatif au seuil de 1% ; * : coefficient significatif au seuil de 5%. # : coefficient significatif au seuil de 10%.

Cette spécification n°3 explique les trois quarts de la variance des 48 différences (R2 = 0,74), et les deux facteurs ajoutés sont déterminants (ils expliquent 80% de cette variance expliquée). Ils peuvent s’interpréter ainsi : ceteris paribus, pour chaque point de variance « sans barème » supplémentaire, la différence de variance est réduite de 0,72 point (ou dit autrement, la variance « avec » s’accroît de 0,28 point) et, si la moyenne des CEEE fixées par le sous-groupe « avec barème » surpasse d’un euro supplémentaire la moyenne des CEEE fixées par l’autre sous-groupe, la différence de variances va s’élargir de 37 points. Une fois pris en compte ces deux facteurs, on constate alors que les critères constitutifs des cas types perdent de leur significativité. Par conséquent, si on penche en faveur d’un modèle économe en variables explicatives, il faudrait s’en tenir à une régression ne retenant que ces deux facteurs synthétiques : la différence de moyennes et la variance « sans barème ». Mais si l’on cherche à souligner le rôle des critères constitutifs des cas types, alors il faut supprimer au contraire ces deux variables et ne retenir que les critères (spécification n°1), car la non-significativité des coefficients de ces derniers dans la spécification n°3 tient en grande partie au fait que les moyennes (et donc leur différence) et la variance « sans barème » sont elles-mêmes déterminées par ces critères.

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Pour autant, cette spécification n°3 n’est pas économétriquement pleinement satisfaisante, car l’équation estimée est en partie fallacieuse dans la mesure où la variance « sans barème » apparait à la fois dans le membre droit et dans le membre gauche de l’équation (dans la différence). C’est pourquoi nous avons opté pour une spécification équivalente109 qui estime la variance « avec barème » (cf. tableau 3.29, spécification n°4) ; les coefficients estimés sont identiques puisqu’il s’agit formellement de la même équation réarrangée, et l’on retrouve bien l’interprétation évoquée ci-dessus : pour un point de variance « sans barème » supplémentaire, la variance « avec barème » s’accroit de 0,28 point. Mais comme notre objectif est de tenter d’identifier des effets spécifiques des critères constitutifs des cas types, il convient de s’en tenir à la spécification n°1. Elle a l’inconvénient de ne pas tenir compte de la différence de moyennes, c’est pourquoi alternativement il peut être intéressant d’étudier la variation des coefficients de variation, qui eux tiennent compte des valeurs moyennes.

A cet égard, la spécification n°5 qui régresse le coefficient de variation confirme assez largement les résultats soulignés à la spécification n°1 : un effet (sur la différence de coefficient de variation) positif et faiblement significatif du DVH « réduit » comparativement au DVH « classique », l’absence de différence significative selon la taille de la fratrie, un effet négatif associé au couple de propositions divergentes « 100-300 » qui devient très faiblement significatif (comme dans la spécification n°2 qui tenait compte des moyennes) comparativement à la spécification n°1 et surtout, un renforcement de la significativité de l’effet positif associé au couple de revenus inégaux « 1 900-1 000 ».

Nonobstant ces résultats plutôt convergents, nous souhaitons poursuivre nos investigations pour revenir sur une interrogation que nous avons déjà abordée, mais que nous voudrions approfondir à propos de l’éventuel impact du positionnement de la valeur suggérée par la table de référence au regard du couple de propositions.

3. La règle de procédure ultra/infra petita et son incidence sur la variance des décisions

Dans nos données expérimentales, le choix fait par les auditeurs de fixer des montants de CEEE hors des propositions des parties est fréquent, sans être majoritaire, et il l’est encore plus lorsque le barème suggère un montant hors de l’intervalle des propositions (cf. tableau 3.10 supra). Il en résulte des montants moyens et des variances différents selon le positionnement de la suggestion du barème par rapport aux propositions des parties, comme le rappelle le tableau 3.30.

Lorsque les auditeurs ont la possibilité de recourir à la table de référence, ils fixent en moyenne des montants de CEEE plus faibles lorsque la table de référence suggère une valeur inférieure à l’offre et des montants en moyenne plus élevés lorsque le barème suggère une valeur supérieure à la demande. Ce faisant, dans les deux cas la variance de leurs décisions est significativement plus faible que celle observée pour les cas types où le barème suggère

109

Il s’agit bien de la même équation. Dans la spécification n°3, nous estimons une équation de type : (Variance « avec » - Variance « sans ») = b0 + b1*Variance « sans » + b2*W + ε, et dans la spécification n°4 nous estimons la même équation réarrangée : Variance « avec » = b0 + (1 + b1)*Variance « sans » + b2*W + ε. Dans la spécification n°3 le coefficient b1 est estimé à -0,72 et dans la spécification n°4 le coefficient estimé est égal à 0,28 ; soit en effet (1 + b1) = 1 - 0,72 = 0,28. On évite ainsi d’expliquer une partie de la différence par cette même partie, ce qui permet d’avoir une mesure de la qualité de la régression (R

2) correcte : le R

2 diminue en effet de 11 points ; ces 11 points correspondent au caractère fallacieux de la

spécification n°3.

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une valeur inclue dans l’intervalle des propositions. Pour autant, on observe la même chose pour le sous-groupe des auditeurs qui n’ont pas eu accès à la table de référence. De ce fait, on peut douter du lien de causalité entre niveau de fixation de la CEEE et positionnement de la valeur du barème comparativement aux propositions des parties. Il est tout à fait probable que les critères des cas types en question jouent tout autant puisque, lorsque la valeur suggérée par barème est inférieure à l’offre, c’est principalement parce que l’offre est élevée au regard d’un revenu faible du père. De même, lorsque la valeur suggérée par le barème est supérieure à la demande, c’est principalement parce que la demande est faible au regard d’un revenu élevé du père. Cela milite donc en faveur d’un traitement simultané de ces deux dimensions (positionnement du barème et critères définissant les cas types).

Tableau 3.30 : moyennes et variances selon le sous-groupe et selon la position de la valeur suggérée par le barème par rapport à l’offre et la demande des parties

Sans barème Avec barème

Significativité « avec – sans »

Moyenne Variance Moyenne Variance Moyenne Variance

(1) Barème < offre 127,4 1 096 120,5 757 *** ***

(2) Barème dans intervalle 147,3 3 214 147,9 2 958 NS NS

(3) Barème > demande 156,2 893 173,1 1 601 *** ***

Significativité (1)-(2) *** *** *** ***

Significativité (1)-(3) *** *** *** ***

Significativité (3)-(2) *** *** *** *** Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. CV : coefficient de variation. *** : différence significative au seuil de 0,1% ; NS : différence non-significative au seuil de 10%.

Ceci étant posé, il demeure très intéressant d’observer que lorsque le barème suggère une valeur dans l’intervalle des propositions, les deux sous-groupes d’auditeurs ne se distinguent ni en moyenne ni en variance, alors qu’ils se distinguent significativement dans les deux autres situations : avec recours possible à la table de référence, le montant moyen et la variance sont significativement plus faibles (que sans possibilité de recours au barème) pour les cas types où la valeur suggérée par le barème est inférieure à l’offre. Et, inversement, le montant moyen et la variance sont plus élevés (toujours en comparaison avec le sous-groupe « sans barème ») pour les cas types où la valeur suggérée par le barème est supérieure à la demande. Il y a donc un renforcement des différences attribuable au recours possible à la table de référence.

Avant de tenter d’identifier économétriquement ces différents effets, posons-nous cependant la question de savoir si ces comportements de dérogation à la règle de procédure ultra/infra petita sont liés à certaines caractéristiques des auditeurs.

Nous nous s’intéresserons donc ici exclusivement aux cas types pour lesquels le barème peut inciter à sortir des propositions des parties (dans les autres cas, les décisions hors des propositions sont extrêmement marginales, cf. tableau 3.10 supra), en traitant d’abord des cas types où le montant suggéré par le barème est supérieur à la demande, puis aux cas types où le montant suggéré par le barème inférieur à l’offre. L’analyse sera menée selon trois approches complémentaires. D’abord nous étudions la probabilité de sortir de l’intervalle des propositions, à l’aide d’une régression à variable dépendante binaire de type Logit, ensuite nous étudierons l’ampleur absolue puis relative du dépassement (différence entre le montant fixé et respectivement la demande et l’offre), à l’aide de régressions par les moindres carrés ordinaires.

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Si certes nos analyses mettent en lumière des corrélations significatives entre certaines caractéristiques individuelles des auditeurs et le comportement de « sortie » de l’intervalle des propositions, il faut cependant souligner qu’aucune des douze régressions présentées aux tableaux suivants ne présentent de qualité globale d’estimation élevées (les R2 varient de 1% à 5%), ce qui signifie que les caractéristiques individuelles des auditeurs expliquent très mal ce comportement. Il ne convient donc pas d’attacher une importance excessive aux relations significatives que ces analyses produisent.

Concernant le comportement de fixation d’une CEEE supérieure à la demande, on observe, pour le sous-groupe des auditeurs ayant eu la possibilité d’accéder au barème (tableau 3.31), un effet négatif de l’âge : les auditeurs les plus âgés respecteraient donc plus la règle de procédure consistant à devoir rester dans l’intervalle des propositions et, conséquemment, l’écart, relatif ou absolu, entre le montant fixé et la demande serait d’autant plus faible (voire négatif) que l’âge croît. On observe également un effet négatif significatif associé aux auditeurs ayant déjà eu l’expérience de traiter des affaires de divorce, sans doute parce qu’à cette occasion la règle de procédure leur a été rappelée. A l’inverse, les auditeurs qui ont une faible aversion pour le risque « transgresseraient » plus facilement cette règle de procédure (que ceux qui craignent le risque), d’où des écarts, relatifs ou absolus, entre montant de CEEE fixé et demande, ceteris paribus, plus élevés. Avoir par le passé déjà exercé un métier avant d’entrer à l’ENM est associé à une probabilité de « dépasser » la demande plus élevée comparativement à celle relative aux auditeurs sans expérience professionnelle, sans que cela entraîne pour autant des écarts « CEEE – demande » significativement différents ; on peut donc penser que dans ces cas, si dépassement il y a, il est plutôt modéré.

Tableau 3.31 : fixer une CEEE supérieure à la demande lorsque le barème le suggère, selon les caractéristiques individuelles des auditeurs ayant accès au barème

Variable dépendante : Probabilité de fixer

une CEEE > demande CEEE –

demande (CEEE – demande)

/ demande

Constante Age Femme Vit en couple A un ou des enfant(s) Cursus « Droit » seulement A exercé un métier avant ENM A déjà traité une affaire de divorce Aime le risque Est plutôt altruiste Trouve les inégalités assez justifiées

0,71*** -0,07*** 0,31 0,07 -0,14 -0,18 0,61*** -0,37*** 0,55*** -0,20 0,14

37,31*** -0,87*** 1,83 -0,95 3,30 0,22 4,30 -3,95* 8,04*** -5,13** 2,33

0,240*** -0,006*** 0,013 -0,007 0,021 0,001 0,028 -0,026* 0,052*** -0,034** 0,016

Pseudo-R2 ou R2 ajusté 0,04 0,02 0,02

Effectifs 2 100 2 100 2 100 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Champ : décisions sur des cas types où le barème suggère une valeur supérieure à la demande, sous-groupe ayant la possibilité de recourir à la table de référence. Proportion observée d’auditeurs fixant une CEEE > à la demande : 29%. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1% ; ** : coefficient significatif au seuil de 1% ; * : coefficient significatif au seuil de 5%.

On retrouve certaines de ces relations lorsque l’on observe le comportement de « sortie par le haut de l’intervalle des propositions » des auditeurs qui n’ont pas eu accès à la

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table de référence (et donc que ce n’est pas la table de référence qui incite à une telle décision) : l’effet négatif lié à l’âge et l’effet positif associé au caractère plus ou moins risquophobe des auditeurs (tableau 3.31-bis).

Tableau 3.31-bis : fixer une CEEE supérieure à la demande, selon les caractéristiques individuelles des auditeurs n’ayant pas accès au barème

Variable dépendante : Probabilité de fixer

une CEEE > demande CEEE –

demande (CEEE – demande)

/ demande

Constante Age Femme Vit en couple A un ou des enfant(s) Cursus « Droit » seulement A exercé un métier avant ENM A déjà traité une affaire de divorce Aime le risque Est plutôt altruiste Trouve les inégalités assez justifiées

-5,24*** 0,09*** -0,33* -0,85*** -0,93** -0,65*** -0,23 0,28 0,51*** 0,24 1,20***

-22,94*** 0,67*** -1,52 -3,25** -8,53*** 0,02 -2,38 0,17 3,86*** 2,35* 5,66***

-0,151*** 0,004*** -0,009 -0,021** -0,057*** 0,000 -0,015 0,002 0,025*** 0,015* 0,037***

Pseudo-R2 ou R2 ajusté 0,05 0,03 0,03

Effectifs 2 238 2 238 2 238 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Champ : décisions sur des cas types où le barème suggère une valeur supérieure à la demande, sous-groupe n’ayant pas la possibilité de recourir à la table de référence. Proportion observée d’auditeurs fixant une CEEE > à la demande : 9%. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1% ; ** : coefficient significatif au seuil de 1% ; * : coefficient significatif au seuil de 5%.

Mais le comportement de ce sous-groupe « sans barème » se caractérise aussi par des particularités en lien avec l’expérience familiale : vivre en couple ou avoir des enfants inciterait à moins s’écarter (en probabilité comme en écart) de l’intervalle des propositions. De même, avoir suivi exclusivement un cursus de formation en droit, réduirait la probabilité de fixer une CEEE supérieure à la demande. Et, à l’inverse, les auditeurs qui trouvent, plus que les autres, que les inégalités sont justifiées (donc moins attachés à les réduire), s’écarteraient plus facilement de la règle de procédure consistant à juger dans le strict respect des propositions.

On s’aperçoit donc au total que ce ne sont pas exactement les mêmes auditeurs qui ont plus tendance à s’écarter par le haut des propositions des parties selon qu’ils ont ou non eu la possibilité de recourir à la table de référence ; peut-être faut-il y voir un effet propre du barème. Par exemple, avec cette possibilité de recourir au barème, ceux qui n’ont pas d’expérience familiale auraient été plus incités à s’écarter de la proposition de demande et ainsi ne se distingueraient pas de leurs homologues ayant une expérience familiale (d’où une différence statistiquement significative au tableau 3.31-bis et non significative au tableau 3.31).

Concernant le comportement de fixation d’une CEEE inférieure à l’offre, on observe (tableau 3.32) nettement moins de corrélations significatives. Comme précédemment, pour le sous-groupe « avec barème », ce comportement est lié positivement avec la propension à aimer le risque. Et, au contraire, trouver les inégalités plutôt justifiées serait associé négativement à la décision de fixer une CEEE inférieure à l’offre lorsque le barème l’y incite, ce qui apparait assez cohérent si l’on considère que le barème peut être perçu par les

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auditeurs moins attachés à la réduction des inégalités comme étant justement un outil de réduction des inégalités.

Tableau 3.32 : fixer une CEEE inférieure à l’offre lorsque le barème le suggère, selon les caractéristiques individuelles des auditeurs ayant accès au barème

Variable dépendante : Probabilité de fixer

une CEEE < offre Offre – CEEE

(offre – CEEE) / CEEE

Constante Age Femme Vit en couple A un ou des enfant(s) Cursus « Droit » seulement A exercé un métier avant ENM A déjà traité une affaire de divorce Aime le risque Est plutôt altruiste Trouve les inégalités assez justifiées

-0,15 -0,04 0,02 -0,20 0,22 -0,24 0,19 0,02 0,44** 0,11 -0,40**

16,26** -0,36 -1,94 -1,60 3,29 -1,97 1,42 0,22 4,67*** 2,18 -4,63***

0,191 -0,003 -0,048 -0,027 -0,017 -0,023 0,036 -0,029 0,069** 0,058* -0,039

Pseudo-R2 ou R2 ajusté 0,02 0,02 0,01

Effectifs 1 200 1 200 1 200 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Champ : décisions sur des cas types où le barème suggère une valeur inférieure à l’offre, sous-groupe ayant la possibilité de recourir à la table de référence. Proportion observée d’auditeurs fixant une CEEE <à l’offre : 22%. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1% ; ** : coefficient significatif au seuil de 1% ; * : coefficient significatif au seuil de 5%.

Tableau 3.32-bis : fixer une CEEE inférieure à, selon les caractéristiques individuelles des auditeurs n’ayant pas accès au barème

Variable dépendante : Probabilité de fixer

une CEEE < offre Offre – CEEE

(offre – CEEE) / CEEE

Constante Age Femme Vit en couple A un ou des enfant(s) Cursus « Droit » seulement A exercé un métier avant ENM A déjà traité une affaire de divorce Aime le risque Est plutôt altruiste Trouve les inégalités assez justifiées

-2,92*** 0,06* 0,21 -0,08 -1,94*** -0,74*** 0,17 -0,52** -0,02 0,11 -0,17

-6,49 0,50 0,65 0,04 -6,69* -10,32*** 0,77 -1,98 0,20 0,14 -3,05

0,054 0,005 0,000 -0,010 -0,146** -0,077** 0,069 -0,083*** 0,009 0,019 -0,081**

Pseudo-R2 ou R2 ajusté 0,05 0,03 0,03

Effectifs 1 280 1 280 1 271# Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Champ : décisions sur des cas types où le barème suggère une valeur supérieure à l’offre, sous-groupe n’ayant pas la possibilité de recourir à la table de référence. Proportion observée d’auditeurs fixant une CEEE < à l’offre : 13%. # : effectif réduit de 9 observations du fait d’une CEEE nulle, pour une offre non nulle, d’où un rapport indéfini (division par zéro). *** : coefficient significatif au seuil de 0,1% ; ** : coefficient significatif au seuil de 1% ; * : coefficient significatif au seuil de 5%.

Ces liens entre comportement de respect de la règle de procédure et caractéristiques psychologiques des auditeurs ne s’observent pas dans les décisions des auditeurs « sans barème » (tableau 3.32-bis). Les différences significatives s’observent principalement du

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point de vue des facteurs d’expérience familiale ou professionnelle : avoir un ou des enfants(s), avoir déjà traité des affaires de divorce et n’avoir suivi qu’un cursus en droit seraient associés significativement à un comportement moins fréquent (comparativement aux modalités inverses) de fixation d’une CEEE basse (plus faible que l’offre), d’où des écarts « offre – CEEE », absolus ou relatifs, significativement plus faibles.

Ce que l’on peut retenir de ces analyses est le fait qu’il existe certes quelques relations significatives entre le comportement de respect de la règle de procédure ultra/infra petita et les caractéristiques individuelles des auditeurs mais que, d’une part, ces relations expliquent très peu le comportement et que, d’autre part, elles concernent, avec des divergences, autant les auditeurs ayant eu la possibilité de recourir à la table de référence que ceux qui ne l’ont pas eue. En conséquence, pour la suite de nos analyses de ce phénomène, il n’est pas inutile de tenir compte des caractéristiques individuelles, mais sans y attacher plus d’importance que de raison, c’est-à-dire en tant que simples variables contextuelles (de contrôle).

Sur cette base, nous revenons maintenant à notre question principale, à savoir celle consistant à tenter de mesurer l’impact spécifique de la position de la valeur suggérée par la table de référence au regard du couple « offre et demande », sur le niveau et la variance des décisions de CEEE. Dans un premier temps, nous reprenons l’analyse en termes de niveau, avant d’en venir à l’analyse en termes de variance. Le tableau 3.33 propose une nouvelle approche de cette question en régressant l’ensemble des 14 876 décisions issues de l’expérimentation et ce, en prenant soin de distinguer les cas types sujets à discussion (ceux pour lesquels les propositions sont assez déconnectées du niveau de revenu du débiteur, et donc pour lesquels la valeur suggérée par le barème se situe hors des propositions) selon qu’ils sont traités par l’un ou l’autre des deux sous-groupes, tout en tenant compte des caractéristiques individuelles des auditeurs, comme nous venons de le suggérer, mais aussi des critères de cas types, ces derniers étant essentiels par construction pour la compréhension des niveaux de CEEE.

La première spécification (n°1) montre, comme nous l’avons déjà vu supra, l’effet positif du recours potentiel à la table de référence sur le montant de CEEE (+ quatre euros) et confirme les résultats descriptifs relatifs aux deux catégories de cas types particulières au regard du montant suggéré par la table de référence : indépendamment de l’effet « barème » (ou plus exactement l’effet du sous-groupe d’auditeurs), le montant fixé par les auditeurs (quel que soit le sous-groupe) est 24 euros plus bas lorsqu’il s’agit de cas types pour lesquels la barème suggère une valeur inférieure à l’offre, comparativement aux cas types pour lesquels la table de référence suggère un montant compris dans l’intervalle des propositions. A l’inverse, le montant est fixé est 17 euros plus haut lorsqu’il s’agit de cas types pour lesquels la table de référence suggère un montant supérieur à la demande (toujours comparativement aux cas types avec suggestion se situant dans l’intervalle des propositions).

Ces estimations sont-elles identiques selon les sous-groupes d’auditeurs ? C’est ce que teste la spécification n°2 en croisant les deux facteurs. Pour le sous-groupe « sans barème » (référence dans la régression), s’il s’agit de cas types où le barème suggère un montant inférieur à l’offre, le montant fixé est 20 euros plus bas que pour les cas types où le barème suggère une valeur comprise dans l’intervalle des propositions, alors qu’il est de 27 euros plus bas pour le sous-groupe qui a eu l’opportunité de se référer au barème. L’effet est donc renforcé par l’accès au barème. Pour les cas types associés à une suggestion de la table de

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référence supérieure à la demande, les auditeurs qui n’ont pas accès à la table de référence fixent un montant 9 euros plus élevé que pour les cas types où la suggestion de la table de référence se situe dans l’intervalle des propositions, alors que pour le sous-groupe « avec barème », la majoration est de 25 euros ; là encore le recours potentiel au barème renforce l’effet.

Tableau 3.33 : estimation des effets d’incitation de la table de référence à sortir des propositions des parties sur le niveau de CEEE fixée

(1) (2) (3) (4)

Constante 145,60*** 147,29*** 135,89*** 166,23***

Avec barème Barème < offre Barème > demande

4,11*** -23,52*** 16,79***

0,62 -19,85*** 8,90***

0,47 -19,85*** 8,90***

0,46 -46,66*** 33,42***

Barème * Barème < offre Barème * Barème > demande

/ -7,59*** 16,30***

-7,58*** 16,29***

-7,57*** 16,32***

Age Femme Vit en couple Avec enfant(s) Cursus « droit » seulement A exercé un métier avant ENM A déjà traité une affaire de divorce Echelle d’aversion au risque Echelle d’altruisme Echelle d’aversion à l’inégalité Lot 1 Lot 2 Lot 4

/ /

-0,12 0,23 -0,45 0,45 4,57*** -1,28 -0,35 1,09 -0,50 2,42** 10,08*** 18,69*** 13,43***

-0,12 0,24 -0,45 0,47 4,58*** -1,28 -0,36 1,09# -0,50 2,42*** 10,08*** 18,69*** 13,44***

Fratrie de deux enfants DVH « réduit » Propositions « 140 – 200 » Propositions « 0 – 150 » Propositions « non explicitée–150 » Revenus « 1 600 – 1 500 »

/ / /

-10,13*** 5,62*** 0,42 -64,31*** -63,68*** 3,33***

R2 ajusté 0,07 0,08 0,07 0,43 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Effectifs : 14 876. Régressions par les moindres carrés ordinaires, sur échantillon pondéré. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1%. ** : coefficient significatif au seuil de 1%. * : coefficient significatif au seuil de 5%. # : coefficient significatif au seuil de 10%. Modalités de référence : sans barème ; barème > offre et < demande ; homme ; ne vit pas en couple ; sans enfant ; autres cursus que le droit seul ; n’a jamais exercé de métier avant l’ENM ; n’a pas d’expérience en affaire de divorce ; lot n° 3 ; cas type à un seul enfant ; cas type à DVH « classique » ; cas type à couple de propositions « 100-300 » ; cas type à couples de revenus « 1 900-1 000 » et « 1 100-2 500 ».

Ces résultats changent-ils si les caractéristiques individuelles des auditeurs sont prises en compte ? La réponse est assurément négative au regard de la spécification n°3 : les coefficients associés aux déterminants testés à la spécification n°2 sont identiques (les caractéristiques des auditeurs sont indépendantes de l’appartenance à tel sous-groupe – du fait de la pondération notamment – et de la typologie de cas types en trois catégories retenue pour cette analyse). Cette troisième spécification confirme également nos propos antérieurs selon lesquels les caractéristiques individuelles des auditeurs joueraient de manière très marginale sur les montants de CEEE fixés ; on note seulement un effet positif

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d’environ 5 euros associé au fait d’avoir suivi seulement un cursus universitaire en droit et un effet également positif associé à la « préférence » pour l’inégalité (2 euros par point supplémentaire sur l’échelle à 10 échelons)110. Et comme nous l’avons analysé à la section précédence, l’effet d’ancrage ou de lot est assez massif, les auditeurs du lot n°3 ayant fixé des montants nettement plus faibles.

La quatrième spécification est importante car, en prenant en compte les critères constitutifs de cas types, nous réalisons un saut qualitatif déterminant (le R2 passe de 7% à 43%). Nous ne commenterons pas les effets de ces critères, l’exercice ayant été fort développé dans la section précédente. Il convient cependant de souligner quatre résultats.

Premièrement, la prise en compte de ces critères ne modifie pas les interactions entre barème et groupes de cas types définis selon la position de la suggestion du barème au regard des propositions.

Deuxièmement, les effets directs associés à ces groupes de cas types sont renforcés. Ainsi, pour le sous-groupe « sans barème », les montants fixés sont minorés de 47 euros lorsqu’il s’agit de cas types où la suggestion du barème est inférieure à l’offre (contre 20 euros à la spécification n°2) et majorés de 33 euros lorsqu’il s’agit de cas types où la suggestion du barème est supérieure à la demande (contre 9 euros à la spécification n°2). Et comme les valeurs des coefficients d’interaction avec le barème sont inchangés, les mêmes différences que celles commentées supra s’observent pour le sous-groupe « avec barème ».

Il faut cependant souligner une particularité de cette quatrième spécification en guise de troisième résultat. Comme le montre le tableau 3.33, dans cette régression la spécification des couples de revenus est incomplète, nous n’avons en effet retenu que la modalité exprimant un couple de revenus égalitaires s’opposant aux deux autres couples de revenus inégalitaires (en référence). Ce qui nous a poussés à retenir cette spécification est la forte multi-colinéarité entre la typologie de couples de revenus et la typologie des cas types selon la position de la valeur suggérée par le barème au regard des propositions (en termes techniques le coefficient de VIF est supérieur à 4). Forcer l’insertion simultanée de ces deux typologies dans la régression aboutit à des résultats très chamboulés et difficiles d’interprétation (cf. tableau 3.33-bis en annexe 3.E). Comme notre objectif est ici de tenter de rendre compréhensible l’impact de la règle de procédure ultra/infra petita sur les décisions, nous avons préféré nous en tenir à la version de la spécification n°4 au prix d’une entorse dans la prise en compte des critères constitutifs des cas types. Le renforcement de l’effet que nous venons de souligner supra tient donc sans doute pour partie au fait que nous ne distinguons pas les deux couples de revenus inégalitaires (l’un au profit du père, l’autre au profit de la mère) et donc du fait que nous ne tenons pas en compte que dans les deux cas types en question le revenu du débiteur est assez différent : 1 100 et 1 900.

Quatrièmement, comme le montre le tableau 3.33-ter en annexe 3.E, le recours à la modélisation multiniveaux, plutôt qu’une régression par les moindres carrés ordinaires (MCO), et donc en tenant compte des corrélations entre décisions d’un même auditeur, produit des estimations des effets associés à la position du barème par rapport aux propositions des parties plus faibles, mais tout autant significatifs au seuil de 0,01% : ceteris

110

On peut s’étonner du fait que la préférence pour le risque ne soit pas significative dans cette analyse économétrique, vu que ce facteur était assez pertinent dans l’analyse portant sur la probabilité de « sortir » de l’intervalle des propositions que nous avons menée supra. Une analyse complémentaire montre que la significativité de ce facteur disparait dès lors que l’on tient compte des lots. Il y aurait donc une certaine corrélation entre l’appartenance à tel ou tel lot et le degré d’aversion pour le risque, mais il s’agit d’une corrélation assez fortuite puisque l’attribution des lots s’est faite totalement au hasard.

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paribus, pour le sous-groupe des auditeurs « sans barème », les montants de CEEE pour des cas types où le barème suggère une valeur inférieure à l’offre sont en moyenne inférieurs de 28 euros par rapport aux montants de cas types où la valeur suggérée par le barème se situe dans l’intervalle des propositions (contre -47 euros avec une régression MCO). Pour les cas types où le la valeur suggérée par le barème est supérieure à la demande, les auditeurs « sans barème » fixent en moyenne un montant supérieur de 31 euros toujours par rapport aux cas types où la valeur suggérée par le barème est dans l’intervalle des propositions (contre 33 euros avec l’estimation MCO). Pour le sous-groupe des auditeurs « avec barème », l’ampleur de ces différents effets sont respectivement : -37 euros (versus -54 euros selon l’estimation MCO) et +45 euros (versus + 50 euros selon l’estimation MCO).

Ces résultats, qui portent sur le niveau des CEEE, ont-ils des conséquences en termes de variance ? Pour répondre à cette interrogation, nous menons une analyse économétrique portant cette fois-ci sur les 96 variances observées. Pour ce faire, nous reprenons la spécification proposée au tableau 3.27 et y ajoutons les indicatrices de cas types relatives à la position du barème au regard des propositions.

Comme l’indique les coefficients de régression au tableau 3.34, toutes choses égales par ailleurs, l’effet de la possibilité de recourir à la table de référence dans une situation où la suggestion de la table est dans l’intervalle des propositions est égal à -558 points de variance111, contre +168 points (726 – 558) lorsqu’il s’agit de cas types où la suggestion de la table de référence est supérieure à la demande, et contre +184 points (742 – 558) lorsqu’il s’agit de cas types où la suggestion de la table de référence est inférieure à l’offre. Ces résultats économétriques confirment donc que lorsque la valeur suggérée par la table de référence est extérieure à l’intervalle des propositions, les décisions sont plus hétérogènes (variance plus élevée). Dans les deux cas les différences de variance entre cas types avec suggestion « dans l’intervalle » et, respectivement, suggestion « supérieure à la demande » et « inférieure à l’offre » sont statistiquement significatives (cf. la significativité des coefficients associés aux termes d’interaction).

L’effet, sur la variance, attaché au fait qu’il s’agisse d’un cas type où la suggestion de la table de référence est supérieure à la demande et comparativement à une situation où la suggestion est située dans l’intervalle des propositions, est estimé à -814 pour les auditeurs du sous-groupe qui n’a pas accès à la table de référence (et donc qui n’ont pas connaissance de la suggestion), alors qu’il est égal à -88 (726 – 814) pour les auditeurs du sous-groupe qui a eu la possibilité d’accéder à la table de référence ; la différence entre les deux sous-groupes est statistiquement significative. Dans les deux cas les auditeurs sont donc moins hétérogènes lorsqu’ils traitent des cas types avec suggestion supérieure à la demande que lorsqu’ils traitent des cas types avec suggestion dans l’intervalle des propositions, mais il est intéressant de noter que cet effet de réduction de variance est moins fort lorsqu’il s’agit d’auditeurs « avec barème » ; cela confirme que l’accès au barème en cas de suggestion supérieure à la demande est source d’hétérogénéité.

111

Il s’agit bien du seul effet attaché au fait qu’il s’agisse des cas types avec suggestions se situant dans l’intervalle des propositions, d’autres effets attachés aux différents critères constitutifs des cas types sont pris en compte dans la régression puisque nous tenons compte des interactions entre barème et critères, mais ces autres effets ne sont pas au centre de la présente analyse (cf. supra § 2).

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Tableau 3.34 : effet de la position de la suggestion du barème au regard des propositions des parties sur la variance et le coefficient de variation de CEEE

Variance

Coefficient de variation

Constante 721*** 0,172***

Avec barème Sans barème

-558* Réf.

-0,064** Réf.

Barème < offre Barème > demande Barème > offre et < demande

-431# -814*** Réf.

-0,098*** -0,053** Réf.

Barème * Barème < offre Barème * Barème > demande

742* 726*

0,064* 0,072*

DVH « réduit » DVH « classique »

374** Réf.

-0,006 Réf.

Fratrie de deux enfants Fratrie de un enfant

-170 Réf.

0,007 Réf.

Propositions « offre non explicite-150 » Propositions « 0-150 » Propositions « 100-300 » Propositions « 140-200 »

257 350# 740*** Réf.

0,047* 0,065*** 0,052*** Réf.

Revenus « 1 100-2 500 » Revenus « 1 900-1 000 » Revenus « 1 600-1 500 »

223 388* Réf.

0,146*** -0,011 Réf.

Barème * DVH Barème * Fratrie Barème * Propositions « 0-150 » Barème * Propositions « 140-200 » Barème * Propositions « non explicitée–150 » Barème * Revenus « 1600-1500 » Barème * Revenus « 1100-2500 »

175 -194 177 148 -332 -375* 430

0,020 -0,013 -0,007 -0,018 -0,012 -0,045# 0,041#

R2 ajusté 0,65 0,78

Effectifs 96 96 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Régressions par les moindres carrés ordinaires. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1%. ** : coefficient significatif au seuil de 1%. * : coefficient significatif au seuil de 5%. # : coefficient significative au seuil de 10%.

Le même raisonnement peut être fait pour les cas types où la suggestion de la table de référence est inférieure à l’offre. L’effet est estimé à -431 pour les auditeurs du sous-groupe qui n’a pas accès à la table de référence, alors qu’il est estimé à +311 (742 – 431) pour les auditeurs du sous-groupe qui a eu la possibilité d’accéder à la table de référence ; la différence entre les deux sous-groupes est naturellement tout autant significative que précédemment puisque ce sont les mêmes facteurs d’interaction qui sont en jeu. Les auditeurs « sans barème » sont moins hétérogènes lorsqu’ils traitent des cas types où la suggestion de la table est inférieure à l’offre (suggestion dont ils n’ont pas connaissance, mais il s’agit de cas-types pour lesquels ils peuvent percevoir une inadéquation entre l’offre et le revenu du débiteur) que lorsqu’ils traitent des cas types où la suggestion de la table se situe dans l’intervalle des propositions (suggestion tout autant inconnue d’eux, mais constat d’une offre en adéquation avec le revenu du débiteur). Mais les auditeurs « avec barème » sont au contraire plus hétérogènes lorsqu’ils traitent des cas types avec suggestion de la table inférieure à l’offre (dont ils ont connaissance s’ils consultent la table de référence) que

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lorsqu’ils traitent des cas types avec suggestion de la table se situant dans l’intervalle des propositions. Là encore, nous pouvons en conclure que l’accès au barème avec suggestion inférieure à l’offre est source d’hétérogénéité.

L’analyse en termes de coefficient de variation aboutit aux mêmes conclusions112, le tableau 3.35 résume ces différents effets, calculés à partir des coefficients présentés au tableau 3.34, colonne « coefficient de variation ».

Tableau 3.35 : les effets du barème sur le coefficient de variation compte tenu des sous-groupes d’auditeurs et des types de cas types (1) Variation du coefficient de variation due à la possibilité de recourir au barème

s’il s’agit de cas types avec suggestion dans l’intervalle des propositions -0,064

(2) Variation du coefficient de variation due à la possibilité de recourir au barème s’il s’agit de cas types avec suggestion supérieure à la demande

0,008 (0,072 – 0,064)

(3) Variation du coefficient de variation due à la possibilité de recourir au barème s’il s’agit de cas types avec suggestion inférieure à l’offre

0,000 (0,064 – 0,064)

(4) Variation du coefficient de variation due au fait qu’il s’agisse de cas types avec suggestion supérieure à la demande traités par le sous-groupe « sans barème »

-0,053

(5) Variation du coefficient de variation due au fait qu’il s’agisse de cas types avec suggestion supérieure à la demande traités par le sous-groupe « avec barème »

0,019 (0,072 – 0,053)

(6) Variation du coefficient de variation due au fait qu’il s’agisse de cas types avec suggestion inférieure à l’offre traités par le sous-groupe « sans barème »

-0,098

(7) Variation du coefficient de variation due au fait qu’il s’agisse de cas types avec suggestion inférieure à l’offre traités par le sous-groupe « avec barème »

-0,034 (0,064 – 0,098)

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017.

Comme nous l’avions fait au paragraphe 2 supra, l’analyse peut également être menée sur la base des 48 différences de variance (ou de coefficient de variation). Nous estimons alors la variance « avec barème » en tenant compte de la variance « sans barème », ce qui est équivalent à estimer la différence de variance. Selon une telle approche (tableau 3.36 spécifications n°1 et n°2), on peut constater que les coefficients associés aux cas types où la suggestion de la table de référence est supérieure à la demande ou inférieure à l’offre, comparativement aux cas types où la suggestion est située dans l’intervalle des propositions, sont certes positifs (signifiant une variance « avec barème » plus élevée, compte tenu du niveau de variance « sans barème », pour ces cas types aux suggestions hors de l’intervalle des propositions), mais ils sont soit non significatifs, soit faiblement significatifs, qu’il s’agisse de la variance ou du coefficient de variation.

Cette faible significativité pourrait tenir au fait que ces deux indicatrices de position de la suggestion du barème au regard des propositions sont assez corrélées aux critères constitutifs des cas types. D’où l’idée, pour poursuivre et terminer cette analyse de l’effet de la règle de procédure ultra/infra petita, de spécifier ces cas types particuliers directement à partir d’une combinatoire de critères (tableau 3.36, spécifications n°3 et n°4). Il s’agit alors de croiser le critère de revenus et le critère de propositions. En effet, le fait que la suggestion de la table de référence soit supérieure à la demande provient principalement de la conjonction d’une demande faible et d’un revenu du débiteur élevé. On s’attend donc à une variance « avec barème » plus élevée pour les combinaisons « Revenus 1 900-1 000 et

112

Les mêmes conclusions puisque, pour nous résumer et en reprenant la numérotation des lignes du tableau 3.35 : (2) > (1) ; (3) > (1) ; (5) > (4) ; (7) > (6).

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Propositions 0-150 » et « Revenus 1 900-1 000 et Propositions offre non explicitée-150 »113. De même, le fait que la suggestion de la table de référence soit inférieure à l’offre provient principalement de la conjonction d’une offre élevée et d’un revenu du débiteur faible. On peut donc faire l’hypothèse que la variance « avec barème » devrait être plus élevée pour la combinaison « Revenu 1 100-2 500 et Propositions 140-200 ». Pour les autres combinaisons, on s’attend plutôt à une absence d’effet comparativement à la combinaison de référence « Revenus 1 600-1 500 et Propositions 140-200 » qui illustre un cas type standard à revenus moyens et égalitaires et à propositions « raisonnable ».

Comme le suggère les résultats des régressions n°3 et n°4 du tableau 3.36, seule notre première hypothèse est confirmée. En effet, d’un côté, les coefficients associés à une combinaison entre un revenu du père (débiteur) élevé (1 900 euros) et une demande faible (150 euros) sont positifs et très significatifs, de l’autre, le coefficient associé à une combinaison entre un revenu du père faible (1 100 euros) et une offre relativement élevée (140 euros) n’est pas significatif. On peut donc en conclure que, comparativement à une situation standard de type « revenus moyens (1 600-1 500) et propositions moyennes (140-200) » et compte tenu de l’hétérogénéité des décisions prises sans possibilité de recours à la table de référence, les auditeurs qui ont eu accès à la table de référence ont pris des décisions plus hétérogènes lorsqu’ils étaient face à des cas types combinant un haut revenu du débiteur et une demande faible, cas type qui se caractérisent par ailleurs, et mécaniquement, par un suggestion de la table de référence supérieure à la demande. De ce fait, on peut attribuer, au moins en partie, cette plus forte hétérogénéité à l’information apportée par le barème. Mais si le barème incite à déroger à la règle de procédure ultra/infra petita à la hausse (attribuer plus que ce qui est demandé) et de ce fait à accroître l’hétérogénéité des décisions dans ces cas-là, cela apparaît beaucoup moins évident de conclure que le même type d’incitation se produise clairement également à la baisse (attribuer moins que ce qui est offert). Cette absence de claire augmentation de l’hétérogénéité illustre le fait, déjà souligné supra, que les auditeurs qui dérogent à la règle de procédure ultra/infra petita sont, il faut le rappeler, nettement minoritaires114.

113

De façon sans doute moins pertinente, on pourrait penser que les combinaisons suivantes seraient également éligibles à cette hypothèse de variance élevée : « Revenus 1 900-1 000 et Propositions 140-200 », « Revenus 1 600-1 500 et Propositions 0-150 » et « revenus 1 600-1 500 et propositions offre non explicitée-150 ». 114

En situation de suggestions du barème inférieures à l’offre, 13% des auditeurs « sans barème » et 22% des auditeurs « avec barème » ont dérogé. Respectivement, lorsqu’ils ont dérogé, ils ont attribué une CEEE en moyenne inférieure à l’offre de 53 euros et 36 euros (contre, en situation de suggestions de la table supérieures à la demande, des montants supérieurs à la demande de respectivement 55 euros et 61 euros en moyenne). En situation de suggestions du barème supérieure à la demande, 9% des auditeurs « sans barème » et 29% des auditeurs « avec barème » ont dérogé.

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Tableau 3.36 : effet de la position de la suggestion du barème au regard des propositions des parties sur la variance et le coefficient de variation « avec barème » de CEEE

(1) Variance

(2) Coefficient

de variation

(3) Variance

(4) Coefficient

de variation

Constante -89 0,016 27 0,001

Barème < offre Barème > demande Barème > offre et < demande

461# 195 Réf.

0,018 0,047*

Réf. / /

DVH « réduit » DVH « classique »

419** Réf.

0,017 Réf.

418** Réf.

0,029** Réf.

Fratrie de deux enfants Fratrie de un enfant

-304* Réf.

-0,009 Réf.

-255* Réf.

-0,008 Réf.

Propositions « non explicite-150 » Propositions « 0-150 » Propositions « 100-300 » Propositions « 140-200 »

344 375 150 Réf.

0,015 0,012 0,012

Réf.

/ /

Revenus « 1 100-2 500 » Revenus « 1 900-1 000 » Revenus « 1 600-1 500 »

-229 683*** Réf.

0,023 0,036*

Réf. / /

Variance « sans barème » 0,35* / 0,402 /

Coefficient de variation « sans barème » / 0,535** / 0,646**

P. Non explicitée-150 et R. 1 900-1 000 P. 0-150 et R. 1 900-1 000 P. 100-300 et R. 1 900-1 000 P. 140-200 et R. 1 900-1 000 P. Non explicitée-150 et R. 1 600-1 500 P. 0-150 et R. 1 600-1 500 P. 100-300 et R. 1 600-1 500 P. Non explicitée-150 et R. 1 100-2 500 P. 0-150 et R. 1 100-2 500 P. 100-300 et R. 1 100-2 500 P. 140-200 et R. 1 100-2 500 P. 140-200 et R. 1 600-1 500

/ /

1182*** 1224*** 395 507* 153 166 102 -118 -93 66 86 Réf.

0,103*** 0,097*** 0,016 0,047# 0,020 0,015 0,005 0,000 -0,004 0,033

0,029 Réf.

R2 ajusté 0,61 0,65 0,61 0,65

Effectifs 48 48 48 48 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. P : Propositions. R : Revenus. Régressions par les moindres carrés ordinaires. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1%. ** : coefficient significatif au seuil de 1%. * : coefficient significatif au seuil de 5%. # : coefficient significative au seuil de 10%.

Après avoir étudié de manière approfondie cette question de la règle de procédure ultra/infra petita et son incidence sur la variance des décisions, nous terminons cette section, consacrée à l’étude de l’effet du barème sur l’hétérogénéité des décisions, avec, comme annoncé supra, une approche synthétique et originale reposant sur une modélisation multiniveaux des décisions expérimentales.

4. Le recours aux Modèles MultiNiveaux (MMN) pour étudier les variances résiduelles des décisions expérimentales

En fin de section 3.1.2., nous avons justifié le recours aux modèles économétriques multiniveaux en expliquant qu’il était préférable de modéliser l’estimation des montants de

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CEEE en tenant compte du fait que les 48 décisions prises par un même auditeur n’étaient pas indépendantes. Ce type de modélisation à deux niveaux (décisions, auditeurs) permet de corriger, dans l’estimation des variances des coefficients de régression, l’éventuel biais dû à cette non-indépendance. L’impact estimé, sur le montant de CEEE, de chacun des critères constitutifs des cas types est alors modulé par les caractéristiques observées des auditeurs (partie déterministe de la modulation) et inobservées (partie aléatoire de la modulation).

En présentant ce modèle multiniveaux nous annoncions un second avantage. Celui-ci porte sur la variance résiduelle. Dans une régression économétrique, la variance résiduelle mesure notre ignorance, c’est-à-dire la part du phénomène étudié (les montants de CEEE) que nous ne savons pas expliquer avec les facteurs introduits dans l’équation (dans notre cas, les critères constitutifs des cas types, les caractéristiques individuelles des auditeurs, l’appartenance à tel lot et d’éventuelles interactions entre ces facteurs)115. Dans la mesure où structurellement les distributions de ces facteurs observés sont identiques d’un sous-groupe d’auditeurs à l’autre (ils traitent les mêmes cas types ; ils ont les mêmes caractéristiques individuelles observées une fois mis en œuvre le jeu de pondérations), on devrait s’attendre à ce que la variance résiduelle soit identique dans les deux sous-groupes. Sauf qu’un facteur n’est pas commun aux deux sous-groupes : l’un a la possibilité de recourir à la table de référence alors que l’autre ne l’a pas. Il est alors intéressant d’étudier la variance résiduelle, car si celle-ci varie d’un sous-groupe à l’autre, la différence de variance résiduelle peut constituer une mesure de l’effet de la possibilité de recourir au barème. Si, par exemple, la variance résiduelle du sous-groupe « avec barème » est supérieure à la variance résiduelle du sous-groupe « sans barème », cela signifiera que l’hétérogénéité inexpliquée des décisions des auditeurs du premier sous-groupe est supérieure à celle du second, et que le recours au barème en est probablement la cause116.

Comme le soulignent KUPPENS T. et YZERBYT 117

dans une recherche qui porte sur un tout autre sujet, l’étude de la variance résiduelle est particulièrement intéressante dans les modèles multiniveaux. En effet, dans une régression simple, de type « Moindres Carrés Ordinaires », la qualité de l’estimation repose sur une condition (dite d’homoscédasticité) selon laquelle les résidus (la partie non expliquée de chacun des montants de CEEE) sont distribués selon une loi normale, de moyenne nulle et de variance unique. Avec une modélisation multiniveaux, on suppose au contraire qu’il y a de l’hétéroscédasticité dans les résidus, c’est-à-dire que les résidus n’ont pas une variance unique, mais une variance qui varie puisqu’ils dépendent pour partie118 des caractéristiques inobservées des auditeurs. Et les modèles multiniveaux permettent alors d’estimer cette distribution de variances résiduelles. Ainsi pourra-t-on calculer la variance résiduelle moyenne pour chacun des 96 cas types traités par les auditeurs, une fois tenu compte des effets des critères constitutifs des

115

Il est normal d’observer une hétérogénéité des montants de CEEE dès lors que la source de l’hétérogénéité est objective, c’est-à-dire que tel montant est différent de tel autre montant pour telle raison (à situation différente, décision différente, selon le cas d’espèce). Mais on peut aussi considérer qu’il est moins normal qu’une différence sans explication objective demeure. Et l’on peut d’ailleurs penser qu’un barème ait pour objectif de réduire cette hétérogénéité inexpliquée. 116

L’exemple inverse, où la variance résiduelle du sous-groupe « avec barème » est inférieure à la variance résiduelle de l’autre sous-groupe est tout autant intéressant et la causalité supposée entre la différence de variances et le recours à la table de référence tout autant valide, avec une interprétation inversée. 117

KUPPENS T., YZERBYT V. Y. (2014), « Predicting variability: Using multilevel modelling to assess differences in variance », European Journal of Social Psychology, 44, 691–700. 118

Pour partie seulement, car il faut reconnaître que la variance des résidus peut également provenir d’une spécification inadaptée (par exemple due à l’omission de certains facteurs explicatifs).

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cas types, des caractéristiques des auditeurs, de leurs interactions et de la non indépendance des décisions d’un même auditeur.

Pour mener à bien cette analyse, nous avons estimé le modèle complet présenté formellement en section 3.1.2. Et pour une raison technique, nous avons opté pour deux estimations séparées relatives chacune à l’un des deux sous-groupes d’auditeurs. Ce choix a été effectué pour la raison suivante. Lorsque l’accent est mis sur les caractéristiques des auditeurs en tant que facteurs explicatifs de la partie déterministe des effets aléatoires des critères constitutifs des cas types (ce qui génère des effets d’interactions entre niveau 1 et niveau 2 très nombreux), on aimerait savoir si l’impact des caractéristiques des auditeurs est le même pour les auditeurs « sans barème » que pour les auditeurs « avec barème ». Cela pourrait se faire théoriquement à travers un modèle unique, commun aux auditeurs « avec barème » et « sans barème » : devraient alors être introduites l’indicatrice de barème et ses croisées avec chacune des sept modalités des critères constitutifs des cas types. Et chacune des neuf variables représentant les caractéristiques des auditeurs devrait alors être croisée non seulement avec les sept modalités de critères mais aussi avec l’indicatrice « avec barème » et avec les sept termes d’interaction croisant l’indicatrice de barème et chacun des critères. Un tel modèle unique ferait donc passer le nombre de paramètres d’effets fixes à estimer de 83 à 163119. Il nous a donc semblé que le nombre de paramètres était déraisonnable au regard du risque, inhérent aux estimations simultanées de nombreux paramètres, d’apparente absence d’effet pour cause de multicolinéarité, c’est pour cela que nous avons préféré séparer les deux estimations, avec comme inconvénient de ne pas pouvoir effectuer de tests statistiques sur les différences entre les deux sous-groupes120.

Le tableau 3.37 présente donc les résultats obtenus en recourant à une modélisation multiniveaux séparée selon le sous-groupe d’auditeurs. Les enseignements que l’on peut retirer de ces deux estimations, car l’essentiel est plus dans le calcul et l’analyse des variances résiduelles, peuvent être résumés en trois points.

Premièrement, les effets fixes des critères constitutifs des cas types sont très souvent (six sur sept dans les deux régressions) significatifs, ce qui est attendu puisque le niveau de CEEE dépend structurellement des paramètres des cas types121 ; lorsqu’ils sont significatifs, les coefficients ont le même signe dans les deux régressions, et les valeurs des coefficients sont proches de celles présentées au tableau 3.18 obtenus alors avec un modèle plus simple ; leur commentaire, que nous ne réitérons pas, est donc identique à celui que nous avons mené supra à propos de ce tableau 3.18.

119

Une constante + 7 critères de cas types + 9 modalités d’auditeurs + 3 indicatrices de lot + 9 * 7 interactions « modalités * critères » = 83 paramètres à estimer par deux modèles séparés. Une constante + 1 indicatrice de barème + 7 critères de cas types + 7 interactions « barème * critères » + 9 modalités d’auditeurs + 9 * 7 interactions « modalités * critères » + 9 interactions « barème * modalités » + 3 indicatrices de lot + 9 * 7 interactions « barème *critères * modalités » = 163 paramètres à estimer par un modèle unique. 120

Mais le fait de retenir la même spécification dans les deux équations autorise une comparaison au moins qualitative, à défaut de quantitative stricte. 121

Ces effets sont pour partie fixes, au sens où ils sont communs à tous les auditeurs, et pour partie variables, au sens où ils varient selon les caractéristiques des auditeurs.

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Tableau 3.37 : estimations des montants de CEEE par modèles multiniveaux Sous-groupe « sans » Sous-groupe « avec »

Constante 154,6 *** 161,7***

DVH « réduit » Fratrie de deux enfants Propositions « 100 – 300 » Propositions « 0 – 150 » Propositions « offre non explicitée–150 » Revenus « 1 900 – 1 000 » Revenus « 1 100 – 2 500 »

12,0 *** -14,5 *** 3,3 -42,5 *** -32,8 *** 22,0 *** -46,2 ***

21,5 *** -15,9 *** -2,9 -23,8 *** -22,8 *** 30,8 *** -59,7 ***

Femme Est âgé de 30 ans ou plus Vit en couple Avec enfant(s) Cursus « droit » seulement A déjà traité une affaire de divorce Echelle d’aversion au risque Echelle d’altruisme Echelle d’aversion à l’inégalité

-7,2 * -15,3 *** -1,9 10,8 * 7,2 * 1,8 1,9 0,2 -1,1

-1,3 -0,2 -0,4 -6,6 1,9 1,6 -3,9 -1,8 0,5

Interaction DVH « réduit » et : Femme Est âgé de 30 ans ou plus Vit en couple Avec enfant(s) Cursus « droit » seulement A déjà traité une affaire de divorce Echelle d’aversion au risque Echelle d’altruisme Echelle d’aversion à l’inégalité

1,2 5,5 -1,7 -6,9 * -4,2* 3,0 1,2 1,5 2,5

1,2 -1,8 0,4 1,6 1,7 -2,4 1,6 -0,5 0,7

Interaction Fratrie de deux enfants et : Femme Est âgé de 30 ans ou plus Vit en couple Avec enfant(s) Cursus « droit » seulement A déjà traité une affaire de divorce Echelle d’aversion au risque Echelle d’altruisme Echelle d’aversion à l’inégalité

0,5 -1,5 0,6 0,8 7,8 ** 1,7 -2,9 -0,1 -1,7

0,6 0,4 3,4 -0,4 1,2 -0,3 -1,3 -2,6 1,8

Interaction Propositions « 100 – 300 » et : Femme Est âgé de 30 ans ou plus Vit en couple Avec enfant(s) Cursus « droit » seulement A déjà traité une affaire de divorce Echelle d’aversion au risque Echelle d’altruisme Echelle d’aversion à l’inégalité

-2,8 -6,1 1,6 -1,8 4,4 -7,2 ** 3,5 -0,2 1,3

0,4 -2,3 -0,2 -0,7 0,8 0,0 -1,4 -1,0 1,0

Interaction Propositions « 0 – 150 » et : Femme

5,1

5,0 *

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Est âgé de 30 ans ou plus Vit en couple Avec enfant(s) Cursus « droit » seulement A déjà traité une affaire de divorce Echelle d’aversion au risque Echelle d’altruisme Echelle d’aversion à l’inégalité

16,3 *** -1,8 -15,7 *** -1,9 2,6 1,9 0,3 5,6*

-3,7 -1,2 6,0 -1,2 -0,9 3,8 -0,9 0,9

Interaction Propositions « non explicitée–150 » et :

Femme Est âgé de 30 ans ou plus Vit en couple Avec enfant(s) Cursus « droit » seulement A déjà traité une affaire de divorce Echelle d’aversion au risque Echelle d’altruisme Echelle d’aversion à l’inégalité

3,9 11,6 *** -2,0 -11,2 ** -4,0 0,6 0,3 -0,2 1,7

3,7 -2,4 -1,4 3,4 -0,2 -0,9 3,3 -1,6 0,3

Interaction Revenus « 1 900 – 1 000 » et : Femme Est âgé de 30 ans ou plus Vit en couple Avec enfant(s) Cursus « droit » seulement A déjà traité une affaire de divorce Echelle d’aversion au risque Echelle d’altruisme Echelle d’aversion à l’inégalité

0,7 4,7 0,9 -0,6 -5,9 * -5,6 * 2,9 0,7 -0,4

-3,6 -1,5 0,6 0,4 -2,0 -1,4 8,8 * 1,6 1,1

Interaction Revenus « 1 100 – 2 500 » et : Femme Est âgé de 30 ans ou plus Vit en couple Avec enfant(s) Cursus « droit » seulement A déjà traité une affaire de divorce Echelle d’aversion au risque Echelle d’altruisme Echelle d’aversion à l’inégalité

7,0 3,0 3,1 4,6 0,6 -2,1 -0,1 -2,4 2,8

3,9 5,7 1,0 2,7 0,3 -0,4 -2,0 1,6 2,0

Lot 1 Lot 2 Lot 4

16,7 *** 21,1 *** 18,7 ***

5,5 7,7 * 5,9

Barème < offre Barème > demande

/ /

5,7 *** -4,8 ***

Log de la vraisemblance 69 609 64 615

Effectifs 7 676 7 200 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Régressions par modèle multiniveaux. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1%. ** : coefficient significatif au seuil de 1%. * : coefficient significatif au seuil de 5%. Modalités de référence : cas type à DVH « classique » ; cas type à un seul enfant ; cas type à couple de propositions « 140-200 » ; cas type à couples de revenus « 1 600-1 500 » ; auditeur homme ; auditeur ne vivant pas en couple ; auditeur sans enfant ; auditeur à autres cursus que le droit seul ; auditeur sans expérience en affaire de divorce ; lot n°3 ; barème > à l’offre et < à la demande.

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Deuxièmement, les effets fixes des caractéristiques d’auditeurs et leurs interactions sont peu souvent significatifs (15 coefficients sur 72 et 2 coefficients sur 72, respectivement pour la première régression et la seconde, sont significatifs au plus au seuil de 5%). Cela signifie que, comme nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, les caractéristiques individuelles des auditeurs influencent peu les décisions et donc qu’il convient plutôt d’attribuer à ces facteurs un simple rôle de contrôle. D’une certaine manière cela constitue une assez bonne nouvelle, car cela indique que les décisions sont prises avec une certaine neutralité de la part des auditeurs. Mais, d’une autre, cela constitue aussi une moins bonne nouvelle, car il subsiste une variance résiduelle inexpliquée qui peut amener à s’interroger sur ses causes : caractéristiques individuelles inobservées, biais dû au fait que certains critères constitutifs des cas types relèvent d’une plus grande auto-évaluation parce qu’ils sont exclus, par construction, de la table de référence, en particulier les offres et les demandes et le revenu de la créancière…

Du fait de l’introduction de nombreuses interactions, il serait fastidieux122 de commenter tous ces effets fixes. Mais à titre d’exemple et pour ne nous en tenir qu’aux interactions les plus significatives (au seuil de 0,1%123), on observe que, dans la régression « sans barème », l’effet moyen, ceteris paribus, associé au fait de traiter un cas type avec une offre nulle (et une demande égale à 150) par rapport à un cas type avec un couple de propositions « 140-200 », est estimé à environ -43 euros pour des auditeurs hommes, âgés de moins de 30 ans, sans enfant et sans penchant net contre les inégalités. Cet effet négatif est réduit de 16 euros pour les auditeurs ayant les mêmes caractéristiques sauf l’âge (30 ans et plus) et est accru de 16 euros environ si l’auditeur a au moins un enfant. Toujours pour les auditeurs « sans barème », l’effet moyen, ceteris paribus, associé au fait de traiter un cas type avec une offre non explicitée (et une demande égale à 150 euros), toujours par rapport aux cas types avec un couple de propositions « 140-200 », est estimé à environ -33 euros pour les auditeurs âgés moins de 30 ans et sans enfant. Cet effet négatif est minoré d’environ 12 euros pour les auditeurs ayant les mêmes caractéristiques sauf l’âge (30 ans et plus).

Enfin, troisièmement, on observe que l’effet particulier du lot n°3 est toujours aussi significatif dans le sous-groupe « avance barème » à la différence de l’autre sous-groupe.

Outre les estimations de ces différents effets, les modèles multiniveaux nous fournissent les estimations des variances des termes d’erreur des termes aléatoires (comme nous l’avons précisé supra, les covariances ont été fixées à zéro par hypothèse pour ne pas complexifier l’estimation) et expriment donc les effets aléatoires. Ces variances signifient que l’impact d’un critère sur les montants de CEEE varie selon les caractéristiques inobservées des auditeurs, mais que cette variation est différente selon le critère.

Comme le montre le tableau 3.38, on peut ainsi observer, par exemple pour le sous-groupe des auditeurs « sans barème », que l’influence des caractéristiques individuelles inobservées sur l’effet des critères est nettement plus élevée (presque cinq fois plus) pour le critère « Revenus 1 100-2 500 versus Revenus 1 600-1 500 » que pour le critère « DVH réduit

122

Et d’intérêt limité, car plus le nombre de facteurs est important, plus il y a de risque de multicolinéarité et donc plus il y a de risque que les estimateurs soient peu robustes. 123

Les coefficients associés aux termes d’interaction significatifs au seuil de 1% mais pas au seuil de 0,1% sont les suivants : « cas types avec deux enfant * cursus de formation uniquement en droit » (+ 8 euros), « cas types avec un couple de propositions « 100-300 » * a déjà traité une affaire de divorce » (-7 euros), « cas types avec une offre non explicitée et une demande égale à 150 * avoir au moins un enfant » (- 11 euros).

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versus DVH classique » (537 à comparer avec 115). On observe également que les effets aléatoires sont généralement plus faibles pour le sous-groupe « avec barème », ce qui pourrait s’interpréter par le fait que les caractéristiques inobservées ont moins d’importance pour ce sous-groupe parce que le recours éventuel à la table de référence au barème réduirait les effets aléatoires (l’information commune apportée par le barème produit un effet qui réduit l’incidence des raisonnements inobservés et distribués aléatoirement au sein des auditeurs du sous-groupe).

Tableau 3.38 : variances des termes d’erreur des termes aléatoires Sous-groupe

« sans » Sous-groupe

« avec »

DVH « réduit » versus « classique » Fratrie de deux enfants versus un enfant Propositions « 100 – 300 » versus « 140-200 » Propositions « 0 – 150 » versus « 140-200 » Propositions « non explicitée–150 » versus « 140-200 » Revenus « 1 900 – 1 000 » versus « 1 600-1 500 » Revenus « 1 100 – 2 500 » versus « 1 600-1 500 »

115 171 182 153 119 238 537

111 122 53 96 64

422 248

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017.

Enfin, la modélisation nous fournit les facteurs de différenciation de la variance résiduelle critère par critère. C’est la combinaison124 de ces facteurs de différenciation qui nous permet de calculer la variance résiduelle de chacun des cas types. Ces facteurs sont rassemblés au tableau 3.39 ; ils sont, à l’exception d’un seul, tous significatifs au seuil de 0,1%. Lorsqu’ils sont positifs, et donc qu’ils contribuent à l’augmentation de la variance résiduelle, cela signifie que, ceteris paribus, les cas types concernés par cette modalité sont moins bien prédits par le modèle que ne le sont les cas types concernés par la modalité de référence ou, dit autrement, qu’il y a plus de place pour l’aléatoire et donc pour l’hétérogénéité. Par exemple, pour le sous-groupe « avec barème », les cas types avec DVH « réduit » sont moins bien prédits que les cas types avec DVH « classique ». Inversement, un facteur de différenciation significativement négatif signifie une moindre contribution à la variance résiduelle et donc indique que les cas types concernés par cette modalité sont mieux prédits par le modèle que ceux concernés par la modalité de référence. Par exemple, pour le sous-groupe « sans barème », les cas types de fratries de deux enfants sont mieux prédits que les cas types de fratries d’un enfant. Et la contribution de chacun des critères dépend de la valeur du coefficient ; par exemple, pour le sous-groupe « avec barème », la contribution à l’augmentation de la variance résiduelle de la modalité « Revenus 1 900-1 000 » est plus importante que la contribution de la modalité « Revenus 1 100-2 500 » (0,77 versus 0,37).

124 Variance résiduelle du cas type = Variance résiduelle de référence * e∑ (facteurc∗ critèrec)c=7

c=0 , la variance résiduelle

de référence étant la variance résiduelle pour le cas types où les sept critères sont égaux à zéro.

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Tableau 3.39 : les facteurs de différentiation de la variance résiduelle Sous-groupe

« sans » Sous-groupe

« avec »

DVH « réduit » versus « classique » Fratrie de deux enfants versus un enfant Propositions « 100 – 300 » versus « 140-200 » Propositions « 0 – 150 » versus « 140-200 » Propositions « non explicitée–150 » versus « 140-200 » Revenus « 1 900 – 1 000 » versus « 1 600-1 500 » Revenus « 1 100 – 2 500 » versus « 1 600-1 500 »

0,07# -0,38*** 1,20*** -0,27*** -0,24*** 0,47*** 0,59***

0,37*** -0,48*** 0,57*** -0,47*** -0,53*** 0,77*** 0,37***

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1%. ** : coefficient significatif au seuil de 1%. # : coefficient significative au seuil de 10%.

En résumé, les critères pour lesquels, quel que soit le sous-groupe d’auditeurs, la variance résiduelle serait plus élevée (et donc l’hétérogénéité inexpliquée plus élevée) comparativement à la modalité de référence respective, sont : le DVH « réduit », la fratrie de un enfant, le couple de proposition « 100-300 » et les couples de revenus « 1 100-1 500 » et « 1 900-2 500 ». Désormais, venons-en à la comparaison des variances résiduelles par cas types selon le sous-groupe. Le graphique 3.M illustre les estimations de variances résiduelles des 48 cas types (pour les deux sous-groupes) issues de nos deux modèles multiniveaux.

Beaucoup plus qu’au graphique 3.L, qui portait sur les différences de variances totales observées, on observe ici que dans un grand nombre de cas types la différence de variance résiduelle estimée est négligeable, ce qui signifierait donc que dans de nombreuses situations l’hétérogénéité inexpliquée est d’ampleur similaire que le sous-groupe ait ou non eu l’opportunité de recourir à la table de référence, et donc que de ce point de vue l’effet du barème serait faible. On peut voir également qu’il y a une certaine corrélation entre l’ampleur de la différence et l’ampleur des variances résiduelles elles-mêmes125, mais que cette corrélation n’est pas parfaite, en témoignent les cas types assez atypiques n°29 (fortes variances résiduelles, mais différence négligeable) et n°5 (très fortes variances résiduelles et différence modérée)126.

125

Les différences négatives les plus importantes sont souvent associées à des variances résiduelles élevées, et dans une moindre mesure les différences positives les plus élevées sont également associées à des variances résiduelles un peu plus élevées (que celles où la différence est négligeable). 126

Ces deux cas types atypiques du point de vue de la corrélation entre ampleur de la différence et ampleur des variances résiduelles se caractérisent par la conjonction de critères suivante : couple de revenus « 1 900-1 000 », couple de propositions « 100-300 » et DVH « réduit », signifiant que nos modèles expliquent mal les décisions des auditeurs lorsque le père fait une offre particulièrement faible au regard de ses revenus, et ce d’autant plus qu’en hébergeant peu l’enfant cette offre devrait être encore plus élevée (et donc que la demande, assez élevée, serait d’autant plus justifiée). Cette forte hétérogénéité inexpliquée n’est pas fondamentalement modifiée par l’opportunité de recourir à la table de référence. On notera d’ailleurs que pour le cas type n°5, la différence négative de variance observée (et non pas de variance résiduelle), bien que non négligeable n’était pas statistiquement significative, preuve d’une grande hétérogénéité des décisions dans les deux sous-groupes pour ce cas type.

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172

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017.

-1000

-500

0

500

1000

1500

2000

9 33 13 37 17 1 41 25 21 45 11 35 10 34 36 12 39 15 43 19 38 29 42 18 14 44 47 27 46 26 23 20 40 3 22 48 2 31 16 28 5 30 24 7 4 6 32 8

Graphique 3M : variances résiduelles des 48 cas-types selon le sous-groupe d'auditeurs, classées par ordre croissant de différence de variances

variance residuelle "sans" variance résiduelle "avec" Différence de variance résiduelle

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Si l’on s’intéresse, aux cas types aux deux extrémités du graphique (le premier quartile et le dernier quartile, soit les six premiers et les six derniers cas types), on ne retrouve pas vraiment les cas types que nous avions identifiés dans l’analyse descriptive comme étant ceux présentant les plus fortes différences (en positif ou en négatif) de variances totales observées. Les différences de variances inexpliquées sont donc a priori faiblement corrélées aux différences de variances totales observées127. Par exemple, le cas type n°9 montre la plus forte différence négative de variances résiduelles, pour autant la différence de variances totales observées pour ce cas type est modérée puisqu’à peine plus élevée que la moyenne des différences négatives de variances totales observées (-595 versus -563) ; de même, autre exemple, le cas type n°32 montre l’une des plus fortes différences de variances résiduelles, alors que du point de vue des différences de variances totales observées, ce cas type se situe parmi les plus faibles différences positives (+198, à comparer avec une moyenne des différences positives égale à +719).

L’analyse économétrique nous permet donc d’affiner les observations que nous avions faites sur la base d’un simple constat descriptif. Pour les cas types où nous avons observé, par une analyse descriptive, que les décisions étaient significativement moins hétérogènes dans le sous-groupe « avec barème » que dans le sous-groupe « sans barème » (c’est-à-dire pour 30 cas types sur 48), après avoir retiré l’hétérogénéité expliquée par nos modèles économétriques, on observe que dans 80% des cas (24 cas types)128 il y aurait bien eu un effet dû au recours potentiel au barème, puisque dans ces 24 cas types la variance résiduelle est plus faible dans le sous-groupe « avec barème » que dans l’autre sous-groupe. Pour ces cas types, avec barème moins de décisions relèveraient donc de comportements « hasardeux », ou du moins de logiques inobservées. A l’inverse, lorsque l’analyse descriptive a identifié des variances « avec barème » significativement supérieures aux variances « sans barème » (pour 10 cas types), on observe que les différences de variances résiduelles « avec – sans barème » sont également positives ; il semble donc bien que pour ces 10 cas types le recours à la table de référence ait été source d’hétérogénéité129.

Si l’on s’attache aux cas types pour lesquels la différence de variance résiduelle est la plus négative (cas types n°9, n°33, n°13, n°37, n°17, n°1, voire n°41 et n°25, du plus négatif au moins négatif), on observe qu’ils concernent tous le couple de propositions « 100-300 » associé au couple de revenus « 1 100-2 500 » pour les quatre premiers et aux deux autres couples de revenus pour les quatre autres cas types. C’est donc plutôt dans ces configurations que le barème jouerait le plus son rôle de réducteur d’hétérogénéité. Si l’on s’attache au contraire aux cas types pour lesquels la différence de variance résiduelle est la plus positive (par ordre décroissant de différence : cas types n°8, n°32, n°6, n°4, n°7, n°24,

127

Pour illustrer ce décalage entre les deux approches, le lecteur est invité à se reporter à l’annexe 3.F qui propose un graphique qui croise les rangs de classement des 48 cas types du point de vue de l’importante de chacune deux différences (variance totale observée et variances résiduelles). 128

Dans six cas types (sur 30), on observe une différence positive de variance résiduelle : cas types n°16, n°20, n°28, n°40, n°46 et n°48, avec une différence positive relative de variance résiduelle de, respectivement, 20%, 11%, 35%, 8%, 10% et 35% (à comparer avec une moyenne des différences relatives positives égale à 30%). Pour ces cas types, nos conclusions se doivent d’être nettement plus prudentes : certes l’hétérogénéité des décisions est plus faible lorsque le recours à la table de référence est possible, mais dans cette hétérogénéité, la part non expliquée est plus importante dans le sous-groupe « avec barème », on ne peut donc pas vraiment attribuer la moindre hétérogénéité à un effet du barème. Si l’on ajoute aux 30 cas types, pour lesquels une différence de variance significativement négative est observée dans l’analyse descriptive, les 5 cas types où l’on observe une différence de variance négative mais non significative, la proportion de cas types montrant une différence négative de variance résiduelle passe de 80% à 75% 129

Le même raisonnement peut être fait pour les trois cas types pour lesquels, dans l’analyse descriptive, la différence de variance est positive, mais non significative.

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voire n°30 et n°5), on relève qu’ils concernent tous (sauf le n°24) le couple de revenus « 1 900-1 000 » associé dans six cas sur sept au DVH « réduit ». C’est sans doute dans de telles configurations que le barème n’aide pas vraiment à recentrer les décisions vers des montants de CEEE relativement proches.

On retrouve ces conclusions, de manière plus analytique, en observant les résultats de la régression présentée au tableau 3.40 ci-dessous, qui estime la valeur de la variance résiduelle des 96 cas types à partir des critères constitutifs des cas types.

Tableau 3.40 : estimation de la variance résiduelle des 96 cas types en fonction de leurs critères

Constante 253***

Avec barème Sans barème

58 Réf.

DVH « réduit » DVH « classique »

34 Réf.

Fratrie de deux enfants Fratrie de un enfant

-184*** Réf.

Propositions « non explicite – 150 » Propositions « 0 – 150 » Propositions « 100 – 300 » Propositions « 140 – 200 »

-71 -78 775*** Réf.

Revenus « 1 100 – 2 500 » Revenus « 1 900 – 1 000 » Revenus « 1 600 – 1 500 »

267*** 201*** Réf.

Barème * DVH « réduit » Barème * Fratrie de deux enfants Barème * Propositions « offre non-explicitée–150 » Barème * Propositions « 0 – 150 » Barème * Propositions « 100 – 300 » Barème * Revenus « 1 100 – 2 500 » Barème * Revenus « 1 900 – 1 000 »

125* -23 -110 -87 -438*** -141* 131*

R2 ajusté 0,89

Effectifs 96 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1% ; ** : coefficient significatif au seuil de 1% ; * : coefficient significatif au seuil de 5%.

En effet, si l’on se limite aux coefficients d’interaction significatifs au seuil de 5%, on observe bien que les modalités « revenus 1 100-2 500 » et « propositions 100-300 » (croisées avec « sous-groupe d’auditeurs avec barème ») ont un coefficient négatif et que les modalités « revenus 1 900-1 000 » et « DVH réduit » (toujours croisées avec « sous-groupe d’auditeurs avec barème ») ont un coefficient positif. On remarquera d’ailleurs que, de ce point de vue, on retrouve les observations faites supra à propos de l’analyse économétrique des 96 variances totales observées (cf. tableau 3.27, spécification n°3) et notamment l’importance particulière des modalités « Propositions 100-300 » et « Revenus 1 900-1 000 » que nous avions mise en lumière sur la base des calculs rassemblés au tableau 3.28 supra.

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CONCLUSION DE LA SOUS-PARTIE 3.1

Dans cette sous-partie 3.1., nous avons mené une analyse, de l’effet du recours potentiel à la table de référence de fixation de la CEEE du ministère de la Justice, à partir de données issues d’un protocole expérimental qui consistait à comparer des montants de CEEE, pour un ensemble de 48 cas types (affaires simplifiées caractérisées à partir des quatre critères croisés systématiquement : taille de la fratrie, type de DVH, couples de revenus parentaux, couples de propositions), fixés par deux sous-groupes d’auditeurs de l’ENM, l’un ayant la possibilité de se référer à la table, l’autre n’ayant pas cette opportunité. Quels enseignements retenir au terme de cette longue analyse, du point de vue de notre principale question de recherche à savoir : dans quelle mesure le recours potentiel à la table de référence modifie l’hétérogénéité des décisions ?

Tout d’abord, nos analyses descriptives, qu’il s’agisse de l’analyse du niveau des montants de CEEE ou qu’il s’agisse de la variance des montants de CEEE, nous ont montré que l’expérimentation avait produit des situations très diversifiées. Selon les cas types, les effets du recours potentiel à la table de référence, sur les moyennes comme sur les variances, sont d’ampleur différente et, surtout, de signe différent (la moyenne comme la variance en cas de recours potentiel à la table de référence peut être supérieure ou inférieure à ce qu’elle est en cas d’impossibilité de recourir à cette table).

Pour autant, en moyenne c’est-à-dire pour les 48 cas types pris en compte simultanément, l’hypothèse centrale selon laquelle le recours à un barème devrait réduire l’hétérogénéité des décisions est confirmée, puisque nous avons montré que la variance intra-groupe était plus faible lorsque les auditeurs avaient l’opportunité de recourir à la table de référence. Ce résultat constitue sans doute l’enseignement majeur de cette expérimentation.

Il n’en demeure pas moins que le fait d’avoir observé quelques cas types pour lesquels cette hypothèse n’était pas validée a constitué une surprise notable, et ceci constitue le deuxième enseignement déterminant de notre recherche : l’effet d’homogénéisation du barème n’est pas systématique.

Il faut en effet reconnaître que lorsque nous avons rédigé ce projet de recherche, nous n’avions pas imaginé que cela puisse se produire, car nous pensions que notre hypothèse avait toutes les chances d’être confirmée quel que soit le cas type et que la question de recherche serait seulement de chercher à comprendre pourquoi la réduction de l’hétérogénéité était plus ou moins élevée selon tel ou tel cas type. Du fait de cette surprise, notre programme d’analyses a dû être réorienté car, en plus de l’ampleur de la réduction, devenait assez centrale la compréhension du signe des différences de variance selon les deux sous-groupes d’auditeurs : pourquoi, dans certains cas (lesquels ?), la variance s’accroit lorsque le recours à la table de référence est possible ?

Pour répondre à ces interrogations, nous avons, dans un premier temps, pu montrer que, pour l’essentiel, les caractéristiques individuelles des auditeurs n’étaient pas en cause dans la détermination des niveaux de variance observés et qu’il n’y avait pas d’auditeur dont des décisions très particulières auraient été la cause majeure de l’hétérogénéité. Nous avons également montré qu’il existait un effet (difficile à interpréter) associé au numéro de lot (chaque lot se distinguant des autres par l’ordre des cas types dans le protocole expérimental) : les auditeurs du sous-groupe « sans barème » ayant traité le lot n°3 ont

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significativement fixé des montants de CEEE plus faibles. Faute de trouver une logique pour expliquer cette observation, nous avons donc mené nos estimations économétriques en tenant compte de cet effet en tant que facteur contextuel. Conséquemment, le second temps de l’analyse s’est focalisé exclusivement sur les critères constitutifs des cas types comme facteurs explicatifs principaux des phénomènes observés.

Certes nous aurions pu nous en tenir à un commentaire fastidieux listant les 48 cas types (et leurs critères) selon le niveau de différence de variance entre les deux sous-groupes d’auditeurs, mais un tel descriptif aurait été peu informatif car beaucoup trop touffu. Nous avons donc plutôt recherché des éléments de synthèse permettant de déterminer quel(s) critère(s) contribuai(en)t le plus à ces différences d’hétérogénéité selon les sous-groupes. Il faut reconnaître que l’exercice a été complexe et que les conclusions ne sont pas clairement saillantes. Quoi qu’il en soit, présentons nos principales conclusions.

Premièrement, nous sommes en mesure d’identifier les critères associés significativement, toutes choses égales d’ailleurs, au niveau d’hétérogénéité des décisions. En nous en tenant aux résultats convergents entre une approche absolue (variance) et une approche relative (coefficient de variation), nous pouvons dire (en plus du fait que le barème réduit l’hétérogénéité à critères donnés) que le facteur d’hétérogénéité principal (parce que concordant selon les deux approches) est le couple de propositions (et non pas la taille de la fratrie, le type de DVH ou le couple de revenus130) : comparativement à une situation de référence caractérisée par un couple de propositions assez « standard et consensuel » (140 – 200), les décisions prises pour des couples de propositions plus inégaux (0 – 150 ; 100 – 300) sont plus hétérogènes. Nous pouvons donc voir par ces résultats fragiles qu’il est difficile de produire, de ce point de vue, une conclusion forte, puisque le plus souvent il y a divergence selon que l’on adopte une vision absolue ou une vision relative de la mesure de l’hétérogénéité.

Deuxièmement, nous avons tenté d’identifier les critères associés significativement à l’effet du barème. L’idée est donc de tester si tel ou tel critère est plus déterminant dans la différence de variance (ou de coefficient de variation) entre les deux sous-groupes d’auditeurs, en d’autres termes est-ce que le barème a un effet d’homogénéisation des décisions plus fort (faible) lorsqu’il s’agit de traiter des cas types ayant tel ou tel critère ? Analyser cette question de manière descriptive en étudiant successivement chacun des critères est de peu d’utilité, car en étudiant tous les cas types concernés par un critère donné amène à mesurer une hétérogénéité pour des cas types fort différents (du point de vue des autres critères), le recours à l’économétrie, qui mesure des effets toutes choses égales d’ailleurs, s’impose donc. A cet égard, nous avons pu montrer deux résultats identiques dans l’approche relative et dans l’approche absolue : le barème produit un effet d’homogénéisation des décisions significatif lorsqu’il s’agit de traiter des cas types avec DVH « réduit » ; le barème produit un effet d’accroissement de l’hétérogénéité des décisions

130 Les décisions relatives aux cas types avec DVH « réduit » sont significativement plus hétérogènes que les décisions avec DVH « classique » en termes de variance mais pas en termes de coefficient de variation. Les décisions relatives aux cas types pour une fratrie de deux enfants sont significativement moins hétérogènes que les décisions pour une fratrie de un enfant en termes de variance mais pas en termes de coefficient de variation. Comparativement à une situation de référence caractérisée par un couple de revenus parentaux moyens et proches (1 600 – 1 500), les décisions portant sur cas types avec un couple de revenus parentaux plus inégal et en faveur de l’homme (1 900 – 1 000) sont significativement plus hétérogènes en termes de variance mais pas en termes de coefficient de variation et, les décisions portant sur cas types avec un couple de revenus parentaux plus inégal et en faveur de la femme (1 100 – 2 500) sont significativement plus hétérogènes en termes de coefficient de variation mais pas en termes de variance.

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significatif lorsqu’il s’agit de traiter des cas types avec un couple de revenus parentaux inégaux au profit du père (1 900 – 1 000). A ces deux effets, s’ajoute un effet observé uniquement en termes de différence de variances (et non en termes de différence de coefficients de variation) : le barème produit un effet d’homogénéisation des décisions significatif lorsqu’il s’agit de traiter des cas types avec un couple de propositions non consensuel de type « 100 – 300 ». Ces maigres conclusions montrent à nouveau qu’il est difficile d’associer des caractéristiques d’affaires (critères de cas types) à l’ampleur de la différence d’hétérogénéité selon les deux sous-groupes d’auditeurs.

Troisièmement, nous avons mené des analyses pour explorer ce que nous avons dénommé l’effet de la règle de procédure ultra/infra petita. Il s’agit de prendre en considération le fait que, en construisant nos cas types, nous avons introduit, du fait du croisement systématique des couples de revenus et des couples de propositions, des situations où les propositions sont assez « déconnectées » du revenu du parent débiteur : une offre élevée au regard du revenu du parent débiteur, avec comme conséquence une valeur suggérée par le barème inférieure à cette offre ; une demande faible au regard du revenu du parent débiteur, avec comme conséquence une valeur suggérée par le barème supérieure à cette demande. D’où la question suivante : est-ce que le fait que la valeur suggérée par le barème se situe hors de l’intervalle des propositions produit un effet incitatif à la baisse (cas d’une offre « trop » élevée) ou à la hausse (cas d’une demande « trop » basse) ? A cet égard, nous avons d’abord pu montrer de manière descriptive que dans des proportions non négligeables les auditeurs fixaient des montants hors de l’intervalle des propositions lorsque justement la valeur suggérée par le barème si situait hors de cet intervalle (sans doute en partie par méconnaissance de la règle de procédure ultra/infra petita, ou par oubli de l’appliquer). Ensuite, nous avons montré économétriquement que cet effet d’incitation était significatif statistiquement lorsque l’on étudie les montants de CEEE : face à une situation d’offre excessive (au sens où nous l’avons définie supra), les montants fixés sont plus faibles toutes choses égales par ailleurs et, face à une situation de demande « insuffisante », les montants fixés sont plus élevés ceteris paribus. Même si l’effet est certainement exagéré par le fait qu’il s’agit de décisions d’auditeurs de l’ENM en situation expérimentale et non pas de décisions réelles de magistrats en activité (qui sont très attachés à la règle de procédure ultra/infra petita), l’expérimentation montre donc la potentialité du recours à un barème comme outil incitatif. Et du point de vue de la question de l’homogénéité des décisions, l’observation de cet effet incitatif nous invite à poser l’hypothèse selon laquelle, face à ces deux types de situations particulières, il est probable que l’hétérogénéité des décisions soient plus élevée lorsque les décideurs ont la possibilité de recourir à la table de référence que lorsqu’il ne l’ont pas ; l’hétérogénéité plus grande viendrait en effet du fait que certains auditeurs s’en tiendraient à l’intervalle des propositions (le barème incitant alors à une fixation proche de – ou égale à – la borne inférieure ou supérieure de l’intervalle selon le cas), alors que d’autres auditeurs se rapprocheraient de la valeur suggérée par le barème, en justifiant leur écart à la règle de procédure par exemple en invoquant l’intérêt supérieur de l’enfant (demande « trop » faible). Si tel est le cas, la coexistence de ces deux types de comportement constitue un facteur d’hétérogénéité des décisions. Nous avons montré économétriquement que cette hypothèse est pleinement confirmée, que ce soit selon une approche absolue ou une approche relative, lorsque l’on identifie ces cas particuliers à l’aide de simples indicatrices. En revanche, lorsque ces cas particuliers sont identifiés plus finement par les combinaisons « couple de revenus – couple de proposition » idoines, on observe que l’effet est

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statistiquement significatif uniquement dans le cas où le barème inciterait à attribuer plus que le montant demandé (montant faible au regard de ce que suggère le barème).

Enfin, et quatrièmement, nous avons testé une dernière hypothèse selon laquelle le recours à la table de référence devrait réduire la variance résiduelle. La variance résiduelle est ce que l’on ne sait pas expliquer à partir des différents facteurs explicatifs pris en compte dans les analyses multifactorielles (les critères constitutifs des cas types, l’appartenance à tel sous-groupe d’auditeurs et donc le recours potentiel au barème ou non, les caractéristiques individuelles des auditeurs, les numéros de lots, les interactions entre ces facteurs). Il s’agit donc de la mesure de notre ignorance qui, d’une certaine manière, est une mesure de l’hétérogénéité non justifiée des décisions. Si cette dernière est plus faible dans les décisions du sous-groupe « avec barème », on peut alors considérer que le barème a contribué à la réduction de l’hétérogénéité non justifiée. Notre analyse descriptive montre que cela est vrai pour une assez large majorité de cas types, mais là encore l’hypothèse demeure infirmée pour quelques cas types, ce qui n’autorise donc pas de conclusion tranchée. Si l’on cherche alors à identifier les critères constitutifs des cas types significativement associés à la différence de variance résiduelle selon le sous-groupe d’auditeurs, on retrouve un certain nombre d’enseignements déjà soulignés supra à propos de l’effet du barème, sur la variance intra-cas type, spécifique à certains critères : le barème réduirait significativement la variance résiduelle (effet d’homogénéisation) lorsque les auditeurs traitent des cas-types avec un couple de propositions non consensuel de type « 100 – 300 » ou des cas types avec un couple de revenus inégaux en faveur de la mère de type « 1 100 – 2 500 »131 et, au contraire, il augmenterait la variance résiduelle lorsque les auditeurs traitent des cas types avec des couples de revenus inégaux au profit du père (1 900 – 1 000 »)132. Cette concordance de résultats (entre l’analyse des différences de variance intra-cas type et l’analyse des différences de variance résiduelle) constitue donc la principale conclusion comme réponse à la question de l’identification éventuelle de critères associés significativement à la réduction ou à l’augmentation de l’homogénéité des décisions du fait du recours potentiel à la table de référence. Il reste à savoir si, peu ou prou, des conclusions similaires peuvent être déduites d’analyses menées selon d’autres approches.

131

Dans l’analyse de l’impact du barème sur la variance intra-cas type, l’effet est également négatif mais n’est pas estimé significatif au seuil de 10%. 132

Pour les autres critères, soit les différentes analyses s’accordent pour dire qu’il n’y a pas d’effet significatif du barème (les critères de taille de la fratrie, de DVH « classique », de propositions « offre non explicité – 150 » ou « 0 – 150 »), soit elles aboutissent au résultat ambigu suivant. Face à un cas type avec DVH « réduit » nous avons monté que le barème avait un effet négatif significatif (au seuil de 10%) sur les variances intra-cas type, mais il a un effet positif et significatif (au seuil de 5%) sur la variance résiduelle.

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3.2. L’ANALYSE EX-POST DU RECOURS A UN BAREME EN MATIERE DE FIXATION DE CEEE A PARTIR DE DECISIONS DE JUSTICE

Comme nous le mentionnions en introduction de la partie 3, notre posture épistémologique générale est de vouloir soumettre notre question de recherche au test de méthodologies différentes, avec l’espoir d’une convergence des résultats qui permette alors d’avancer des conclusions plus robustes que ne l’autoriserait une approche mono-méthodologique, mais aussi avec le risque d’une divergence des résultats qui amènerait alors à devoir fortement nuancer les conclusions, voire à renoncer à en formuler.

Après avoir donc développé une première méthodologie à partir de données expérimentales, cette deuxième sous-partie va se consacrer à analyser cette fois-ci des données réelles issues, et représentatives, des tribunaux français. Le champ est toujours celui des décisions en matière de fixation des CEEE. La question centrale de recherche est toujours la même : dans quelle mesure le recours à un barème modifie-t-il l’hétérogénéité (la variance) des décisions ?

Travaillant désormais sur des décisions prises par des juges en situation réelle et compte tenu du fait que le support écrit de ces décisions ne mentionne pas (ou extrêmement rarement) si le juge ou les parties ont eu recours à la table de référence du Ministère de la Justice (ou à un autre barème ad hoc non officiel), il est nécessaire de recourir à une autre procédure comparative que celle, très simple, qui aurait consisté (dans l’idéal) à comparer les décisions selon que le juge indique qu’il a ou n’a pas utilisé la table de référence. Cette autre procédure repose sur la comparaison temporelle. L’idée en est assez simple : la table de référence de fixation de la CEEE ayant été diffusée largement dans les tribunaux français à compter de 2010 (et mise à jour depuis) nous proposons de comparer des décisions prises avant cette date à des décisions prises après cette date. L’hypothèse qui est donc testée est la suivante : la variance des décisions après 2010 est inférieure à la variance des décisions avant 2010. Si cette hypothèse est confirmée, la réduction de l’hétérogénéité pourra être attribuée, au moins en partie, à l’introduction en 2010 de la table de référence.

Il faut, sans plus attendre, souligner que ce protocole comparatif est bien sûr sujet à d’importantes limites (tout comme nous avons souligné les limites de la comparaison des données expérimentales, d’où notre posture pluri-méthodes). La principale critique est que dans les changements intervenus entre les deux dates d’observation, probablement d’autres facteurs de changement que la mise en œuvre de la table de référence sont intervenus. Or, il ne nous sera pas vraiment possible de faire la part entre les effets des différents facteurs. A priori, si l’on observe, selon l’hypothèse standard relative à l’effet des barèmes, une réduction de la variance entre les deux dates, il sera possible de dire qu’il y a de fortes chances que le barème a contribué à cette réduction. Si l’on n’observe aucun changement notable, on pourra en conclure que, au total, l’impact éventuel du barème aura été soit faible soit contrebalancé par d’autres facteurs de changement. Enfin, si notre hypothèse est infirmée (augmentation de la variance), il sera plus difficile de départager notre propos analytique entre une conclusion soulignant un effet opposé à l’hypothèse standard et une conclusion mettant en avant des mécanismes (supposés) opposant effets des facteurs divers dans un sens et effet du barème dans l’autre sens. Pour autant, il nous semble que, malgré cette importante limite, l’enjeu de la comparaison est suffisant pour mener ainsi l’analyse car ce faisant, la méthode apportera une sorte d’évaluation de la mise en place de la table

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de référence. En effet, si l’objectif en termes de réduction de la variance ne s’observe pas, quand bien même cela serait dû à d’autres facteurs, on pourra en conclure que l’initiative de proposer une table de référence indicative n’a pas atteint cet objectif, ce qui méritera alors de tenter de poser la question de savoir pourquoi. Il est possible que l’analyse qualitative, que nous développerons à la sous-partie 3.3., nous apporte certaines réponses.

Par autres facteurs de changement entre les deux dates, il faut inclure en particulier le fait que les affaires qui viennent devant les tribunaux pour une fixation de CEEE peuvent être structurellement différentes d’une période d’observation à l’autre. Par exemple, si les affaires sont plus conflictuelles après 2010 et que le conflit est source de décisions plus hétérogènes, quand bien même le barème ait produit un effet d’homogénéisation des décisions, il est possible que l’on observe une augmentation de la variance des décisions, attribuable à l’accroissement du niveau de conflit, facteur que nous ne saurons pas contrôler. C’est l’une des différences méthodologiques majeures avec l’approche expérimentale : dans l’expérimentation, le plan d’expérimentation assure, par construction, que ce sont bien les mêmes affaires qui sont comparées entre les deux sous-groupes d’auditeurs. Le deuxième type de facteurs de changement est l’environnement général socio-économique : entre les deux dates, la situation économique des familles a pu changer, leur rapport au droit a pu évoluer, la conception que l’on se fait du divorce également, etc. D’une certaine manière cette évolution historique (courte) peut donc se cristalliser dans le fait que les affaires sont, objectivement ou subjectivement, différentes d’une période à l’autre ; en ce sens notre propos rejoint celui relatif au premier type de facteurs. Le troisième type de facteurs de changement non identifiable est le fait que, entre les deux dates, ce ne sont pas les mêmes juges (au moins pour partie) qui ont pris les décisions, la source de variation de l’hétérogénéité peut donc être due à ce changement d’acteurs. Or, nous ne savons pas identifier nominativement qui a pris les décisions133. Si l’on fait un parallèle avec la méthode expérimentale que nous avons développé supra, on peut considérer que cette non-unicité des décideurs était déjà présente avec la méthode expérimentale (puisque nous avons soumis notre jeu de cas types à deux sous-groupes différents). Nous avions déjà souligné (et justifié) que cela constituait une limite, mais cette limite a été partiellement confinée dans la mesure où, à l’aide de quelques caractéristiques individuelles des auditeurs, nous avons pu pondérer l’échantillon pour faire correspondre parfaitement la distribution statistique des deux sous-groupes134. Or, dans nos données de terrain, nous n’avons aucune caractéristique individuelle des juges (hormis le genre), il ne sera donc pas possible d’appliquer le même type de contrôle de structure par pondération.

Après avoir clairement souligné les limites de notre entreprise, précisons que cette sous-partie sera divisée en deux sections. La première section (3.2.1.) repose sur l’analyse de décisions de justice issues de cours d’appel (CA). La seconde section (3.2.2.) traite des décisions de Tribunaux de Grande Instance (TGI). Comme nous l’expliquerons dans le corps du développement, l’analyse menée en première section, du fait de la qualité des données collectée en CA, est plus pertinente que celle menée en seconde section (TGI). L’analyse de la première section sera donc plus approfondie. Pour autant, il nous a semblé utile de maintenir, autant que possible, des analyses aux deux niveaux de juridiction parce que l’on

133

Bien que les arrêts dont nous disposons comportent des éléments nominatifs, par éthique scientifique les noms des juges n’ont pas été saisis dans les bases de données, ce pour s’assurer que le support numérique soit totalement anonyme. 134

Mais, sauf à considérer que les caractéristiques inobservées sont corrélées aux caractéristiques observées, on ne peut affirmer que les deux sous-groupes étaient parfaitement identiques.

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peut supposer que le recours à la table de référence a des effets différents selon que les affaires sont contentieuses (en appel) ou plus consensuelles (en première instance).

3.2.1. ANALYSES DE DECISIONS DE COURS D’APPEL

Cette section sera divisée en trois paragraphes. Le premier paragraphe (A) présente les aspects méthodologiques communs à l’ensemble de la section 3.2.1., en particulier nous présentons les sources de données sur lesquelles nous travaillons. Le deuxième paragraphe (B) propose des analyses au plus proche des analyses menées sur données expérimentales, à des fins naturellement de comparaison. Le troisième paragraphe (C) au contraire s’écarte des outils mis en œuvre dans la sous-partie 3.1., pour bénéficier pleinement de la richesse des bases de données collectées et pour pouvoir élargir l’analyse au-delà des quelques cas types choisis pour l’approche expérimentale.

A. Méthodologie

Ce projet de recherche bénéficie d’une très belle opportunité analytique du fait de la constitution d’un corpus de décisions de justice relatives à la fixation d’une CEEE dont le contenu informationnel est strictement identique pour deux dates d’observation. Cela constitue assurément une base de données unique en France. Dans un premier sous-paragraphe (1), nous présentons la constitution de ce corpus. Dans un second paragraphe (2), nous présentons comment, à partir de ce corpus, nous avons sélectionné des affaires pour nous placer au plus proche de l’analyse menée sur les données expérimentales à des fins comparatives.

1. Les bases de données de décisions de cours d’appel

Deux bases de données sont donc réunies pour mener à bien nos analyses. La première est un ensemble de décisions de cours d’appel portant notamment sur la fixation de la CEEE prises principalement durant l’année 2008, et plus marginalement au cours des années 2007 (6% des affaires) et 2009 (26% des affaires), soit avant 2010, date de la première diffusion de la table de référence de fixation de la CEEE du ministère de la Justice. La seconde base de données est constituée de décisions portant sur le même objet prises en 2016, soit six ans après la diffusion de la table de référence, une période suffisamment longue pour penser que l’existence de cette table de référence indicative soit connue des juges et des parties (par l’intermédiaire de leurs avocats notamment).

a) La base de données « CA-2008 »

La première base de données a été constituée dans le cadre d’un précédent contrat de recherche effectué pour le compte de la Mission de recherche Droit et Justice et de la Caisse nationale des allocations familiales135. Cette base de données contient les informations relatives à 1 999 affaires (3 605 décisions individuelles relatives à la fixation d’une CEEE, une même affaire pouvant concerner plusieurs enfants d’une même union).

135

BOURREAU-DUBOIS Cécile, SAYN Isabelle, JEANDIDIER Bruno, DE JONG Nathalie, MOREAU Caroline, MUNOZ-PEREZ Brigitte (2010), « Evaluation de la mise en place d’une table de référence pour le calcul de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants », Rapport de recherche réalisé pour le compte du GIP Mission de recherche Droit et justice et de la Caisse nationale des allocations familiales, 174 pages.

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La base de données est issue de JURICA, base jurisprudentielle exhaustive des arrêts (affaires au civil) des cours d’Appel constituée par la Cour de cassation. Pour sélectionner les affaires dans JURICA, il a été procédé à une recherche à partir des mots clés « enfants », « pension alimentaire ou contribution », « juge aux affaires familiales » et « revenu », recherche qui nous a mené à un stock de 20 757 décisions. Nous avons alors procédé au tirage aléatoire de 3 000 dossiers avec pour perspective de n’en retenir au final qu’un échantillon de 2 000, d’une part, après avoir écarté certains dossiers au motif qu’ils étaient hors champ (pas de fixation de CEEE, sachant que fixer une CEEE à zéro euro est considéré comme une fixation) et, d’autre part, après s’être assurés que l’échantillon soit représentatif en proportion des arrêts pris dans les différentes juridictions d’appel françaises (en nous calant sur les statistiques produites par le Répertoire général civil).

A partir de ces 2 000136 décisions au format PDF, tout un travail de lecture, analyse et saisie d’informations a été réalisé par une équipe de vacataires formés pour l’exercice. Cette saisie a été réalisée dans un masque de saisie permettant de collecter les informations de manière systématique et codée strictement. Ce masque de saisie est organisé en plusieurs blocs.

- Un bloc identifiant l’affaire : numéro d’identification, cour d’appel, date de l’arrêt, formation ayant rendu la décision, structure (par genre) du collège, nature de la décision, identification de l’appelant, décision attaquée, chef de la décision attaquée, date de la décision attaquée, TGI de la décision attaquée, enquête sociale, expertise, audition du ou des enfant(s).

- Un bloc identifiant le père : année de naissance, commune de résidence, aide juridictionnelle, présence d’un avocat, situation de vie en couple, revenus (globaux, d’activité, du capital, de remplacement, de minima sociaux, de prestations sociales), élément d’appréciation du juge quant à la qualité de l’information en matière de revenus, types de charges évoquées (en 11 catégories).

- Un bloc identifiant la mère : même type d’informations que pour le père.

- Un bloc identifiant la fratrie : nombre d’enfants selon qu’ils sont ou non à charge, issus du couple ou non.

- Un bloc (répétitif selon le nombre d’enfants) identifiant chacun des enfants : année de naissance, sexe, lieu de résidence décidé en première instance, lieu de résidence demandé en appel par les deux parties, lieu de résidence décidé en appel, temps de résidence décidé en première instance, temps de résidence demandé en appel par les deux parties, temps de résidence décidé en appel, arguments avancés par le juge pour justifier un changement par rapport à la première instance, montant, nature (espèces ou en nature) et identité du débiteur de la CEEE décidés en première instance, offre et demande proposées par les parties en appel, montant, nature (espèces ou en nature) et identité du débiteur de la CEEE décidé en appel, motifs avancés par le juge pour justifier d’une modification par rapport à la première instance.

136

In fine, les analyses portent sur un échantillon de 1 999 affaires du fait d’un malencontreux doublon détecté bien après la phase de saisie.

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- Un bloc d’informations qualitatives : le juge fait-il mention de comportements particuliers de la part des parents en matière éducative (manquements, grande attention) ?

Au total, ce ne sont pas moins de 151 variables qui ont ainsi été saisies (dont 62, relatives aux enfants, qui doivent être multipliées par le nombre d’enfants de la fratrie). Toute cette information a ensuite fait l’objet de nombreux tests de cohérence, pour tenter de détecter les erreurs de saisie ou d’interprétation ; s’en est suivi un long et fastidieux travail de corrections effectué par l’ingénieur d’études du laboratoire.

Pour ne pas alourdir inutilement le présent rapport, nous ne reproduisons pas ce masque de saisie, mais le lecteur pourra trouver en annexe 3.G le masque de saisie relatif à la seconde base de données. Et, comme nous allons le préciser infra, dans la mesure où la seconde base de données a été constituée à l’identique de la première, cette annexe méthodologique vaut pour les deux bases de données.

b) La base de données « CA-2016 »

La seconde base de données d’arrêts de cours d’appel a été constituée spécifiquement pour le présent projet. Sa présentation sera brève car ce qui nous a animé dans cette opération fût de reproduire, autant que possible, à l’identique la procédure mise en œuvre en 2007. La source est donc identique, JURICA, mais porte exclusivement sur l’année 2016. Le mode de sélection s’est fait à l’aide des mêmes mots-clés « enfants », « pension alimentaire ou contribution », « juge aux affaires familiales » et « revenu », ce qui nous a permis de sélectionner 12 950 arrêts, à partir desquels un échantillon aléatoire d’un peu plus de 3 000 arrêts a été prélevé. Tout comme dans la précédente procédure, les affaires hors champ (sans fixation de CEEE) ont été écartées (34%) et l’on s’est assuré de la représentativité au regard de la structure par cour d’appel, avec comme perspective d’atteindre approximativement une taille d’échantillon d’arrêts saisis égale à 2 000. Au total, la base de données est finalement constituée de 2 053 affaires (3 705 décisions de CEEE).

Après trois demies-journées de formation, une équipe de quatre vacataires (étudiants en master ou en doctorat de sciences juridiques), embauchés à temps partiel, s’est relayée pour effectuer la lecture, l’analyse et la saisie dans le masque de saisie que nous avons présenté au paragraphe précédent137. Cette saisie a débuté à la mi-juillet 2017138 et s’est terminée fin février 2018, soit un total de 1 154 heures de travail de saisie. Le printemps 2018 a été consacré à l’apurement de la base de données. Ce n’est qu’au terme de ce long processus de fabrication que les analyses ont pu commencer, en mai 2018, soit neuf mois avant le terme (révisé) du contrat de recherche avec la Mission de recherche Droit et Justice

.

137

Les seules différences entre les deux masques de saisie, et donc conséquemment dans les deux bases de données, sont les suivantes : l’information sur la nature de la CEEE (en nature ou en espèces) et l’information sur les demandes des parties exprimées en appel en matière de lieu et de temps d’hébergement des enfants n’existant pas dans la base « CA-2008 », elles ont été ajoutées car l’expérience, à l’occasion d’autres travaux de recherche, nous a montré que ces informations peuvent être très utiles. Pour la base « CA-2016 », le lieu de résidence est identifié à partir du code postal, alors que dans la base « CA-2008 » seul le numéro de département avait été saisi. Une information supplémentaire a été ajoutée à la saisie de la base « CA-2016 » : le fait que le juge mentionne la table de référence. 138

Une date un peu tardive par rapport au timing de la recherche, mais qui se justifie par un retard pris, par le service des affaires juridiques de l’Université de Lorraine, lors de la signature, avec la Cour de cassation, de la convention de mise à disposition des arrêts.

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2. Les cas types construits selon quatre critères

Les analyses que nous allons mener au paragraphe B ci-dessous se donnent comme objectif de produire des résultats comparables avec ceux que nous avons obtenus à partir des données expérimentales à la sous-partie 3.1. Pour autant, la comparaison n’est techniquement pas pleinement possible, comme nous allons l’expliquer avant de proposer une méthodologie tirant au mieux parti des données de cour d’appel collectées.

La méthode expérimentale reposait sur la soumission aux 310 auditeurs de 48 cas types. Pour chaque cas type nous avions donc respectivement 150 et 160 décisions selon le sous-groupe d’auditeurs, soit deux ensembles de décisions que l’on pouvait alors comparer tant du point de vue de leur moyenne que de leur variance. Si l’on voulait reprendre strictement ces cas types, tout au plus trouverions-nous dans nos bases de données réelles une ou deux affaires correspondant exactement à la définition d’un cas type particulier, définition qui, rappelons-le, est constituée à partir de quatre critères : le type de DVH, la taille de la fratrie, le couple de revenus et le couple de propositions (les trois premiers étant les paramètres de la table de référence du Ministère de la Justice). Aucune analyse statistique ne pourrait alors être entreprise sur si peu d’effectifs.

Ce qui fait que les affaires correspondant strictement à un cas type sont rares c’est, d’une part, le croisement de quatre paramètres (en fait sept, car deux critères sont des couples d’information et car un critère d’exclusion a été retenu dans la définition des cas types : le fait que c’est la mère qui héberge à titre principal l’enfant) et, d’autre part, des modalités de critères très précises (par exemple, un montant de revenu choisi à l’euro près). La méthodologie que nous allons mettre en œuvre consiste donc à relâcher ces deux contraintes. D’une part, nous ne procéderons pas par croisement de critères (sauf lorsque les effectifs nous le permettront) mais nous étudierons les décisions critère par critère, indépendamment des autres (cf. pour exemple, supra à la sous-partie 3.1., les analyses menées au tableau 3.9). D’autre part, nous adopterons une définition des modalités plus extensive, tout en conservant l’esprit dans lequel le choix des critères de cas types a été effectué pour l’expérimentation. Envisageons donc successivement l’analyse de dénombrement, à partir des deux bases de données, des quatre critères.

Trois considérations générales doivent tout d’abord être prises en compte. Premièrement, nous excluons naturellement les quelques rares affaires où le montant de la CEEE n’est pas renseigné139. Deuxièmement, pour coller au plus près des données expérimentales, nous excluons les affaires où le père n’est pas le débiteur, car on peut penser que le fait que ce soit le père ou la mère qui est débiteur peut en soi être une source d’hétérogénéité140. Troisièmement, nous retenons un seul enfant par affaire, tiré au sort au sein de la fratrie, et non pas l’ensemble des enfants. Cette restriction est faite pour ne pas réduire un peu artificiellement les variances que nous allons calculer. En effet, dans la mesure où très souvent tous les enfants d’une même fratrie de plus d’un enfant se voient attribuer la même CEEE, au total une bonne part de la (faible) variance est due à cette égalité au sein des fratries. Prises en compte simultanément, ces trois considérations nous amènent à travailler sur un échantillon, respectivement pour la base « CA-2008 » et la base

139

18 enfants sont concernés dans la base « CA-2008 » et 7 enfants dans la base « CA-2016 ». 140

De ce fait, 399 enfants sont exclus dans la base « CA-2008 » et 531 enfants dans la base « CA-2016 » (dont 12 enfants pour lesquels il est difficile de déterminer qui est le débiteur potentiel, et 5 enfants pour lesquels les deux parents sont débiteurs : ils versent tous les deux une CEEE à leur enfant majeur, à charge, mais vivant dans un logement indépendant).

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« CA-2106 », de 1 753 (sur 1 999 au total) et 1 736 affaires (sur 2053 au total), avant prise en compte d’éventuelles données manquantes pour tel ou tel critère.

Concernant le premier de nos quatre critères, à savoir la taille de la fratrie, le tableau 3.41 ci-dessous nous indique que, du point de vue des effectifs, nous pouvons sans difficulté retenir les mêmes modalités que dans l’expérimentation, à savoir un enfant et deux enfants.

Concernant le deuxième critère, à savoir le type de type de DVH, le tableau 3.42, nous indique, d’une part, qu’il faudra compter avec quelques données manquantes (observations de ce fait exclues) dans la base de données « CA-2016 » et, d’autre part, que les effectifs par modalités retenues (« DVH « réduit » et DVH « classique ») sont suffisants pour mener des analyses selon ce critère. Par ailleurs le tableau 3.43 nous montre qu’il est possible de croiser les deux premiers critères tout en gardant des effectifs acceptables dans chacune des cellules.

Tableau 3.41 : structure selon la taille de l’échantillon Base « CA-2008 » Base « CA-2016 »

Un enfant Deux enfants Trois enfants Quatre enfants Cinq enfants Six enfants Sept enfants Huit enfants Neuf enfants

749 664 265 60 12 3 0 0 0

42,7% 37,9% 15,1% 3,4% 0,7% 0,2%

760 672 220 56 16 9 2 0 1

43,8% 38,7% 12,7% 3,2% 0,9% 0,5% 0,1% 0,1%

Ensemble 1 753 100% 1 736 100% Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA.

Tableau 3.42 : structure selon de type de Droit de Visite et d’Hébergement (DVH) Base « CA-2008 » Base « CA-2016 »

Enfant majeur (sans DVH) DVH « alternance » DVH « réduit » DVH « classique » Donnée manquante

351 78 221 1103 0

20,0% 4,5%

12,6% 62,9%

330 154 418 758 76

19,0% 8,9% 24,1% 43,7% 4,4%

Ensemble 1 753 100% 1 736 100% Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA.

Tableau 3.43 : effectifs selon les modalités retenues pour les critères de taille de fratrie et de DVH

Base « CA-2008 » Base « CA-2016 »

1 enfant 2 enfants 1 enfant 2 enfants

DVH « réduit » DVH « classique »

98 465

86 426

220 323

129 303

Ensemble 1 753 100% 1 736 100% Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA.

Le troisième critère est plus délicat puisqu’il croise deux informations : le montant de revenus de la mère et celui du père. Rappelons qu’il s’agit des revenus tels qu’ils sont déclarés par les parties et consignés dans les arrêts ; soit ils sont déclarés globalement, soit

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186

par catégories (revenu d’activité, revenu du capital, revenu de remplacement, revenu de minimum social, revenu de prestations sociales) que nous agrégeons.

Pour ce critère, nous avons tout d’abord inflaté les montants de la base « CA-2008 » pour les exprimer en valeur 2016 afin qu’ils puissent être comparés avec ceux de la base « CA-2016 ». Pour ce faire, nous avons appliqué un coefficient d’inflation issu de l’indice de prix à la consommation produit par l’INSEE (moyenne annuelle de l’indice mensuel)141. Ensuite, pour déterminer des modalités proches de celles retenues dans les cas types expérimentaux, nous avons cherché à conserver l’idée sous-jacente à chacune des modalités retenues pour les cas types expérimentaux. Le tableau 3.44 résume ces choix. Pour l’expérimentation, ce sont des montants uniques qui ont été choisis (selon des critères expliqués supra à la sous-partie 3.1.) ; pour les présentes analyses, nous avons retenu des classes de revenus pour tenter d’atteindre des effectifs suffisants.

Tableau 3.44 : correspondance entre les modalités de couples de revenus des cas types lors de l’expérimentation et celles pour l’analyse des bases de données de CA

Définition littéraire des modalités Expérimentation Bases de données CA

R1 : deux revenus moyens proches Père : 1 600 Mère : 1 500

Père : [1 400 – 1 750] Mère : [1 200 – 1 750]

R2 : revenu moyen élevé pour le père et revenu faible pour la mère

Père : 1 900 Mère : 1 000

Père : [1 750 – 2 500] Mère : [700 – 1 200]

R3 : revenu faible pour le père et revenu moyennement élevé pour la mère

Père : 1 100 Mère : 2 500

Père : [700 – 1 400] Mère : [2 000 – 3 000]

Les variables de revenu sont celles qui sont les moins bien renseignées dans les arrêts, il faut donc exclure les affaires où cette information est manquante : dans l’échantillon retenu dans la base « CA-2008 » le revenu de la mère est absent dans 167 dossiers et celui du père dans 209 dossiers, soit, par croisement de ces deux variables, l’exclusion de 300 affaires. Dans la base « CA-2016 » les effectifs concernés sont respectivement : 376, 372 et 571. Le tableau 3.45 (hors valeurs manquantes) montre que malgré des tranches de revenus suffisamment étendues, le fait que nous devions croiser deux informations amène à des effectifs restreints (sans croisement les effectifs se comptent par centaines), voire insuffisants142 dans certains cas.

Il ne serait cependant pas raisonnable d’élargir les tranches pour accroître les effectifs, car l’idée est de constituer des groupes d’affaires relativement similaires afin que la notion d’hétérogénéité des décisions ne soit pas mise trop à mal.

141

Coefficients d’inflation : 1,104 (2007) ; 1,074 (2008) ; 1,078 (2009). 142

Les tests statistiques utilisés dans nos travaux reposent sur des hypothèses dont la confirmation requiert un échantillon de taille substantielle afin que, si l’effet à mesurer ne concerne qu’une faible fraction de celui-ci, le nombre de cas concernés par cet effet ne soit pas infime (surtout si on craint que l’effet ne soit pas de grande ampleur et soit d’importance très variable selon les cas). En effet, plus petits sont les échantillons, plus on risque, par manque d’information, de conclure à l’absence d’effet alors qu’il en existe un. Et s’agissant du test de Student, que nous utilisons ici, il suppose que les données suivent une distribution normale. Or, en cas d’échantillon de taille inférieure à trente observations, on ne peut plus se reposer sur le théorème central limite, théorème qui nous dit que la distribution de l’échantillonnage tend à suivre la loi normale lorsque la taille excède trente, ce qui permet de se passer alors sans problème majeur d’un test de normalité.

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187

Tableau 3.45 : effectifs croisant des tranches de revenus de père et de mère

Revenus de la mère en euros 2016

Total 0 1-699 700-1199 1200-1749 1750-1999 2000-2999 3000 et +

Bas

e «

CA

-20

08

»

Revenus du père en euros

2016

0 20 2 4 2 1 0 1 30

1-699 29 30 24 13 5 5 2 79

700-1399 85 76 118 72 6 R3 : 22 6 300

1400-1749 37 48 66 R1 : 59 5 13 4 195

1750-2499 36 40 R2 : 83 59 13 25 8 228

2500 et + 57 46 83 89 32 82 45 377

Total 264 240 374 292 61 147 65 1453

Bas

e «

CA

-20

16

»

Revenus du père en euros

2016

0 2 0 1 0 0 1 0 4

1-699 1 2 23 23 12 15 0 75

700-1399 1 24 87 90 25 R3 : 38 10 274

1400-1749 0 12 57 R1 : 69 14 31 5 188

1750-2499 0 19 R2 : 42 82 35 41 14 233

2500 et + 0 30 45 90 45 108 71 389

Total 4 87 254 354 131 233 100 1165 Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA.

Le dernier critère concerne les couples de propositions. Nous procédons comme pour les couples de revenus, en définissant des tranches d’offre et de demande au plus proche des valeurs retenues pour les cas types de l’expérimentation. Le tableau 3.46 explicite ces choix.

Tableau 3.46 : correspondance entre les modalités de couples de propositions des cas types lors de l’expérimentation et celles pour l’analyse des bases de données de CA

Définition littéraire des modalités Expérimentation Bases de données CA

P1 : propositions moyennes et assez proches Père : 140 Mère : 200

Père : [120 – 180] Mère : [180 – 220]

P2 : demande élevée et offre moyenne basse Père : 100 Mère : 300

Père : [60 – 120] Mère : [220 – 400]

P3 : demande moyenne, offre nulle Père : 0

Mère 150 Père : [0 – 0]

Mère : [100 – 180]

P4 : demande moyenne, offre non exprimée Père : ? Mère : 150

Père [?] Mère : [100 – 180]

A nouveau, parce que l’on croise deux informations, nos choix de limites de classes aboutissent à des effectifs assez petits dans certaines configurations (cf. tableau 3.47). Il va donc de soi que les critères de couples de revenus et de couples de propositions ne pourront pas être croisés entre eux ni avec les deux autres critères (taille de la fratrie et type de DVH).

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Tableau 3.47 : effectifs croisant des tranches de propositions de père et de mère Proposition de la mère en euros 2016

Total N. E. 0 1-99 100-179 180-219 220-399 400 et +

Bas

e «

CA

-20

08

»

Proposition du père en euros 2016

N. E. 54 0 3 P4 : 26 17 26 19 145

0 49 57 84 P3 : 191 82 112 63 638

1-59 9 1 27 48 16 10 7 118

60-119 16 1 4 117 68 P2 : 75 22 303

120-179 10 2 0 28 P1 : 46 99 41 226

180 et + 9 0 0 1 14 89 210 323

Total 147 61 118 411 243 411 362 1753

Bas

e «

CA

_20

16

»

Proposition du père en euros 2016

N. E. 11 1 3 P4 : 32 19 21 8 95

0 30 31 90 P3 : 307 98 103 71 730

1-59 8 1 22 55 8 7 2 103

60-119 12 0 7 109 68 P2 : 73 20 289

120-179 7 0 0 23 P1 : 41 115 30 216

180 et + 3 0 0 0 12 76 212 303

Total 71 33 122 526 246 395 343 1736 Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. N. E. : proposition non explicitée.

Après avoir explicité nos choix méthodologiques pour construire des critères au plus près de ceux retenus lors de l’expérimentation et en avoir souligné les limites, nous pouvons procéder à l’analyse des montants de CEEE décidés en cours d’appel lors des deux périodes d’observation.

B. Analyses au plus proche des analyses menées sur données expérimentales

Comme nous l’avons fait à la sous-partie 3.1., nous procédons en deux temps. Dans un premier paragraphe (1), nous étudions les montants moyens de CEEE par cas types en comparant les deux périodes. Dans un second paragraphe (2), nous nous consacrons à l’analyse des variances de montant de CEEE.

1. Le niveau moyen des montants de CEEE a-t-il changé d’une période à l’autre ?

D’une période d’observation à l’autre, sur notre échantillon de décisions de cours d’appel, le montant moyen de CEEE a baissé de 12% et cette baisse est statistiquement significative (tableau 3.48, dernière ligne). Il ne faut cependant pas y attacher une attention excessive dans la mesure où, d’une part, cela peut tenir pour partie au choix de l’indice des prix que nous avons retenu pour exprimer les montants de CA-2008 en valeurs 2016 et, d’autre part, à des effets de structure (par exemple, le revenu moyen du parent débiteur a baissé de 9% ou, autre exemple, la proportion d’enfants avec DVH « réduit » s’est accrue).

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Tableau 3.48 : montants moyens de CEEE selon la période d’observation Base « CA-

2008 » Base « CA-

2016 » Significativité de différence

Un enfant Deux enfants

199 214

180 187

# #

DVH « réduit » DVH « classique »

154 203

146 189

#

Un enfant ; DVH « réduit » Deux enfants ; DVH « réduit »(1) Un enfant ; DVH « classique » Deux enfants ; DVH « classique »

155 175 210 218

143 161 196 194

#

Revenus Père : [1 400 – 1 750] ; Mère : [1 200 – 1 750] Revenus Père : [1 750 – 2 500] ; Mère : [700 – 1 200] Revenus Père : [700 – 1 400] ; Mère : [2 000 – 3 000]

153 184

235@

104 155 72

***

Propositions Père : [120 – 180] ; Mère : [180 – 220] Propositions Père : [60 – 120] ; Mère : [220 – 400] Propositions Père : [0 – 0] ; Mère : [100 – 180] Propositions Père [?] ; Mère : [100 – 180]

169 193 80

115@

167 177 62

104

***

Ensemble 201 176 *** Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Effectifs : cf. tableaux 3.41, 3.42, 3.45 et 3.47. Guide de lecture : *** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; # : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 10%. @ : effectif inférieur à 30 observations. (1) : l’enfant bénéficie d’un DVH « réduit » et vit dans une fratrie de deux enfants (mais le second enfant n’est pas nécessairement en DVH « réduit »). En rouge : différence dont la significativité est confirmée sur données pondérées.

Pour tenter de tenir compte de ces effets de structure et donc pour produire des indicateurs (moyennes et variances) corrigés de ces effets de structure, nous avons construit un facteur de pondération (à l’aide du même outil, CALMAR, utilisé dans la précédente sous-partie) de manière à faire correspondre au mieux les principales structures statistiques des deux échantillons. En l’occurrence nous avons calé l’échantillon 2016 sur les structures de l’échantillon 2008. Ainsi, en appliquant cette pondération il sera possible de dire que, par exemple, la différence de telle moyenne d’une période à l’autre s’entend « à proportion d’enfants en DVH « réduit » identique quelle que soit la période » et donc que la différence de moyenne ne peut pas être attribuée au fait que la structure par type de DVH a changé. La pondération ne corrige cependant pas tous les éventuels effets de structure (car ce serait fastidieux et sans doute techniquement impossible à réaliser), mais s’attache à corriger les effets de structure des principaux paramètres de notre analyse : la taille de la fratrie, le type de DVH, le revenu du débiteur143 et l’identité (père ou mère) du débiteur.

L’annexe 3.H illustre l’impact de cette pondération sur ces variables centrales et quelques autres. Cependant, pour ne pas alourdir inutilement la lecture du compte rendu de nos analyses, nous ne présentons pas systématiquement les résultats non pondérés puis pondérés. Seuls les résultats non pondérés sont présentés144 et lorsque la correction des

143

Malheureusement cette variable est entachée de données manquantes, l’outil de pondération exclut donc les observations où le revenu du débiteur est manquant. La comparaison entre résultats pondérés et résultats non pondérés n’est donc pas stricte, puisque ne reposant pas systématiquement sur le même champ. Si les différences selon les deux approches (pondérée / non pondérée) sont certainement attribuables principalement à la correction de l’effet de structure, on ne peut cependant pas exclure totalement qu’elles soient dues en partie à un changement de champ. 144

Les statistiques pondérées sont disponibles en s’adressant aux auteurs. Dans la très large majorité des cas, la pondération ne modifie les moyennes que marginalement (quelques euros) ; elle modifie parfois plus substantiellement les

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effets de structure par pondération amène à des conclusions divergentes nous le mentionnerons explicitement. Ainsi, sans plus attendre et pour illustrer l’incidence de cette procédure de pondération, il convient de souligner que la baisse des montants moyens de CEEE indiquée supra est en fait deux fois plus faible une fois pris en compte la correction des effets de structure (-6% versus -12%) et n’est pas statistiquement significative.

Comme le montre le tableau 3.48, ce changement de niveau moyen de CEEE n’est pas uniforme selon les sous-groupes définis par les critères constitutifs des cas types. Les seules différences clairement significatives concernent les affaires où les deux parents ont des revenus moyens similaires et celles où le père ne souhaite pas payer de CEEE et la mère demande un montant assez standard.

S’agissant de données réelles et non pas de cas types expérimentaux pour lesquels sont fixés les niveaux d’offre et de demande, il convient de s’intéresser à ces derniers, car on peut penser que, d’une période à l’autre, les parties n’ont pas exprimé leurs propositions de la même manière, notamment parce qu’éventuellement elles ont consulté la table de référence. On observe que le niveau moyen des offres (lorsqu’elles sont explicitées) s’est réduit significativement (au seuil de 5%) de 12% et que le niveau moyen des demandes s’est réduit de 8% (également significativement au seuil de 5%)145. Mais on observe peu de différences significatives (d’une période à l’autre) si l’on mène l’analyse de l’offre moyenne critère par critère ; le tableau 3.49 recense les seules différences significatives au seuil de 10%.

Tableau 3.49 : les différences significatives d’offre et de demande Base « CA-

2008 » Base « CA-

2016 » Significativité de différence

Offres Revenus Père : [1 750 – 2 500] ; Mère : [700 – 1 200]

109

75

#

Demandes Deux enfants Revenus Père : [1 400 – 1 750] ; Mère : [1 200 – 1 750] Revenus Père : [1 750 – 2 500] ; Mère : [700 – 1 200] Propositions Père : [120 – 180] ; Mère : [180 – 220] Propositions Père : [60 – 120] ; Mère : [220 – 400] Propositions Père : [0 – 0] ; Mère : [100 – 180]

326 239 251 211 293 136

286 163 210 197 275 127

*

*** #

*** **

***

Ensemble des offres Ensemble des demandes

112 303

100 279

* *

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère ; montants d’offre, respectivement de demande, manquants exclus. Guide de lecture : *** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 1% ; * : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 5% ; # : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 10%. En rouge : différence dont la significativité est confirmée sur données pondérées.

Concernant la demande, on observe, comme pour le niveau moyen de CEEE, une différence significative pour le couple de revenus moyens similaires. Et l’on observe curieusement que, même lorsque l’on se situe dans des intervalles bornés de propositions

variances, d’où parfois des différences de niveau de significativité, différences que nous soulignerons tout au long de nos développements. 145

Après correction des effets de structure par pondération, l’offre diminue de seulement 1% et la demande de 3%. Ces deux baisses ne sont pas significatives au seuil de 10%.

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(similaires pour les deux périodes), les niveaux moyens de demande sont significativement plus bas dans la base « 2016 » pour trois des quatre couples de propositions.

2. La variance des montants de CEEE a-t-elle changé d’une période à l’autre ?

Compte tenu de l’objet central de notre recherche, il est plus important d’étudier les changements de variance (que les changements de moyennes) d’une période à l’autre, signes d’éventuelles variations de l’hétérogénéité des décisions. Or, globalement, c’est-à-dire pour l’ensemble des enfants tirés au sort par fratrie hébergés à titre principal chez la mère et dont la CEEE est connue, on ne note pas de différence significative au seuil de 10% de variance entre les deux périodes (tableau 3.50 dernière ligne). On soulignera cependant que, comme attendu, la variance baisse. Mais après correction des effets de structure c’est l’inverse qui est observé : une hausse non significative au seuil de 10% (ce qui montre bien que lorsque les différences sont non significatives, attacher du prix à leur signe est très risqué). Pour autant, il ne convient pas de tirer une conclusion déterminante de cette absence de différence, car en mesurant l’hétérogénéité au niveau global comme on le fait à travers les calculs dont les résultats viennent d’être présentés, et non pas au niveau de sous-groupes d’affaires similaires, on mélange les variances intra-groupe (que l’on s’attend à voir diminuer) et la variance inter-groupes (qui peut tout à fait s’accroître lorsque les sous-groupes devenant plus homogènes s’écartent les uns des autres en affirmant leur spécificité).

Tableau 3.50 : variance des montants de CEEE selon la période d’observation Base « CA-

2008 » Base « CA-

2016 » Significativité de différence

Un enfant Deux enfants

35 485 45 708

39 249 38 827

DVH « réduit » DVH « classique »

21 773 27 715

27 715 34 191

#

Un enfant ; DVH « réduit » Deux enfants ; DVH « réduit »(1) Un enfant ; DVH « classique » Deux enfants ; DVH « classique »

18 976 30 660 28 420 34 996

20 908 42 703 36 845 36 047

*

Revenus Père : [1 400 – 1 750] ; Mère : [1 200 – 1 750] Revenus Père : [1 750 – 2 500] ; Mère : [700 – 1 200] Revenus Père : [700 – 1 400] ; Mère : [2 000 – 3 000]

7 743 10 431 199 975@

2 902 6 036 4 677

#

**

Propositions Père : [120 – 180] ; Mère : [180 – 220] Propositions Père : [60 – 120] ; Mère : [220 – 400] Propositions Père : [0 – 0] ; Mère : [100 – 180] Propositions Père [?] ; Mère : [100 – 180]

913 5 372 3 095 1 942@

921 5 864 3 524 1 921

***

Ensemble 48 046 36 370 Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Effectifs : cf. tableaux 3.41, 3.42, 3.45 et 3.47. (1) : l’enfant bénéficie d’un DVH « réduit » et vit dans une fratrie de deux enfants (mais le second enfant n’est pas nécessairement en DVH « réduit »). Guide de lecture : *** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 1% ; * : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 5% ; # : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 10%. @ : effectif inférieur à 30 observations. En rouge : différence dont la significativité est confirmée sur données pondérées.

Cependant, l’analyse menée critère par critère (tableau 3.50) montre que les variances par sous-groupes sont pour la plupart soit non significatives, soit assez faiblement

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significatives. Seules les décisions de CEEE où le père ne souhaite pas payer de CEEE et où la mère demande une CEEE standard ont une variance significativement différente d’une période sur l’autre, et il s’agit d’un accroissement de l’hétérogénéité146.

A nouveau, nous pouvons nous poser la question de l’éventuelle variation de l’hétérogénéité de l’offre et de la demande d’une période à l’autre.

On n’observe pas de différences significatives globalement, mais plusieurs différences significatives lorsque l’on mène l’analyse selon les critères de cas types (tableau 3.51). Dans tous les cas, il s’agit de réductions de la variance, indiquant que les parties ont pu être influencées par la table de référence. On soulignera plus particulièrement les différences très significatives et portant sur des effectifs suffisants qui sont relatives aux affaires où l’offre est faible et la demande est élevée ([60 – 120] ; [220 – 400]), aux affaires avec une fratrie de deux enfants et à nouveau les affaires de couples de parents gagnant approximativement le même revenu moyen. Il convient de souligner ici que, après correction des effets de structure par pondération, on observe des variances d’offre significativement plus élevées en 2016 pour les affaires avec un seul enfant et celles concernant un seul enfant en DVH « classique » (respectivement au seuil de 10% et de 5%). Il en est de même pour les variances de demande pour les deux mêmes configurations d’affaires (les deux au seuil de 1%).

Tableau 3.51 : les différences de variances d’offre et de demande significatives Base « CA-

2008 » Base « CA-

2016 » Significativité de différence

Offres Revenus Père : [700 – 1 400] ; Mère : [2 000 – 3 000] Propositions Père : [120 – 180] ; Mère : [180 – 220] Propositions Père : [60 – 120] ; Mère : [220 – 400]

61 009@

259 172

2 704 193 102

**@

* ***

Demandes Deux enfants Revenus Père : [1 400 – 1 750] ; Mère : [1 200 – 1 750] Revenus Père : [1 750 – 2 500] ; Mère : [700 – 1 200] Revenus Père : [700 – 1 400] ; Mère : [2 000 – 3 000] Propositions Père : [60 – 120] ; Mère : [220 – 400] Propositions Père [?] ; Mère : [100 – 180]

123 904 21 054 17 583

30 032@

1 858 640@

68 644 4 264 9 526 8 226 1 347 306

**

*** #

***@ *

***@

Ensemble des offres Ensemble des demandes

26 634 83 825

22 440 70 407

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère ; montants d’offre, respectivement de demande, manquants exclus. Guide de lecture : *** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 1% ; * : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 5% ; # : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 10%. @ : effectif inférieur à 30 observations. En rouge : différence dont la significativité est confirmée sur données pondérées.

Au terme de cette analyse « au plus proche des analyses menées sur données expérimentales » et tout en gardant en tête l’importante limite que constitue le fait de devoir travailler le plus souvent sur des effectifs limités (et de ce fait sans croisement des

146

La différence significative relative au couple de revenus « [700 – 1 400] ; [2 000 – 3 000] » est fragile car elle repose sur un effectif faible dans la « base 2008 ». Après correction des effets de structure par pondération, on observe une différence (hausse) significative au seuil de 5% selon le critère « un enfant ».

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193

critères), nous pouvons observer une certaine concordance de résultats avec ceux produits sur données expérimentales, mais une concordance qui est loin d’être systématique. Pour la question relative aux différences de variance (entre sous-groupes d’auditeurs dans un cas et entre périodes dans l’autre cas), ce constat de concordance repose sur la comparaison entre le tableau 3.9 et le tableau 3.50. Dans les deux cas, on observe en effet une variance « avec barème » significativement plus faible que la variance « sans barème » (effet d’homogénéisation), pour les affaires constituées d’un couple de revenus parentaux moyens et quasi-égaux ou d’un couple de revenus parentaux inégaux au profit de la mère. A l’inverse, dans les deux approches (expérimentale ; à partir de données issues des tribunaux) la variance « avec barème » est significativement plus élevée que la variance « sans barème » pour les affaires avec un DVH « classique » et pour celles où le père ne souhaite pas verser une CEEE alors que la mère demande un montant assez standard. Les deux approches s’accordent aussi sur le fait qu’il n’y aurait pas de différence de variance significative dans le cas où l’affaire est avec DVH « réduit » et dans celui où les propositions sont très inégales (offre modérée et demande élevée).

Après avoir étudié les différences de moyenne et de variance de CEEE selon la période d’observation et selon les différents critères retenus pour être au plus proche de l’approche expérimentale développée précédemment, nous élargissons notre propos pour profiter de la nature de la source de données qui nous permet d’étudier d’autres types d’affaires que celles retenues dans l’expérimentation.

C. Elargissement de l’analyse au-delà des cas types retenus pour l’expérimentation

Cet élargissement de l’analyse sera mené en trois temps. Dans un premier paragraphe (1), nous menons des analyses descriptives de comparaison (entre périodes) de moyennes et de variances comme à la section B précédente, mais à propos d’autres modalités de nos quatre critères (taille de la fratrie, type de DVH, couple de revenus, couples de propositions). Dans un deuxième paragraphe (2), nous simulons la table de référence 2016 du Ministère de la Justice pour étudier la proximité entre les décisions et les montants de CEEE simulés et ce, toujours dans une perspective de comparaison entre les deux périodes. Enfin, au dernier paragraphe (3), à l’aide de régressions économétriques, nous nous demanderons si le barème implicite des juges a changé d’une période à l’autre.

1. Moyennes et variances, d’une période à l’autre, selon cinq critères, mais avec des modalités autres que celles retenues dans l’analyse expérimentale

Le premier élargissement de l’analyse descriptive consiste à étudier statistiquement des affaires ayant des modalités jusqu’ici non envisagées. Cette extension concerne, d’une part, le critère de taille de fratrie (trois enfants et quatre enfants ; pour les fratries de taille supérieure à quatre les effectifs trop réduits n’autorisent pas une analyse statistique solide), d’autre part, le critère de type de DVH (« alternance » et « enfants majeurs sans DVH »). Malheureusement, comme le montre le tableau 3.52, cette analyse complémentaire nous est de peu d’utilité pour la compréhension des changements de moyenne et de variance. En effet, on peut simplement souligner que, qu’il s’agisse des moyennes ou des variances et que les nouvelles modalités soient étudiées en elles-mêmes ou croisées entre elles, on n’observe aucune différence franchement significative entre les deux périodes.

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194

Tableau 3.52 : moyennes et variances de CEEE selon la période d’observation Moyennes Variances

2008 2016 2008 CA-2016

Un enfant Deux enfants Trois enfants Quatre enfants

199 214 181 201

180 # 187 # 157 * 119

35 485 45 708 90 065 49 490

39 249 38 827 23 982 21 545

DVH « réduit » DVH « classique » DVH « alternance » Enfant majeur

154 203 169 214

146 189 # 144 208

21 773 27 715 50 364 109 993

27 715 34 191 # 29 900 56 535

Un enfant ; DVH « réduit » Deux enfants ; DVH « réduit » Trois enfants ; DVH « réduit » Un enfant ; DVH « classique » Deux enfants ; DVH « classique » Trois enfants ; DVH « classique » Un enfant ; DVH « alternance » Deux enfants ; DVH « alternance » Trois enfants ; DVH « alternance » Un enfant ; DVH « majeur » Deux enfants ; DVH « majeur » Trois enfants ; DVH « majeur »

155 175 @

210 218 181 167 217 @

200 226 225

143 161 / 196 194 # 167 140 164 @ 218 218 186

18 976 30 660 @ 28 420 34 996 27 224 35 345 136 176 @ 66 486 68 147 300 430

20 908 42 703 / 36 845 * 36 047 23 488 29 073 35 070 # @ 82 528 46 349 30 581

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Guide de lecture : * : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 5% ; # : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 10%. @ : effectif inférieur à 30 observations. / : comparaison non effectuée car effectif < 30 à l’autre période. En rouge : différence dont la significativité est confirmée sur données pondérées.

Le deuxième élargissement de l’analyse descriptive porte sur les modalités du critère de couples de revenus. Cet élargissement n’est cependant que très partiel car le croisement de deux informations (ici les revenus des deux parents) nous amène à de nombreuses situations où l’analyse ne peut être menée faute d’effectifs suffisants dans les bases de données. Et élargir les plages des modalités pour accroître les effectifs amènerait à devoir traiter des affaires très hétérogènes du point de vue de ce critère. On se contentera donc d’étudier quelques couples de revenus, plutôt donc à titre illustratif, à défaut de pouvoir étudier toutes les situations possibles. Les tableaux 3.53 et 3.54 rassemblent les résultats de cette analyse, respectivement pour les montants moyens de CEEE et les variances de montants de CEEE.

Du point de vue des montants moyens, on observe que la différence (baisse) significative que nous avons soulignée supra à propos des affaires avec couple de revenus moyens similaires ([1400-1749-[1200-1749) est en quelque sorte confirmée par la significativité de deux autres configurations proches (les cellules adjacentes [700-1399]-[700-1199] et [700-1399]-[1200-1749]). Par ailleurs, on observe que la baisse est également significative pour des configurations jusqu’alors non étudiées, celles correspondant à la conjonction de deux revenus élevés. Dans les autres types de couples de revenus, les différences ne sont pas statistiquement significatives.

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195

Tableau 3.53 : montants moyens de CEEE par couples de revenus selon la période d’observation

Revenus de la mère en euros 2016

0 1-699 700-1199 1200-1749 1750-1999 2000-2999 3000 et +

Bas

e «

CA

-20

08

»

Revenus du père en euros

2016

0 @ @ @ @ @ @ @

1-699 @ / @ @ @ @ @

700-1399 / / 120 129 @ @ @

1400-1749 / / 135 153 @ @ @

1750-2549 / / 184 164 @ @ @

2550 et + / 336 322 271 303 399 446

Bas

e «

CA

-20

16

»

Revenus du père en euros

2016

0 @ @ @ @ @ @ @

1-699 @ @ @ @ @ @ @

700-1399 @ @ 83 ** 72 *** @ / @

1400-1749 @ @ 57 104 *** @ / @

1750-2549 @ @ 155 146 / / @

2550 et + @ 294 279 304 244 331# 366 ** Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Guide de lecture : *** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 1% ; # : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 10%. @ : effectif inférieur à 30 observations. En gras, les cas types étudiés supra §B. Cellules roses : différence (2016 < 2008) significative. / : comparaison non effectuée car effectif < 30 à l’autre période. En rouge : différence dont la significativité est confirmée sur données pondérées.

En termes de variance (tableau 3.54), parmi les neuf configurations de revenus nouvellement étudiées, on n’observe qu’une seule différence significative ; là encore il s’agit d’une confirmation du constat selon lequel la variance se réduirait significativement entre les deux périodes pour des affaires avec des revenus moyens proches ([1400-1749]-[700-1199]).

Tableau 3.54 : variances de CEEE par couples de revenus selon la période d’observation

Revenus de la mère en euros 2016

0 1-699 700-1199 1200-1749 1750-1999 2000-2999 3000 et +

Bas

e «

CA

-20

08 »

Revenus du père en euros

2016

0 @ @ @ @ @ @ @

1-699 @ / @ @ @ @ @

700-1399 / / 9 858 5 329 @ @ @

1400-1749 / / 5 455 7 743 @ @ @

1750-2549 / / 10 431 7 121 @ @ @

2550 et + / 35 512 48 810 25 025 21 127 91 794 140 557

Bas

e «

CA

-20

16 »

Revenus du père en euros

2016

0 @ @ @ @ @ @ @

1-699 @ @ @ @ @ @ @

700-1399 @ @ 8 180 3 447 @ / @

1400-1749 @ @ 2 737 * 2 902 # @ / @

1750-2549 @ @ 6 036 7 309 / / @

2550 et + @ 35 404 42 378 41 625 42 378 56 406 42 378 Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Guide de lecture : * différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 5% ; # : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 10%. @ : effectif inférieur à 30 observations. En gras, les cas types étudiés supra §B. Cellules roses : différence (2016 < 2008) significative. / : comparaison non effectuée car effectif < 30 à l’autre période. En rouge : différence dont la significativité est confirmée sur données pondérées.

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Le troisième élargissement de l’analyse descriptive concerne cette fois-ci les couples de propositions. Les mêmes remarques que celles formulées précédemment peuvent être avancées en ce qui concerne le caractère partiel de l’analyse faute d’effectifs suffisants dans nombre de cellules croisant l’offre et la demande des deux parties (si l’on met de côté les offres et demandes non explicitées, l’analyse ne porte que sur 15 couples de propositions sur 30 potentiellement).

Du point de vue des montants moyens de CEEE (tableau 3.55), on observe que le fait que le père ne souhaite pas payer de CEEE constitue une caractéristique assez systématiquement associée à une baisse significative de CEEE. Trois autres configurations montrent des différences significatives, mais sans que l’on puisse y déceler une logique d’ensemble : certes la plage d’offre est toujours inférieure à celle de la demande, mais on observe également des différences non significatives avec une plage d’offre inférieure à celle de la demande. L’une des différences significatives ([60-119]-[180-210]) perd d’ailleurs sa significativité lorsque l’on corrige des effets de structure.

Tableau 3.55 : montants moyens de CEEE par couples de propositions selon la période d’observation

Proposition de la mère en euros 2016

N. E. 0 1-99 100-179 180-219 220-399 400 et +

Bas

e «

CA

-20

08

»

Proposition du père en euros 2016

N. E. / @ @ @ @ @ @

0 15 45 80 123 152 398

1-59 @ @ @ 104 @ @ @

60-119 @ @ @ 118 156 193 @

120-179 @ @ @ @ 169 210 290

180 et + @ @ @ @ @ 267 505

Bas

e «

CA

_20

16

»

Proposition du père en euros 2016

N. E. @ @ @ / @ @ @

0 @ 14 33 * 62 *** 78 *** 151 290 *

1-59 @ @ @ 82 ** @ @ @

60-119 @ @ @ 114 135 ** 177 @

120-179 @ @ @ @ 167 217 286

180 et + @ @ @ @ @ 236 ** 504 Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Guide de lecture : *** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 1% ; * : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 5%. @ : effectif inférieur à 30 observations. En gras, les cas types étudiés supra §B. Cellules roses : différence (2016 < 2008) significative. / : comparaison non effectuée car effectif < 30 à l’autre période. En rouge : différence dont la significativité est confirmée sur données pondérées.

Du point de vue des variances des décisions (tableau 3.56), bien que globalement la variance des décisions baisse (tableau 3.48 supra), on est frappé par le fait que l’analyse désagrégée par couples de propositions montre plus de situations d’accroissement de la variance que de diminutions (quatre des cinq différences significatives, parmi les quinze configurations étudiées sur trente) : pour ces couples de propositions données (donc des affaires assez proches de ce point de vue, mais pas nécessairement d’autres points de vue), les décisions sont significativement plus hétérogènes en 2016 qu’en 2008. C’est rarement le cas lorsque le père ne souhaite pas payer une CEEE (un seul cas sur six étudiés, celui correspondant au cas type de notre expérimentation associant à cette offre nulle une demande modérée). C’est également rarement le cas lorsque la demande est élevée

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(supérieure à 220 euros) : un seul cas sur les sept étudiés. La situation est plus contrastée pour les configurations plus médianes : sur les quatre cas étudiés, deux correspondent à des augmentations de variance significatives (mais l’un perd sa significativité après correction des effets de structure), un correspond à une baisse significative (mais à un seuil de seulement 10%, et non significatif après correction des effets de structure) et un correspond à une différence non significative.

Tableau 3.56 : variances de CEEE par couples de propositions selon la période d’observation

Proposition de la mère en euros 2016

N. E. 0 1-99 100-179 180-219 220-399 400 et +

Bas

e «

CA

-20

08

»

Proposition du père en euros 2016

N. E. / @ @ @ @ @ @

0 1 758 1 535 3 095 5 698 10 541 129 537

1-59 @ @ @ 1668 @ @ @

60-119 @ @ @ 762 1795 5 372 @

120-179 @ @ @ @ 913 2 570 11 326

180 et + @ @ @ @ @ 3 977 66 964

Bas

e «

CA

_20

16

»

Proposition du père en euros 2016

N. E. @ @ @ / @ @ @

0 @ 1 692 1 311 3 524*** 6 332 13 015 63 821

1-59 @ @ @ 910 # @ @ @

60-119 @ @ @ 1 344 * 2 325 # 5 864 @

120-179 @ @ @ @ 921 5 384*** 14 540

180 et + @ @ @ @ @ 5 258 77 972 Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Guide de lecture : *** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; * : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 5% ; # : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 10%. @ : effectif inférieur à 30 observations. En gras, les cas types étudiés supra §B. Cellules roses : différence (2016 < 2008) significative. Cellules vertes : différence (2016 > 2008) significative. / : comparaison non effectuée car effectif < 30 à l’autre période. En rouge : différence dont la significativité est confirmée sur données pondérées.

Le quatrième élargissement de l’analyse descriptive nous amène à nous poser la question de savoir si les affaires où l’enfant est hébergé à titre principal chez le père (c’est la mère qui est débitrice de la CEEE) apportent un éclairage particulier à la question que nous nous posons. La principale difficulté pour traiter cette question est le fait que les effectifs sont assez réduits : 236 affaires en 2008 et 305 en 2016. Il en résulte que nombre d’analyses par critères ne peuvent pas être menées à bien. Le tableau 3.57 rassemble les quelques analyses possibles.

On observe tout d’abord que les montants moyens de CEEE sont nettement inférieurs à ceux relatifs aux affaires où, à l’inverse, c’est la mère qui est créancière (73 euros versus 201 euros en 2008 ; 62 euros versus 176 euros en 2016), mais la différence entre les deux périodes n’est pas significative. Elle ne l’est pas plus lorsque l’on décompose par taille de fratrie ou par type de DVH (du moins pour les modalités pour lesquelles le calcul est réalisable sur des effectifs suffisants). Aucune analyse n’est possible en termes de couples de revenus. En revanche, en termes de couples de propositions, on peut observer des configurations jusqu’alors non étudiées faute d’effectifs suffisants lorsque le père est débiteur. Il s’agit de configurations avec des propositions d’offre et de demande très basses. La première est caractérisée par une demande inférieure à 100 euros et une offre inférieure à 60 euros : la différence entre les deux périodes pour la moyenne comme pour la variance

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est significative, les décisions sont donc plus basses et sont moins hétérogènes en 2016. La seconde configuration est similaire, mais le père ne demande aucune CEEE. Les différences (baisses) sont également significatives, mais le cas est assez particulier puisqu’en 2016 dans toutes les affaires les juges ont suivi la proposition du père en fixant un montant nul de CEEE. Le dernier couple de propositions étudié est également intéressant car, à la différence de l’analyse précédente portant sur les affaires avec un père débiteur, ici, pour une même configuration mais avec un père créancier, la différence n’est pas significative (et bien que la différence ne soit pas significative au seuil de 10%, il s’agit ici d’une baisse de variance, alors qu’avec un père débiteur nous avions observé une hausse significative). Quoi qu’il en soit, il faut cependant reconnaître que ces analyses sont fragiles et trop partielles pour tirer des conclusions robustes147.

Tableau 3.57 : moyennes et variances de CEEE selon la période d’observation, lorsque le père est créancier

Moyennes Variances

Base « CA-2008 »

Base « CA-2016 »

Base « CA-2008 »

Base « CA-2016 »

Un enfant Deux enfants

75 75

75 57

7 221 7 673

10 865 6 426

DVH « classique » Enfant majeur

68 86

69 102

7 515 7 349

7 984 10 371

Propositions Mère : [0 – 0] ; Père : [100 – 180] Propositions Mère [1 – 59] ; Père : [0 – 0] Propositions Mère [1 – 59] ; Père : [1 – 99]

58 10 46

44 0 *

26 **

3 637 1 675 1 517

2 687 0***

979**

Ensemble des affaires avec un père créancier 73 62 7 392 7 766 Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez le père. Guide de lecture : *** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 1% ; * : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 5%.

Le dernier élargissement d’analyse consiste à ne plus analyser seulement un enfant tiré au hasard dans chaque fratrie, mais l’ensemble des enfants et donc l’ensemble des décisions. Nous avions souligné que la grande proximité des décisions intra-fratrie était de nature à réduire un peu artificiellement la variance des décisions, et donc qu’il convenait de mener l’analyse au niveau « affaire » plutôt qu’au niveau « enfant ». Pour autant, la variance des décisions au niveau « enfant » est une réalité qui pourrait aussi être étudiée. C’est à cet exercice que nous nous sommes attachés dans ce dernier élargissement d’analyse, avec comme perspective de comparer les résultats selon les deux champs d’analyse.

L’objectif est toujours de détecter des critères pour lesquels la différence, principalement de variances, entre les deux périodes est significative. On s’attache donc plus au caractère significatif des différences qu’à leur ampleur ; c’est pourquoi, par simplification, le tableau 3.58 ci-dessous ne contient pas les valeurs des différences (celles relatives à l’analyse au niveau « affaire » se trouvent dans les tableaux présentés supra et le lecteur peut trouver les valeurs relatives au niveau « enfant » en annexe 3.I). La comparaison qui nous intéresse le plus est celle relative à l’analyse des variances, pour autant au tableau 3.58 nous présentons également, pour information, les résultats relatifs aux moyennes.

147

On ne peut d’ailleurs pas dire si les différences significatives selon les différentes propositions d’offre et de demande étudiées résisteraient à l’analyse pondérée (correction des effets de structure), car du fait de données manquantes sur les revenus de débiteurs, les effectifs sont inférieurs à 30 observations.

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199

Tableau 3.58 : significativité des différences « 2016 – 2008 » selon l’échantillon retenu Moyennes Variances

1 enfant par fratrie

Tous les enfants

1 enfant par fratrie

Tous les enfants

Un enfant Deux enfants Trois enfants Quatre enfants

# # *

# ***

* ***

* **

DVH « réduit » DVH « classique » DVH « alternance » DVH « majeurs »

#

***

#

*

Revenus : Père : [1 400 – 1 750] ; Mère : [1 200 – 1 750] Père : [1 750 – 2 500] ; Mère : [700 – 1 200] Père : [700 – 1 400] ; Mère : [1 – 700] Père : [2 550 et +] ; Mère : [1 – 700] Père : [700 – 1 400] ; Mère : [700 – 1 200] Père : [1 400 – 1 750] ; Mère : [700 – 1 200] Père : [2 550 et +] ; Mère : [700 – 1 200] Père : [700 – 1 400] ; Mère : [1 200 – 1 750] Père : [1 750 – 2 500] ; Mère : [1 200 – 1 750] Père : [2 550 et +] ; Mère : [1 200 – 1 750] Père : [2 550 et +] ; Mère : [1 750 – 2 000] Père : [2 550 et +] ; Mère : [2 000 – 3 000] Père : [2 550 et +] ; Mère : [3 000 et +] Père : [700 – 1 400] ; Mère : [1 – 700] Père : [1 – 700] ; Mère : [700 – 1 200] Père : [1 750 – 2 500] ; Mère : [2 000 – 3 000]

***

**

***

# ** @ @ @

***

*

***

*** ***

** **

***

#

**@

*

@ @ @

***

**

*

* **

Propositions : Père : [120 – 180] ; Mère : [180 – 220] Père : [60 – 120] ; Mère : [220 – 400] Père : [0 – 0] ; Mère : [100 – 180] Père : [?] ; Mère : [100 – 180] Père : [0 – 0] ; Mère : [0 – 0] Père : [0 – 0] ; Mère : [1 – 100] Père : [1 – 60] ; Mère : [100 – 180] Père : [60 – 120] ; Mère : [100 – 180] Père : [0 – 0] ; Mère : [180 – 220] Père : [60 – 120] ; Mère : [180 – 220] Père : [0 – 0] ; Mère : [220 – 400] Père : [120 – 180] ; Mère : [220 – 400] Père : [180 et +] ; Mère : [220 – 400] Père : [0 – 0] ; Mère : [400 et +] Père : [120 – 180] ; Mère : [400 et +] Père : [180 et +] ; Mère : [400 et +] Père : [1 – 60] ; Mère : [1 – 100] Père : [120 – 180] ; Mère : [100 – 180] Père : [?] ; Mère : [220 – 400] Père : [60 – 120] ; Mère : [400 et +]]

***

* **

*** **

** *

@ @ @ @

***

* ***

# ***

*

*** **

*** *

*@

*

@

***

# *

#

***

@ @ @ @

***

* *** ** * *

***

#

* @

*

@

Ensemble *** *** * Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Guide de lecture : *** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 1% ; * : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 5% ; # : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 10%. @ : effectif < 30 observations. Symbole surligné en vert : différence positive (2016 > 2008) significative. En rouge : différence dont la significativité est confirmée sur données pondérées.

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200

Le premier élément de comparaison entre les résultats selon le champ est que, mécaniquement, comme les effectifs sont nettement supérieurs pour l’approche faite au niveau « enfant » que pour celle menée au niveau « affaire », les seuils de significativité sont plus facilement atteints dans le premier cas. On ne s’attachera donc pas à commenter le fait que le seuil de significativité est supérieur ou égal lorsque l’on porte l’analyse au niveau « enfant », cela vaut simplement confirmation de la significativité des différences soulignées supra sur l’échantillon restreint à un enfant par fratrie148. C’est le cas, dans l’étude des moyennes, pour seize modalités étudiées et, dans l’étude des variances, pour huit modalités.

Attachons-nous donc plutôt au commentaire des différences de variance les plus significatives (au plus au seuil de 5%) que l’analyse étendue à l’ensemble des enfants fait apparaître. C’est le cas pour les modalités « trois enfants » et « quatre enfants », cas qui illustre parfaitement l’incidence des décisions uniformes à l’intérieur des fratries : les variances sont plus faibles que dans l’échantillon restreint à un seul enfant par fratrie et la baisse de variance entre les deux périodes devient significative (pour trois enfants elle ne l’est pas lorsque l’on corrige des effets de structure). Il en est de même pour la modalité « enfants majeurs sans DVH » (la différence est cependant significative uniquement sans correction des effets de structure). Concernant les couples de revenus, on notera que la différence (baisse) de variance significative associée au couple « [700-1400]-[1-700] », baisse qui était sujet à caution du fait d’effectifs faibles dans l’échantillon restreint, se voit confirmée dans l’échantillon étendu. L’analyse sur l’échantillon étendu révèle également que les décisions relatives à des affaires avec des couples de revenus se situant plutôt en haut de la distribution (« [2 550 et +]-[2 000-3 000] » et « [2 550 et +]-[3 000 et +] ») sont significativement moins hétérogènes en 2016 qu’en 2008. Quant aux trois derniers couples de revenus du tableau, qui n’avaient pas été étudiés jusque-là faute d’effectifs suffisants, on observe une absence de différence significative de variance.

Du point de vue des couples de propositions, l’analyse sur l’échantillon étendu fait apparaître des différences significatives indiquant un accroissement de l’hétérogénéité pour des affaires où le père ne souhaite pas verser de CEEE (« [0]-[180-220] » et « [0]-[220-400] ») ; dans ces deux cas les variances sont plus faibles sur l’échantillon étendu, mais dans le premier cas la significativité est entièrement due à un effet de structure. Et parmi les quatre modalités (fin de tableau) non étudiées précédemment, on observe deux types d’affaires où la variance est significativement différente : les décisions seraient un peu plus hétérogènes en 2016 lorsque les parents font des propositions moyennes et similaires, de type « [120-180]-[100-180] » et seraient moins hétérogènes pour des affaires avec une offre faible et une demande très élevée, de type « [60-120]-[400 et +] ».

Cet ensemble de considérations complémentaires, obtenues par extension de l’échantillon à l’ensemble des enfants, pourront éventuellement nous être utiles dans nos conclusions de synthèse, mais avant d’en venir à ces dernières, étudions selon un tout autre angle d’attaque l’incidence potentielle du recours à la table de référence.

148

A également valeur de confirmation le fait que la différence n’est pas significative au seuil de 10% à la fois selon l’analyse menée au niveau « enfant » et selon l’analyse menée au niveau « affaires » ; c’est le cas pour 16 différences de moyennes et 20 différences de variances.

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2. Décisions en cours d’appel en matière de CEEE et proximité avec les montants suggérés par la table de référence du Ministère : simulations et comparaisons d’une période à l’autre

Dans ce paragraphe, nous abordons notre question de recherche selon une tout autre méthodologie. L’idée générale est de simuler la table de référence 2016 du ministère de la Justice sur nos données et de calculer la différence entre le montant de CEEE fixé par les magistrats et le montant issu du barème simulé. La simulation peut être faite sur les deux bases de données puisque nous avons inflaté les revenus de la « base 2008 » en euros 2016. L’hypothèse que nous souhaitons tester est alors celle selon laquelle, si les juges ont effectivement eu recours à la table de référence en 2016 et qu’elle a produit l’effet d’homogénéisation attendu, les montants fixés devraient être plus proches des montants suggérés par la table de référence que ne le sont les montants fixés en 2008, puisqu’à l’époque le référentiel n’existait pas. Une hypothèse similaire peut être avancée à propos des montants d’offre et de demande : si les parties ont eu recours à la table de référence en 2016, on doit s’attendre à ce que les montants proposés en 2016 soient plus proches des montants suggérés par le barème que ne le sont les propositions faites en 2008.

La simulation s’appuie sur la table de référence 2016 du Ministère de la Justice (cf. annexe 3.J) qui, rappelons-le, repose sur un calcul mettant en œuvre quatre paramètres. La table de référence indique un taux de CEEE qui dépend de la taille de la fratrie (le taux décroît avec la taille de la fratrie pour tenir compte des économies d’échelle) et du type de DVH (« réduit », « classique », « alternance ») pour tenir compte du temps passé chez le parent qui n’a pas la charge de l’hébergement de l’enfant à titre principal. Par rapport au taux pour un DVH « alternance », le taux pour un DVH « classique » est multiplié par un coefficient de 1,5 et pour un DVH « réduit » il est multiplié par un coefficient de 2. Ce taux de CEEE est appliqué au revenu du parent débiteur149 après minoration du montant de RSA socle150 pour une personne seule et ce, pour s’assurer que les débiteurs à faibles ressources disposent, après versement de la CEEE, d’un reste à vivre au moins égal à ce minimum social151.

Le paragraphe est organisé en deux temps. D’abord, nous commentons quelques indicateurs d’écart au barème simulé dans une perspective comparative entre les deux périodes. A cette occasion, nous revenons sur la question de la règle de procédure ultra/infra petita pour examiner s’il existe des différences selon les deux périodes : le recours au barème a-t-il incité à sortir de l’intervalle des propositions ? Puis, nous cherchons à détecter si certains critères des affaires jouent sur le niveau de l’écart et si de ce point de vue on observe des différences selon les périodes d’observation.

149

Rappelons qu’il s’agit du revenu tel qu’il est mentionné dans les arrêts ; il est probable que les revenus mentionnés souffrent parfois de sous-déclaration, ceci constitue une limite à nos travaux, limite qui est cependant assez incontournable. 150

En 2016, le RSA socle pour une personne a été revalorisé à deux reprises : 524€ en avril et 535€ en septembre. Nous avons retenu la valeur moyenne de ces deux montants dans la simulation : 530€. Ce choix ne porte pas à conséquence puisque la différence de 5€ entre cette moyenne et la valeur effective, appliquée au taux de CEEE le plus élevé de la table de référence (18%) équivaut, au plus, à une différence de CEEE de moins d’un euro. 151

Il n’est pas tenu compte explicitement du revenu du parent créancier parce que la table de référence s’appuie sur un principe de proportionnalité aux revenus des deux parents : si, par exemple, le débiteur paye une CEEE égale à 10% de ses ressources, le parent créancier contribue implicitement, lui aussi, à hauteur de 10% de ses propres ressources, sous forme de dépenses au profit de l’enfant occasionnées par son hébergement et son éducation.

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202

a) Ecarts par rapport au barème simulé

En cohérence avec les analyses précédentes, nous travaillons sur l’échantillon comprenant un enfant tiré au hasard par fratrie hébergé à titre principal chez sa mère et pour lequel le montant de CEEE fixé en appel est connu. Pour la simulation, il faut cependant écarter les affaires pour lesquelles le montant du revenu du parent débiteur n’est pas connu152. Et pour l’étude de l’offre et de la demande, il faudra également écarter les cas où l’une ou l’autre de ces deux informations n’est pas connue153. Par rapport aux analyses précédentes, nous écartons donc de l’analyse les situations où l’offre (ou la demande) n’est pas explicitée. Tout au long de la lecture de ces développements, il importe donc de garder à l’esprit que l’exclusion de décisions pour cause de données manquantes est de nature à modifier la structure statistique de l’échantillon et du coup sa représentativité. Ceci constitue une indéniable limite à l’analyse, mais ce type de limite est difficilement contournable. L’annexe 3.K illustre, sur quelques variables-clés, l’incidence structurelle de ces réductions non aléatoires d’effectifs.

Sur cette base, nous pouvons calculer trois indicateurs d’écart au barème simulé :

l’écart absolu en euros = montant de CEEE fixé en appel – valeur suggérée par la table de référence ;

l’écart en valeur absolue = |écart absolu en euros| ;

l’écart relatif en pourcentage de la valeur suggérée par le barème = (montant de CEEE fixé en appel – valeur suggérée par la table de référence) / valeur suggérée par la table de référence154.

La première mesure est la plus immédiate, elle indique de combien d’euros la décision s’écarte du barème, elle peut prendre des valeurs négatives ou positives selon que le juge a fixé un montant inférieur ou supérieur à la valeur suggérée par la table de référence.

La deuxième mesure ignore le fait que le juge ait été plus généreux que le barème ou au contraire moins généreux, pour plutôt s’intéresser au fait que sa décision est plus ou moins éloignée de la valeur suggérée par le barème. En effet, si l’on cherche à tester si l’éventuel recours à la table de référence a joué un rôle de concentrateur autour de la valeur suggérée, peu importe que la concentration s’opère par le bas (se rapprocher de la valeur suggérée, en majorant un montant que l’on aurait fixé a priori plus bas) ou par le haut (se rapprocher de la valeur suggérée, en minorant un montant que l’on aurait fixé a priori plus haut), l’important est le degré de proximité. Or, avec la première mesure, la valeur moyenne est le fruit de compensations entre valeurs positives et valeurs négatives (l’écart moyen peut, par exemple, être nul, parce qu’il y aurait une symétrie entre valeurs positives et valeurs négatives, alors que les écarts sont bien réels), ce qui n’est pas le cas avec le deuxième indicateur.

152

Ce qui fait passer les effectifs de 1 763 à 1 551 observations en 2008 et de 1 739 à 1 367 observations en 2016. Nous avons également écarté quelques cas pour lesquels le type de DVH n’est pas clairement énoncé dans les arrêts et nous ne simulons pas le barème pour les fratries de taille supérieure à 6 enfants (car le tableau de la table de référence n’explicite pas ces situations de familles nombreuses ; N.B. pour obtenir la valeur suggérée par la table de référence pour ces situations rares, il convient de recourir à la formule de calcul fournie en haut de tableau, cf. annexe 3.J) ; au total nous travaillons donc sur 1 544 observations en 2008 et 1 299 en 2016. 153 Ce qui, cumulé aux exclusions précédentes, fait passer les effectifs à 1 416 observations en 2008 et 1 245 observations en 2016 pour ce qui concerne l’analyse des offres et à 1 426 en 2008 et 1 254 en 2016 pour l’analyse des demandes. 154

Les mêmes indicateurs sont calculés pour l’offre et pour la demande, il suffit de remplacer dans les formules l’expression « de CEEE fixé en appel » par, respectivement, « d’offre » et « de demande ».

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203

La troisième mesure cherche à se préserver de l’effet de niveau selon lequel il est probable que les écarts en euros pour des montants élevés de CEEE soient plus importants que ceux pour des montants bas de CEEE, alors qu’en fait proportionnellement ils sont équivalents. Cette mesure souffre cependant de deux inconvénients. D’une part, les taux peuvent être extrêmement élevés (plusieurs milliers de pourcents) lorsque, compte tenu du revenu du débiteur mentionné dans l’arrêt la valeur simulée est très faible et que, pourtant, la décision du juge a été de fixer un montant de CEEE à un niveau non négligeable. Ces valeurs élevées excluent alors de recourir à des indicateurs de position très sensibles aux valeurs extrêmes, comme l’est la moyenne ; on lui préférera alors la médiane. D’autre part, la mesure est indéterminée lorsque la table de référence suggère un montant nul (puisque dans ce cas le dénominateur de l’indicateur est égal à zéro)155. Les graphiques 3.N, 3.O et 3.P permettent de se rendre compte de la distribution de ces trois mesures d’écart.

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère.

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère.

155

Ce qui fait passer les effectifs de 1 544 à 1 429 en 2008 et de 1 299 à 1 218 en 2016.

0

5

10

15

20

-200€ et moins

-199€ à -100€

-99€ à -50€ -49€ à -20€ -19€ à -1€ 0€ 1€-19€ 20€-49€ 50€-99€ 100€-200€ 200€ et plus

Graphique 3.N : structure (en %) des écarts en euros entre la valeur suggérée par le barème et le montant de CEEE fixé en appel

Base "2008" Base "2016"

0

5

10

15

20

25

0€ 1€-19€ 20€-49€ 50€-99€ 100€-200€ 200€ et plus

Graphique 3.O : structure (en %) des écarts en valeur absolue entre la valeur suggérée par le barème et le montant de CEEE fixé en appel

Base "2008" Base "2016"

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Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère.

En termes d’écart en euros, on observe que les magistrats en 2016 ont fixé plus souvent que ne l’on fait les magistrats en 2008 des montants inférieurs à la valeur suggérée par la table de référence. Si l’on admet qu’un écart de plus ou moins 20 euros est négligeable au regard des inévitables approximations dans la déclaration des revenus et au regard du fait que la table de référence propose des montants par tranches de 100 euros de revenus du débiteur, on peut considérer qu’il y a adéquation entre le montant de CEEE fixé et la valeur suggérée dans 21,2% des cas en 2008 et dans 23,6% des cas en 2016. La différence est certes faible, mais le fait que la proportion soit un peu supérieure en 2016 pourrait signifier qu’un peu plus souvent en 2016 qu’en 2008 le recours à la table de référence a abouti à ce que le magistrat (ou les parties) s’en tienne à la valeur suggérée.

En termes d’écarts en valeur absolue, on n’observe pas visuellement de différence très marquée entre les deux périodes d’observation, ce qui laisse penser que là encore le recours à la table de référence n’aurait pas produit un net effet de concentration autour des valeurs suggérées par la table indicative.

Enfin, en termes d’écarts relatifs, on retrouve une distribution assez similaire à celle en termes d’écarts en euros : les décisions de 2016 sont plus fréquemment que celles de 2008 des décisions où le montant fixé est inférieur à la valeur suggérée par le barème. On observe également une particularité pour la classe de variation « -100% à -80% » avec une surreprésentation des décisions de 2016 par rapport à celles de 2008. Dans les faits, il s’agit presque exclusivement d’écarts relatifs égaux à -100%, valeur qui signifie que le juge a fixé une CEEE nulle alors que le barème suggérait un montant positif. Ce type de décisions est presque deux fois plus fréquent en 2016 qu’en 2008.

Les statistiques rassemblées au tableau 3.59 permettent de synthétiser l’allure de ces distributions. En moyenne, les écarts en euros sont négatifs pour les deux bases de données, ce qui signifierait que les juges ont plus tendance à fixer une CEEE inférieure à la valeur suggérée par le barème, ou que les différences négatives sont plus importantes en ampleur que les différences positives. On peut y voir un effet des fixations de CEEE nulle que nous venons d’évoquer. La valeur médiane de ces écarts montre d’ailleurs qu’en 2008, 50% des décisions étaient inférieures à cinq euros (une valeur positive) alors que huit ans plus tard, la médiane est située bien plus bas : -25 euros. En 2016, les décisions sont plus nombreuses qu’en 2008 à être inférieures au barème, mais les écarts moyens sont moindres. Inversement, en 2016 les décisions sont moins nombreuses qu’en 2008 à être supérieures au

0

5

10

15

20

Incalculable -100% à -80%

-79% à -60%

-59% à -40%

-39% à -20%

-19% à 0% 1%-20% 21%-40% 41%-60% 61%-80% 81%-100% 100%-200%200%-500% 500% et +

Graphique 3.P : structure (en%) des écarts relatifs entre la valeur suggérée par le barème et le montant de CEEE fixé en appel

Base "2008" Base "2016"

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205

barème, et les écarts moyens sont à nouveau moindres. Le fait que les écarts moyens soient moindres constitue un indice selon lequel les décisions de 2016 seraient plus proches des valeurs suggérées par le barème. Mais les écarts négatifs étant en moyenne d’ampleur supérieure à l’ampleur en moyenne des écarts positifs, la moyenne d’ensemble est négative pour les deux périodes, avec une différence statistiquement très significative : en prenant le barème comme point de référence, les décisions de 2016 sont moins généreuses.

En revanche, en termes d’écart en valeur absolue, il n’y a pas de différence significative. On observe bien que la proximité à la valeur suggérée par le barème est plus élevée en 2008 (112 versus 114), comme suggéré supra graphiquement, mais la différence entre ces deux indices est négligeable. En termes d’écarts relatifs, comme nous l’avons souligné en introduction, il convient de se fier plutôt à la médiane qu’à la moyenne du fait de valeurs positives très élevées156, et de ce point de vue la conclusion est similaire à celle effectuée à propos des écarts en euros. On note d’ailleurs que, bien qu’en apparence très différentes, les moyennes ne sont pas statistiquement différentes au seuil de 10%, signe d’une variance très élevée et ce justement du fait de valeurs positives extrêmes (en témoigne l’écart moyen des taux positifs, égal à 421%). La correction des effets de structure par pondération ne modifie aucune de ces conclusions.

Tableau 3.59 : statistiques sur l’écart entre le montant suggéré par le barème et le montant de CEEE fixé en appel

Base « 2008 »

Base « 2016 »

Non pondérée Pondérée

Ecart en euros Effectifs Moyenne Médiane % d’écarts négatifs Moyenne des écarts négatifs % d’écarts positifs Moyenne des écarts positifs % des écarts nuls

1 544 -25€ 5€ 45,5% -153€ 51,8% 85€ 2,7%

1 299 -63€ *** -25€ 63,7% -138€ 32,5% 75€ 3,7%

1 299 -69€ *** -25€ 62,4% -150€ 33,0€ 74€ 3,6%

Ecart en valeur absolue Effectifs Moyenne Médiane

1 544 114€ 60€

1 299 112€ 54€

1 299 119€ 54€

Ecart relatif Effectifs Moyenne Médiane % d’écarts négatifs Moyenne des écarts négatifs % d’écarts positifs Moyenne des écarts positifs

1 429 40% 2% 49,2% -42% 50,8% 120%

1 218 104% -19% 67,9% -46% ** 32,1% 421%

1 218 143% -19% 66,5% -45% ** 32,5% 517%

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Guide de lecture : *** : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence significative au seuil de 1%.

156

Les valeurs négatives ne sont pas affectées, car censurées à la valeur maximum de 100% ; en revanche pour les valeurs positives, on observe des taux supérieurs à 200% dans 4,6% des cas et 2,9% des cas respectivement dans la « base 2008 » et la « base 2016 », avec des maxima pouvant atteindre plusieurs milliers de pourcents.

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Compte tenu des choix de présentation de la table de référence, en particulier compte tenu du fait qu’elle n’explicite que les montants de CEEE pour des revenus de débiteur compris entre 700 euros et 5 000 euros157, il peut être justifié de limiter l’analyse aux affaires entrant dans cet intervalle de revenus de débiteur158. Cette limitation implique deux conséquences du point de vue analytique. D’une part, sont exclues les affaires pour lesquelles, du fait de l’abattement forfaitaire égal au RSA, la valeur suggérée par le barème est nulle ou très faible (cas où le père dispose d’un très faible revenu, dont probablement un certain nombre de cas correspondent à une sous-déclaration de revenus) ; si dans ces cas une CEEE est fixée, ce sont probablement de faibles écarts positifs qui sont exclus, et des écarts nuls en cas de CEEE fixée à zéro. D’autre part, sont exclues des situations où l’écart (négatif) peut être important parce le montant suggéré par la table de référence à partir d’un revenu très élevé a de fortes chances d’être bien supérieur à ce qui est demandé et octroyé ; dans ce cas ce sont des écarts négatifs conséquents qui sont exclus. Il est donc assez logique que ces deux conséquences aient pour effet de faire croître les écarts moyens (cf. les statistiques relatives à cette restriction d’échantillon en annexe 3.L)159. Mais cela ne modifie nullement la plupart des résultats commentés supra. Si l’on s’en tient aux différences selon les deux périodes, la différence d’écarts en valeur absolue demeure non significative et la différence d’écarts en euros demeure très significative : en 2008 les juges ont fixé des CEEE en moyenne six euros plus élevées que le barème, alors qu’en 2016 les juges avaient fixé des CEEE en moyenne trente-deux euros plus basses que le barème, contre, dans l’échantillon sans restriction de montant de revenu du débiteur, respectivement -25 euros et -63 euros. On note cependant une différence, par rapport à l’approche sans restriction de revenus du débiteur, liée à l’exclusion des situations où l’écart est extrêmement élevé. En effet, cette exclusion réduit la variance des écarts relatifs et, de ce fait, comme pour les écarts en euros, les écarts relatifs sont significativement (au seuil de 1%) plus bas en 2016 qu’en 2008 (-5% versus +25%)160. L’approche en termes d’écarts relatifs rejoint alors la conclusion mise en lumière par l’approche termes d’écarts en euros.

L’allure des distributions d’écarts au barème simulé relatifs aux propositions des parties est naturellement différente de celle relative à la CEEE. Celle relative à l’offre (graphique 3.Q à 3.S) est concentrée sur la gauche de l’histogramme, les parents débiteurs offrant le plus souvent un montant inférieur à la valeur suggérée par le barème, signe qu’ils

157

La table de référence donne la formule de calcul, donc la valeur suggérée peut être calculée pour des montants de revenus du débiteur hors de l’intervalle [700€ ; 5 000€], mais l’information est moins immédiate que dans les autres cas où, alors, il suffit de lire le tableau. La limitation de la table de référence à cet intervalle de valeurs de revenu du débiteur est justifiée par le fait que pour des revenus très bas il peut être inefficace, en termes d’effectivité de paiement, de fixer une CEEE très faible (moins de 25 euros par exemple) et que pour des revenus très élevés, il est probable que les taux de CEEE soient inadaptés, dans la mesure où le coût relatif d’un enfant plafonne probablement à partir d’un certain niveau de revenus. Dans les deux cas, l’absence de montant dans la table de référence incite le juge à se prononcer selon le cas d’espèce (c’est d’ailleurs explicitement ce qui est conseillé dans la notice explicative de la table de référence). 158

Cela amène à écarter 286 enfants en 2008 et 231 enfants en 2016. En 2008, 55% des exclusions tiennent au fait que le revenu du débiteur est inférieur à 700 euros, contre 46% en 2016. Ces affaires sont caractérisées notamment par un taux important de CEEE fixées à zéro (20% en 2008 et 32% en 2016), un taux de valeurs suggérées par le barème égales à zéro également important (40% en 2008 et 35% en 2016) et un taux d’offres nulles tout aussi important comparativement à l’ensemble des affaires (45% en 2008 et 47% en 2016). 159

D’une part, les écarts positifs les plus élevés disparaissent, d’autre part, en retirant les cas où la valeur suggérée est nulle, on retire des écarts en moyenne plus élevés (l’écart est plus élevé entre une CEEE suggérée nulle et une CEEE fixée à une valeur positive que entre une CEEE suggérée positive et une CEEE fixée également à une valeur positive). 160

Dans l’échantillon sans restriction de revenus de débiteur, les écarts relatifs étaient plus élevés en 2016 qu’en 2008 (104% versus 40%), mais avec une différence non significative statistiquement.

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207

souhaitent minimiser leur effort financier161. Et symétriquement, l’allure de la distribution des écarts relatifs à la demande (graphiques 3.T à Q.V) montre une plus forte concentration à droite, une majorité de parents créanciers demandant plus que ce que suggère la table de référence. Puisqu’il s’agit de procédures en appel portant principalement sur un désaccord en matière de CEEE, on s’attend en effet à trouver une telle opposition entre les deux distributions.

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; montants d’offre manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère.

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; montants d’offre manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère.

161

C’est particulièrement frappant au graphique 3.S, avec un pic énorme d’écarts relatifs égaux à -100%, qui correspondent aux cas où le père offre une CEEE nulle (c’est-à-dire qu’il ne souhaite pas payer de pension alimentaire) alors que le barème suggère qu’il est, du point de vue de ses revenus, en capacité d’en payer une. A noter : l’analyse est limitée aux pères débiteurs du fait d’effectifs assez réduits concernant les affaires où c’est la mère qui est débitrice.

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10

15

20

25

-200€ et moins

-199€ à -100€

-99€ à -50€ -49€ à -20€ -19€ à -1€ 0€ 1€-19€ 20€-49€ 50€-99€ 100€-200€ 200€ et plus

Graphique 3.Q : structure (en %) des écarts en euros entre la valeur suggérée par le barème et le montant d'offre du parent débiteur

Base "2008" Base "2016"

0

5

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0€ 1€-19€ 20€-49€ 50€-99€ 100€-200€ 200€ et plus

Graphique 3.R : structure (en %) des écarts en valeur absolue entre la valeur suggérée par le barème et le montant d'offre du parent débiteur

Base "2008" Base "2016"

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Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; montants d’offre manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère.

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; montants de demande manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère.

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; montants de demande manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère.

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Incalculable -100% à -80%

-79% à -60%

-59% à -40%

-39% à -20%

-19% à 0% 1%-20% 21%-40% 41%-60% 61%-80% 81%-100% 100%-200%200%-500% 500% et +

Graphique 3.S : structure (en %) des écarts relatifs entre la valeur suggérée par le barème et le montant d'offre du parent débiteur

Base "2008" Base "2016"

0

5

10

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-200€ et moins

-199€ à -100€

-99€ à -50€ -49€ à -20€ -19€ à -1€ 0€ 1€-19€ 20€-49€ 50€-99€ 100€-200€ 200€ et plus

Graphique 3.T : structure (en %) des écarts en euros entre la valeur suggérée par le barème et le montant de demande du parent créancier

Base "2008" Base "2016"

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0€ 1€-19€ 20€-49€ 50€-99€ 100€-200€ 200€ et plus

Graphique 3.U : structure (en %) des écarts en valeur absolue entre la valeur suggérée par le barème et le montant de demande du parent créancier

Base "2008" Base "2016"

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Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; montants de demande manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère.

Du point de vue des différences selon les deux périodes, on retrouve, pour l’offre comme pour la demande, le fait, déjà souligné à propos de la CEEE, selon lequel les écarts (absolus comme relatifs) en 2016 sont relativement plus nombreux qu’en 2008 à être négatifs (et inversement pour les écarts positifs, bien sûr). Si l’on fait l’hypothèse selon laquelle la possibilité qu’ont les parties de recourir à la table de référence devrait produire plus de consensus, on devrait trouver en 2016 une proportion plus importante qu’en 2008 d’offres et de demandes proches de la suggestion de la table de référence. De ce point de vue, lorsque l’on observe la distribution des écarts en valeur absolue, on peut en conclure que l’hypothèse est assez convaincante pour les demandeurs, mais beaucoup moins pour les offreurs162.

Les statistiques rassemblées au tableau 3.60 ci-dessous confirment analytiquement ces constats. Côté offre, la prédominance des écarts négatifs s’accentue entre 2008 et 2016 et s’accompagne logiquement d’une baisse des écarts moyens (en euros comme en pourcents) faiblement significative (significative au seuil de 5% seulement, mais significative au seuil de 1% pour l’écart en euros lorsque l’on corrige des effets de structure ; les statistiques pondérées sont présentées en annexe 3.L, tableau 3.60-ter). Pour autant la proximité à la valeur suggérée par la table de référence (écarts en valeur absolue) ne se dégrade pas d’une période à l’autre.

A l’inverse, côté demande, la forte proportion d’écarts positifs se réduit d’une période à l’autre et du coup la différence d’écarts moyens en euros est très significative (en valeur non pondérée comme en valeur pondérée) : en 2008 les mères demandaient une CEEE en moyenne supérieure de 74 euros à la valeur de référence de la table indicative, alors qu’en 2016 leur demande en moyenne ne dépasse la valeur suggérée que de 40 euros. Ce changement important de comportement se traduit notamment par une différence (baisse), significative au seuil de 5%, des écarts en valeur absolue (154 versus 132, mais la différence en valeurs pondérées, 154 versus 140, n’est pas estimée significative au seuil de 10%), signe d’une certaine convergence autour de la valeur de référence : d’une période à l’autre, les écarts négatifs, peu nombreux, sont en moyenne de moindre ampleur (-17%), mais la

162 Par exemple, pour les demandes la proportion d’écarts en valeur absolue situés entre 1 euros et 20 euros passe d’une période à l’autre de 9,8% à 15,4%, alors que pour les offreurs elle ne passe que de 17,7% à 19,4%. De même, en termes d’écarts en euros, la proportion d’écarts appartenant à l’intervalle [-20€ ; +20€] augmente entre les deux dates du point de vue de la demande (de 10,4% à 15,6%) alors qu’elle diminue du point de vue de l’offre (de 18,9% à 16,6%).

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2

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Incalculable -100% à -80%

-79% à -60%

-59% à -40%

-39% à -20%

-19% à 0% 1%-20% 21%-40% 41%-60% 61%-80% 81%-100% 100%-200%200%-500% 500% et +

Graphique 3.V : structure (en %) des écarts relatifs entre la valeur suggérée par le barème et le montant de demandedu parent créancier

Base "2008" Base "2016"

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différence n’est pas significative au seuil de 10%, et les écarts moyens positifs (nombreux) diminuent de -14% (diminution significative au seuil de 1% et au seuil de 5% en valeurs pondérées).

Tableau 3.60 : statistiques sur l’écart entre le montant suggéré par le barème et le montant d’offre ou de demande

Offre demande

Base « 2008 » Base « 2016 » Base « 2008 » Base « 2016 »

Ecart en euros Effectifs Moyenne Médiane % d’écarts négatifs Moyenne des écarts négatifs % d’écarts positifs Moyenne des écarts positifs % des écarts nuls

1 416 -115€ -60€ 73,3% -178€ 21,2% 72€ 5,5%

1 245 -137€ * -81€ 81,8% -177€ 12,8% 61€ 5,4%

1 426 74€ 73€ 23,8% -166€ 75,7% 151€ 0,5%

1 254 40€ *** 38€ 33,6% -138€ 66,3% 130€ ** 0,1%

Ecart en valeur absolue Effectifs Moyenne Médiane

1 416 130€ 62

1 245 129€ 56€

1 426 154€ 98€

1 254 132€ * 42€

Ecart relatif Effectifs Moyenne Médiane % d’écarts négatifs Moyenne des écarts négatifs % d’écarts positifs Moyenne des écarts positifs

1 307 -28% -48% 79,4% -65% 20,6% 118%

1 165 -44% * -60% 87,4% -68% 12,6% 118%

1 324 135% 42% 25,6% -37% 74,4% 193%

1 176 199% 19% 35,8% -31% 64,2% 326%

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; montants d’offre ou de demande manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Guide de lecture : *** : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 1% ; * : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 5%. En rouge : différence dont la significativité est confirmée sur données pondérées.

Si l’on restreint l’échantillon aux seules affaires mettant en cause les pères ayant des revenus mensuels compris entre 700 et 5 000 euros, on exclut potentiellement les propositions aux deux extrémités de la distribution, si l’on fait l’hypothèse raisonnable selon laquelle les propositions sont peu ou prou proportionnées aux capacités financières du débiteur. De ce fait, qu’il s’agisse de l’offre ou de la demande, les écarts moyens positifs baissent et les écarts moyens négatifs baissent également (en valeur absolue), d’où au total une hausse des écarts moyens (cf. tableau 3.60-bis en annexe 3.L), la baisse des écarts négatifs l’emportant sur la baisse des écarts moyens positifs (de plus, la proportion d’écarts négatifs s’accroît en ce qui concerne l’offre). Mais ces changements dans l’ampleur des écarts moyens ne modifient pas la logique inter-périodes : les écarts moyens en euros sont, comme dans l’échantillon étendu à tous les pères étudié précédemment, significativement plus faibles en 2016 qu’en 2008, qu’il s’agisse de l’offre ou de la demande (-44% pour la

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demande et -27% pour l’offre)163. L’exclusion des affaires où le père gagne peu ou beaucoup amène à réduire la variance des écarts, et, de ce fait, les différences d’écarts moyens entre les deux périodes gagnent en significativité, ce qui n’est pas de nature à infléchir, au contraire, les résultats présentés sur l’échantillon total. La correction des effets de structure par pondération ne modifie pas ces résultats (cf. annexe 3.L, tableau 3.60-quater).

On soulignera cependant deux différences qui, avec la restriction de l’échantillon, deviennent significatives. Premièrement, les écarts négatifs moyens en euros d’offre diminuent significativement de -113 euros à -125 euros alors qu’ils étaient constants dans l’échantillon total (-178 euros en 2008 et -177 euros en 2016). Deuxièmement, la différence d’écarts relatifs moyens de demande devient significative au seuil de 0,1%. Selon cette délimitation d’échantillon, tous les indicateurs d’écarts convergent donc pour expliciter un changement de comportement des demandeurs qui, en 2016, réduisent sensiblement leurs prétentions par rapport à 2008. Ces deux particularités sont également observées après correction des effets de structure par pondération (tableau 3.60-quater en annexe 3.L).

Compte tenu de ces différentes évolutions, tant du point de vue du niveau de CEEE fixé par le magistrat que des niveaux d’offre et de demande, en comparaison, pour les trois décisions, avec le montant suggéré par la table de référence du Ministère de la Justice, nous pouvons légitimement revenir à la question de l’application de la règle de procédure ultra/infra petita, en nous posant la question de savoir si, en 2016, l’existence du barème a incité les magistrats à sortir plus souvent (ou plus largement) de l’intervalle des propositions. Comme le montre le tableau 3.61, il n’en est rien : lorsque l’offre et la demande sont explicitées, il est très rare (2,5% en 2008 et 3% en 2016 ; cellules surlignées en jaune dans le tableau 3.61) que le magistrat se prononce hors de l’intervalle des propositions des parties et la différence entre les deux périodes est négligeable.

Tableau 3.61 : structure de l’échantillon des décisions en fonction de l’offre, de la demande, du montant de CEEE fixé et du montant suggéré par la table de référence

Barème < offre

Barème > offre et < demande

Barème > demande

Ensemble

Bas

e «

200

8 »

CEEE < offre 1,0% 0,1% 0,4% 1,4%

CEEE > offre et < demande 20,0% 55,1% 22,4% 97,5%

CEEE > demande 0,0% 0,2% 0,9% 1,1%

Ensemble 20,0% 55,4% 23,7% 100,0%

Bas

e «

201

6 »

CEEE < offre 1,5% 0,4% 0,5% 2,4%

CEEE > offre et < demande 11,1% 53,0% 32,9% 97,0%

CEEE > demande 0,0% 0,0% 0,6% 0,6%

Ensemble 12,6% 53,4% 33,9% 100,0% Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; montants d’offre ou de demande manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère.

En revanche, ce tableau nous montre assez bien dans quelle mesure les comportements des parties ont changé d’une période à l’autre. En 2016, l’offre est presque deux fois moins souvent qu’en 2008 inférieure à la valeur suggérée par le barème (12,6% versus 20% ; cellules surlignées en vert au tableau 3.61), signe que les débiteurs ont corrigé à la hausse leurs propositions, peut-être sous l’influence de la table de référence. Et toujours

163

Il en est de même pour les écarts relatifs : pour l’offre, la moyenne passe de 2008 à 2016 de -35% à -49% et, pour la demande, elle passe de 90% à 64%.

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en 2016 par rapport à 2008, les demandes sont un tiers de fois plus souvent inférieures au barème (33,9% versus 23,7% ; cf. cellules surlignées en vert), signe que les créanciers ont corrigé à la baisse leurs prétentions, peut-être également sous l’influence de la table de référence. La correction des effets de structure par pondération ne modifie en rien cette analyse.

Après avoir commenté les différences, d’une période à l’autre, des écarts moyens par rapport au barème simulé pour l’ensemble des affaires, il convient de chercher à savoir si ces différences dépendent des caractéristiques d’affaires (ou, pour reprendre l’expression utilisée dans les analyses sur données expérimentales, si elles dépendent des critères constitutifs des cas types).

b) Les écarts par rapport au barème simulé, par critères d’affaire, varie-t-il selon la période d’observation ?

Notre préoccupation étant l’analyse de la disparité des décisions, il nous importe peu de savoir si l’écart au barème simulé est positif ou négatif : ce qui compte c’est d’examiner s’il est de grande ou de petite ampleur. Nous privilégions donc l’indicateur d’écart en valeur absolue. De plus, notre propos est plus de savoir si l’écart absolu dépend de l’année d’observation (et donc implicitement de l’existence du barème indicatif) que de prendre la mesure des différences d’écart en valeur absolue selon telle ou telle type d’affaire caractérisé par telle ou telle modalité. Aussi, notre attention sera portée principalement sur la significativité des termes d’interaction « modalité – année ». Dans les régressions présentées ci-dessous, nous tentons donc d’expliquer l’écart, en valeur absolue, par rapport au barème simulé à l’aide des mêmes caractéristiques que celles retenues pour les cas types expérimentaux (taille de la fratrie, type de DVH, revenus des parents et propositions des parties, à l’exception des propositions non explicitées, qui sont exclues de la présente analyse) et en introduisant une indicatrice d’année qui nous permettra non seulement de mesurer l’écart moyen entre les deux années mais qui, croisée avec chaque caractéristique d’affaire, nous permettra de voir si l’impact de chacune de ces caractéristiques s’est modifié de 2008 à 2016. Comparativement aux analyses descriptives précédentes, l’approche économétrique nécessite de tenir compte simultanément de toutes les exclusions pour cause de données manquantes, dont celles non prises en compte jusqu’alors concernant le revenu du parent créancier ; nous travaillons donc sur un échantillon assez réduit : 1 261 observations en 2008 et 1 042 en 2016.

Expliquer, par la valeur suggérée du barème, l’écart entre la valeur suggérée par le barème et le montant fixé par le juge est bien sûr un peu tautologique (la valeur suggérée par le barème apparaissant des deux côtés de l’équation), mais en partie seulement puisque nous traitons ici un écart en valeur absolue. Comme nous l’avons expliqué supra dans la sous-partie 3.1, la tautologie produit une surestimation de la qualité globale de la régression (R2)164. Quoi qu’il en soit, le modèle n°1 (cf. tableau 3.62) nous montre, d’une part, qu’indépendamment de la valeur suggérée par le barème, les décisions de CEEE en 2016 sont plus proches du barème qu’en 2008 (le coefficient associé à la modalité « 2016 » est négatif et significatif au seuil de 5%) et, d’autre part, que l’écart en valeur absolue croît, moins que proportionnellement (0,56), à mesure que la valeur suggérée par le barème croît

164

En régressant le montant de CEEE fixé par le juge et donc en déplaçant la valeur du barème du membre gauche de l’équation vers le membre droit de l’équation, le R

2 n’est que de 48%, contre 70% lorsque l’on régresse l’écart.

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213

également. Ce second résultat militerait en faveur d’une approche en termes d’écart relatif en valeur absolue, ce que nous ne réalisons cependant pas à ce stade (cf. infra) pour ne pas complexifier l’analyse et multiplier les résultats165.

Tableau 3.62 : estimation de l’écart en valeur absolue entre le montant de CEEE fixé et la valeur suggérée par le barème selon les modalités constitutives des cas types et selon l’année

(1) (2) (3) (4) (5)

Constante -16,51*** -20,48*** -27,78*** -28,86*** -1,43

2016 Valeur suggérée par le barème 2016 * valeur du barème

-9,84* 0,56***

/

3,24 0,58*** -0,05***

-9,37 # / /

-6,35 / /

-20,32* / /

Un enfant Deux enfants Trois enfants Quatre enfants Cinq ou six enfants

/ /

Réf. -26,32*** -47,77*** -41,31** -71,59**

Réf. -31,53*** -44,56*** -31,61 -77,61*

Réf. -6,48 6,39 19,92 -13,10

DVH « classique » DVH « réduit » DVH « enfant majeur » DVH « alternance »

/ /

Réf. 42,34*** 28,25*** -37,04***

Réf. 38,75*** 24,47** -12,02

Réf. 20,60** 36,55*** 15,38

Revenus du père Revenus de la mère

/ / 0,066*** -0,007***

0,068*** -0,014***

0,011*** -0,001

Offre du père Demande de la mère

/ / -,113*** 0,030*

-0,015 0,010

0,075** 0,147***

2016 * Deux enfants 2016 * Trois enfants 2016 * Quatre enfants 2016 * Cinq ou six enfants 2016 * DVH « réduit » 2016 * DVH « enfant majeur » 2016 * DVH « alternance » 2016 * Revenus du père 2016 * Revenus de la mère 2016 * Offre du père 2016 * Demande de la mère

/ / /

13,64 -8,67 -25,12 12,56 4,63 10,11 -43,88* -0,006* 0,013** -0,285*** 0,076**

5,25 -24,16* -29,08 -7,36 19,21 # 0,22 -9,23 0,016*** 0,000 -0,19*** 0,018

R2 ajusté 0,72 0,72 0,70 0,70 0,25 Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ (1) à (4) : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu des parents manquants exclus ; montants d’offre ou de demande manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère ; N = 2 303. Champ (5) : idem que champ (1) avec restriction du revenu du débiteur à l’intervalle [700 ; 5 000] ; N = 1 895. Guide de lecture : *** : coefficient significatif au seuil de 0,1% ; ** : coefficient significatif au seuil de 1% ; * : coefficient significatif au seuil de 5% ; # : coefficient significatif au seuil de 10%. En rouge : la significativité à au plus 10% est confirmée sur données pondérées.

Selon l’approche descriptive, nous avons souligné que l’écart en valeur absolue, sur l’ensemble de la population, variait peu selon la période d’observation, mais, d’une part, bien que faible, cette différence est statistiquement significative (cf. la significativité du

165

Ces considérations rejoignent celles que nous avons exposées supra sur le fait de travailler à partir de la variance (écart absolu) ou à partir du coefficient de variation (écart relatif).

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214

terme d’interaction dans le modèle n°2) et, d’autre part, il est possible que la différence soit plus conséquente pour telle ou telle modalité d’affaire et non significative pour d’autres.

Le modèle n°3 est sensiblement identique au modèle n°1 dans sa spécification ; en effet, ici la valeur suggérée par le barème n’est pas introduite en elle-même dans l’équation, mais ce sont les paramètres de son calcul qui sont introduits : taille de la fratrie, revenu du parent débiteur (père), type de DVH. Il est donc normal que tous ces facteurs montrent des coefficients hautement significatifs. La spécification diverge cependant de celle du modèle n°1 puisque nous avons ajouté trois autres facteurs qui sont au cœur de nos analyses (si l’on se réfère aux paramètres constitutifs des cas types expérimentaux) : le revenu de la mère créancière et les deux propositions (offre et demande). A cet égard, on observe que, ceteris paribus, l’écart en valeur absolue croît à mesure que le revenu du parent débiteur croît également, ce qui rejoint notre propos quant au signe positif du coefficient associé à la valeur suggérée par le barème du modèle n°1 (puisque la valeur du barème suit une fonction croissante du revenu du débiteur). A l’inverse, l’écart en valeur absolue décroît avec le revenu du parent créancier. Le revenu des mères étant généralement inférieur à celui des pères, on peut donc penser que lorsque les revenus du couple sont plus proches (parce que le revenu de la mère croît), la décision de CEEE est plus proche de la valeur suggérée par le barème.

Concernant les propositions, l’écart en valeur absolue se réduit significativement avec l’offre et s’accroît significativement avec la demande. Sans doute faut-il y voir, d’un côté, un effet des offres non nulles (lorsque le père est d’accord pour payer une pension alimentaire, la décision est plus proche de la valeur suggérée par le barème que lorsqu’il offre un montant nul) et, de l’autre, un effet des demandes excessives (si la mère exprime une prétention démesurée, mais une prétention tout de même prise en compte dans le débat, la fixation de la CEEE a plus de chance de s’écarter de la valeur suggérée par le barème).

Venons-en aux deux derniers modèles (n°4 et n°5), qui ne se distinguent que par leur champ (dans le modèle n°5, nous nous limitons aux affaires où le revenu du parent débiteur est compris entre 700 et 5 000 euros, c’est-à-dire pour des situations clairement explicitées dans la table de référence), et aux interactions qui explicitent les différences entre les deux périodes. Tour d’abord, les différences d’écart en valeur absolue selon le nombre d’enfants (par rapport aux affaires avec un seul enfant), différences qui expriment une baisse de l’écart en valeur absolue croissant avec la taille de la fratrie, ne dépendent pas significativement de l’année d’observation. De ce point de vue, on peut donc avancer l’idée selon laquelle l’opportunité offerte en 2016 de recourir à la table de référence n’a pas modifié les différences de proximité au barème en valeur absolue selon la taille de la fratrie. Il en est quasiment de même du point de vue du type de DVH. On observe certes une interaction significative associée à la modalité « alternance », mais seulement au seuil de 5% et cette faible significativité disparaît avec l’échantillon restreint (modèle n°5)166. Cela témoigne d’une faible robustesse de l’effet, sans doute due pour partie au fait que, dans les échantillons retenus pour cette analyse, les effectifs concernés par un DVH « alternance » sont assez faibles167.

166

Il convient cependant d’être méfiant avec l’estimation n°5, dont la qualité globale est très faible comparativement à l’estimation n°4 (R

2 de 25% versus 70%).

167 64 observations en 2008 et 101 observations en 2016.

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Les revenus et les propositions semblent en revanche être des facteurs dont l’impact sur l’écart en valeur absolue est sensible à la période (et donc, par hypothèse, à l’existence de la table de référence). Nous avons souligné supra que, ceteris paribus, cet écart s’accroissait avec le revenu du parent débiteur ; le coefficient d’interaction nous enseigne que cette relation positive serait plus faible en 2016 qu’en 2008 et donc que la potentialité de recourir à la table de référence serait de ce point de vue un facteur d’homogénéisation (au sens d’un rapprochement de la valeur suggérée par le barème). Il faut cependant rester méfiant quant à cet effet de période car, bien que l’indicatrice « 2016 » devrait capter les éventuels effets attachés aux spécificités – non retenues dans la spécification – des observations de 2016 par rapport à celle de 2008, la significativité du coefficient d’interaction ne résiste pas à la correction des effets de structure par pondération168. Il est par ailleurs intéressant d’observer que ce résultat est contredit par l’estimation effectuée sur l’échantillon restreint : lorsque l’on exclut les très bas revenus et les très hauts revenus de débiteur, certes l’impact direct du revenu est plus faible (0,011 versus 0,068), mais surtout le coefficient d’interaction, très significatif, est positif, ce qui signifie qu’il y aurait une dégradation de la proximité (ou accroissement de l’écart), en valeur absolue, à la valeur suggérée par le barème. Il semble donc que du point de vue du revenu du parent débiteur, le rôle de concentrateur attendu du barème ait surtout joué pour les affaires avec revenus mensuels extrêmes (inférieurs à 700 euros ou supérieurs à 5 000 euros).

Concernant les revenus du parent créancier, l’effet direct sur l’écart en valeur absolue est négatif (-0,014), mais l’effet d’interaction est positif et d’ampleur comparable (+0,013), ce qui signifierait que, ceteris paribus, en 2016 l’écart en valeur absolue serait indépendant du revenu de la mère, contrairement à l’effet de diminution croissante (avec le revenu de la mère) de l’écart en 2008. Et lorsque les revenus du débiteur ne sont pas extrêmes (modèle n°5), on n’observe aucune relation significative (ni directe, ni par interaction). Au total, il ne semble donc pas que l’effet du barème, selon le niveau de revenu de la mère, soit vraiment déterminant, il serait juste un peu contre-productif (en ce sens qu’il augmenterait l’écart à la valeur suggérée par le barème, en valeur absolue) dans les affaires où le revenu du débiteur est extrême.

L’effet direct associé à l’offre du débiteur, bien que non significativement différent de zéro, est négatif, et le coefficient d’interaction renforce très sensiblement cet effet. Lorsque l’on se restreint aux affaires avec débiteurs à revenus non extrêmes, le coefficient d’interaction est significatif et de signe opposé à celui du coefficient associé à l’effet direct. Donc, dans le premier cas la réduction de l’écart en valeur absolue à mesure que le niveau de l’offre croît est plus importante en 2016 qu’en 2008 (-0,3, valeur significative au seuil de 0,1% versus -0,015, valeur non significativement différente de zéro) et, dans le second cas, à mesure que l’offre croît l’écart croît (+0,075) en 2008, alors qu’il décroît significativement en 2016 (-0,115). Dans les deux cas, les résultats peuvent donc être entendus comme un effet de concentration attribuable à l’opportunité de recourir à la table de référence.

Enfin, le coefficient d’interaction associé à la demande du parent créancier est positif et significatif : à mesure que la demande croît, l’écart en valeur absolue croît, et cela plus en 2016 qu’en 2008. De ce point de vue, le recours potentiel à la table de référence ne jouerait pas un effet de concentration autour de la valeur suggérée par cette même table, au contraire. Lorsque l’on exclut les affaires où le père a des revenus extrêmes, il n’y a pas de

168

La méfiance vient donc du fait que, compte tenu du fait que la spécification introduit l’indicatrice d’année, on s’attendrait à ce que la pondération ne produise aucun effet, or ce n’est pas le cas concernant le revenu du débiteur.

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différence selon la période : l’écart croît autant en 2016 qu’en 2008 à mesure que le niveau de la demande augmente.

Pour compléter ces analyses, nous proposons deux variantes justifiées par des raisons méthodologiques (tableau 3.63). La première fait suite aux propos que nous avons tenus supra pour souligner qu’une approche en termes d’écarts relatifs pourrait être pertinente. Nous testons alors le même modèle n°4 mais en retenant comme variable dépendante l’écart relatif en valeur absolue (modèle n°6). La seconde variante prend en considération le fait qu’un écart exprimé en valeur absolue est censuré à gauche (pas de valeurs négatives). De ce fait, une régression linéaire par les moindres carrés ordinaires, comme nous le faisons au tableau 3.60, n’est pas pleinement adaptée (tout en restant une première approximation acceptable) car l’estimation n’étant pas parfaite (R2 < 100%), elle peut amener à produire des valeurs estimées négatives. Pour tenir compte de cet inconvénient, nous testons le même modèle n°4 (avec l’écart en valeur absolue comme variable dépendante) à l’aide d’un modèle non linéaire, un Tobit (modèle n°7). L’inconvénient de ce type de régression est le fait que les coefficients sont moins directement interprétables du fait de la forme non linéaire de la fonction estimée. Nous ne nous attacherons donc pas à interpréter la valeur des coefficients, mais simplement leur signe et leur significativité, en particulier ceux qui nous intéressent ici, à savoir ceux associés aux termes d’interaction.

Concernant la première variante, comme nous l’avons déjà souligné supra, travailler sur un écart relatif entraîne deux inconvénients. Premièrement, la valeur n’est pas calculable lorsque le dénominateur est nul (la table de référence suggère un montant nul de CEEE, du fait d’un revenu déclaré du débiteur inférieur au montant du RSA socle). Deuxièmement, l’écart relatif peut prendre des valeurs très importantes (le montant de CEEE fixé est très largement au-dessus de ce que suggère la table de référence). Or, dans ce cas le risque est que ces quelques valeurs extrêmes « tirent » vers elles l’estimation. Nous avons donc opté pour une limitation de l’échantillon aux écarts relatifs inférieurs à 1 000%. Ces deux inconvénients amènent respectivement à devoir exclure 140 et 16 observations (2 147 observations retenues, contre 2 303 dans les analyses précédentes).

Ce qui frappe à la lecture des résultats de ce modèle n°6 c’est la très faible capacité du modèle à expliquer les écarts relatifs en valeur absolue (le R2 n’est que de 4%). Les modalités constitutives des cas types retenues dans l’analyse n’expliquent pratiquement rien. La faible explication est portée, au niveau des effets directs, principalement par la relation entre le revenu du parent débiteur et l’écart relatif en valeur absolue (lorsque le revenu s’accroît de 100 euros, l’écart relatif en valeur absolue baisse de 0,5 points) et par la relation entre le niveau de la demande et l’écart (lorsque la demande s’accroît de 10 euros, l’écart relatif en valeur absolue augmente de 0,45 points). Ces deux effets montrent que l’approche en termes d’écarts relatifs n’est pas du tout identique à celle menée en termes d’écarts simples (comparaison entre modèle n°4 et modèle n°6) : l’effet direct associé au revenu du débiteur est inversé et celui associé à la demande devient significativement positif (or il était non significativement différent de zéro).

Du point de vue des différences éventuelles selon l’année d’observation (coefficients des termes d’interaction), là encore la comparaison entre le modèle n°4 et le modèle n°6 apporte des enseignements (sous réserve de la très faible capacité explicative du modèle n°6). On retrouve certes l’effet significatif de concentration (coefficient négatif) associé au niveau de l’offre déjà observé dans l’approche non relative, mais les autres effets (associés aux revenus et à la demande de la mère) disparaissent.

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Tableau 3.63 : estimation de l’écart (relatif) en valeur absolue entre le montant de CEEE fixé et la valeur suggérée par le barème selon les modalités constitutives des cas types et selon l’année, et selon deux types de régression

(4) (6) (7) (8)

Variable dépendante et méthode

Ecart en VA (MCO)

Ecart relatif en VA (MCO)

Ecart en VA (Tobit)

Ecart relatif en VA (Tobit)

Constante -28,86*** 62,03*** -32,85*** 62,03***

2016 -6,35 -18,66* -8,47 -18,66*

Un enfant Deux enfants Trois enfants Quatre enfants Cinq ou six enfants

Réf. -31,53*** -44,56*** -31,61 -77,61*

Réf. -6,08 -4,40 15,55 -8,04

Réf. -32,70*** -46,36*** -30,23 -84,68*

Réf. -6,08 -4,40 15,55 -8,04

DVH « classique » DVH « réduit » DVH « enfant majeur » DVH « alternance »

Réf. 38,75*** 24,47** -12,02

Réf. -7,26 9,46# 13,06

Réf. 37,04*** 24,45** -14,04

Réf. -7,26 9,46# 13,06

Revenus du père Revenus de la mère

0,068*** -0,014***

-0,005*** -0,002

0,068*** -0,013***

-0,005*** -0,002

Offre du père Demande de la mère

-0,015 0,010

0,008 0,045***

-0,006 0,009

0,007 0,045***

2016 * Deux enfants 2016 * Trois enfants 2016 * Quatre enfants 2016 * Cinq ou six enfants 2016 * DVH « réduit » 2016 * DVH « enfant majeur » 2016 * DVH « alternance » 2016 * Revenus du père 2016 * Revenus de la mère 2016 * Offre du père 2016 * Demande de la mère

13,64 -8,67 -25,12 12,56 4,63 10,11 -43,88* -0,006* 0,013** -0,285*** 0,076**

19,54** 1,30 -13,11 -3,86 18,90* 16,47# 0,23 0,000 0,003 -0,064* 0,009

15,65 -4,96 -22,80 23,71 5,28 -43,05 9,87* -0,005* 0,012** -0,288*** 0,077**

19,54** 1,30 -13,11 -3,86 18,90* 16,47 0,23* -0,000 0,003 -0,064* 0,009

R2 ajusté 0,70 0,04 / / Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ (4) et (6) : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu des parents manquants exclus ; montants d’offre ou de demande manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère ; N = 2 303. Champ (5) et (7) : idem que (4), mais exclusions des observations avec un montant de CEEE suggéré par le barème égal à zéro et exclusion des écarts relatifs en valeur absolue supérieurs à 1 000%. N = 2 147. Guide de lecture : *** : coefficient significatif au seuil de 0,1% ; ** : coefficient significatif au seuil de 1% ; * : coefficient significatif au seuil de 5% ; # : coefficient significatif au seuil de 10%. En rouge : la significativité à au plus 10% est confirmée sur données pondérées.

On observe en revanche que, comparativement aux affaires avec DVH « classique » et ceteris paribus, en cas de DVH « réduit » ou de DVH « enfants majeurs » l’écart relatif en valeur absolue est plus important en 2016 qu’en 2008, signe d’un effet de la table de référence opposé à ce qui est plutôt attendu. Ces deux types de DVH seraient donc source de plus d’hétérogénéité (que dans le cas d’un DVH « classique » lorsque le recours au barème est possible), si l’on définit l’hétérogénéité comme étant l’éloignement relatif à la valeur suggérée par la table de référence. Il en va de même des situations avec une fratrie de deux enfants (comparativement à un enfant), de manière assez curieuse169 et difficile à

169

Curieuse car toutes les analyses précédentes montraient plutôt une absence d’effet d’interaction lié à la taille de la fratrie et car cet effet ne s’observe pas pour les fratries de taille supérieure (trois, quatre et cinq ou six enfants).

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218

interpréter. Enfin, on peut noter que si l’on restreint l’échantillon aux affaires où le revenu du débiteur est compris entre 700 euros et 5 000 euros170, les résultats du point de vue des différences selon la période ne sont pas de nature à remettre en cause le commentaire précédent : on observe simplement, d’une part, que l’effet associé aux fratries de deux enfants, effet que nous avons qualifié de curieux, est nettement moins significatif (au seuil de 7% seulement) et donc est sans doute fragile et, d’autre part, qu’il y aurait, sur cet échantillon restreint, un effet négatif (significatif au seuil de 2%) associé au revenu du débiteur. Ce second résultat sur échantillon restreint, qui explicite un effet de concentration (vers la valeur suggérée) croissant avec le revenu du débiteur et significativement plus important en 2016 qu’en 2008, est inverse à celui observé au modèle n°5, où l’écart en valeur absolue n’était pas exprimé en valeur relative. Il convient également de souligner que la prise en compte des éventuels effets de structure par pondération ne modifie en rien l’ensemble des commentaires précédents.

Enfin, on pourrait nous faire valoir que ces régressions par moindres carrés ordinaires (MCO) ne sont pas adaptées car la variable dépendante est, par définition, censurée à gauche (s’agissant de valeurs absolues, il n’y a pas de valeurs négatives) ; or avec une modélisation linéaire de type MCO il est possible qu’en calculant les valeurs estimées à l’aide de nos modèles linéaires nous obtenions quelques valeurs négatives. Il convient donc dans ce cas de plutôt recourir à des modèles à variable dépendante limitée. C’est pour cela qu’au tableau 3.61, nous proposons deux variantes (n°7 et n°8) estimées avec un modèle Tobit (estimé par la procédure LIFEREG en SAS) qui tient compte de cette censure et calcule l’estimation non plus par les moindres carrés ordinaires mais par maximisation de la vraisemblance. La lecture des résultats produits par ces variantes montre qu’ils n’altèrent aucun de nos commentaires issus des estimations par les moindres carrés ordinaires.

Après avoir analysé les écarts portant sur les montants de CEEE fixés en appel, nous renouvelons le même type d’analyse économétrique pour les montants d’offre et de demande, la table de référence ayant pu également jouer un rôle dans l’expression des propositions des parties. Comme précédemment, nous effectuons des régressions linéaires sur l’écart, en valeur absolue, entre la valeur suggérée par la table de référence et, respectivement, le montant d’offre et le montant de demande et ce, toujours sur l’échantillon constitué d’un seul enfant tiré au hasard par fratrie vivant principalement au domicile de sa mère et toujours selon deux champs (ensemble de l’échantillon et échantillon restreint aux affaires où le revenus de débiteur est compris entre 700 et 5 000 euros, puisque l’explicitation ou non des montants dans la table de référence vaut tout autant pour le magistrat que pour les parties).

Nous nous attacherons une fois encore à l’étude des coefficients associés aux variables d’interaction qui explicitent un éventuel changement de comportement, selon les différentes modalités constitutives des cas types expérimentaux, entre les deux années d’observation. Concernant l’offre du parent débiteur (tableau 3.64, colonnes 1 et 2), on observe que l’effet de période indépendamment des effets spécifiques aux différentes modalités est non significatif et que seulement deux termes d’interaction apparaissent significatifs au seuil de 10%. Ils concernent les revenus des deux parents et sont de signes opposés.

170

Résultats non présentés dans le présent rapport, mais disponibles auprès des auteurs.

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Tableau 3.64 : estimation de l’écart en valeur absolue entre l’offre (la demande) et la valeur suggérée par le barème selon les modalités constitutives des cas types et selon l’année

Offre Demande

(1) (2) (3) (4)

Constante -29,14*** -3,15 47,09*** 101,39***

2016 -0,61 -15,24 -14,03 -45,77**

Un enfant Deux enfants Trois enfants Quatre enfants Cinq ou six enfants

Réf. -31,71*** -44,64*** -31,85 -77,61*

Réf. -6,11 5,97 20,06 -13,41

Réf. -39,14*** -63,51*** -61,44* -107,50*

Réf. -16,03# -32,99** -25,06 -63,67

DVH « classique » DVH « réduit » DVH « enfant majeur » DVH « alternance »

Réf. 38,89*** 24,67** -11,06

Réf. 20,20* 34,90*** 10,67

Réf. 18,97 31,17* -4,87

Réf. -9,61 46,38*** 38,93#

Revenus du père Revenus de la mère

0,068*** -0,014***

0,013*** -0,001

0,039*** -0,005

-0,014** -0,003

Demande de la mère Offre du père

0,007 /

0,168*** /

/ 0,302***

/ 0,554***

2016 * Deux enfants 2016 * Trois enfants 2016 * Quatre enfants 2016 * Cinq ou six enfants 2016 * DVH « réduit » 2016 * DVH « enfant majeur » 2016 * DVH « alternance » 2016 * Revenus du père 2016 * Revenus de la mère 2016 * Demande de la mère 2016 * Offre du père

8,43 -13,14 -26,74 4,43 6,01 12,45 -24,10 -0,008** 0,011** -0,018

/

3,05 -24,23* -29,04 -9,10 19,52# 3,04 2,75 0,012** 0,000 -0,037

/

0,41 -8,25 -27,12 17,35 -0,98 -3,58 -17,52 -0,001 0,005

/ -0,122*

-4,55 -2,98 -13,95 16,73 15,23 -7,91 -20,46 0,013# 0,009#

/ -0,101

R2 ajusté 0,70 0,24 0,39 0,16 Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champs (1) à (3) : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu des parents manquants exclus ; montants d’offre ou de demande manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère ; N = 2 302. Champs (2) et (4) : idem que champ (1) avec restriction du revenu du débiteur à l’intervalle [700 ; 5 000] ; N = 1 895. Guide de lecture : *** : coefficient significatif au seuil de 0,1% ; ** : coefficient significatif au seuil de 1% ; * : coefficient significatif au seuil de 5% ; # : coefficient significatif au seuil de 10%. En rouge : la significativité au seuil de 10% est confirmée sur données pondérées.

Compte tenu du signe positif (et significatif) de l’effet direct du revenu du parent débiteur (0,068), le signe négatif et significatif de l’interaction (-0,008) signifie que l’écart en valeur absolue croît à mesure que ce revenu croît, mais qu’il croît moins rapidement en 2016 qu’en 2008 (0,060171 versus 0,068), ce qui pourrait donc signifier un effet de concentration vers la valeur suggérée par le barème lorsque ce dernier est mis à disposition. On remarque cependant que l’effet d’interaction est inversé (positif) lorsque l’on étudie les seules affaires où le revenu du débiteur n’est pas extrême (entre 700 et 5 000 euros par mois) ; l’effet associé au revenu du parent débiteur est donc supérieur en 2016 comparativement à 2008 (0,025172 versus 0,013). Cela signifie donc que l’effet de concentration vers la valeur suggérée

171

La somme des coefficients (0,068 - 0,008 = 0,06) est significative au seuil de 0,1%. 172 La somme des coefficients (0,012 + 0,013 = 0,025) est significative au seuil de 0,1%.

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par la table de référence concernerait principalement les pères qui ont de très faibles revenus ou des revenus très élevés, quand bien même cette table, dans ces cas-là, est moins explicite.

Concernant le revenu du parent créancier (mère), on observe que le terme d’interaction est significativement positif. Associé à l’effet direct qui est négatif, cela signifierait qu’à mesure que le revenu du parent créancier croît, l’écart en valeur absolue entre la valeur suggérée par le barème et ce que propose le père débiteur décroît, mais qu’il le fait moins en 2016 qu’en 2008 puisque la somme des deux coefficients (-0,014 + 0,011) est non significativement différente de zéro. L’effet supposé du recours à la table de référence (en termes de proximité entre l’offre et la valeur suggérée) serait donc opposé à un effet de concentration, au regard des revenus du parent créancier. Il faut cependant souligner que cet effet disparaît lorsque l’on se limite à l’échantillon restreint. L’effet d’éloignement associé à la croissance du revenu du parent créancier concernerait donc plutôt les cas où les revenus du parent débiteur sont extrêmes.

Dans la spécification retenue, nous avons introduit le montant de la demande comme facteur potentiellement explicatif de l’offre (facteur dont l’effet est non significatif dans la régression portant sur l’échantillon complet). Cela signifie que nous faisons l’hypothèse selon laquelle lorsque le père fait son offre, il connaît la demande de la mère et peut donc formuler son offre compte tenu de la demande. Cette hypothèse est assez plausible pour le défendeur, car la procédure prévoit que la proposition de l’appelant lui est communiquée directement ou par l’intermédiaire de son avocat. La connaissance de la proposition du défendeur par l’appelant est en revanche plus incertaine, car les parties n’ont pas nécessairement l’occasion de se rencontrer lorsque la procédure est écrite (pas de rencontre avec le magistrat), mais l’on peut penser que l’appelant a une certaine connaissance de la position de l’autre partie sur l’objet de son appel. Si cette hypothèse de connaissance croisée des propositions n’était pas valide, il conviendrait alors de ne pas tenir compte de la demande pour expliquer l’offre. Nous avons effectué cette variante avec exclusion de la demande dans l’estimation de l’offre173, cela n’a aucune incidence sur les résultats du modèle n°1 et cela supprime la significativité de l’interaction relative aux revenus du parent débiteur dans le modèle n°2. Cela pourrait signifier que lorsque les revenus du débiteur ne sont pas extrêmes, si son offre est faite sans connaître la demande, l’effet d’éloignement par rapport au barème à mesure que le revenu du débiteur s’accroît serait identique selon la période (alors que dans la version avec prise en compte de la demande, nous avions souligné un effet d’éloignement supérieur en 2016 comparativement à 2008).

Concernant maintenant l’estimation de la demande exprimée par le parent créancier (la mère), tout d’abord il convient de souligner que la qualité globale de l’estimation (R2) est nettement plus faible que celle des modèles estimant l’offre : 39% seulement (modèle n°3) contre 70% pour le modèle n°1 expliquant l’offre. Les différents facteurs explicatifs expliquent assez mal l’écart en valeur absolue entre la valeur suggérée par la table de référence et le niveau de la demande. Ensuite, comme quasiment aucun terme d’interaction ne montre de coefficient significatif au seuil de 10%, il semble que le niveau de fixation de la demande soit relativement indépendant de la période et donc que le recours potentiel à la table de référence n’ait pas d’impact notable. Seul le terme d’interaction relatif à l’offre montre un coefficient négatif et significatif au seuil de 5%. Il signifierait qu’à mesure que

173

Résultats non présentés dans le présent rapport, mais disponibles en s’adressant aux auteurs.

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l’offre croît, l’écart en valeur absolue par rapport à la valeur suggérée pas le barème croît, mais croît moins vite en 2016 qu’en 2008 (0,180 versus 0,302), signe d’un effet de concentration vers la valeur suggérée par le barème. Mais cela ne s’observe pas sur l’échantillon restreint, l’effet serait donc valide plutôt pour les situations plus rares où les revenus du père sont extrêmes174. Ces résultats ne sont pas contredits par la prise en compte des effets de structure par pondération, ni par l’exclusion de l’offre dans la spécification selon la même logique que celle explicité supra175.

Quand est-il si l’on raisonne non plus en écart, mais en écart relatif ? Les estimations (tableau 3.64-bis en annexe 3.M) relatives à l’offre sont de qualité globale très médiocre (R2 = 2% et 6% selon le champ), ce qui laisse penser que notre modèle n’inclut pas les bonnes variables explicatives ou les inclut au moyen d’une spécification inadaptée. De plus, une seule interaction montre un coefficient significatif, ce qui semble montrer que les écarts relatifs en valeur absolue sont indépendants de la période d’observation (contrairement aux estimations en termes d’écart, qui montraient un lien significatif concernant les interactions relatives aux revenus des parents). L’interaction à coefficient significatif au seuil de 5% concerne la demande exprimée par la mère. Combinée avec l’effet direct, qui est estimé non différent de zéro (0,006), cette interaction (dont le coefficient estimé est égal à -0,027) nous dit que lorsque, par exemple, la demande de la mère s’accroît de 10 euros, l’écart relatif en valeur absolue entre l’offre et la valeur suggérée par le barème ceteris paribus ne varie pas en 2008, alors qu’il baisse de 0,21 points de pourcentage en 2016176.

La qualité de la régression relative à la demande est également faible lorsque le champ est l’échantillon total (R2 = 6%), elle est un peu meilleure lorsque l’échantillon est restreint (R2 = 21%). Dans l’analyse de l’écart en valeur absolue, nous avions souligné l’absence d’effet d’interaction significatif à propos de la demande, à l’exception de l’interaction relative à l’offre. En termes d’écarts relatifs en valeur absolue, cette interaction n’est plus significative et l’on n’observe qu’une interaction significative (au seuil de 5%), relative à la taille de la fratrie (pour les fratries de deux et trois enfants sur l’échantillon total et seulement pour les fratries de deux enfants sur l’échantillon restreint ; pour des fratries de taille supérieure le coefficient d’interaction est non significativement différent de zéro). On peut illustrer cet effet à partir de l’estimation sur l’échantillon total. En combinant l’effet direct avec l’effet d’interaction, nous pouvons dire que, ceteris paribus (dont l’effet négatif et significatif associé à la période indépendamment des interactions), lorsque l’on passe d’une fratrie de un enfant à une fratrie de deux enfants, l’écart relatif en valeur absolue entre la demande et la valeur suggérée par le barème baisse de 27 points de pourcentage en 2008, alors qu’il s’accroît de 2 points de pourcentage en 2016 (d’une fratrie de un enfant à une fratrie de trois enfants, les variations sont respectivement de -39 points de pourcentage en 2008 et -7 points de pourcentage en 2016). Toutes choses égales par ailleurs, la demande serait donc

174

On notera que l’estimation sur échantillon restreint montre un coefficient assez significatif (et négatif) associé à l’effet direct de la période : indépendamment des autres effets croisés, le montant de la demande en 2018 est significativement plus bas en 2016 qu’en 2018. 175

L’exclusion de la variable d’offre dans le modèle de demande ne modifie en rien la significativité et le signe des coefficients associés aux interactions quel que soit le champ ; on note cependant, dans la régression effectuée sur l’échantillon restreint, une modification notable d’un effet direct : l’impact du revenu du débiteur estimé significativement positif lorsque l’on tient compte de son offre devient significativement négatif lorsque l’on ne tient pas compte de son offre. 176

On observe la même chose sur l’échantillon restreint, mais dans ce cas la significativité de l’effet d’interaction disparaît lorsque l’on corrige des effets de structure par pondération.

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proportionnellement plus éloignée de la valeur suggérée par la table de référence en 2016 qu’en 2008.

Au titre de l’élargissement de l’analyse au-delà du cadre restreint des cas types expérimentaux, après avoir élargi notre propos à d’autres modalités des critères constitutifs des cas types (§1.), puis de l’avoir ouvert à une approche fort différente en analysant les écarts entre la valeur simulée du montant de CEEE suggéré par la table de référence et respectivement le montant de CEEE fixé par le magistrat, l’offre et la demande exprimées par les parties (§2.), nous proposons un dernier élargissement, consistant à tenter d’estimer un barème implicite des juges, dans la perspective d’une comparaison des déterminants de ce barème entre les deux périodes.

3. Estimations économétriques des montants de CEEE : d’une période à l’autre le barème implicite des juges a-t-il changé ?

Cette troisième et dernière approche analytique repose sur l’hypothèse qui est commune à toute cette sous-partie 3.2., à savoir que nous cherchons à identifier des différences entre les deux bases de données de décisions de justice en matière de fixation de CEEEE (2008 et 2016), en postulant que le mise en œuvre de la table de référence en 2010 constituerait l’élément explicatif de ces différences et ce, à principaux effets de structure pris en compte.

Dans ce paragraphe, notre objectif est d’estimer économétriquement, avec toute la richesse de nos bases de données (et donc sans se restreindre au cadre très particulier des cas types expérimentaux tels que nous les avons définis dans la sous-partie 3.1.), le montant de CEEE fixé en appel par le magistrat aux deux périodes. Si cette régression est de qualité (R2 élevé), on peut alors considérer que l’estimation constitue le barème implicite des juges. En effet, si nous arrivons à expliquer assez complètement les montants de CEEE, cela signifiera, d’une part, que nous avons su identifier les facteurs très probablement pris en compte par les juges pour asseoir leurs décisions de fixation de CEEE (facteurs dont le coefficient de régression est significativement différent de zéro) et, d’autre part, que nous sommes en mesure d’approximer le poids de ces différents facteurs dans la prise de décision (valeur, et donc signe, des coefficients). Il s’agit donc bien d’un barème, puisque nous mettons ainsi en lumière un ensemble de critères pris en compte par le décideur (par exemple le type de DVH) et un ensemble de paramètres associés à ces critères (par exemple, le fait de majorer la CEEE de x euros en cas de DVH « réduit »). Ce barème est implicite car il n’est connu de personne, il résulte simplement de la « conjonction statistique » des comportements de l’ensemble des juges sur la base des informations fournies par les parties et relatées dans les arrêts.

La question est donc de savoir si ce barème implicite a changé d’une vague à l’autre d’observation. D’une période d’observation à l’autre, les juges prennent-ils en compte implicitement des facteurs différents pour déterminer le montant de CEEE ? D’une période à l’autre, les juges pondèrent-ils implicitement de manière différente chacun des critères impliqués significativement dans la décision ?

Si nos estimations permettent de répondre positivement à ces questions, on pourra, avec toutes les réserves exprimées en introduction de cette sous-partie 3.2., considérer que l’introduction de la table de référence a modifié le barème implicite (le comportement moyen des juges). Pour autant, on ne sera pas en mesure de dire si ces changements sont

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véritablement les causes de la modification de l’hétérogénéité dans les décisions, hétérogénéité qui est au cœur de notre recherche. Mais si l’on observe des différences de comportement des juges, selon les périodes, à l’égard de tel critère et que, par ailleurs, pour le même critère, nous avons identifié (aux §1 ou §2) soit des différences de variance soit des différences de proximité au barème, cela constituera tout de même un faisceau de résultats concordants. De plus, la qualité globale de la régression peut constituer un indice de cette hétérogénéité. En effet, si le R2 est différent d’une vague à l’autre, cela signifie que lorsqu’il est supérieur nous sommes en capacité de mieux expliquer les montants de CEEE et donc que l’inexpliqué est plus faible ; or, on peut considérer (avec des réserves, cf. infra) que l’inexpliqué constitue la source probable, ou du moins la manifestation, de l’hétérogénéité.

Pour mener l’analyse, comme dans les travaux précédents, nous limitons notre échantillon de travail à un échantillon constitué d’un enfant tiré au hasard par fratrie pour se prémunir de la non-indépendance des décisions infra-fratrie, mais nous élargissons l’analyse à l’ensemble des décisions de justice quelle que soit l’identité du parent débiteur (identité qui sera prise en compte comme facteur explicatif). L’échantillon est également limité aux affaires pour lesquelles aucun des facteurs retenus dans la spécification ne souffre de données manquantes.

Pour faciliter le commentaire, nous procédons par étape dans la spécification. Dans une première régression, nous effectuons la régression sur les seuls facteurs explicatifs pris en compte jusque-là (DVH, taille de la fratrie, couple de revenus des parents, couples de propositions des parents).

Puis, dans une seconde régression, nous ajoutons les facteurs qui, selon nous, devraient être déterminants. En particulier, nous introduisons, puisque nous traitons des données d’appel, le montant de CEEE décidé en première instance. On peut en effet considérer que le montant contesté en appel constitue probablement une valeur d’ancrage pour la décision d’une éventuelle modification du montant. Nous ajoutons également l’âge de l’enfant, selon l’hypothèse relative à un coût de l’enfant croissant avec l’âge (les travaux de l’INSEE177 relatifs à l’estimation du coût de l’enfant montrent en effet que ce coût s’accroît significativement à l’âge de l’adolescence). Enfin, nous ajoutons deux indicatrices identifiant la position respective des parents dans la procédure parce que nous faisons l’hypothèse que cette position peut jouer dans la détermination des montants de CEEE. Justifions cette hypothèse et l’introduction de ces deux indicatrices. D’une part, il est possible que le mode de raisonnement du juge dans sa prise de décision soit différent selon que l’appelant est débiteur ou créancier. En effet, dans le premier cas, la décision d’appel consiste vraisemblablement à valider ou non une réduction de CEEE demandée par l’appelant ; dans le second cas, à l’inverse, il s’agit sans doute de valider ou non une baisse de CEEE demandée par l’appelant. D’autre part, dans la mesure où nous avons montré supra de manière descriptive que les montants de CEEE, comme les variances de montants de CEEE, étaient différents selon que c’est la mère ou le père qui est débiteur, nous introduisons cette variable de contrôle, même si en toute rigueur il n’y a pas de raison objective pour que, toutes choses égales d’ailleurs, le montant de CEEE varie selon le genre du débiteur.

La troisième spécification affine l’estimation en introduisant d’autres facteurs objectifs caractérisant la situation économique du couple susceptibles d’être pris en compte dans la

177

HOURRIEZ et OLIER (1997), « Niveau de vie et taille du ménage : estimations d’une échelle d’équivalence », Economie et Statistique, n°308-309-310.

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décision dans la mesure où ces facteurs sont notifiés dans les arrêts. Il s’agit en particulier des charges évoquées par les parties. L’information sur les charges étant très hétérogène dans les arrêts, nous ne retenons pas les montants de ces charges (lorsqu’ils sont notifiés dans les arrêts) mais simplement le fait que ces charges sont ou non mentionnées. Nous identifions trois types de charges évoquées par les parties : les frais de trajet pour l’exercice du DVH, les charges spécifiques à l’éducation et l’entretien de l’enfant (spécifiques au sens où elles ne concernent que l’enfant et non pas la famille) et, enfin, toutes les autres charges mentionnées (loyer, charges liées au logement, impôts, CEEE au titre d’un enfant d’une autre union, prestation compensatoire, etc.) rassemblées dans une indicatrice unique. A cet ensemble de charges nous ajoutons une indicatrice de proximité géographique178 entre les parents. Il s’agit donc d’une information complémentaire à celle relative aux frais de trajet pour tenir compte de cette dimension des charges même lorsque les dépenses de trajet ne sont pas mentionnées explicitement. L’existence de ces charges dans les arrêts est identifiée selon l’identité « débiteur » ou « créancier », car on peut faire l’hypothèse que leur prise en compte est de nature à jouer inversement dans la décision : la prise en compte d’une charge du créancier peut amener une majoration de CEEE et, à l’inverse, une charge du débiteur devrait impliquer une minoration de CEEE. Il convient de souligner une limite à cette spécification des charges : dans les bases de données, les charges sont enregistrées au niveau de l’affaire et non de l’enfant, aussi elles concernent l’ensemble de la fratrie et non pas le seul enfant tiré au hasard dans la fratrie pour lequel nous étudions le montant de CEEE (mais comme dans bon nombre de cas les décisions intra-fratrie sont interdépendantes, cette limite nous semble acceptable). Pour cependant tenter de tenir compte de cette interdépendance intra-fratrie, nous avons ajouté une variable explicative qui tente d’identifier les situations où un traitement différent des enfants d’une même fratrie est probable. Cette variable identifie les affaires où le demandeur ou l’offreur (ou les deux) exprime des propositions différentes selon les enfants de la fratrie. Toujours à propos des propositions, nous introduisons une indicatrice pour identifier les affaires où l’offre est égale à la demande. En effet, dans ce cas, on peut penser que le juge va vraisemblablement suivre la proposition des parties et donc donner moins de poids aux autres facteurs objectifs de l’affaire. Un dernier facteur indirectement lié aux charges est enfin ajouté, il s’agit de deux indicatrices identifiant si les parents se sont remis en couple. En effet, si les revenus des nouveaux conjoints n’ont pas juridiquement à être pris en compte dans la détermination d’une CEEE, en revanche le juge peut considérer qu’une remise en couple modifie les conditions dans lesquelles ces charges peuvent être couvertes.

Cette troisième spécification est également enrichie de facteurs en lien avec les revenus des parents. Premièrement, nous introduisons des indicatrices repérant les situations où le juge mentionne explicitement qu’il a des doutes quant aux revenus déclarés par le débiteur ou le créancier (par exemple, il écrit dans l’arrêt que tel parent déclare tel revenu mais n’en apporte pas la preuve). Un doute relatif au parent débiteur (le juge pense qu’il sous-déclare son revenu) est de nature à majorer le montant de CEEE et, inversement, un doute relatif au revenu du créancier (le juge pense qu’il sous-déclare son revenu) est de

178

Nous distinguons quatre modalités : les parents résident dans le même département (référence), ils habitent dans des départements limitrophes, ils habitent dans des départements non limitrophes, un des deux parents réside à l’étranger. Il s’agit donc d’une approximation de la proximité géographique, deux parents résidant dans un même département pouvant se trouver à une distance supérieure à celle concernant deux parents résidant dans des départements limitrophes. Le fait que, lors de la création de la base de données 2008, on n’ait collecté que les départements de résidence, et non les codes postaux comme en 2016, justifie cette approximation.

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nature à minorer le montant de CEEE retenu par le juge. Deuxièmement, nous introduisons des indicatrices relatives à l’Aide juridictionnelle (AJ) perçue par l’un ou l’autre des deux parents. En effet, on peut penser que la perception de l’AJ constitue un indice explicite (et contrôlé administrativement) de situations de faibles revenus. Le juge peut donc en tenir compte implicitement, en ne cherchant pas à majorer une CEEE qui risque d’être difficilement payée par un débiteur à faibles revenus ou, à l’inverse, en majorant une CEEE destinée à un créancier dont les besoins financiers sont indirectement attestés par la perception d’une AJ. Enfin, le dernier facteur introduit est le fait que l’appel ne concerne pas uniquement la fixation de la CEEE, mais également les modalités d’hébergement des enfants. On peut en effet penser que dans ce cas l’arbitrage réalisé en matière de CEEE dépende, pour partie, de celui concernant l’hébergement179.

La quatrième spécification étend l’analyse à des facteurs plus discutables dans le cadre de l’estimation d’un barème implicite. Il s’agit de tester si des facteurs moins « objectifs » sont susceptibles d’intervenir dans la prise de décision des juges et ce, pour des raisons moins justifiées. Il s’agit tout d’abord d’éléments de procédure. Nous testons si les décisions de montant de CEEE dépendent du fait que, en première instance ou en appel, une médiation familiale a eu lieu, le juge a ordonné une expertise, au moins un enfant de la fratrie a été auditionné, ou que la décision est contradictoire (versus par défaut ou réputée contradictoire), ou que la décision attaquée est le divorce (versus l’après-divorce, l’ordonnance de conciliation, l’enfant né hors mariage), soit un ensemble d’éléments de procédures qui peuvent apporter des informations qualitatives susceptibles de jouer dans la décision finale relative à la fixation de CEEE. Ensuite, nous ajoutons de manière synthétique des informations plus qualitatives issues de la lecture des arrêts. En l’occurrence, nous introduisons des indicatrices, pour le débiteur et pour le créancier respectivement, identifiant des informations relatées dans les arrêts qui expriment soit des « reproches » (par exemple, l’enfant n’a pas vu son père depuis longtemps, ou, autre exemple, tel parent est en cure de désintoxication, etc.) soit, au contraire, des éléments d’appréciation positive (par exemple, tel parent s’est particulièrement impliqué dans les soins apportés à l’enfant ou, autre exemple, compte tenu de la santé précaire de l’enfant, tel parent a pris la décision d’interrompre sa carrière pour se consacrer pleinement à son enfant, etc.).

Compte tenu de la démarche analytique que nous venons de décrire, notre commentaire se focalisera donc principalement sur les termes d’interaction « critères * année » qui identifient les éventuelles différences de barème implicite selon les deux périodes d’observation. Le tableau 3.65 relate les résultats selon les deux premières spécifications.

Tout d’abord, il convient de souligner la très bonne qualité globale de ces régressions (les R2 sont respectivement de 80% et 85%), ce qui nous autorise à conclure que nous estimons bien les barèmes implicites des juges aux deux périodes. Ensuite, nous pouvons observer que cette performance dans l’estimation est réalisée avec une certaine économie dans la spécification : au modèle n°1, quatre cinquièmes de la variance sont expliqués avec les seuls quatre critères retenus jusqu’alors dans nos analyses (taille de la fratrie, type de DVH, couple de revenus, couple de propositions). Enfin, on observera que le coefficient

179

Plutôt que cette simple indicatrice, il aurait été plus pertinent d’introduire les paramètres détaillés de cet arbitrage relatif à l’hébergement, c’est-à-dire les propositions des deux parties en matière de lieu d’hébergement et de temps de DVH. Mais malheureusement cette information n’est connue que dans la base 2016, d’où le recours à une indicatrice simplifiée (peut-être trop simplifiée).

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associé à l’indicatrice de période n’est pas significatif, ce qui signifie que la totalité de la différence de montant de CEEE entre les deux périodes est expliquée par les interactions.

Tableau 3.65 : estimation d’un barème implicite des juges selon les deux périodes d’observation

(1) (2)

Constante 16,78** -3,16

2016 1,41 6,62

Taille de la fratrie DVH « réduit » DVH « enfants majeurs » DVH « alternance » DVH « Classique » Revenus du parent débiteur / 100 Revenus du parent créancier / 100 Offre du parent débiteur Demande du parent créancier CEEE en 1re instance L’appelant est le débiteur L’appelant est le créancier Le débiteur est la mère Le débiteur est le père Age de l’enfant

1,94 -2,86 -10,31# -23,44* Réf. 0,859*** 0,228 0,445*** 0,357***

/ / / / / /

3,80 -2,89 -20,59** -34,61*** Réf. 0,644*** 0,317# 0,240*** 0,278*** 0,350*** -0,72 Réf. -21,34** Réf. 0,028

2016 * Taille de la fratrie 2016 * DVH « réduit » 2016 * DVH « majeurs » 2016 * DVH « alternance » 2016 * Revenus du débiteur / 100 2016 * Revenus du créancier / 100 2016 * Offre du débiteur 2016 * Demande du créancier 2016 * CEEE en 1re instance 2016 * L’appelant est le débiteur 2016 * Le débiteur est la mère 2016 * Age de l’enfant

-4,44 0,63 4,85 -28,41# 0,633*** -0,657** 0,044 -0,040*

/ / / /

-4,73 2,85 1,39 -9,76 0,365* -0,862*** 0,129*** -0,093*** 0,014 2,69 9,74 0,675

R2 ajusté 0,80 0,85 Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champs : un enfant tiré au sort par fratrie ; hors observations où l’un des facteurs est manquant. N(1) = 2 533 ; N(2) = 2531. Guide de lecture : *** : coefficient significatif au seuil de 0,1% ; ** : coefficient significatif au seuil de 1% ; * : coefficient significatif au seuil de 5% ; # : coefficient significatif au seuil de 10%. En rouge : la significativité au seuil de 10% est confirmée sur données pondérées.

L’apport de la spécification n°2 n’est pas négligeable puisqu’elle permet d’accroître la qualité globale de l’estimation (R2) de cinq points de pourcentage. L’introduction dans la spécification du montant (contesté) de CEEE de première instance produit une non-significativité de la constance, ce qui signifie que dans le modèle n°1, la valeur de la constante (significative) correspondait à l’effet moyen (c’est-à-dire pour toutes les affaires) du montant de CEEE décidé en première instance180. Enfin, on notera au passage que, contrairement aux hypothèses issues de travaux sur l’estimation du coût de l’enfant, la taille

180

Dans le modèle n°2 l’estimation du coefficient relatif à cette variable permet de mesurer l’effet pour chacun (et non en moyenne) des niveaux de CEEE fixée en première instance.

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de la fratrie et l’âge de l’enfant ne constituent pas des facteurs déterminants du barème implicite des juges, du moins si l’on raisonne, comme ici, toutes choses égales d’ailleurs, car il est tout à fait possible que ces deux facteurs soient en fait implicitement pris en compte par d’autres facteurs, comme les propositions des parents par exemple.

Du point de vue des interactions, on peut voir tout l’intérêt d’avoir présenté nos spécifications par ajouts successifs de blocs de facteurs, car les significativités des coefficients d’interaction changent d’un modèle à l’autre. Par exemple, si l’on s’en tenait au modèle n°1, qui omet des facteurs déterminants comme le montant de CEEE en première instance, on attacherait trop d’importance à l’interaction entre la période et le revenu du parent débiteur dans la mesure où, une fois les effets de structure pris en compte, ce coefficient n’est finalement pas significatif au seuil de 10% dans le modèle n°2. Il convient donc de donner la priorité dans le commentaire à la spécification n°2, qui est de meilleure qualité181.

Trois termes d’interaction montrent des coefficients très significatifs, le barème implicite des juges a donc effectivement changé d’une période à l’autre (peut-être sous l’effet du recours possible à la table de référence, telle est en tout cas notre hypothèse). Premièrement, selon la période, les juges ne prennent pas en compte de la même façon le revenu du parent créancier. Ceteris paribus, pour 100 euros supplémentaires de revenus mensuels du parent créancier, le montant de CEEE s’accroît de 32 centimes en 2008 et baisse de 55 centimes en 2016. La différence est estimée significative statistiquement mais il faut reconnaître qu’elle est cependant assez négligeable dans les faits. Deuxièmement, les juges ont également modifié leur barème implicite du point de vue de la prise en compte des propositions des parties. Lorsque l’offre du débiteur s’accroît de 10 euros, toutes choses égales par ailleurs, le montant fixé par le juge s’accroît en 2008 de 2,4 euros, alors qu’il s’accroît de 3,7 euros en 2016. Lorsque la demande s’accroît de 10 euros, le montant de la CEEE fixé par le juge est majoré de 2,8 euros en 2008, contre 1,8 euro en 2016.

L’apport de facteurs additionnels, comme nous le réalisons aux modèles n°3 et n°4 (tableau 3.66), est analytiquement négligeable puisque la qualité globale de l’estimation demeure inchangée par rapport au modèle n°2, avec une valeur du R2 égale à 85%. On peut cependant noter que dans la longue liste des facteurs testés, certains (peu nombreux) montrent un coefficient significatif qui atteste la pertinence des hypothèses sous-jacentes à l’introduction de ces facteurs dans la spécification. Pour s’en tenir aux coefficients les plus significatifs, c’est le cas des indicatrices identifiant le fait que le juge a des doutes quant aux revenus déclarés : comme attendu, le montant de CEEE est effectivement majoré significativement en cas de doute sur le revenu du débiteur et est minoré en cas de doute sur les revenus du créancier. C’est également le cas lorsque le débiteur est bénéficiaire d’une Aide Juridictionnelle à taux plein : la pension alimentaire est minorée significativement. En cas d’éloignement géographique important des parents (un des parents réside à l’étranger) ou lorsque des frais spécifiques aux enfants sont mentionnés ou encore lorsqu’une médiation familiale a eu lieu en première instance, le montant de CEEE est majoré sensiblement.

181

Comme nous le mentionnerons infra, l’apport des spécifications plus complexes n°3 et n°4 est nettement moins déterminant et ne modifie pas la liste des effets d’interactions significatifs observables pour le modèle n°2.

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Tableau 3.66 : estimation d’un barème implicite des juges selon les deux périodes d’observation

(3) (4)

Constante 11,95 6,75

2016 9,67 17,60

Taille de la fratrie DVH « réduit » DVH « enfants majeurs » DVH « alternance » Revenus du parent débiteur / 100 Revenus du parent créancier / 100 Offre du parent débiteur Demande du parent créancier CEEE en 1

ère instance

L’appelant est le débiteur Le débiteur est la mère Age de l’enfant Propositions intra-fratrie différentes Offre égale demande Doutes sur revenus du débiteur Doutes sur revenus du créancier AJ partielle du créancier AJ partielle du débiteur AJ totale du créancier AJ totale du débiteur Parents résidant dans des départements limitrophes Parents résidant des départements non-limitrophes Un des parents réside à l’étranger Frais de trajet déclarés par le débiteur Frais de trajet déclarés par le créancier Frais spécifiques aux enfants (débiteur) Frais spécifiques aux enfants (créancier) Autres charges déclarées par le débiteur Autres charges déclarées par le créancier Débiteur remis en couple Créancier remis en couple L’appel porte également sur l’hébergement Médiation familiale en 1

ère instance

Médiation familiale en appel Un enfant est auditionné en 1

ère instance

Un enfant est auditionné en appel Le juge ordonne une expertise en appel Le juge ordonne une expertise en 1

ère instance

La décision est prise par défaut La décision est réputée contradictoire Appel d’une décision d’après divorce Appel d’une décision d’enfant né hors mariage Appel d’une décision d’ONC Le juge mentionne des « reproches » du débiteur Le juge mentionne des « reproches » du créancier Le juge mentionne des « points positifs » du débiteur Le juge mentionne des « points positifs » du créancier L’enfant est une fille

3,39 -2,43 -21,09** -40,62*** 0,693*** 0,056 0,244*** 0,262*** 0,335*** -0,14 -16,86* 0,124 -10,48 -12,13 13,53* -16,47* 2,44 -9,43 -8,76# -16,06** 5,15 6,62 41,81** -18,08 3,89 16,89* 7,46 -1,92 1,81 -5,85 -3,88 1,01

/ / / / / / / / / / / / / / / /

2,78 -2,76 -21,51** -41,11*** 0,690*** 0,070 0,252*** 0,265*** 0,327*** 1,78 -13,53* 0,195 -9,79 -14,08# 12,01* -15,72* 0,12 -8,433 -8,04 -15,39** 4,45 6,67 38,32** -11,91 -0,58 15,95# 7,16 -2,14 1,58 -6,40 -4,38 3,54 24,73* -30,75 -11,90 0,63 -15,55 -6,89 23,56 6,29 6,58 1,61 4,99 16,32# -14,16 -62,32 -1,12 0,78

2016 * Taille de la fratrie 2016 * DVH « réduit » 2016 * DVH « majeurs »

-4,20 2,07 3,55

-4,18 3,30 4,90

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2016 * DVH « alternance » 2016 * Revenus du débiteur / 100 2016 * Revenus du créancier / 100 2016 * Offre du débiteur 2016 * Demande du créancier 2016 * CEEE en 1

ère instance

2016 * L’appelant est le débiteur 2016 * Le débiteur est la mère 2016 * Age de l’enfant 2016 * Propositions intra-fratrie différentes 2016 * Offre égale demande 2016 * Doutes sur revenus du débiteur 2016 * Doutes sur revenus du créancier 2016 * AJ partielle du créancier 2016 * AJ partielle du débiteur 2016 * AJ totale du créancier 2016 * AJ totale du débiteur 2016 * Parents résidant départements limitrophes 2016 * Parents résidant départ. non-limitrophes 2016 * Un des parents réside à l’étranger 2016 * Frais de trajet déclarés par le débiteur 2016 * Frais de trajet déclarés par le créancier 2016 * Frais spécifiques aux enfants (débiteur) 2016 * Frais spécifiques aux enfants (créancier) 2016 * Autres charges déclarées par le débiteur 2016 * Autres charges déclarées par le créancier 2016 * Débiteur remis en couple 2016 * Créancier remis en couple 2016 * L’appel porte également sur l’hébergement 2016 * Médiation familiale en 1

ère instance

2016 * Médiation familiale en appel 2016 * Un enfant est auditionné en 1

ère instance

2016 * Un enfant est auditionné en appel 2016 * Le juge ordonne une expertise en appel 2016 * Le juge ordonne une expertise en 1

ère instance

2016 * La décision est prise par défaut 2016 * La décision est réputée contradictoire 2016 * Appel d’une décision d’après divorce 2016 * Appel d’une décision d’enfant né hors mariage 2016 * Appel d’une décision d’ONC 2016 * Le juge mentionne des « reproches » (débiteur) 2016 * Le juge mentionne des « reproches » (créancier) 2016 * Le juge mentionne des « points positifs » (débiteur) 2016 * Le juge mentionne des « points positifs » (créancier) 2016 * L’enfant est une fille

-5,24 0,267# -0,714** 0,149*** -0,105*** 0,028 3,03 8,35 0,36 13,53 -31,78* 6,93 14,11 -6,10 3,34 -0,28 -6,49 -11,32 -3,56 -26,33 6,86 16,83 -15,06 -3,48 -4,79 3,70 8,29 -1,68 2,26

/ / / / / / / / / / / / / / / /

-4,73 0,289# -0,735** 0,145*** -0,111*** 0,031 1,23 5,77 0,06 13,08 -28,49* 10,38 14,26 -2,50 0,29 0,34 -8,44 -9,20 -4,68 -26,83 -1,21 20,23 -12,73 -3,15 -4,33 3,91 9,38 -1,56 -1,37 -40,75** 85,31* 10,18 13,30 5,21 2,28 -24,10 -9,10 -1,26 -2,90 -2,71 -21,69 56,79 57,17 -1,33 0,39

R2 ajusté 0,85 0,85

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champs : un enfant tiré au sort par fratrie ; hors observations où l’un des facteurs est manquant. N(3) = 2 531 ; N(4) = 2516. Modalités de référence : DVH « classique », l’appelant est le créancier, le débiteur est le père, les offre et demande sont identiques quel que soit l’enfant de la fratrie, l’offre est différente de la demande, le juge n’exprime pas de doute sur les revenus du débiteur (du créancier), le débiteur (créancier) ne perçoit pas d’AJ, les parents résident dans le même département, le débiteur (créancier) ne mentionne pas de frais de trajet, le débiteur (créancier) ne mentionne pas de charges spécifiques, le débiteur (créancier) ne mentionne pas de charges diverses, le débiteur (créancier) ne s’est pas remis en couple, l’appel ne porte pas sur l’hébergement des enfants, pas de médiation en TGI (en appel), pas d’expertise en TGI (en appel), pas d’audition en TGI (en appel), décision contradictoire, appel portant sur le divorce, pas de « reproches » au débiteur (créancier), pas de « points positifs » au débiteur (créancier), l’enfant est un garçon. Guide de lecture : *** : coefficient significatif au seuil de 0,1% ; ** : coefficient significatif au seuil de 1% ; * : coefficient significatif au seuil de 5% ; # : coefficient significatif au seuil de 10%. En rouge : la significativité au seuil de 10% est confirmée sur données pondérées.

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A l’inverse, ces nouvelles spécifications n°3 et n°4 amènent à écarter certaines relations estimées (faiblement) significatives au modèle n°2 : c’est le cas du revenu du créancier (dont le coefficient n’était significatif qu’au seuil de 10% dans le modèle n°2) et de l’indicatrice identifiant le genre du débiteur (dont le coefficient est estimé significatif au seuil de 1% dans le modèle n°2, mais qui devient non significatif au seuil de 10% dans le modèle n°4 une fois pris en compte les effets de structure182).

Du point de vue des interactions mesurant les changements d’une période à l’autre, si l’on se fie au modèle le plus complet (n°4), on retrouve les trois sources de changement identifiées au modèle n°2 (revenu du créancier, offre et demande), mais avec des estimations ajustées. Pour 100 euros supplémentaires de revenus du parent créancier, le montant de CEEE s’accroît de 7 centimes (versus 32 dans l’estimation n°2) en 2008 et baisse de 66 centimes (versus 55 dans l’estimation n°2) en 2016. Lorsque l’offre du débiteur s’accroît de 10 euros, toutes choses égales par ailleurs, le montant fixé par le magistrat s’accroît en 2008 de 2,5 euros, alors qu’il s’accroît de 4 euros en 2016 (versus respectivement 2,4 et 3,7 dans l’estimation n°2). Lorsque la demande s’accroît de 10 euros, le montant de la CEEE fixé par le magistrat est majoré de 2,6 euros, contre 1,5 euro en 2013 (versus respectivement 2,8 et 1,8 dans l’estimation n°2).

A ces trois interactions significatives s’en ajoutent trois autres également significatives. Premièrement, toutes choses égales par ailleurs, le fait que les parties se soient entendues pour faire des propositions identiques aboutit à des montants de CEEE différents d’une période à l’autre : le montant est minoré de 14 euros (par rapport à la situation où les propositions sont divergentes) en 2008 et est minoré de 43 euros en 2016. Si l’on pense que dans ces situations le juge a plutôt tendance à suivre les propositions des parties, on ne peut pas alors dire que la minoration soit le fait du juge, mais des parties elles-mêmes. On peut alors penser que les accords sont le fruit de la diffusion de la table de référence auprès du public et des avocats.

Mais l’explication de ces différences selon la période est délicate lorsque l’on se fonde sur un raisonnement toutes choses égales par ailleurs. On pourrait en effet penser que lorsque les parties s’entendent, elles ont tendance à s’entendre sur des montants plus raisonnables qu’en cas de désaccord (désaccord qui aboutit alors à des montants supérieurs à ce qu’ils seraient s’il y avait accord, parce que le créancier pousse à la hausse) et que le recours à la table de référence a accru cette tendance. Or, d’une part, sur l’échantillon retenu au modèle n°4, la proportion d’accords est plus faible en 2016 qu’en 2008 (6% versus 8%) ; l’existence de la table de référence n’aurait donc pas incité à plus d’accords. D’autre part, si, quelle que soit la période, en moyenne (et non pas ceteris paribus) la proposition résultant de l’accord est bien inférieure à la moyenne du couple « offre et demande » en cas de désaccord, en revanche l’écart entre les deux moyennes (accord versus désaccord) est plus important en 2008 qu’en 2016183 ; or l’impact estimé ceteris paribus est supérieur en 2016. D’où l’intérêt de recourir à l’économétrie pour identifier des effets spécifiques, ce que ne permet pas l’analyse descriptive.

182

Le genre du débiteur est l’une des variables concourant au calcul de la pondération permettant de tenir compte des principaux effets de structure. 183

En 2008, la moyenne des propositions en cas d’accord est égale à 140€ et la moyenne « (offre + demande) / 2 » en cas de désaccord est égale à 211€, soit une différence de 71€ (34%). En 2016, la moyenne des propositions en cas d’accord est égale à 186€ et la moyenne « (offre + demande) / 2 » en cas de désaccord est égale à 196€, soit une différence de 10€ (5%).

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Les deux autres effets d’interaction significatifs concernent la médiation familiale. Toutes choses égales par ailleurs, lorsqu’une médiation avait eu lieu en première instance, le montant de CEEE fixé par le magistrat en appel en 2008 est majoré de 25 euros (comparativement aux affaires sans médiation en première instance), alors qu’en 2016 il est minoré de 16 euros. Et lorsqu’il s’agit d’une médiation au cours de la procédure d’appel, en 2008 le montant de CEEE est minoré de 31 euros, et majoré de 55 euros en 2016. Il ne faut cependant pas donner trop d’importance au résultat relatif à la médiation en appel, car il repose sur des effectifs très restreints184. Si l’on s’en tient donc à la seule médiation en première instance, on peut considérer que la prise en compte supposée de cette procédure dans la détermination du montant de CEEE a notoirement changé d’une période à l’autre. Pour autant, l’explication d’une telle corrélation est assez délicate à deviner. On voit en effet assez mal le lien entre médiation et recours à la table de référence d’une part, et l’effet de minoration en 2016 est plutôt contre-intuitif lorsque l’on considère qu’au cours de cette période la médiation a été fortement encouragée et médiatisée, d’autre part. Tout au plus pourrait-on y voir le fait que lorsqu’une médiation est ordonnée, il est probable que le niveau de conflictualité dans le couple est supérieur que lorsque la médiation n’est pas ordonnée, et que le conflit (apaisé ou pas par la médiation) serait source d’une négociation plus dure aboutissant à un montant de CEEE plus faible. Mais alors pourquoi en 2016 et pas en 2008 ? Faute d’argument pour répondre à cette question, il ne nous semble finalement pas opportun d’attacher une signification particulière à ce fait statistique.

Pour conclure ce paragraphe relatif au changement de barème implicite des juges, revenons à la question de l’hétérogénéité. Les régressions précédentes sont effectuées sur une base de données intégrant les bases 2008 et 2016, la qualité de l’estimation (R2) est donc calculée pour l’ensemble des deux bases réunies. Si l’on effectue des estimations séparées par période (donc sans les termes d’interaction ni l’indicatrice d’année), le R2 est-il égal d’une période à l’autre ? Quelle que soit la spécification, parmi les quatre utilisées supra, la qualité de l’estimation est supérieure pour la base des données de 2008 (82% versus 78% pour le modèle n°1 ; 86% versus 84% pour les trois autres modèles).

Si l’on fait l’hypothèse que la part de la variance inexpliquée est une mesure indirecte de l’hétérogénéité, il faut donc convenir que l’hétérogénéité se serait très légèrement accrue en 2016 comparativement à 2008, ce qui constituerait alors une infirmation de notre hypothèse générale selon laquelle le recours potentiel à la table de référence produirait de l’homogénéisation. Il faut cependant nuancer cette conclusion. D’une part, la différence de R2 est très faible (2 points de pourcentage) et donc, si l’on considère cette différence comme étant négligeable, tout au plus pourrions-nous conclure que, d’une période à l’autre, rien n’a changé du point de vue de l’hétérogénéité, ce qui en soi, il est vrai, constitue également une infirmation de notre hypothèse générale. D’autre part, il convient de rappeler que le raisonnement repose bien sur une hypothèse interprétative du coefficient de R2, hypothèse qui est discutable. En effet, la part de la variance inexpliquée (les résidus, c’est-à-dire la part des montants de CEEE que l’on ne sait pas expliquer), peut être due au hasard, à des erreurs d’appréciation de la part des juges, à leur humeur du moment, etc., et dans ce cas il s’agit vraiment d’une source d’hétérogénéité. Mais elle peut aussi être due au fait que nos modèles omettent des facteurs explicatifs non contenus dans les arrêts (ou mesurés

184

Dans l’échantillon retenu pour le modèle n°4, huit affaires en 2008 et treize affaires en 2016 sont concernées par une procédure de médiation familiale en appel. Pour la médiation en première instance, les effectifs sont plus conséquents : respectivement 49 et 76 affaires.

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imparfaitement pas nos indicateurs), et dans ce cas il ne s’agirait pas nécessairement d’hétérogénéité. Or, en l’état de nos connaissances, il n’est pas possible de trancher entre ces deux sources potentielles d’hétérogénéité. Et in fine, quoi qu’il en soit, avec des R2 supérieurs à 80%, on peut considérer (même s’il n’existe pas de norme en la matière) que l’hétérogénéité est assez faible dans les décisions de justice en appel relatives à la fixation des montants de CEEE.

Après avoir présenté cet ensemble de résultats relatifs à l’analyse de décisions de justice en cours d’appel à deux dates séparées par l’introduction de la table de référence, et avant d’en tirer des conclusions plus générales en lien avec celles avancées auparavant sur la base de nos analyses de données expérimentales, venons-en dans une seconde section de cette sous-partie 3.2 à l’analyse de décisions de justice de divorces de première instance (TGI).

3.2.2. ANALYSES DE DECISIONS DE TRIBUNAUX DE GRANDE INSTANCE

Cette seconde section sera divisée en deux paragraphes. Dans un premier paragraphe (A), nous présentons les sources de données utilisées ainsi que la méthodologie employée pour mener nos analyses au plus proche de celles réalisées sur données expérimentales et sur décisions de justice d’appel, la comparaison des différentes approches constituant l’un de nos objectifs pour produire de la connaissance dans le champ de l’analyse de l’impact des barèmes. Dans un second paragraphe (B), nous présentons les résultats de ces analyses.

A. Méthodologie

Comme nous l’avons fait à la première section de cette sous-partie 3.2, nous mobilisons un corpus de décisions relatives à la fixation d’une CEEE et dont le contenu informationnel est similaire à deux dates d’observation différentes. Le premier paragraphe (1) présente la constitution de ce corpus. Le deuxième paragraphe (2) présente la méthode de sélection des affaires utilisée à des fins de comparaison avec les analyses menées sur les données expérimentales et les décisions de justice en appel.

1. Les bases de données

Les deux bases de données sur lesquelles nous travaillons sont constituées de jugements prononcés dans les tribunaux de grande instance (TGI). La première base rassemble des décisions qui ont été prises en 2003, soit sept ans avant que la table de référence de fixation de la CEEE ne soit diffusée, alors que la deuxième base se compose d’un ensemble de décisions prises en 2012, soit deux après la première diffusion de la table de référence. Comparativement aux bases de données issues d’arrêts de cours d’appel que nous avons étudiées supra, celles de jugements de premières instances ont été constituées à des périodes un peu moins propices à la mesure de l’effet de l’introduction de la table de référence. En effet, la première a été constituée bien avant l’introduction de la table de référence et la deuxième peu de temps après. Ainsi, non seulement les limites que nous avons présentées en introduction de la sous-partie 3.2, notamment quant à l’intervention d’autres facteurs de changement que la mise en place de la table, sont sans doute d’autant plus probables (la probabilité croît avec le temps), mais à cela s’ajoute le fait que l’existence de la table indicative est sans doute moins connue des juges et des parties (et donc d’effet

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sans doute moindre au total) puisque l’observation est fait seulement deux ans après la diffusion de la table de référence (contre six années pour les décisions de cours d’appel).

a) La base de données « TGI-2003 »

Cette base de données est mise à disposition par le ministère de la Justice et est issue de plusieurs vagues d’enquêtes menées par la direction des affaires civiles et du sceau (DACS), puis conjointement avec la sous-direction de la statistique et des études (SDSE), sur les mêmes décisions recueillies185. La première enquête correspond à l’exploitation de questionnaires, remplis par le greffe de chaque juge aux affaires familiales (JAF), portant sur toutes les décisions avant dire droit et au fond statuant sur la résidence des enfants rendues au cours de la période du 13 au 24 octobre 2003, chaque décision recensée faisant l’objet d’une copie systématique. L’objectif était d’évaluer la fréquence des modes de résidence en alternance, de mesurer l’importance des accords entre parents, et de connaître les taux d’acceptation et de rejet des demandes. La base de données à proprement parler est le résultat de deux travaux de saisie des décisions recensées lors de cette enquête par sondage auprès des JAF. Le but de la première saisie était de compléter les informations recueillies et d’étudier les caractéristiques démographiques, économiques et juridiques des familles séparées avec enfants mineurs. La deuxième grille d’analyse avait pour finalité de collecter les informations utiles à l’analyse des modalités d’exercice de l’autorité parentale.

L’échantillon obtenu a été considéré comme représentatif, après contrôle de sa structure par type de procédure comparativement aux données de 2002 du Répertoire Général Civil et du fait d’un taux de réponse (78%) des tribunaux jugé suffisant, et peut donc être utilisé tel quel, sans procédure de redressement préalable. Au total, cette base de données est constituée de 4 478 affaires et de 174 variables, dont 159 seulement sont répertoriées dans la grille de saisie. L’objectif étant d’effectuer une comparaison avec les résultats issus de la base « TGI-2012 », nous avons limité notre échantillon aux décisions de divorce et aux premières ordonnances concernant les enfants naturels. Par ailleurs, notre étude portant sur l’effet de l’introduction de la table de référence, nous avons restreint l’échantillon aux affaires dans lesquelles une CEEE est discutée186. Une fois ces deux restrictions appliquées, la taille de l’échantillon est finalement de 2 900 décisions, impliquant 4 973 enfants.

Les informations collectées dans cette base de données apparaissent, a priori, similaires à celles présentées supra à propos des bases de données de décisions de cours d’appel puisque les mêmes thèmes sont abordés (cf. supra la liste des blocs d’informations présentés à la section 3.2.1 : identification de l’affaire, du père, de la mère et de la fratrie). Si cette affirmation est particulièrement vraie pour la base « TGI-2012 », elle l’est beaucoup moins pour celle de 2003 (cf. masque de saisie en annexe 3.N) notamment du fait de deux considérations majeures : d’abord, une variable centrale pour nos analyses n’est pas détaillée et, ensuite, les données concernant les enfants ont été recueillies uniquement au

185

Voir les annexes « Source et méthode » des deux rapports suivants : - C. MOREAU, B. MUNOZ-PEREZ, E. SERVERIN (2004), « La résidence en alternance des enfants de parents séparés »,

Etudes et Statistiques Justice, n°23 ; - L. CHAUSSEBOURG, D. BAUX (2007), « L’exercice de l’autorité parentale après le divorce ou la séparation des parents

non mariés ». 186

Il s’agit des affaires pour lesquelles on constate au moins une demande ou une offre, ou un montant fixé par le juge de CEEE.

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niveau de la fratrie187. La première différence a pour conséquence de devoir limiter nos analyses à trois critères utilisés dans la constitution des cas types, au lieu de quatre, comme nous allons le présenter dans la sous-partie suivante. La deuxième considération a demandé un important travail de réattribution des demandes, offres et décisions du juge au « bon » enfant, pour obtenir les informations à ce niveau et non pas au niveau agrégé de la fratrie (ou niveau de l’affaire) ; cette opération de réattribution de l’information a induit de l’incertitude dans les données, notamment sur les variables de lieu de résidence et de CEEE.

Concernant la variable de lieu de résidence, la logique de réattribution de l’information à chacun des enfants lorsqu’au moins l’un d’entre eux ne vit pas avec le reste de la fratrie a été déduite à l’aide des résultats présentés dans CARRASCO et DUFOUR (2015)188, en particulier au graphique 1 page 2. Pour chaque classe d’âge d’enfants mineurs (inférieur à 6 ans, de 6 à 10 ans, de 11 à 14 ans et de 15 à 17 ans) est donnée la part des différents types de résidence. Il en ressort que c’est parmi les enfants les plus âgés que la résidence chez le père atteint la proportion la plus élevée (16% des 15-17 ans). Concernant la résidence alternée cette part est la plus élevée pour les deux tranches d’âge intermédiaires (un cinquième des 6-10 ans comme des 11-14 ans) et, enfin, c’est parmi les enfants les plus jeunes que la résidence chez la mère est majoritairement fixée (82% des enfants ayant moins de 6 ans). De ce fait, sans tenir compte des tranches d’âge énoncées précédemment, lorsque la résidence décidée par le juge n’était pas la même pour tous les enfants de la fratrie nous avons fait les choix suivants :

- si, au sein d’une fratrie, il y a à la fois résidence chez le père et résidence alternée, nous avons considéré que l’(les)enfant(s) le(s) plus âgé(s) sont chez le père et le(s) plus jeune(s) sont en résidence alternée ;

- si, au sein d’une fratrie, il y a à la fois résidence chez le père et résidence chez la mère, nous avons considéré que l’(les)enfant(s) le(s) plus âgé(s) était chez le père et que le(s) plus jeune(s) résidait chez la mère ;

- si, au sein d’une fratrie, il y a à la fois résidence alternée et résidence chez la mère, nous avons considéré que l’(les)enfant(s) le(s) plus âgé(s) étaient en résidence alternée et que le(s) plus jeune(s) résidait chez la mère.

Pour ce qui concerne les trois variables de montants de CEEE demandés, offerts et fixés par le juge pour chacun des enfants, celles-ci ont dû être reconstruites à partir d’une information initiale assez complexe et organisée différemment189. En effet, l’information saisie est une information agrégée au niveau de la fratrie, plus exactement la base de données contient des montants totaux de CEEE subdivisés en plusieurs catégories caractérisées par le fait que l’enfant (ou les enfants) est (sont) majeur(s) ou mineur(s) et selon le créancier (père, mère, tiers). Lorsqu’il n’y avait qu’un enfant ou que tous les enfants de la fratrie étaient bénéficiaires d’une CEEE et appartenaient tous à la même catégorie, la réaffectation d’un montant de CEEE individuel à chaque enfant a été techniquement plutôt facile190. Dans les cas plus complexes (créanciers différents au sein d’une même fratrie ;

187

Seuls le genre et la date de naissance sont identifiés au niveau individuel de chaque enfant. 188

CARRASCO V., DUFOUR C. (2015), « Les décisions de juges concernant les enfants de parents séparés ont fortement évolué dans les années 2000 », Infostat Justice, n°132, 6 p. 189

Il faut en effet mobiliser pas moins de 32 variables pour créer les trois variables de CEEE au niveau de chaque enfant. 190

Avec cependant, en cas de fratrie de plus d’un enfant, la nécessité de devoir appliquer une règle simple de division du montant total de CEEE par le nombre d’enfants (montant identique pour tous les enfants de la fratrie), alors que l’on sait que parfois le juge ne décide pas du même montant pour tous les enfants d’une même fratrie. Cette règle de simple

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nombre d’enfants différent du nombre de bénéficiaires d’une CEEE…), l’opération de réaffectation d’une part des montants agrégés à tel ou tel enfant a été particulièrement fastidieux et inévitablement source d’erreur, d’approximations et de choix plus ou moins arbitraires191. Après de multiples vérifications de cohérence et l’exclusion de quelques rares cas où l’information nous a semblé incohérente et d’une trop grande complexité pour qu’une correction raisonnable puisse être effectuée, nous travaillons finalement sur un échantillon de 2 898 affaires, impliquant 4 968 enfants.

b) La base de données « TGI-2012 »

La seconde base de données de décisions de TGI, également mise à notre disposition par le ministère de la Justice, est le fruit de la collaboration entre la DACS et la SDSE pour reconduire peu ou prou l’enquête de 2003. Cette deuxième enquête sur les décisions des JAF concernant la résidence des enfants mineurs est beaucoup mieux documentée que la première, que ce soit sur la source des données, l’échantillonnage ou encore le contenu de la base. La base est issue de la collecte de tous les jugements de divorce et d’ordonnances relatifs aux enfants mineurs prononcés durant les quinze premiers jours du mois de juin 2012. Au final, l’échantillon qui nous a été transmis exclut toutes les décisions post-divorce ou modificatives et ce, de manière à être certain que toutes les affaires sélectionnées comprennent bien une demande de CEEE. La base est constituée de 3 895 affaires de justice, impliquant 6 347 enfants. Puisque notre étude porte sur l’effet de l’introduction de la table de référence, nous avons restreint l’échantillon aux affaires dans lesquelles une CEEE est discutée (l’offre et/ou la demande et/ou le montant fixé se trouve dans la décision), ce qui nous amène à travailler sur 2 837 décisions, impliquant 4 577 enfants. Pour être représentatif de l’ensemble des affaires jugées sur l’année 2012, une variable de pondération créée par calage sur les résultats du Répertoire Général Civil est à disposition dans la base.

La base « TGI-2012 » est plus fournie que celle de 2003 et a été construite selon le même principe que les bases de données de décisions de cours d’appel en ce sens que les informations recueillies ont été identifiées par enfant lorsque la fratrie en était constituée de plusieurs. Par ailleurs, ces informations sont bien plus détaillées pour ce qui concerne les caractéristiques des parents, notamment leurs sources de revenus, le type de résidence demandé et décidé pour chaque enfant, le droit de visite et d’hébergement ou encore le rythme de l’alternance (cf. grille de saisie détaillée en annexe 3.O).

2. Les cas-types construit selon quatre critères

Comme énoncé dans la section précédente, l’objectif des analyses que nous allons mener au paragraphe suivant (B) est de produire des résultats comparables avec ceux que nous avons obtenus à partir des données expérimentales. Comme pour les données de cours d’appel, la comparaison n’est techniquement pas pleinement réalisable : non seulement les

division aboutit donc à ce que, dans certains cas, le montant de CEEE individuel soit une approximation, faute de connaître l’information détaillée. 191

Lorsqu’il a fallu choisir entre plusieurs enfants majeurs d’une même fratrie, nous avons attribué les montants aux enfants les plus jeunes, lorsqu’il a fallu choisir entre plusieurs enfants mineurs d’une même fratrie, nous avons attribué les montants aux enfants les plus âgés et ce, tout en contrôlant qu’il y ait une cohérence entre le lieu de résidence et l’identité du débiteur (opération complexe dans la mesure où, curieusement, dans cette base de données le débiteur est parfois le parent chez qui l’enfant semble résider à titre principal).

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effectifs correspondants strictement à chaque cas type sont faibles du fait du croisement de plusieurs critères et de la précision des modalités mais, de plus, l’information sur le DVH n’est pas collectée dans la base « TGI-2003 » et ne permet donc pas de faire le parallèle de ce point de vue avec les résultats issus de l’expérimentation.

Dans la première section (3.2.1) de cette sous-partie 3.2, pour utiliser au mieux les données de cours d’appel et mener à bien nos analyses, d’une part, nous n’avons pas croisé les quatre paramètres qui définissent les cas types mais avons procédé critère par critère et, d’autre part, nous avons remplacé les valeurs uniques des modalités de revenus et de propositions des parents par des intervalles de valeurs. Nous appliquons la même méthodologie aux données issues des TGI, sauf pour ce qui concerne le DVH. Pour ce critère, à la différence des modalités retenues pour les cas types expérimentaux et pour les indicateurs construit sur les données issues des cours d’appel à deux dates et des Tribunaux de Grande Instance en 2012, les informations collectées dans la base « TGI-2003 » permettent d’identifier le lieu de résidence des enfants (chez la mère, chez le père, chez un tiers ou en résidence alternée) mais pas la durée de résidence ou DVH (« classique » ou « réduit »). De ce fait, dans l’analyse des données de TGI seulement trois critères seront envisagés : la taille de la fratrie, le couple de revenus parentaux et le couple de propositions des parties.

Avant de dénombrer les affaires en considérant successivement ces trois critères, rappelons que nous reprenons les restrictions générales retenues dans les analyses précédence et ce afin de coller au plus près avec le champ d’investigation délimité par notre approche expérimentale. D’abord, nous ne retenons que les affaires dans lesquelles le montant de la CEEE est connu192. Ensuite, puisque les cas types de l’expérimentation ont été construits ainsi, nous ne travaillons que sur les affaires où le père est le débiteur193. Enfin, l’analyse est menée sur un seul enfant par affaire, tiré au sort au sein de la fratrie. Rappelons que cette dernière restriction est appliquée pour que, dans la comparaison des variances de montant de CEEE, ces dernières ne soient pas « artificiellement » réduites (du fait que le juge attribue souvent un même montant de CEEE à chaque enfant d’une même fratrie)194. Après prise en compte de ces trois considérations simultanément, hors éventuelles données manquantes pour tel ou tel critère, nous travaillons sur un échantillon de 2 842 affaires de la base « TGI-2003 » (sur 2 898 au total) et 2 702 affaires pour la base « TGI-2012 » (sur 2 837 au total).

Comme le montre le tableau 3.67, les effectifs du point de vue du premier critère utilisé pour l’expérimentation, à savoir la taille de la fratrie limitée à un enfant et deux enfants, sont suffisants pour nous permettre une analyse à l’identique.

192

Cette restriction conduit à exclure 16 enfants dans la base « TGI-2012 » (aucun montant de CEEE non connu dans la base « TGI-2003 »). 193

De ce fait, nous excluons 227 enfants dans la base « TGI-2003 » et 199 enfants dans la base « TGI-2012 ». 194

C’est en effet moins l’hétérogénéité infra-familiale des décisions du juge qui nous intéresse que l’hétérogénéité inter-familiale (entre affaires similaires) qui est au cœur de notre problématique.

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Tableau 3.67 : structure selon la taille de l’échantillon Base « TGI-2003 » Base « TGI-2012 »

Un enfant 1399 49,2 1420 52,6 Deux enfants 1049 36,9 978 36,2 Trois enfants 309 10,8 247 9,1 Quatre enfants 67 2,4 46 1,7 Cinq enfants 14 0,5 9 0,3 Six enfants 3 0,1 1 0,0 Sept enfants 0 0,0 0 0,0 Huit enfants 0 0,0 1 0,04 Neuf enfants 1 0,04 0 0,0

Ensemble 2842 100% 2702 100% Source : bases de données « TGI-2003 » et « TGI-2012 » portant sur la fixation de CEEE.

Concernant le critère suivant, qui croise le montant de revenus de la mère et celui du père, nous avons retenus, comme pour les juridictions d’appel, des classes de revenus et non pas des montants uniques pour atteindre les effectifs minimums nécessaires à la comparaison (cf. supra au tableau 3.44, la correspondance établie entre valeurs uniques et classes de valeurs). L’information sur les revenus consignée dans les décisions de justice est déclarative et peut être donnée de manière globale ou détaillée en fonction de l’origine des revenus. Il est à noter qu’à l’inverse de la base de données « TGI-2012 », la base « TGI-2003 » ne contient que les valeurs globales de revenus. Pour rendre possible l’analyse entre ces deux dates, nous avons exprimé les montants de revenus de la base « TGI-2003 » en euros 2012 en utilisant un coefficient d’inflation calculé à partir des moyennes annuelles de l’indice des prix à la consommation (IPC) mensuel produit par l’INSEE195.

Tableau 3.68 : effectifs croisant des tranches de revenus de père et de mère

Revenus de la mère en euros 2012

Total 0 1-699 700-1199 1200-1749 1750-1999 2000-2999 3000 et +

Bas

e «

TG

I-20

03

»

Revenus du père en euros

2012

0 0 2 3 2 0 0 0 7

1-699 1 13 27 12 2 3 0 58

700-1399 1 79 152 88 19 R3 : 20 2 361

1400-1749 3 37 105 R1 : 98 13 20 2 278

1750-2549 3 47 R2 : 98 115 43 34 7 347

2550 et + 2 19 56 73 22 64 30 266

Total 10 197 441 388 99 141 41 1317

Bas

e «

TG

I-20

12 »

Revenus du père en euros

2012

0 6 3 1 3 1 0 0 14

1-699 15 16 21 18 3 4 0 77

700-1399 61 77 147 125 18 R3 : 25 2 455

1400-1749 44 58 99 R1 : 110 20 25 5 361

1750-2549 28 57 R2 : 110 157 59 76 12 499

2550 et + 20 34 63 105 37 77 42 378

Total 174 245 441 518 138 207 61 1784 Source : bases de données « TGI-2003 » et « TGI-2012 » portant sur la fixation de CEEE.

Comme nous l’avons souligné dans la première section, cette variable est celle qui est la moins bien renseignée dans les décisions de justice. Le dénombrement effectué en

195

(IPC 2012 / IPC 2003) = 1,167

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fonction de ce double critère conduit à exclure 1 525 affaires dans la base « TGI-2003 » (1 271 dossiers où le revenu du père est absent et 1 404 où c’est celui de la mère qui est non indiqué) et 918 affaires dans la base « TGI-2012 » (les nombres de dossiers où les revenus du père et de la mère ne sont pas donnés sont respectivement de 769 et de 744). Même en utilisant des tranches de revenus plutôt que des montants uniques comme cela a été fait pour l’expérimentation, le tableau 3.68 montre que la prise en compte de ce critère, qui croise deux informations, conduit à mener l’étude sur des effectifs très restreints, parfois même plus faibles que nécessaires196 comme c’est le cas pour le couple de revenus de type « R3 ».

Pour le troisième et dernier critère, à savoir les couples de propositions de CEEE des parties, nous avons procédé de la même manière que pour les revenus : d’abord nous avons inflaté les montants de la base « TGI-2003 » pour les exprimer en euros 2012 (même coefficient d’inflation que celui utilisé pour les revenus, cf. supra), ensuite nous avons retenu des classes d’offre et de demande au plus proche des valeurs retenues pour les cas types expérimentaux (voir au tableau 3.46 supra la correspondance établie entre valeurs uniques et classes de valeurs). Comme le montre le tableau 3.69, le fait de croiser, ici aussi, deux informations nous amène à devoir parfois travailler sur des effectifs assez réduits, voire insuffisants dans certains cas (couple de propositions de type « P1 » ou « P2 » selon les années). Le choix d’étudier les critères un à un (et non pas simultanément) s’impose donc.

Tableau 3.69 : effectifs croisant des tranches de propositions de père et de mère

Proposition de la mère en euros 2012

Total N. E. 0 1-99 100-179 180-219 220-399 400 et +

Bas

e «

TG

I-2

00

3 »

Proposition du père en euros 2012

N. E. 38 0 96 P4 : 168 21 83 20 426

0 0 20 46 P3 : 52 4 22 4 148

1-59 1 0 102 35 4 7 3 152

60-119 1 1 230 234 8 P2 : 70 9 553

120-179 6 0 2 612 P1 : 12 88 14 734

180 et + 2 1 2 0 117 500 207 829

Total Total 21 479 1101 166 769 257 2842

Bas

e «

TG

I-20

12 »

Proposition du père en euros 2012

N. E. 4 1 43 P4 : 136 66 32 12 294

0 4 20 38 P3 : 133 27 32 16 270

1-59 4 3 86 29 7 4 1 134

60-119 7 9 177 364 41 P2 : 24 5 627

120-179 10 6 0 518 P1 : 34 51 12 631

180 et + 6 4 0 0 257 294 185 746

Total 35 43 344 1180 432 437 231 2702 Source : bases de données « TGI-2003 » et « TGI-2012 » portant sur la fixation de CEEE. N. E. : proposition non explicitée.

Après avoir présenté nos choix méthodologiques pour mener l’étude sur des affaires ayant des caractéristiques semblables à celles des cas types expérimentaux, nous pouvons maintenant envisager l’analyse comparée des montants de CEEE fixés dans les TGI en 2003 et en 2012.

196

Au paragraphe 3.2.1.2 supra, nous expliquons pourquoi nous considérons qu’un effectif inférieur à 30 observations est insuffisant pour assoir des conclusions issues d’indicateurs statistiques.

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B. Analyse de données de TGI au plus proche des analyses menées sur données expérimentales

A l’image de ce que nous avons réalisé sur données expérimentales (sous-parties 3.1) et sur décisions de justice de cours d’appel (paragraphe 3.2.1 supra), dans un premier temps nous comparons les montants moyens par cas types entre les deux périodes 2003 et 2012 puis, dans un deuxième temps, nous analysons les différences de variances. L’hypothèse que nous explorons ainsi est toujours la même : la mise en œuvre de la table de référence ayant eu lieu en 2010, à effet de structure pris en compte et en euros constants, si l’on observe une différence entre les deux dates, cela valide l’hypothèse selon laquelle cette mise en œuvre a produit des effets.

1. Le niveau moyen des montants de CEEE a-t-il changé d’une période à l’autre ?

De la même manière que sur notre échantillon de décisions de cours d’appel, pour répondre à cette question il est nécessaire de tenir compte des effets de structure liés à la composition de nos deux sous-échantillons de jugements prononcés dans les TGI en 2003 et en 2012. Notamment, nous constatons une proportion plus importante d’affaires avec un seul enfant, d’enfants pour lesquels une résidence alternée a été décidée ou encore de débiteurs ayant un revenu supérieur ou égale à 1 750€ dans notre base de données « TGI-2012 ». Pour corriger nos indicateurs (moyennes et variances) de ces effets de structure, nous avons créé un jeu de pondérations des observations de l’échantillon 2012 pour le caler sur les principales structures de l’échantillon 2003 et ce, en utilisant la méthode de redressement par calage sur marges. Comme nous l’avons mentionné dans le paragraphe 1 de cette sous-partie 3.2., la pondération ne corrige sans doute pas tous les éventuels effets de structure mais uniquement ceux liés aux principaux paramètres de notre analyse, à savoir la taille de la fratrie, le lieu de résidence de l’enfant, le revenu du débiteur197 ainsi que son identité. Nous présentons systématiquement les résultats en valeurs non-pondérées car les différences avec les valeurs pondérées sont marginales (quelques euros), mais nous signalerons explicitement l’impact de la pondération lorsqu’elle amène à des conclusions divergentes198.

Le tableau 3.70 montre qu’entre les deux périodes les montants moyens de CEEE baissent de 11% et cette baisse est statistiquement significative. L’ampleur de cette diminution est variable en fonction des différents critères utilisés pour définir nos cas types, elle est notamment bien plus importante lorsque le père ne souhaite pas payer de CEEE ou lorsqu’il n’exprime pas explicitement son offre (respectivement -20% et -21%), mais elle est clairement significative uniquement pour les affaires avec une différence d’ampleur comparable (de l’ordre de 13%) : il s’agit des cas dans lesquels un seul enfant est concerné et ceux où les propositions des parents sont proches.

197 Voir supra, dans la section précédente portant sur les données de cours d’appel (3.2.1./B.1), notre propos où nous pointons une des limites de la comparaison entre données pondérées et non pondérées due au fait que cette variable soit entachée de données manquantes, propos tout aussi valable ici. 198 Les statistiques pondérées sont disponibles en s’adressant aux auteurs.

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Tableau 3.70 : montants moyens de CEEE selon la période d’observation

Base « TGI-

2003 » Base « TGI-

2012 » Significativité de différence

Un enfant 208 181 *** Deux enfants 195 168 ***

Revenus Père : [1 400 – 1 750] ; Mère : [1 200 – 1 750] 169 144 # Revenus Père : [1 750 – 2 550] ; Mère : [700 – 1 200] 204 178 *

Revenus Père : [700 – 1 400] ; Mère : [2 000 – 3 000]@ 129 120

Propositions Père : [120 – 180] ; Mère : [180 – 220] 188@ 164 ** Propositions Père : [60 – 120] ; Mère : [220 – 400] 154 150@ Propositions Père : [0 – 0] ; Mère : [100 – 180] 60 48 Propositions Père [?] ; Mère : [100 – 180] 130 102 ***

Ensemble 195 174 *** Source : bases de données « TGI-2003 » et « TGI-2012 » portant sur la fixation de CEEE. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; le père est le débiteur ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Effectifs : cf. tableaux 3.67, 3.68 et 3.69. Guide de lecture : *** : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 1% ; * : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 5% ; # : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 10%. @ : effectif inférieur à 30 observations. En rouge : différence dont la significativité est confirmée sur données pondérées.

Puisque nous travaillons dans cette sous-partie 3.2 sur des données réelles, les propositions des parents définis pour les cas types expérimentaux, exprimées et consignées dans les décisions des TGI, ont pu être fixées de manière différente en 2003 et en 2012 et donc, éventuellement, guidées par la table de référence pour notre deuxième période d’observation. De ce fait, il semble pertinent de s’intéresser aux niveaux d’offre et de demande moyens (tableau 3.71).

Tableau 3.71 : les différences significatives d’offre et de demande

Base « TGI-

2003 » Base « TGI-

2012 » Significativité de différence

Offres Un enfant 200 169 *** Deux enfants 192 159 *** Revenus Père : [1 750 – 2 550] ; Mère : [700 – 1 200] 187 158 * Propositions Père : [120 – 180] ; Mère : [180 – 220] 154@ 145 #

Demandes Un enfant 241 208 *** Deux enfants 210 187 ** Propositions Père : [0 – 0] ; Mère : [100 – 180] 149 127 *** Propositions Père [?] ; Mère : [100 – 180] 152 125 ***

Ensemble des offres 189 163 *** Ensemble des demandes 218 198 *** Source : bases de données « TGI-2003 » et « TGI-2012 » portant sur la fixation de CEEE. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; le père est le débiteur ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère ; montants d’offre, respectivement de demande, manquants exclus. Effectifs : cf. tableaux 3.67, 3.68 et 3.69. Guide de lecture : *** : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 1% ; * : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 5% ; # : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 10%. @ : effectif inférieur à 30 observations. En rouge : différence dont la significativité est confirmée sur données pondérées.

On observe que ces deux niveaux diminuent entre les deux périodes, d’environ 14% pour les montants offerts et 9% pour les montants demandés, et que la baisse, plus forte

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concernant les offres, est clairement significative contrairement à celle liée aux demandes (significativité de la différence non confirmée sur données pondérées). Lorsqu’on analyse cette différence pour chaque critère constitutif des cas types, on s’aperçoit qu’elle est rarement significative, comme le montre le tableau 3.71 qui présente uniquement les différences significatives au seuil de 10%. On peut noter, comme pour le niveau moyen de CEEE, que les niveaux d’offre et de demande diminuent significativement pour les affaires où il y a un seul enfant. Concernant la demande, son niveau est significativement plus faible en 2012 lorsque le père refuse de verser une CEEE ou n’exprime pas explicitement son offre, alors même qu’il s’agit des cas où les prétentions de la mère sont les plus basses dans la définition de nos critères.

2. La variance des montants de CEEE a-t-elle changé d’une période à l’autre ?

Notre objectif étant d’étudier l’effet de l’introduction de la table de référence sur l’hétérogénéité des décisions de CEEE, la comparaison des variances observées avant et après 2010 est centrale. Contrairement à nos l’hypothèse générale que nous avançons, la variance des montants de CEEE est significativement plus élevée en 2012 qu’en 2003 lorsqu’elle est calculée sur l’ensemble des enfants tirés au sort par fratrie, hébergés à titre principal chez la mère et dont la CEEE est connue et versée (lorsqu’elle n’est pas nulle) par le père. Comme nous l’avons souligné pour l’analyse de la variance des montants de CEEE sur les arrêts de cours d’appel, cette hausse de l’hétérogénéité au niveau global peut cacher une tendance à l’homogénéisation des décisions par sous-groupes, définis par les caractéristiques des critère utilisés pour nos cas types, parallèlement à une baisse de l’homogénéité entre les sous-groupes. Le tableau 3.72 montre cependant que les différences de variance selon les critères (sous-groupes homogènes selon un critère) entre les deux périodes sont rarement significatives, la diminution de l’hétérogénéité dans les montants de CEEE est cependant confirmée pour les affaires où les revenus des parents sont très différents, ceux de la mère étant faibles et ceux du père élevés.

Tableau 3.72 : variance des montants de CEEE selon la période d’observation

Base « TGI-

2003 » Base « TGI-

2012 » Significativité de différence

Un enfant 38 778 20 622 *** Deux enfants 22 027 24 826 #

Revenus Père : [1 400 – 1 750] ; Mère : [1 200 – 1 750] 4 574 13 489 *** Revenus Père : [1 750 – 2 550] ; Mère : [700 – 1 200] 9 897 3 691 *** Revenus Père : [700 – 1 400] ; Mère : [2 000 – 3 000]@ 5 324 6 080

Propositions Père : [120 – 180] ; Mère : [180 – 220] 359@ 482 Propositions Père : [60 – 120] ; Mère : [220 – 400] 2 903 2 003@ Propositions Père : [0 – 0] ; Mère : [100 – 180] 4 950 2 942 * Propositions Père [?] ; Mère : [100 – 180] 2 446 2 251

Ensemble 29 956 33 383 ** Source : bases de données « TGI-2003 » et « TGI-2012 » portant sur la fixation de CEEE. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; le père est le débiteur ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Effectifs : cf. tableaux 3.67, 3.68 et 3.69. Guide de lecture : *** : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 1% ; * : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 5% ; # : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 10%. @ : effectif inférieur à 30 observations. En rouge : différence dont la significativité est confirmée sur données pondérées.

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Comme pour l’analyse des montants moyens de CEEE entre les deux périodes, nous avons également mesuré les changements dans l’hétérogénéité des montants offerts et demandés. Globalement, on ne constate pas de différence de variance significative concernant l’offre à l’inverse de la demande, mais il s’agit d’un accroissement de l’hétérogénéité. Les résultats critère par critère, présentés dans le tableau 3.73 (limité aux différences significatives au seuil de 10%), montrent que la variance est significativement plus importante en 2012 qu’en 2003 pour les affaires où deux enfants sont concernés et les affaires où les revenus des parents moyens et sont similaires, que ce soit pour les montants d’offre ou les montants de demande. Seules les décisions pour lesquelles les propositions des parties sont proches montrent un effet d’homogénéisation significative (au seuil de 1%) des montants de demande, bien que ce résultat soit à considérer avec prudence étant donné la faiblesse des effectifs concernés dans la base « TGI-2003 ». Par ailleurs, il est à noter que l’on observe également une baisse de la variance pour plusieurs critères, notamment lorsqu’un seul enfant est concerné (pour l’offre comme pour la demande) et pour tous les couples de propositions (uniquement pour la demande), mais ces différences sont soit non significatives, soit faiblement significatives, soit la significativité n’est pas confirmée sur données pondérées.

Tableau 3.73 : les différences de variances d’offre et de demande significatives

Base « TGI-

2003 » Base « TGI-

2012 » Significativité de différence

Offres

Un enfant 43 382 22 711 *** Deux enfants 20 835 25 551 **

Revenus Père : [1 400 – 1 750] ; Mère : [1 200 – 1 750] 4 521 14 426 ***

Demandes Un enfant 43 286 22 338 *** Deux enfants 22 259 28 697 *** Revenus Père : [1 400 – 1 750] ; Mère : [1 200 – 1 750] 6 547 16 110 *** Propositions Père : [120 – 180] ; Mère : [180 – 220] 209@ 53 ** Propositions Père : [60 – 120] ; Mère : [220 – 400] 2 124 862@ *

Ensemble des offres 31 552 33 067 Ensemble des demandes 32 657 51 278 *** Source : bases de données « TGI-2003 » et « TGI-2012 » portant sur la fixation de CEEE. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; le père est le débiteur ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère ; montants d’offre, respectivement de demande, manquants exclus. Effectifs : cf. tableaux 3.67, 3.68 et 3.69. Guide de lecture : *** : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 1% ; * : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 5% ; # : différence « 2012 – 2003 » significative au seuil de 10%. @ : effectif inférieur à 30 observations. En rouge : différence dont la significativité est confirmée sur données pondérées.

Si l’on s’en tient aux résultats qui sont au centre de notre problématique, à savoir les différences de variance de montant de CEEE fixés par les magistrats, ces analyses réalisées sur données issues des TGI, selon une méthodologie au plus près de celle développée sur données expérimentales, n’aboutissent pas à des résultats clairement concordants avec ceux issus de nos données expérimentales, notamment puisque, à une exception près, nous n’avons pas identifié d’effet d’homogénéisation. Cela nous amène à avancer, avec prudence, la conclusion selon laquelle la table de référence n’aurait pas eu d’effet notable sur l’hétérogénéité des décisions de première instance. Mais la prudence est particulièrement de mise ici :

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- d’une part, parce que, comme nous l’avons déjà souligné à propos des données issues des cours d’appel, nos analyses sur données de TGI reposent sur des effectifs faibles,

- d’autre part, parce que ces analyses reposent sur des sous-groupes d’affaires considérées comme homogènes parce qu’elles partagent un critère, mais qui, en fait, demeurent hétérogènes du point de vue des autres critères ; de ce fait, les différences de variance que nous observons ne sont pas strictement des variances intra-groupe, alors que l’hypothèse de réduction de l’hétérogénéité due à la table de référence repose implicitement sur une notion de variance intra-groupe ;

- enfin – et peut-être surtout, s’agissant des données de TGI – la prudence est de mise parce que, comme nous l’avons souligné en début de paragraphe 3.2.2., la mise en cohérence des deux bases de données de TGI a été complexe, avec une certaine incertitude quant au résultat final issu de choix techniques discutables mais sans véritables alternatives. C’est d’ailleurs pourquoi, à la différence des investigations sur données issues de cours d’appel, nous avons décidé de limiter l’exploitation de ces données de TGI à l’approche « au plus proche des analyses sur données expérimentales », c’est-à-dire sans chercher à élargir le champ d’analyse à d’autres modalités et d’autres critères ou à mener des analyses d’effet de concentration sur les valeurs simulées de CEEE ou encore d’estimer et de comparer des barèmes implicites de juges. Cela aurait en effet constitué un investissement inconsidéré au regard de la qualité des données de la base « TGI-2003 »199.

CONCLUSION DE LA SOUS-PARTIE 3.2

Au terme de cette sous-partie 3.2. riche en résultats statistiques, il nous revient de tenter une synthèse. Notre démarche a consisté à soumettre notre hypothèse de recherche, à savoir l’hypothèse selon laquelle le recours à un barème réduirait l’hétérogénéité des décisions en matière de CEEE, à une méthodologie différente de celle développée dans la sous-partie 3.1. La première reposait sur une analyse de données expérimentales, la deuxième a reposé sur l’analyse de données réelles (décisions de justice) issues de cours d’appel ou de tribunaux de grande instance. La démarche analytique générale a consisté à comparer des données réelles collectées à deux dates, l’une étant avant la diffusion de la table de référence, l’autre après cette diffusion. Grace à cette comparaison temporelle, nous avons fait l’hypothèse (discutée en introduction de cette sous-partie) selon laquelle les éventuelles différences observées entre les deux dates (à effets de structure pris en compte autant que possible) pourraient être considérées comme des effets de la diffusion de la table de référence.

Dans un premier temps, nous avons tenté de reproduire une analyse aussi proche que possible de celle développée sur données expérimentales, c’est-à-dire portant sur un champ identique et sur les même critères (taille de la fratrie, type de DVH, couple de revenus parentaux, couple de propositions). L’analyse a cependant été contrainte par le fait que les

199

Une piste de recherche future possible consisterait peut-être à travailler sur la base de données « TGI-2016 », qui est de très bonne qualité, non plus selon notre approche comparative temporelle, mais selon une approche comparative « TGI-Cours d’appel ». L’objectif ne serait cependant plus de mesurer directement l’impact de la table de référence sur la variance des décisions, mais de montrer si l’hétérogénéité des décisions est ou non identique (de niveau comparable ou non) selon les deux niveaux de juridiction et ce, à une époque (2016) où la diffusion de la table de référence a sans doute déjà produit des effets.

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bases de données mobilisées contenaient un nombre limité d’affaires identiques ou proches de celles étudiées dans le cadre expérimental. Pour autant, nous avons pu montrer une certaine concordance de résultats entre les deux approches. A partir des données issues des cours d’appel, nous avons pu identifier comme dans les analyses des données expérimentales, un effet d’homogénéisation des décisions attribuable au recours probable de la table de référence dans le cas de couples de revenus parentaux moyens et proches et dans le cas de couples de revenus parentaux inégaux au profit de la mère. A l’inverse, autre concordance, on observerait un accroissement de l’hétérogénéité pour les affaires avec DVH « classique » et pour les affaires où le débiteur (père) ne souhaite pas verser de CEEE alors que la mère demande une CEEE d’un montant assez standard. Enfin, les deux approches s’accordent pour souligner qu’il n’y aurait pas d’effet de la table de référence en cas de DVH « réduit » et dans les cas où les propositions sont très inégales. A partir des données de TGI et selon la même méthodologie de comparaison temporelle « avant diffusion de la table de référence versus après diffusion », le seul effet d’homogénéisation significatif observé concerne les affaires où les revenus des parents sont fort différents et au profit de la mère, un résultat qui n’est pas en concordance avec ceux observés dans les deux précédentes approches (données expérimentales et données issues des cours d’appel). Pour autant, compte tenu des difficultés rencontrées pour mettre en cohérence les deux bases de données « TGI-2003 » et « TGI-2012 » et ce, du fait d’une conception assez particulière et d’un manque de documentation de la base de 2003, il est possible que la non-concordance de résultats provienne pour partie de ces difficultés.

Dans un deuxième temps, nous avons souhaité élargir l’analyse au-delà du cadre restrictif de l’approche expérimentale. Cet élargissement, comme toutes les analyses suivantes, n’a porté que sur les données issues des cours d’appel dans la mesure où l’une des deux bases de données des TGI s’est révélée être de qualité assez médiocre (cf. supra pour la justification de cette décision de limiter les analyses complémentaires aux seuls données issues des cours d’appel).

Le premier élargissement a consisté à étudier, pour les quatre critères d’analyse retenus dans l’approche expérimentale, des modalités non retenues jusque-là. Que nous a appris cet élargissement ?

- On n’observe pas d’impact notable (au sens de différence significative entre les deux périodes d’observation) du recours éventuel à la table de référence, sur le montant de CEEE ou sur la variance des montants de CEEE, du point de vue de la taille de la fratrie ou du type de DVH.

- On observe un effet de réduction de la moyenne et de la variance des montants de CEEE dans le cas de couples de revenus parentaux moyens et proches, ce qui corrobore une conclusion de l’analyse expérimentale.

- On observe une réduction de la moyenne, mais pas de la variance, pour des affaires où il s’agit de couples de revenus parentaux élevés et proches ; ceci constitue un nouveau résultat non testé dans l’approche expérimentale.

- L’analyse de nouveaux (au sens de non-testé dans l’analyse expérimentale) couples de propositions ne permet pas de souligner des conclusions aisément intelligibles. On soulignera cependant que la hausse de l’hétérogénéité associée au couple de propositions « offre nulle et demande standard » observée à partir des données expérimentales comme à partir des données de cours d’appel, n’est pas observée

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pour les autres couples de propositions avec une offre nulle (mais avec une demande faible ou élevée). On observe également que plus généralement la variance ne varie pas significativement lorsque la demande est élevée. Enfin, pour les situations plus intermédiaires (offre et demande non extrêmes), le résultat n’est pas simple d’interprétation (différence positive ou négative, significative ou non-significative, selon les cas testés).

Le deuxième élargissement a consisté à étudier les affaires où c’est la mère qui est débitrice (alors que les analyses principales ne retiennent que la situation où c’est le père qui est débiteur). L’analyse a cependant été limitée du fait d’effectifs très réduits. On notera simplement que cet élargissement nous a donné l’occasion d’étudier des configurations de propositions jusqu’alors non étudiées (trop peu de cas lorsque le père est débiteur) : lorsque l’offre comme la demande sont faibles, on observe une réduction de la moyenne et de la variance des montants de CEEE d’une période d’observation à l’autre, réduction, selon notre hypothèse, attribuable donc au recours à la table de référence.

Le troisième élargissement a consisté à étendre l’analyse à l’ensemble des enfants, alors que toutes les analyses précédentes portaient sur un sous-échantillon constitué d’un enfant tiré au hasard par fratrie (parce que le plus souvent le juge décide du même montant de CEEE pour l’ensemble des enfants d’une même fratrie). Pour l’essentiel, cet élargissement confirme les résultats mis en lumière sur l’échantillon restreint. Les résultats non observés jusqu’alors sont les suivants :

- la variance des montants de CEEE serait plus faible en seconde période (effet d’homogénéisation attribuable à la table de référence) pour les fratries de trois ou quatre enfants, pour les couples de revenus parentaux élevés et pour les couples de propositions très inégales (offre faible et demande élevée), trois résultats non testés dans l’analyse expérimentale et non observés sur l’échantillon restreint ;

- la variance des montants de CEEE serait au contraire plus élevée en seconde période (dégradation de l’homogénéité) pour des couples de propositions où l’offre est nulle et la demande élevée.

Dans un troisième temps, nous avons prolongé l’analyse en recourant à une méthodologie très différente de celle mobilisée jusqu’alors. Cette méthodologie a consisté à simuler la table de référence sur les données collectées en cours d’appel, et ce pour les deux périodes. Ainsi il a été possible de calculer l’écart entre la valeur issue du barème et la valeur observée dans l’arrêt (décidée par les juges). L’hypothèse que nous avons alors testée est celle selon laquelle l’effet du recours à la table de référence devrait se traduire par une plus grande proximité entre la valeur décidée par le collège de juges et la valeur issue de la table de référence. Globalement, la conclusion est mitigée : on observe bien une réduction significative de l’écart brut (en euros), mais pas de l’écart en valeur absolue, ni de l’écart relatif (en %). L’écart relatif se réduit cependant significativement si l’on restreint l’échantillon aux affaires où le revenu du parent débiteur est compris entre 700 et 5 000 euros (ce qui correspond à l’intervalle de revenus explicité dans le tableau de la table de référence). Pour aller plus loin dans l’analyse de ces écarts, nous avons cherché à identifier si certains critères étudiés tout au long de cette recherche (taille de la fratrie, type de DVH, couple de revenus parentaux, couple de propositions) jouaient spécifiquement sur ces écarts (on s’intéresse alors à la significativité et au signe des termes d’interaction « période*critère »). L’analyse a porté principalement sur l’écart en valeur absolue et sur

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l’écart relatif en valeur absolue. Les principales conclusions relatives à l’analyse de l’écart en valeur absolue sont les suivantes :

- la taille de la fratrie ne jouerait pas, ce qui corrobore assez bien les résultats antérieurs ;

- on observe un effet, faiblement significatif, de concentration vers la valeur suggérée par le barème (réduction de l’écart) en cas de DVH « en alternance », un résultat qui n’avait pas été testé sur données expérimentales et qui ne ressortait pas clairement des analyses descriptives sur données de cours d’appel (non testé sur données de TGI) ;

- on observe un effet significatif de concentration lié au revenu du parent débiteur et à son l’offre et, à l’inverse, on observe un effet de dégradation de la concentration vers la valeur du barème lié au revenu du parent créancier et à sa demande, ce qui signifierait que la concentration (réduction de l’écart en valeur absolue) serait d’autant plus probable que le père a des hauts revenus et fait un offre élevée et que simultanément la mère a des revenus faibles et formule une demande limitée ; on ne peut pas vraiment dire que ce résultat corrobore des conclusions antérieures dans la mesure où, d’une part, les analyses descriptives des couples de revenus très différents au profit du père indiquaient plutôt une non significativité des différences selon la période et que, d’autre part, celles portant sur des couples de propositions de type « offre élevée – demande faible » n’ont pas été menées faute d’effectifs suffisants, sauf à considérer que ce type configuration aboutit finalement plutôt à un couple de propositions moyennes puisque les demandes très faibles sont assez rares, dans ce cas il s’agirait alors bien d’une confirmation d’un effet de concentration déjà observé de manière descriptive ; il faut cependant souligner que ces résultats économétriques sont assez sensibles au champ de l’analyse : sur l’échantillon restreint aux revenus de débiteur compris entre 700 et 5 000 euros, les conclusions sont en effet assez différentes.

Quant à l’analyse économétrique de l’écart relatif en valeur absolue, elle aboutit à des conclusions sensiblement différentes : seul l’effet de concentration associé à l’offre demeure significatif, et l’on observe un effet de dégradation de la concentration associé aux DVH « réduit » et « enfant majeur ». Il faut donc bien reconnaître que ces analyses sont assez fragiles, puisque sensibles au champ et au choix de l’indicateur d’écart.

Toujours au titre de ce troisième temps, nous avons mené des analyses similaires, non plus portant sur les écarts de montants de CEEE, mais cette fois-ci sur les écarts de montants d’offre ou de demande, l’impact de la table de référence pouvant tout aussi bien porter sur le comportement des parties. De ce point de vue et en résumé, on observe un effet de concentration (réduction de l’écart en valeur absolue) de l’offre lié au revenu du parent débiteur (à mesure que le revenu du père s’accroit, son offre se rapproche du barème) et de la demande liée à l’offre (à mesure que l’offre s’accroit, la demande se rapproche du barème). A l’inverse, on observe un effet de dégradation de la concentration de l’offre lié au revenu de la mère (à mesure que le revenu de la mère s’accroît, l’offre s’écarte de la valeur de la table de référence). Ces effets sont sans doute plus forts dans les configurations où le père a des revenus extrêmes (inférieurs à 700 euros ou supérieurs à 5 000 euros), dans la mesure où le plus souvent ils ne sont plus significatifs lorsque l’on effectue l’estimation sur l’échantillon restreint.

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Enfin, dans un quatrième temps, nous avons à nouveau développé une nouvelle méthodologie pour tenter d’appréhender l’effet de la table de référence. Cette méthodologie a consisté à estimer économétriquement le barème implicite de CEEE des juges afin de tester, à l’aide de facteurs d’interaction identifiant la période d’observation, si d’une période à l’autre les juges mobilisaient différemment les différentes informations constitutives des affaires, et en particulier les informations relatives aux critères analysés tout au long de cette recherche. Notre hypothèse est donc celle selon laquelle si les juges ont changé leur comportement à l’égard de tel ou tel critère (coefficient associé au terme d’interaction significativement différent de zéro), le changement de comportement ainsi identifié peut être attribué à l’opportunité de recourir à la table de référence. Selon cette approche, les principales conclusions (limitée dans cette synthèse aux quatre critères à l’étude) sont les suivantes : le barème implicite des juges est effectivement significativement différent du point de vue de la prise en compte du revenu de la mère (le lien positif entre le revenu de la mère et le montant de CEEE est significativement plus faible en seconde période), du point de vue de la prise en compte de la demande (le lien positif entre la demande et le montant de CEEE est significativement plus faible en seconde période) et du point de vue de la prise en compte de l’offre (le lien positif entre l’offre et le montant de CEEE est significativement plus élevé en seconde période). Si changements de comportements il y a donc, il n’est cependant pas possible d’en déduire leurs impacts sur l’hétérogénéité des décisions en matière de CEEE en appel. Pour autant, nous avançons l’idée selon laquelle le niveau d’hétérogénéité serait corrélé à ce qui échappe au barème implicite (c’est-à-dire à ce que notre modèle ne sait pas expliquer avec l’ensemble des critères pris en compte). Le coefficient de R2 mesure justement la part de la variance qui est expliquée, donc plus ce coefficient est élevé, moins il y aurait de place à l’hétérogénéité. Lorsque l’on compare les R2 issus des estimations réalisées sur chacune des deux périodes d’observation, on trouve un R2 plus faible en seconde période, l’hétérogénéité serait donc plus élevée en seconde période, ce qui infirmerait notre hypothèse générale. Il faut cependant rester prudent face à ce résultat, d’une part, parce que la différence de R2 est très faible (deux points de pourcentage) et, d’autre part, parce que d’autres causes plus méthodologiques (qualité de la spécification) peuvent expliquer la part d’inexpliqué et donc cette différence.

Au total, s’il fallait indiquer une unique conclusion à cet ensemble d’analyses très foisonnant, on pourrait retenir l’idée selon laquelle, d’une part, les effets de l’introduction du barème sont loin d’être uniformes et que, d’autre part, ce qui semble jouer le plus pour expliquer cette multiplicité des effets tient plus aux couples de revenus parentaux et aux couples de propositions qu’aux deux autres critères que sont la taille de la fratrie et le type de DVH. Mais qu’en pensent les magistrats eux-mêmes, c’est ce que nous allons développer maintenant dans une dernière sous-partie.

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3.3. L’ANALYSE EX-POST DU RECOURS A UN BAREME EN MATIERE DE FIXATION DE CEEE A PARTIR D’UNE ENQUETE QUALITATIVE PORTANT SUR LA TABLE DE REFERENCE INDICATIVE DU MINISTERE DE LA JUSTICE

Selon la même posture épistémologique pluri-méthodologique que nous avons adoptée depuis le début de ce chapitre 3, nous poursuivons nos investigations en mettant en œuvre une troisième et dernière méthodologie. Après avoir analysé des données expérimentales, puis des données réelles issues de l’activité des juridictions, nous analysons dans cette sous-partie 3.3 des données produites à l’aide d’une enquête auprès de magistrats en charge des affaires familiales. La question de recherche est toujours la même, nous testons l’hypothèse selon laquelle le recours potentiel à la table de référence du ministère de la Justice devrait réduire l’hétérogénéité des décisions en matière de fixation des montants de CEEE. Mais l’approche de cette troisième sous-partie est fort différente des précédentes puisque, même si nous allons recourir à des statistiques élémentaires, nous nous plaçons dans une perspective assurément qualitative. L’objectif est en effet de trouver, dans les opinions exprimées par les magistrats, des éléments pouvant infirmer ou confirmer certaines de nos conclusions quantitatives, voire permettre une meilleure compréhension de ces mêmes résultats.

Cette sous-partie sera organisée en deux sections. La première (3.3.1.), de nature méthodologique, présente le questionnaire d’enquête et le déroulement du sondage. Dans la seconde (3.3.2.), nous analysons les réponses apportées à cette consultation en les commentant au regard des résultats issus des sous-parties 3.1 et 3.2.

3.3.1. METHODOLOGIE

Dans un premier paragraphe (A) nous expliquons comment le questionnaire d’enquête a été construit et justifions chacune de ses questions. Dans un second paragraphe (B), nous présentons le déroulement de l’enquête et les enseignements que l’on peut en tirer.

A. La conception de l’enquête

L’exercice de création du questionnaire n’allait pas de soi, puisque l’idée initiale était de poser des questions nous permettant de collecter du matériau qualitatif susceptible de nous aider à mieux donner sens à nos résultats quantitatifs. Or, au moment de la conception de cette enquête, ces derniers n’étaient pas connus. C’est donc à partir d’un a priori que nous sommes partis. Celui-ci a consisté à réfléchir sur quatre thématiques : le recours à la table de référence, l’usage de cette table, sa critique et, enfin, ses éventuelles conséquences en termes managériaux notamment. Le cœur de l’enquête, au regard de notre hypothèse de recherche et du ciblage sur les quelques questions spécifiques qui structurent les sous-parties 3.1 et 3.2, est bien sûr ce qui a trait à la thématique de l’usage ; les autres thématiques doivent apporter des éléments d’information plus contextuels. En effet, d’une part, l’usage n’a de sens que s’il y a recours, d’autre part, la critique de l’outil peut apporter des explications quant au niveau d’usage ou à ses modalités et, enfin, les conséquences managériales sont constitutives, en partie, de notre hypothèse au sens où de meilleures conditions de travail et des incitations à la coopération des parties, supposées être apportées par le recours à un barème, peuvent constituer des incitations à la prise de décisions moins hétérogènes.

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Le schéma général du questionnaire est donc le suivant.

Guide lecture : les questions filtres sont indiquées en rouge et les flèches rouges indiquent la destination. Exemple, une réponse négative à la question 2 conduit l’enquêté à passer directement à la question 16.

La création du questionnaire, c’est-à-dire, le choix de sa structure et le soin apporté à la formulation des questions et des réponses suggérées, a été le fruit d’une collaboration entre plusieurs personnes impliquées dans le projet : un spécialiste des enquêtes (Bruno Jeandidier), une praticienne confirmée des enquêtes en ligne (Julie Mansuy), une juriste spécialisée en droit de la famille (Isabelle Sayn) et un praticien, magistrat de son état, très

Introduction générale

Le recours à la table de référence par les magistrats

Q.1, Q.2, Q3, Q.4

Le recours à la table de référence par les parties selon les magistrats

Q.16

L’usage de la table de référence par les magistrats

Q.5 à Q.12 (+Q.18)

L’opinion et la critique à l’égard de la table de référence formulées par les magistrats

Q.13, Q.14, Q.15

Les conséquences de l’usage de la table de référence selon les magistrats

Q.30

La caractérisation des magistrats Q.25 à Q.29

Question libre d’ouverture Q.31 Remerciements

L’opinion et la critique à l’égard de la notice explicative de la table de référence formulées

par les magistrats Q.19 Q20 à Q.21

Q22 à Q24

Les conséquences de l’usage de la table de référence selon les magistrats

Q.17

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bon connaisseur du droit de la famille et des procédures de divorce (Jean-Claude Bardout). Ce travail collaboratif s’est efforcé de concilier plusieurs objectifs : être précis dans nos formulations, en particulier pour les aspects touchant au droit et aux procédures judiciaires ; être au plus proche de la réalité des tribunaux et du travail des magistrats ; être neutre afin que ne transparaissent pas comme des affirmations des idées qui ne sont que des hypothèses ; être pertinent, au sens de poser toutes les questions utiles mais que les questions utiles à l’analyse ; être attractif, notamment en ne proposant pas un questionnaire trop long et en concevant un design de mise en page permettant de renseigner avec aisance le questionnaire et ce, afin de nous assurer les conditions pour atteindre un taux de réponses le plus élevé possible.

Reprenons successivement ces trente-et-une questions pour les justifier brièvement au regard de notre question de recherche.

1. L’introduction

L’introduction est brève, elle mentionne les destinataires et l’objet de l’enquête, elle souligne l’anonymat et la durée estimée pour compléter le questionnaire ; enfin, elle indique une personne référente en cas de besoin.

2. Le recours à la table de référence

Ce module est constitué de quatre questions. Sa finalité est d’identifier les enquêtés qui recourent à la table de référence. La première question (n°1) porte très simplement sur la connaissance de l’existence de la table de référence. La deuxième question (n°2) porte sur le recours à de la table de référence, sachant que l’on peut supposer que l’utiliser suppose que l’on en a connaissance. Cette deuxième question est importante car il s’agit d’une question-filtre : les magistrats qui n’ont pas utilisé la table de référence durant l’année précédente sont directement renvoyés à la question n°16, c’est-à-dire que l’on ne pose pas les questions sur l’usage de la table de référence aux magistrats qui ne l’ont pas pratiquée récemment. Ce choix de filtrage est justifié pour la raison suivante. Si les magistrats n’ont jamais utilisé la table de référence, les questions seraient inopportunes ; s’ils l’ont utilisé il y a assez longtemps, on peut craindre des effets de mémoire dommageables et une hétérogénéité des réponses entre les usagers récents et les usagers plus anciens. La troisième question (n°3) n’est pas vraiment en lien direct avec le recours, elle pose une question d’opinion très générale sur l’appréciation, en générale, des barèmes. La question est volontairement posée en tout début de questionnaire pour que la réponse ne soit pas

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influencée par les autres interrogations de l’enquête. Enfin, la dernière question (n°4) de ce module fait préciser, en le quantifiant (toujours, souvent, rarement), l’ampleur du recours à la table de référence.

3. L’usage de la table de référence

Comme nous le mentionnions en introduction, ce module sur l’usage de la table de référence constitue le cœur de l’enquête, il est placé également en début de questionnaire pour s’assurer des réponses pas encore entachées de lassitude et donc des réponses de meilleure qualité. Ce module commence par une question contextuelle (n°5), il s’agit de savoir à quelle(s) phase(s) de la procédure le magistrat fait usage de la table de référence, l’hypothèse étant que les conséquences de cet usage peuvent être différentes selon qu’il se sert de la table de référence lors de la préparation de l’affaire, lors de l’audience avec les parties ou encore après l’audience lorsqu’il rédige sa décision.

La question n°6 cherche à quantifier (jamais, parfois, systématiquement) le recours à la table de référence en distinguant les affaires où il a un accord entre les parties sur le montant de CEEE et celles où il n’y a pas accord. En cas d’accord, la question cherche à

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identifier le motif (en lien avec le montant de CEEE) pour lequel le magistrat recoure parfois (et non pas toujours ou jamais) à la table de référence : le fait que le (non)recours ne soit pas systématique est-il lié au niveau de la CEEE proposé ?

Le module se poursuit par une longue question (n°7), subdivisée en huit sous-questions (A à H). Sa finalité est de tenter d’identifier des types d’affaires où le recours à la table de référence serait plus justifié (et donc implicitement plus fréquent). On ne s’étonnera pas de retrouver ici les modalités d’affaires que nous avons retenues pour construire nos cas types pour l’analyse expérimentale et qui sont omniprésentes dans ce chapitre 3 : la taille de la fratrie, les couples de revenus parentaux, les couples de propositions et le type de DVH. Le sous-module A porte sur l’opposition entre fratrie d’enfant unique et fratrie à plusieurs enfants, en lien avec les cas types expérimentaux qui opposaient les fratries à un et deux enfants.

Les sous-questions B à D portent sur les revenus des parties et traitent successivement des revenus du parent débiteur, de ceux du parent créancier, puis de ceux du couple. Dans les deux premiers cas, nous cherchons à identifier si le recours à la table de référence serait plus justifié selon que le revenu est élevé ou faible (par opposition à moyen). En ce qui concerne la sous-question relative au couple, l’interrogation porte sur un éventuel recours à la table de référence plus justifié selon la proximité des revenus des deux parents (proches versus très différents). Là encore, la formulation tente de faire écho aux cas types expérimentaux qui distinguent des situations de couple de revenus proches et des situations de couple de revenus différents. Cependant, pour ne pas allonger le questionnaire, nous n’avons pas introduit la distinction que proposent les cas types expérimentaux entre un écart de revenu en faveur du parent débiteur versus en faveur du parent créancier.

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Les sous-questions E à F portent sur les propositions des parties. Tout d’abord la question porte sur la proximité des propositions : un recours à la table de référence est-il plus, ou moins, justifié lorsque les propositions sont proches ou lorsqu’elles sont éloignées ? La question fait le pendant des cas types expérimentaux qui, eux aussi, opposent ces deux situations. Ensuite, nous reposons la question du point de vue de l’originalité des propositions : un recours à la table de référence serait-il plus justifié lorsque les propositions sont « standards » ou au contraire très différentes des propositions habituelles ? Là encore, le parallèle avec les cas types expérimentaux est clair dans la mesure où nous avons sélectionné des couples de propositions qui, combinés à certains couples de revenus, peuvent être considérés comme « standards » ou plus surprenants selon la combinaison. Enfin, la troisième sous-question relative aux propositions à trait à la précision : un recours à la table de référence est-il plus, ou moins, justifié lorsque les propositions sont non explicitées ? L’un des cas types expérimentaux envisage justement ce type de situation où le parent débiteur n’explicite pas son offre.

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Enfin, la dernière sous-question (H) porte sur les types de DVH. Nous posons toujours la même question, mais en opposant cette fois-ci, les affaires avec DVH « classique » à celles avec DVH « réduit », comme pour les cas types expérimentaux. Et la question est élargie aux affaires avec DVH « en alternance ». Cette longue, et peut-être perçue comme fastidieuse (d’où sa position en début de questionnaire), question, déterminante pour notre recherche, est complétée par une question ouverte (n°8), où les magistrats peuvent s’exprimer librement pour nous dire si, selon eux, il y aurait des types d’affaires où, au contraire, ils ne recourent pas à la table de référence. Il nous a semblé en effet utile de laisser la parole aux enquêtés après cette longue et répétitive question n°7.

Le module sur l’usage de la table de référence se poursuit par des questions qui tentent de cerner l’importance donnée à la table de référence. La question n°9 demande si le magistrat prend l’initiative d’introduire le barème dans le débat, ou si au contraire, il ne l’évoque pas, laissant les parties le faire éventuellement. De même, la question n°10

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demande si le magistrat informe les parties lorsqu’il a fait usage de la table de référence. Ces questions permettent indirectement de nous donner la mesure dans laquelle la table de référence est, ou n’est pas, au cœur de la procédure pour le magistrat en question. Cette information est donc contextuelle et devra être croisée avec les réponses aux questions précédentes.

La question n°11, scindée en deux sous-questions, l’une en cas d’accord des parties, l’autre en cas de désaccord, aborde la question, débattue tout au long de ce chapitre 3, de la règle de procédure ultra petita. Il est en effet demandé à l’enquêté quel est son comportement en cas de propositions des parties (en cas d’accord), ou de proposition du demandeur (en cas de désaccord), inférieures au montant que suggère la table de référence : homologation ou non, incitation à modifier les propositions ou non, fixation à un niveau supérieur ou non. Toujours pour ne pas allonger excessivement le temps d’interview, nous n’envisageons donc que le cas où l’enfant serait lésé comparativement à la norme indicative de la table de référence, et pas la situation inverse où les propositions en accord (ou l’offre en cas de désaccord) sont supérieures au montant suggéré, quand bien même les cas types de notre procédure expérimentale proposent les deux situations. En effet, il nous a semblé que la configuration retenue à la question n°11 était la plus pertinente pour traiter cette question de procédure et ce, parce qu’alors l’intérêt de l’enfant est en jeu. Inversement, dans l’autre situation, si les parents sont d’accord (ou si l’offreur le souhaite), il y a peu de raison d’inciter les parents à se conformer à la table de référence par une réduction de leur effort financier à destination de leur enfant, hormis peut-être une forte préférence du magistrat pour l’équité inter-familles.

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Le module sur l’usage de la table de référence se termine par une question (n°12) qui relève de la même logique que celle des questions n°9 et n°10, à savoir une question qui, combinée aux deux autres, permet de nous donner un indicateur contextuel de l’importance donnée par le magistrat à la table de référence. Après avoir demandé si le juge prenait l’initiative d’introduire la table de référence dans le débat (question n°9) et s’il l’évoquait en audience lorsqu’il en a fait usage (question n°10), ici nous demandons s’il le mentionne par écrit dans sa décision. Notons qu’à ces trois questions s’ajoutent, selon la même logique, une question similaire qui apparait plus tard dans le questionnaire (parce que, portant indirectement sur les parties, elle a été placée à proximité d’une autre question relative aux parties) ; il s’agit de la question n°18 qui pose la même question que cette question n°12 mais dans le cas où se sont les parties qui ont fait usage de la table de référence.

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4. Opinions et critiques à l’égard de la table de référence

Outre que les réponses apportées à ce module peuvent être utiles aux concepteurs de la table de référence au ministère de la Justice, son intérêt pour la présente recherche est d’apporter de l’information contextuelle, voire explicative, aux réponses apportées aux questions portant sur l’usage de la table de référence. En effet, un outil mal accepté de par sa conception, de par son caractère plus ou moins fonctionnel ou encore de par sa compréhension peut expliquer, au moins en partie, l’intensité de son usage. Ce module d’opinion sur la table de référence est scindé en deux parties, entrecoupée par une série de questions relatives aux parties. La première partie, constituée de trois questions, porte sur la table de référence, alors que la seconde partie porte plus sur la notice explicative de la table.

La question n°13 demande si une table de référence constituée d’un simple et unique tableau est ou non facile d’usage. La question n°14 demande si le fait que la table de référence soit bornée, c’est-à-dire n’explicitant pas les montants de CEEE pour les très bas et les très hauts revenus du parent débiteur, constitue ou non une gêne. Enfin, la troisième question (n°15) est une question ouverte permettant de recueillir toutes sortes critiques, question posée de manière positive en suggérant aux magistrats de proposer des améliorations.

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5. Le recours des parties à la table de référence

C’est à cette question n°16 que les enquêtés qui ont répondu par la négative à la question n°2 (question portant sur le recours à la table de référence dans les douze derniers mois) sont renvoyés, puisqu’il n’est plus question par la suite du questionnaire de l’usage ou de la critique200 de la table de référence (qu’ils n’utilisent pas). En effet, la question n°16 ne porte pas sur le recours des magistrats à la table de référence, mais sur le recours des parties et ce, selon qu’elles sont ou non d’accord. Par cette question, nous cherchons à savoir dans quelle mesure (souvent, parfois, rarement, jamais) la table de référence s’introduit dans la procédure non pas du fait des magistrats, mais des parties elles-mêmes. Bien que la réponse soit « intermédiée » par les magistrats enquêtés, cette question a été posée pour tenter de savoir si, comme nous en faisons l’hypothèse dans plusieurs développements de ce chapitre, les parties font effectivement usage de la table de référence. C’est en effet une information qualitative qui, à notre connaissance, fait défaut dans la littérature ; les réponses apportées à cette question sont donc de nature à donner plus ou moins de crédit à notre hypothèse.

Nous traiterons de la question n°17 au paragraphe 8 infra car elle concerne les effets du recours à la table de référence. Elle a été placée après la question n°16 parce que dans sa formulation sont évoquées les parties, mais avec du recul, il aurait été sans doute plus logique de la placer plutôt en fin de questionnaire avec les autres questions relatives aux conséquences du recours à la table de référence. Il n’y a cependant pas de raison évidente de penser que la position de la question dans le déroulé du questionnaire ait une incidence sur les réponses apportées201.

200

La seconde partie du module sur les opinions et critiques de la table de référence, qui arrive plus tard dans le questionnaire (cf. infra), est filtrée par la question n° 19, cela ne pose donc pas de problème pour les enquêtés qui n’ont pas l’usage de la table de référence. 201

La question n°18 a été présentée supra au paragraphe 3.

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6. Opinions et critiques à l’égard de la notice explicative de la table de référence

La seconde partie du module d’opinions et de critiques à l’égard du barème commence par une question filtre. A la question n°19 il est en effet demandé à l’enquêté s’il a connaissance de la notice explicative accompagnant la table de référence. En cas de réponse négative l’enquêté ne répond pas aux questions portant sur cette notice et passe directement à la question n°22. La question n°20 est une question très générale sur l’utilité de la notice explicative.

Puis, l’attention est plus portée sur la compréhension de la notice. Le degré de compréhension est testé pour sept éléments d’explication contenus dans la notice et portant sur les aspects déterminants dans la conception-même du barème : la notion de coût de l’enfant, la modulation de la CEEE selon le type de DVH, la notion partage du coût de l’enfant proportionnellement aux ressources des deux parents, la logique qui justifie que la table de référence soit explicitée uniquement en fonction du revenu du parent débiteur (et pas du revenu du parent créancier), la définition du revenu à prendre en considération, la définition du nombre d’enfants à prendre en compte et, enfin, le traitement particulier en situation de résidence alternée.

Cette question sur la compréhension est complétée par une question (n°22) qui cherche à mesurer le degré de compréhension de la part des parties : il est en effet demandé au magistrat dans quelle mesure il est amené à expliquer la logique du barème aux parties.

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Le module relatif aux opinions et critiques à l’égard de la table de référence se termine sur deux questions plus générales. La première (n°23) cherche à savoir si, plutôt qu’un simple tableau, un simulateur (permettant de calculer un montant de CEEE pour une situation donnée) serait plébiscité. Enfin, la question n°24 aborde le sujet du caractère indicatif de la table de référence en proposant deux alternatives : impératif ou valeur de présomption avec faculté d’y déroger.

7. La caractérisation des magistrats

Comme toute enquête, le questionnaire contient une série d’interrogations permettant de caractériser les enquêtés et ce, dans la perspective d’identifier

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éventuellement des différences dans les réponses apportées aux autres questions selon des types de magistrats. Outre le genre du magistrat (n°27), les caractérisations portent surtout sur des questions professionnelles : le magistrat exerce-t-il en tribunal de grande instance ou en cours d’appel (n°25), exerce-t-il dans le champ du droit de la famille à temps plein ou à temps partiel (n°26), quel est son ancienneté dans la magistrature (n°28), quelle est son ancienneté dans la fonction de magistrat aux affaires familiales (n°29) ?

De façon assez éloignée, ces caractéristiques font écho à celles que nous avons collectées auprès des auditeurs de l’ENM ayant participé à l’expérimentation. Mais hormis le sexe, elles ne peuvent pas être comparées, puisqu’il s’agit de deux populations très différentes du point de vue de leur carrière dans la magistrature. On pourrait s’étonner, et regretter, que nous n’ayons pas introduit ici des questions pour collecter les caractéristiques relatives à la vie familiale (type d’union, parentalité) et psychologiques (aversion pour le risque, l’inégalité et l’altruisme) identiques à celles recueillies lors de l’expérimentation. Outre le fait que cela aurait rallongé notablement le questionnaire, nous avons également pensé (peut-être à tort) que cela aurait été assez mal compris de la part des magistrats202 et aurait été alors de nature à faire mauvaise presse à l’enquête et conséquemment à réduire le taux de participation.

8. Les conséquences de l’usage de la table de référence

Le dernier module de questions est, tout comme le module sur l’usage de la table de référence, au cœur de notre problématique. Nous demandons aux magistrats quel est leur

202

Selon une argumentation du type : « Pourquoi nous interroger sur notre vie privée, comme par exemple sur le fait d’avoir des enfants ou d’être pacsé(e), dans le cadre d’une enquête portant sur notre pratique professionnelle ? ».

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opinion quant aux conséquences de l’usage de la table de référence. La question n°17, donc située plus haut dans le déroulé du questionnaire, tente d’apprécier dans quelle mesure la table de référence « impose » sa suggestion de montant de CEEE. Les réponses qualitatives apportées à cette question pourront utilement être mises en correspondance avec notamment nos développements quantitatifs de la sous-partie 3.2 portant sur la proximité entre le montant de CEEE fixé et la valeur suggérée par la table de référence.

La question n°30 aborde l’hypothèse selon laquelle le recours à une table de référence serait de nature à augmenter le degré de consensus entre les parties et à apaiser les conflits, en rendant le débat contradictoire plus facile puisque assis sur une connaissance commune apportée par la table. Quant à la question n°31, elle aborde l’hypothèse selon laquelle le recours à une table de référence aurait des conséquences en termes managériaux, et demande aux magistrats ce qu’ils en pensent : le recours à la table de référence a-t-il modifié les manières de préparer les dossiers ou de rédiger les conclusions, a-t-il modifié l’organisation des débats, a-t-il modifié les relations entre les différentes parties prenantes (parents, avocats, juges), a-t-il occasionné des gains de temps ? Ces trois questions d’opinion (et non de faits) sur les effets du recours à la table de référence donnent toute la mesure du caractère qualitatif qui a présidé à la conception de cette troisième méthodologie par enquête. Confronter les opinions des magistrats quant aux effets du recours à la table de référence à l’ampleur des effets que nos analyses quantitatives ont mesurée est, selon nous, une démarche potentiellement instructive.

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9. Fin de questionnaire

Le questionnaire se termine par une question ouverte, comme c’est généralement le cas dans ce type d’enquête, question ouverte qui offre aux enquêtés l’opportunité de s’exprimer librement. Elle permet notamment de recueillir d’éventuelles opinions sur des dimensions qui n’auraient pas été abordées dans le corps du questionnaire, soit parce que nous avons fait le choix de ne pas l’allonger, soit parce qu’il s’agit d’une dimension à laquelle nous n’avons pas pensé et qui, pourtant, peut tout à fait être déterminante.

La validation du questionnaire, qui provoque la sauvegarde des données dans un espace numérique sécurité de l’université de Lorraine, fait apparaître la formule de remerciement suivante : « Nous vous remercions très vivement pour votre participation à cette consultation. Les résultats de la recherche « La barémisation de la justice » seront accessibles sur le site de la Mission de recherche Droit et Justice en 2018 »203.

B. Le déroulement de l’enquête

Il n’existe pas, à notre connaissance, de base de sondage204 des magistrats en charge des affaires familiales. De ce fait, il n’était pas possible de réaliser un sondage par tirage aléatoire, ni même une enquête sur un échantillon contrôlé par quotas. Notre enquête repose donc sur un échantillon constitué de répondants volontaires qui, probablement, n’est pas représentatif de l’ensemble des magistrats concernés205 (et faute de base de sondage il ne nous est pas possible de donner une mesure du degré de la représentativité de l’échantillon des répondants). Avec les résultats issus de cette enquête, il ne sera donc pas possible d’inférer, c’est-à-dire d’écrire par exemple « les magistrats en charge des affaires familiales pensent que… », il conviendra en effet d’ajouter systématiquement (implicitement ou explicitement) « les magistrats de l’échantillon, en charge des affaires familiales pensent que… ».

A priori le champ de l’enquête est constitué de l’ensemble des magistrats de TGI ou de cours d’appel en charge des affaires familiales en France mais, compte tenu de la procédure de contact que nous allons présenter, il est possible que certains enquêtés aient échappé à la sollicitation.

203

Nous aurions certainement dû préciser « fin 2018 », voire même plus raisonnablement « en 2019 ». 204

Liste exhaustive, nominative, mise à jour et sans doublon des magistrats aux affaires familiales, associant éventuellement un ensemble de caractéristiques individuelles de chacun des magistrats. 205

On peut penser que la non-participation à l’enquête n’est pas aléatoire : ont probablement une plus faible probabilité de participer à l’enquête les personnes qui manquent de temps, les personnes qui n’aiment pas les enquêtes, qui sont énervées par les discussions relatives aux barèmes, qui sont dubitatives quant à l’anonymat des réponses, qui sont en mauvaise santé, etc.

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C’est en collaboration avec le Secrétariat général du ministère de la Justice que l’annonce de l’enquête en ligne a été faite. Ce dernier a envoyé un message électronique à l’ensemble des chefs de juridiction. Le message présentait brièvement l’objet de l’enquête, donnait le lien électronique pour la renseigner en ligne et demandait aux chefs de juridiction de bien vouloir transmettre le message aux magistrats concernés par les affaires familiales. Cette invitation à participer à l’enquête a ensuite fait l’objet de deux relances. Naturellement, nous n’avons aucune idée quant au fait de savoir si la retransmission de l’information a été correctement faite, avec célérité et pertinence, dans toutes les juridictions.

Au total, ce sont 161 questionnaires renseignés qui ont été collectés à la date de fin d’enquête (30 septembre 2018), soit après environ trois mois de mise en ligne. Ce nombre de questionnaires est assez faible, il ne permettrait pas de faire des analyses statistiques poussées, mais il nous semble suffisant pour dégager des informations qualitatives venant en appui de nos résultats quantitatifs qui, eux, reposent le plus souvent sur des effectifs suffisants et des échantillons représentatifs. Le graphique 3.W illustre la progression de la collecte durant le trimestre d’enquête.

La personne référente de l’enquête n’a pas été contactée, on peut donc penser que les enquêtés n’ont pas rencontré de difficulté pour renseigner l’enquête en ligne. L’enquête a en revanche fait l’objet de deux interpellations de la part de magistrats et ce, hors questionnaire en ligne (par message électronique adressé au concepteur de l’enquête) ; les échanges que ces interpellations ont occasionnés seront intégrés dans l’analyse de la dernière question du questionnaire Q.31 (question totalement ouverte).

Parmi les 161 participants à l’enquête, vingt magistrats déclarent ne pas recourir à la table de référence, de ce fait les questions portant sur l’usage et la critique de la table (questions n°3 à n°15) ne concernent que sur 141 magistrats. De même, 103 magistrats déclarent ne pas connaître la notice explicative de la table de référence, les questions relatives à cette notice (questions n°20 et n°21) ne concernent donc que 58 répondants. Enfin, 61 répondants déclarent qu’ils n’étaient pas magistrat en charge des affaires familiales avant 2010, année de la première diffusion de la table de référence ; aussi, la question n°30, qui porte sur l’opinion des magistrats quant aux changements que cette table a éventuellement engendrés, ne concerne donc que 90 répondants. La quasi-totalité des vingt-huit questions fermées souffrent de non-réponses, mais toujours dans des proportions assez limitées (de 1 à 5 non-réponses).

L’échantillon des répondants est constitué majoritairement de magistrats exerçant en tribunal de grande instance (85%), de magistrats en charge des affaires familiales à temps plein (76%) et de femmes magistrats (83%). L’ancienneté dans la magistrature des répondants varie de moins d’un an à 39 ans, avec une valeur médiane égale à 12 ans. L’ancienneté dans la fonction de magistrat aux affaires familiales des répondants varie de moins d’un an à 26 ans, avec une valeur médiane égale à 3 ans (c’est-à-dire que 50% des répondants ont moins de 4 ans d’expérience dans la charge des affaires familiales). Les statistiques descriptives détaillées (tableaux de fréquences) des réponses apportées à chacune des vingt-huit questions fermées sont présentées à l’Annexe 3.P.

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Source : enquête qualitative auprès des magistrats quant à l’usage de la table de référence indicative relative à la fixation de la CEEE. En rouge : date de lancement et de relance de l’enquête.

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13/0

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01

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9/2

01

8

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18

24/0

9/2

01

8

Graphique 3.W : Calendrier du cumul du nombre de participations à l'enquête

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267

3.3.2. ANALYSES DES REPONSES A L’ENQUETE

Tout au long de cette partie 3, consacrée à l’étude de l’effet du recours à la table de référence de fixation de la CEEE, nous avons constamment fait l’hypothèse selon laquelle du fait de la diffusion de cette table depuis 2010, les magistrats (et les parties) ont dû y recourir. La première finalité de cette enquête qualitative est donc d’apprécier dans quelle mesure cette hypothèse est crédible ; ce sera l’objet de la section A. La section B, quant à elle, se donne comme objectif de donner des éléments qualitatifs quant à l’objet même de notre question de recherche : l’existence d’une table de référence a-t-elle, selon l’opinion des magistrats, produit des effets sur les décisions en matière de fixation de CEEE et des effets en ce qui concerne les conditions « managériales » dans lesquelles les magistrats ont exercé leur activité lors des procédures de divorce. Enfin, dans une dernière section C, nous revenons sur les différents critères constitutifs de nos cas types, pour analyser l’opinion des magistrats à l’égard de chacun d’eux : leur usage de la table de référence est-il différent (parce que cet usage est plus ou moins justifié) selon qu’il s’agit de traiter des affaires ayant telle modalité plutôt que telle autre ?

A. Les juges de l’échantillon recourent-ils à la table de référence ?

Nous distinguons dans ce paragraphe trois indicateurs permettant de mesurer le recours à la table de référence par les magistrats : le recours, la fréquence du recours et l’intensité du recours. En marge de cette analyse, nous évoquerons également le recours à la table de référence par les parties, selon l’opinion des magistrats. Pour chacun de ces trois indicateurs, nous commentons les réponses apportées dans l’enquête pour l’ensemble des répondants puis, d’une manière plus détaillée, nous cherchons à savoir si ces indicateurs varient selon quelques caractéristiques des répondants de l’échantillon.

1. Le taux de recours

Le taux de recours est la proportion de magistrats au sein de l’échantillon ayant utilisé la table de référence au cours des douze derniers mois. Cette table, introduite en 2010, est aujourd’hui connue des magistrats de l’échantillon, comme le souligne les réponses à la question n°1. En effet, à l’exception d’un unique répondant, la totalité des répondants dit avoir connaissance de cette table de référence. Parmi les répondants ayant connaissance de la table, près de neuf magistrats sur dix l’ont utilisé au cours des douze derniers mois (88%). Cette proportion élevée constitue un indice important pour valider notre principale hypothèse de travail selon laquelle, du fait de sa diffusion, la table de référence est largement utilisée par les magistrats206.

Les croisements des réponses à cette question relative au recours à la table de référence avec les caractéristiques individuelles des répondants montrent (tableau 3.74) un taux de recours un peu plus faible qu’en moyenne pour les magistrats en cour d’appel (75%), pour les magistrats homme (80%) et pour les magistrats exerçant leur fonction à temps partiel ou occasionnellement (82%). Ces taux de recours plus faibles restent toutefois élevés.

206

Sous réserve, bien sûr, que l’échantillon ne souffre pas d’un important biais de sélection selon lequel les magistrats qui ne recourent pas à la table de référence sont ceux justement qui n’ont pas participé à l’enquête, ce que nous ne pouvons pas savoir.

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268

L’ancienneté dans la magistrature semble avoir un effet sur le taux de recours. Nous constatons en effet que le taux de recours diminue un peu en fonction des différentes classes d’ancienneté que nous avons retenues207, passant ainsi de 92% pour la classe d’ancienneté courte à 80% pour la classe d’ancienneté longue. L’expérience dans la fonction des affaires familiales208 met également en évidence un moindre taux de recours pour les magistrats de l’échantillon les plus anciens, avec un taux de 80% pour la classe d’ancienneté longue contre 94% pour la classe d’ancienneté moyenne. En revanche, les magistrats de la classe d’ancienneté courte, ceux qui n’ont pas connu la période d’avant la diffusion de la table, ont un taux de recours sensiblement égal au taux sur l’ensemble de l’échantillon (88%).

Tableau 3.74 : recours à la table de référence selon différentes caractéristiques

Recours

Ensemble Oui Non

Tribunaux de Grande Instance 76% 9% 85% Cours d’Appel 11% 4% 15%

Temps plein 68% 8% 76% Temps partiel / Occasionnel 20% 4% 24%

Femme 69% 8% 77% Homme 18% 5% 23%

Ancienneté dans la magistrature courte 35% 3% 38% Ancienneté dans la magistrature moyenne 30% 4% 33% Ancienneté dans la magistrature longue 23% 6% 28%

N’était pas aux affaires familiales avant 2010 35% 5% 40% Ancienneté dans les affaires familiales moyenne 30% 2% 31% Ancienneté dans les affaires familiales longue 23% 6% 28%

Favorable au caractère indicatif de la table 78% 12% 91% Favorable pour une table ayant valeur de présomption ou pour une table impérative

9% 1% 9%

Favorable au simulateur 60% 9% 69% Défavorable au simulateur 28% 3% 31%

Ne connais pas la notice explicative 55% 10% 65% Opinion positive à l’égard de la notice explicative 17% 1% 18% Opinion mitigée à l’égard de la notice explicative 10% 1% 11% Opinion très critique à l’égard de la notice explicative 6% 1% 7%

Ensemble (%) 88% 12% 100% Effectifs 141 20 161

Source : enquête qualitative auprès des magistrats quant à l’usage de la table de référence indicative relative à la fixation de la CEEE.

207

Nous avons scindé l’échantillon entre trois classes. La classe d’ancienneté courte rassemble les magistrats qui ont moins de 8 ans d’ancienneté, ils n’ont donc pas connu la période avant 2010, date de diffusion de la table de référence. La classe d’ancienneté moyenne rassemble les magistrats qui ont entre 8 et 20 ans d’ancienneté et la classe d’ancienneté longue rassemble les magistrats qui ont plus de 20 ans d’ancienneté. 208

Nous avons scindé l’échantillon en trois catégories. La première regroupe les magistrats qui, à la question 30, indiquent qu’ils n’étaient pas magistrat aux affaires familiales avant 2010. La deuxième catégorie rassemble les magistrats qui ont été en charge des affaires familiales avant 2010, mais ont une expérience à cette fonction limité (5 ans). Enfin, le dernier sous-groupe est composé des magistrats à plus longue expérience dans cette fonction avant ou après 2010.

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La quasi-totalité des répondants (91%) défend le caractère indicatif de la table. Seul 9% des répondants de l’échantillon, tous des utilisateurs sauf un, préconisent un usage plus « fort » de celle-ci, soit selon un principe de valeur de présomption, soit à travers un caractère impératif. Mais l’on n’observe pas de différence de taux de recours selon cette opinion (les effectifs sont cependant très réduits dans l’une des catégories, ce qui réduit la portée de ce résultat comparatif). Près de sept répondant sur dix se dit favorable à la mise à disposition d’un simulateur de barème, mais là encore il n’y a pas de différence significative dans le taux de recours entre les supporters et les détracteurs d’un simulateur.

Enfin, nous avons construit un indicateur mesurant l’opinion des individus quant à la notice explicative accompagnant la table de référence (cf. encadré 3.A). D’une part, près de 65% de l’échantillon ne connait pas cette notice explicative. La connaissance de celle-ci est bien sûr plus forte parmi les utilisateurs (37%) de la table que parmi ceux ne l’utilisent pas (20%). D’autre part, l’indicateur montre que 50% des individus connaissant la notice explicative ont un avis positif sur cette dernière (30% ont un avis mitigé et 20% ont un avis très critique). Enfin, plus l’avis sur la notice explicative est positif, plus le taux de recours à la table est élevé (94%, 91% et 86%, mais ces taux sont établis sur des effectifs très réduits).

Encadré 3.A : construction d’un indicateur d’opinion à l’égard de la notice explicative

L’indicateur combine les réponses apportées aux questions n°19, n°20 et n°21. Il permet d’abord de donner un statut spécial aux répondants qui indiquent ne pas connaître l’existence de cette notice (nous leurs attribuons un score égal à -10). Pour les autres répondants, nous construisons un indicateur cumulatif à partir des deux autres questions. La question n°20 porte sur l’utilité de la notice, plus le répondant déclare que la notice est utile, plus nous attribuons un score élevé (très utile = 1 ; un peu utile = 0,5 ; peu utile = -0,5 ; pas du tout utile = -1). La question n°21 porte sur la compréhension de la notice, compréhension qui est déclinée selon sept domaines. Pour chacun des domaines, nous attribuons un score croissant avec le niveau de compréhension (plutôt compréhensible = 1 ; difficile de compréhension = -1 ; je ne sais pas = 0). La somme de ces huit scores peut donc varier de -8 à 8. Le graphique suivant montre la distribution de ce score. Compte tenu de cette distribution, nous avons retenu pour l’analyse du recours à la table de référence, au tableau 3.74, une indicatrice à quatre modalités : ne connait pas la notice explicative, opinion plutôt critique (score de -8 à +0,5), opinion mitigée (score de 1 à 6), opinion positive (score de 6,5 à 8). Le détail des réponses apportées aux trois questions est présenté en annexe 3.P.

Source : enquête qualitative auprès des magistrats quant à l’usage de la table de référence indicative relative à la fixation de la CEEE

0

20

40

60

80

100

120

-10 -7,5 -4,5 -3,5 -1,5 -0,5 0,5 1 1,5 3,5 4 4,5 5,5 6 6,5 7,5 8

Nombre de répondants selon le score d'opinion à l'égard de la notice explicative

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2. La fréquence du recours

Nous distinguons trois niveaux de fréquence de recours à la table de référence par les magistrats de l’échantillon à partir de la question n°4 : la fréquence systématique, la fréquence élevée lorsque la table est utilisée dans plus d’une affaire sur deux par le magistrat (mais pas de façon systématique) et la fréquence faible lorsque la table est utilisée dans moins d’une affaire sur deux par le magistrat. L’analyse montre une fréquence d’utilisation importante dans l’échantillon des répondants, avec notamment près de trois juges sur dix dont la fréquence est systématique et quatre juges sur dix dont la fréquence est élevée (tableau 3.75). Ce résultat confirme donc que l’usage de la table de référence est important dans la pratique des magistrats de l’échantillon.

La distinction entre TGI et cour d’appel montre que la fréquence systématique à la table de référence est proportionnellement deux fois plus importante en cour d’appel qu’en TGI, et ce au détriment de la fréquence élevée, regroupant ainsi plus de la moitié des magistrats de cour d’appel (56%). Mais la proportion de fréquence faible est identique entre les deux types de juridiction. Dans l’échantillon, les magistrats qui exercent une activité aux affaires familiales à temps partiel ou occasionnellement se distinguent par le fait qu’ils ont plus souvent, que les autres magistrats (57% versus 36%), une fréquence élevée de recours à la table (et donc moins souvent une fréquence systématique ou une fréquence faible). Les magistrats de sexe masculin de l’échantillon se distinguent de leurs homologues féminins par le fait que proportionnellement ils sont moins nombreux à avoir un recours à la table de référence selon une fréquence faible (18% versus 35%). Du point de vue de l’ancienneté dans la magistrature, on n’observe pas de différence entre les magistrats de l’échantillon ayant une courte ancienneté ou une ancienneté moyenne. En revanche, les magistrats de l’échantillon avec une longue ancienneté se distinguent des autres magistrats en étant, en particulier, proportionnellement plus nombreux à avoir un recours systématique la table de référence (38% versus 24%). La même observation, mais de manière nettement moins prononcée, peut être faite à propos de l’ancienneté dans les affaires familiales. On observe également que l’opposition entre magistrats ayant été ou non en charge des affaires familiales avant 2010 ne constitue pas un facteur discriminant du point de vue de la fréquence de recours à la table de référence.

Comme nous pouvions nous y attendre, l’hostilité à l’égard des barèmes est fortement corrélée à la fréquence d’utilisation de la table de référence. Nous observons en effet que 82% des magistrats ayant déclaré être hostiles aux barèmes ont une fréquence d’utilisation faible (contre 26% pour les autres magistrats de l’échantillon). Tout aussi attendu est le fait que lorsque les magistrats de l’échantillon déclarent qu’ils seraient favorables à un barème impératif ou associé à une valeur de présomption, leur recours à la table de référence est proportionnellement plus souvent systématique (40% versus 28%) ou élevée (50% versus 40%) qu’il ne l’est pour les magistrats qui défendent l’idée d’un barème indicatif. Les magistrats de l’échantillon qui sont favorables à la création d’un simulateur de montant de CEEE se distinguent des autres magistrats en particulier par le fait qu’ils ont une fréquence de recours élevée proportionnellement plus souvent (46% versus 31%).

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Tableau 3.75 : fréquence du recours et intensité du recours selon différentes caractéristiques

Fréquence, si recours Intensité, si recours Ensem

ble

Systéma-tique

Plus d’1 affaire sur 2

Moins d’1 affaire sur

2

Recours unique

Recours pluriel

Tribunaux de Grande Instance 21% 39% 27% 64% 22% 87% Cours d’Appel 7% 2% 4% 12% 1% 13%

Temps plein 23% 28% 26% 60% 17% 77% Temps partiel / Occasionnel 4% 13% 5% 16% 7% 23%

Femme 21% 31% 27% 60% 19% 79%

Homme 7% 11% 4% 17% 5% 21%

Ancienneté magistrature courte 10% 18% 13% 33% 7% 41% Ancienneté magistrature moyenne 8% 15% 10% 23% 10% 33%

Ancienneté magistrature longue 10% 8% 7% 20% 6% 26%

Pas aux affaires familiales avant 2010 11% 16% 13% 31% 9% 40% Ancienneté affaires familiales moyenne 8% 16% 10% 28% 5% 34% Ancienneté affaires familiales longue 8% 10% 7% 18% 8% 26%

Hostile aux barèmes 0% 1% 7% 7% 1% 8%

Non hostile aux barèmes 29% 39% 24% 70% 22% 92%

Pour table indicative 25% 36% 29% 68% 22% 90% Pour table avec valeur de présomption ou table impérative

4% 5% 1% 9% 1% 10%

Favorable au simulateur 18% 31% 19% 55% 13% 68%

Défavorable au simulateur 10% 10% 11% 22% 10% 32%

Intensité d’usage positive 15% 23% 15% 35% 20% 54%

Intensité d’usage nulle 13% 18% 15% 42% 4% 46%

Opinion positive à l’égard de la table 23% 35% 25% 64% 20% 83% Opinion neutre/négative (table) 4% 7% 6% 13% 4% 17%

Ne connais pas la notice explicative 15% 24% 22% 51% 11% 62%

Opinion positive sur la notice 8% 8% 4% 11% 9% 20%

Opinion mitigée sur la notice 2% 7% 2% 9% 3% 11%

Opinion très critique sur la notice 3% 1% 2% 6% 1% 7%

Ensemble (%) 28% 41% 31% 77% 23% 100% Effectifs 39 56 42 107 32 141 Source : enquête qualitative auprès des magistrats quant à l’usage de la table de référence indicative relative à la fixation de la CEEE.

Pour les répondants qui utilisent la table de référence, nous avons créé un indicateur synthétique d’intensité dans l’usage du barème (cf. encadré 3.B). De ce point de vue, on n’observe pas vraiment de différence marquée quant au niveau de fréquence de recours et d’intensité dans l’usage, si ce n’est une petite différence : les magistrats qui montrent une intensité d’usage non nulle sont proportionnellement moins nombreux à avoir une fréquence de recours faible (28% versus 33%). Nous avons également combiné les questions n°13 et n°14 pour construire un indicateur synthétique d’opinion à l’égard de la table de référence209 (en complément à ces deux questions, nous proposons en fin de paragraphe 3

209

La question n°13 demande aux enquêtés s’ils pensent que la table de référence est utile et la question n°14 demande aux enquêtés si le fait que la table de référence soit bornée du point de vue du revenu à prendre en ligne de compte constitue pour un inconvénient. L’indicateur oppose les enquêtés qui répondent que la table de référence est utile et/ou que le fait qu’elle soit bornée n’est pas un inconvénient (opinion positive : 73%) aux enquêtés qui soit n’ont pas d’opinion

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infra une analyse synthétique de la question ouverte n°15 qui porte sur les améliorations à la table de référence suggérées par les enquêtés, cf. encadré 3.C). Comme le montre le tableau 3.75, la fréquence de recours ne se distingue pas franchement selon l’opinion à l’égard de la table : lorsque les répondants ont une opinion positive, ils ont un peu plus souvent une fréquence de recours systématique (28% versus 24%) et un peu moins souvent une fréquence de recours faible (30% versus 35%).

Encadré 3.B : construction d’un indicateur d’intensité d’usage

L’indicateur combine les réponses apportées aux questions n°9, n°10, n°12 et n°18. L’intensité d’usage est ici comprise comme étant le fait que le magistrat montre, dans ses réponses, qu’il a un usage plus ou moins volontariste de la table de référence. La question n°9 porte sur le fait de savoir si le magistrat prend l’initiative de recourir au barème ; nous construisons un score croissant avec le degré d’initiative (jamais = 0 ; rarement = 0,25 ; parfois = 0,5 ; systématiquement = 1). La question n°10 porte sur le fait de savoir si le magistrat fait état de la table de référence lors de l’audience lorsqu’il l’a consulté (jamais = 0 ; parfois = 0,5 ; systématiquement = 1). La question n°12 porte sur le fait de savoir si le magistrat mentionne son recours à la table de référence dans sa décision lorsqu’il l’a utilisée (jamais = 0 ; parfois = 0,5 ; systématiquement = 1). La question n°18 porte sur le fait de savoir si le magistrat mentionne dans sa décision le recours à la table de référence par les parties lorsque ces dernières (l’une, l’autre ou les deux) l’ont utilisée (jamais = 0 ; parfois = 0,5 ; systématiquement = 1). La somme de ces quatre scores constitue notre indicateur d’intensité d’usage, il varie donc de 0 (aucun comportement traduisant un certain volontarisme à l’égard de la table de référence) à 4 (usage systématique dans toutes les dimensions). Le graphique suivant indique la distribution statistique de cet indicateur. Compte tenu de cette distribution avec une prédominance forte portant sur le score à valeur nulle, pour l’analyse de la fréquence de recours à la table de référence (tableau 3.75), nous avons retenu une simple indicatrice binaire opposant l’intensité d’usage nulle à l’intensité d’usage positive.

Source : enquête qualitative auprès des magistrats quant à l’usage de la table de référence indicative relative à la fixation de la CEEE.

Enfin, concernant l’analyse de la fréquence de recours selon l’indicateur d’opinion des magistrats de l’échantillon à l’égard de la notice explicative (cf. encadré 3.A), si l’on s’intéresse à chacune des catégories distinguées, on peut observer des différences assez

aux deux questions, soit disent que la table n’est pas utile et/ou que le bornage de la table constitue un inconvénient (opinion neutre ou négative : 27%).

0

10

20

30

40

50

60

70

0 0,25 0,5 0,75 1 1,25 1,5 1,75 2 2,5 3

Nombre de répondants selon l'indicateur d'intensite d'usage

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nettes210 entre les répondants qui connaissent cette notice, mais ces différences reposent sur des effectifs très réduits211. On se contentera donc d’opposer les répondants qui ne connaissent pas la notice aux autres répondants. Les premiers sont proportionnellement moins nombreux à avoir une fréquence de recours systématique (24% versus 34%) ou élevée (39% versus 42%) que les seconds, et donc mécaniquement sont proportionnellement plus nombreux à avoir une fréquence faible de recours à la table de référence (35% versus 21%).

3. L’intensité du recours

Nous définissons l’intensité de recours comme le nombre de fois où la table de référence est utilisée au cours de la procédure par le magistrat212. Les résultats obtenus à la question n°5 mettent en évidence un recours de la table qui est majoritairement réalisé de façon unique au cours du traitement d’une même affaire, le recours unique est en effet la pratique de plus de trois répondants sur quatre (77%, cf. tableau 3.75 supra). Le recours à la table à deux moments distincts de la procédure concerne quant à lui moins d’un répondant sur cinq (19%). Finalement, seuls 4% des magistrats ont recours à la table de référence à plus de deux reprises à l’occasion d’une même affaire. En raison de la faible proportion d’individu dans cette dernière catégorie213, nous regroupons celle-ci avec les répondants recourant à la table à deux moments de la procédure, créant ainsi une nouvelle catégorie que nous dénommons « recours pluriel ». Nous pouvons également noter le caractère dominant du recours lors de la rédaction du jugement. Dans 93% des cas de recours unique, ce recours s’effectue en effet au moment de la rédaction de la décision.

Le recours unique est proportionnellement un peu plus prononcé pour les magistrats de cour d’appel que pour ceux de TGI (92% versus 74%) et pour les magistrats travaillant à plein temps aux affaires familiales comparativement à ceux qui exerce cette activité à temps partiel (78% versus 70%). On n’observe en revanche aucune différence du point du sexe du magistrat. Du point de vue de l’ancienneté dans la magistrature, les magistrats de l’échantillon ayant la plus longue expérience montrent une intensité de recours identique à celle observé en moyenne (recours unique : 77%), alors que les magistrats les moins expérimentés déclarent un recours unique un peu plus fréquent (80%) et les magistrats à ancienneté moyenne un recours unique moins fréquent qu’en moyenne (70%) ; mais comme on peut le voir à la lecture de ces pourcentages, les différences sont minimes. En termes d’ancienneté dans les affaires familiales, les différences sont de nature différente mais d’ampleur tout aussi limitée : les magistrats de l’échantillon qui n’étaient pas en charge des affaires familiales avant 2010 ont le comportement moyen observé pour l’ensemble des magistrats et ceux qui ont exercé dans le champ des affaires familiales avant 2010 et ont une expérience dans ce champ pas très longue déclarent un recours unique plus fréquent que leurs homologues avec expérience plus longue (82% versus 69%).

210

La fréquence de recours systématique est surreprésentée parmi les magistrats de l’échantillon qui émettent une opinion positive ou une opinion très critique et est sous-représentée parmi les magistrats qui émettent une opinion mitigée. La fréquence de recours élevée est surreprésentée parmi les répondants qui ont une opinion mitigée et sous-représentée parmi les répondants exprimant une opinion critique. La fréquence de recours faible est sous-représentée parmi les enquêtés à opinion positive ou mitigée. 211

Opinion positive : 28 réponses ; opinion mitigée : 17 réponses ; opinion critique : 11 réponses. 212

La question n°5 distingue quatre moments de la procédure : la préparation du dossier, l’audience, lorsque les parties y font référence et la rédaction du jugement. 213

Six répondants déclarent recourir à la table de référence plus de deux fois par affaire.

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L’hostilité des magistrats à l’égard des barèmes se traduit du point de vue de l’intensité de recours par un recours unique un peu supérieur (88% versus 76%). L’hostilité envers les barèmes se répercute donc négativement sur tous les indicateurs de recours étudiés, que ce soit sur le taux de recours, la fréquence ou encore l’intensité de recours. Considérons maintenant la question portant sur l’opinion quant au caractère indicatif de la table de référence. Les magistrats en faveur d’un barème indicatif, qui représentent 90% de l’échantillon, montrent, sans surprise vu ce taux, un taux de recours unique égal à ce qui est observé en moyenne. En revanche, nous observons que le recours unique des autres magistrats de l’échantillon est un peu supérieur (86%), ce qui est plutôt contre-intuitif puisque l’on aurait pu penser que revendiquer un barème plus prescriptif serait associé à une intensité de recours au barème plus fréquente. Enfin, nous remarquons que les magistrats de l’échantillon opposés à la mise en place d’un simulateur sont proportionnellement plus nombreux qu’en moyenne à avoir un comportement de recours pluriel (31% versus 23% en moyenne). Souhaiter un support plus facile d’usage (comme l’est un simulateur a priori) ne serait donc pas associé à l’intensité de recours au barème.

L’indicateur d’intensité d’usage (cf. supra encadré 3.B) de la table de référence est corrélé avec l’intensité de recours (sans surprise, puisque les deux concepts mesurés sont proches) : lorsque les magistrats ont une intensité d’usage faible, leur taux de recours unique est plus élevé (91% versus 77% en moyenne). En revanche, selon l’indicateur d’opinion critique à l’égard de la table de référence on n’observe pas de différence en termes d’intensité de recours. Enfin, du point de vue de l’indicateur d’opinion à l’égard de la notice explicative, on observe une opposition assez typique : les magistrats de l’échantillon qui ne connaissent pas la notice explicative ou ceux qui en ont une opinion mitigée ou critique sont proportionnellement plus nombreux à avoir un recours unique (de 82% à 86% versus 77% en moyenne), et à l’inverse les magistrats de l’échantillon qui ont une opinion très positive à l’égard de la notice explicative sont proportionnellement nettement plus nombreux à déclarer un recours pluriel (45% versus 23%).

4. Le recours des parties à la table de référence selon les magistrats

Nous avons introduit une question portant sur le recours des parties à la table de référence pour tenter de vérifier si l’hypothèse que nous avons avancée supra dans la sous- partie 3.2 lors des analyses portant sur l’offre et de la demande des parties avait un certain crédit, hypothèse qui postule que les parties recourent à la table de référence. A cette fin, la question n°16 demande aux magistrats dans quelle mesure les parties (ou leurs avocats) mentionnent (oralement ou par écrit) spontanément la table de référence. Certes, le recours des parties peut se faire sans être mentionné, les réponses apportées à cette question par les magistrats de l’échantillon constituent donc une estimation basse du recours des parties à la table de référence. La question est posée deux fois de manière à pouvoir distinguer les situations selon que les parties sont ou non en désaccord.

Lorsque les parties sont d’accord, il semble, selon les déclarations des magistrats de l’échantillon, que la mention de la table de référence soit assez peu fréquente : elle serait mentionnée très fréquemment dans 12% des cas, peu fréquemment dans 28% des cas, assez exceptionnellement dans 42% des cas et jamais dans 18% des cas.

Lorsque les parties ne se sont pas mises d’accord, nous avons tenté de distinguer la mention de la table de référence selon deux logiques (éventuellement cumulatives) : pour

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demander son application (logique volontariste) et pour faire valoir que la table de référence n’était pas adaptée au cas d’espèce (logique d’opposition). Le tableau 3.76 ci-dessous rassemble les réponses apportées à cette question.

Tableau 3.76 : Selon l’opinion des magistrats de l’échantillon, à quelle fréquence les parties (ou leurs avocats), lorsqu’elles ne sont pas d’accord, mentionnent spontanément la table de référence

Pour demander l’application de la table de référence Ensemble Très

souvent Parfois Rarement Jamais Sans

avis

Pour dire que la table n’est pas adaptée au cas d’espèce

Très souvent 3,1% 0,6% 1,2% 4,9%

Parfois 3,7% 9,9% 0,6% 1,9% 16,1%

Rarement 1,9% 2,5% 6,8% 3,1% 14,3%

Jamais 0,6% 0,6% 4,3% 5,0% 0,6% 11,1%

Sans avis 8,7% 17,4% 18,0% 8,1% 1,2% 53,4%

Ensemble 18,0% 31,0% 29,7% 13,1% 6,8% 100,0%

Source : enquête qualitative auprès des magistrats quant à l’usage de la table de référence indicative relative à la fixation de la CEEE.

On observe que seulement un magistrat sur cinq de l’échantillon (19,8%) déclare que la mention de la table par les parties, quel que soit le motif, serait très fréquente (avec une très forte prédominance de la logique volontariste ; prédominance qui tient au fait que seulement un enquêté sur deux environ s’est prononcé sur la logique d’opposition). Si l’on élargit l’évaluation aux réponses indiquant que les parties mentionneraient parfois la table de référence, la proportion de réponses, quelle que soit la logique, passe de un magistrat de l’échantillon sur cinq à un magistrat sur deux (52,7%). Un tel pourcentage renvoie naturellement à une conclusion de type « verre à moitié vide ou à moitié plein », mais dans la mesure où il s’agit d’une estimation basse (car inter-médiée par les magistrats de l’échantillon), on peut penser qu’effectivement un certain nombre non négligeable de parties en désaccord recourent à la table de référence et sans doute plus que lorsque les parties se sont mises d’accord. Mais ce recours serait moins fréquent que celui des magistrats, du moins si l’on s’en tient aux réponses apportées par les magistrats de l’échantillon tant sur cette question de la mention de table de référence par les parties que sur celle relative à leur propre recours au barème. Au total, il convient donc d’admettre que notre supposition a priori d’un recours des parties à la table de référence n’est pas franchement confirmée, et c’est peut-être en partie pourquoi les impacts du barème sur l’offre et la demande que nous avons tenté d’estimer à la sous-partie 3.2 supra n’étaient pas indiscutablement significatifs214.

214

Nous avons en effet montré d’une part, que les différences, d’une période à l’autre, des écarts entre l’offre ou la demande et le barème moyens étaient non significatives ou faiblement significatives (cf. tableau 3.60 supra), d’autre part, que peu de facteurs explicatifs étaient associés significativement à la différence d’offre ou de demande d’une période à l’autre (cf. tableau 3.64 supra).

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Encadré 3.C : analyse de la question ouverte n°15 : « Quelles sont les éventuelles améliorations à la table de référence qui selon vous seraient très utiles ? »

Cinquante-sept enquêtés (sur 161) ont répondu à cette question ouverte facultative215. Dans trois cas, les enquêtés répondent par la négative (pas d’améliorations nécessaires) ou qu’ils ne savent pas. Par ailleurs, certains commentaires apportés à la question n°31, question terminale qui donne aux enquêtés l’occasion de s’exprimer librement sur le sujet des barèmes et de la table de référence, traitent de l’amélioration de cette table, nous les avons donc incorporés à cette synthèse. Parmi les 49 contributions de la question n°15, plusieurs thématiques d’amélioration sont énoncées plusieurs fois, dont une très souvent.

1) Prise en compte du revenu du parent créancier (citée 21 fois + 3 fois à la question n°31).

Cette prise en compte est plébiscitée. Il semble donc que l’explication donnée dans la notice explicative, qui explique que le revenu du parent créancier est bien pris en compte, mais implicitement, n’est pas suffisante. Cela conforte donc la proposition des concepteurs de la table qui, dans leur suggestion de mise à jour de 2018216, propose de faire apparaitre le revenu du parent créancier en indiquant le montant correspondant de sa contribution directe à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, contribution qui varie justement en fonction de ses propres revenus.

2) Prise en compte des charges significatives et/ou exceptionnelles (citée 8 fois + 1 fois à la question n°31).

Cette suggestion d’amélioration est souvent illustrée par des exemples : frais de trajet, scolarité en école privée, handicap de l’enfant, pratique d’un sport couteux… D’une part, cette question est explicitement abordée dans la notice explicative, mais il est justement indiqué que dans ces cas c’est au juge d’apprécier et de moduler le montant de CEEE en conséquence. Si cette notice est connue (ce qui ne semble pas être le cas si l’on se fie à notre enquête, cf. question n°19 qui indique que les deux tiers des enquêtés ne la connaissent pas), cela signifierait que renvoyer à l’appréciation des juges ne les satisfait pas et qu’une demande d’aide en la matière est exprimée. D’autre part, comme un enquêté l’écrit explicitement, de telles charges particulières ne peuvent pas (en tout cas pas aisément) entrer dans un barème qui se propose de donner au contraire une référence pour les cas les plus généraux et non pour des situations particulières.

3) Etendre le barème aux hauts revenus (cité 6 fois + 3 fois à la question n°31).

La proposition d’amélioration est, dans une réponse, étendue aux très faibles revenus. La table de référence est en effet bornée entre 700 et 5 000 euros, et la notice explicative conseille au juge d’apprécier au cas par cas les situations de revenus extrêmes. On comprend assez facilement la pertinence de la suggestion faite par les magistrats interrogés, car sans référence il peut être difficile de décider ; notons cependant que la formule de calcul indiquée en haut de table permet d’avoir une valeur d’ancrage autour de laquelle le juge peut moduler le montant de la pension alimentaire. L’absence de table de référence pour ces situations est liée à un déficit d’information statistique en la matière. Certains travaux économétriques ont montré que le coût de l’enfant n’était pas proportionnel au revenu dans le haut de la distribution, mais cela n’a jamais, à notre connaissance, été validé par des estimations « officielles » de la part de l’INSEE (alors que l’échelle d’équivalence utilisée dans la table de référence pour des revenus moyens est au contraire en usage fréquent dans les travaux de l’INSEE).

4) Prise en compte de l’âge des enfants, dont les majeurs (citée 9 fois + 2 fois à la question n°31).

215 Quelques propos ne répondent pas à la question posée, mais relèvent d’opinions plus générales sur les barèmes, ils seront repris avec l’analyse de la question ouverte n°31 qui termine le questionnaire. 216 BARDOUT J.-C., BOURREAU-DUBOIS C., JEANDIDIER B., SAYN I. (2018), « Fixer le montant de la Contribution à l’Entretien et l’Education des Enfants », Note d’expertise à l’intention du Ministère de Justice, 51 p.

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C’est effectivement pour simplifier la table de référence que les concepteurs du barème ont opté pour un lissage de l’effet de l’âge (car le coût de l’enfant est en effet supérieur à partir de l’adolescence, 14 ans). Mais on ne peut pas dire que l’âge n’est pas du tout pris en compte, puisque le lissage (permettant de n’éditer qu’une seule table et non deux tables, avant et après 14 ans) reporte le surcoût des plus âgés sur l’ensemble des âges. En quelque sorte le surcoût est déjà perçu partiellement avant qu’il n’existe (à condition que l’enfant ait reçu une CEEE avant 14 ans, il est vrai). Ce choix est expliqué dans la notice explicative, mais sans doute n’est-il pas partagé. Une informatisation de la table sous forme de logiciel permettrait de mieux prendre en compte l’âge.

5) Améliorer le barème pour les situations de DVH « alternance » (cité 5 fois + 1 fois à la question n°31).

Il semble que les explications apportées dans la notice explicative pour le traitement de l’alternance ne soit pas satisfaisante. Les concepteurs de la table de référence en conviennent ; c’est pour cela que dans leur proposition d’amélioration de 2018, ils proposent un nouveau mode de calcul, calcul qui prend explicitement en compte les revenus des deux parents afin de déterminer la CEEE due par chacun des parents, avec calcul de la « balance » entre les deux montants pour identifier le débiteur net et le montant net de CEEE à sa charge.

6) Prise en compte de la remise en couple (citée 4 fois + 1 fois à la question n°31).

La question est abordée dans la notice explicative. Mais cette prise en compte est délicate dans un barème, notamment au regard de la position (ambigüe) de la cour de cassation, qui confirme que les revenus des nouveaux conjoints ne doivent pas être pris en compte, mais qu’il convient de tenir compte du fait que leur présence modifie la prise en charge des coûts (mais comment ?). On pourrait croire qu’une solution possible consisterait à tenir compte, dans le calcul du niveau de vie constitutif de la mesure du coût de l’enfant, des unités de consommation relatives à ce nouveau conjoint. Mais l’option centrale qui gouverne la table de référence est celle selon laquelle le coût de l’enfant n’est pas calculé dans la situation familiale établie au moment de la détermination de la CEEE, mais dans la situation familiale avant la rupture : l’enfant a droit à l’effort financier relatif qui était celui dont il bénéficiait avant que ses parents ne se séparent, donc en situation de couple. La solution qui consisterait à tenir compte, dans le calcul du niveau de vie constitutif de la mesure du coût de l’enfant, des unités de consommation relatives à ce nouveau conjoint ne changerait donc rien puisqu’est déjà pris en compte l’ancien conjoint. La suggestion de prendre en compte les remises en couple et plus généralement les situations familiales au moment de la fixation de la CEEE s’oppose à cette option centrale : y satisfaire reviendrait à concevoir un tout autre barème, reposant sur une toute autre logique.

7) Mieux expliciter le nombre d’enfants à prendre en compte (cité 4 fois + 2 fois à la question n°31).

Là encore, cette suggestion indique que la notice explicative est mal connue, car cette question y est traitée en détail, indiquant que tous les enfants à charge du débiteur (quelle que soit l’union dont ils sont nés) doivent être pris en compte pour choisir la bonne colonne de la table.

8) Moduler le barème selon les charges en général ou les besoins de l’enfant (cité 3 fois + 5 fois à la question n°31).

La notice explicative, mal connue, explique justement que les charges en général (et non pas les charges spécifiques et exceptionnelles) n’ont pas à être prises en compte parce que justement le calcul sous-jacent des montants suggérés par la table tient compte de ces charges standards, le coût de l’enfant étant calculé à partir de l’ensemble des dépenses d’un ménage (donc de ses charges courantes, dont une part est mécaniquement attribuée à l’enfant, dans son coût relatif).

9) Prise en compte des charges de logement (citée 3 fois).

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On peut ici formuler la même remarque qu’au paragraphe précédent.

10) Créer un barème automatisé, logiciel on line (cité 2 fois + 1 fois à la question n°31).

On ne peut que souscrire à ce type de suggestion ; un barème automatisé permettrait en outre d’accroître le paramétrage de l’outil (exemple, introduire une modulation selon l’âge). Mais ces deux contributions semblent omettre (par méconnaissance ?) l’existence d’un simulateur sur le site du ministère de la justice : https://www.justice.fr/simulateurs/pensions.

Les améliorations qui ne sont évoquées qu’une fois sont les suivantes :

a) prise en compte des charges d’emprunt ; b) mentionner le forfait de charges pris en compte dans le barème ; c) moduler la table selon les régions de résidence (évoqué également à la question n°31) ; d) exprimer le barème en revenu net imposable ; e) donner une définition des revenus à prendre en compte ; f) joindre un évaluateur de revenu net de charge et de fiscalité ; g) mentionner un indicateur de besoins minimaux de l’enfant selon son âge ; h) mentionner une limite supérieure de CEEE au-delà de laquelle des justifications seraient obligatoire (les besoins n’étant pas proportionnels pour les hauts revenus) ; i) mentionner un seuil de revenu en dessous duquel aucune CEEE ne peut être exigée ; j) joindre un module permettant de calculer le bénéfice d’une Allocation de Soutien Familial (ASF) ; k) prendre en compte les situations de DVH différents au sein d’une même fratrie ; l) faire un barème pour la situation sans DVH ; m) insister plus sur le caractère indicatif ; n) améliorer l’accès sur internet ; o) proposition issue de la question n°31 : prévoir les cas de DVH réservé217 ; p) proposition issue de la question n°31 : proposer un montant différent selon que les allocations familiales sont ou non partagées ; q) proposition issue de la question n°31 : donner plus de poids aux dépenses directes que le créancier engage lorsqu’il héberge l’enfant.

Certaines de ces suggestions, bien que plus spécifiques, se rattachent à des thématiques déjà évoquées supra : les trois premières (a, b et c) et la suggestion q) relèvent de la prise en compte des charges ; les suggestions h), i) et j) relèvent de la question du traitement des revenus extrêmes (haut ou bas) ; la suggestion n) peut être rattachée à celle évoquée au point 10 supra.

Les suggestions d), e) f) et p) portent sur la définition du revenu, sujet qui est abordé en détail dans la notice explicative de la table de référence (dont notamment l’explication du fait que l’on conseille de ne pas prendre en compte le revenu net d’impôts, ni les allocations familiales). La notice explicative traite également du cas évoqué en k) : la table doit s’appliquer pour chacun des enfants pris un à un, compte tenu de leur propre type de DVH, avec comme conséquence des montants de CEEE différents dans la fratrie. Il est difficile de deviner la justification précise de la suggestion exprimée succinctement en g) : la table de référence exprime des besoins moyens, qu’apporterait une notion (difficile à établir par ailleurs) de besoins minimaux ? La remarque m) est d’une certaine manière une question d’appréciation, car le caractère indicatif est bien souligné dans la notice explicative, il pourrait cependant être ajouté dans le titre de la table (voir à ce sujet l’analyse de la question n°31 infra). Quant à la suggestion l) (et peut-être la suggestion, ambigüe, o)), elle pourrait être reprise sans difficulté, cela nécessiterait simplement d’ajouter une rubrique

217 Cette remarque n’est pas assortie d’explication, selon notre interprétation le DVH réservé correspondrait à la situation où le juge n’a pas statué sur la question du DVH parce qu’aucune des parties ne lui a demandé, mais que cette question est réservée à plus tard, une manière de ne pas statuer extra petita tout en rappelant que l’enfant a le droit d’entretenir des relations régulières avec ses parents.

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(en plus de « réduit », « classique », « alternance ») ; mieux, avec un barème informatisé, il serait possible de calculer pour toutes les configurations fines, exprimées en pourcentage de temps passé chez le parent débiteur, des montants de CEEE adaptés à ces différentes situations puisque la formule de calcul intègre justement ce pourcentage.

B. Les juges de l’échantillon pensent-ils que la table de référence produit des effets ?

Tout au long de cette partie 3, nous avons cherché à mesurer l’impact du recours à la table de référence. Mais qu’en pensent les magistrats eux-mêmes ? Pour tenter de répondre à cette question, nous analyserons dans ce paragraphe trois questions d’opinion adressées aux enquêtés. La première aborde la question de l’impact du barème sur le montant de CEEE (1), la seconde question interroge les magistrats de l’échantillon sur les éventuels changements de comportement des parties (2) et, enfin, la dernière question concerne les éventuels changements dans la pratique des juges de l’échantillon (3).

1. L’influence de la table de référence sur le montant de CEEE

Pour traiter cette question, nous utilisons les réponses issues de la question n°17 du questionnaire218. Tout d’abord, précisons que nous ne prenons pas en compte les répondants ayant choisi la modalité « je ne sais pas » à cette question, répondants qui sont au nombre de 19 individus. Ainsi, compte tenu de cinq non-réponses à cette question, nous travaillons sur un échantillon de 137 réponses.

D’un point de vue global, l’introduction de la table de référence, de l’avis des magistrats de l’échantillon, influencerait le montant de CEEE fixés par les juges de l’échantillon (tableau 3.77). En effet, 12% des répondants indiquent que le plus souvent le montant exact de la table de référence est retenu lorsqu’elle est évoquée (par les parties et/ou par le magistrat) et 59% des répondants indiquent que le montant retenu est proche de celui de la table de référence, soit au total près de sept répondants sur dix.

On observe des proportions quasi-identiques que les magistrats de l’échantillon exercent en TGI ou en cours d’appel, si ce n’est que les seconds sont proportionnellement un peu plus nombreux à retenir le montant exact de la table de référence (16% versus 11% en TGI). Du point de vue de la durée d’exercice aux affaires familiales (temps plein / temps partiel), les magistrats travaillant à temps partiel répondent proportionnellement plus souvent que c’est le montant exact de la table de référence qui est retenu (21% versus 9% pour les magistrats à temps plein) mais également plus souvent que l’application de la table de référence est variable (35% versus 27% pour les magistrats à temps plein). On observe des différences similaires lorsque l’on compare les magistrats de l’échantillon selon le sexe : les hommes répondent proportionnellement plus souvent, que les femmes, que le montant exact est retenu et que la fixation est variable (respectivement 19% versus 10% et 34% versus 27%). Du point de vue de l’ancienneté, qu’il s’agisse de l’ancienneté dans la magistrature ou de l’ancienneté aux affaires familiales, on observe que plus l’ancienneté croît, moins les magistrats disent qu’en cas d’évocation de la table de référence le montant de CEEE fixé est proche de ou identique à la valeur suggérée par le barème : par ordre

218

Selon votre expérience, lorsque la table de référence du Ministère de la Justice est évoquée (par vous-même ou par les parties), quelle est son influence sur le montant fixé ?

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croissant d’ancienneté (en trois classes) les taux de réponse de type « l’influence de la table est variable » sont en effet, respectivement pour l’ancienneté dans la magistrature et l’ancienneté aux affaires familiales, égaux à 24%, 30%, 37% et 20%, 32%, 41%).

Tableau 3.77 : opinion des magistrats quant à l’influence de la table de référence sur le montant de CEEE fixé

Montant

exact Montant proche

C’est variable

Ensemble

Tribunaux de Grande Instance 9% 51% 26% 86% Cours d’Appel 2% 8% 4% 14%

Temps plein 7% 48% 20% 75% Temps partiel / Occasionnel 5% 11% 9% 25%

Femme 8% 48% 20% 76% Homme 5% 11% 8% 24%

Ancienneté magistrature courte 4% 24% 9% 37% Ancienneté magistrature moyenne 4% 21% 10% 35% Ancienneté magistrature longue 4% 14% 10% 28%

Pas aux affaires familiales avant 2010 5% 28% 8% 41%

Ancienneté affaires familiales moyenne 3% 18% 9% 30% Ancienneté affaires familiales longue 4% 13% 12% 29%

Hostile aux barèmes 0% 1% 8% 9%

Non hostile aux barèmes 13% 60% 18% 91%

Pour table indicative 10% 54% 27% 91% Pour table avec valeur de présomption ou table impérative

2% 5% 1% 8%

Favorable au simulateur 6% 41% 20% 67% Défavorable au simulateur 6% 18% 9% 33%

Intensité d’usage positive 9% 36% 13% 58%

Intensité d’usage nulle 4% 26% 12% 42%

Opinion positive à l’égard de la table 8% 48% 21% 77% Opinion neutre/négative (table) 3% 11% 9% 23%

Ne connais pas la notice explicative 7% 37% 18% 62%

Opinion positive sur la notice 3% 13% 5% 21%

Opinion mitigée sur la notice 2% 7% 2% 11% Opinion très critique sur la notice 0% 3% 3% 6%

Ensemble (%) 12% 59% 29% 100%

Effectifs 16 81 40 137 Source : enquête qualitative auprès des magistrats quant à l’usage de la table de référence indicative relative à la fixation de la CEEE.

Les répondants qui déclarent être plutôt hostiles aux barèmes, répondent de manière très atypique à cette question de l’impact de la table de référence sur le montant de CEEE ; ils sont en effet neuf sur dix à dire que l’impact est variable (contre deux sur dix parmi les magistrats non hostile aux barèmes). Quant aux magistrats de l’échantillon qui revendiquent un barème ayant valeur de présomption ou un barème impératif, ils répondent proportionnellement plus souvent que les autres magistrats que le montant exact est retenu en cas d’évocation de la table de référence (25% versus 11%).

L’indicateur d’intensité dans l’usage du barème montre que les magistrats de l’échantillon dont l’intensité est positive répondent proportionnellement plus souvent que le montant retenu est le montant exact (15% versus 9% pour les magistrats dont l’intensité

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d’usage est faible). L’indicateur d’opinion critique à l’égard du barème montre que les magistrats de l’échantillon éprouvant des difficultés à utiliser la table de référence répondent proportionnellement plus souvent que l’impact de la table est variable que ne le font les magistrats qui sont moins critiques à l’égard de la table de référence (39% versus 27%). Ne pas connaître l’existence de la notice explicative n’a pas d’incidence sur l’opinion des magistrats de l’échantillon du point de vue de l’influence de la table de référence sur le montant de CEEE, l’opinion des magistrats qui ne la connaissent pas est en effet identique à l’opinion moyenne. En revanche, lorsque les magistrats sont très critiques à l’égard de cette notice (ils sont peu nombreux), leur opinion quant à l’impact de la table de référence est assez particulière puisqu’aucun n’indique que le montant exact serait le plus souvent retenu lorsque la table est évoquée et qu’un sur deux indique que l’impact est variable.

2. L’influence de la table de référence sur le comportement des parties

L’analyse des réponses obtenues pour la question n°30.A219 permet de mettre en avant l’influence qu’a pu avoir la table de référence sur le comportement des parties. Comme il s’agit de questionner les magistrats sur d’éventuels changements suite à la diffusion de la table de référence en 2010, seuls ceux qui étaient en fonction aux affaires familiales avant cette date sont concernés par la question (les autres pouvant plus difficilement apprécier le changement). Comme le montre le tableau 3.78, un nombre non négligeable d’enquêtés ne se sont pas prononcés (48 sur 100). Il est difficile de savoir si ces répondants n’ont pas souhaité répondre à la question ou s’ils ont considéré que quelque chose avait changé (ils n’ont donc pas coché la case « cela n’a rien change »), mais qu’aucun des trois types de changement proposés ne correspondait au changement auquel ils pensaient. Quoi qu’il en soit, on peut considérer qu’ils n’ont pas été sensibles aux options que la question leurs proposait. Ainsi, l’analyse détaillée de cette question repose malheureusement sur un nombre très réduit de réponses (52).

Dans presque un cas sur deux (23 sur 52), les répondants pensent que la diffusion de la table de référence n’a rien changé du point de vue des comportements des parties. Ainsi, seuls 29 individus de l’échantillon attribuent un effet à la table de référence.

L’influence constatée par les magistrats de l’échantillon est très majoritairement positive. Lorsque la table est évoquée par les parties, seize répondants indiquent que cela a rendu la discussion plus facile, auxquels s’ajoutent (si l’on exclut les doublons pour cause de réponses multiples), d’une part, quatre réponses exprimant également une plus grande facilité dans les discussion lorsque c’est le magistrat qui introduit la table de référence et, d’autres part, quatre réponses exprimant le fait que les accords sont plus nombreux, soit au total 23 (sur 29) réponses exprimant une influence positive de la table de référence. Seuls six répondants évoquent des discussions avec les parties plus difficiles du fait de la diffusion de la table de référence.

219

« Si vous avez exercé comme magistrat aux affaires familiales avant 2010 (donc avant la création de la table de référence du Ministère de la justice), est-ce que, selon vous, cette table de référence a changé le comportement des parties ? ».

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282

Tableau 3.78 : opinion des magistrats quant aux éventuels changements de comportement des parties du fait de la table de référence Lorsque les parties mentionnent la table

Ensemble Discussion

plus facile Discussion

plus difficile

Il y a plus d’accords

Cela n’a rien

changé

Sans avis

Lorsque j’introduis la table dans les débats

Discussion plus facile

6(1) 1 3 10

Discussion plus difficile

1 1 2

Il y a plus d’accords

4 3 7

Cela n’a rien changé

23 23

Sans avis 6 4 48 58

Ensemble 16 5 4 23 52 100 Source : enquête qualitative auprès des magistrats quant à l’usage de la table de référence indicative relative à la fixation de la CEEE. Champ : magistrats en charge des affaires familiales avant 2010. (1) : dont quatre répondants ayant simultanément coché la réponse « il y a plus d’accords ». Guide lecture : 4 magistrats déclarent que lorsque les parties mentionnent la table la discussion est plus facile et que lorsqu’ils introduisent la table dans les débats il y a plus d’accords.

La conclusion que l’on peut tenter de tirer de cette question d’opinion est donc ambigüe. Si l’on considère que les 48 magistrats qui ne se sont pas prononcé ont renoncé à ou ont oublié de répondre (il convient alors de les exclure de l’analyse), alors nous pouvons conclure que dans approximativement un cas sur deux (23 sur 52) les magistrats de l’échantillon pensent que la table de référence n’a pas modifié les comportements des parties (en termes d’accord ou en termes de facilité de discussion) et que dans le cas sur deux où ils pensent au contraire que cela a modifié les relations entre les parties, dans huit cas sur dix (23 sur 29) les magistrats évoquent un changement positif (discussion plus facile ou accords plus nombreux). A l’inverse, si l’on considère que les 48 magistrats qui ne se sont pas manifestés pensent que la table a eu un impact sur les parties, mais pas du point de vue de leurs relations (discussion et accord), dans ce cas, il faudrait conclure que les magistrats considèrent majoritairement (77 sur 100) que la table de référence a eu un impact sur les parties. Il faut reconnaitre que cette ambiguïté aurait pu être levée si la formulation de la question avait proposé un quatrième choix (ouvert) de type « cela a changé autre chose pour les parties ».

3. L’influence de la table de référence sur la pratique du juge

Nous utilisons cette fois-ci la partie B de la question n°30220. De façon analogue à la partie A traitée précédemment, les 61 magistrats de l’échantillon qui n’étaient pas en charge des affaires familiales avant 2010 ne sont pas concernés par cette question et à nouveau 48 autres enquêtés n’ont choisi aucun des items proposés. Les réponses exprimées portent donc sur 52 magistrats, dont 21 ont répondu que selon eux la table de référence n’avait rien changé à leur pratique de magistrat aux affaires familiales. Ce ne sont donc que 31 répondants qui explicitement déclarent avoir connu un ou plusieurs changements dans leur pratique. Le tableau 3.79 recense ces différentes réponses (la présentation en tableau croisé

220

« Si vous avez exercé comme magistrat aux affaires familiales avant 2010 (donc avant la création de la table de référence du Ministère de la justice), est-ce que, selon vous, cette table de référence a changé votre propre pratique ? ».

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se justifie par le fait que la question n°30-B est une question à choix multiples). Compte tenu du nombre restreint de réponses et du nombre relativement important d’items de réponse proposés, pour rentre la présentation plus lisible nous avons effectué des regroupements selon trois thématiques : activité du juge, relation avec les parties et gain de temps221.

Tableau 3.79 : opinion des magistrats quant aux éventuels changements dans leur activité du fait de la table de référence

Changements concernant…

Activité du juge

Relation avec les parties

Gain de temps

Cela n’a rien changé

Aucun avis

Activité du juge 12

Relation avec les parties 2 8

Gain de temps 2 1 3

Relation avec les parties + gain de temps

3

Cela n’a rien changé 21

Aucun avis 48 Source : enquête qualitative auprès des magistrats quant à l’usage de la table de référence indicative relative à la fixation de la CEEE. Champ : magistrats en charge des affaires familiales avant 2010. Guide de lecture : 12 magistrats répondent que la diffusion de la table de référence a modifié leur activité individuelle ; 2 magistrats répondent que la diffusion de la table de référence a modifié leur activité individuelle et qu’elle a modifié les relations avec les parties.

Majoritairement les répondants de l’échantillon qui considèrent que la table de référence a impliqué du changement n’évoquent qu’une seule thématique (les 23 réponses de la diagonale du tableau 3.79, sur 31 réponses). Les changements dans la pratique du juge lui-même sont évoqués 19 fois222, ceux touchant aux relations avec parties le sont 14 fois223 et ceux exprimés en termes de gain de temps le sont 9 fois224 (la somme est supérieure à 31 du fait des réponses multiples). Les choix multiples sont en nombre trop restreint pour que l’on puisse en tirer une quelconque conclusion quant au type de cumul.

A nouveau l’ambiguïté due aux 48 absences de choix dans la liste proposée nous fait hésiter quant à la conclusion. On remarquera que notre formulation de question était peut-être incomplète dans la mesure où nous n’avons pas proposé de réponses illustrant des effets « négatifs » (par exemple, perdre du temps, avoir des discussions moins sereines avec les parties, subir une complexification de la rédaction de la décision…), ni un item d’ouverture (« autre effet »). En conclusion et sous réserve de cette critique méthodologique, on soulignera donc seulement le fait que l’impact de la table de référence, selon l’opinion des magistrats de l’échantillon, se situe surtout en termes d’aide à la rédaction de la décision et en termes de relations facilitées avec les parties (ou leurs avocats). Quant à la dimension managériale, mesurée ici en termes de gain de temps (une

221

La thématique « Activité du juge » regroupe les items « Je ne prépare plus mes dossiers de la même manière » et « Je peux plus facilement rédiger ma décision ». La thématique « Relation avec les parties » regroupe les items « J’organise les débats différemment » et « La discussion avec les parties et leurs avocats est plus sereine ». La thématique « Gain de temps » regroupe les items « J’ai gagné du temps dans la préparation et le traitement des dossiers » et « J’ai gagné du temps dans les débats avec les parties ». 222

Avec une très nette prédominance de l’item « Je peux plus facilement rédiger ma décision » qui est cité 18 fois, contre 2 fois pour l’item « Je ne prépare plus mes dossiers de la même manière ». 223

L’item « J’organise les débats différemment » est cité 3 fois et l’item « La discussion avec les parties et leurs avocats est plus sereine » est cité 12 fois. 224

L’item « J’ai gagné du temps dans la préparation et le traitement des dossiers » est cité 5 fois et l’item « J’ai gagné du temps dans les débats avec les parties »est cité 4 fois.

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hypothèse souvent avancée dans les débats sur l’usage des barèmes), si elle n’est pas totalement absente des réponses, elle occupe cependant une place très marginale.

Compte tenu de ces conclusions en demi-teinte, nous proposons, pour compléter ce paragraphe, une analyse de la question ouverte n°31, question qui donnait l’opportunité aux enquêtés de s’exprimer en totale liberté sur la question de l’usage des barèmes (et plus spécifiquement de la table de référence)225. L’impact des barèmes est-il évoqué spontanément par les magistrats participant à l’enquête ?

Cette question facultative a été renseignée par 48 enquêtés (sur 161) ; nous avons intégré à cette synthèse quelques réflexions d’ordre général trouvées aux questions n°8 et n°15 (et donc sans objet pour ces deux questions plus spécifiques). Nous présentons cette synthèse en quatre points226. Le premier point évoque les réflexions faites à propos de l’enquête elle-même. Le deuxième point porte sur la thématique du « barème indicatif », thématique qui a suscité le plus de commentaires spontanés. Le troisième point liste les commentaires consistant à exprimer pourquoi, et dans quelle mesure, la table de référence est perçue comme étant utile/inutile. Le dernier point recense un ensemble hétéroclite de commentaires qui n’entrent pas logiquement dans les trois points précédents, mais qui n’en demeurent pas moins intéressants.

Les commentaires sont synthétisés par des phrases courtes ; chaque phrase correspond à un enquêté différent (deux propositions séparées par un point-virgule signifie qu’elles relèvent du même enquêté). Parfois, nous indiquons le propos entre guillemets lorsque nous pensons qu’il convient de le livrer textuellement pour ne pas trahir le mode d’expression.

Critiques/commentaires quant à l’enquête

Le questionnaire serait mal adapté à la procédure écrite en cours d’appel. Le barème est inapplicable à la Polynésie Française. La question 11-B est mal posée dans la mesure où le juge ne peut statuer « ultra petita ». « Certaines de vos questions sont problématiques du point de vue du juge, dès lors que celui-ci ne (sic) fixer plus que ce qui est demandé ou proposé » ; « Je n’ai pas été au bout du questionnaire car j’ai considéré que de trop nombreuses questions ne permettaient pas de choisir entre oui ou non, proposaient des réponses orientées qui ne correspondait (sic) pas à la manière dont j’utilise la table de référence » ; le questionnaire omet une dimension centrale : le fait que les parties sont ou non accompagnées d’un avocat ; « Aucun juge n’est JAF à temps plein ? La question temps partiel/temps complet est donc impropre. Cela peut être l’essentiel de l’activité d’un juge, ou pas » ; « je considère que, malheureusement, votre questionnaire ne permet (sic) de porter un avis qualitatif. Par contre, je ne peux que constater qu’il s’inscrit parfaitement dans les méthodes actuelles du ministère : des questions orientées, qui seront politiquement utilisées pour mettre en place une réforme en faisant croire que les magistrats ont été consultés » ; « Un procédé automatique peut avoir l’apparence de l’équité. Mais, l’équité n’est pas nécessairement la justice et surtout tout algorithme nécessite des choix fait par celui qui crée l’algorithme. Et on ne me fera pas croire que ces choix sont purement

225

« Si vous avez un commentaire complémentaire sur la table de référence du Ministère de la Justice, ou plus généralement sur les barèmes, vous pouvez vous exprimer dans l’espace ci-dessous ». 226

Un cinquième point aurait pu être évoqué dans cette synthèse ; plusieurs commentaires portent en effet sur les critiques et suggestions techniques adressées à la table de référence. Nous avons préféré les intégrer dans l’analyse de la question ouverte n°15 à l’encadré 3.C supra.

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techniques ou gestionnaires. Ces choix resteront toujours des choix politiques ». « Certaines de vos questions se heurtent au simple bon sens qui veut que : nous disposons de trop peu de temps par affaire ! » ; « nous avons besoin de moyens AILLEURS ». « Le professionnel qui a renseigné ce questionnaire peut se demander si l’arrière-pensée n’est pas de le conduire à cautionner l’automatisation (fixation automatique) de la contribution alimentaire (…) ». « Personnellement, je trouve que les questions complexifient à l’extrême la problématique qui reste simple : à partir de la demande du créancier et de l’offre du débiteur, le juge tranche, il ne peut aller au-delà, ce serait statuer ultra petita. Le questionnaire a une vision assez dogmatique et théorique, il faut que les universitaires investissent davantage les lieux de justice pour mieux appréhender cette question ».

« (…) je suis très intéressé par vos travaux (…) » ; « Bravo pour cette initiative ! ».

Cet ensemble de commentaire, essentiellement critiques, n’aborde pas la question de l’impact du barème, si ce n’est en creux lorsqu’un commentateur évoque la question du manque de temps, question qui implicitement évoque la question managériale, mais sans avancer l’idée selon laquelle un barème serait susceptible de faire gagner du temps, au contraire.

Sur le caractère indicatif de la table de référence (ou des barèmes en général)227

Outre quelques commentaires sous forme de slogans, que nous rapportons en premier lieu, nous avons classé les différents autres commentaires en trois rubriques : sur le principe général de la libre appréciation, sur la nécessité de pouvoir tenir compte de la diversité des situations, sur le principe d’un barème plus prescriptif.

« Je la consulte très souvent à titre INDICATIF, cela constitue un garde-fou intéressant pour le praticien ». « S’agissant d’une table INDICATIVE, il serait utile de mentionner sur cette table, POUR INFORMATION (…) ». « Indicatif !!! ».

- Sur le principe de la liberté d’appréciation

Je ne retiens jamais le chiffre proposé, mais l’adapte. Je consulte la table assez systématiquement, mais seulement comme élément d’appréciation qui ne me lie pas, il faut que l’on garde notre liberté d’appréciation. C’est un indicateur utile, mais il faut prévenir les parties que ce n’est qu’un élément d’information. Je ne l’évoque jamais en audience, car ce n’est qu’un point de repère et je veux garder ma liberté d’appréciation. Si les parties comparaissent sans avocat, évoquer le barème est une bonne base de discussion, mais cela ne préjuge pas de ma décision. La table est utile car elle permet d’harmoniser, mais elle doit rester indicative. C’est le seul outil permettant l’harmonisation et donc la prévisibilité, mais la pratique montre qu’il faut pouvoir déroger. Le barème doit rester indicatif, si je le consulte, je ne l’applique pas systématiquement. L’intérêt du barème est qu’il est indicatif, c’est une base de discussion. Lorsque les parents en font mention, ils ont l’impression qu’il s’agit d’un barème impératif, alors qu’il doit demeurer selon moi indicatif. Je tiens à l’appellation « table de référence », car le terme « barème » mentionné sur le site du Ministère introduit une idée impérative, or le juge est indépendant et la Cour de cassation a censuré une décision qui tenait compte du barème ; c’est une facilité offerte au juge, mais la

227

N.B. il y a parfois une certaine intersection entre les propos relatifs au caractère indicatif du barème et les propos soulignant son utilité (propos rassemblés au troisième point infra).

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table ne peut remplacer l’appréciation du juge ; l’utiliser tel quel reviendrait à se dépouiller de l’obligation de trancher ; or trancher est un pouvoir du juge qui ne peut être délégué.

- Sur la nécessité de pouvoir tenir compte de situations diversifiées

La suggestion du barème doit être systématiquement adaptée au cas d’espèce. Il est important que la table reste indicative, car elle intègre peu de critères. La table est très utile pour harmoniser, mais elle doit rester indicative pour pouvoir prendre en ligne de compte la grande diversité des situations. Il ne faut surtout pas que le barème soit impératif, car il y a une multitude de paramètres à prendre en compte, comme par exemple les coûts spécifiques et les nouvelles configurations familiales. La table ne peut qu’être indicative notamment parce que les charges n’entrent pas dans le calcul du barème. Il est difficile d’utiliser la table, sauf à titre indicatif, car elle n’intègre pas de nombreux critères importants (frais de trajet ; capacité de l’épouse à retrouver un emploi ; scolarisation particulière ; activités extra-scolaires ; soins mal pris en charge par la sécurité sociale ; handicap et ses conséquences pour l’activité professionnelle des parents ; mère mal payée et donc en risque de paupérisation…). Le barème doit garder son caractère indicatif pour préserver les spécificités.

- Sur le principe d’un barème plus prescriptif

Face à un contentieux de masse, il faut trouver un moyen pour réduire le recours au juge ; un barème à valeur de présomption avec faculté pour le juge d’y déroger permettrait d’amener les parties à trouver plus facilement des accords et de leur épargner des procédures coûteuses et parfois longues. Le barème devrait être diffusé plus largement, d’une part, pour faciliter les accords, d’autre part, pour que les parties viennent voir le juge uniquement avec des arguments justifiant une demande de dérogation. Les magistrats n’osent pas évoquer les barèmes, alors que l’idée générale est d’obtenir une plus grande harmonisation nationale ; le barème est donc très utile et devrait même avoir une valeur plus impérative, sauf dérogations possibles évidemment. Je ne suis pas opposé aux barèmes, et même je suis partisan d’une fixation extra-judiciaire par la CAF qui a plus d’informations que le juge, sous réserve d’une possibilité, sans obstacle, de recours devant le juge.

La lecture de ces différents commentaires sur le thème du caractère indicatif de la table de référence (ou des barèmes en général), montre que spontanément quelques magistrats évoquent certains impacts de ces barème. On retrouve la thématique, déjà évoquée précédemment à l’occasion de l’analyse de la question n°30, portant sur l’impact de la table de référence comme facteur de changement dans la relation avec (ou entre) les parties : le barème comme base de discussion, le barème comme incitateur à des accords. Trois autres types d’effet sont également évoqués, effets que nous n’avons pas introduits dans notre questionnaire : le barème comme facteur de réduction du recours au juge, le barème comme facteur d’harmonisation entre les décisions (avec du recul, comme cette question est au cœur de notre question de recherche, nous plaidons coupable de ne pas l’avoir abordée explicitement dans notre questionnaire) et, enfin, le barème comme facteur de prévisibilité (notion qui, bien sûr, est en lien direct avec l’effet d’harmonisation).

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Sur le fait que la table serait utile / pas utile

Nous synthétisons les commentaires relevant de cette thématique selon trois rubriques : les opinions critiques qui soulignent les risques d’un recours au barème, les opinions qui saluent l’utilité de la table de référence de manière assez générale, les opinions qui expriment l’utilité de la table du point de vue des parties.

- La table de référence n’est pas utile, elle est risquée, elle n’est pas assez informative

« (…) le face-à-face avec l’humain ne peut se remplacer par aucun chiffre ni aucune stat (…) le fait, toujours constaté, malgré vos efforts, que l’introduction du barème doit être très sporadique sinon elle nuit à la qualité de la négociation ». Une mise en ligne pour le public est risquée, elle devrait être réservée aux professionnels ; si elle est connue des parties, cela complique la discussion et l’arbitrage du juge ou la médiation. Je fais un tableau de ressources et charges des deux parents, ainsi ils comprennent mieux ma décision, le barème ne fournit pas une telle explication. Le problème des barèmes est l’oubli de nombreux éléments (ils se réfèrent surtout aux revenus) et de proposer des montants trop élevés (souvent on octroie moins, rarement plus). Les situations sont complexes et peu compatibles avec des barèmes préétablis ; selon les niveaux de vie, les coûts de transport, de logement, de santé, de loisirs, la pension doit varier pour un même revenu ; il faut anticiper les changements à venir et les intégrer pour éviter des saisines ; la détermination « in concreto » en accord avec les parties permet de fixer une pension alimentaire adaptée avec précision. Je me réfère rarement à cette table car il manque trop de critères et elle n’est pas réactualisée. La table ne prend pas en compte toutes les données, de ce fait elle crée une injustice pour l’une ou l’autre des parties. Si le barème peut présenter un intérêt pour les justiciables, il n’apporte aucun gain, que ce soit en termes d’apaisement des conflits ou de rédaction des jugements.

- La table de référence est utile, de manière générale

« Outil remarquable, très pratique d’usage en raison de sa simplicité et la marge d’appréciation que cela induit pour le magistrat (…). Le barème CAF (exigeant a priori de fournir de nombreuses données chiffrées) va probablement induire des effets perverses (sic) ». C’est un outil suffisant en tant que simple renseignement. Il faut l’employer comme un indicateur d’un minimum auquel l’enfant peut prétendre, et ensuite moduler suivant la situation en dépenses spécifiques. C’est un indicateur, une base de réflexion, mais il faut tenir compte des pièces versées au dossier et les dépenses spécifiques. Je ne suis pas opposé à un barème indicatif, cela permet d’harmoniser les pratiques. La table est utile, mais elle nécessite de la finesse, par exemple pour prendre en compte les frais de trajet. Je suis partisan d’un barème indicatif qui permet d’informer les parties et de réduire les disparités selon les juridictions. Je suis favorable aux barèmes indicatifs qui permettent une plus grande prévisibilité et facilitent des accords amiables. « Lorsque j’étais JAF en 2010, les avocats comme les collègues magistrats étaient, dans leur majorité, hostiles à ladite table de référence, ce qui m’a poussée à ne pas dire que je l’utilisais pour affiner les montants des pensions alimentaires octroyés. Aujourd’hui, en 2018, les avocats y font souvent référence, ce qui facilite voire encourage de nombreux accords entre les parties ». C’est une avancée majeure car cela permet d’unifier les pratiques, cela simplifie les débats, permet au juge de consacrer plus de temps aux questions délicates, à savoir la résidence et le droit de visite.

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C’est un guide bien utile, adaptable aux cas d’espèce. La diffusion de la table a sans doute unifié les pratiques. C’est un outil particulièrement utile pour plus d’harmonisation ; plus le barème est simple, plus il est utile, ensuite c’est au juge de faire des modulations.

- Utile au regard des propositions des parties

Le barème est très utile lorsque les propositions sont très divergentes. Il permet de réduire l’écart entre les propositions. C’est un outil de conciliation, il donne un point de départ de la discussion. C’est un très bon point de départ, avant nous travaillions à l’aveugle avec des discussions interminables face à des demandes excessives et des offre ridicules. La table de référence permet de faire entendre raison à un débiteur récalcitrant. Lorsqu’il n’y a pas d’avocat, souvent le demandeur évoque un montant sans avoir aucune idée de combien il pourrait prétendre ; la table permet alors d’avoir un repère et ensuite les parties peuvent justifier pourquoi un peu plus ou pourquoi un peu moins. La table est très utile aux avocats pour trouver des accords ou au moins des propositions crédibles. A l’audience, je ne la consulte que lorsqu’il n’y a pas d’avocat ; et plus systématiquement a posteriori pour vérifier l’adéquation entre les propositions et le montant suggéré.

Lorsque la question de l’utilité de la table de référence (ou des barèmes en général) est abordée, spontanément, les enquêtés évoquent donc assez souvent les effets. On retrouve certaines thématiques présentées au point précédent : le barème comme facteur d’harmonisation, comme facteur de prévisibilité, comme facilitateur d’accords, comme point de départ dans la discussion (facilitée) avec les parties. Mais d’autres effets sont abordés dans ces commentaires : le barème comme source d’information pour les parties, le barème comme garantie d’un minimum pour l’enfant, le barème comme aide aux avocats, le barème comme facteur de gain de temps pour se consacrer à des aspects plus importants du divorce. Enfin, on trouve des commentaires qui soulignent des effets négatifs (ce qui donne du crédit à notre autocritique exposée supra lorsque nous soulignions à propos de la question n°30-B l’absence d’items négatifs dans la liste des propositions de notre enquête) : le barème comme nuisance à la négociation et à l’arbitrage du magistrat ; le barème comme outil n’apaisant pas les conflits ; le barème n’apportant pas de gain de temps ; le barème comme source d’injustice potentielle parce qu’il n’intègre pas tous les paramètres du cas d’espèce. Même si ces propos critiques sont minoritaires dans cette question n°31, ils montrent en tout cas qu’il n’y a pas unanimité d’appréciation, parmi les magistrats de l’échantillon, quant à l’utilité et quant aux effets de la table de référence.

Autres commentaires

« Il est regrettable que la circulaire CIV/06/10 à laquelle était initialement annexé le barème soit difficile d’accès (…) ». Il manque une réactualisation annuelle systématique. Il conviendrait d’actualiser cette table. Elle est rarement actualisée. Il faudrait un logiciel simple et d’accès facile pour les utilisateurs. Le barème devrait être établi par des personnes connaissant le contentieux et réactualisé chaque année. « L’arrêt de cour de cassation (Cass. Civ. 1er du 23.10.13, n°12-25301) a donné un coup d’arrêt à l’usage de la table de référence ». « Il est interdit de faire référence directement à la table de référence sous peine de cassation ». Il y a un conflit entre statuer infra petita et alors devoir accepter une demande faible uniquement pour bénéficier de l’ASF. Je suis favorable à une déjudiciarisation pour des demandes standard de type « requête CAF » car souvent le

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débiteur est absent et donc le juge manque d’informations. La table de référence est peu utilisée par le barreau. Il serait utile de disposer d’un barème pour la fixation de la pension alimentaire (pour l’ex-conjoint) au moment de l’ONC.

Ces commentaires n’apportent pas d’information quant à la question des effets de la table de référence.

Somme toute, les analyses quantitatives et qualitatives développées dans ce paragraphe B ne débouchent pas sur un franc plaidoyer en faveur de notre position implicite initiale à l’égard de notre hypothèse de recherche à savoir le fait que nous nous attendions à ce que la table de référence produise bien un effet. Certes, d’un côté, les magistrats de l’échantillon indiquent majoritairement que la table de référence a un impact sur le montant de la CEEE (cf. l’analyse de la question n°17 supra) et c’est assurément rassurant pour nos travaux qui justement se focalisent sur cette dimension. Mais, d’un autre côté, peu de magistrat (en charge des affaires familiales avant 2010) de l’échantillon ont opté, à la question n°30, pour des réponses explicitant différents impacts de la table de référence. La question ouverte n°31 contrebalance cependant en partie ce dernier constat puisqu’à l’occasion de commentaires libres, plusieurs magistrats de l’échantillon ont évoqué plusieurs types d’impacts, et même certains non abordés dans l’enquête.

C. Les juges de l’échantillon pensent-ils que le recours à la table de référence est plus opportun pour certains types d’affaires ?

Cette troisième et dernière question cherche à illustrer dans une perspective confirmatoire, à partir de réponses d’opinion (approche qualitative), la démarche quantitative qui a été la nôtre tout du long de cette partie 3, à savoir une démarche qui a notamment tenté d’identifier des types d’affaires pour lesquels l’impact du barème sur l’hétérogénéité des décisions serait plus probant que pour d’autres types d’affaires. Dans un premier temps, nous analysons les réponses apportées par les magistrats de l’échantillon à l’interrogation générale posée à la question n°6 (y a-t-il des types d’affaires qui justifient plus le recours au barème ?) et, dans un second temps, toujours pour tenter d’identifier des types d’affaires où le recours au barème serait plus justifié228, nous étudions successivement de manière plus détaillée les différents paramètres constitutifs des cas types étudiés tout au long de cette partie 3.

1. L’existence de types d’affaires qui justifieraient en général de recourir à un barème

Suivant en cela la formulation du questionnaire, nous distinguerons les situations selon que les parties se sont ou non mises d’accord. Lorsque les parties se sont mises d’accord sur le montant de CEEE, il n’est pas rare que les magistrats considèrent que la table de référence est superflue : près d’un tiers des magistrats affirment ne jamais consulter la table de référence dans ce cas d’accord entre les parties (tableau 3.80). Et parmi les deux tiers de magistrats déclarant y recourir, ils sont peu nombreux (26% de ceux recourant à la table de référence) à y recourir assez systématiquement (dans plus d’une affaire sur deux et donc pas pour des types d’affaires très particuliers). Il reste donc la moitié des magistrats de l’échantillon pour déclarer recourir modérément (dans moins d’un cas sur deux) à la table de

228

Nous faisons ici l’hypothèse selon laquelle si le recours est reconnu par les magistrats comme étant plus justifié dans tel type d’affaire, il devrait donc aussi être plus fréquent dans ces mêmes affaires et in fine plus susceptible de produire des effets, mais cet enchaînement de logiques n’est que spéculative.

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290

référence. Pour ces magistrats, il ne semble pas que leur recours soit clairement justifié par le constat d’un niveau particulier de CEEE : dans 40% des cas ces magistrats déclarent que leur recours est indépendant du montant de CEEE proposé et dans 31% des cas ils déclarent que leur recours s’explique tout autant par le fait que le montant proposé soit particulièrement bas que par le fait qu’il soit particulièrement élevé. Donc seuls 29% des magistrats de l’échantillon ayant un recours modéré à la table de référence indiquent que leur recours est lié à un type d’affaire spécifique (le plus souvent – 25% parmi 29% – le motif justifiant le recours est le fait que le montant proposé est particulièrement bas).

Tableau 3.80 : opinion des magistrats quant au fait qu’il y aurait des types d’affaires justifiant plus le recours à la table de référence

Si accord Si désaccord

Ense

m-

ble

Je consulte la table… Jamais Plus d’1

fois sur 2 Moins d’1 fois sur 2

Plus d’1 fois sur 2

Moins d’1 fois sur 2

Tribunaux de Grande Instance 26% 14% 47% 64% 23% 87% Cours d’Appel 5% 4% 4% 11% 2% 13%

Temps plein 26% 14% 38% 54% 23% 78% Temps partiel / Occasionnel 6% 4% 12% 21% 2% 22%

Femme 26% 10% 43% 58% 21% 79% Homme 4% 7% 9% 18% 2% 21%

Ancienneté magistrature courte 11% 7% 23% 31% 10% 40% Ancienneté magistrature moyenne 12% 4% 17% 24% 9% 34% Ancienneté magistrature longue 8% 8% 10% 20% 5% 26%

Pas aux affaires familiales avant 2010 12% 7% 22% 32% 10% 40% Ancienneté affaires familiales moyenne 10% 5% 18% 24% 9% 34% Ancienneté affaires familiales longue 9% 7% 11% 20% 7% 26%

Hostile aux barèmes 3% 1% 4% 2% 6% 8% Non hostile aux barèmes 29% 17% 47% 73% 19% 92%

Pour table indicative 28% 14% 47% 65% 24% 90% Pour table avec valeur de présomption ou table impérative

2% 4% 4% 10% 0% 10%

Favorable au simulateur 17% 13% 38% 52% 16% 68% Défavorable au simulateur 15% 5% 12% 24% 8% 32%

Intensité d’usage positive 11% 12% 32% 42% 12% 55% Intensité d’usage nulle 20% 6% 19% 33% 13% 45%

Opinion positive à l’égard de la table 25% 14% 44% 63% 20% 83% Opinion neutre/négative (table) 6% 4% 7% 12% 5% 17%

Ne connais pas la notice explicative 20% 7% 36% 45% 18% 63% Opinion positive sur la notice 7% 5% 8% 17% 3% 19% Opinion mitigée sur la notice 4% 5% 3% 10% 1% 12% Opinion très critique sur la notice 1% 1% 4% 4% 2% 6%

Ensemble (%) 31% 18% 51% 75% 25% 100% Effectifs 44 25 71 104 34 141 Source : enquête qualitative auprès des magistrats quant à l’usage de la table de référence indicative relative à la fixation de la CEEE.

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Ces opinions varient-elle sensiblement selon les caractéristiques des magistrats ? Si l’on s’en tient aux sous-catégories suffisamment représentées (effectif au moins égal à 30229) dans l’échantillon de répondants, on peut souligner des différences sensibles selon l’ancienneté des magistrats. Les magistrats de l’échantillon qui ont une courte ancienneté dans la magistrature sont proportionnellement un peu plus nombreux (58% versus 51% en moyenne) à déclarer recourir modérément à la table de référence lorsque les parties se sont mises d’accord. A l’inverse, les magistrats de l’échantillon ayant une longue ancienneté dans magistrature déclarent proportionnellement plus souvent qu’en moyenne (31% versus 18%) recourir assez systématiquement à la table de référence (et en contrepartie ils déclarent moins souvent qu’en moyenne y recourir modérément). Quant aux magistrats de l’échantillon ayant une ancienneté moyenne dans la magistrature, ils se distinguent par un recours assez systématique proportionnellement moins fréquent (11% versus 18%). On retrouve les mêmes différences, mais nettement moins prononcées, lorsque l’on étudie l’ancienneté des magistrats dans le champ des affaires familiales.

On observe également des différences dans les réponses des magistrats selon leur opinion à l’égard du simulateur ou selon notre indicateur d’intensité d’usage (défini à l’encadré 3.B). Les magistrats qui déclarent être favorables à un simulateur de barème de CEEE, comme les magistrats dont l’intensité d’usage de la table de référence est positive, se distinguent des autres magistrats de l’échantillon par le fait qu’ils sont proportionnellement moins nombreux à déclarer ne pas recourir à la table de référence en cas d’accord des parties (respectivement 25% et 20% contre 31% en moyenne) et proportionnellement plus nombreux au contraire à déclarer y recourir modérément (56% et 59% versus 51% en moyenne).

En situation de désaccord entre les parties, aucun magistrat ne répond ne jamais recourir à la table de référence et la majorité (75%) des répondants déclarent recourir souvent (dans plus d’un cas sur deux) à la table de référence. Les autres magistrats recourent plus modérément à la table de référence : un magistrat sur dix déclare y recourir dans moins d’un cas sur dix et dans 15% des cas le recours est déclaré être un peu supérieur sans pour autant être supérieur à un cas sur deux.

Toujours en se limitant aux sous-catégories suffisamment représentées parmi les répondants, on note quelques différences d’opinion. Les magistrats de l’échantillon qui ne sont pas affectés à temps plein aux affaires familiales sont proportionnellement nettement plus nombreux à déclarer recourir assez systématiquement à la table de référence (92% versus 75% en moyenne). Inversement les magistrats de l’échantillon qui déclarent être plutôt hostiles aux barèmes sont proportionnellement nettement moins nombreux à déclarer recourir assez systématiquement à la table de référence en cas de désaccord des parties (28% versus 75% en moyenne), ce qui est pleinement cohérent.

229

Ce qui amène à exclure les sous-catégories suivantes : « Cours d’appel », « Homme », « Etre hostile à l’égard des barèmes », « Etre favorable à une table avec valeur de présomption ou une table impérative », « Avoir une opinion neutre ou négative à l’égard de la table de référence » et les trois sous-catégories caractérisant les magistrats qui connaissent la notice explicative de la table de référence.

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2. Quelles modalités d’affaires justifieraient plus un recours à la table de référence ?

Nous reprenons ici les critères des cas types analysées précédemment en les étudiant successivement : la taille de la fratrie et les revenus des parents (tableau 3.81), les propositions des parties et le type de DVH (tableau 3.82).

a) La taille de la fratrie

Selon l’opinion des magistrats, le recours à la table de référence serait le plus souvent indépendant de la taille de la fratrie. En effet, plus de trois magistrats de l’échantillon sur quatre (78%) déclarent recourir à la table de référence indépendamment du nombre d’enfants dans la fratrie.

Les magistrats de l’échantillon qui considèrent au contraire que la taille de la fratrie est un facteur déterminant de leur recours à la table de référence sont très majoritaires (83%) à déclarer qu’ils recourent plus facilement au barème lorsqu’il s’agit d’une fratrie de plusieurs enfants que pour un enfant unique. Mais globalement cette opinion est assez minoritaire ; on ne peut donc pas considérer que la taille de la fratrie constitue un facteur discriminant du point de vue du recours à la table de référence.

Si l’on décompose les opinions des magistrats par sous-catégories (en ne retenant que celles dont les effectifs sont suffisamment fournis, c’est-à-dire supérieurs à 30), on observe que la répartition des opinions varie peu. On note seulement que les magistrats de l’échantillon travaillant aux affaires familiales à temps partiel déclarent proportionnellement un peu plus souvent que leur recours à la table de référence est lié à la taille de la fratrie (30% versus 22% en moyenne) ; il en va de même des magistrats de l’échantillon dont l’ancienneté (dans la magistrature ou aux affaires familiales) est courte (respectivement 29% et 27% versus 22% en moyenne).

b) Les revenus des parents

Le revenu du parent débiteur constitue un facteur justifiant le recours à la table de référence plus net que la taille de la fratrie. En effet, seulement 58% (contre 78% en ce qui concerne la taille de la fratrie) des répondants déclarent que leur recours à la table de référence est indépendant du niveau de ce revenu. En revanche, les magistrats de l’échantillon déclarent très souvent que leur recours à la table de référence est indépendant du niveau du revenu du parent créancier (dans 77% des cas, un taux comparable à celui relatif à la taille de la fratrie). Il en est de même du lien entre le niveau de l’écart de revenu entre les deux parents et le recours à la table de référence : dans 79% des cas les magistrats de l’échantillon déclarent que leurs recours à la table de référence est indépendant de cet écart de revenus. Au total, l’opinion majoritaire des magistrats de l’échantillon est celle selon laquelle le recours serait plutôt indépendant des revenus des parents ; ce n’est que dans une minorité de cas que les revenus constituent un motif reconnu de recourir à la table de référence, et le plus souvent c’est le revenu du débiteur qui peut motiver le recours.

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Tableau 3.81 : opinion des magistrats quant au fait que le recours à la table de référence serait ou non dépendant de telle modalité d’affaire Modalités d’affaire : Taille de la fratrie Revenus du débiteur Revenus du créancier Revenus des parents

Ense

mb

le

Dépendant Indépendant Dépendant Indépendant Dépendant Indépendant Dépendant Indépendant

Tribunaux de Grande Instance 20% 68% 37% 50% 21% 66% 19% 68% 87% Cours d’Appel 1% 11% 4% 9% 2% 11% 2% 11% 13%

Temps plein 15% 63% 31% 47% 17% 60% 15% 63% 78% Temps partiel / Occasionnel 7% 16% 12% 11% 7% 16% 7% 16% 22%

Femme 17% 63% 34% 46% 20% 59% 16% 63% 79% Homme 5% 16% 8% 13% 4% 17% 5% 16% 21%

Ancienneté magistrature courte 12% 29% 16% 25% 10% 29% 10% 31% 40% Ancienneté magistrature moyenne 6% 28% 17% 16% 8% 26% 6% 26% 34% Ancienneté magistrature longue 4% 21% 9% 17% 5% 21% 5% 21% 26%

Pas aux affaires familiales avant 2010 11% 30% 16% 25% 11% 29% 11% 30% 40% Ancienneté affaires familiales moyenne 7% 26% 14% 20% 6% 27% 6% 27% 34% Ancienneté affaires familiales longue 3% 22% 12% 14% 7% 20% 4% 22% 26%

Hostile aux barèmes 2% 6% 4% 4% 2% 6% 1% 7% 8% Non hostile aux barèmes 20% 72% 38% 54% 21% 71% 20% 72% 92%

Pour table indicative 21% 70% 39% 50% 22% 67% 20% 69% 90% Pour table valeur présomption/impérative 1% 9% 2% 8% 1% 9% 1% 9% 10%

Favorable au simulateur 16% 53% 26% 42% 15% 53% 13% 55% 68% Défavorable au simulateur 6% 26% 16% 16% 8% 24% 9% 24% 32%

Intensité d’usage positive 12% 42% 22% 33% 15% 39% 13% 42% 55% Intensité d’usage nulle 9% 36% 20% 25% 8% 37% 9% 37% 45%

Opinion positive à l’égard de la table 18% 65% 36% 48% 17% 67% 17% 66% 83% Opinion neutre/négative (table) 3% 13% 7% 10% 7% 10% 4% 13% 17%

Ne connais pas la notice explicative 15% 48% 28% 34% 15% 49% 15% 47% 63% Opinion positive sur la notice 4% 16% 8% 12% 4% 15% 4% 16% 19% Opinion mitigée sur la notice 0% 12% 3% 9% 2% 9% 2% 10% 12% Opinion très critique sur la notice 3% 3% 3% 4% 1% 4% 1% 6% 6%

Ensemble (%) 22% 78% 42% 58% 23% 77% 21% 79% 100% Effectifs 30 108 59 81 32 105 29 107 141

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Bien que les réponses exprimant un lien entre recours et revenus soient minoritaires, étudions les circonstances plus détaillées qui justifieraient le recours à la table de référence. La question est de savoir si des revenus élevés ou au contraire bas constituent une circonstance particulière justifiant de recourir à la table de référence. Le graphique 3.X ci-dessous présente le nombre de réponses exprimant un lien entre le niveau de revenu (bas ou élevé versus moyen) et la justification de recourir à la table de référence.

On s’aperçoit à la lecture de ce graphique qu’il n’y a pas de situation qui justifierait clairement plus spécifiquement le recours de la table de référence. En effet, du point de vue du revenu du débiteur, les réponses sont approximativement aussi nombreuses quel que soit le niveau du revenu. De point de vue du revenu du parent créancier, on observe une certaine prédominance d’avis exprimant le fait que le recours à la table de référence serait plus justifié lorsque ce revenu est faible (19 avis versus 9 et 11), mais cette opinion fait jeu égal avec l’ensemble des deux autres opinions (20 avis). Enfin, du point de vue du niveau d’écart entre les revenus des parents, deux fois plus de magistrats de l’échantillon (20 versus 9) expriment le fait que le recours à la table de référence est plus justifié lorsque l’écart est élevé que l’inverse. C’est sans doute cette dimension qui apparait la plus discriminante du point de vue du lien avec la justification du recours à la table de référence su point de vue des revenus.

Source : enquête qualitative auprès des magistrats quant à l’usage de la table de référence indicative relative à la fixation de la CEEE.

Quant aux éventuelles différences d’avis selon certaines caractéristiques des magistrats, on peut en déduire quelques-unes, d’ampleur limitée, du tableau 3.81230 :

- les magistrats de l’échantillon affectés à temps partiel aux affaires familiales déclarent proportionnellement un peu plus souvent que les autres magistrats que leur recours à la table de référence est justifié par les revenus des parents231 ;

- les magistrats de l’échantillon qui ont une ancienneté moyenne dans la magistrature se caractérisent également par une proportion un peu plus élevée d’avis explicitant

230

On se limite aux sous-catégories dont les effectifs sont au moins égaux à 30 répondants. 231

Dans 52% des cas (contre 42% en moyenne) en ce qui concerne le revenu du parent débiteur ; dans 30% (versus 23% en moyenne) en ce qui concerne le revenu du parent créancier et dans 30% (versus 21% en moyenne) pour ce qui est de la différence de revenu intra-couple.

0

5

10

15

20

25

30

35

Revenu (écart) faible motivant lerecours

Revenu moyen motivant le recours Revenu élevé (écart) motivant lerecours

Graphie 3.X : nombre de répondants exprimant un lien entre un critère de revenu et le recours à la table de référence

Revenu débiteur Revenu créancier Ecart de revenu entre les parents

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un lien entre recours à la table de référence et revenu du parent débiteur (51% versus 42% en moyenne), et ce à l’opposé des magistrats ayant une longue ancienneté (34% versus 42% en moyenne), mais ces différences sont nettement moins prononcées pour les deux autres critères de revenus ;

- les magistrats de l’échantillon qui sont plutôt opposé au recours à un simulateur automatisé déclarent proportionnellement plus souvent que les autres magistrats que leur recours au barème est justifié par des situations spécifiques d’écart de revenus intra-couple (28% versus 21% en moyenne) ou de revenu du parent débiteur (50% versus 42% en moyenne) ;

- enfin, on observe de petites différences selon l’ancienneté dans les affaires familiales au regard du critère d’écart de revenu intra-couple, ce critère étant rejeté comme justificatif du recours à la table de référence proportionnellement un peu plus souvent lorsque l’ancienneté est longue (86% versus 79% en moyenne) et un peu moins souvent lorsque le magistrat de l’échantillon n’a pas exercé dans ce champ avant que le barème indicatif n’existe (74% versus 79% en moyenne).

c) Le Droit de Visite de d‘Hébergement (DVH)

Environ un magistrat sur deux (47%) répondant déclare que la nature du DVH peut constituer une justification à son recours à la table de référence. Cette proportion est un peu supérieure lorsque les magistrats de l’échantillon ont une faible ancienneté dans la magistrature (62%), et s’ils n’ont jamais été aux affaires familiales lorsque le barème indicatif n’existait pas (57%). Le fait de ne pas connaître la notice explicative du barème est également associé à un taux plus élevé qu’en moyenne (56%).

A l’inverse, les magistrats de l’échantillon qui ont une longue ancienneté (dans la magistrature ou dans les affaires familiales), comme ceux qui ne sont pas favorables à l’usage d’un simulateur de barème, sont proportionnellement moins nombreux (respectivement 17%, 34%, 39% versus 47% en moyenne) à indiquer un lien entre leur recours à la table de référence et tel ou tel critère de DVH232.

Quant à la question des modalités de DVH qui justifieraient plus le recours à la table de référence, on peut souligner que le DVH « en alternance » ne constituerait pas une motivation importante du recours, puisque cette modalité n’est retenue que dans 14 avis233, alors que le DVH « réduit » fait l’objet de 39 citations et que le DVH « classique » est implicitement234 retenu dans 44 avis.

232

On observe d’autres différences selon certaines caractéristiques (exercer en cours d’appel, être hostile aux barèmes, être favorable à un barème avec valeur de présomption ou un barème impératif), mais les effectifs très réduits (< 30) de ces sous-catégories n’autorisent pas un commentaire statistiquement fondé. 233

« Je recours plus facilement à la table de référence lorsqu’il s’agit d’un hébergement « alterné » que lorsqu’il s’agit d’un hébergement « classique ». Les enquêtés peuvent choisir au plus deux modalités de réponse ; ainsi, au total, bien qu’il n’y ait que 65 répondants concernés, le nombre d’avis total est égal à 97. 234

Implicitement car les réponses indiquant un lien entre le recours à la table de référence et le DVH « classique » sont formulées, dans le questionnaire, ainsi : « Je recours moins facilement à la table de référence lorsqu’il s’agit d’un hébergement « alterné » / « réduit » que lorsqu’il s’agit d’un hébergement « classique » ».

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Tableau 3.82 : opinion des magistrats quant au fait que le recours à la table de référence serait ou non dépendant de telle modalité d’affaire

Propositions proches Propositions originales Propositions précises Droit Visite Hébergement

Ense

mb

le

Dépendant Indépendant Dépendant Indépendant Dépendant Indépendant Dépendant Indépendant

Tribunaux de Grande Instance 49% 38% 39% 48% 28% 59% 45% 42% 87% Cours d’Appel 6% 7% 2% 11% 3% 10% 3% 10% 13%

Temps plein 40% 37% 29% 48% 24% 54% 37% 41% 78% Temps partiel / Occasionnel 15% 8% 13% 10% 8% 15% 10% 12% 22%

Femme 44% 35% 32% 47% 21% 59% 37% 42% 79% Homme 10% 11% 8% 13% 10% 11% 11% 11% 21%

Ancienneté magistrature courte 20% 20% 20% 21% 15% 26% 25% 15% 40% Ancienneté magistrature moyenne 23% 10% 13% 20% 9% 24% 18% 15% 34% Ancienneté magistrature longue 12% 15% 9% 17% 7% 19% 4% 21% 26%

Pas aux affaires familiales avant 2010 24% 17% 19% 22% 14% 27% 23% 18% 40% Ancienneté affaires familiales moyenne 18% 15% 13% 20% 9% 23% 15% 18% 34% Ancienneté affaires familiales longue 14% 12% 10% 16% 8% 18% 9% 17% 26%

Hostile aux barèmes 4% 4% 4% 4% 1% 7% 4% 3% 8% Non hostile aux barèmes 50% 42% 36% 56% 30% 62% 43% 50% 92%

Pour table indicative 50% 40% 38% 51% 28% 62% 44% 46% 90% Pour table valeur présomption/impérative 4% 6% 2% 8% 2% 8% 3% 7% 10%

Favorable au simulateur 42% 26% 27% 42% 21% 46% 35% 33% 68% Défavorable au simulateur 14% 18% 15% 16% 10% 23% 13% 20% 32%

Intensité d’usage positive 28% 27% 24% 30% 20% 35% 26% 29% 55% Intensité d’usage nulle 28% 18% 17% 29% 11% 34% 22% 23% 45%

Opinion positive à l’égard de la table 45% 38% 36% 47% 26% 57% 40% 43% 83% Opinion neutre/négative (table) 10% 7% 6% 11% 4% 12% 7% 10% 17%

Ne connais pas la notice explicative 38% 24% 27% 34% 20% 42% 35% 28% 63% Opinion positive sur la notice 9% 11% 9% 11% 7% 12% 4% 15% 19% Opinion mitigée sur la notice 5% 7% 1% 10% 1% 10% 5% 7% 12% Opinion très critique sur la notice 4% 3% 3% 4% 3% 4% 3% 4% 6%

Ensemble (%) 55% 45% 41% 59% 31% 69% 47% 53% 100% Effectifs 76 62 56 80 43 95 65 72 141

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297

d) Les propositions des parties

Les magistrats de l’échantillon pensent-ils que leur recours à la table de référence est, au moins en partie, justifié par les modalités de l’offre et de la demande de CEEE exprimées par les parties ? Pour étudier cette question, nous avons décliné la question selon trois caractéristiques des propositions : le fait que les propositions des parties soient proches ou au contraire éloignées, le fait que les montants proposés soient assez standards ou au contraire très peu communs et, enfin, le fait que les propositions soient exprimées très explicitement ou au contraire de manière peu précise. Les magistrats qui ont répondu à ces trois questions ne déclarent pas massivement que leurs recours à la table de référence dépend de ces caractéristiques de propositions, en effet les avis sont assez partagés et penchent plutôt pour l’absence de lien entre recours et caractéristiques d’offre et de demande : 55% des répondants disent en effet que leurs recours à la table de référence est justifié par la proximité des propositions, 41% par l’originalité des propositions et 31% par la précision des propositions.

Lorsqu’ils expriment un tel lien entre recours et caractéristiques des propositions, les avis sont assez homogènes : 91% déclarent recourir plus facilement à la table de référence lorsque les propositions sont éloignées que lorsqu’elles sont proches ; 73% déclarent recourir plus facilement à la table de référence lorsque les propositions sont peu communes que lorsqu’elles sont standard ; 91% déclarent recourir plus facilement à la table de référence lorsque les propositions sont peu explicites que lorsqu’elles sont exprimées avec précision.

La structure des avis (entre ceux qui expriment un lien entre caractéristiques et recours et ceux qui réfutent ce lien) varie assez peu selon les sous-groupes de magistrats235 du point de vue de la précision des propositions. On observe simplement que les hommes expriment proportionnellement plus souvent que les femmes ce lien (47% versus 31% en moyenne). De façon moins prononcée, les magistrats de l’échantillon ayant une courte expérience dans la magistrature, comme ceux qui déclarent par ailleurs une intensité d’usage du barème positive (cf. définition à l’encadré 3.B supra), expriment également plus souvent ce lien (respectivement 38% et 37% versus 31% en moyenne).

Au regard du critère d’originalité des propositions, les différences par sous-groupes de magistrats les plus significatives sont les suivantes :

- à nouveau, on observe une corrélation avec l’ancienneté dans la magistrature (les plus anciens magistrats de l’échantillon déclarent moins souvent un lien de dépendance entre recours et originalité des propositions – 34% versus 41% en moyenne – à l’opposé des plus jeunes magistrats – 50% versus 41% en moyenne) ;

- les magistrats de l’échantillon qui travaillent à temps partiel aux affaires familiales répondent proportionnellement plus souvent que l’originalité des propositions constitue une justification pour leur recours au barème (56% versus 41% en moyenne) ;

- les magistrats de l’échantillon qui sont défavorables à l’usage d’un simulateur de barème déclarent proportionnellement un peu moins souvent que leur recours à la

235

Seuls les résultats relatifs aux sous-groupes constitués d’au moins 30 répondants sont commentés.

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table de référence n’est pas en lien avec le caractère original des propositions (51% versus 59% en moyenne).

Les différences d’opinion selon les sous-groupes de magistrats sont plus fréquentes lorsque l’on étudie le caractère de proximité des propositions. En effet, les magistrats répondants à cette question expriment proportionnellement nettement plus souvent un lien entre recours et proximité des propositions dans les sous-groupes suivants : en activité à temps partiel aux affaires familiales (65% versus 55% en moyenne), avec une ancienneté moyenne dans la magistrature (67% versus 55% en moyenne), favorable à l’usage du simulateur de barème, déclarant une intensité d’usage du barème nulle et ne connaissant pas l’existence de la notice explicative (dans les trois cas, 61% versus 55% en moyenne). Et à l’inverse, l’absence de lien entre recours et proximité des propositions est exprimée proportionnellement assez nettement plus souvent dans les sous-groupes suivants : magistrats hommes (54% versus 45% en moyenne), ancienneté longue dans magistrature (56% versus 45% en moyenne), défavorable à l’usage d’un simulateur (57% versus 45% en moyenne).

Pour compléter cette analyse relative aux propositions des parties, nous présentons les résultats obtenus à la question n°11 qui tente d’identifier les comportements les plus fréquents des magistrats de l’échantillon lorsqu’ils sont confrontés à des propositions des parties relativement faibles puisque inférieures à ce que préconise la table de référence. Cette question nous permet donc de revenir de manière plus qualitative sur les analyses que nous avons menées sous le vocable de l’analyse de la règle de procédure « ultra/infra petita ». En séparant en deux sous-questions les situations selon que les parties se sont ou non mises d’accord, l’objectif de l’interrogation est de mesurer, à l’aide d’une échelle de fréquence (allant de « toujours » à « jamais »), les comportements les plus fréquents.

Lorsque les parties se sont mises d’accord, les répondants sont invités à se positionner selon trois comportements possibles : 1) homologuer l’accord tel quel, 2) inciter à modifier l’accord ou à le justifier, mais l’homologuer même en cas de refus de modification ou de justification pertinente, 3) inciter à modifier l’accord ou à le justifier, et ne pas l’homologuer en cas de refus de modification ou en cas de justification peu pertinente. Dans un certain nombre de cas, les enquêtés n’ont pas compris que les trois options étaient alternatives et donc parfois les réponses apportées aux trois options ne sont pas cohérentes entre elles236. Dans la plupart des cas, il a été possible de corriger ces incohérences sans modifier le sens des réponses, et dans quelques rares cas, nous avons préféré écarter les réponses de l’analyse car leur combinaison était trop ambigüe. Les résultats reposent in fine sur 127 répondants. Le graphique 3.Y. ci-dessous synthétise les réponses apportées par les magistrats de l’échantillon (en cas d’accord entre les parties).

236

Par exemple, si l’on répond que l’on homologue toujours directement, nécessairement il convient de répondre jamais aux deux autres options, or parfois on observe par exemple deux réponses « rarement » associées à une réponse « toujours ».

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Source : enquête qualitative auprès des magistrats quant à l’usage de la table de référence indicative relative à la fixation de la CEEE.

On observe tout d’abord que les avis très tranchés (toujours la même option) sont minoritaires : seulement trois magistrats déclarent ne systématiquement pas homologuer l’accord si l’incitation au changement ou à la justification n’a pas porté ses fruits, dix magistrats déclarent que systématiquement ils tentent d’inciter à la modification ou à la justification mais que, qu’elle que soit l’issue de l’incitation, ils homologuent et, enfin, 23 magistrats déclarent toujours homologuer l’accord directement ; au total ces avis tranchés ne concernent donc que 28% des répondants. Dans les autres cas les magistrats de l’échantillon adoptent l’une ou l’autre des options selon les circonstances. Ensuite, on observe que l’option selon laquelle l’accord peut être rejeté (non homologué) est très rarement choisie : outre les trois cas de non-homologation systématique déjà évoqués, dans seulement quatre cas les magistrats déclarent que toutes les options sont possibles mais que celle relative à la non-homologation est fréquente (plus d’un cas sur deux), sinon cette option de non-homologation n’est évoquée que comme une option rare (50 réponses) ou totalement exclue (70 réponses). A l’inverse, les deux autres options sont plus plébiscitées : les magistrats de l’échantillon déclarent homologuer directement systématiquement ou souvent dans 48 cas (38%) et déclarent homologuer après incitation systématiquement ou souvent dans 62 cas (49%)237.

Lorsque les parties ne se sont pas mises d’accord, les enquêtés sont invités à choisir entre deux options (selon la même échelle de fréquence allant de « jamais » à « toujours ») : 1) ne pas modifier le montant de CEEE proposé, 2) fixer un montant de CEEE supérieur à celui proposé. L’analyse porte sur 121 réponses cohérentes. Dans une très large majorité des cas (83%), les magistrats de l’échantillon déclarent s’en tenir systématiquement à la demande et dans quelques cas supplémentaires (8%) ils déclarent s’en tenir souvent (plus d’un cas sur deux) à la demande. Ce n’est que dans 3% des cas (4 réponses) que les magistrats déclarent que dans plus d’un cas sur deux ils fixent un montant de CEEE supérieur à la demande238.

237

Les situations de non-homologation après incitation concernent 6% des réponses et les 7% restant correspondent à des réponses où les magistrats déclarent que les trois options sont possibles sans que l’une des trois soit prépondérante. 238

Dans 6% des cas (7 magistrats) les réponses sont moins tranchées puisque les magistrats disent opter rarement pour l’une comme pour l’autre des deux options, mais de ce fait ces réponses sont ambigües car elles n’indiquent pas quel est le comportement fréquent (il est peu probable que ce soit de baisser le montant de le CEEE, une option si peu cohérente qu’elle n’a pas été envisagée dans la formulation de la question).

0

5

10

15

20

25

30

35

40

Toujourshomologation

directe

Toujourshomologation

après incitation

Homologationdirecte ou aprèsincitation, mais

jamais rejet

Toutes lesoptions sont

possibles, maisplutôt

homologationdirecte

Toutes lesoptions sont

possibles, maisplutôt

homologationaprès incitation

Toutes lesoptions sont

possibles

Toutes lesoptions sont

possibles, maisplutôt rejet

après incitation

Toujours rejetaprès incitation

Graphique 3. Y : ce que font les magistrats lorsque la proposition des parties, qui se sont mises d'accord, est inférieure à ce que préconise le barème

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Au total, ces réponses qualitatives corroborent les résultats statistiques présentés supra qui montraient, à partir d’un échantillon de décisions de justice, qu’il était très rare (mais pas totalement exclu) qu’un juge fixe un montant de CEEE en dehors de l’intervalle des propositions. A l’inverse, ce résultat qualitatif illustre que le comportement des auditeurs de l’ENM lors de l’expérimentation a été spécifique, puisque c’est dans une proportion nettement plus élevée que ces derniers ont statué ultra petita.

Après avoir analysé les réponses apportées par les magistrats aux interrogations dont l’objectif était de tenter d’apprécier dans quelle mesure le recours à la table de référence pouvait être dépendant de telle ou telle modalité des affaires (taille de la fratrie, type de DVH, revenus des parents et propositions des parties), nous terminons ce paragraphe en nous posant la question inverse : si elles existent, quelles sont les caractéristiques des affaires qui justifient que le juge ne recoure pas à la table de référence ? L’encadré 3.D ci-dessous résume les réponses apportées par les magistrats de l’échantillon à cette interrogation qui, dans l’enquête, a été posée sous la forme d’une question ouverte.

Encadré 3.D : analyse de la question ouverte n°8 « Y a-t-il des circonstances qui assez systématiquement vous amène à ne pas consulter la table de référence du ministère de la Justice, si oui lesquelles ? »

Cinquante-neuf enquêtés (sur 161) ont répondu à cette question ouverte facultative239. Dans 13 cas les magistrats répondent explicitement par la négative. Pour les 43 autres réponses, on observe massivement trois thématiques citées comme étant des circonstances où assez systématiquement ils ne recourent pas à la table de référence.

1) Les situations où il y a accord entre les parties (citées dans 20 cas).

La thématique est parfois évoquée avec des nuances : si l’accord est satisfaisant ; si c’est équitable ; si l’accord porte également sur le DVH ; surtout si l’accord est issu d’une médiation familiale ; accord ou quasi-accord (propositions très proches).

2) Les situations d’impécuniosité du parent débiteur (citées dans 10 cas).

La thématique est parfois évoquée avec des précisions : le débiteur à des faibles revenus au regard des charges ; lorsque c’est en lien avec une procédure engagée avec la CAF à propos de l’Allocation de Soutien Familial ; quand l’impécuniosité est manifeste ; lorsque le revenu est inférieur au SMIC.

3) Les situations de DVH en alternance (citées dans 9 cas).

Thématique évoquée parfois avec des précisions : lorsque la situation amène à une CEEE nulle ; lorsque les revenus des parents sont proches et qu’un partage des frais est explicité.

4) Les autres circonstances évoquées plus d’une fois sont les suivantes :

- charges exceptionnelles, trajets coûteux ou cas particulier (4 citations) ; - le débiteur a de très hauts revenus (4 citations).

5) Les autres thématiques ne sont citées qu’une seule fois, quatre relèvent des revenus, une des charges, trois de la situation des enfants et trois des propositions.

- Le créancier a de hauts revenus et la proposition du débiteur est suffisante. - Le parent créancier a un revenu supérieur à celui du parent débiteur. - Les revenus déclarés sont douteux.

239

Quelques propos ne répondent pas à la question posée, mais relèvent d’opinions plus générales sur les barèmes, ils ont été repris avec l’analyse de la question ouverte n°31 présentée supra §B-3).

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- Il s’agit de revenus non-salariaux. - L’un des parents est dans une situation financière particulière. - Il y a des charges de logement importantes et justifiées. - Il y a plusieurs enfants et ils n’ont pas le même DVH. - Il s’agit d’une fratrie recomposée. - L’enfant est étudiant. - Le débiteur verse régulièrement la pension alimentaire, le montant est accepté par le

créancier et il n’y a pas de « complément familial » en cause. - Une des propositions parait naturellement en adéquation avec la situation. - Le parent débiteur ne comparait pas et la demande est raisonnable.

Si l’on s’en tient aux trois thématiques les plus fréquemment évoquées, on peut souligner que, volontairement, elles n’ont pas été abordées dans notre analyse (en particulier dans les cas types expérimentaux), parce que justement nous étions conscients qu’il s’agissait de situations très particulières. Le recours à la table de référence est d’un intérêt moindre en cas d’accord (si ce n’est pour vérifier que l’accord ne se fasse pas au dépend de l’enfant) ; la table de référence ne traite pas explicitement les situations de très bas revenus du parent débiteur puisque la table commence avec un revenu de 700 euros et la notice explicative invite le juge à décider au cas par cas dans ce type de situation (même si la formule de calcul, et non la table elle-même, permet de donner un ordre de grandeur) ; la table de référence propose certes des montants en cas de DVH « en alternance », mais dans ce cas il est important de se reporter à la notice explicative car ce type de situation doit être traité avec des nuances. Par ailleurs, cette partie de la table de référence est assez mal comprise, c’est pourquoi dans la proposition de révision de la table en 2018, les concepteurs ont proposé un nouveau modèle de calcul de la CEEE et cas d’alternance.

CONCLUSION DE LA SOUS-PARTIE 3.3

Cette troisième sous-partie vient clore la partie 3 de ce rapport en recourant à une nouvelle source : une enquête qualitative auprès des magistrats en charge des affaires familiales dans les cours d’appel et les tribunaux de grande instance de France. Cette sous-partie a donc apporté une vision complémentaire aux deux approches précédentes qui étaient strictement quantitatives. En restant centrés sur notre question de recherche, à savoir tenter de montrer dans quelle mesure la table de référence du ministère de la Justice en matière de fixation de la CEEE a contribué à homogénéiser les décisions de justice, nous avons cherché à l’aide de cette enquête de valider qualitativement certaines de nos hypothèses, voire de donner du crédit à certaines de nos conclusions quantitatives. Certes l’enquête n’a rassemblé que 161 réponses et l’échantillon des répondants n’est probablement pas parfaitement représentatif de la population des magistrats en charge des affaires familiales. Pour autant, les réponses collectées permettent, selon nous, d’accroître la légitimité de nos analyses statistiques. Trois interrogations principales ont été traitées à partir de cette enquête.

La première interrogation avait pour objectif de valider l’idée selon laquelle les magistrats et les parties ont effectivement eu recours à la table de référence de fixation de la CEEE. On comprend aisément que cette interrogation est essentielle dans la mesure où toutes nos analyses statistiques postulaient qu’il en était ainsi.

Concernant les magistrats, la réponse à cette interrogation est assurément positive puisque neuf magistrats sur dix de l’échantillon ont déclaré avoir eu recours à la table de référence au cours de l’année précédant l’enquête. Plus encore, sept magistrats sur dix ont

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déclaré avoir eu recours à la table de référence systématiquement ou très souvent (dans plus d’une affaire sur deux). Dans la majorité des cas, ils y ont recours une fois au cours de la procédure et le plus souvent au moment de la rédaction de la décision.

Concernant les parties, selon l’opinion des magistrats, le recours à la table de référence par les parties serait moindre que le recours des magistrats eux-mêmes : lorsque les parties se sont mises d’accord, seulement 40% des magistrats disent que les parties ont évoqué/utilisé la table de référence ; lorsque les parties ne se sont pas mise d’accord, le taux serait de 53%. On ne peut donc pas conclure aussi clairement que pour les magistrats que notre a priori, qui postulait que les parties avaient eu recours à la table de référence, est validé par l’enquête. Ce constat qualitatif permet alors de mieux comprendre pourquoi dans nos analyses économétriques portant sur les écarts entre la valeur simulée du barème et l’offre ou la demande, nos résultats étaient peu satisfaisants, au sens où la qualité des régressions était médiocre. Nous n’avons en effet pas su expliquer correctement ces écarts sans doute parce qu’un nombre non négligeable de couples (de l’ordre de un sur deux si l’on se fie à l’opinion des magistrats quant au recours au barème par les parties) n’ont pas eu recours à la table de référence, même si l’on peut penser que ce taux de recours des parties, fondé sur l’opinion des magistrats, constitue une estimation basse dans la mesure où les parties ne sont pas obligées de dire au magistrats qu’ils ont consulté la table de référence.

La deuxième interrogation a consisté à sonder l’opinion des magistrats quant aux effets de la table de référence, dans la mesure où notre question de recherche était d’identifier principalement un de ces effets : la réduction de l’hétérogénéité des décisions. Cette deuxième interrogation est donc tout aussi essentielle que la première puisqu’elle cherche à valider la pertinence de notre question de recherche. Pour autant, nous n’avons pas abordé la question de l’hétérogénéité frontalement, ce qui constitue sans doute, avec le recul, un manquement dommageable à notre recherche. Cependant, quatre thématiques de l’enquête ont permis de discuter de la pertinence de l’idée selon laquelle la table de référence aurait produit des effets.

Premièrement, les magistrats, par leurs réponses, valident le fait que la table de référence produit un effet sur le montant de CEEE : sept magistrats sur dix disent en effet que, lorsqu’il y a recours à la table de référence (du fait du magistrat ou du fait des parties), le montant arrêté in fine est soit égal au montant suggéré par la table de référence, soit un montant proche de ce dernier.

Deuxièmement, en revanche, lorsqu’ils répondent à la question (nous avons montré que dans une proportion importante les magistrats ne se sont pas prononcés clairement sur le sujet), seulement un magistrat sur deux déclare que la table de référence a modifié le comportement des parties (et lorsque c’est le cas, huit magistrats sur dix disent qu’il s’agit d’un changement positif : plus d’accords, des discussions plus faciles…). De ce point de vue, notre hypothèse selon laquelle la table de référence aurait une incidence sur le comportement des parties est nettement moins validée que du point de vue de l’incidence sur le montant de CEEE décidé par les magistrats.

Troisièmement, du point de vue de l’incidence qu’a pu avoir la table de référence sur les pratiques des magistrats, là encore pour ceux qui se sont prononcés clairement, seulement trois magistrats sur cinq déclarent explicitement au moins un changement dans leur pratique dû à la table de référence, ce qui constitue une proportion certes majoritaire mais néanmoins loin d’être massive ; la validation de notre hypothèse n’est donc à nouveau

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que très partielle. Rappelons que la répartition des changements déclarés est la suivante : changement dans l’activité propre du magistrat (45%), changement dans la relation avec les parties (33%), gain de temps (22%).

Enfin, quatrièmement, lorsque l’on analyse la question ouverte qui donnait la parole aux enquêtés en fin de questionnaire, spontanément les magistrats évoquent de nombreux effets attribuables à la table de référence : facilitateur dans la négociation (ou l’inverse), bonne base de discussion, outil d’information pour les parties démunies d’expérience en la matière, facilitateur d’accords, outil de transparence et de prévisibilité, garantie d’un minimum pour l’enfant, gain de temps pour le magistrat (ou l’inverse), aide aux avocats, source d’injustice car l’outil est trop simple, harmonisation des décisions. Comme on le voit à la lecture de cette liste de commentaires spontanés, faire l’hypothèse que la table de référence aurait produit des effets (et notamment un effet d’harmonisation : notre question de recherche) ne serait pas, selon l’opinion des magistrats, une simple construction de l’esprit, mais bien une réalité vécue par les magistrats.

La troisième interrogation a consisté à rechercher une validation qualitative indirecte de nos résultats quantitatifs portant sur l’identification de critères associés à la variation de l’hétérogénéité des décisions de CEEE. En effet, tout au long des sous-parties 3.1. et 3.2., nous avons tenté, non sans difficulté et pour aboutir à des conclusions très mitigées, de découvrir s’il existait des types d’affaires où l’impact de la table de référence, évalué en termes de différence (« avec versus sans barème ») d’hétérogénéité, était plus prononcé. L’enquête qualitative a donc également cherché à identifier indirectement ces types d’affaires ou critères. La validation mise en œuvre est indirecte dans la mesure où nous n’avons pas posé directement la question en termes de différence d’hétérogénéité, car nous avons pensé que les magistrats n’ont sans doute pas une connaissance précise du degré d’homogénéité des décisions selon les types d’affaires. La question d’opinion qui a donc été posée porte sur la justification de recourir à la table de référence selon tel ou tel critère. La faiblesse, assumée, de notre démonstration tient donc à l’hypothèse impliquée par cette interrogation indirecte selon laquelle, si les magistrats déclarent que le recours à la table de référence est plus justifié pour tel critère que pour tel autre, alors on peut penser que l’effet sur l’hétérogénéité des décisions devrait être plus substantiel dans les affaires caractérisées par le premier critère que dans celles caractérisées par le second ; une supposition déductive que cependant nous ne démontrons pas.

Les réponses apportées par les magistrats de l’échantillon corroborent assez bien nos résultats quantitatifs mitigés. En effet, comme nous allons le résumer, c’est généralement dans des proportions assez faibles (ou du moins minoritaires) que les magistrats déclarent que leur recours à la table de référence est justifié par tel critère particulier. En cas d’accord des parties, ce n’est que dans 15% des cas environ que les magistrats déclarent que leur recours à la table de référence est justifié par des propositions spécifiques de CEEE (très basses, très élevées) de la part des parties. Plus généralement, majoritairement les magistrats de l’échantillon déclarent que leurs recours à la table de référence est indépendant de différents critères : indépendant de l’ampleur de l’écart des revenus au sein du couple (79%), indépendant de la taille de la fratrie (78%), indépendant du niveau de revenu du créancier (77%), indépendant du niveau de précision des propositions (69%), indépendant du niveau de revenu du débiteur (58%), indépendant du type de DVH (53%), indépendant du fait que les propositions sont standards ou au contraire très inattendues (59%). Un seul critère est évoqué tout juste majoritairement (55%) comme constituant un

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facteur de justification de leur recours à la table de référence : le fait que les propositions soient proches ou au contraire très éloignées. Si l’on se fie à ces opinions de magistrats, il n’est donc pas totalement étonnant que nous ayons eu beaucoup de difficultés à identifier quantitativement des critères permettant de dire sans ambiguïté (par accumulation de résultats concordants issus des différentes méthodologies mises en œuvre) que la table de référence a eu un impact sur l’hétérogénéité des décisions surtout pour tel type d’affaire et moins, ou pas du tout, pour tel autre type d’affaire.

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CONCLUSION DE LA PARTIE 3

Au terme de cette partie 3 et de ses plus de 200 pages d’analyses fouillées, le lecteur peut légitimement espérer découvrir dans cette conclusion quelques idées fortes permettant d’apporter une réponse, au moins temporaire et partielle, à la question de recherche qui a été traitée dans ce chapitre. L’affaire n’est cependant pas aisée et comporte un fort risque de répétition. Elle n’est pas aisée car la posture méthodologique qui a été la nôtre, et qui a consisté à soumettre notre hypothèse de recherche à l’examen de multiples méthodologies alternatives, a produit du « bruit ». Il aurait été en effet sans doute plus facile de conclure en synthétisant les résultats si nous avions emprunté une seule approche ; ici, au contraire, nous sommes face à certes quelques convergences mais à également nombre de divergences de résultats. Elle comporte un risque de redondance avec les conclusions intermédiaires que nous avons développées de façon détaillée à l’issue des trois sous-parties de cette partie 3. C’est en effet dans ces conclusions de sous-parties que le lecteur trouvera la quintessence de notre recherche. Pour autant, nous tentons ci-dessous de tirer une conclusion générale de notre recherche en replaçant nos résultats dans le contexte du projet de recherche que nous avions soumis il y a deux ans dans le cadre de l’appel à projets de la Mission de recherche Droit et Justice pour, d’une part, relater ce qui nous a surpris et, d’autre part, souligner les principales limites de notre entreprise.

Lorsque nous avons soumis ce projet de recherche, nous étions conscient que la tâche serait soutenue, puisque nous promettions de mobiliser pas moins de six sources d’informations, dont certaines à créer : un protocole expérimental à concevoir et à mettre en œuvre, une enquête qualitative en ligne à concevoir et à mettre en œuvre, la conception et la saisie d’une base de données de 2 000 décisions de cours d’appel, la prise en main de deux bases de données de décisions de justice de TGI mises à notre disposition par le ministère de la Justice et la reprise d’une seconde base de données de décisions de justice de cours d’appel antérieurement créée par nos soins. Le challenge a été relevé et les six sources ont été mobilisées dans nos analyses. Pour autant, nous avions sous-estimé l’ampleur du chantier, certaines opérations s’étant révélée extrêmement chronophages ; on ne peut donc que se réjouir d’avoir tenu la distance, même si au final l’une des sources s’est révélée, après un impressionnant travail de reconstruction de la base, être d’une qualité insuffisante pour mener des analyses poussées dans le temps imparti.

Inversement, sur le fond, la question de recherche que nous proposions de traiter dans ce projet de recherche nous paraissait d’un traitement aisé et sans grande surprise prévisible. En effet, tout (la théorie, nos intuitions, les propos tenus par les praticiens du droit, certaines analyses empiriques…) nous poussait à penser qu’il était évident que nous mesurerions sans difficulté un effet d’homogénéisation des décisions de justice de CEEE dû au recours à la table de de référence. Or, et c’est sans doute le propre de la recherche scientifique, il n’en a rien été : rien n’a été aisé et tout (ou presque) nous a surpris et décontenancé. Tenons-nous en aux faits les plus marquants de notre démarche de recherche pour illustrer cela.

Oui, comme attendu, nous avons effectivement réussi de mettre en lumière le fait que, expérimentalement comme sur la base de décisions de justice, les décisions de justice en matière de CEEE étaient plus homogènes lorsque que les acteurs recouraient à la table de référence (cette affirmation est cependant plus convaincante sur données expérimentales que sur données réelles). Mais la surprise a été de constater également que cela n’était pas

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vrai dans toutes les configurations étudiées : l’effet du barème peut parfois être insignifiant, voire de sens opposé. Ce constat a considérablement modifié notre appréhension de notre question de recherche, ce qui n’était pas prévu dans le projet initial. Il ne s’agissait en effet plus de tenter de comprendre pourquoi l’effet d’homogénéisation était plus ou moins élevé selon les configurations, mais, question plus délicate, de tenter de comprendre pourquoi parfois nous observions un effet contraire à notre hypothèse, à savoir un effet de dégradation de l’homogénéité des décisions.

Notre ambition initiale était également d’identifier des caractéristiques d’affaires (critères) associées à des degrés d’homogénéisation différents avec pour finalité implicite de pouvoir indiquer aux praticiens dans quels cas de figure le recours à la table de référence se justifiait particulièrement dans la perspective d’une harmonisation des décisions de CEEE. Si cet objectif a bien été maintenu, il s’est élargi à l’identification des critères associés à un effet de dégradation de l’homogénéité. Mais le bilan final est mitigé, cet exercice d’identification s’est révélé être extrêmement complexe malgré la mise en œuvre, notamment, d’outils économétriques originaux et sophistiqués. Le bilan est d’autant plus mitigé que le recours à différentes méthodologies et différentes sources n’a pas permis de dégager beaucoup de conclusions indiscutables car concordantes. Nuançons cependant ce jugement en avançant quelques résultats généraux.

Nous avions choisi de limiter l’analyse à quelques critères centraux parce que, pour trois d’entre eux, ils étaient constitutifs de la table de référence : la taille de la fratrie, le type de DVH et le couple de revenus parentaux, auxquels nous avons ajouté le couple de propositions bien entendu. De ce point de vue, nous pouvons avancer la conclusion selon laquelle l’ampleur de l’impact de la table de référence en termes de réduction de l’hétérogénéité ne dépendrait pas de la taille de la fratrie et du type de DVH (pas de concordance de résultats sur ces critères), mais surtout des deux autres critères pris indépendamment ou simultanément. Etre plus précis s’avère plus délicat, car c’est dans le détail que se faufile la discordance entre les différentes approches. Au titre des résultats les moins discordants selon les différentes approches, nous soulignerons tout de même que l’effet d’homogénéisation attribué au recours à la table de référence est assez systématiquement associé aux affaires caractérisées par un couple de propositions (offre et demande) divergentes, par un couple de revenus parentaux inégaux au profit de la mère, par un couple de revenus parentaux proches et moyens ou encore par un couple de propositions consensuelles et faibles. A l’inverse, les affaires caractérisées par une offre nulle ou les affaires caractérisées par un couple de revenus inégaux au profit du père seraient plutôt associées à une dégradation de l’homogénéisation attribuable au recours à la table de référence.

Notre insatisfaction face à cette absence de conclusions tranchées peut tenir à certaines limites de notre démarche. Evoquons-en quelques-unes.

Les deux principales limites que nous avons identifiées dans notre protocole expérimental étaient assez incontournables, il convient cependant de les rappeler. Premièrement, les participants à l’expérimentation n’étaient pas des magistrats, mais des auditeurs de l’ENM. De ce fait, il est probable que certains effets observés sont exagérés. La meilleure illustration de cette supposition est le fait qu’une proportion importante d’auditeurs a statué hors de l’intervalle des propositions des parties, or nous avons montré que ces cas sont extrêmement rares sur données réelles (décisions de justice). Pour autant, même si ce type de comportement était surreprésenté, il nous donné l’occasion

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d’approfondir cette question assez centrale pour comprendre pourquoi nous observions parfois un effet de dégradation de l’homogénéité des décisions attribuable au recours à la table de référence. Deuxièmement, pour des raisons d’organisation, nous avons opté pour une expérimentation à deux sous-groupes d’auditeurs, l’un statuant sans barème et l’autre avec barème. Cette option constitue une limite car elle nous a restreints dans nos exploitations statistiques en nous obligeant à nous cantonner dans des analyses de différences de décisions moyennes de sous-groupe, or il aurait été plus pertinent analytiquement de pouvoir analyser des différences de décisions individuelles, mais cela aurait nécessité que tous les auditeurs statuent successivement sans puis avec barème sur les quarante-huit cas type, ce qui techniquement n’était pas possible.

Les principales limites relatives à nos analyses sur les décisions de justice sont les suivantes. Tout d’abord, nous regrettons que la base de données de décisions de justice de TGI en 2003 ait été de conception si complexe et si mal documentée, car pour l’essentiel les analyses n’ont pu être menées à bien que sur les données de cours d’appel. Ensuite, il faut reconnaître que, malgré nos méthodes de pondération pour tenir compte au mieux des effets de structure, nos résultats demeurent discutables car on ne peut garantir que certains effets de structure ne demeurent actifs ; on peut par exemple regretter de n’avoir pas pensé à corriger de l’éventuel effet de structure lié au type de divorce puisque ce critère a statistiquement fortement évolué au cours du temps. Enfin, notre démarche est également discutable lorsque nous faisons l’hypothèse selon laquelle toute différence, de moyenne ou de variance de montant de CEEE, entre les deux périodes est attribuable à un effet de l’introduction de la table de référence. Mais comment se soustraire à l’effet d’autres facteurs lorsque ces derniers ne sont pas identifiés de manière explicite et évidente ? Les identifier pourrait constituer tout un programme de recherche futur.

Enfin, nous pouvons évoquer une dernière limite plus fondamentale. Il s’agit du choix que nous avons fait de nous focaliser sur quatre critères centraux pour caractériser les affaires. Ces critères sont, comme nous l’avons rappelé supra, centraux parce qu’ils constituent le squelette de la table de référence. Ils sont également centraux parce que, comme l’ont montré nos estimations du barème implicite des magistrats, à eux seuls ils expliquent la quasi-totalité de la variance des décisions de justice en matière de CEEE. On peut donc s’interroger sur la pertinence de notre choix. En effet, si ces critères sont très bien corrélés avec les montants de CEEE, cela signifie qu’ils sont des facteurs importants de l’homogénéité de ces décisions. Dans ce cas, alors pourquoi rechercher un lien de causalité entre justement ces critères, et seulement eux, et le niveau de différence d’homogénéité due au recours à la table de référence ? N’aurait-il pas mieux valu rechercher l’origine de ces différences parmi les critères moins constitutifs et moins centraux ? A ce stade de la réflexion, la question reste posée !

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309

CONCLUSION GENERALE

Dans le cadre de cette conclusion générale, nous proposons de mettre en exergue les points saillants de cette recherche, et, pour ce faire, de prendre un peu de hauteur par rapport aux analyses extrêmement fouillées qui ont été développées dans les quelques 300 pages précédentes (et 150 pages d’annexe). Nous laissons le soin au lecteur de se reporter aux conclusions de chaque partie pour retrouver les résultats détaillés de la recherche et au résumé pour en avoir une présentation synthétique.

La question centrale qui traverse l’ensemble de cette recherche est celle de la capacité d’un barème à répondre à l’objectif d’équité horizontale, c’est-à-dire celui d’un traitement égal par la justice de citoyens placés dans des conditions similaires. Dans la plupart des travaux qui discutent de l’intérêt des barèmes, il est présumé que l’absence d’un tel outil est propice à la disparité des décisions, les juges étant amenés à juger de manière différente des cas similaires. Et les auteurs d’en appeler à la mise en place d’un barème pour favoriser l’homogénéisation des décisions. De fait, l’équité est une conséquence mécanique d’un barème : à caractéristiques identiques, dès lors que celles-ci sont intégrées dans la règle de calcul du barème, le montant, ou la sanction, fixé par le barème est identique. Cela étant, la capacité effective d’un barème à réduire l’hétérogénéité des décisions, une fois qu’il a été mis en circulation et pris en main par les acteurs, reste à tester. Les différentes contributions présentes dans ce rapport mettent en évidence que cette démarche de validation est moins simple qu’il n’y paraît, et ce pour plusieurs raisons. En effet, chercher à savoir si l’introduction d’un barème permet d’homogénéiser les décisions de justice peut impliquer des investigations empiriques relativement lourdes, dès lors que l’on cherche à produire des résultats statistiquement robustes d’une part, et conduit à soulever de nouvelles questions, d’autre part. Revenons sur chacun de ces deux points.

Sur le plan méthodologique, la démarche générale que nous avions retenue dans le projet de recherche consistait à comparer la variance des décisions pré et post barème et à supposer que les éventuelles différences observées pourraient être considérées comme des effets du barème. Pour ce faire, nous avons mobilisé pas moins de sept sources d’informations distinctes, dont plusieurs ont été créées spécifiquement pour cette recherche. Dans le cas du contentieux prud’homal, aucune base disponible ne permettait de répondre à la question posée. Il s’est donc agi de créer ex nihilo une base de données contenant les informations nécessaires (ensemble des chefs de demande, montants demandés et obtenus240) pour documenter l’ampleur de la disparité des décisions pré-barème, le barème des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif n’ayant été finalement adopté qu’en septembre 2017. Ces données concernent les périodes de février 2013, février 2014, février 2015, février 2016 et février 2017241. Cette analyse a permis d’évaluer la disparité des montants obtenus selon quelques critères (section, âge, genre, représentation) et de montrer que le niveau des indemnités fixées est a priori

240

La collecte de l’information sur les montants demandés est intéressante du point de vue de la connaissance dans la mesure où à ce jour on ne dispose pas de statistiques descriptives sur la distribution de ces montants. En outre, on peut présumer que la connaissance des demandes du requérant est essentielle lorsqu’il s’agit d’isoler les différentes sources de disparités entre décisions. En effet, c’est l’un des résultats de nos différents travaux sur les pensions alimentaires que de montrer que les demandes des parties (en l’occurrence débiteur et créancier) participent à expliquer la variance des décisions (à caractéristiques d’affaires contrôlées par ailleurs). 241

Une collecte portant sur les jugements postérieurs à 2017 permettrait de procéder à une comparaison pré/post barème.

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principalement corrélé à la section (notamment la section encadrement par rapport aux autres), l’âge du requérant et la présence d’un avocat (mais pas au genre du requérant). En revanche, et ce parce que l’opération de collecte et de saisie des données a été beaucoup plus longue que prévue (la proportion de décisions dans le champ ayant été nettement plus faible que prévue), l’équipe n’a pas été en mesure de produire, comme prévu initialement, une analyse économétrique de ces disparités, qui aurait permis d’identifier toutes choses égales d’ailleurs l’impact respectif des différentes caractéristiques connues des affaires sur les montants obtenus par les salariés ainsi que la part de la variance non expliquée par ces caractéristiques.

Dans le cas de la CEEE, le barème étant entré en vigueur en 2010, il était possible d’implémenter la totalité de la démarche, et en particulier d’identifier les caractéristiques des affaires pour lesquelles la table de référence favoriserait la réduction de l’hétérogénéité des décisions. Par ailleurs, certaines sources existaient déjà, même si elles n’avaient pas été conçues pour répondre à cette question. Comme annoncé dans le projet, six sources de données ont été mobilisées : les données issues d’une enquête expérimentale menée par nos soins, quatre bases de décisions de justice, dont l’une créée dans le cadre de cette recherche, et une enquête auprès de magistrats, réalisée spécifiquement pour cette recherche. L’enjeu était de mobiliser des sources distinctes et d’implémenter des méthodologies différentes pour pourvoir, par accumulation de résultats concordants, dégager des résultats sans ambiguïtés. Certaines opérations liées notamment à la prise en main des bases de données déjà existantes ont été particulièrement chronophages mais la plupart des investigations prévues ont été menées. En outre, le travail d’identification des critères associés à un effet d’homogénéisation a été particulièrement complexe. Même si, au final, ce travail n’a pas permis de dégager beaucoup de conclusions indiscutables car concordantes, on peut en retenir l’idée que l’effet d’homogénéisation attribué au recours à la table de référence est assez systématiquement associé aux affaires caractérisées par un couple de propositions (i.e une offre et une demande de CEEE) divergentes, par un couple de revenus parentaux inégaux au profit de la mère, par un couple de revenus parentaux proches et de niveau intermédiaire (i.e autour de 1 600 € ) ou encore par un couple de propositions consensuelles et faibles.

Lorsque cette recherche a démarré, le plan de travail était bien balisé, la feuille de route bien tracée. Pour autant, et c’est sans doute le propre de la recherche scientifique, la mise en œuvre de ce plan a conduit à un certain nombre de résultats non attendus et à soulever de nouvelles questions, susceptibles de nourrir des investigations ultérieures. Ainsi, dans le cas de la CEEE, nous avons montré que le recours à la table de référence conduisait certes à une plus grande homogénéisation des décisions (cf. supra) mais pas dans toutes les configurations étudiées. Ainsi, nos résultats semblent suggérer que les affaires caractérisées par une offre de CEEE nulle ou celles caractérisées par un couple de revenus inégaux au profit du père étaient plutôt associées à une dégradation de l’homogénéité attribuable au recours à la table de référence. Ce résultat contraire à l’hypothèse centrale que nous avions posée en matière d’homogénéisation des décisions trouve cependant un écho avec les enseignements issus de la revue de la littérature réalisée dans cette même recherche. En effet, certaines études empiriques portant sur le cas américain soulignent que la variabilité des décisions des juges aurait en réalité augmenté avec l’introduction des barèmes. Et cette littérature de souligner que la façon dont les acteurs, et en particulier les juges, réagissent face au barème (comportement de coopération, de résistance, de préservation de leur

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marge de discrétion…) est sans doute majeure dans l’impact des barèmes sur le degré d’homogénéisation des décisions. De ce point de vue, l’enquête expérimentale menée auprès des auditeurs de justice permet d’apporter quelques pistes d’interprétation dans le cas qui nous intéresse. Mettre en circulation un barème peut être interprété comme l’introduction d’une norme supplémentaire dans la prise de décision en matière de fixation de la CEEE, qui vient s’ajouter aux normes de procédure (ultra et infra petita) et aux normes des magistrats. La réaction des auditeurs, même si celle-ci doit être interprétée avec prudence dans la mesure où ils ne sont pas encore magistrats, amène à penser que le barème, parce qu’il participe à multiplier les normes, augmente les risques de conflits entre normes, conflit par rapport auquel les juges se positionneraient différemment. Ce faisant, les barèmes favoriseraient, du moins dans certains cas, une plus forte variabilité des décisions. Pour leur part, les résultats issus de l’enquête auprès des magistrats conduisent à penser que ces derniers utilisent le barème indicatif de CEEE de manière relativement hétérogène, ce qui explique sans doute le fait que nous ayons eu beaucoup de difficulté à identifier quantitativement des critères permettant de dire sans ambiguïté que le barème avait un impact sur l’homogénéisation des décisions pour tel type d’affaires (et pas pour tel autre). Là encore, on peut noter que la capacité d’un barème à réduire la variabilité des décisions dépend de la façon dont il est mobilisé par les juges.

Les travaux menés sur le contentieux prud’homal attirent quant à eux l’attention sur le fait que pour mesurer empiriquement l’impact d’un barème sur la disparité des décisions, il faut être attentif aux possibles « effets rebonds » déclenchés par ce barème. En effet, comme cela a été souligné dans notre revue de littérature à propos des conséquences des barèmes en matière pénale, les acteurs peuvent développer des stratégies de contournement du barème conduisant à réduire le pouvoir homogénéisant du barème. Ainsi, en matière prud’homale, on peut s’attendre à ce que l’introduction du barème de 2017 relatif au licenciement abusif conduise à une inflation des demandes portant sur d’autres indemnités et du nombre des chefs de demande pour compenser de plus faibles dommages et intérêts. Dès lors, la réduction de la disparité des indemnités liées au licenciement abusif aurait pour résultante une augmentation de la disparité des indemnités versées au total au salarié licencié.

Nous voudrions clore cette conclusion en évoquant la question du lien entre barème et justice prédictive. Lorsque l’appel à projet « la barémisation de la justice » a été lancé, début 2016, la question de la justice prédictive occupait encore une place marginale dans les débats. Or force est de constater que, en seulement trois ans, cette question a pris une importance majeure dans le débat public, suite à la conjonction de l’Open Data des décisions de justice, rendue possible par la loi pour une république numérique dite loi Lemaire, promulguée le 7 octobre 2016, et de l’essor des technologies d’analyse de la langue, de fouille de données et d’extraction de connaissances (souvent désignées par l’expression générique de « big data »). Ce contexte conduit à poser la question de la plus-value du barème par rapport à la justice prédictive. En effet, cette dernière pourrait très bien remplir, voire peut être mieux, la fonction instrumentale et managériale généralement assignée au barème. La première de ces fonctions renvoie au fait qu’il s’agit d’assurer une meilleure égalité des citoyens devant la justice et une plus grande prévisibilité des décisions. L’accès à plusieurs millions de décisions passées combiné à une analyse automatisée de cette masse de décisions permettrait en théorie de prédire au mieux les décisions futures. Par ailleurs, on peut imaginer qu’en fournissant aux magistrats des informations sur les pratiques

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antérieures, ce type d’analyse pourrait réduire la variabilité de leurs décisions en mettant en place une forme de « conservatisme numérique ». La seconde fonction, managériale, correspond à l’objectif d’améliorer les rendements (productivité) et les performances (qualité) des services. On voit assez facilement comment la possibilité d’avoir accès en un temps très limité à l’ensemble des décisions passées pertinentes au regard du cas traité permettrait d’améliorer l’efficacité du travail des services judiciaires. Pour autant, la justice prédictive ne peut se substituer à un barème dès lors que celui-ci répond à une fonction politique, c’est-à-dire répondre à un objectif correspondant aux préférences sociales portées par le législateur (ex : détermination du montant de la CEEE sur la base du coût de l’enfant) ou lorsque le barème a pour fonction de proposer une structure de raisonnement économique ou juridique complexe pour déterminer des prix et des valeurs.

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313

ANNEXES

Les annexes sont numérotées en référence à la partie à laquelle elles renvoient. La première partie ne comportant pas d’annexe, la numérotation commence à la lettre 2.A, première annexe associée à la partie 2 de ce rapport.

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Annexe 2.A : schéma 1. Fonctionnement des conseils de prud’hommes avant la loi du 6 août 2015 (Source : DESRIEUX & ESPINOSA (2017))

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Annexe 2.B : schéma 2. Déroulement des litiges (hors référés) après la loi du 6 août 2015

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Annexe 2.C : barème indicatif du décret n°2016-1581

ANCIENNETÉ

(en années complètes)

INDEMNITÉ

(en mois de salaire)

ANCIENNETÉ

(en années complètes)

INDEMNITÉ

(en mois de salaire)

0

1

22

14,5

1

2

23

15

2

3

24

15,5

3

4

25

16

4

5

26

16,5

5

6

27

17

6

6,5

28

17,5

7

7

29

18

8

7,5

30

18,25

9

8

31

18,5

10

8,5

32

18,75

11

9

33

19

12

9,5

34

19,25

13

10

35

19,5

14

10,5

36

19,75

15

11

37

20

16

11,5

38

20,25

17

12

39

20,5

18

12,5

40

20,75

19

13

41

21

20

13,5

42

21,25

21

14

43 et au-delà

21,5

Source : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033472038&categorieLien=id

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321

Annexe 3.A : le document d’expérimentation242

Une étude sur la fixation des montants de

Contribution à l’Entretien et à l’Education de l’enfant (CEEE)

Lorsqu’un couple se sépare, le juge aux affaires familiales (JAF) est amené à régler la question de la résidence des enfants, des droits de visite et d’hébergement, et de l’autorité parentale. Il doit également régler celle de la CEEE (ou pension alimentaire pour enfant). Souvent le JAF doit fixer ce montant parce que les parents ne sont pas d’accord.

Dans le cadre de l’enquête que nous allons vous soumettre, nous vous demandons de vous mettre à la place du JAF et de fixer le montant mensuel de cette pension alimentaire pour tout un ensemble d’affaires et ce, sur la base des quelques informations qui sont généralement portées à la connaissance des juges. Ces informations sont les suivantes : le nombre d’enfants du couple, l’âge des enfants, le droit de visite et d’hébergement, les montants de pension alimentaire qui sont proposés par les parents, les ressources des parents. Par ressources de la mère ou du père, il faut comprendre les revenus individuels hors prestations familiales. Vous devez considérer que tout ce qui n’est pas explicitement décrit dans l’affaire est identique à toutes les affaires. Par ailleurs, les affaires présentées sont toutes différentes, même si une lecture rapide peut laisser penser qu’elles sont similaires.

Pour chaque affaire, vous devez simplement renseigner le montant MENSUEL de pension alimentaire, en euros (sans centimes), PAR ENFANT. Cette dernière précision est importante : s’il s’agit d’une affaire avec deux enfants, c’est bien le montant PAR ENFANT que vous devez indiquer, et non pas la somme des deux pensions alimentaires.

Dans tous les cas il s’agit de divorces. Dans tous les cas, les parents sont d’accord quant au lieu d’hébergement du ou des enfant(s) (identique s’il y a plusieurs enfants) et quant aux modalités de droit de visite et d’hébergement. Dans tous les cas, les parents sont d’accord quant au fait que l’autorité parentale soit partagée. Mais dans tous les cas, les parents ne sont pas d’accord quant au montant de CEEE mensuelle par enfant.

Vous avez 48 affaires à traiter ; attention le document est imprimé RECTO VERSO. Nous vous remercions d’écrire très lisiblement.

A la fin du questionnaire, vous trouverez quelques questions succinctes vous concernant personnellement. Ce questionnaire est anonyme.

Nous vous demandons de ne pas discuter avec vos voisins, de ne pas chercher de l’information extérieure. Vous devez tout simplement prendre votre décision de façon juste, rigoureuse et cohérente, comme vous le feriez si vous étiez juge aux affaires familiales.

242

On trouvera en fin d’annexe la page de garde relative au sous-groupe ayant eu l’opportunité d’utiliser la table de référence, ainsi que l’extrait de table de référence distribué en séance.

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Informations communes aux quatre cas suivants :

Le couple qui divorce a un enfant âgé de 5 ans.

Les parents sont d’accord pour que la résidence de l’enfant soit fixée chez Madame. Ils ont convenu d’un commun accord que Monsieur exercerait son droit de visite et d’hébergement à raison d’un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

Monsieur Madame

Ressources mensuelles déclarées 1900 euros 1000 euros

Cas n° 1 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 100 euros 300 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 2 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne veut pas en verser (propose 0) 150 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 3 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne fait pas de proposition 150 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 4 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 140 euros 200 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

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Informations communes aux quatre cas suivants :

Le couple qui divorce a un enfant âgé de 5 ans.

Les parents sont d’accord pour que la résidence de l’enfant soit fixée chez Madame. Ils ont convenu d’un commun accord que Monsieur exercerait son droit de visite et d’hébergement à raison d’un week-end par mois et deux semaines de vacances scolaires sur l’année.

Monsieur Madame

Ressources mensuelles déclarées 1900 euros 1000 euros

Cas n° 5 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 100 euros 300 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 6 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne veut pas en verser (propose 0) 150 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 7 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne fait pas de proposition 150 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 8 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 140 euros 200 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

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Informations communes aux quatre cas suivants :

Le couple qui divorce a un enfant âgé de 5 ans.

Les parents sont d’accord pour que la résidence de l’enfant soit fixée chez Madame. Ils ont convenu d’un commun accord que Monsieur exercerait son droit de visite et d’hébergement à raison d’un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

Monsieur Madame

Ressources mensuelles déclarées 1100 euros 2500 euros

Cas n° 9 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 100 euros 300 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 10 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne veut pas en verser (propose 0) 150 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 11 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne fait pas de proposition 150 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 12 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 140 euros 200 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

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Informations communes aux quatre cas suivants :

Le couple qui divorce a un enfant âgé de 5 ans.

Les parents sont d’accord pour que la résidence de l’enfant soit fixée chez Madame. Ils ont convenu d’un commun accord que Monsieur exercerait son droit de visite et d’hébergement à raison d’un week-end par mois et deux semaines de vacances scolaires sur l’année.

Monsieur Madame

Ressources mensuelles déclarées 1100 euros 2500 euros

Cas n° 13 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 100 euros 300 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 14 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne veut pas en verser (propose 0) 150 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 15 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne fait pas de proposition 150 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 16 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 140 euros 200 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

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Informations communes aux quatre cas suivants :

Le couple qui divorce a un enfant âgé de 5 ans.

Les parents sont d’accord pour que la résidence de l’enfant soit fixée chez Madame. Ils ont convenu d’un commun accord que Monsieur exercerait son droit de visite et d’hébergement à raison d’un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

Monsieur Madame

Ressources mensuelles déclarées 1600 euros 1500 euros

Cas n° 17 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 100 euros 300 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 18 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne veut pas en verser (propose 0) 150 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 19 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne fait pas de proposition 150 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 20 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 140 euros 200 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

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Informations communes aux quatre cas suivants :

Le couple qui divorce a un enfant âgé de 5 ans.

Les parents sont d’accord pour que la résidence de l’enfant soit fixée chez Madame. Ils ont convenu d’un commun accord que Monsieur exercerait son droit de visite et d’hébergement à raison d’un week-end par mois et deux semaines de vacances scolaires sur l’année.

Monsieur Madame

Ressources mensuelles déclarées 1600 euros 1500 euros

Cas n° 21 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 100 euros 300 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 22 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne veut pas en verser (propose 0) 150 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 23 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne fait pas de proposition 150 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

Cas n° 24 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 140 euros 200 euros

Montant mensuel de pension alimentaire que vous fixez pour l’enfant €

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328

Informations communes aux quatre cas suivants :

Le couple qui divorce a deux enfants âgés de 6 et 10 ans.

Les parents sont d’accord pour que la résidence des enfants soit fixée chez Madame. Ils ont convenu d’un commun accord que Monsieur exercerait son droit de visite et d’hébergement à raison d’un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

Monsieur Madame

Ressources mensuelles déclarées 1900 euros 1000 euros

Cas n° 25 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 100 euros par enfant 300 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 26 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne veut pas en verser (propose 0) 150 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 27 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne fait pas de proposition 150 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 28 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 140 euros par enfant 200 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

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329

Informations communes aux quatre cas suivants :

Le couple qui divorce a deux enfants âgés de 6 et 10 ans.

Les parents sont d’accord pour que la résidence des enfants soit fixée chez Madame. Ils ont convenu d’un commun accord que Monsieur exercerait son droit de visite et d’hébergement à raison d’un week-end par mois et deux semaines de vacances scolaires sur l’année.

Monsieur Madame

Ressources mensuelles déclarées 1900 euros 1000 euros

Cas n° 29 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 100 euros par enfant 300 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 30 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne veut pas en verser (propose 0) 150 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 31 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne fait pas de proposition 150 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 32 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 140 euros par enfant 200 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

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Informations communes aux quatre cas suivants :

Le couple qui divorce a deux enfants âgés de 6 et 10 ans.

Les parents sont d’accord pour que la résidence des enfants soit fixée chez Madame. Ils ont convenu d’un commun accord que Monsieur exercerait son droit de visite et d’hébergement à raison d’un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

Monsieur Madame

Ressources mensuelles déclarées 1100 euros 2500 euros

Cas n° 33 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 100 euros par enfant 300 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 34 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne veut pas en verser (propose 0) 150 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 35 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne fait pas de proposition 150 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 36 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 140 euros par enfant 200 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

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Informations communes aux quatre cas suivants :

Le couple qui divorce a deux enfants âgés de 6 et 10 ans.

Les parents sont d’accord pour que la résidence des enfants soit fixée chez Madame. Ils ont convenu d’un commun accord que Monsieur exercerait son droit de visite et d’hébergement à raison d’un week-end par mois et deux semaines de vacances scolaires sur l’année.

Monsieur Madame

Ressources mensuelles déclarées 1100 euros 2500 euros

Cas n° 37 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 100 euros par enfant 300 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 38 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne veut pas en verser (propose 0) 150 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 39 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne fait pas de proposition 150 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 40 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 140 euros par enfant 200 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

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Informations communes aux quatre cas suivants :

Le couple qui divorce a deux enfants âgés de 6 et 10 ans.

Les parents sont d’accord pour que la résidence des enfants soit fixée chez Madame. Ils ont convenu d’un commun accord que Monsieur exercerait son droit de visite et d’hébergement à raison d’un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

Monsieur Madame

Ressources mensuelles déclarées 1600 euros 1500 euros

Cas n° 41 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 100 euros par enfant 300 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 42 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne veut pas en verser (propose 0) 150 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 43 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne fait pas de proposition 150 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 44 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 140 euros par enfant 200 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

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Informations communes aux quatre cas suivants :

Le couple qui divorce a deux enfants âgés de 6 et 10 ans.

Les parents sont d’accord pour que la résidence des enfants soit fixée chez Madame. Ils ont convenu d’un commun accord que Monsieur exercerait son droit de visite et d’hébergement à raison d’un week-end par mois et deux semaines de vacances scolaires sur l’année.

Monsieur Madame

Ressources mensuelles déclarées 1600 euros 1500 euros

Cas n° 45 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 100 euros par enfant 300 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 46 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne veut pas en verser (propose 0) 150 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 47 :

Monsieur Madame demande

Pension alimentaire mensuelle ne fait pas de proposition 150 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

Cas n° 48 :

Monsieur propose Madame demande

Pension alimentaire mensuelle 140 euros par enfant 200 euros par enfant

Montant mensuel de pension alimentaire par enfant que vous fixez €

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Nous vous demandons à présent de répondre à quelques questions vous concernant, cela ne vous prendra que quelques minutes. Toutes vos réponses sont anonymes et resteront confidentielles.

1. Vous êtes… Un homme Une femme

2. Quel âge avez-vous ? |___________| ans

3. Vivez-vous en couple ? Oui, en couple marié Oui, en union libre

Oui, en couple pacsé Non

4. Avez-vous des enfants (ne pas tenir compte d’éventuels enfants de votre conjoint, dont vous ne seriez pas le responsable légal) ? Oui Non

5. En plus du cursus universitaire « normal » des études de droit (Licence, Master), avez-vous suivi une autre formation universitaire ? Cursus en droit uniquement

Cursus en droit et une autre formation

Pas de cursus standard en droit

6. Avez-vous exercé une profession avant d’entrer à l’Ecole Nationale de la Magistrature (ne pas tenir compte des petits jobs d’étudiant ; si plusieurs professions, indiquez la plus significative selon vous) ? Non

Oui

Si oui, précisez : |______________________________________________________|

7. Dans le cadre d’une activité professionnelle antérieure ou d’un stage, avez-vous déjà été amené(e) à traiter des affaires de divorce ? Oui Non

8. Dans la vie, diriez-vous que vous êtes une personne qui aime plutôt prendre des risques ou qui est plutôt prudente ? Indiquez sur une échelle de 0 à 10 où vous pensez vous situer, 0 représentant une personne qui est extrêmement prudente et 10 représentant une personne qui adore prendre des risques : 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

9. Dans la vie, diriez-vous que la plupart du temps vous tentez d’aider les autres ou bien vous vous souciez uniquement de vos propres intérêts ? Indiquez sur une échelle de 0 à 10 où vous pensez vous situer, 0 représentant une personne qui adore aider les autres et 10 représentant une personne agissant uniquement dans son propre intérêt : 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

10. Dans la vie, pensez-vous qu’il est important de réduire les inégalités ou bien pensez-vous qu’elles soient généralement justifiées ? Indiquez sur une échelle de 0 à 10 où vous pensez vous situer, 0 représentant une personne qui pense que les inégalités sont généralement justifiées et 10 représentant une personne qui pense nécessaire de réduire les inégalités : 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

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335

PAGE DE GARDE POUR LE SOUS-GROUPE AYANT L’OPPORTUNITE D’UTILISER LA TABLE DE REFERENCE

Une étude sur la fixation des montants de

Contribution à l’Entretien et à l’Education de l’enfant (CEEE)

Lorsqu’un couple se sépare, le juge aux affaires familiales (JAF) est amené à régler la question de la résidence des enfants, des droits de visite et d’hébergement, et de l’autorité parentale. Il doit également régler celle de la CEEE (ou pension alimentaire pour enfant). Souvent le JAF doit fixer ce montant parce que les parents ne sont pas d’accord.

Dans le cadre de l’enquête que nous allons vous soumettre, nous vous demandons de vous mettre à la place du JAF et de fixer le montant mensuel de cette pension alimentaire pour tout un ensemble d’affaires et ce, sur la base des quelques informations qui sont généralement portées à la connaissance des juges. Ces informations sont les suivantes : le nombre d’enfants du couple, l’âge des enfants, le droit de visite et d’hébergement, les montants de pension alimentaire qui sont proposés par les parents, les ressources des parents. Par ressources de la mère ou du père, il faut comprendre les revenus individuels hors prestations familiales. Vous devez considérer que tout ce qui n’est pas explicitement décrit dans l’affaire est identique à toutes les affaires. Par ailleurs, les affaires présentées sont toutes différentes, même si une lecture rapide peut laisser penser qu’elles sont similaires.

Pour chaque affaire, vous devez simplement renseigner le montant MENSUEL de pension alimentaire, en euros (sans centimes), PAR ENFANT. Cette dernière précision est importante : s’il s’agit d’une affaire avec deux enfants, c’est bien le montant PAR ENFANT que vous devez indiquer, et non pas la somme des deux pensions alimentaires.

Dans tous les cas il s’agit de divorces. Dans tous les cas, les parents sont d’accord quant au lieu d’hébergement du ou des enfant(s) (identique s’il y a plusieurs enfants) et quant aux modalités de droit de visite et d’hébergement. Dans tous les cas, les parents sont d’accord quant au fait que l’autorité parentale soit partagée. Mais dans tous les cas, les parents ne sont pas d’accord quant au montant de CEEE mensuelle par enfant.

Vous avez à votre disposition un extrait de la table de référence indicative (ou barème) de CEEE mis à la disposition des juges, et du public plus généralement, par le Ministère de la Justice. Comme son nom l’indique explicitement, il s’agit bien d’un outil indicatif. Vous pouvez donc vous en inspirer ou non pour prendre votre décision, tout comme le ferait, ou non, un(e) JAF. La première colonne indique le revenu mensuel du parent débiteur (dans les cas que vous aurez à traiter il s’agit toujours du père) et les suivantes présentent les montants indicatifs de CEEE mensuels PAR ENFANT dans différentes configurations : selon le nombre d’enfants pour lesquels le débiteur doit verser une pension alimentaire et selon la modalité de droit de visite, à savoir classique (une semaine sur deux et la moitié des vacances) ou réduit (moins qu’une semaine sur deux et que la moitié des vacances).

Vous avez 48 affaires à traiter ; attention le document est imprimé RECTO VERSO. Nous vous remercions d’écrire très lisiblement.

A la fin du questionnaire, vous trouverez quelques questions succinctes vous concernant personnellement. Ce questionnaire est anonyme.

Nous vous demandons de ne pas discuter avec vos voisins, de ne pas chercher de l’information extérieure. Vous devez tout simplement prendre votre décision de façon juste, rigoureuse et cohérente, comme vous le feriez si vous étiez juge aux affaires familiales.

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Extrait de la table de référence indicative (barème indicatif) pour fixer les pensions alimentaires (montants mensuels par enfant) du Ministère de la Justice

Revenu mensuel du parent débiteur

Un enfant Deux enfants Trois enfants

Amplitude du droit de visite et d’hébergement

Réduit Classique Réduit Classique Réduit Classique

700€ 41 30 35 26 30 23

800€ 59 44 50 37 43 33

900€ 77 57 66 49 57 43

1 000€ 95 71 81 60 70 53

1 100€ 113 84 97 72 83 63

1 200€ 131 98 112 83 96 73

1 300€ 149 111 128 95 110 83

1 400€ 167 125 143 106 123 93

1 500€ 185 138 159 118 136 103

1 600€ 203 152 174 129 150 113

1 700€ 221 165 190 141 163 123

1 800€ 239 179 205 152 176 133

1 900€ 257 192 221 164 190 143

2 000€ 275 206 236 175 203 153

2 100€ 293 219 252 187 216 163

2 200€ 311 233 267 198 229 173

2 300€ 329 246 283 210 243 183

2 400€ 347 260 298 221 256 193

2 500€ 365 273 314 233 269 203

2 600€ 383 287 329 244 283 213

2 700€ 401 300 345 256 296 223

2 800€ 419 314 360 267 309 233

2 900€ 437 327 376 279 323 243

3 000€ 455 341 391 290 336 253

3 100€ 473 354 407 302 349 263

3 200€ 491 368 422 313 362 273

3 300€ 509 381 438 325 376 283

3 400€ 527 395 453 336 389 293

3 500€ 545 408 469 348 402 303

3 600€ 563 422 484 359 416 313

3 700€ 581 435 500 371 429 323

3 800€ 599 449 515 382 442 333

3 900€ 617 462 531 394 456 343

4 000€ 635 476 546 405 469 353

4 100€ 653 489 562 417 482 363

4 200€ 671 503 577 428 495 373

4 300€ 689 516 593 440 509 383

4 400€ 707 530 608 451 522 393

4 500€ 725 543 624 463 535 403

4 600€ 743 557 639 474 549 413

4 700€ 761 570 655 486 562 423

4 800€ 779 584 670 497 575 433

4 900€ 797 597 686 509 589 443

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Annexe 3.B : ordre d’apparition des questions selon le lot d’expérimentation

Les numéros de cas-types sont indiqués en rouge dans le tableau. Dans les quatre tableaux ci-dessous l’ordre d’apparition des cas-types est toujours le même (mais les numéros de cas-type changent) : d’abord la première colonne à gauche de 4 cases (dans le lot 1, les cas-types 1, 2, 3, 4), puis la colonne de 4 cases adjacente (dans le lot 1, les cas-types 5, 6, 7, 8), puis la seconde colonne à gauche de 4 cases (sans le lot 1, cas-types 9, 10, 11, 12), puis sa colonne adjacente (dans le lot 1 les cas-types 13, 14, 15, 16), en ainsi de suite.

LOT 1

1 enfant âgé de 5 ans 2 enfants âgés de 6 et 10 ans

Revenus Propositions Classique Réduit Classique Réduit

Père : 100 ; Mère : 300 1 5 25 29

Père : 1900 Père : 0 ; Mère : 150 2 6 26 30

Mère : 1000 Père : -9 ; Mère : 150 3 7 27 31

Père : 140 ; Mère : 200 4 8 28 32

Père : 100 ; Mère : 300 9 13 33 37

Père : 1100 Père : 0 ; Mère : 150 10 14 34 38

Mère : 2500 Père : -9 ; Mère : 150 11 15 35 39

Père : 140 ; Mère : 200 12 16 36 40

Père : 100 ; Mère : 300 17 21 41 45

Père : 1600 Père : 0 ; Mère : 150 18 22 42 46

Mère : 1500 Père : -9 ; Mère : 150 19 23 43 47

Père : 140 ; Mère : 200 20 24 44 48

NB. -9 = proposition non explicitée

LOT 2

1 enfant âgé de 5 ans 2 enfants âgés de 6 et 10 ans

Revenus Propositions Classique Réduit Classique Réduit

Père : 100 ; Mère : 300 9 13 33 37

Père : 1100 Père : 0 ; Mère : 150 10 14 34 38

Mère : 2500 Père : -9 ; Mère : 150 11 15 35 39

Père : 140 ; Mère : 200 12 16 36 40

Père : 100 ; Mère : 300 17 21 41 45

Père : 1600 Père : 0 ; Mère : 150 18 22 42 46

Mère : 1500 Père : -9 ; Mère : 150 19 23 43 47

Père : 140 ; Mère : 200 20 24 44 48

Père : 100 ; Mère : 300 1 5 25 29

Père : 1900 Père : 0 ; Mère : 150 2 6 26 30

Mère : 1000 Père : -9 ; Mère : 150 3 7 27 31

Père : 140 ; Mère : 200 4 8 28 32 NB. -9 = proposition non explicitée

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LOT 3

1 enfant âgé de 5 ans 2 enfants âgés de 6 et 10 ans

Revenus Propositions Classique Réduit Classique Réduit

Père : -9 ; Mère : 150 3 7 27 31

Père : 1900 Père : 0 ; Mère : 150 2 6 26 30

Mère : 1000 Père : 100 ; Mère : 300 1 5 25 29

Père : 140 ; Mère : 200 4 8 28 32

Père : -9 ; Mère : 150 11 15 35 39

Père : 1100 Père : 0 ; Mère : 150 10 14 34 38

Mère : 2500 Père : 100 ; Mère : 300 9 13 33 37

Père : 140 ; Mère : 200 12 16 36 40

Père : -9 ; Mère : 150 19 23 43 47

Père : 1600 Père : 0 ; Mère : 150 18 22 42 46

Mère : 1500 Père : 100 ; Mère : 300 17 21 41 45

Père : 140 ; Mère : 200 20 24 44 48

NB. -9 = proposition non explicitée

LOT 4

1 enfant âgé de 5 ans 2 enfants âgés de 6 et 10 ans

Revenus Propositions Classique Réduit Classique Réduit

Père : -9 ; Mère : 150 11 15 35 39

Père : 1100 Père : 0 ; Mère : 150 10 14 34 38

Mère : 2500 Père : 100 ; Mère : 300 9 13 33 37

Père : 140 ; Mère : 200 12 16 36 40

Père : -9 ; Mère : 150 19 23 43 47

Père : 1600 Père : 0 ; Mère : 150 18 22 42 46

Mère : 1500 Père : 100 ; Mère : 300 17 21 41 45

Père : 140 ; Mère : 200 20 24 44 48

Père : -9 ; Mère : 150 3 7 27 31

Père : 1900 Père : 0 ; Mère : 150 2 6 26 30

Mère : 1000 Père : 100 ; Mère : 300 1 5 25 29

Père : 140 ; Mère : 200 4 8 28 32 NB. -9 = proposition non explicitée

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Annexe 3.C : statistiques descriptives détaillées de certaines caractéristiques des auditeurs

Les métiers exercés par les auditeurs avant leur entrée à l’ENM Effectifs

N’a pas exercé de métier avant l’entrée à l’ENM Administration pénitentiaire / Cadre dans l’administration pénitentiaire Administratrice au sein d’une organisation internationale Agent de TRI + enseignant Assistant(e) de Justice Assistante d’éducation en internat Attaché d’administration Attaché territorial Avocat(e) Avocat + Attaché d’administration Banquier / Cadre de banque Cadre administratif Cadre de la fonction publique Cadre secteur privé Chargé d’enseignement à l’université Chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent dans une société de gestion Chef de bureau (Administration centrale) Conseillère en étude nationale Directeur(trice) de greffe Directeur des services pénitentiaires Enseignant(e) Fonctionnaire au ministère de la justice (administration centrale) Fonctionnaire justice Greffier Inspecteur DGCCRF Inspecteur des douanes Inspecteur(trice) des finances publiques Inspecteur des impôts Inspecteur protection des personnes-département Inspectrice du travail Juriste Juriste assurance Juriste dans un cabinet d’avocat d’affaire internationale Juriste en cabinet d’avocats Juriste en entreprise Juriste en organisation/institutions internationale Juriste protection personnes vulnérables Notaire Professeur des écoles + Juriste Profession libérale Recherche et enseignement en droit Responsable communication Responsable de magasin Responsable secteur commercial Régulation financière Trader Éducateur + directeur commerciale Non renseigné

192 2 1 1

13 1 2 1

21 1 2 1 1 1 1 1 1 1 5 1 6 1 2

12 1 1 3 1 1 1 5 1 1 1 1 3 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 8

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340

Les échelles de mesure psychologiques

Dans la vie, diriez-vous que vous êtes une personne qui aime plutôt prendre des risques ou qui est plutôt prudente ? Indiquez sur une échelle de 0 à 10 où vous pensez vous situer, 0 représentant une personne qui est extrêmement prudente et 10 représentant une personne qui adore prendre des risques :

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Pourcentages

Sou

s-gr

ou

pe

« s

ans

bar

ème

» 1 0,6

2 7,5

3 13,8

4 21,9

5 17,5

6 18,8

7 15,0

8 3,8

9 1,3

Total 100,0

Sou

s-gr

ou

pe

« a

vec

bar

èm

e »

1 1,2

2 7,1

3 21,6

4 15,7

5 22,1

6 14,1

7 9,2

8 8,0

9 0,5

10 0,7

Total 100,0

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341

Dans la vie, diriez-vous que la plupart du temps vous tentez d’aider les autres ou bien vous vous souciez uniquement de vos propres intérêts ? Indiquez sur une échelle de 0 à 10 où vous pensez vous situer, 0 représentant une personne qui adore aider les autres et 10 représentant une personne agissant uniquement dans son propre intérêt :

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Pourcentages

Sou

s-gr

ou

pe

« s

ans

bar

ème

»

0 2,5

1 9,4

2 16,2

3 21,9

4 16,3

5 8,8

6 5,6

7 6,3

8 8,8

9 3,1

10 1,3

Total 100,0

Sou

s-gr

ou

pe

« a

vec

bar

èm

e »

0 2,3

1 7,0

2 20,5

3 27,4

4 6,8

5 9,6

6 4,4

7 4,8

8 11,9

9 5,0

10 0,4

Total 100,0

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342

Dans la vie, pensez-vous qu’il est important de réduire les inégalités ou bien pensez-vous qu’elles soient généralement justifiées ? Indiquez sur une échelle de 0 à 10 où vous pensez vous situer, 0 représentant une personne qui pense que les inégalités sont généralement justifiées et 10 représentant une personne qui pense nécessaire de réduire les inégalités :

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Pourcentages

Sou

s-gr

ou

pe

« s

ans

bar

ème

» 1 0,6

3 0,6

4 3,1

5 6,9

6 3,8

7 15,6

8 33,1

9 18,8

10 17,5

Total 100,0

Sou

s-gr

ou

pe

« a

vec

bar

èm

e »

1 0,8

2 0,7

3 0,8

4 1,2

5 6,2

6 6,1

7 23,8

8 30,5

9 16,0

10 13,9

Total 100,0

Distribution des âges des auditeurs

0

5

10

15

20

25

30

22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43et

plus

Distribution (en %) de l'âge des auditeurs des deux sous-groupes

Sans barème Avec barème

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343

Annexe 3.D : distributions des montants de CEEE selon le cas-type (regroupés par série de 4 cas-types) et le sous-groupe d’auditeurs

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 100.00 250.00 184.84 591.69 2_O_100€__D_300€ 100.00 300.00 208.78 2430.86 3_O___0€__D_150€ 70.00 250.00 151.47 564.25 4_O_manq__D_150€ 70.00 250.00 152.44 410.93

Pavé N°1 (cas types 1, 2, 3 et 4) Juges SANS barèmeRevenus père=1900, revenus mère=1000, un enfant, garde classique

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

400

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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344

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 140.00 300.00 194.50 630.12 2_O_100€__D_300€ 120.00 300.00 208.28 1247.59 3_O___0€__D_150€ 100.00 300.00 167.17 1069.89 4_O_manq__D_150€ 130.00 300.00 166.56 968.17

Pavé N°1 (cas types 1, 2, 3 et 4) Juges AVEC barèmeRevenus père=1900, revenus mère=1000, un enfant, garde classique

Montant de CEEE préconisé par le barème : 192 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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345

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 100.00 350.00 199.04 602.33 2_O_100€__D_300€ 100.00 350.00 246.49 2275.42 3_O___0€__D_150€ 100.00 350.00 161.15 1212.50 4_O_manq__D_150€ 100.00 350.00 160.78 1059.18

Pavé N°2 (cas types 5, 6, 7 et 8) Juges SANS barèmeRevenus père=1900, revenus mère=1000, un enfant, garde réduit

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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346

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 140.00 400.00 213.19 1381.75 2_O_100€__D_300€ 100.00 400.00 253.72 1720.68 3_O___0€__D_150€ 125.00 400.00 186.93 2941.83 4_O_manq__D_150€ 140.00 400.00 183.54 2746.49

Pavé N°2 (cas types 5, 6, 7 et 8) Juges AVEC barèmeRevenus père=1900, revenus mère=1000, un enfant, garde réduit

Montant de CEEE préconisé par le barème : 257 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

110

120

130

140

150

160

170

180

190

200

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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347

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 0.00 200.00 134.32 777.17 2_O_100€__D_300€ 0.00 200.00 109.97 899.53 3_O___0€__D_150€ 0.00 200.00 89.44 1537.89 4_O_manq__D_150€ 0.00 200.00 95.68 1638.35

Pavé N°3 (cas types 9, 10, 11 et 12) Juges SANS barèmeRevenus père=1100, revenus mère=2500, un enfant, garde classique

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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348

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 50.00 200.00 130.63 417.98 2_O_100€__D_300€ 50.00 273.00 102.27 395.69 3_O___0€__D_150€ 0.00 150.00 87.17 471.52 4_O_manq__D_150€ 0.00 150.00 89.76 498.92

Pavé N°3 (cas types 9, 10, 11 et 12) Juges AVEC barèmeRevenus père=1100, revenus mère=2500, un enfant, garde classique

Montant de CEEE préconisé par le barème : 84 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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349

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 0.00 200.00 149.29 968.90 2_O_100€__D_300€ 0.00 250.00 136.15 1778.65 3_O___0€__D_150€ 0.00 200.00 111.61 1827.52 4_O_manq__D_150€ 0.00 175.00 117.33 1542.87

Pavé N°4 (cas types 13, 14, 15 et 16) Juges SANS barèmeRevenus père=1100, revenus mère=2500, un enfant, garde réduit

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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350

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 50.00 200.00 138.86 390.78 2_O_100€__D_300€ 50.00 300.00 121.95 924.96 3_O___0€__D_150€ 0.00 200.00 112.38 671.81 4_O_manq__D_150€ 0.00 150.00 111.89 629.25

Pavé N°4 (cas types 13, 14, 15 et 16) Juges AVEC barèmeRevenus père=1100, revenus mère=2500, un enfant, garde réduit

Montant de CEEE préconisé par le barème : 113 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

110

120

130

140

150

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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351

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 100.00 200.00 160.40 566.76 2_O_100€__D_300€ 100.00 250.00 161.61 1350.50 3_O___0€__D_150€ 50.00 200.00 136.27 721.20 4_O_manq__D_150€ 50.00 190.00 138.07 561.82

Pavé N°5 (cas types 17, 18, 19 et 20) Juges SANS barèmeRevenus père=1600, revenus mère=1500, un enfant, garde classique

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

400

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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352

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 100.00 200.00 156.42 326.88 2_O_100€__D_300€ 95.00 300.00 158.86 1013.78 3_O___0€__D_150€ 70.00 250.00 147.34 402.11 4_O_manq__D_150€ 70.00 200.00 146.26 298.05

Pavé N°5 (cas types 17, 18, 19 et 20) Juges AVEC barèmeRevenus père=1600, revenus mère=1500, un enfant, garde classique

Montant de CEEE préconisé par le barème : 152 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

400

500

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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353

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 50.00 250.00 179.94 692.23 2_O_100€__D_300€ 50.00 300.00 197.30 2267.08 3_O___0€__D_150€ 0.00 250.00 148.29 690.09 4_O_manq__D_150€ 50.00 250.00 148.66 562.04

Pavé N°6 (cas types 21, 22, 23 et 24) Juges SANS barèmeRevenus père=1600, revenus mère=1500, un enfant, garde réduit

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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354

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 130.00 300.00 190.39 629.03 2_O_100€__D_300€ 70.00 300.00 200.32 1429.53 3_O___0€__D_150€ 50.00 300.00 160.56 962.75 4_O_manq__D_150€ 50.00 300.00 156.99 895.91

Pavé N°6 (cas types 21, 22, 23 et 24) Juges AVEC barèmeRevenus père=1600, revenus mère=1500, un enfant, garde réduit

Montant de CEEE préconisé par le barème : 203 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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355

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 100.00 250.00 173.70 666.31 2_O_100€__D_300€ 100.00 300.00 181.93 1864.93 3_O___0€__D_150€ 80.00 240.00 145.43 481.80 4_O_manq__D_150€ 80.00 240.00 146.80 420.05

Pavé N°7 (cas types 25, 26, 27 et 28) Juges SANS barèmeRevenus père=1900, revenus mère=1000, deux enfants, garde classique

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

400

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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356

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 140.00 290.00 173.46 488.87 2_O_100€__D_300€ 100.00 300.00 179.72 1157.53 3_O___0€__D_150€ 100.00 290.00 158.62 458.22 4_O_manq__D_150€ 100.00 290.00 158.24 465.78

Pavé N°7 (cas types 25, 26, 27 et 28) Juges AVEC barèmeRevenus père=1900, revenus mère=1000, deux enfants, garde classique

Montant de CEEE préconisé par le barème : 164 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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357

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 100.00 250.00 187.39 529.84 2_O_100€__D_300€ 100.00 300.00 213.42 2370.01 3_O___0€__D_150€ 100.00 260.00 152.61 514.62 4_O_manq__D_150€ 100.00 260.00 152.73 438.18

Pavé N°8 (cas types 29, 30, 31 et 32) Juges SANS barèmeRevenus père=1900, revenus mère=1000, deux enfants, garde réduit

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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358

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 140.00 310.00 203.24 709.00 2_O_100€__D_300€ 110.00 350.00 224.13 1364.42 3_O___0€__D_150€ 120.00 310.00 177.50 1563.26 4_O_manq__D_150€ 120.00 310.00 176.42 1550.40

Pavé N°8 (cas types 29, 30, 31 et 32) Juges AVEC barèmeRevenus père=1900, revenus mère=1000, deux enfants, garde réduit

Montant de CEEE préconisé par le barème : 221 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

110

120

130

140

150

160

170

180

190

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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359

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 0.00 170.00 128.23 852.92 2_O_100€__D_300€ 0.00 180.00 99.01 502.12 3_O___0€__D_150€ 0.00 180.00 81.68 1166.13 4_O_manq__D_150€ 0.00 180.00 84.22 1180.30

Pavé N°9 (cas types 33, 34, 35 et 36) Juges SANS barèmeRevenus père=1100, revenus mère=2500, deux enfants, garde classique

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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360

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 50.00 175.00 120.93 768.35 2_O_100€__D_300€ 10.00 150.00 94.27 330.60 3_O___0€__D_150€ 0.00 150.00 76.06 568.65 4_O_manq__D_150€ 0.00 150.00 76.43 516.42

Pavé N°9 (cas types 33, 34, 35 et 36) Juges AVEC barèmeRevenus père=1100, revenus mère=2500, deux enfants, garde classique

Montant de CEEE préconisé par le barème : 72 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

110

120

130

140

150

160

170

180

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

Page 361: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

361

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 0.00 200.00 135.00 838.20 2_O_100€__D_300€ 0.00 200.00 113.60 892.92 3_O___0€__D_150€ 0.00 180.00 99.88 1319.86 4_O_manq__D_150€ 0.00 180.00 102.55 1335.13

Pavé N°10 (cas types 37, 38, 39 et 40) Juges SANS barèmeRevenus père=1100, revenus mère=2500, deux enfants, garde réduit

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

110

120

130

140

150

160

170

180

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

Page 362: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

362

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance

1_O_140€__D_200€ 50.00 200.00 127.10 573.40 2_O_100€__D_300€ 50.00 300.00 105.79 663.33 3_O___0€__D_150€ 0.00 150.00 95.70 592.33 4_O_manq__D_150€ 0.00 150.00 96.48 522.62

Pavé N°10 (cas types 37, 38, 39 et 40) Juges AVEC barèmeRevenus père=1100, revenus mère=2500, deux enfants, garde réduit

Montant de CEEE préconisé par le barème : 97 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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363

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance 1_O_140€__D_200€ 60.00 200.00 150.84 593.86 2_O_100€__D_300€ 60.00 220.00 142.58 1211.21 3_O___0€__D_150€ 50.00 200.00 126.27 881.76 4_O_manq__D_150€ 50.00 180.00 127.33 777.96

Pavé N°11 (cas types 41, 42, 43 et 44) Juges SANS barèmeRevenus père=1600, revenus mère=1500, deux enfants, garde classique

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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364

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance 1_O_140€__D_200€ 100.00 180.00 143.58 173.63 2_O_100€__D_300€ 100.00 200.00 133.68 393.28 3_O___0€__D_150€ 70.00 160.00 129.95 329.14 4_O_manq__D_150€ 70.00 160.00 129.72 318.96

Pavé N°11 (cas types 41, 42, 43 et 44) Juges AVEC barèmeRevenus père=1600, revenus mère=1500, deux enfants, garde classique

Montant de CEEE préconisé par le barème : 129 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

110

120

130

140

150

160

170

180

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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365

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance 1_O_140€__D_200€ 70.00 200.00 166.86 786.90 2_O_100€__D_300€ 70.00 300.00 169.57 1870.62 3_O___0€__D_150€ 50.00 250.00 139.41 658.50 4_O_manq__D_150€ 60.00 200.00 140.40 523.28

Pavé N°12 (cas types 45, 46, 47 et 48) Juges SANS barèmeRevenus père=1600, revenus mère=1500, deux enfants, garde réduit

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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366

offre_demande Minimum Maximum Moyenne Variance 1_O_140€__D_200€ 120.00 200.00 168.42 388.35 2_O_100€__D_300€ 100.00 250.00 169.13 713.63 3_O___0€__D_150€ 50.00 250.00 153.26 479.33 4_O_manq__D_150€ 50.00 250.00 152.24 461.97

Pavé N°12 (cas types 45, 46, 47 et 48) Juges AVEC barèmeRevenus père=1600, revenus mère=1500, deux enfants, garde réduit

Montant de CEEE préconisé par le barème : 174 €/mois

offre_demande 1_O_140€__D_200€ 2_O_100€__D_300€

3_O___0€__D_150€ 4_O_manq__D_150€

FREQUENCE

0

100

200

300

Montant de CEEE fixé par le juge

70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 280 290 300

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367

Annexe 3.E : estimations alternatives dans la cadre de l’analyse de la procédure ultra/infra petita

Tableau 3.33-bis : estimation des effets d’incitation de la table de référence à sortir des propositions des parties sur le niveau de CEEE fixée

Constante 99,82***

Avec barème Barème < offre Barème > demande

0,45 9,20*** -24,27***

Barème * Barème < offre Barème * Barème > demande

-7,56*** 16,32***

Age Femme Vit en couple Avec enfant(s) Cursus « droit » seulement A exercé un métier avant ENM A déjà traité une affaire de divorce Echelle d’aversion au risque Echelle d’altruisme Echelle d’aversion à l’inégalité Lot 1 Lot 2 Lot 4

-0,12 0,24 -0,45 0,49 4,58*** -1,28 -0,36 1,10* -0,49 2,43*** 10,07*** 18,69*** 13,45***

Fratrie de deux enfants DVH « réduit » Propositions « 140 – 200 » Propositions « 0 – 150 » Propositions « non explicitée–150 » Revenus « 1 600 – 1 500 » Revenus « 1 900-1 000 »

-14,80*** 24,69*** 0,73 -21,50*** -20,87*** 51,96*** 87,01***

R2 ajusté 0,59 Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Effectifs : 14 876. Régressions par les moindres carrés, sur échantillon pondéré. *** : coefficient significatif au seuil de 0,1%. ** : coefficient significatif au seuil de 1%. * : coefficient significatif au seuil de 5%. Modalités de référence : sans barème, barème > offre et < demande, homme, ne vit pas en couple, sans enfant, autres cursus que le droit seul, n’a jamais exercé de métier, n’a pas d’expérience en affaire de divorce, lot n° 3, cas-type à un seul enfant, cas-type à DVH « classique », cas-type à couple de propositions « 100-300 », cas-type à couples de revenus « 1 900-1 000 » et « 1 100-2 500 ».

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368

Tableau 3.33-ter : estimation des effets d’incitation de la table de référence à sortir des propositions des parties sur le niveau de CEEE fixée

MCO MMN

Constante 166,23*** 153,28***

Avec barème Barème < offre Barème > demande

0,46 -46,66*** 33,42***

1,17 -28,45*** 31,27***

Barème * Barème < offre Barème * Barème > demande

-7,57*** 16,32***

-8,59*** 13,96***

Age Femme Vit en couple Avec enfant(s) Cursus « droit » seulement A exercé un métier avant ENM A déjà traité une affaire de divorce Echelle d’aversion au risque Echelle d’altruisme Echelle d’aversion à l’inégalité Lot 1 Lot 2 Lot 4

-0,12 0,24 -0,45 0,47 4,58*** -1,28 -0,36 1,09# -0,50 2,42*** 10,08*** 18,69*** 13,44***

-0,004 0,68 -0,28 -0,21 2,95 -0,85 -0,53 1,69 -0,29 2,01 9,78*** 20,22*** 15,93***

Fratrie de deux enfants DVH « réduit » Propositions « 140 – 200 » Propositions « 0 – 150 » Propositions « non explicitée–150 » Revenus « 1 600 – 1 500 »

-10,13*** 5,62*** 0,42 -64,31*** -63,68*** 3,33***

-9,07*** 0,014 2,16* -52,46*** -52,04*** 8,50***

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Effectifs : 14 876. MCO : régressions par les Moindres Carrés Ordinaires, sur échantillon pondéré. MMN : régressions par Modèle MultiNiveaux, sur échantillon pondéré *** : coefficient significatif au seuil de 0,1%. ** : coefficient significatif au seuil de 1%. * : coefficient significatif au seuil de 5%. # : coefficient significatif au seuil de 10%. Modalités de référence : sans barème, barème > offre et < demande, homme, ne vit pas en couple, sans enfant, autres cursus que le droit seul, n’a jamais exercé de métier, n’a pas d’expérience en affaire de divorce, lot n° 3, cas-type à un seul enfant, cas-type à DVH « classique », cas-type à couple de propositions « 100-300 », cas-type à couples de revenus « 1 900-1 000 » et « 1 100-2 500 ».

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369

Annexe 3.F : classement des cas-types selon les différences de variance totale observée ou de variance résiduelle

Source : base de données Expérimentation Barème ENM 2017. Les cas-types sont classés par ordre croissant de différence de variance totale observée. Guide de lecture : les numéros de cas-types se lisent sur l’axe horizontal ; les rangs de classement se lisent sur l’axe vertical. Exemple : le cas-type n°1 est classé au rang n°1 du point de vue de la différence de variance totale observée, en bleu (c’est le cas-type ayant la différence la plus négative), mais du point de vue de la différence de variance résiduelle, il est classé au rang n°6, en rouge. Autre exemple, le cas-type n°45 est classé au rang n°2 du point de vue de la différence de variance totale observée, et au rang n° 10 du point de vue de la différence de variance résiduelle.

048

12162024283236404448

1 45 11 14 10 29 15 21 13 41 39 38 25 35 9 34 42 16 5 43 44 48 12 17 18 40 19 20 33 46 28 36 37 47 24 26 27 4 32 22 23 2 3 8 30 31 7 6

Graphique Annexe 3.F : comparaison des rangs de classement des 48 cas-type selon les différences de variance totale observée ou de variance résiduelle

Ordre différence de variance Ordre différence de variance résiduelle

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370

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371

Annexe 3.G : le masque de saisie de la base de données « CA-2016 »

I. Identification et caractéristiques de l'arrêt.…...………………………………….…….……… 2

II. Les parties.……..………………………………………………………………...………………… 3

III. La décision attaquée…..…………………………………………………………………………. 4

IV. Chef(s) de la décision attaqué(s)…………………………………………………………….… 5

V. Mesures ordonnées en première instance et/ou en appel...…………….………………… 6

VI. Situation conjugale après séparation, revenus et charges.……..…….…………………. 7

1. Situation conjugale et revenus du père…..……….………………………………………………………………… 7

2. Charges du père - Les charges sont celles mentionnées dans la décision, à quelque titre que ce soit.……. 7

3. Situation conjugale et revenus de la mère…………………………………………..……………………………… 9

4. Charges de la mère - Les charges sont celles mentionnées dans la décision, à quelque titre que ce soit…. 9

VII. Enfant(s) à charge des parties………………………………………………………………… 11

VIII. Enfant(s) issu(s) du couple encore à charge et mesures prises

1. Enfant(s) issu(s) du couple encore à charge………………………………………………………….….…………12► Voir les instructions pour différencier le mineur du majeur lorsque "Année ARRET - Année NAISSANCE = 18".. 21

2. Mesures prises pour l'ensemble de la fratrie (= CAS 1)……………………….................................................13

OU Mesures prises par enfant (= CAS 2)………………………………………………………………………….16► Voir schéma "Enfants issus du couple encore à charge"………………….…………………………………….……… 22

IX. Eventuels arguments du juge………………………………………………………………….. 19

X. Commentaire……………………………………………………………………………………….. 19

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372

Var Libellé variable Nom variable

1 Saisie par saisie_par 1 Marion AMBUHL

2 Pierre-Edouard BIACHE

3 Préjudice DIAHOU TSANGA

4 Thibaud FORET

5 Laura GEHIN

6 Mickaël LEBDAR

7 Cécile B.-D.

8 Bruno J.

9 Isabelle S.

10 Jean-Claude B.

11 Julie M.

2 Numéro de collecte de l'arrêt num_collecte Les arrêts ont été numérotés : reprendre le n° en haut à droite

3 Siège de la Cour d'appel siege_ca [1;36] Voir la liste CA si besoin

4 Date de l'arrêt date_arret JJMMAAAA Exemple : 04/07/2016

5 dans_champ 1 OUI : Parmi les 3000 décisions mises à disposition, 2000 doivent être

saisies. En général, sont dans le champ de l'étude les décisions qui

statuent sur la CEEE à la suite d'un contentieux entre les parents, y

compris si la décision prévoit le versement de la CEEE entre les mains du

jeune majeur et y compris s'il s'agit d'une confirmation de la CEEE par effet

dévolutif, le chef d'appel portant sur un autre point, tel que la résidence des

enfants.

0 NON

6 Formation ayant rendu la décision Formation 1 Collégiale

2 Collégiale sur déféré (recours contre ordonnance conseiller mise en état)

3 Conseiller de la mise en état statuant sur le montant de la CEEE

7 N° du président (juge 1) president Attribuer un numéro à chaque nouveau juge en commençant la liste à

partir du numéro affecté à la CA concernée (voir "Liste CA" p. 20) :

compléter le fichier excel "Liste Juge" avec le numéro, le NOM, le Prénom

du juge et, à défaut, la civilité, puis saisir ce numéro dans le questionnaire ;

Vérifier à chaque nouvel arrêt si le juge n'est pas déjà dans la liste avant

d'attribuer un nouveau numéro

8 Genre du président (juge 1) sexe_president 1 Masculin

2 Féminin

3 Indéterminable

9 N° du juge 2 juge2 Attribuer un numéro à chaque nouveau juge en commençant la liste à

partir du numéro affecté à la CA concernée (voir "Liste CA" p. 20) :

compléter le fichier excel "Liste Juge" avec le numéro, le NOM, le Prénom

du juge et, à défaut, la civilité, puis saisir ce numéro dans le questionnaire ;

Vérifier à chaque nouvel arrêt si le juge n'est pas déjà dans la liste avant

d'attribuer un nouveau numéro

10 Genre du juge 2 sexe_juge2 1 Masculin

2 Féminin

3 Indéterminable

11 N° du juge 3 juge3 Attribuer un numéro à chaque nouveau juge en commençant la liste à

partir du numéro affecté à la CA concernée (voir "Liste CA" p. 20) :

compléter le fichier excel "Liste Juge" avec le numéro, le NOM, le Prénom

du juge et, à défaut, la civilité, puis saisir ce numéro dans le questionnaire ;

Vérifier à chaque nouvel arrêt si le juge n'est pas déjà dans la liste avant

d'attribuer un nouveau numéro

12 Genre du juge 3 sexe_juge3 1 Masculin

2 Féminin

3 Indéterminable

13 rapporteur_psdt 1 Le juge n°1 est rapporteur

14 rapporteur_juge2 1 Le juge n°2 est rapporteur

15 rapporteur_juge3 1 Le juge n°3 est rapporteur

16 rapporteur_NR 1 L'identité du rapporteur est inconnue

17 Nature de la décision nature_decision 1 Contradictoire

2 Défaut

3 Réputée contradictoire

Codes, modalités détaillées ou remarques

I. Identification et caractéristiques de l'arrêt

L'ARRET EST-IL DANS LE CHAMP DE

L'ENQUETE ? (laisser de côté les

décisions pour lesquelles vous avez un

doute)

Si CHAMP = NON, la saisie est terminée

Identité du(des) rapporteur(s) (il est

possible d'avoir plusieurs

rapporteurs)

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373

Var Libellé variable Nom variable

18 Appelant appelant 1 Père

2 Mère

3 Père ET Mère

99 Non renseigné

19 Année de naissance naiss_pere AAAA Exemple : 1964 ; -9 si année de naissance et âge non déclarés

20 Père Assisté (avocat) assiste_pere 1 Oui

0 Non

21 Aide juridictionnelle père AJ_pere 0 Pas d'aide juridictionnelle

1 AJ partielle

2 AJ totale (y compris si AJ sans précision)

22 Code postal de la ville de résidence du

père

cp_pere |_|_|_|_|_| Exemple : 69002 (4 chiffres seulement si CP commence par 0)

"0" si code postal étranger, exemple : "0000" = Accra au Ghana

23 Année de naissance naiss_mere AAAA Exemple : 1964 ; -9 si année de naissance et âge non déclarés

24 Mère Assistée (avocat) assiste_mere 1 Oui

0 Non

25 Aide juridictionnelle mère AJ_mere 0 Pas d'aide juridictionnelle

1 AJ partielle

2 AJ totale (y compris si AJ sans précision)

26 Code postal de la ville de résidence de

la mère

cp_mere |_|_|_|_|_| Exemple : 69002 (4 chiffres seulement si CP commence par 0)

"0" si code postal étranger, exemple : "0000" = Accra au Ghana

Codes, modalités détaillées ou remarques

II. Les parties

Père

Mère

Var Libellé variable Nom variable

III. La décision attaquée

27 Type de décision attaquée type_DA 1 Jugement d'après divorce statuant sur tout ou partie du principal (définitif)

2 Jugement de divorce, séparation de corps, conversion de s. de corps en

divorce

3 Jugement enfants nés hors mariage statuant sur tout ou partie du principal

(définitif)

Exemple : "Des relations entre Mme et M. est issu …", "De l'union …"

4 Ordonnnance JAF de non conciliation

28 Date de la décision attaquée date_DA JJMMAAAA Exemple : 04/07/2016

29Ville de la juridiction qui a rendu en

première instance la décision attaquéesiege_DA

En clair (siège du TGI)

Copier et coller le nom de la ville du TGI concerné à partir du fichier

excel "Liste TGI"

Codes, modalités détaillées ou remarques

Attention , bien retenir la décision attaquée si plusieurs décisions sont rappelées

Var Libellé variable Nom variable

30 Lieu de résidence lieu_residence 1

Oui

En cas de résidence alternée, les variables Lieu de résidence et

Temps de résidence doivent être cochées toutes les deux

0 Non

31 Temps de résidence temps_residence 1

Oui

En cas de résidence alternée, les variables Lieu de résidence et

Temps de résidence doivent être cochées toutes les deux

0 Non

32 CEEE ceee 1 Oui

0 Non

33 Autorité parentale autorite_parentale 1 Oui

0 Non

Codes, modalités détaillées ou remarques

IV. Chef(s) de la décision attaqué(s)

( Quel que soit l'auteur de la demande ) - Les décisions prononcées en appel retenues doivent statuer au moins sur le montant de la

CEEE, correspondant aux cas les plus fréquents où les parties demandent la modification du montant fixé en première instance. Une

autre hypothèse plus délicate concerne les cas où la cour est saisie de l'ensemble de la décision par l'effet dévolutif, mais où les chefs

de la décision attaqués ne concernent pas la CEEE, la cour confirmera alors la CEEE, sans qu'il y ait eu contestation.

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374

Var Libellé variable Nom variable

34 Enquête sociale et/ou Expertise enquete_expertise 1 Oui, ordonnée par la CA

2 Oui, ordonnée par le TGI

3 Oui, ordonnée par les deux juridictions

0 Non, aucune mention dans l'arrêt

35 Médiation familiale mediation_familiale 1 Oui, ordonnée par la CA

2 Oui, ordonnée par le TGI

3 Oui, ordonnée par les deux juridictions

0 Non, aucune mention dans l'arrêt

36 Audition de l'enfant audition_enfant 1 Oui, ordonnée par la CA

2 Oui, ordonnée par le TGI

3 Oui, ordonnée par les deux juridictions

0 Non, aucune mention dans l'arrêt

Codes, modalités détaillées ou remarques

V. Mesures ordonnées en première instance et/ou en appel (Quel que soit le motif de la mesure)

Page 375: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

375

Var Libellé variable Nom variable

1. Situation conjugale et revenus mensuels du père

37 situation_pere1 En couple (remarié, nouvelle union)

0Pas en couple ou pas de mention de la nouvelle situation conjugale dans

l'arrêt

38 Revenus du travail revenus_W_pere Indiquer le montant mensuel en € du salaire, du revenu d'activité

professionnelle. Si existence de ce revenu sans indication du montant

coder "-9", si absence de ce revenu coder "0".

39 Revenus du capital revenus_K_pere Indiquer le montant mensuel en € du revenu en capital (loyers perçus,

actions, etc).Si existence de ce revenu sans indication du montant coder

"-9", si absence de ce revenu coder "0".

40 Revenus de remplacement du travail revenus_rempl_per

e

Indiquer le montant mensuel en € (indemnités chômage, prestation en

espèce assurance maladie, retraite) Si existence de ce revenu sans

indication du montant coder "-9", si absence de ce revenu, coder "0".

41 Revenus minima sociaux revenus_MS_pere Indiquer le montant mensuel en € (AAH, RSA, ASS, ATA). Si existence de

ce revenu sans indication du montant coder "-9", si absence de ce revenu

coder "0".

42 Prestations sociales hors minima

sociaux (dont prestations familiales)

PS_pere Indiquer le montant mensuel en € (allocations familiales, allocations

logement APL, allocations de garde d'enfants, bourses scolaires). Si

existence de ce revenu sans indication du montant coder "-9", si absence

de ce revenu, coder "0".

43 MONTANT GLOBAL de revenus

mensuels mentionné dans la décision

revenus_glo_pere Indiquer le montant mensuel en €

A renseigner dans deux cas : un montant global de revenus sans

indication sur le détail est mentionné dans la décision ; il est

clairement indiqué dans la décision que le parent n'a pas de revenu

(mettre 0). Laisser à blanc sinon.

44 Le juge semble-t-il avoir des doutes sur

les montants de revenus déclarés par le

père ?

doute_pere 1

0

Oui

Non OU Ne sait pas (les éléments du dossier n'apportent pas

d'éléments pour répondre à la question)

45 Charges du père charges_pere 0

1

2

Aucune mention sur les charges

Si mention de charges mais aucun détail sur leur nature

Si mention de charges et détails sur leur nature (servir les variables 46 à

57)

46 Loyer ou prêt immobilier pour la

résidence principale

loyer_principal_per

e

1

0

Oui

Non

47 Loyer ou prêt immobilier pour une

résidence secondaire ou prêts mobiliers

et à la consommation

loyer_secondr_per

e

1

0

Oui

Non

48 Eau, EDF, GDF, téléphone, assurance,

mutuelles

factures_pere 1

0

Oui

Non

49 Impôt sur le revenu impot_revenu_pere 1

0

Oui

Non

50 Impôts locaux et fonciers impots_locaux_per

e

1

0

Oui

Non

51 Pension alimentaire (ascendant(s) ou

enfant(s) issu(s) d'une autre union) OU

prestation compensatoire au titre d'une

union antérieure - ou postérieure

PA_pere 1

0

Oui

Non

52 Devoir de secours - pension alimentaire

à l'épouse, prestation compensatoire

(concerne le couple en cours de

séparation)

secours_pere 1

0

Oui

Non

53 Charges spécifiques à l'entretien du ou

des enfants concernés par la CEEE

(frais de scolarité, cantine, activités

extra-scolaires, orthodontie, etc.)

charges_spec_per

e

1

0

Oui

Non

54 Frais de trajet à la charge du père pour

exercer le droit de visite et

d'hébergement

frais_trajet_pere 1

0

Oui

Non

55 Situation de surendettement (procédure

en cours)

surendettement_pe

re

1

0

Oui

Non

56 Autres charges autres_charges_pe

re

1

0

Oui (servir la variable 57)

Non

57 Précision sur les autres charges du père charges_pere_com

ment

En clair

Exemple : Frais pour enfant(s) d'une autre union à charge

Codes, modalités détaillées ou remarques

VI. Situation conjugale après séparation, revenus et charges du père

Revenus mensuels - Montants retenus

par le juge et/ou allégués par le père

Indiquer le montant MENSUEL en € pour chaque catégorie de revenu (38 à 42).

-9 = existence d'un type de revenu sans indication du montant

0 = absence de ce revenu

Les montants sont à renseigner sans chiffre après la virgule (arrondir systématiquement à

l'entier inférieur ; ex : 8.2=8, 8.5=8, 8.9=8).

2. Charges du père - Les charges sont celles mentionnées dans la décision, à quelque titre que ce soit, hors CEEE versée pour

les enfants concernés par la décision.

Situation conjugale (situation déclarée

par l'une ou l'autre des parties et/ou

retenue pas le juge)

Page 376: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

376

Var Libellé variable Nom variable

3. Situation conjugale et revenus mensuels de la mère

58 situation_mere1 En couple (remarié, nouvelle union)

0Pas en couple ou pas de mention de la nouvelle situation conjugale dans

l'arrêt

59 Revenus du travail revenus_W_mere Indiquer le montant mensuel en € du salaire, du revenu d'activité

professionnelle. Si existence de ce revenu sans indication du montant

coder "-9", si absence de ce revenu coder "0".

60 Revenus du capital revenus_K_mere Indiquer le montant mensuel en € du revenu en capital (loyers perçus,

actions, etc).Si existence de ce revenu sans indication du montant coder

"-9", si absence de ce revenu coder "0".

61 Revenus de remplacement du travail revenus_rempl_mer

e

Indiquer le montant mensuel en € (indemnités chômage, prestation en

espèce assurance maladie, retraite) Si existence de ce revenu sans

indication du montant coder "-9", si absence de ce revenu, coder "0".

62 Revenus minima sociaux revenus_MS_mere Indiquer le montant mensuel en € (AAH, RSA, ASS, ATA). Si existence de

ce revenu sans indication du montant coder "-9", si absence de ce revenu

coder "0".

63 Prestations sociales hors minima

sociaux (dont prestations familiales)

PS_mere Indiquer le montant mensuel en € (allocations familiales, allocations

logement APL, allocations de garde d'enfants, bourses scolaires). Si

existence de ce revenu sans indication du montant coder "-9", si absence

de ce revenu, coder "0".

64 MONTANT GLOBAL de revenus

mensuels mentionné dans la décision

revenus_glo_mere Indiquer le montant mensuel en €

A renseigner dans deux cas : un montant global de revenus sans

indication sur le détail est mentionné dans la décision ; il est

clairement indiqué dans la décision que le parent n'a pas de revenu

(mettre 0). Laisser à blanc sinon.

65 Le juge semble-t-il avoir des doutes sur

les montants de revenus déclarés par la

mère ?

doute_mere 1

0

Oui

Non OU Ne sait pas (les éléments du dossier n'apportent pas

d'éléments pour répondre à la question)

66 Charges de la mère charges_mere 0

1

2

Aucune mention sur les charges

Si mention de charges mais aucun détail sur leur nature

Si mention de charges et détails sur leur nature (servir les variables 67 à

78)

67 Loyer ou prêt immobilier pour la

résidence principale

loyer_principal_me

re

1

0

Oui

Non

68 Loyer ou prêt immobilier pour une

résidence secondaire ou prêts mobiliers

et à la consommation

loyer_secondr_mer

e

1

0

Oui

Non

69 Eau, EDF, GDF, téléphone, assurance,

mutuelles

factures_mere 1

0

Oui

Non

70 Impôt sur le revenu impot_revenu_mere 1

0

Oui

Non

71 Impôts locaux et fonciers impots_locaux_mer

e

1

0

Oui

Non

72 Pension alimentaire (ascendant(s) ou

enfant(s) issu(s) d'une autre union) OU

prestation compensatoire au titre d'une

union antérieure - ou postérieure

PA_mere 1

0

Oui

Non

73 Devoir de secours - pension alimentaire

à l'époux, prestation compensatoire

(concerne le couple en cours de

séparation)

secours_mere 1

0

Oui

Non

74 Charges spécifiques à l'entretien du ou

des enfants concernés par la CEEE

(frais de scolarité, cantine, activités

extra-scolaires, orthodontie, etc.)

charges_spec_mer

e

1

0

Oui

Non

75 Frais de trajet à la charge de la mère

pour exercer le droit de visite et

d'hébergement

frais_trajet_mere 1

0

Oui

Non

76 Situation de surendettement (procédure

en cours)

surendettement_me

re

1

0

Oui

Non

77 Autres charges autres_charges_m

ere

1

0

Oui (servir la variable 78)

Non

78 Précision sur les autres charges de la

mèrecharges_pere_com

ment

En clair

Exemple : Frais pour enfant(s) d'une autre union à charge

Codes, modalités détaillées ou remarques

VI. Situation conjugale après séparation, revenus et charges de la mère (SUITE)

Revenus mensuels - Montants retenus par

le juge et/ou allégués par la mère

Indiquer le montant MENSUEL en € pour chaque catégorie de revenu (59 à 63).

-9 = existence d'un type de revenu sans indication du montant

0 = absence de ce revenu

Les montants sont à renseigner sans chiffre après la virgule (arrondir systématiquement à

l'entier inférieur ; ex : 8.2=8, 8.5=8, 8.9=8).

4. Charges de la mère - Les charges sont celles mentionnées dans la décision, à quelque titre que ce soit, hors CEEE versée

pour les enfants concernés par la décision.

Situation conjugale (situation déclarée

par l'une ou l'autre des parties et/ou

retenue pas le juge)

Page 377: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

377

Var Libellé variable Nom variable

79 Nombre d'enfant(s) du père non issu(s)

du couple et qui sont à sa charge enf_non_cple_pere

Enfant(s) issu(s) d'une autre union mineur(s) et/ou majeur(s) encore à

charge

-9 = existence d'enfants sans indication du nombre

0 = absence d'enfants

80 Nombre d'enfant(s) de la mère non

issu(s) du couple et qui sont à sa

charge

enf_non_cple_mer

e

Enfant(s) issu(s) d'une autre union mineur(s) et/ou majeur(s) encore à

charge

-9 = existence d'enfants sans indication du nombre

0 = absence d'enfants

81 Nombre d'enfants issus du coupleenfants_cple

-9 = existence d'enfants sans indication du nombre

0 = absence d'enfants

82 Nombre d'enfants issus du couple

encore à chargeenf_charge

-9 = existence d'enfants sans indication du nombre

0 = absence d'enfants

83 Nombre d'enfants mineurs issus du

couple

enfants_mineurs Enfant(s) mineur(s) au jour de la décision d'appel

-9 = existence d'enfants sans indication du nombre

0 = absence d'enfants

84 Nombre d'enfants majeurs issus du

couple encore à charge enfants_majeurs

Enfant(s) majeur(s) au jour de la décision d'appel

-9 = existence d'enfants sans indication du nombre

0 = absence d'enfants

Codes, modalités détaillées ou remarques

VII. Enfant(s) à charge des parties

Var Libellé variable Nom variable

85 cas 1 (Tous les enfants sont mineurs ou Tous les enfants sont majeurs) ET les

dispositions sont identiques (même lieu de résidence, même temps de

résidence et même CEEE) pour chacun d'entre eux en appel comme

en première instance

2 Tous les autres cas - Des enfants à la fois mineurs et majeurs ou Des

dispositions différentes pour un ou plusieurs enfants ou Des dispositions

différentes en appel par rapport à la première instance

Années de naissance et sexe des enfants issus du couple encore à charge

86 Année de naissance de l'enfant rang 1 Naiss_enf1 AAAA -9 = année de naissance et âge non déclarés (servir la variable 87)

87 L'enfant rang 1 est : minmaj_enf1 1 Mineur

2 Majeur

9 Non renseigné

88 Sexe de l'enfant rang 1 Sexe_enf1 1 Masculin

2 Féminin

9 Indéterminable

89 Année de naissance de l'enfant rang 2 Naiss_enf2 AAAA -9 = année de naissance et âge non déclarés (servir la variable 90)

90 L'enfant rang 2 est : minmaj_enf2 1 Mineur

2 Majeur

9 Non renseigné

91 Sexe de l'enfant rang 2 Sexe_enf2 1 Masculin

2 Féminin

9 Indéterminable

92 Année de naissance de l'enfant rang 3 Naiss_enf3 AAAA -9 = année de naissance et âge non déclarés (servir la variable 93)

93 L'enfant rang 3 est : minmaj_enf3 1 Mineur

2 Majeur

9 Non renseigné

94 Sexe de l'enfant rang 3 Sexe_enf3 1 Masculin

2 Féminin

9 Indéterminable

95 Année de naissance de l'enfant rang 4 Naiss_enf4

96 minmaj_enf4

97 Sexe_enf4

98 Année de naissance de l'enfant rang 5 Naiss_enf5

99 minmaj_enf5

100 Sexe_enf5

101 Année de naissance de l'enfant rang 6 Naiss_enf6

102 minmaj_enf6

103 Sexe_enf6

104 Année de naissance de l'enfant rang 7 Naiss_enf7

105 minmaj_enf7

106 Sexe_enf7

107 Année de naissance de l'enfant rang 8 Naiss_enf8

108 minmaj_enf8

109 Sexe_enf8

Codes, modalités détaillées ou remarques

Le rang 1 correspond à l' enfant le plus âgé .

-9 = année de naissance et âge non déclarés

Si seul l'âge est déclaré , calculer année de naissance = année de la décision - âge .

Mesures prises concernant les enfants

issus du couple encore à charge

VIII.1. Enfant(s) issus du couple encore à charge

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378

Var Libellé variable Nom variable

Lieu de résidenceLR_PI_identiq 1 Résidence alternée

2 Résidence chez la mère

3 Résidence chez le père

4 Résidence chez un tiers (par ex grand-parents)

5 Majeur(s) ayant sa (leur) propre résidence (résidence universitaire,

colocation, studio, etc.)

6 Non fixé en première instance

9 Non renseigné

0 Pas d'information

1 Résidence alternée

2 Résidence chez la mère

3 Résidence chez le père

4 Résidence chez un tiers (par ex grand-parents)

5 Sans objet (enfants majeurs)

LR_fait_identiq 1 Résidence alternée

2 Résidence chez la mère

3 Résidence chez le père

4 Résidence chez un tiers (par ex grand-parents)

5 Majeur(s) pour lequel (lesquels) la résidence de fait n'est pas déclarée

9 Non renseigné

Temps de résidenceTR_PI_identiq 1 Temps de résidence alterné

2 Temps de résidence classique élargi (par ex : classique + mercredi)

3Temps de résidence classique (un week-end sur deux et la moitié des

vacances scolaires)

4Temps de résidence classique réduit (par ex : classique sans le samedi,

moins de jours durant les vacances, etc.)

5 Temps de résidence non déterminé (libre)

6 Pas de droit de visite octroyé au débiteur

7 Sans objet (enfants majeurs)

8 Non fixé en première instance

9 Non renseigné

0 Pas d'information

1 Temps de résidence alterné

2 Temps de résidence classique élargi (par ex : classique + mercredi)

3Temps de résidence classique (un week-end sur deux et la moitié des

vacances scolaires)

4Temps de résidence classique réduit (par ex : classique sans le samedi,

moins de jours durant les vacances, etc.)

5 Temps de résidence non déterminé (libre)

6 Pas de droit de visite octroyé à l'autre parent

7 Sans objet (enfants majeurs)

TR_identiq 1 Temps de résidence alterné

2 Temps de résidence classique élargi (par ex : classique + mercredi)

3Temps de résidence classique (un week-end sur deux et la moitié des

vacances scolaires)

4Temps de résidence classique réduit (par ex : classique sans le samedi,

moins de jours durant les vacances, etc.)

5 Temps de résidence non déterminé (libre)

6 Pas de droit de visite octroyé au débiteur

7 Sans objet (enfants majeurs)

9 Non renseigné

118 dvh_identiq_financ

e_pereModification de la situation financière du père

119 dvh_identiq_financ

e_mereModification de la situation financière de la mère

120 dvh_identiq_financ

e_cpleModification de la situation financière des deux parents

121 dvh_identiq_avis_e

nfantPrise en compte de l'avis de l'enfant

122 dvh_identiq_enfant

_majL'enfant devient majeur

123 dvh_identiq_accord

_cpleAccord des parents

124 dvh_identiq_risque

_pereComportement à risque du père

125 dvh_identiq_risque

_mereComportement à risque de la mère

126 dvh_identiq_rappro

chmt_geoRapprochement géographique des parents

127 dvh_identiq_eloign

mt_geoEloignement géographique des parents

128 dvh_identiq_rupture

_lien_pereRupture de la relation entre le père et l'enfant

129 dvh_identiq_rupture

_lien_mereRupture de la relation entre la mère et l'enfant

130 dvh_identiq_reprise

_lien_pereReprise de contact entre le père et l'enfant

131 dvh_identiq_reprise

_lien_mereReprise de contact entre la mère et l'enfant

132 dvh_identiq_sans_

motivAucune motivation explicite dans le dossier

133 dvh_identiq_other En clair Autre

117

115

116

Codes, modalités détaillées ou remarques

VIII.2. Mesures prises pour l' ensemble de la fratrie

CAS 1 : En appel comme en première instance, les dispositions sont identiques pour l'ensemble de la fratrie

ET (les enfants sont tous mineurs ou tous majeurs)

TR_dmde_identiq_

M

TR_dmde_identiq_

P

LR_dmde_identiq_

M

LR_dmde_identiq_

P

Temps de résidence fixé - Première

Instance

Débiteur = celui chez lequel l'enfant n'a pas

sa résidence principale et doit donc

contribuer, même s'il est dispensé en raison

de moyens insuffisants, OU celui qui

contribue alors que la résidence est alternée

Lieu de résidence fixé - Appel

(pour les enfants majeurs et encore à

charge : cocher la résidence de fait)

Arguments avancés explicitement dans

les motivations du juge pour justifier un

changement de lieu et/ou de temps de

résidence entre la première instance et

l'appel

Si 110 ≠ 113 OU 114 ≠ 117

1 = Oui ;

vide sinon

RESIDENCE

Temps de résidence fixé - Appel

Débiteur = celui chez lequel l'enfant n'a pas

sa résidence principale et doit donc

contribuer, même s'il est dispensé en raison

de moyens insuffisants, OU celui qui

contribue alors que la résidence est alternée

113

Temps de résidence demandé en

appel par la mère / par le père

111

112

110 Lieu de résidence fixé - Première

Instance

(pour les enfants majeurs et encore à

charge : cocher la résidence de fait)

Lieu de résidence demandé en appel

par la mère / par le père

114

Page 379: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

379

Var Libellé variable Nom variable

134 ceee_PI_identiq 0 Pas de CEEE fixée

1 Sous forme de pension alimentaire (PA)

2En nature (prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant,

droit d'usage et d'habitation, abandon de biens en usufruit, etc.)

3 Sous forme de PA et en nature

deb_PI_identiq 1 Père

2 Mère

3 Mère ET père

136

137Montant mensuel de PA par enfant fixé

et versé par père(136) / mère(137) -

Première Instance

MT_PI_identiq_P

MT_PI_identiq_M Montant mensuel en euros.

-9 = montant non précisé

debnat_PI_identiq 1 A la charge du père

2 A la charge de la mère

3 Partagés par moitié

4 Partagés au prorata des ressources

5 Autre cas de partage

139

140Montant mensuel en NATURE par

enfant fixé à la charge père / mère -

Première Instance

MTnat_PI_identiq_

P

MTnat_PI_identiq_

M

Montant mensuel en euros.

-9 = montant non précisé

0 Aucune information

1 Demande une CEEE

2 Offre une CEEE

CEEE demandée/offerte en appel 0 Aucune information

143 par la mère ceee_dmde_identiq

_mere1 Sous forme de pension alimentaire (PA)

144 par le père ceee_dmde_identiq

_pere2

En nature (prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant,

droit d'usage et d'habitation, abandon de biens en usufruit, etc.)

3 Sous forme de PA et en nature

145

146Montant mensuel de PA par enfant

demandé/offert en appel par père /

mère

MT_dmde_identiq_

PA_mere

MT_dmde_identiq_

PA_pere147

148Montant mensuel en NATURE par

enfant démandé/offert en appel à la

charge père / mère

MT_dmde_identiq_

nature_mere

MT_dmde_identiq_

nature_mere

149 Changement de débiteur - Appel

Si 149 = 1, servir 151 à 157 de la même

façon que pour la première instance ; Si

149 = 0, servir 150

Chgmt_deb_identiq 1

0

OUI (par ex : dans le cas d'un changement de résidence pour tous les

enfants en appel ; y compris quand la CEEE a été fixée à "0" en appel pour

le nouveau débiteur)

NON

1 Augmente le montant de la CEEE

11 Augmente le montant de la CEEE et en modifie la forme

2 Confirme le montant de la CEEE

22 Confirme le montant de la CEEE et en modifie la forme

3 Diminue le montant de la CEEE

33 Diminue le montant de la CEEE et en modifie la forme

4 Sans objet (enfants majeurs et autonomes)

5 Fixe un montant de CEEE pour la première fois en appel

6 Suppression de la CEEE

151 ceee_CA_identiq 0 Pas de CEEE fixée

1 Sous forme de pension alimentaire (PA)

2En nature (prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant,

droit d'usage et d'habitation, abandon de biens en usufruit, etc.)

3 Sous forme de PA et en nature

deb_CA_identiq 1 Père

2 Mère

3 Mère ET père

153

154Montant mensuel de PA par enfant fixé

et versé par père / mère - Appel

MT_CA_identiq_P

MT_CA_identiq_MMontant mensuel en euros.

-9 = montant non précisé

debnat_CA_identiq 1 A la charge du père

2 A la charge de la mère

3 Partagés par moitié

4 Partagés au prorata des ressources

5 Autre cas de partage

156

157Montant mensuel en NATURE par

enfant fixé à la charge père / mère -

Appel

MTnat_CA_identiq_

P

MTnat_CA_identiq_

M

Montant mensuel en euros.

-9 = montant non précisé

158 ceee_identiq_finan

ce_pereModification de la situation financière du père

159 ceee_identiq_finan

ce_mereModification de la situation financière de la mère

160 ceee_identiq_finan

ce_cpleModification de la situation financière des deux parents

161 ceee_identiq_avis_

enfantPrise en compte de l'avis de l'enfant

162 ceee_identiq_enfan

t_majL'enfant devient majeur

163 ceee_identiq_acco

rd_cpleAccord des parents

164 ceee_identiq_revis

e_decisionMauvaise appréciation des juges

165 ceee_identiq_modif

_dvhModification du DVH

166 ceee_identiq_pasd

mde_piPas de CEEE demandée en PI

167 ceee_identiq_form

e_ceeeChangement de forme de la CEEE

168 ceee_identiq_sans

_motivAucune motivation explicite dans le dossier

169 ceee_identiq_other En clair Autre

Codes, modalités détaillées ou remarques

Réglements en NATURE fixés -

Première instance

Si 138 = 1, servir 139 ; Si 138 = 2, servir

140 ; Si 138 = 3, 4 ou 5, servir 139 et 140

CEEE fixée - Appel

135

138

152 Identité du débiteur de la PA fixée -

Appel

155 Réglements en NATURE fixés - Appel

150 Result_MT_identiq

Identité du débiteur de la PA fixée -

Première instance

Si 135 = 1, servir 136 ; Si 135 = 2, servir

137 ; Si 135 = 3, servir 136 et 137

Proposition en appel par la mère / par

le père

Si 141 OU 142 = 1 ou 2, servir 143 à 148

Les demandes et offres des parties d'un

montant nul doivent être saisies.

CEEE fixée - Première instance

Si 134 = 1 ou 3, servir 135, 136 et/ou 137

Si 134 = 2 ou 3, servir 138, 139 et/ou 140

Arguments avancés explicitement dans

les motivations du juge pour justifier un

changement de CEEE

Si 149 = 1 OU 150 ≠ 2

1 = Oui ;

vide sinon

Contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants (CEEE)

Décision du juge sur le montant fixé

relativement à la première instance -

Appel

Si 150 = 1, 11, 22, 3, ou 33, les variables

de montant (153, 154, 156, 157) s'affichent

en fonction de la décision de PI concernant

la CEEE ;

Si 150 = 5, servir 151 à 157 de la même

façon que pour la PI

Si la décision fixe des montants de CEEE différents selon les périodes (x€ du tant au tant et y€ à compter du …), retenir le dernier montant

figurant dans l'arrêt (ordre chronologique).

Si la décision donne un montant global, diviser par le nombre d'enfants concernés.

141

142

-9 = montant non précisé

0 = pas de demande/offre de CEEE ou proposition de suppression ou de

maintien d'absence de CEEE

Montant mensuel en € sans chiffre après la virgule (arrondi à l'entier

inférieur) ; diviser par le nombre d'enfants concernés si montant

global

ceee_iddmde_ident

iq_mere

ceee_iddmde_ident

iq_pere

Page 380: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

380

Var Libellé variable Nom variable

Lieu de résidenceLR_PI_enf1 1 Résidence alternée

2 Résidence chez la mère

3 Résidence chez le père

4 Résidence chez un tiers (par ex grand-parents)

5 Majeur(s) ayant sa (leur) propre résidence (résidence universitaire,

colocation, studio, etc.)

6 Non fixé en première instance

9 Non renseigné

0 Pas d'information

1 Résidence alternée

2 Résidence chez la mère

3 Résidence chez le père

4 Résidence chez un tiers (par ex grand-parents)

5 Sans objet (enfants majeurs)

LR_fait_enf1 1 Résidence alternée

2 Résidence chez la mère

3 Résidence chez le père

4 Résidence chez un tiers (par ex grand-parents)

5 Majeur(s) pour lequel (lesquels) la résidence de fait n'est pas déclarée

9 Non renseigné

Temps de résidenceTR_PI_enf1 1 Temps de résidence alterné

2 Temps de résidence classique élargi (par ex : classique + mercredi)

3Temps de résidence classique (un week-end sur deux et la moitié des

vacances scolaires)

4Temps de résidence classique réduit (par ex : classique sans le samedi,

moins de jours durant les vacances, etc.)

5 Temps de résidence non déterminé (libre)

6 Pas de droit de visite octroyé au débiteur

7 Sans objet (enfants majeurs)

8 Non fixé en première instance

9 Non renseigné

0 Pas d'information

1 Temps de résidence alterné

2 Temps de résidence classique élargi (par ex : classique + mercredi)

3Temps de résidence classique (un week-end sur deux et la moitié des

vacances scolaires)

4Temps de résidence classique réduit (par ex : classique sans le samedi,

moins de jours durant les vacances, etc.)

5 Temps de résidence non déterminé (libre)

6 Pas de droit de visite octroyé à l'autre parent

7 Sans objet (enfants majeurs)

TR_enf1 1 Temps de résidence alterné

2 Temps de résidence classique élargi (par ex : classique + mercredi)

3Temps de résidence classique (un week-end sur deux et la moitié des

vacances scolaires)

4Temps de résidence classique réduit (par ex : classique sans le samedi,

moins de jours durant les vacances, etc.)

5 Temps de résidence non déterminé (libre)

6 Pas de droit de visite octroyé au débiteur

7 Sans objet (enfants majeurs)

9 Non renseigné

178 dvh_enf1_finance_

pereModification de la situation financière du père

179 dvh_enf1_finance_

mereModification de la situation financière de la mère

180 dvh_enf1_finance_

cpleModification de la situation financière des deux parents

181 dvh_enf1_avis_enf

antPrise en compte de l'avis de l'enfant

182 dvh_enf1_enfant_m

ajL'enfant devient majeur

183 dvh_enf1_accord_

cpleAccord des parents

184 dvh_enf1_risque_p

ereComportement à risque du père

185 dvh_enf1_risque_m

ereComportement à risque de la mère

186 dvh_enf1_rapproch

mt_geoRapprochement géographique des parents

187 dvh_enf1_eloignmt

_geoEloignement géographique des parents

188 dvh_enf1_rupture_li

en_pereRupture de la relation entre le père et l'enfant

189 dvh_enf1_rupture_li

en_mereRupture de la relation entre la mère et l'enfant

190 dvh_enf1_reprise_li

en_pereReprise de contact entre le père et l'enfant

191 dvh_enf1_reprise_li

en_mereReprise de contact entre la mère et l'enfant

192 dvh_enf1_sans_mo

tivAucune motivation explicite dans le dossier

193 dvh_enf1_other En clair Autre

1 = Oui ;

vide sinon

175

176Temps de résidence demandé en

appel par la mère / par le père

TR_dmde_enf1_M

TR_dmde_enf1_P

177 Temps de résidence fixé - Appel

Débiteur = celui chez lequel l'enfant n'a pas

sa résidence principale et doit donc

contribuer, même s'il est dispensé en raison

de moyens insuffisants, OU celui qui

contribue alors que la résidence est alternée

Arguments avancés explicitement dans

les motivations du juge pour justifier un

changement de lieu et/ou de temps de

résidence entre la première instance et

l'appel

Si 170 ≠ 173 OU 174 ≠ 177

171

172Lieu de résidence demandé en appel

par la mère / par le père

LR_dmde_enf1_M

LR_dmde_enf1_P

173 Lieu de résidence fixé - Appel

(pour les enfants majeurs et encore à

charge : cocher la résidence de fait)

174 Temps de résidence fixé - Première

Instance

Débiteur = celui chez lequel l'enfant n'a pas

sa résidence principale et doit donc

contribuer, même s'il est dispensé en raison

de moyens insuffisants, OU celui qui

contribue alors que la résidence est alternée

Codes, modalités détaillées ou remarques

VIII.2. Mesures prises - ENFANT RANG 1 (à N, en fonction du nombre d'enfants)

CAS 2 : Des dispositions sont différentes pour un ou plusieurs enfants en appel OU les dispositions sont

identiques pour l'ensemble de la fratrie en appel, mais étaient différentes en première instance pour un ou

plusieurs enfants OU les enfants sont à la fois mineurs et majeursRESIDENCE - Enfant rang 1

170 Lieu de résidence fixé - Première

Instance

(pour les enfants majeurs et encore à

charge : cocher la résidence de fait)

Page 381: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

381

Var Libellé variable Nom variable

ceee_PI_enf1 0 Pas de CEEE fixée

1 Sous forme de pension alimentaire (PA)

2En nature (prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant,

droit d'usage et d'habitation, abandon de biens en usufruit, etc.)

3 Sous forme de PA et en nature

deb_PI_enf1 1 Père

2 Mère

3 Mère ET père

196

197Montant mensuel de PA par enfant fixé

et versé par père(196) / mère(197) -

Première Instance

MT_PI_enf1_P

MT_PI_enf1_M Montant mensuel en euros.

-9 = montant non précisé

debnat_PI_enf1 1 A la charge du père

2 A la charge de la mère

3 Partagés par moitié

4 Partagés au prorata des ressources

5 Autre cas de partage

199

200Montant mensuel en NATURE par

enfant fixé à la charge père / mère -

Première Instance

MTnat_PI_enf1_P

MTnat_PI_enf1_M Montant mensuel en euros.

-9 = montant non précisé

0 Aucune information

1 Demande une CEEE

2 Offre une CEEE

CEEE demandée/offerte en appel 0 Aucune information

203 par la mère ceee_dmde_enf1_

mere1 Sous forme de pension alimentaire (PA)

204 par le père ceee_dmde_enf1_

pere2

En nature (prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant,

droit d'usage et d'habitation, abandon de biens en usufruit, etc.)

3 Sous forme de PA et en nature

205

206Montant mensuel de PA par enfant

demandé/offert en appel par père /

mère

MT_dmde_enf1_PA

_mere

MT_dmde_enf1_PA

_pere

207

208Montant mensuel en NATURE par

enfant démandé/offert en appel à la

charge père / mère

MT_dmde_enf1_nat

ure_mere

MT_dmde_enf1_nat

ure_mere

209 Changement de débiteur - Appel

Si 209 = 1, servir 211 à 217 de la même

façon que pour la première instance ; Si

209 = 0, servir 210

Chgmt_deb_enf1 1

0

OUI (par ex : dans le cas d'un changement de résidence pour tous les

enfants en appel ; y compris quand la CEEE a été fixée à "0" en appel pour

le nouveau débiteur)

NON

1 Augmente le montant de la CEEE

11 Augmente le montant de la CEEE et en modifie la forme

2 Confirme le montant de la CEEE

22 Confirme le montant de la CEEE et en modifie la forme

3 Diminue le montant de la CEEE

33 Diminue le montant de la CEEE et en modifie la forme

4 Sans objet (enfants majeurs et autonomes)

5 Fixe un montant de CEEE pour la première fois en appel

6 Suppression de la CEEE

ceee_CA_enf1 0 Pas de CEEE fixée

1 Sous forme de pension alimentaire (PA)

2En nature (prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant,

droit d'usage et d'habitation, abandon de biens en usufruit, etc.)

3 Sous forme de PA et en nature

deb_CA_enf1 1 Père

2 Mère

3 Mère ET père

213

214Montant mensuel de PA par enfant fixé

et versé par père / mère - Appel

MT_CA_enf1_P

MT_CA_enf1_MMontant mensuel en euros.

-9 = montant non précisé

debnat_CA_enf1 1 A la charge du père

2 A la charge de la mère

3 Partagés par moitié

4 Partagés au prorata des ressources

5 Autre cas de partage

216

217Montant mensuel en NATURE par

enfant fixé à la charge père / mère -

Appel

MTnat_CA_enf1_P

MTnat_CA_enf1_M Montant mensuel en euros.

-9 = montant non précisé

218 ceee_enf1_finance

_pereModification de la situation financière du père

219 ceee_enf1_finance

_mereModification de la situation financière de la mère

220 ceee_enf1_finance

_cpleModification de la situation financière des deux parents

221 ceee_enf1_avis_en

fantPrise en compte de l'avis de l'enfant

222 ceee_enf1_enfant_

majL'enfant devient majeur

223 ceee_enf1_accord

_cpleAccord des parents

224 ceee_enf1_revise_

decisionMauvaise appréciation des juges

225 ceee_enf1_modif_

dvhModification du DVH

226 ceee_enf1_pasdmd

e_piPas de CEEE demandée en PI

227 ceee_enf1_forme_

ceeeChangement de forme de la CEEE

228 ceee_enf1_sans_m

otivAucune motivation explicite dans le dossier

229 ceee_enf1_other En clair Autre

215 Réglements en NATURE fixés - Appel

Arguments avancés explicitement dans

les motivations du juge pour justifier un

changement de CEEE

Si 209 = 1 OU 210 ≠ 2

1 = Oui ;

vide sinon

194

211

210 Décision du juge sur le montant fixé

relativement à la première instance -

Appel

Si 210 = 1, 11, 22, 3, ou 33, les variables

de montant (213, 214, 216, 217) s'affichent

en fonction de la décision de PI concernant

la CEEE ;

Si 210 = 5, servir 211 à 217 de la même

façon que pour la PI

Result_MT_enf1

CEEE fixée - Appel

212 Identité du débiteur de la PA fixée -

Appel

198 Réglements en NATURE fixés -

Première instance

Si 198 = 1, servir 199 ; Si 198 = 2, servir

200 ; Si 198 = 3, 4 ou 5, servir 199 et 200

201

202Proposition en appel par la mère / par

le père

Si 201 OU 202 = 1 ou 2, servir 203 à 208

Les demandes et offres des parties d'un

montant nul doivent être saisies.

ceee_iddmde_enf1

_mere

ceee_iddmde_enf1

_pere

-9 = montant non précisé

0 = pas de demande/offre de CEEE ou proposition de suppression ou de

maintien d'absence de CEEE

Montant mensuel en € sans chiffre après la virgule (arrondi à l'entier

inférieur) ; diviser par le nombre d'enfants concernés si montant

global

Contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants (CEEE) - Enfant rang 1

Si la décision fixe des montants de CEEE différents selon les périodes (x€ du tant au tant et y€ à compter du …), retenir le dernier montant

figurant dans l'arrêt (ordre chronologique).

Si la décision donne un montant global, diviser par le nombre d'enfants concernés.

CEEE fixée - Première instance

Si 194 = 1 ou 3, servir 195, 196 et/ou 197

Si 194 = 2 ou 3, servir 198, 199 et/ou 200

195 Identité du débiteur de la PA fixée -

Première instance

Si 195 = 1, servir 196 ; Si 195 = 2, servir

197 ; Si 195 = 3, servir 196 et 197

Codes, modalités détaillées ou remarques

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382

Var Libellé variable Nom variable

Le juge fait mention de faute faute 0 Aucune faute mentionnée dans la motivation

1 Faute du père mentionnée dans la motivation

2 Faute de la mère mentionnée dans la motivation

3 Fautes des deux parents mentionnées dans la motivation

0 Aucun comportement positif mentionné dans la motivation

1 Comportement positif du père mentionné dans la motivation

2 Comportement positif de la mère mentionné dans la motivation

3 Comportements positifs des deux parents mentionnés dans la motivation

bareme 1 Mention par le juge

2 Mention par les parties/avocats

0 Pas de mention du barème

653 Laissez tout commentaire qui vous

semble utile ci-dessous

commentaire Zone de texte permettant d'apporter toutes précisions utiles à la

compréhension du codage et des informations recueillies dans l'arrêt de

manière générale

Codes, modalités détaillées ou remarques

IX. Eventuels arguments du juge

Le juge fait mention d'un comportement

passé positif

Le document mentionne le barème (ou

table de référence)

comportemts_positi

fs

X. Commentaire

650

651

652

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383

Liste CA et numérotation du juge (mise à jour le 18/07/2017)

siege_ca CA Début numérotation juge

1 AGEN 1

2 AIX-EN-PROVENCE 50

3 AMIENS 100

4 ANGERS 150

5 BASSE-TERRE 200

6 BASTIA 250

7 BESANCON 300

8 BORDEAUX 350

9 BOURGES 400

10 CAEN 450

11 CHAMBERY 500

12 COLMAR 550

13 DIJON 600

14 DOUAI 650

15 FORT-DE-France 700

16 GRENOBLE 750

17 LIMOGES 800

18 LYON 850

19 METZ 900

20 MONTPELLIER 950

21 NANCY 1000

22 NIMES 1050

23 NOUMEA 1100

24 ORLEANS 1150

25 PAPEETE 1200

26 PARIS 1250

27 PAU 1300

28 POITIERS 1350

29 REIMS 1400

30 RENNES 1450

31 RIOM 1500

32 ROUEN 1550

33 SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION 1600

34 SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION (MAMOUDZOU) 1650

35 TOULOUSE 1700

36 VERSAILLES 1750

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384

Exemple : Arrêt Année de l'arrêt

Année de

naissance de

l'enfant

Année de l'arrêt

- Année de

naissance de

l'enfant

1 2014 1996 18

2 2015 1997 18

3 2016 1998 18

Comparer jour/mois arrêt et

jour/mois naissance pour

distinguer MINEUR/MAJEUR

si jour/mois naissance plus

récents que ceux de l'arrêtMINEUR

Arrêt du 5 février

2016, date de

naissance 10

avril 1998

n'a pas atteint

ses 18 ans le

jour de l'arrêt

si jour/mois naissance plus

anciens que ceux de l'arrêtMAJEUR

Arrêt du 5 février

2016, date de

naissance 1er

janvier 1998

A atteint ses 18

ans le jour de

l'arrêt

Si

Année de l'arrêt -

Année de naissance de

l'enfant

= 18 ans

Distinguer le mineur du majeur pour le codage des mesures prises lorsque "Année ARRET - Année NAISSANCE = 18"

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385

CAS 1 CAS 2► Vous serez automatiquement redirigez vers

la partie VIII.2. Mesures prises pour l'ensemble

de la fratrie, pour coder les rubriques 110 à 169

► Vous serez automatiquement redirigez vers

la partie VIII.2. Mesures prises - ENFANT RANG

1, pour coder les rubriques 170 et suivantes

TOUS LES ENFANTS SONT MINEURS

OU TOUS LES ENFANTS SONT

MAJEURS (à la condition que l'un des

parents soit créancier d'une CEEE)

LES ENFANTS SONT MINEURS ET

MAJEURS (à la condition que l'un des

parents soit créancier d'une CEEE)

OU

UNIQUEMENT ENFANTS MINEURS ET

mesures différentes selon les enfants

OU

UNIQUEMENT ENFANTS MAJEURS (à la

condition que l'un des parents soit

créancier d'une CEEE) ET mesures

différentes selon les enfants

Enregistrement en facteur

commun des 3 mesures

Enregistrement des 3 mesures par

enfant (du plus âgé, rang 1, au plus

jeune)

Lieu de résidence Lieu de résidence - Enfant rang 1 à N

Temps de résidence Temps de résidence - Enfant rang 1 à N

Montant CEEE Montant CEEE - Enfant rang 1 à N

► Instruction de codage pour les

enfants majeurs :

► Instruction de codage pour les

enfants majeurs :

ENFANTS ISSUS DU COUPLE ENCORE A CHARGE

ET toutes les mesures sont

identiques pour l'ensemble

des enfants en première

instance comme en appel

Lieu de résidence : Résidence de fait si déclarée

Temps de résidence : "Sans objet (enfants majeurs)"

Précision sur les parties VIII.1. et VIII.2. du questionnaire :

codage des mesures prises concernant les enfants issus du couple encore à charge

Enregistrement de l'année de naissance

et du genre pour chaque enfant

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386

OUI. Parmi les 3000 décisions mises à disposition, 2000 doivent être saisies.

Laisser de côté les décisions pour lesquelles vous avez un doute.

"Père ET mère" si :

- OU si l'une des partie relève appel incident de l'ensemble du jugement.

"Ordonnance JAF de NC" si :

- ordonnance de mise en état du JAF, qui intervient après une ONC.

- ordonnance de protection du JAF, qui intervient avant une ONC.

L'ARRET EST-IL DANS LE CHAMP DE L'ENQUETE ?

Consignes complémentaires de saisie

En général, sont dans le champ de l'étude les décisions qui statuent sur la CEEE à la suite d'un

contentieux entre les parents, y compris si la décision prévoit le versement de la CEEE entre les mains du

jeune majeur, si la décision est d'attribuer une CEEE nulle, ou encore s'il s'agit d'une confirmation de la CEEE

par effet dévolutif, le chef d'appel portant sur un autre point tel que la résidence des enfants.

Exemple de hors champ : décision statuant sur la contribution aux charges du mariage en englobant, sans les

distinguer, devoir de secour et CEEE.

DECISION ATTAQUEE

APPELANT

NATURE DE LA DECISION

- les deux parties sont identifiées comme suit : "Appelant(e), intimé(e) sur incident" et "Intimé(e),

appelant(e) sur incident",

Contradictoire : les parties étaient présentes au procès et ont fait valoir leurs moyens de défenses, donc le

jugement est inattaquable par opposition.

Réputé contradictoire : défaut de comparution du défendeur alors qu'il a été prévenu du procès, donc le

jugement est inattaquable par opposition mais il est possible de faire appel.

Par défaut : défaut de comparution du défendeur car il n'a pas été prévenu du procès, donc il est possible de

faire opposition au jugement.

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387

Hypothèse : revenus fournis = revenus annuels → diviser par 12

Hypothèse : revenus fournis sur plusieurs années → considérer l'année la plus récente

Par type de revenus :

1. Aucune information NI sur les revenus NI sur le statut d'activité des parties : "0" pour chaque type.

4. Montant global déclaré mais pas le type de revenus : "0" pour chaque type (et saisir le montant global).

MONTANT GLOBAL de revenus mensuels : à saisir dans deux cas uniquement

1. Si un montant global sans indication sur le type de revenus est mentionné dans la décision.

2. Si il est explicitement indiqué dans la décision que le parent concerné n'a pas de revenus.

→ Laisser à blanc (ne pas saisir) dans tous les autres cas.

Précisions sur les types de revenus :

● Revenus du travail = traitements et salaires, bénéfices commerciaux, etc.

Pour les indépendants, saisir 0 si les bilans sont négatifs.

● Revenus du capital = loyers perçus, dividendes, intérêts, etc.

RSA

ASS (Allocation de Solidarité Spécifique)

AAH (Allocation Adultes Handicapés)

AV (Allocation veuvage)

ASI (Allocation Supplémentaire d'Invalidité)

PTS (Prime Transitoire de solidarité)

ATA (Allocation Temporaire d'Attente)

ASI (Allocation supplémentaire d'invalidité)

ADA (Allocation pour les Demandeurs d'Asile)

Allocation Familiale (AF)

Allocation de Soutien Familial (ASF)

Prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE)

Complément de libre choix d’activité (CLCA) ou prestation partagée d’éducation de l’enfant (PREPAREE)

Allocation journalière de présence parentale (AJPP)

Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH)

Prime à la naissance

Prime à l'adoption

Allocation de rentrée scolaire (ARS)

Allocations logement (ALF, allocation de logement familiale ; ALS, allocation de logement sociale)

Aide personnalisée au logement (APL)

2. Type de revenus et montants déclarés : saisir les revenus concernés avec les montants associés ; "0"

pour les autres.

5. Pas de revenus (explicitement indiqué dans la décision) : "0" pour chaque type (et saisir "0" pour le

montant global).

REVENUS

3. Type de revenus déclarés mais pas les montants : saisir les revenus concernés à "-9" (= non

déclarés) y compris lorsqu'on a uniquement une information sur le statut d'activité ; "0" pour les autres.

Allocations minimum vieillesse (ASV, Allocation Supplémentaire Vieillesse ; ASPA, Allocation de

Solidarité aux Personnes Agées)

● Revenus de remplacement du travail = Indemnités chômage, prestations en espèce de l’assurance

maladie (pensions liées à la maladie, l'invalidité ou un accident du travail), congés formation, retraites.

● Revenus minima sociaux =

● Prestations sociales hors minima sociaux = aides versées à la famille.

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388

Le juge émet des doutes sur les revenus déclarés :

Enfants issus du couple encore à charge =

MINEURS

= Demande(s) principale(s), demande(s) subsidiaire(s) uniquement si le juge statue.

Lieu de résidence et/ou Temps de résidence :

1. Mesures attaquées en appel et demandes exprimées explicitement : saisir les demandes des parties.

CEEE :

● Différencier demandeur et offreur :

- Principe général : le demandeur est le parent hébergeant et l'offreur le parent non hébergeant.

- Exceptions :

1. En cas de résidence alternée, la demande et le versement d'une CEEE est possible.

→ un demandeur et un offreur OU deux demandeurs

2. La CEEE est versée directement dans les mains de l'enfant majeur.

→ deux offreurs (donc deux débiteurs)

● Demande/Offre de CEEE :

« Monsieur […] ne justifie pas de ses revenus actuels »

Ne pas oublier de respecter ce principe général lorsqu'il y a changement de parent hébergeant et donc de

débiteur en appel.

2. Mesures attaquées en appel et pas d'information sur demande/offre : cocher "Aucune information".

« M. ne produit pas d’éléments récents sur sa situation financière alors même que du fait de l’effet dévolutif

de l’appel, il aurait dû la réactualiser »

« ne produit pas l’avis d’imposition »

Exemples :

CHARGES

3. Mesures attaquées en appel et demande de l'une des parties (l'autre ne se prononce pas ou ne

s'oppose pas) : considérer que les parents sont d'accord donc saisir les même demandes.

3. Mesures attaquées en appel et demande/offre de l'une des parties (l'autre ne se prononce pas ou

ne s'oppose pas) : considérer que les parents sont d'accord donc saisir la demande et l'offre à l'identique.

Exemples "Autres charges " :

● Prêts indéterminés

● Frais pour enfant(s) d'une autre union à charge

ENFANTS A CHARGE

4. Mesures attaquées en appel et demande/offre d'un montant nul (le parent hébergeant ne

demande rien/le parent débiteur ne souhaite pas verser de PA) : cocher CEEE demandée/offerte en

appel "sous forme de pension alimentaire (PA)" et saisir un montant nul dans la zone correspondante.

1. Mesure attaquée en appel et demande/offre exprimées explicitement : cocher et saisir les montants

de demande/offre des parties.

+ MAJEURS pour lesquels il est indiqué clairement qu'ils sont encore à charge OU dès lors qu'ils sont

concernés par le litige

Le juge indique qu’il a des doutes sur les revenus des époux ou il rappelle que les époux n’ont pas actualisé

leurs revenus.

DEMANDE DES PARTIES

4. Mesures non attaquées en appel et demande de confirmation : considérer que les parents sont

d'accord donc saisir les mêmes demandes = décision en première instance = décision confirmée en appel.

2. Mesures attaquées en appel et pas d'information sur les demandes : cocher "Pas d'information".

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389

Temps de résidence (Droit de Visite et d'Hébergement - DVH) classique = 52 + 56 = 108 jours par an

Raisonnement :

- un week-end sur deux = 2 jours * 26 semaines = 52 jours par an

- la moitié des vacances scolaires = (16 semaines * 7 jours) / 2 = 112 jours / 2 = 56 jours par an

Vacances scolaires en semaines = 2 à la Toussaint + 2 à Noël + 2 en hiver + 2 au printemps + 8 en été = 16

"Réserver" le DVH signifie

Règles d'écriture :

- Ne pas utiliser les virgules.

- Eviter d'utiliser les accents.

- Quelques signes de ponctuation autorisés = point-virgule, parenthèses, deux-points, slash.

COMMENTAIRE

- soit suspendre = pas d'information (exemple CA Angers, n°144 : DVH non fixé jusqu'à ce que Monsieur

en fasse la demande)

- soit supprimer = pas de DVH (exemple CA Rouen, n°735 : Madame demande à ce que Monsieur ne

puisse plus exercer de DVH)

Cet zone de texte peut contenir toute sorte de commentaires jugés utiles : information incertaine, précisions sur

données pouvant paraître suspectes, etc.

TEMPS DE RESIDENCE

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390

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391

Annexe 3.H : à propos de la pondération des bases de données de décisions de cours d’appel

Pour tenter de tenir compte des effets de structure (c’est-à-dire du fait que les affaires venant en appel en 2008 et en 2016 ne sont pas structurellement les mêmes) et donc d’éviter que la comparaison entre les deux périodes ne dépendante trop de ces effets de structure (car nous cherchons à identifier un effet du barème net d’effets de structure), nous avons mis en œuvre un jeu de pondérations de manière à faire correspondre la structure des affaires de 2016 sur celle de 2008. Ce jeu de pondération tient compte simultanément des structures statistiques de trois variables importantes dans nos analyses, puisqu’il s’agit des paramètres de la table de référence du Ministère de la Justice (la taille de la fratrie, le type de DVH, le revenu du parent débiteur) auxquelles nous avons ajouté une quatrième variable de pondération du fait de son importance, nous semble-t-il, dans la logique de détermination du montant de CEEE : l’identité (père ou mère) du débiteur de CEEE.

La présente annexe présente le résultat produit par cette pondération (construite à partir du programme spécialisé CALMAR développé par l’INSEE) sur les variables. La comparaison entre structure pondérée et structure non pondérée montre dans quelle mesure le jeu de pondération optimal permet de corriger les effets de structure (grande proximité entre 2008 et 2016 dans la version pondérée, alors que ce n’est pas forcément le cas en valeur non pondérée). Nous avons également ajouté un tableau (3.H-4) montrant l’impact de la pondération sur les variables qui font l’objet principal de nos analyses : montant de CEEE fixé par le juge, d’offre de CEEE du parent débiteur et de demande de CEEE du parent créancier.

Tableau 3.H-1 : effet de la pondération sur la structure statistique du type de DVH

Non pondéré Pondéré

2008

Majeurs 19,5 19,5

Alternance 4,3 4,3

Réduit 11,5 11,5

Classique 64,8 64,8

Total 100,0 100,0

1016

Majeurs 20,9 20,0

Alternance 8,4 5,5

Réduit 24,2 15,5

Classique 46,5 58,9

Total 100,0 100,0

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA.

Tableau 3.H-2 : effet de la pondération sur la structure statistique de l’identité du débiteur

Non pondéré Pondéré

2008

Père débiteur 90,1 90,1

Mère débitrice 9,9 9,9

Total 100,0 100,0

2016

Père débiteur 89,1 89,1

Mère débitrice 10,9 10,9

Total 100,0 100,0 Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA.

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392

Tableau 3.H-3 : effet de la pondération sur la structure statistique de la taille de la fratrie

Non pondéré Pondéré

2008

1 23,6 23,6

2 42,1 42,1

3 24,4 24,4

4 7,3 7,3

5 2,1 2,1

6 0,6 0,6

Total 100,0 100,0

2016

1 23,2 23,2

2 42,6 42,6

3 24,0 24,0

4 7,5 7,5

5 2,2 2,2

6 0,6 0,6

7 0,0 0,0

Total 100,0 100,0

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA.

Tableau 3.H-4 : effet de la pondération sur la distribution statistique de du revenu du débiteur et des montants de CEEE fixée, d’offre et de demande

NON PONDERE Minimum Maximum Moyenne Ecart type

2008

Revenus du parent débiteur 0 49871,41 2400,73 2961,77

CEEE 0 2148,15 186,16 192,37

Offre du parent débiteur 0 1611,11 105,45 149,53

Demande du parent créancier 0 4311,15 283,04 284,73

2016

Revenus du parent débiteur 0 34000,00 2463,53 2510,43

CEEE 0 2000,00 153,94 172,58

Offre du parent débiteur 0 2000,00 92,39 134,25

Demande du parent créancier 0 3000,00 247,37 235,43

PONDERE Minimum Maximum Moyenne Ecart type

2008

Revenus du parent débiteur 0 49871,41 2400,73 2961,77

CEEE 0 2148,15 186,16 192,37

Offre du parent débiteur 0 1611,11 105,45 149,53

Demande du parent créancier 0 4311,15 283,04 284,73

2016

Revenus du parent débiteur 0 34000,00 2655,81 2785,08

CEEE 0 2000,00 167,92 185,23

Offre du parent débiteur 0 2000,00 102,82 144,79

Demande du parent créancier 0 3000,00 264,54 250,16

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA.

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393

Annexe 3.I : moyennes et écarts-types de CEEE calculés pour l’ensemble des enfants

Tableau 3.58-bis : moyennes et écarts-types de CEEE calculés pour l’ensemble des enfants Moyennes Ecarts-types

2008 2016 2008 2016

Un enfant Deux enfants Trois enfants Quatre enfants

199 214 180 185

180# 183*** 154* 119***

188 215 268 197

198 196 149* 136**

DVH « réduit » DVH « classique » DVH « alternance » DVH « majeurs »

148 199 164 215

138 173*** 141 192

149 181 232 327

160 176 172 219*

Co

up

les

de

re

ven

us

Père : [1 400 – 1 750] ; Mère : [1 200 – 1 750] Père : [1 750 – 2 500] ; Mère : [700 – 1 200] Père : [700 – 1 400] ; Mère : [1 – 700] Père : [2 550 et +] ; Mère : [1 – 700] Père : [700 – 1 400] ; Mère : [700 – 1 200] Père : [1 400 – 1 750] ; Mère : [700 – 1 200] Père : [2 550 et +] ; Mère : [700 – 1 200] Père : [700 – 1 400] ; Mère : [1 200 – 1 750] Père : [1 750 – 2 500] ; Mère : [1 200 – 1 750] Père : [2 550 et +] ; Mère : [1 200 – 1 750] Père : [2 550 et +] ; Mère : [1 750 – 2 000] Père : [2 550 et +] ; Mère : [2 000 – 3 000] Père : [2 550 et +] ; Mère : [3 000 et +] Père : [700 – 1 400] ; Mère : [1 – 700] Père : [1 – 700] ; Mère : [700 – 1 200] Père : [1 750 – 2 500] ; Mère : [2 000 – 3 000]

149 94 157 313 115 125 287 119 164 280 300 385 536 116 87 202

94*** 77* 74 283 73*** 118 259 68*** 126*** 284 225** 304** 339*** 115 57 193

88 94 334 177 102 70 206 77 79 152 155 307 361 108 85 108

47*** 77 72** 192 80 54* 181 54 85 189 151 207* 244** 74 87 234

Co

up

les

de

pro

po

siti

on

s

Père : [120 – 180] ; Mère : [180 – 220] Père : [60 – 120] ; Mère : [220 – 400] Père : [0 – 0] ; Mère : [100 – 180] Père : [?] ; Mère : [100 – 180] Père : [0 – 0] ; Mère : [0 – 0] Père : [0 – 0] ; Mère : [1 – 100] Père : [1 – 60] ; Mère : [100 – 180] Père : [60 – 120] ; Mère : [100 – 180] Père : [0 – 0] ; Mère : [180 – 220] Père : [60 – 120] ; Mère : [180 – 220] Père : [0 – 0] ; Mère : [220 – 400] Père : [120 – 180] ; Mère : [220 – 400] Père : [180 et +] ; Mère : [220 – 400] Père : [0 – 0] ; Mère : [400 et +] Père : [120 – 180] ; Mère : [400 et +] Père : [180 et +] ; Mère : [400 et +] Père : [1 – 60] ; Mère : [1 – 100] Père : [120 – 180] ; Mère : [100 – 180] Père : [?] ; Mère : [220 – 400 Père : [60 – 120] ; Mère : [400 et +]]

170 193 81 113 12 42 105 117 120 154 147 215 268 390 310 521 63 148 237 326

164 181 59*** 104 14 33* 83*** 111# 77*** 141* 146 214 236*** 282** 292 491 49*** 134* 206* 233*

30 70 53 39 38 37 40 26 72 42 102 51 61 355 109 263 22 13 71 173

35 74 57*** 44 40 35 30* 36*** 79** 46* 117* 75*** 72 247# 115 259 26 36* 61 137*

Ensemble 198 167*** 222 181* Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez le père. Guide de lecture : *** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 1% ; * : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 5% ; # : différence « 2016 – 2008 » significative au seuil de 10%.

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394

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395

Annexe 3.J : la table de référence indicative du Ministère de la Justice pour fixer les CEEE

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396

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397

Annexe 3.K : structures de l’échantillon pour quelques variables-clés selon le champ

Tableau 3.K-1 : taille de la fratrie

(1) (2) (3) (4) (5) (6)

N % N % N % N % N % N %

2008

1 749 42,7 749 42,7 650 42,1 598 42,3 600 42,2 563 42,1

2 664 37,9 664 37,9 587 38,0 532 37,6 542 38,1 506 37,9

3 265 15,1 265 15,1 237 15,3 218 15,4 219 15,4 208 15,6

4 60 3,4 60 3,4 55 3,6 51 3,6 48 3,4 46 3,4

5 12 0,7 12 0,7 12 0,8 12 0,8 10 0,7 10 0,7

6 3 0,2 3 0,2 3 0,2 3 0,2 3 0,2 3 0,2

Total 1753 100,0 1753 100,0 1544 100,0 1414 100,0 1422 100,0 1336 100,0

2016

1 760 43,8 723 43,6 550 42,3 524 42,2 536 42,8 513 42,7

2 672 38,7 648 39,1 522 40,2 501 40,3 500 39,9 481 40,0

3 220 12,7 209 12,6 168 12,9 161 13,0 159 12,7 152 12,6

4 56 3,2 52 3,1 42 3,2 41 3,3 41 3,3 40 3,3

5 16 0,9 16 1,0 12 0,9 12 1,0 12 1,0 12 1,0

6 9 0,5 9 0,5 5 0,4 4 0,3 5 0,4 4 0,3

7 2 ,1

9 1 ,1

Total 1736 100,0 1657 100,0 1299 100,0 1243 100,0 1253 100,0 1202 100,0

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. (1) : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; enfant hébergé à titre principal chez la mère. (2) : idem que (1) mais exclusion en cas de DVH manquant et en cas de fratrie de taille supérieure à six. (3) : idem que (2) mais exclusion des cas où le montant de revenu du parent débiteur est manquant. (4) : idem que (3) mais exclusion des cas où le montant de l’offre du parent débiteur est manquant. (5) : idem que (3) mais exclusion des cas où le montant de la demande du parent créancier est manquant. (6) : idem que (5) mais exclusion des cas où le montant de l’offre du parent débiteur est manquant.

Tableau 3.K-2 : droit de visite et d’hébergement (DVH)

(1) (2) (3) (4) (5) (6)

N % N % N % N % N % N %

2008

Majeur 351 20,0 351 20,0 303 19,6 286 20,2 277 19,5 267 20,0

Alternance 78 4,4 78 4,4 71 4,6 67 4,7 65 4,6 64 4,8

Réduit 221 12,6 221 12,6 189 12,2 177 12,5 172 12,1 165 12,4

Classique 1103 62,9 1103 62,9 981 63,5 884 62,5 908 63,9 840 62,9

Total 1753 100,0 1753 100,0 1544 100,0 1414 100,0 1422 100,0 1336 100,0

2016

Indéterminé 76 4,4

Majeur 330 19,0 330 19,9 255 19,6 246 19,8 249 19,9 241 20,0

Alternance 154 8,9 154 9,3 116 8,9 115 9,3 114 9,1 113 9,4

Réduit 418 24,1 416 25,1 317 24,4 298 24,0 301 24,0 282 23,5

Classique 758 43,7 757 45,7 611 47,0 584 47,0 589 47,0 566 47,1

Total 1736 100,0 1657 100,0 1299 100,0 1243 100,0 1253 100,0 1202 100,0

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. (1) : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant hébergé à titre principal chez la mère. (2) : idem que (1) mais exclusion en cas de DVH manquant et en cas de fratrie de taille supérieure à six. (3) : idem que (2) mais exclusion des cas où le montant de revenu du parent débiteur est manquant. (4) : idem que (3) mais exclusion des cas où le montant de l’offre du parent débiteur est manquant. (5) : idem que (3) mais exclusion des cas où le montant de la demande du parent créancier est manquant. (6) : idem que (5) mais exclusion des cas où le montant de l’offre du parent débiteur est manquant.

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398

Tableau 3K.3 : Contribution à l’Entretien et l’Education de l’Enfant (CEEE)

N Minimum Maximum Moyenne Ecart type

2008

(1) 1753 0 4296,30 201,19 219,19

(2) 1753 0 4296,30 201,19 219,19

(3) 1544 0 2148,15 202,97 197,31

(4) 1414 0 2148,15 204,22 202,59

(5) 1422 0 2148,15 206,50 194,55

(6) 1336 0 2148,15 206,96 198,51

2016

(1) 1736 0 2000,00 176,37 190,70

(2) 1657 0 2000,00 177,84 192,80

(3) 1299 0 2000,00 178,61 190,83

(4) 1243 0 2000,00 178,52 193,56

(5) 1253 0 2000,00 180,69 192,51

(6) 1202 0 2000,00 181,34 195,46

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. (1) : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant hébergé à titre principal chez la mère. (2) : idem que (1) mais exclusion en cas de DVH manquant et en cas de fratrie de taille supérieure à six. (3) : idem que (2) mais exclusion des cas où le montant de revenu du parent débiteur est manquant. (4) : idem que (3) mais exclusion des cas où le montant de l’offre du parent débiteur est manquant. (5) : idem que (3) mais exclusion des cas où le montant de la demande du parent créancier est manquant. (6) : idem que (5) mais exclusion des cas où le montant de l’offre du parent débiteur est manquant.

Tableau 3K.4 : Revenu du parent débiteur en euros 2016

N Minimum Maximum Moyenne Ecart type

2008

(1) 1544 0 49871,41 2448,02 3059,53

(2) 1544 0 49871,41 2448,02 3059,53

(4) 1414 0 49871,41 2470,20 3160,22

(5) 1422 0 49871,41 2493,95 3143,79

(6) 1336 0 49871,41 2514,40 3219,97

2016

(1) 1364 0 34000,00 2509,28 2608,57

(2) 1299 0 34000,00 2543,40 2647,51

(4) 1243 0 34000,00 2551,76 2662,62

(5) 1253 0 34000,00 2559,87 2659,29

(6) 1202 0 34000,00 2581,90 2695,37

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. (1) : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant hébergé à titre principal chez la mère ; montants de revenus du débiteur manquants exclus. (2) : idem que (1) mais exclusion en cas de DVH manquant et en cas de fratrie de taille supérieure à six. (4) : idem que (2) mais exclusion des cas où le montant de l’offre du parent débiteur est manquant. (5) : idem que (2) mais exclusion des cas où le montant de la demande du parent créancier est manquant. (6) : idem que (5) mais exclusion des cas où le montant de l’offre du parent débiteur est manquant.

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399

Tableau 3K.5 : Offre du parent débiteur en euros 2016

N Minimum Maximum Moyenne Ecart type

2008

(1) 1608 0 2685,19 111,58 163,22

(2) 1608 0 2685,19 111,58 163,22

(3) 1414 0 1611,11 115,62 154,67

(6) 1336 0 1611,11 118,40 155,15

2016

(1) 1641 0 2000,00 100,11 149,84

(2) 1571 0 2000,00 101,34 151,44

(3) 1243 0 2000,00 105,40 150,59

(6) 1202 0 2000,00 106,79 152,05

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. (1) : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant hébergé à titre principal chez la mère ; montants d’offre manquants exclus. (2) : idem que (1) mais exclusion en cas de DVH manquant et en cas de fratrie de taille supérieure à six. (3) : idem que (2) mais exclusion des cas où le montant de revenu du parent débiteur est manquant. (6) : idem que (3) mais exclusion des cas où le montant de la demande du parent crénacier est manquant.

Tableau 3K.6 : Demande du parent créancier en euros 2016

N Minimum Maximum Moyenne Ecart type

2008

(1) 1606 0 4311,15 302,78 289,52

(2) 1606 0 4311,15 302,78 289,52

(3) 1422 0 4311,15 307,66 290,37

(6) 1336 0 4311,15 309,54 296,94

2016

(1) 1665 0 3000,00 278,84 265,34

(2) 1596 0 3000,00 282,05 269,20

(3) 1253 0 3000,00 282,82 269,85

(6) 1202 0 3000,00 285,45 274,33

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. (1) : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; l’enfant hébergé à titre principal chez la mère, montants de demande manquants exclus. (2) : idem que (1) mais exclusion en cas de DVH manquant et en cas de fratrie de taille supérieure à six. (3) : idem que (2) mais exclusion des cas où le montant de revenu du parent débiteur est manquant. (6) : idem que (3) mais exclusion des cas où le montant de l’offre du parent débiteur est manquant.

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401

Annexe 3.L : indicateurs d’écarts au barème simulé lorsque le revenu mensuel du parent débiteur est compris en 700€ et 5 000€

Tableau 3.59-bis : statistiques sur l’écart entre le montant suggéré par le barème et le montant de CEEE fixé en appel

Base « 2008 »

Base « 2016 »

Non pondérée Pondéré

Ecart en euros Effectifs Moyenne Médiane % d’écarts négatifs Moyenne des écarts négatifs % d’écarts positifs Moyenne des écarts positifs

1 258

6€ 9€

45,4% -80€

54,6% 77€

1 068

-32€ *** -26€

65,6% -84€

34,4% 67€

1 068

-28€ *** -23€

63,3% -83€

36,7% 66€

Ecart en valeur absolue Effectifs Moyenne Médiane

1 258 78€ 52€

1 068 79€ 51€

1 068 77€ 48€

Ecart relatif Effectifs Moyenne Médiane % d’écarts négatifs Moyenne des écarts négatifs % d’écarts positifs Moyenne des écarts positifs

1 258 25% 6%

45,4% -40%

54,6% 79%

1 068

-5% *** -16% 65,6%

-45% ** 34,4% 70%

1 068

-3% *** -13% 63,3% -43% * 36,7% 68%

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; montants de revenus mensuels du parent débiteur appartenant à l’intervalle [700 ; 5 000] ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Guide de lecture : *** : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence significative au seuil de 1%

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402

Tableau 3.60-bis : statistiques sur l’écart entre le montant suggéré par le barème et le montant d’offre ou de demande

Offre demande

Base « 2008 » Base « 2016 » Base « 2008 » Base « 2016 »

Ecart en euros Effectifs Moyenne Médiane % d’écarts négatifs Moyenne des écarts négatifs % d’écarts positifs Moyenne des écarts positifs

1 1145

-74€ -6€

78,3% -113€ 21,7%

64€

1 021

-101€ *** -71€

86,8% -125€ **

13,2% 57€

1 162 93€ 63€

21,9% -71€

78,1% 139€

1 024

52€ *** 34€

33,0% -73€

67,0% 114€ ***

Ecart en valeur absolue Effectifs Moyenne Médiane

1 145 97€ 54

1 021 99€ 53€

1 162 124€ 85€

1 024

100€ *** 63€

Ecart relatif Effectifs Moyenne Médiane % d’écarts négatifs Moyenne des écarts négatifs % d’écarts positifs Moyenne des écarts positifs

1 145 -35% -44% 78,3% -64% 21,7% 74%

1 021

-49% *** -60% 86,8% -67% 13,2% 71%

1 162 90% 48%

21,9% -32% 78,1% 125%

1 024

64% *** 23%

33,0% -29% 67,0%

110% # Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; montants d’offre ou de demande manquants exclus ; montants de revenus mensuels du parent débiteur appartenant à l’intervalle [700 ; 5 000] ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Guide de lecture : *** : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 1% ; * : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 5% ; # : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 10%.

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403

Tableau 3.60-ter : statistiques sur l’écart entre le montant suggéré par le barème et le montant d’offre ou de demande (échantillon total)

Offre demande

Base « 2016 » non-pondérée

Base « 2016 » pondérée

Base « 2016 » Non-pondérée

Base « 2016 » pondérée

Ecart en euros Effectifs Moyenne Médiane % d’écarts négatifs Moyenne des écarts négatifs % d’écarts positifs Moyenne des écarts positifs

1 245

-137€ * -81€

81,8% -177€ 12,8%

61€

1 245

-145€ ** -81€

81,4% -189€ 13,2%

60€

1 254

40€ *** 38€

33,6% -138€ 66,3%

130€ **

1 254

36€ *** 38€

33,3% -156€ 66,6% 132€ *

Ecart en valeur absolue Effectifs Moyenne Médiane

1 245 129€ 56€

1 245 120€ 55€

1 254

132€ * 42€

1 254 140€ 80€

Ecart relatif Effectifs Moyenne Médiane % d’écarts négatifs Moyenne des écarts négatifs % d’écarts positifs Moyenne des écarts positifs

1 165

-44% * -60% 87,4% -68% 12,6% 118%

1 165

-43% * -58% 87,4% -66% 13,1% 114%

1 176 199% 19%

35,8% -31%

64,2% 326%

1 176 243% 19%

35,4% -30% 64,6% 393%

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; montants d’offre ou de demande manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Guide de lecture : *** : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 1% ; * : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 5% ; # : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 10%.

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404

Tableau 3.60-quater : statistiques sur l’écart entre le montant suggéré par le barème et le montant d’offre ou de demande (échantillon limité aux affaires avec un revenu du parent débiteur > 700€ et < 5 000€)

Offre demande

Base « 2016 » non-pondérée

Base « 2016 » pondérée

Base « 2016 » Non-pondérée

Base « 2016 » pondérée

Ecart en euros Effectifs Moyenne Médiane % d’écarts négatifs Moyenne des écarts négatifs % d’écarts positifs Moyenne des écarts positifs

1 021

-101€ *** -71€

86,8% -125€ **

13,2% 57€

1 021

-98€ *** -78€

85,9% -123€ * 14,1%

55€

1 024

52€ *** 34€

33,0% -73€

67,0% 114€ ***

1 024

56€ *** 35€

31,4% -73€

69,6% 115€ **

Ecart en valeur absolue Effectifs Moyenne Médiane

1 021 99€ 53€

1 021 78€ 49€

1 024

100€ *** 63€

1 024

101€ *** 64€

Ecart relatif Effectifs Moyenne Médiane % d’écarts négatifs Moyenne des écarts négatifs % d’écarts positifs Moyenne des écarts positifs

1 021

-49% * -60% 86,8% -67% 13,2% 71%

1 021

-47% *** -56% 85,9% -66% 14,1% 69%

1 024

64% *** 23%

33,0% -29%

67,0% 110% #

1 024

67% *** 26%

31,6% -29% 68,4% 111%

Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champ : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu du parent débiteur manquants exclus ; montants d’offre ou de demande manquants exclus ; montants de revenus mensuels du parent débiteur appartenant à l’intervalle [700 ; 5 000] ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère. Guide de lecture : *** : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 0,1% ; ** : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 1% ; * : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 5% ; # : différence de moyenne « 2016 – 2008 » significative au seuil de 10%.

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405

Annexe 3.M : estimation de l’écart relatif en valeur absolue entre l’offre (la demande) et la valeur suggérée par le barème

Tableau 3.64-bis : estimation de l’écart relatif en valeur absolue entre l’offre (la demande) et la valeur suggérée par le barème selon les modalités constitutives des cas-types et selon l’année

Offre Demande

(1) (2) (3) (4)

Constante 64,97*** 76,22*** 138,91*** 207,51***

2016 5,39 4,64 -36,71** -41,15**

Un enfant Deux enfants Trois enfants Quatre enfants Cinq ou six enfants

Réf. -2,46 -4,43 0,36

-10,55

Réf. 5,39 6,23 8,77 5,98

Réf. -27,47*** -39,22***

-22,13 -39,54

Réf. -10,90 -15,20 -11,12

9,56

DVH « classique » DVH « réduit » DVH « enfant majeur » DVH « alternance »

Réf. 3,58

12,19*** 23,45***

Réf. -4,84

14,79*** 26,38***

Réf. -16,16

-3,09 3,66

Réf. -35,67***

6,35 38,20*

Revenus du père Revenus de la mère

-0,001* 0,000

-0,014*** 0,000

-0,009*** -0,003

-0,067*** 0,004

Demande de la mère Offre du père

0,006 /

0,028** /

/ 0,049#

/ 0,279***

2016 * Deux enfants 2016 * Trois enfants 2016 * Quatre enfants 2016 * Cinq ou six enfants 2016 * DVH « réduit » 2016 * DVH « enfant majeur » 2016 * DVH « alternance » 2016 * Revenus du père 2016 * Revenus de la mère 2016 * Demande de la mère 2016 * Offre du père

4,16 -1,85 -0,20

-11,48 1,62 3,86

-2,47 0,001

-0,001 -0,027*

/

0,89 -7,04 -1,84

-22,96 6,78 3,01 4,75

0,003 0,000

-0,028* /

29,23* 31,85*

1,13 11,28

1,02 21,77

6,57 -0,004#

0,004 /

0,014

21,93* 17,64 -2,91

-29,79 4,89

13,19 17,27 0,005 0,001

/ -0,016

R2 ajusté 0,02 0,06 0,06 0,21 Source : bases de données « CA-2008 » et « CA-2016 » portant sur la fixation de CEEE issues de JURICA. Champs (1) à (3) : un enfant tiré au sort par fratrie ; montants de CEEE manquants exclus ; montants de revenu des parents manquants exclus ; montants d’offre ou de demande manquants exclus ; l’enfant est hébergé à titre principal chez la mère ; exclusions des observations avec un montant de CEEE suggéré par le barème égal à zéro et exclusion des écarts relatifs en valeur absolue supérieurs à 1 000%. N(1) = 2 157 ; N(3) = 2 130. Champs (2) et (4) : idem que champ (1) avec restriction du revenu du débiteur à l’intervalle [700 ; 5 000] ; N(2) = 1 894 ; N(4) = 1 890. Guide de lecture : *** : coefficient significatif au seuil de 0,1% ; ** : coefficient significatif au seuil de 1% ; * : coefficient significatif au seuil de 5% ; # : coefficient significatif au seuil de 10%. En rouge : la significativité à au plus 10% est confirmée sur données pondérées.

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406

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407

Annexe 3.N : le masque de saisie de la base de données « TGI-2003 »

Libellé Code Modalités des variables Code Filtres et remarques

Tribunal de grande instance

Numéro de compostage NO_CMPST l_l_l_l_l

N° identificateur NO_IDENTIF l_l_l_l_l_l_l_l_l (avec / en 3è position)

Type de décision T_DEC divorce 1

après-divorce 2

première ordonnance (enfant naturel) 3

ordonnance modificative (enfant naturel) 4

autres 5

Date de la décision D_JGT date JJMMAAAA elle doit être impérativement comprise entre le 13/10/2003 et le 24/10/2003

Date du divorce D_DVRCE date JJMMAAAA uniquement si la réponse au type de décision est 1 ou 2

Type de divorce T_DVRCE requête conjointe 1 uniquement si la réponse au type de décision est 1 ou 2

faute 2

demande acceptée 3

conversion de séparation de corps 4

non renseigné 9

Date de la décision antérieure d'après-divorce D_DECANT_DVRCE date JJMMAAAA uniquement si la réponse au type de décision est 2

Durée écoulée entre les deux décisions d'après-divorce DURDEC_APDVRCE en nombre de jours en nombre de jours Variable calculée

Date de la décision antérieure d'ordonnance modificative (enfant D_DECANT_ORD date JJMMAAAA uniquement si la réponse au type de décision est 4

naturel)

Durée écoulée entre les deux décisions d'après-séparation DURDEC_APSP en nombre de jours en nombre de jours Variable calculée

autres dates AUTRE_D JJMMAAAA uniquement s'il y a une date antérieure d'après-divorce ou une date antérieure

d'ordonnance modificative (enfant naturel)

Auteur de la demande AUT_DMDE père 1

mère 2

père et mère 3

grands-parents 4

autres 5

enquête sociale préalable à la décision ENQ_SOC oui, à la demande du juge 1 mettre non renseigné par défaut dans le menu déroulant

oui, à la demande des parents 2

oui, demande non renseigné 3

non, malgré une demande des parents 4

non renseigné 9

médiation familiale préalable à la décision MED_FAMI oui 1 mettre non renseigné par défaut dans le menu déroulant

non renseigné 9

injonction de rencontrer un médiateur INJ_MDR oui 1 mettre non renseigné par défaut dans le menu déroulant

non renseigné 9

Aide juridictionnelle pour le père AJ_P oui totale 1 mettre non renseigné par défaut dans le menu déroulant

oui partielle 2

oui sans précision 3

demande en cours 4

non 5

non renseigné 9

Aide juridictionnelle pour la mère AJ_M oui totale 1 mettre non renseigné par défaut dans le menu déroulant

oui partielle 2

oui sans précision 3

demande en cours 4

non 5

non renseigné 9

Nature de la décision NAT_DEC sans objet (requête conjointe) 0

contradictoire 1

réputé contradictoire 2

défaut 3

non renseigné 9

Présence d'un avocat pour le père AVOCA_P oui 1

non 2

non renseigné 9

Présence d'un avocat pour la mère AVOCA_M oui 1

non 2

non renseigné 9

Profession du père PROF_P Agriculteurs exploitants 1 mettre non renseigné par défaut dans le menu déroulant

Artisans, commerçants et chefs d'entreprise 2

Cadres et professions intellectuelles supérieures 3

Professions Intermédiaires 4

Employés 5

Ouvriers 6

Retraités 7

Chômeurs 8

Sans profession 9

Actifs sans précision 10

non renseigné 99

Profession de la mère PROF_M Agriculteurs exploitants 1 mettre non renseigné par défaut dans le menu déroulant

Artisans, commerçants et chefs d'entreprise 2

Cadres et professions intellectuelles supérieures 3

Professions Intermédiaires 4

Employés 5

Ouvriers 6

Retraités 7

Chômeurs 8

Sans profession 9

Actifs sans précision 10

non renseigné 99

Nombre d'enfants mineurs issus du couple MIN_COUPLE |_|

Nombre d'enfants majeurs issus du couple à charge MAJ_COUPLECHRG |_|

Nombre d'enfants à charge issus du couple NBENF_CPLE |_| MIN_COUPLE + MAJ_COUPLECHRG

pour chaque enfant

Sexe de l'enfant SEXE_1…SEXE_7 masculin 1

féminin 2

non renseigné 9

Date de naissance de l'enfant D_NAI_1…D_NAI_7 JJMMAAAA saisir 1er janvier s'il n'y a que l'année de renseignée

le sexe et la date de naissance sont à demander autant de fois que nécessaire

(autant que la somme des deux réponses aux enfants mineurs et aux enfants

majeurs à charge)

Nombre d'enfant(s) à la charge du père (non issus du couple) NBENF_CHRG_P |_|

Nombre d'enfant(s) à la charge de la mère (non issus du couple) NBENF_CHRG_M |_|

Salaire mensuel du père SALMENS_P l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

Salaire mensuel du père SAL_P Oui 1 SALMENS_P > 0

Non 0 SALMENS_P = 0

Non renseigné -9 SALMENS_P = .

Salaire mensuel de la mère SALMENS_M l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

Salaire mensuel de la mère SAL_M Oui 1 SALMENS_M > 0

Non 0 SALMENS_M = 0

Non renseigné -9 SALMENS_M = .

Revenus mensuels du père REVMENS_P l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

Revenus mensuel du père REV_P Oui 1 REVMENS_P > 0

Non 0 REVMENS_P = 0

Non renseigné -9 REVMENS_P = .

Revenus mensuels de la mère REVMENS_M l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

Revenus mensuel de la mère REV_M Oui 1 REVMENS_M > 0

Non 0 REVMENS_M = 0

Non renseigné -9 REVMENS_M = .

Autres revenus du père AUT_REV_P l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

Intitulé des autres revenus du père INT_AUT_REV_P chaîne de caractères

Autres revenus de la mère AUT_REV_M l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

Intitulé des autres revenus de la mère INT_AUT_REV_M chaîne de caractères

Prestations familiales PRESTFAM oui, pour le père 1

oui, pour la mère 2

oui, pour les deux 3

tiers 4

non 5

non renseigné 9

Montant des prestations familiales MT_PRESTFAM l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

Montant total des pensions alimentaires des enfants non issus du TPALIM_CHRG_P l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

couple à la charge du père

Montant total des pensions alimentaires des enfants non issus du TPALIM_CHRG_M l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

couple à la charge du mère

Montant du loyer du père LOYER_P l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

Montant du loyer de la mère LOYER_M l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

Page 408: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

408

Montant du remboursement de crédit(s) immobilier par le père CREDIT_P l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

Montant du remboursement de crédit(s) immobilier par la mère CREDIT_M l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

Montant du remboursement des autres crédit(s) par le père AUT_CREDIT_P l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

Montant du remboursement des autres crédit(s) par la mère AUT_CREDIT_M l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

Montant des frais d'éducation et de loisirs pour le père MT_FEDUCL_P l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

Montant des frais d'éducation et de loisirs pour la mère MT_FEDUCL_M l_l_l_l_l_l_l_l_l blanc si non renseigné

Autre charge AUTRE_CHRG oui, 1 autre charge pour le père 1

oui, 1 autre charge pour la mère 2

oui, 2 autres charges pour le père 3

oui, 2 autres charges pour la mère 4

1 autre charge père, 1 autre charge mère 5

non renseigné 9

Intitulé de l'autre charge INT_CHRG1 chaîne de caractères si réponse précédente =1 ou 2

Montant de la charge MT_CHRG1 l_l_l_l_l_l_l_l_l

Intitulé de la seconde autre charge INT_CHRG2 chaîne de caractères si réponse 'autres charges' =2

Montant de la seconde autre charge MT_CHRG2 l_l_l_l_l_l_l_l_l

Nombre d'enfants fiscalement rattaché au père P_FSCL_P |_|_|_|

Nombre d'enfants fiscalement rattaché à la mère P_FSCL_M |_|_|_|

Le mari s'est remarié ou vit en concubinage SITMAT_P oui, il s'est remarié 1 mettre non renseigné par défaut dans le menu déroulant

oui, il vit en concubinage 2

non 3

non renseigné 9

La femme s'est remariée ou vit en concubinage SITMAT_M oui, elle s'est remariée 1 mettre non renseigné par défaut dans le menu déroulant

oui, elle vit en concubinage 2

non 3

non renseigné 9

Existence d'un accord entre les parents sur l'autorité parentale ACC_AUTPAR oui, à l'égard de tous les enfants 1

oui, à l'égard d'une partie des enfants 2

non 3

non renseigné 9

Nombre d'enfant(s) autorité parentale mère NBENF_AUTPAR_M |_|

Nombre d'enfant(s) autorité parentale père NBENF_AUTPAR_P |_|

Nombre d'enfant(s) autorité parentale conjointe NBENF_AUTPAR_C |_|

La somme des trois nombres doit être égale au nombre d'enfants mineurs

Nombre d'enfant(s) pour lesquels la mère demande que la résidence soit NBENF_DMDE_RES_M |_|

fixée chez elle

Nombre d'enfant(s) pour lesquels le père demande que la résidence soit NBENF_DMDE_RES_P |_|

fixée chez lui

Nombre d'enfant(s) pour lesquels un tiers demande que la résidence soit NBENF_DMDE_RES_T |_|

fixée chez lui

Nombre d'enfant(s) pour lesquels un transfert de résidence est demandéNBENF_DMDE_TRFRES |_|

Nombre d'enfant(s) pour lesquels la mère demande une résidence en NBENF_DMDE_RESALT_M |_|

alternance

Nombre d'enfant(s) pour lesquels le père demande une résidence en NBENF_DMDE_RESALT_P |_|

alternance

Accord entre les parents sur la résidence des enfants mineurs ACCRD_RESMIN oui, à l'égard de tous les enfants 1

oui, à l'égard d'une partie des enfants 2

non 3

non renseigné 9

Nombre d'enfant(s) résidant chez la mère NBENF_RES_M |_| si accord entre les parents à l'égard de tous les enfants, reprendre les réponses saisies

Nombre d'enfant(s) résidant chez le père NBENF_RES_P |_| plus haut

Nombre d'enfant(s) résidant chez un tiers NBENF_RES_T |_|

Nombre d'enfant(s) résidant en alternance chez la mère et le père NBENF_RESALT |_|

La fratrie est séparée FRATRIE oui 1 variable calculée

non 2 (si trois zéros dans les quatre réponses précédentes, alors non, sinon oui)

PENSION ALIMENTAIRE

Pension alimentaire demandée par le père PALIM_DMDE_P oui 1 si aucune pension alimentaire n'est demandée, mettre à 0 toutes les variables des

non 2 quatre 'blocs' : mineurs et majeurs à la charge de la mère et mineurs et majeurs à la

Pension alimentaire demandée par la mère PALIM_DMDE_M oui 1 charge du père. Mettre aussi à non renseigné les questions sur l'accord et les pensions

non 2 alimentaires fixées

Enfants mineurs issus du couple à la charge de la mère uniquement si la réponse à : pension alimentaire demandée par la mère est 'oui' et si

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une demande de pension alimentaireNBMIN_DMDE_PALIM_M |_| le nombre d'enfants mineurs issus du couple n'est pas égal à zéro

Montant total des pensions alimentaires demandé par la mère MIN_PALIM_DMDE_M l_l_l_l_l_l_l_l_l

Montant total des pensions alimentaires offert par le père MIN_PALIM_OFFP_M l_l_l_l_l_l_l_l_l

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une pension alimentaire NBMIN_PALIM_M |_|

Montant total des pensions alimentaires fixé par le juge MIN_TPALIM_JUGE_M l_l_l_l_l_l_l_l_l

Enfants mineurs issus du couple à la charge du père uniquement si la réponse à : pension alimentaire demandée par le père est 'oui' et si

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une demande de pension alimentaireNBMIN_DMDE_PALIM_P |_| le nombre d'enfants mineurs issus du couple n'est pas égal à zéro

Montant total des pensions alimentaires demandé par le père MIN_PALIM_DMDE_P l_l_l_l_l_l_l_l_l

Montant total des pensions alimentaires offert par la mère MIN_PALIM_OFFM_P l_l_l_l_l_l_l_l_l

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une pension alimentaire NBMIN_PALIM_P |_|

Montant total des pensions alimentaires fixé par le juge MIN_TPALIM_JUGE_P l_l_l_l_l_l_l_l_l

Enfants mineurs issus du couple à la charge d'un tiers uniquement si la réponse à : pension alimentaire demandée par le père est 'non' et si

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une demande de pension alimentaireNBMIN_DMDE_PALIM_T |_| pension alimentaire demandée par la mère est 'non' et si le nombre d'enfants mineurs

Montant total des pensions alimentaires offert par le père MIN_PALIM_OFFP_T l_l_l_l_l_l_l_l_l issus du couple n'est pas égal à zéro

Montant total des pensions alimentaires offert par la mère MIN_PALIM_OFFM_T l_l_l_l_l_l_l_l_l

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une pension alimentaire NBMIN_PALIM_T |_|

Montant total des pensions alimentaires fixé par le juge pour la mère MIN_PALIM_JUGE_M_T l_l_l_l_l_l_l_l_l

Montant total des pensions alimentaires fixé par le juge pour le père MIN_PALIM_JUGE_P_T l_l_l_l_l_l_l_l_l

Enfants majeurs issus du couple à la charge de la mère uniquement si la réponse à : pension alimentaire demandée par la mère est 'oui' et si

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une demande de pension alimentaireNBMAJ_DMDE_PALIM_M |_| le nombre d'enfants majeurs à charge issus du couple n'est pas égal à zéro

Montant total des pensions alimentaires demandé par la mère MAJ_PALIM_DMDE_M l_l_l_l_l_l_l_l_l

Montant total des pensions alimentaires offert par le père MAJ_PALIM_OFFP_M l_l_l_l_l_l_l_l_l

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une pension alimentaire NBMAJ_PALIM_M |_|

Montant total des pensions alimentaires fixé par le juge MAJ_TPALIM_JUGE_M l_l_l_l_l_l_l_l_l

Enfants majeurs à charge issus du couple à la charge du père uniquement si la réponse à : pension alimentaire demandée par le père est 'oui' et si

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une demande de pension alimentaireNBMAJ_DMDE_PALIM_P |_| le nombre d'enfants majeurs à charge issus du couple n'est pas égal à zéro

Montant total des pensions alimentaires demandé par le père MAJ_PALIM_DMDE_P l_l_l_l_l_l_l_l_l

Montant total des pensions alimentaires offert par la mère MAJ_PALIM_OFFM_P l_l_l_l_l_l_l_l_l

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une pension alimentaire NBMAJ_PALIM_P |_|

Montant total des pensions alimentaires fixé par le juge MAJ_TPALIM_JUGE_P l_l_l_l_l_l_l_l_l

Enfants majeurs issus du couple à la charge d'un tiers uniquement si la réponse à : pension alimentaire demandée par le père est 'non' et si

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une demande de pension alimentaireNBMAJ_DMDE_PALIM_T |_| pension alimentaire demandée par la mère est 'non' et si le nombre d'enfants majeurs

Montant total des pensions alimentaires offert par le père MAJ_PALIM_OFFP_T l_l_l_l_l_l_l_l_l à charge issus du couple n'est pas égal à zéro

Montant total des pensions alimentaires offert par la mère MAJ_PALIM_OFFM_T l_l_l_l_l_l_l_l_l

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une pension alimentaire NBMAJ_PALIM_T |_|

Montant total des pensions alimentaires fixé par le juge pour la mère MAJ_PALIM_JUGEM_T l_l_l_l_l_l_l_l_l

Montant total des pensions alimentaires fixé par le juge pour le père MAJ_PALIM_JUGEP_T l_l_l_l_l_l_l_l_l

Accord entre les parents sur les pensions alimentaires ACCRD_PALIM oui, à l'égard de tous les enfants 1

oui, à l'égard d'une partie des enfants 2

non 3

non renseigné 9

Pensions alimentaires fixées PALIM_FIXE au bénéfice de la mère 1 variable calculée

au bénéfice du père 2 suivant le montant accordé par le juge dans les questions précédentes

au bénéfice d'un tiers 3

aucune pension alimentaire 4

REGLEMENT EN NATURE

Règlement en nature demandé par le père RGLTNAT_DMDE_P oui 1 si aucun règlement en nature n'est demandé, mettre à 0 toutes les variables des

non 2 six 'blocs' suivants. Mettre à non renseigné les deux questions suivantes sur l'accord

Règlement en nature demandé par la mère RGLTNAT_DMDE_M oui 1 et le règlement.

non 2

Enfants mineurs issus du couple à la charge de la mère uniquement si la réponse à : règlement en nature demandé par la mère est 'oui' et si

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une demande de règlement en natureNBMIN_DMDE_RGLTNAT_M |_| le nombre d'enfants mineurs issus du couple n'est pas égal à zéro

Montant total des règlements en nature demandé par la mère MIN_RGLTNAT_DMDE_M l_l_l_l_l_l_l_l_l

Montant total des règlements en nature offert par le père MIN_RGLTNAT_OFFP_M l_l_l_l_l_l_l_l_l

Nombre d'enfants concernés par un règlement en nature NBMIN_CCRN_RGLTNAT_M |_|

Montant total des règlements en nature fixé par le juge MIN_RGLTNAT_JUGE_M l_l_l_l_l_l_l_l_l

Enfants mineurs issus du couple à la charge du père uniquement si la réponse à : règlement en nature demandé par le père est 'oui' et si

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une demande de règlement en natureNBMIN_DMDE_RGLTNAT_P |_| le nombre d'enfants mineurs issus du couple n'est pas égal à zéro

Montant total des règlements en nature demandé par le père MIN_RGLTNAT_DMDE_P l_l_l_l_l_l_l_l_l

Montant total des règlements en nature offert par la mère MIN_RGLTNAT_OFFM_P l_l_l_l_l_l_l_l_l

Nombre d'enfants concernés par un règlement en nature NBMIN_CCRN_RGLTNAT_P |_|

Montant total des règlements en nature fixé par le juge MIN_RGLTNAT_JUGE_P l_l_l_l_l_l_l_l_l

Enfants mineurs issus du couple à la charge d'un tiers

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une demande de règlement en natureMIN_DMDE_RGLTNAT_T |_|

Montant total des règlements en nature offert par le père MIN_RGLTNAT_OFFP_T l_l_l_l_l_l_l_l_l

Montant total des règlements en nature offert par la mère MIN_RGLTNAT_OFFM_T l_l_l_l_l_l_l_l_l

Nombre d'enfants concernés par un règlement en nature MIN_NB_RGLTNAT_T |_|

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409

Montant total des règlements en nature fixé par le juge pour le père MIN_RGLTNAT_JUGEP_T l_l_l_l_l_l_l_l_l

Montant total des règlements en nature fixé par le juge pour la mère MIN_RGLTNAT_JUGEM_T l_l_l_l_l_l_l_l_l

Enfants majeurs issus du couple à la charge de la mère uniquement si la réponse à : règlement en nature demandé par la mère est 'oui' et si

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une demande de règlement en natureMAJ_DMDE_RGLTNAT_M |_| le nombre d'enfants majeurs à charge issus du couple n'est pas égal à zéro

Montant total des règlements en nature demandé par la mère MAJ_RGLTNAT_DMDE_M l_l_l_l_l_l_l_l_l

Montant total des règlements en nature offert par le père MAJ_RGLTNAT_OFFP_M l_l_l_l_l_l_l_l_l

Nombre d'enfants concernés par un règlement en nature NBMAJ_CCRN_RGLTNAT_M |_|

Montant total des règlements en nature fixé par le juge MAJ_RGLTNAT_JUGE_M l_l_l_l_l_l_l_l_l

Enfants majeurs à charge issus du couple à la charge du père uniquement si la réponse à : règlement en nature demandé par le père est 'oui' et si

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une demande de règlement en natureNBMAJ_DMDE_RGLTNAT_P |_| le nombre d'enfants majeurs à charge issus du couple n'est pas égal à zéro

Montant total des règlements en nature demandé par le père MAJ_RGLTNAT_DMDE_P l_l_l_l_l_l_l_l_l

Montant total des règlements en nature offert par la mère MAJ_RGLTNAT_OFFM_P l_l_l_l_l_l_l_l_l

Nombre d'enfants concernés par un règlement en nature NBMAJ_CCRN_RGLTNAT_P |_|

Montant total des règlements en nature fixé par le juge MAJ_RGLTNAT_JUGE_P l_l_l_l_l_l_l_l_l

Enfants majeurs issus du couple à la charge d'un tiers

Nombre d'enfants faisant l'objet d'une demande de règlement en natureNBMAJ_DMDE_RGLTNAT_T |_|

Montant total des règlements en nature offert par le père MAJ_RGLTNAT_OFFP_T l_l_l_l_l_l_l_l_l

Montant total des règlements en nature offert par la mère MAJ_RGLTNAT_OFFM_T l_l_l_l_l_l_l_l_l

Nombre d'enfants concernés par un règlement en nature NBMAJ_CCRN_RGLTNAT_T |_|

Montant total des règlements en nature fixé par le juge pour le père MAJ_RGLTNAT_JUGEP_T l_l_l_l_l_l_l_l_l

Montant total des règlements en nature fixé par le juge pour la mère MAJ_RGLTNAT_JUGEM_T l_l_l_l_l_l_l_l_l

Accord entre les parents sur les règlements en nature ACCRD_RGLNAT oui, à l'égard de tous les enfants 1

oui, à l'égard d'une partie des enfants 2

non 3

non renseigné 9

Règlements en nature fixés RGLTNAT_FIXE au bénéfice de la mère 1 variable calculée

au bénéfice du père 2 suivant le montant accordé par le juge dans les questions précédentes

au bénéfice d'un tiers 3

aucun règlement en nature 4

Condamnation aux dépens CONDA_DEPEN oui 1

non 2

partie condamnée PARTIE_CONDA mère 1 uniquement si la réponse à : condamnations aux dépens est 'oui' (=1)

père 2

pour moitié 3

autre cas 4

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410

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411

Annexe 3.O : la grille de saisie de la base de données « TGI-2012 »

Libellés des variables Noms des variables Libellés des modalités des

variables

Codes

des

modalités

des

variables

Nomenclatures des

variables

Zone

obligatoire

Types des

variables

Contrôles sur les variables

A – IDENTIFICATION

Numéro de I_ELST du tribunal de grande instance

Ou du tribunal de première instance

I_ELST I_ELST de la table SRV3.ELE_STR

(MN_TES = 'TGI')

zone obligatoire Caractère (8)

Numéro de compostage NO_CMPST zone obligatoire Nombre (6 positions) Comprise (entre 0001 et 9999)

ou (entre 100 001 et 199 999)

ou (entre 200 001 et 299 999)

Type décision TYPE_DECISION Divorce Lot A

Autres décisions lot A

Divorce Lot B

Hors champ HORS_CHAMP Non 0 OUINON zone obligatoire Caractère (1) Non par défaut

Oui 1

Date de la décision DA_JUGT zone obligatoire Date (JJMMAAAA) Supérieure au 03/06/2012 et

inférieure au 30/06/2012

DA_JUGT_C aaaammjj

Numéro d'affaire NO_RG zone obligatoire Caractère (8) Numéro unique sur la juridiction

Accepter / et moins de 6 caractères

après le / (exemple (xx/xxxxx))

Sexe du juge SEXE_JUGE Masculin 1 SEXE zone obligatoire Caractère (1)

Féminin 2

Indéterminé 9

B – INFORMATIONS SUR LA DECISION

Auteur de la demande AUT_DMDE Père 1 AUT_DMDE zone obligatoire Caractère (1)

(grands-parents/autres que père et mère HC) Mère 2

Père et mère 3

F-INFORMATIONS SUR LA PROCEDURE

Type de procédure TYPE_PROC TYPE_PROC zone obligatoire Caractère (2)

Procédures de divorce

Ordonnance de non-conciliation Ordonnance de non-conciliation 1 Si 1 aller à TYPE_DVRCE,

DA_MAR et NB_ENF_MAJ

Autres décisions (ordonnance du juge de mise en état, décision

suite ONC)

Autres décisions liées au divorce

demandé

2 Si 2 aller à TYPE_DVRCE,

DA_MAR et NB_ENF_MAJ

Jugement de divorce Jugement de divorce 3 Si 3 aller à TYPE_DVRCE,

TYPE_DVRCE_DEMANDE,

DA_MAR et NB_ENF_MAJ

Procédures postérieures au divorce

Décision au fond Modificative après divorce 4 Si 4 aller à

TYPE_DECANT_DVRCE,

DA_DECANT_DVRCE et

NB_ENF_MAJ

Procédures relatives aux enfants nés hors mariage

Décision au fond : 1ère décision Non mariés, 1ère décision 5 Si 5 aller à NB_ENF_MAJ

Décision au fond : décision modificative Non mariés, décision modificative 6 Si 6 aller à DA_DECANT_ORD et

NB_ENF_MAJ

Procédures POST sans précision Modificative, Procédure non

précisée

7 Si 7 aller à DA_DECANT_POST

Procédure non renseigné Indéterminé 9 Si 9 aller à NB_ENF_MAJ

Type de divorce prononcé TYPE_DVRCE Consentement mutuel (art 230 à

232)

1 TYPE_DVRCE zone obligatoire Caractère (2) Renseignée si TYPE_PROC = (3)

Faute (art 242 à 247-2) 2

Divorce accepté (art 233 et 234) 3

Pour altération définitive du lien

conjugal (art 237 et 238)

4

Conversion de séparation de corps

(art 306 à 308)

5

Non prononcé 6

Indéterminé 9

Type de divorce demandé différent du prononcé TYPE_DVRCE_DEMANDE Consentement mutuel (art 230 à

232)

1 TYPE_DVRCE_DEMAND

E

Caractère (1) Renseignée si TYPE_PROC =

(1,2,3)

Faute (art 242 à 247-2) 2

Divorce accepté (art 233 et 234) 3

Pour altération définitive du lien

conjugal (art 237 et 238)

4

Conversion de séparation de corps

(art 306 à 308)

5

Non prononcé 6

Indéterminé 9

Date du mariage DA_MAR Date (JJMMAAAA) Inférieure à DA_JUGT et entre le

01/01/1950 et le 01/06/2012

Renseignée si  TYPE_PROC =

(1,2,3)

DA_MAR_C aaaammjj

Dans le cadre d'une procédure d'après-divorce, TYPE_DECANT_DVRCE Jugement de divorce 1 TYPE_DECANT_DVRCE zone obligatoire Caractère (1) Renseignée si TYPE_PROC = (4)

type de décision au fond précédent Autre décision au fond 2

la décision étudiée Libeller « type de décision précédente » Indéterminé 9

Date de la décision au fond antérieure à celle d'après-divorce

Libeller « date décision antérieure (mariés)»

DA_DECANT_DVRCE Date (JJMMAAAA) Inférieure à DA_JUGT

Renseignée si TYPE_PROC = (4)

Dans le cadre d'une procédure enfant naturel , date de la décision

au fond antérieure à l'ordonnance modificative

Libellé « date décision antérieure (non mariés) »

DA_DECANT_ORD Date (JJMMAAAA) Inférieure à DA_JUGT

Renseignée si  TYPE_PROC = (6)

Dans le cas d'une procédure "post" sans précision date de la

procédure antérieure libellé « date décision antérieure (procédure

non précisée) »

DA_DECANT_POST Date (JJMMAAAA) Inférieure à DA_JUGT

Renseignée si TYPE_PROC = (7)

J – ENFANTS ISSUS DU COUPLE

Nombre d'enfants majeurs issus du couple ET à charge NB_ENF_MAJ Nombre (2 positions) Comprise entre 0 et 20

0 par défaut

Nombre d'enfants mineurs issus du couple NB_ENF_MIN zone obligatoire Nombre (2 positions) Supérieure à 0 et inférieure ou égale

au nombre d'enfants saisis

Nombre d'enfants mineurs supérieur à 1 mais indéterminé NB_ENF_ND Non 0 OUINON Caractère (1)

Oui 1

L – DECISON DU JUGE

INFORMATIONS au niveau de la décision

Nature de la décision NAT_DEC Contradictoire 1 NAT_DEC zone obligatoire Caractère (2)

Filtre : tous les divorces par consentement mutuel sont

contradictoires

Réputé contradictoire 2

Défaut 3

Indéterminé 9

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412

Le juge relève l'état d' impécuniosité IMPECU_JUGE Oui, concernant le père 1 IMPECU_JUGE Caractère (2) 9 par défaut

Oui, concernant la mère 2

Oui, concernant les deux 3

Non 0

Indéterminé 9

Situation de sur-endettement des parents relevée par le juge SURENDET Du père 1 SURENDET Caractère (2) 9 par défaut

De la mère 2

Des deux 3

Non 0

Indéterminé 9

Le juge a utilisé le "barème" pour fixer le montant de la CEE BAREME_JUGE Non 0 OUINONNR Caractère (1) 9 par défaut

Oui 1

Indéterminé 9

Le juge fixe une prestation compensatoire pour 1 des 2 époux PREST_COMP_INDIC Non 0 OUINONNR Caractère (1) Renseignée si TYPE_PROC = (3)

9 par défaut

Oui 1

Indéterminé 9

Zone de commentaires COMMENTAIRES zone obligatoire Caractère (4000)

Table v_reps_decision_mesure : 1 enregistrement par numéro de compostage et par type de mesure. Si plusieurs mesures pour une décision il y aura autant de lignes que de mesures (antérieures ou prononcées)

I – MESURES ORDONNEES avant la décision du juge : ENQUETE SOCIALE (type_mes_ord =1) MEDIATION FAMILIALE (type_mes_ord = 3) ENQUETE MEDICO-PSYCHOLOGIQUE (type_mes_ord = 2) INJONCTION DE RENCONTRER UN MEDIATEUR (type_mes_ord = 4)

Mesures ordonnées avant la décision TYPE_MES_ORD Enquête sociale 1 TYPE_MES_ORD zone obligatoire Caractère (2)

Expertise médico-psychologique 2

Médiation familiale 3

Injonction de rencontrer un

médiateur

4

Mesure ordonnée avant la décision du juge MES_ORD_ANT Non 0 OUINON Caractère (1)

si expertise, de qui (plusieurs réponses possibles) Oui 1

Si expertise du père EXP_MED_PSY_PERE_ANT Non 0 OUINON Caractère (1) Renseignée si

 TYPE_MES_ORD_ANT = (2)

Oui 1

Si expertise de la mère EXP_MED_PSY_MERE_ANT Non 0 OUINON Caractère (1) Renseignée si

 TYPE_MES_ORD_ANT = (2)

Oui 1

Si expertise du ou des enfants EXP_MED_PSY_ENFANT_AN

T

Non 0 OUINON Caractère (1) Renseignée si

 TYPE_MES_ORD_ANT = (2)

Oui 1

L – MESURES ORDONNEES avec la décision du juge : ENQUETE SOCIALE (type_mes_ord =1) MEDIATION FAMILIALE (type_mes_ord = 3) ENQUETE MEDICO-PSYCHOLOGIQUE (type_mes_ord = 2) INJONCTION DE RENCONTRER UN MEDIATEUR (type_mes_ord = 4)

Mesure ordonnée avec la décision du juge MES_ORD Non 0 OUINON Caractère (1)

si expertise, de qui (plusieurs réponses possibles) Oui 1

Si expertise du père EXP_MED_PSY_PERE Non 0 OUINON Caractère (1) Renseignée si

 TYPE_MES_ORD_ANT = (2)

Oui 1

Si expertise de la mère EXP_MED_PSY_MERE Non 0 OUINON Caractère (1) Renseignée si

 TYPE_MES_ORD_ANT = (2)

Oui 1

Si expertise du ou des enfants EXP_MED_PSY_ENFANT Non 0 OUINON Caractère (1) Renseignée si

 TYPE_MES_ORD_ANT = (2)

Oui 1

C – INFORMATIONS sur les parents

PERE 2

Code postal CODE_POST_P C_BDC de la table

SRV3.BUR_DIS_COM

Caractère (5)

Ville VILLE_CODE_POST_P L_LIG_ACH de la table

SRV3.BUR_DIS_COM

Caractère (50)

Code du pays si domicile à l'étranger C_ISO_PIS_P C_ISO_PIS de la table

SRV3.PAY_ISO

Caractère (3)

Date de naissance DA_NAIS_P Date (JJMMAAAA) Supérieure au 31/12/1930 et

inférieure au 01/01/2000

Aide juridictionnelle AJ_P Pas d' AJ 0 AJ zone obligatoire Caractère (2)

Totale 1

Partielle 2

AJ accordée, sans précision 3

Demande en cours 4

Provisoire 5

Présence d'un avocat AVOCAT_P Non 0 AVOCAT Caractère (1)

y.c avocat postulant Oui 1

Avocat commun père-mère 3 Si AVOCAT=3 et AUT_DMDE <>

3 alors message d'erreur

Indéterminé 9

Comparution COMPAR_P Non 0 OUINONNR zone obligatoire Caractère (1)

Oui 1

Indéterminé 9

Le père vit actuellement en couple SITMAT_P Non 0 OUINONNR zone obligatoire Caractère (1)

Oui 1

Indéterminé 9

Le père exerce une activité professionnelle ACTIVITE_P Non 0 OUINONNR zone obligatoire Caractère (1) Si 0 aller à SITU

Oui 1 Si 1 aller à PROFESSION

Indéterminé 9 Si 9 aller à REVENU

Si oui, Profession du père PROFESSION_P Agriculteurs exploitants 1 PROFESSION zone obligatoire Caractère (2) Renseignée si ACTIVITE = (1)

Artisans, commerçants et chefs

d'entreprise

2

Cadres et professions intellectuelles

supérieures

3

Professions Intermédiaires 4

Employés 5

Ouvriers 6

Indéterminé 9

Si père sans activité professionnelle SITU_P Retraités 1 SITU zone obligatoire Caractère (2) Renseignée si ACTIVITE = (0)

Chômeurs 2

Sans profession / au foyer /

invalide,,,

3

En formation 4

Indéterminé 9

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413

Indications de revenus REVENU_P Non 0 OUINON zone obligatoire Caractère (1) Si 0 aller choix onglet suivant (père

ou enfant)

Oui 1

Origine détaillé des revenus ORIG_REVENU_P Non 0 OUINON zone obligatoire Caractère (1)

Oui 1

Montant revenu global REVENU_GLOBAL_P Nombre (7 positions) Si ORIG_REVENU = (0) aller choix

Onglet suivant (père ou enfant)

Sources de revenus du père REVENUS DU TRAVAIL

Existence_salaire EXIST_SALAIRE_P Non 0 OUINON Caractère (1)

Oui 1

SALMENS_P Nombre (7 positions) si EXIST_SALAIRE = (1)

PENSIO NS LIEES A LA

VIEILLESSE, A LA SURVIE

Existence pensions liées à la vieillesse, à la survie EXIST_PENS_VIEIL_P Non 0 OUINON Caractère (1)

Oui 1

Montant vieillesse VIEILLESSE_P Nombre (7 positions) si EXIST_PENS_VIEIL = (1)

PENSIO NS LIEES A LA

MALADIE

Existence pension liée à la maladie EXIST_PENS_MALADIE_P Non 0 OUINON Caractère (1)

Oui 1

Montant maladie MALADIE_P Nombre (7 positions) si EXIST_PENS_MALADIE = (1)

PENSIO NS LIEES A

LAMATRENITE ET A LA

FAMILLE

Existence pensions liées à la maternité/la famille EXIST_PENS_MATFAM_P Non 0 OUINON Caractère (1)

Oui 1

Montant maternité/famille MATFAM_P Nombre (7 positions) si EXIST_PENS_MATFAM = (1)

PENSIO NS O U MINIMA

SO CIAUX LIES AU CHO MAGE

/ INSERTIO N / EXCLUSIO N

/SO LIDARITE

Existence pension ou minima sociaux liés au

chômage/insertion/exclusion/solidarité

EXIST_MINIMA_P Non 0 OUINON Caractère (1)

Oui 1

Montant minima sociaux MINIMA_P Nombre (7 positions) si EXIST_MINIMA = (1)

AUTRES SO URCESDE

REVENUS DIVERSES

Existence autres sources de revenus diverses EXIST_AUT_REVENU_P Non 0 OUINON Caractère (1)

Oui 1

Montant autres revenus AUT_REVENU_P Nombre (7 positions) si EXIST_AUT_REVENU = (1)

MERE 2

Code postal CODE_POST_M C_BDC de la table

SRV3.BUR_DIS_COM

Caractère (5)

Ville VILLE_CODE_POST_M L_LIG_ACH de la table

SRV3.BUR_DIS_COM

Caractère (50)

Code du pays si domicile à l'étranger C_ISO_PIS_M C_ISO_PIS de la table

SRV3.PAY_ISO

Caractère (3)

Date de naissance DA_NAIS_M Date (JJMMAAAA) Supérieure au 31/12/1930 et

inférieure au 01/01/2000

Aide juridictionnelle AJ_M Pas d' AJ 0 AJ zone obligatoire Caractère (2)

Totale 1

Partielle 2

AJ accordée, sans précision 3

Demande en cours 4

Provisoire 5

Présence d'un avocat AVOCAT_M Non 0 AVOCAT Caractère (1)

y.c avocat postulant Oui 1

Avocat commun père-mère 3 Si AVOCAT=3 et AUT_DMDE <>

3 alors message d'erreur

Indéterminé 9

Comparution COMPAR_M Non 0 OUINONNR zone obligatoire Caractère (1)

Oui 1

Indéterminé 9

La mère vit actuellement en couple SITMAT_M Non 0 OUINONNR zone obligatoire Caractère (1)

Oui 1

Indéterminé 9

la mère exerce une activité professionnelle ACTIVITE_M Non 0 OUINONNR zone obligatoire Caractère (1) Si 0 aller à SITU

Oui 1 Si 1 aller à PROFESSION

Indéterminé 9 Si 9 aller à REVENU

Si oui, Profession du mère PROFESSION_M Agriculteurs exploitants 1 PROFESSION zone obligatoire Caractère (2) Renseignée si ACTIVITE = (1)

Artisans, commerçants et chefs

d'entreprise

2

Cadres et professions intellectuelles

supérieures

3

Professions Intermédiaires 4

Employés 5

Ouvriers 6

Indéterminé 9

Si mère sans activité professionnelle SITU_M Retraités 1 SITU zone obligatoire Caractère (2) Renseignée si ACTIVITE = (0)

Chômeurs 2

Sans profession / au foyer /

invalide,,,

3

En formation 4

Indéterminé 9

Indications de revenus REVENU_M Non 0 OUINON zone obligatoire Caractère (1) Si 0 aller choix onglet suivant (père

ou enfant)

Oui 1

Origine détaillé des revenus ORIG_REVENU_M Non 0 OUINON zone obligatoire Caractère (1)

Oui 1

Montant revenu global REVENU_GLOBAL_M Nombre (7 positions) Si ORIG_REVENU = (0) aller choix

Onglet suivant (père ou enfant)

Sources de revenus du père REVENUS DU TRAVAIL

Existence_salaire EXIST_SALAIRE_M Non 0 OUINON Caractère (1)

Oui 1

SALMENS_M Nombre (7 positions) si EXIST_SALAIRE = (1)

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414

PENSIO NS LIEES A LA

VIEILLESSE, A LA SURVIE

Existence pensions liées à la vieillesse, à la survie EXIST_PENS_VIEIL_M Non 0 OUINON Caractère (1)

Oui 1

Montant vieillesse VIEILLESSE_M Nombre (7 positions) si EXIST_PENS_VIEIL = (1)

PENSIO NS LIEES A LA

MALADIE

Existence pension liée à la maladie EXIST_PENS_MALADIE_M Non 0 OUINON Caractère (1)

Oui 1

Montant maladie MALADIE_M Nombre (7 positions) si EXIST_PENS_MALADIE = (1)

PENSIO NS LIEES A

LAMATRENITE ET A LA

FAMILLE

Existence pensions liées à la maternité/la famille EXIST_PENS_MATFAM_M Non 0 OUINON Caractère (1)

Oui 1

Montant maternité/famille MATFAM_M Nombre (7 positions) si EXIST_PENS_MATFAM = (1)

PENSIO NS O U MINIMA

SO CIAUX LIES AU CHO MAGE

/ INSERTIO N / EXCLUSIO N

/SO LIDARITE

Existence pension ou minima sociaux liés au

chômage/insertion/exclusion/solidarité

EXIST_MINIMA_M Non 0 OUINON Caractère (1)

Oui 1

Montant minima sociaux MINIMA_M Nombre (7 positions) si EXIST_MINIMA = (1)

AUTRES SO URCESDE

REVENUS DIVERSES

Existence autres sources de revenus diverses EXIST_AUT_REVENU_M Non 0 OUINON Caractère (1)

Oui 1

Montant autres revenus AUT_REVENU_M Nombre (7 positions) si EXIST_AUT_REVENU = (1)

J – ENFANTS ISSUS DU COUPLE

Dans la table en sortie v_reps_enfant on retrouve par enfant les variables concernant l'enfant mais également les demandes du père, de la mère en cas de désaccord ou des parents (en cas d'accord) ainsi que la décision du juge pour chaque demande et le ty

Rang de l'enfant RG_ENFANT zone obligatoire Nombre :(2 positions) Variable calculée par le programme

de saisie

(de 1 à 99)

Sexe de l'enfant SEXE Masculin 1 SEXE zone obligatoire Caractère (1)

Féminin 2

Indéterminé 9

Date de naissance de l'enfant DA_NAISS Date (JJMMAAAA) DA_JUGT – DA_NAISS < 18 ans

Et inférieure au 30/06/2012

AUDITION ET RESIDENCE habituelle de l'enfant avant la décision de juin 2012

Audition de l'enfant réalisée avant la décision du juge AUDITION Non 0 OUINON Caractère (1) 0 par défaut

Si 0 aller à RESID_ANT

Oui 1

Si audition, par qui AUDITION_QUI Juge 1 AUDITION_QUI Caractère (2) Renseignée si AUDITION = (1)

Psychologue 2

Expert 3

Enquêteur 4

Autre personne 5

Indéterminé 9

Modalité de résidence antérieure à la décision du juge RESID_ANT Résidence chez le père 1 RESID zone obligatoire Caractère (2) Si <> 3 aller à AUDITION_DEC

(chez qui vit l'enfant avant que le juge ne statue ?) Résidence chez la mère 2

Résidence alternée 3

Résidence chez un tiers 4

Résidence chez ses parents 5

Indéterminé 9

Si résidence alternée antérieure, modalité organisationnelle RYTH_RA_ANT Sur une semaine 1 RYTH_RA Caractère (2) Renseignée si RESID_ANT = (3)

Sur 15 jours 2

Sur 1 mois 3

Annuelle 4

Répartition égale selon planning 5

Répartition inégale selon planning 6

Quotidienne inégalitaire 7

Autre organisation 8

RA sans précision 9

AUDITION ORDONNEE EN JUIN 2012

Audition de l'enfant faisant suite à la décision AUDITION_DEC Non 0 OUINON zone obligatoire Caractère (1) 0 par défaut

Formuler « Audition ordonnée en juin 2012 » Oui 1

K- DEMANDES FORMULEES pour chaque enfant par le père, la mère si demande différente ou par les parents si demande identique

AUTORITE PARENTALE

Demande du père sur l'autorité parentale si différente de celle de

la mère

MESURE_PERE_AUTPAR Autorité parentale au père 1 AUTPAR Caractère (2) Renseignée si MESURE_MERE de

AUTPAR = (1 à 9)

Autorité parentale à la mère 2

Autorité parentale conjointe 3

Autorité parentale à un tiers 4

« Pas de demande » exprimé dans le

jugement

5

Indéterminé 9

Demande de la mère sur l'autorité parentale si différente de celle

du père

MESURE_MERE_AUTPAR Autorité parentale au père 1 AUTPAR Caractère (2) Renseignée si MESURE_PERE de

AUTPAR = (1 à 9)

Autorité parentale à la mère 2

Autorité parentale conjointe 3

Autorité parentale à un tiers 4

« Pas de demande » exprimé dans le

jugement

5

Indéterminé 9

Demande du père et de la mère sur l'autorité parentale en cas

d'accord

MESURE_PERE_MERE_AUTP

AR

Autorité parentale au père 1 AUTPAR Caractère (2) Renseignée si MESURE_PERE

Et MESURE_MERE de AUTPAR

non renseignée

Autorité parentale à la mère 2

Autorité parentale conjointe 3

Autorité parentale à un tiers 4

Indéterminé 9

RESIDENCE

Demande du père sur la résidence si différente de celle de la mère MESURE_PERE_RESID Résidence chez le père 1 RESID zone obligatoire Caractère (2) Renseignée si MESURE_MERE de

RESID = (1 à 9)

Si 1 aller à MESURE_PERE de CEE

Résidence chez la mère 2 Si 2 aller à MESURE_PERE de

DVH

Résidence alternée 3 Si 3 aller à RYTH_RA_PERE

Résidence chez un tiers 4 Si 4 aller à DECISION_JUGE de

AUTPAR

« Pas de demande » exprimé dans le

jugement

5 Si 5 aller à MESURE_PERE de

DVH

Indéterminé 9 Si 9 aller à MESURE_PERE de

DVH

Page 415: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

415

Demande de la mère sur la résidence MESURE_MERE_RESID Résidence chez le père 1 RESID zone obligatoire Caractère (2) Renseignée si MESURE_PERE de

RESID = (1 à 9)

Si 1 aller à MESURE_MERE de

DVH

Résidence chez la mère 2 Si 2 aller à MESURE_MERE de

CEE

Résidence alternée 3 Si 3 aller à RYTH_RA_MERE

Résidence chez un tiers 4 Si 4 aller à DECISION_JUGE de

AUTPAR

« Pas de demande » exprimé dans le

jugement

5 Si 5 aller à MESURE_MERE de

DVH

Indéterminé 9 Si 9 aller à MESURE_MERE de

DVH

Demande du père et de la mère sur la résidence en cas d'accord MESURE_PERE_MERE_RESID Résidence chez le père 1 RESID zone obligatoire Caractère (2) Renseignée si MESURE_PERE

Et MESURE_MERE de RESID non

renseignée

Si 1 aller à MESURE_PERE_MERE

de DVH

Résidence chez la mère 2 Si 2 aller à MESURE_PERE_MERE

de DVH

Résidence alternée 3 Si 3 aller à

RYTH_RA_PERE_MERE

Résidence chez un tiers 4 Si 4 aller à DECISION_JUGE de

AUTPAR

Indéterminé 9 Si 9 aller à MESURE_PERE_MERE

de CEE

Si résidence alternée modalité organisationnelle demandée par le

père

RYTH_RA_PERE Sur une semaine 1 RYTH_RA Caractère (2) Renseignée si MESURE_MERE de

RESID = (1 à 9)

Renseignée si MESURE_PERE de

RESID = (3)

Sur 15 jours 2

Sur 1 mois 3

Annuelle 4

Répartition égale selon planning 5

Répartition inégale selon planning 6

Quotidienne inégalitaire 7

Autre organisation 8

RA sans précision 9

Si résidence alternée modalité organisationnelle demandée par la

mère

RYTH_RA_MERE Sur une semaine 1 RYTH_RA Caractère (2) Renseignée si MESURE_PERE de

RESID = (1 à 9)

Renseignée si MESURE_MERE de

RESID = (3)

Sur 15 jours 2

Sur 1 mois 3

Annuelle 4

Répartition égale selon planning 5

Répartition inégale selon planning 6

Quotidienne inégalitaire 7

Autre organisation 8

RA sans précision 9

Si résidence alternée modalité organisationnelle demandée par les

parents en cas d'accord

RYTH_RA_PERE_MERE Sur une semaine 1 RYTH_RA Caractère (2) Renseignée si MESURE_PERE

Et MESURE_MERE de RESID non

renseignée

Renseignée si

MESURE_PERE_MERE de RESID

= (3)

Sur 15 jours 2

Sur 1 mois 3

Annuelle 4

Répartition égale selon planning 5

Répartition inégale selon planning 6

Quotidienne inégalitaire 7

Autre organisation 8

RA sans précision 9

Droit de Visite et d'Hébergement

Si résidence exclusive chez la mère modalités du DVH demandé

par le père

MESURE_PERE_DVH DVH classique un week-end sur deux

et la moitié des vacances scolaires

1 DVH Caractère (2) Renseignée si MESURE_MERE de

DVH = (1 à 9)

Renseignée si MESURE_PERE de

RESID = (2,6,9)

Remarques :

classique : du vendredi soir au dimanche soir semble être le

"classique" et ce sans doute en raison de l'absence d'école le

samedi matin (donc allongé ne doit pas inclure le vendredi)

DVH classique élargi (par ex :

classique + le mercredi )

2

le "classique" et ce sans doute en raison de l'absence d'école le

samedi matin

(donc le DVH élargi ne doit pas inclure le vendredi)

tiers : famille, ami, personne du cercle proche

DVH classique réduit (par ex :

classique sans le samedi, ou moins

de jours durant les vacances, etc...)

3

DVH libre 4

Droit de visite seul sans

hébergement dans un lieu neutre

(lieu de rencontre institutionnel) ; =

DV médiatisé

5

Droit de visite seul sans

hébergement chez un tiers, ou en

présence d'un tiers (différent du lieu

institutionnel)

6

droit de visite seul sans

hébergement (non précisé sur le

lieu)

7

Aucun droit de visite ou

d'hébergement (y.c. en cas de

suspension temporaire)

8

Autres 9

«  Pas de demande » exprimé dans

le jugement 

10

Vacances seulement / vacances et

ponts et/ou week-ends longs

11

Parent détenu 12

DVH ou DV seulement progressif 13

Absence de demande 99

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416

Si résidence exclusive chez le père modalités du DVH demandée

par la mère

MESURE_MERE_DVH DVH classique un week-end sur deux

et la moitié des vacances scolaires

1 DVH Caractère (2) Renseignée si MESURE_PERE de

DVH = (1 à 9)

Renseignée si MESURE_MERE de

RESID = (2,6,9)

Remarques :

classique : du vendredi soir au dimanche soir semble être le

"classique" et ce sans doute en raison de l'absence d'école le

samedi matin (donc allongé ne doit pas inclure le vendredi)

DVH classique élargi (par ex :

classique + le mercredi )

2

le "classique" et ce sans doute en raison de l'absence d'école le

samedi matin

(donc le DVH élargi ne doit pas inclure le vendredi)

tiers : famille, ami, personne du cercle proche

DVH classique réduit (par ex :

classique sans le samedi, ou moins

de jours durant les vacances, etc...)

3

DVH libre 4

Droit de visite seul sans

hébergement dans un lieu neutre

(lieu de rencontre institutionnel) ; =

DV médiatisé

5

Droit de visite seul sans

hébergement chez un tiers, ou en

présence d'un tiers (différent du lieu

institutionnel)

6

droit de visite seul sans

hébergement (non précisé sur le

lieu)

7

Aucun droit de visite ou

d'hébergement (y.c. en cas de

suspension temporaire)

8

Autres 9

«  Pas de demande » exprimé dans

le jugement 

10

Vacances seulement / vacances et

ponts et/ou week-ends longs

11

Parent détenu 12

DVH ou DV seulement progressif 13

Absence de demande 99

Si résidence exclusive chez le père ou la mère modalité du DVH

demandée par les 2 parents d'un commun accord

MESURE_PERE_MERE_DVH DVH classique un week-end sur deux

et la moitié des vacances scolaires

1 DVH Caractère (2) Renseignée si MESURE_PERE

Et MESURE_MERE de DVH non

renseignée

Renseignée si

MESURE_PERE_MERE de RESID

= (1,2)

Remarques :

classique : du vendredi soir au dimanche soir semble être le

"classique" et ce sans doute en raison de l'absence d'école le

samedi matin (donc allongé ne doit pas inclure le vendredi)

DVH classique élargi (par ex :

classique + le mercredi )

2

le "classique" et ce sans doute en raison de l'absence d'école le

samedi matin

(donc le DVH élargi ne doit pas inclure le vendredi)

tiers : famille, ami, personne du cercle proche

DVH classique réduit (par ex :

classique sans le samedi, ou moins

de jours durant les vacances, etc...)

3

DVH libre 4

Droit de visite seul sans

hébergement dans un lieu neutre

(lieu de rencontre institutionnel) ; =

DV médiatisé

5

Droit de visite seul sans

hébergement chez un tiers, ou en

présence d'un tiers (différent du lieu

institutionnel)

6

droit de visite seul sans

hébergement (non précisé sur le

lieu)

7

Aucun droit de visite ou

d'hébergement (y.c. en cas de

suspension temporaire)

8

Autres 9

«  Pas de demande » exprimé dans

le jugement 

10

Vacances seulement / vacances et

ponts et/ou week-ends longs

11

Parent détenu 12

DVH ou DV seulement progressif 13

Absence de demande 99

Contribution à l'Education et à l'Entretien

Demande du père sur la CEE si différente de celle de la mère MESURE_PERE_CEE Demandée à la mère 1 CEE_P Caractère (2) Renseignée si MESURE_MERE de

CEE = (1 à 9)

Si 3 ou 9 aller à MESURE_PERE de

RGLTNAT

Proposée par le père 2

pas de demande (montant = 0) 3

Indéterminé 9

Demande de la mère sur la CEE MESURE_MERE_CEE Demandée au père 1 CEE_M Caractère (2) Renseignée si MESURE_PERE de

CEE = (1 à 9)

Si 3 ou 9 aller à MESURE_MERE

de RGLTNAT

Proposée par la mère 2

pas de demande (montant = 0) 3

Indéterminé 9

Demande du père et de la mère sur la CEE MESURE_PERE_MERE_CEE Due par le père 1 CEE Caractère (2) Renseigné si MESURE_PERE

Et MESURE_MERE de CEE non

renseigné

Si 3 ou 9 aller à

MESURE_PERE_MERE de

RGLTNAT

Due par la mère 2

Aucune CEE 3

Indéterminé 9

Montant de la CEE demandée par le père MT_CEE_PERE Nombre (5 positions) De 0 à 99999

Renseignée si MESURE_PERE de

CEE =(1,2)

Montant de la CEE demandée par la mère MT_CEE_MERE Nombre (5 positions) De 0 à 99999

Renseignée si MESURE_MERE de

CEE =(1,2)

Montant de la CEE demandée par le père et la mère MT_CEE_PERE_MERE Nombre (5 positions) De 0 à 99999

Renseignée si MESURE_MERE de

CEE =(1,2)

Page 417: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

417

Règlements en nature

Demande du père sur un règlement en nature si différente de celle

de la mère

MESURE_PERE_RGLTNAT Prise en charge par le père 1 RGLTNAT Caractère (2)

= prise en charge directe des frais exposés au profit de l'enfant Prise en charge par la mère 2

= art 373-2-2 du Cciv Partagés par moitié 3

Partagés au prorata des ressources 4

«  Pas de demande «  exprimé dans

le jugement

5

Autre cas de figure 6

Indéterminé 9

Demande de la mère sur un règlement en nature MESURE_MERE_RGLTNAT Prise en charge par le père 1 RGLTNAT Caractère (2) Renseignée si MESURE_MERE de

RGLTNAT = (1 à 9)

= prise en charge directe des frais exposés au profit de l'enfant Prise en charge par la mère 2

= art 373-2-2 du Cciv Partagés par moitié 3

Partagés au prorata des ressources 4

«  Pas de demande «  exprimé dans

le jugement

5

Autre cas de figure 6

Indéterminé 9

Demande du père et de la mère sur un règlement en nature MESURE_PERE_MERE_RGLT

NAT

Prise en charge par le père 1 RGLTNAT Caractère (2) Renseignée si MESURE_PERE

Et MESURE_MERE de RGLTNAT

non renseignée

= prise en charge directe des frais exposés au profit de l'enfant Prise en charge par la mère 2

= art 373-2-2 du Cciv Partagés par moitié 3

Partagés au prorata des ressources 4

«  Pas de demande «  exprimé dans

le jugement

5

Autre cas de figure 6

Indéterminé 9

DECISIONS DU JUGE et TYPE de décision

AUTORITE PARENTALE

Autorité parentale DECISION_JUGE_AUTPAR Autorité parentale au père 1 AUTPAR Caractère (2)

Autorité parentale à la mère 2

Autorité parentale conjointe 3

Autorité parentale à un tiers 4

Indéterminé 9

Type de décision sur l'autorité parentale TYPDEC_JUGE_AUTPAR Décision définitive 1 TYPDEC Caractère (2)

Décision ADD 2

Décision provisoire 3

RESIDENCE

Résidence DECISION_JUGE_RESID Résidence chez le père 1 RESID zone obligatoire Caractère (2)

Résidence chez la mère 2

Résidence alternée 3

Résidence chez un tiers 4

Indéterminé 9

Type de décision sur la résidence TYPDEC_JUGE_RESID Décision définitive 1 TYPDEC zone obligatoire Caractère (2)

Décision ADD 2

Décision provisoire 3

Si résidence alternée, modalité organisationnelle RYTH_RA_JUGE Sur une semaine 1 RYTH_RA Caractère (2) Renseignée si DECISION_JUGE de

RESID = (3)

Sur 15 jours 2

Sur 1 mois 3

Annuelle 4

Répartition égale selon planning 5

Répartition inégale selon planning 6

Quotidienne inégalitaire 7

Autre organisation 8

RA sans précision 9

Type de décision sur le rythme de la RA TYPDEC_RYTH_RA_JUGE Décision définitive 1 TYPDEC Caractère (2) Renseignée si DECISION_JUGE de

RESID = (3)

Décision ADD 2

Décision provisoire 3

Si résidence alternée rejetée par le JUGE, motifs REJET_RA_LOIN En raison de l'éloignement entre les

domiciles

Caractère (1) Renseignée si DECISION_JUGE =

(3)

0 par défaut

(plusieurs réponses possibles) Non 0

Prévoir des cases à cocher Oui 1

REJET_RA_AGE En raison de l'âge des enfants Caractère (1) Renseignée si DECISION_JUGE =

(3)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

REJET_RA_INTERET Dans l'intérêt de l'enfant Caractère (1) Renseignée si DECISION_JUGE =

(3)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

REJET_RA_RELATION En raison des mauvaises relations

entre parents

Caractère (1) Renseignée si DECISION_JUGE =

(3)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

REJET_RA_INDISPO En raison de l'indisponibilité d'un

des deux parents

Caractère (1) Renseignée si DECISION_JUGE =

(3)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

REJET_RA_INCAPABLE En raison des capacités éducatives

insuffisantes d'un des parents

Caractère (1) Renseignée si DECISION_JUGE =

(3)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

REJET_RA_MATERIEL En raison des conditions matérielles Caractère (1) Renseignée si DECISION_JUGE =

(3)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

REJET_RA_AUT Autre motif de rejet Caractère (1) Renseignée si DECISION_JUGE =

(3)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

REJET_RA_NM Rejet non motivé Caractère (1) Renseignée si DECISION_JUGE =

(3)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

Page 418: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

418

Si résidence alternée décidée , motifs DECID_RA_PROXI En raison de la proximité des

domiciles

Caractère (1) Renseignée si MESURE_PERE ou

MESURE_MERE ou

MESURE_PERE_MERE de RESID

= (3) et DECISION_JUGE de

RESID = (1,2)

0 par défaut

(plusieurs réponses possibles) Non 0

Prévoir des cases à cocher Oui 1

DECID_RA_AGE En raison de l'âge des enfants Caractère (1) Renseignée si MESURE_PERE ou

MESURE_MERE ou

MESURE_PERE_MERE de RESID

= (3) et DECISION_JUGE de

RESID = (1,2)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

DECID_RA_INTERET Dans l'intérêt de l'enfant Caractère (1) Renseignée si MESURE_PERE ou

MESURE_MERE ou

MESURE_PERE_MERE de RESID

= (3) et DECISION_JUGE de

RESID = (1,2)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

DECID_RA_RELATION En raison des bonnes relations entre

parents

Caractère (1) Renseignée si MESURE_PERE ou

MESURE_MERE ou

MESURE_PERE_MERE de RESID

= (3) et DECISION_JUGE de

RESID = (1,2)

Non 0

Oui 1

DECID_RA_DISPO En raison de la disponibilité des

deux parents

Caractère (1) Renseignée si MESURE_PERE ou

MESURE_MERE ou

MESURE_PERE_MERE de RESID

= (3) et DECISION_JUGE de

RESID = (1,2)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

DECID_RA_CAPCITE En raison des capacités éducatives

reconnues aux deux parents

Caractère (1) Renseignée si MESURE_PERE ou

MESURE_MERE ou

MESURE_PERE_MERE de RESID

= (3) et DECISION_JUGE de

RESID = (1,2)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

DECID_RA_MATERIEL En raison des conditions matérielles Caractère (1) Renseignée si MESURE_PERE ou

MESURE_MERE ou

MESURE_PERE_MERE de RESID

= (3) et DECISION_JUGE de

RESID = (1,2)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

DECID_RA_AUT Autre motif d'acceptation Caractère (1) Renseignée si MESURE_PERE ou

MESURE_MERE ou

MESURE_PERE_MERE de RESID

= (3) et DECISION_JUGE de

RESID = (1,2)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

DECID_RA_NM Acceptation non motivée Caractère (1) Renseignée si MESURE_PERE ou

MESURE_MERE ou

MESURE_PERE_MERE de RESID

= (3) et DECISION_JUGE de

RESID = (1,2)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

DECID_RA_MAINTIEN Maintien de la RA antérieure en

l'absence d'éléments nouveaux

Caractère (1) Renseignée si MESURE_PERE ou

MESURE_MERE ou

MESURE_PERE_MERE de RESID

= (3) et DECISION_JUGE de

RESID = (1,2)

0 par défaut

Non 0

Oui 1

Droit de Visite et d'Hébergement

décision sur le DVH DECISION_JUGE_DVH DVH classique = un week-end sur

deux et la moitié des vacances

scolaires

1 DVH Caractère (2) Renseignée si DECISION_JUGE de

RESID = (1, 2,9)

DVH classique élargi (par ex :

classique + le mercredi )

2

DVH classique réduit (par ex :

classique sans le samedi, ou

certaines vacances)

3

Remarque classique : DVH libre 4

du vendredi soir au dimanche soir semble être le "classique" et ce

sans doute en raison de l'absence d'école le samedi matin (donc

allongé ne doit pas inclure le vendredi)

droit de visite seul sans

hébergement dans un lieu neutre

(lieu de rencontre institutionnel) ; =

DV médiatisé

5

(donc le DVH élargi ne doit pas inclure le vendredi) droit de visite seul sans

hébergement chez un tiers, ou en

présence d'un tiers (différent du lieu

institutionnel)

6

droit de visite seul sans

hébergement (non précisé sur le

lieu)

7

aucun droit de visite ou

d'hébergement (y. c en cas de

suspension temporaire)

8

autres 9

Vacances seulement / vacances et

ponts et/ou week-ends longs

11

Parent détenu 12

DVH ou DV seulement progressif 13

pas de demande (quand c'est écrit

spécifiquement dans le jugement)

10

Type de décision sur le DVH TYPDEC_JUGE_DVH décision définitive 1 TYPDEC Caractère (2) Renseignée si DECISION_JUGE de

RESID = (1, 2,9)

décision ADD 2

décision provisoire 3

Page 419: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

419

Contribution à l'Education et à l'Entretien

CEE à l'égard de l'enfant DECISION_JUGE_CEE à la charge du père et versée à la

mère

1 CEE_JUGE Caractère (2)

à la charge de la mère et versée au

père

2

à la charge du père et versée à un

tiers

3

à la charge de la mère et versée à un

tiers

4

aucune contribution 5 si DECISION_JUGE (type_décision

= (4,5,9) fin de saisie

Indéterminé 9

Type de décision sur la CEE TYPDEC_JUGE_CEE décision définitive 1 TYPDEC Caractère (2)

décision ADD 2

décision provisoire 3

Montant total des CEE fixé par le juge MT_CEE_JUGE Nombre : 5 positions De 0 à 99999

Renseignée si DECISION_JUDGE

de RESID =(1,2,3,4)

Règlements en nature

Règlements en nature fixés par le juge DECISION_JUGE_RGLTNAT pris en charge par le père 1 RGLTNAT Caractère (2)

pris en charge par la mère 2

partagé par moitié 3

partagé au prorata des ressources 4 si DECISION_JUGE de RGLTNAT

= (4) aller à

PRORATA_PERE_JUGE

« pas de demande » exprimé dans le

jugement

5 si DECISION_JUGE de RGLTNAT

= (5,9) alors fin de saisie

autre cas de figure 6

indéterminé 9 si DECISION_JUGE de RGLTNAT

= (5,9) alors fin de saisie

Montant total des règlements en nature fixé par le juge MT_RGLTNAT_JUGE Nombre : 5 positions De 0 à 9999

Renseignée si DECISION_JUGE de

RGLTNAT = (1,2,3,6)

Prorata des règlements en nature PRORATA_PERE_JUGE part revenant au père l_l_l % Nombre (2 positions) De 0 à 55

Renseignée si DECISION_JUGE de

RGLTNAT = (4)

PRORATA_MERE_JUGE part revenant à la mère l_l_l % Nombre (2 positions) De 0 à 55

Renseignée si DECISION_JUGE de

RGLTNAT = (4)

Si PRORATA_JUGE_PERE +

PRORATA_JUGE_MERE > 100

Alors message d'erreur

Postes des règlements en nature RGLTNAT_SCOL scolarité (y.c. frais de cantines,

études, voyages scolaires)

Caractère (1) Si RGLTNAT_NR = (1) alors

message d'erreur

0 par défaut

(plusieurs réponses possibles) Non 0

Prévoir des cases à cocher oui 1

RGLTNAT_VOY voyages (hors voyages dans le cadre

de la scolarité)

Caractère (1) Si RGLTNAT_NR = (1) alors

message d'erreur

0 par défaut

Non 0

oui 1

RGLTNAT_LOISIR Caractère (1) Si RGLTNAT_NR = (1) alors

message d'erreur

0 par défaut

Non 0

oui 1

RGLTNAT_SANTE santé (frais dentaires, ophtalmo,

mutuelle…)

Caractère (1) Si RGLTNAT_NR = (1) alors

message d'erreur

0 par défaut

Non 0

oui 1

RGLTNAT_PERMIS permis de conduire Caractère (1) Si RGLTNAT_NR = (1) alors

message d'erreur

0 par défaut

Non 0

oui 1

RGLTNAT_AUT autres frais Caractère (1) Si RGLTNAT_NR = (1) alors

message d'erreur

0 par défaut

Non 0

oui 1

RGLTNAT_NR non renseigné Caractère (1) Si RGLTNAT_SCOL ou

RGLTNAT_VOY ou

RGLTNAT_LOISIR ou

RGLTNAT_SANTE ou

RGLTNAT_PERMIS ou

RGLTNAT_AUT =(1) alors remise

à 0 des variables RGLTNAT_SCOL

à RGLTNAT_AUT

Non 0

oui 1

Page 420: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

420

Page 421: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

421

Annexe 3.P : tableaux de fréquence des réponses apportées à l’enquête qualitative auprès des magistrats quant à l’usage de la table de référence indicative relative à la fixation de la CEEE

1. Depuis 2010, le Ministère de la Justice a mis en ligne une table de référence (barème) pour la fixation de la Contribution à l’Entretien et l’Education de l’enfant (CEEE) ; en avez-vous connaissance ?

Effectifs Pourcentage

Oui 160 99,4

Non 1 0,6

Total 161 100,0

2. Au cours des douze derniers mois, avez-vous utilisé cette table de référence ?

Effectifs Pourcentage

Oui 141 87,6

Non 20 12,4

Total 161 100,0

3. Etes-vous hostile par principe aux barèmes (excès de rigidité, décalage par rapport à la réalité…) ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 2 1,2

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Oui 11 6,8

Non 128 79,5

Total 161 100,0

4. Selon quelle fréquence avez-vous utilisé la table de référence de calcul de la CEEE du Ministère de la Justice ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 4 2,5

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Je l’utilise systématiquement dès qu’il s’agit de statuer sur une CEEE 39 24,2

Je ne l’utilise pas systématiquement, mais très souvent, c’est-à-dire dans plus d’une affaire sur deux

56 34,8

Je l’utilise assez souvent, mais dans moins d’une affaire sur deux 28 17,4

Je l’utilise assez rarement, c’est-à-dire dans moins d’une affaire sur dix 14 8,7

Total 161 100,0

Page 422: LA BAREMISATION DE LA JUSTICE UNE APPROCHE PAR L … · 2019. 5. 7. · CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ..... 31 2.1. ONTEXTE DE L’ETUDE ... majoritairement anglo-saxonne permet néanmoins

422

5. Lorsque vous utilisez la table de référence officielle du Ministère de la Justice, à quel moment de la procédure l’utilisez-vous ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 2 1,2

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Je la consulte lorsque je prépare le dossier 2 1,2

Je la consulte à l’audience 3 1,9

Je la consulte si les parties y font référence 2 1,2

Je la consulte lorsque je rédige le jugement 100 62,1

Je la consulte si les parties y font référence et je la consulte lorsque je rédige le jugement

7 4,3

Je la consulte à l’audience et je la consulte lorsque je rédige le jugement 14 8,7

Je la consulte à l’audience et je la consulte si les parties y font référence 1 0,6

Je la consulte lorsque je rédige le jugement et je la consulte lorsque je rédige le jugement

4 2,5

Je la consulte à l’audience et je la consulte si les parties y font référence et je la consulte lorsque je rédige le jugement

4 2,5

Je la consulte lorsque je prépare le dossier et je la consulte à l’audience et je la consulte lorsque je rédige le jugement

1 0,6

Je la consulte lorsque je prépare le dossier et je la consulte à l’audience et je la consulte si les parties y font référence et je la consulte lorsque je rédige le jugement

1 0,6

Total 161 100,0

6.A. Y a-t-il des types d’affaires qui justifient plus le recours à la table de référence du Ministère de la Justice ? Lorsque les parties se sont mises d’accord sur le montant de CEEE…

Effectifs Pourcentage

Non réponse 1 0,6

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Je consulte assez systématiquement (dans plus d’une affaire sur deux) la table de référence

25 15,5

Je consulte parfois (moins d’une affaire sur deux) la table de référence, quel que soit le montant proposé

29 18,0

Je consulte parfois (moins d’une affaire sur deux) la table de référence, parce que le montant proposé me semble particulièrement élevé

2 1,2

Je consulte parfois (moins d’une affaire sur deux) la table de référence, parce que le montant proposé me semble particulièrement bas

18 11,2

Je ne consulte jamais la table de référence 44 27,3

Je consulte parfois (moins d’une affaire sur deux) la table de référence, parce que le montant proposé me semble particulièrement bas et je consulte parfois (moins d’une affaire sur deux) la table de référence, parce que le montant proposé me semble particulièrement élevé

22 13,7

Total 161 100,0

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423

6.B. Y a-t-il des types d’affaires qui justifient plus le recours à la table de référence du Ministère de la Justice ? Lorsque les parties ne se sont pas mises d’accord sur le montant de CEEE…

Effectifs Pourcentage

Non réponse 3 1,9

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Je consulte assez systématiquement (plus d’une affaire sur deux) la table de référence

104 64,6

Je consulte parfois (moins d’une affaire sur deux) la table de référence 25 15,5

Je consulte exceptionnellement (moins d’une affaire sur dix) la table de référence

9 5,6

Total 161 100,0

7.A. Y a-t-il des types d’affaires qui justifient plus le recours à la table de référence du Ministère de la Justice ? Du point de vue de la taille de la fratrie…

Effectifs %

Non réponse 3 1,9

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Je recours plus facilement à la table de référence lorsqu’il y a plusieurs enfants que lorsqu’il n’y en a qu’un seul

25 15,5

Je recours moins facilement à la table de référence lorsqu’il y a plusieurs enfants que lorsqu’il n’y en a qu’un seul

5 3,1

Mon recours à la table de référence est indépendant du nombre d’enfants dans la fratrie

108 67,1

Total 161 100,0

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424

7.B. Y a-t-il des types d’affaires qui justifient plus le recours à la table de référence du Ministère de la Justice ? Du point de vue des revenus du parent débiteur…

Effectifs %

Non réponse 1 0,6

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Je recours plus facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent débiteur sont faibles que lorsqu’ils sont moyens

15 9,3

Je recours moins facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent débiteur sont faibles que lorsqu’ils sont moyens

5 3,1

Je recours plus facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent débiteur sont élevés que lorsqu’ils sont moyens

10 6,2

Je recours moins facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent débiteur sont élevés que lorsqu’ils sont moyens

4 2,5

Mon recours à la table de référence est indépendant du niveau des revenus du parent débiteur

81 50,3

Je recours moins facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent débiteur sont faibles que lorsqu’ils sont moyens et je recours moins facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent débiteur sont élevés que lorsqu’ils sont moyens

2 1,2

Je recours moins facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent débiteur sont faibles que lorsqu’ils sont moyens et je recours plus facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent débiteur sont élevés que lorsqu’ils sont moyens

8 5,0

Je recours plus facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent débiteur sont faibles que lorsqu’ils sont moyens et je recours moins facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent débiteur sont élevés que lorsqu’ils sont moyens

8 5,0

Je recours plus facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent débiteur sont faibles que lorsqu’ils sont moyens et je recours plus facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent débiteur sont élevés que lorsqu’ils sont moyens

7 4,3

Total 161 100,0

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425

7.C. Y a-t-il des types d’affaires qui justifient plus le recours à la table de référence du Ministère de la Justice ? Du point de vue des revenus du parent créancier…

Effectifs %

Non réponse 4 2,5

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Je recours plus facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent créancier sont faibles que lorsqu’ils sont moyens

13 8,1

Je recours moins facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent créancier sont faibles que lorsqu’ils sont moyens

1 ,6

Je recours plus facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent créancier sont élevés que lorsqu’ils sont moyens

7 4,3

Je recours moins facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent créancier sont élevés que lorsqu’ils sont moyens

4 2,5

Mon recours à la table de référence est indépendant du niveau des revenus du parent créancier

105 65,2

Je recours moins facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent créancier sont faibles que lorsqu’ils sont moyens et je recours plus facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent créancier sont élevés que lorsqu’ils sont moyens

1 ,6

Je recours plus facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent créancier sont faibles que lorsqu’ils sont moyens et je recours moins facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent créancier sont élevés que lorsqu’ils sont moyens

3 1,9

Je recours plus facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent créancier sont faibles que lorsqu’ils sont moyens et je recours plus facilement à la table de référence lorsque les revenus du parent créancier sont élevés que lorsqu’ils sont moyens

3 1,9

Total 161 100,0

7.D. Y a-t-il des types d’affaires qui justifient plus le recours à la table de référence du Ministère de la Justice ? Du point de vue des revenus des parents…

Effectifs %

Non réponse 5 3,1

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Je recours plus facilement à la table de référence lorsque les revenus des deux parents sont très différents que lorsqu’ils sont proches

20 12,4

Je recours moins facilement à la table de référence lorsque les revenus des deux parents sont très différents que lorsqu’ils sont proches

9 5,6

Mon recours à la table de référence est indépendant de l’écart de revenus entre les deux parents

107 66,5

Total 161 100,0

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426

7.E. Y a-t-il des types d’affaires qui justifient plus le recours à la table de référence du Ministère de la Justice ? Du point de vue de la proximité des propositions des parents

Effectifs %

Non réponse 3 1,9

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Je recours plus facilement à la table de référence lorsque les propositions de pension alimentaire des deux parents sont très différentes que lorsqu’elles sont proches

69 42,9

Je recours moins facilement à la table de référence lorsque les propositions de pension alimentaire des deux parents sont très différentes que lorsqu’elles sont proches

7 4,3

Mon recours à la table de référence est indépendant du niveau de proximité des propositions des deux parents

62 38,5

Total 161 100,0

7.F. Y a-t-il des types d’affaires qui justifient plus le recours à la table de référence du Ministère de la Justice ? Du point de vue de l’originalité des propositions des parents…

Effectifs %

Non réponse 5 3,1

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Je recours plus facilement à la table de référence lorsque les propositions de pension alimentaire des deux parents sont proches de ce qui est généralement proposé que lorsqu’elles sont très différentes de ce que l’on voit habituellement

15 9,3

Je recours moins facilement à la table de référence lorsque les propositions de pension alimentaire des deux parents sont proches de ce qui est généralement proposé que lorsqu’elles sont très différentes de ce que l’on voit habituellement

41 25,5

Mon recours à la table de référence est indépendant du fait que les propositions soient ou non conformes aux propositions habituelles

80 49,7

Total 161 100,0

7.G. Y a-t-il des types d’affaires qui justifient plus le recours à la table de référence du Ministère de la Justice ? Du point de vue de la précision des propositions des parents…

Effectifs %

Non réponse 3 1,9

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Je recours plus facilement à la table de référence lorsque l’une des parties n’explicite pas clairement sa proposition de pension alimentaire que lorsque les deux parties expriment clairement leurs propositions

39 24,2

Je recours moins facilement à la table de référence lorsque l’une des parties n’explicite pas clairement sa proposition de pension alimentaire que lorsque les deux parties expriment clairement leurs propositions

4 2,5

Mon recours à la table de référence est indépendant du fait que les propositions soient ou non exprimées clairement

95 59,0

Total 161 100,0

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427

7.H. Y a-t-il des types d’affaires qui justifient plus le recours à la table de référence du Ministère de la Justice ? Du point de vue de l’hébergement des enfants…

Effectifs %

Non réponse 4 2,5

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Je recours plus facilement à la table de référence lorsqu’il s’agit d’un hébergement « alterné » que lorsqu’il s’agit d’un hébergement « classique »

5 3,1

Je recours moins facilement à la table de référence lorsqu’il s’agit d’un hébergement « alterné » que lorsqu’il s’agit d’un hébergement « classique »

17 10,6

Je recours plus facilement à la table de référence lorsqu’il s’agit d’un hébergement avec droit de visite et d’hébergement « réduit » que lorsqu’il s’agit d’un hébergement « classique »

10 6,2

Je recours moins facilement à la table de référence lorsqu’il s’agit d’un hébergement avec droit de visite et d’hébergement « réduit » que lorsqu’il s’agit d’un hébergement dit « classique »

1 0,6

Mon recours à la table de référence est indépendant du type d’hébergement 72 44,7

Je recours moins facilement à la table de référence lorsqu’il s’agit d’un hébergement « alterné » que lorsqu’il s’agit d’un hébergement « classique » et je recours moins facilement à la table de référence lorsqu’il s’agit d’un hébergement avec droit de visite et d’hébergement « réduit » que lorsqu’il s’agit d’un hébergement dit « classique »

3 1,9

Je recours moins facilement à la table de référence lorsqu’il s’agit d’un hébergement « alterné » que lorsqu’il s’agit d’un hébergement « classique » et je recours plus facilement à la table de référence lorsqu’il s’agit d’un hébergement avec droit de visite et d’hébergement « réduit » que lorsqu’il s’agit d’un hébergement « classique »

20 12,4

Je recours plus facilement à la table de référence lorsqu’il s’agit d’un hébergement « alterné » que lorsqu’il s’agit d’un hébergement « classique » et je recours plus facilement à la table de référence lorsqu’il s’agit d’un hébergement avec droit de visite et d’hébergement « réduit » que lorsqu’il s’agit d’un hébergement « classique »

9 5,6

Total 161 100,0

9. Dans le débat contradictoire, prenez-vous l’initiative d’introduire la question du barème de CEEE ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 5 3,1

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Systématiquement 5 3,1

Parfois 31 19,3

Rarement 30 18,6

Jamais 70 43,5

Total 161 100,0

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428

10. Lorsque vous avez consulté la table de référence du Ministère de la Justice, en faites-vous état oralement à l’audience ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 3 1,9

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Oui systématiquement 10 6,2

Oui, parfois 46 28,6

Non, jamais 82 50,9

Total 161 100,0

11.A1. Lorsque vous vous rendez compte que les propositions de CEEE des parties sont inférieures à ce que préconise la table de référence indicative du Ministère de la Justice, que faites-vous ? Dans le cas où les parties se sont mises d’accord... j’homologue l’accord tel quel Effectifs Pourcentage

Non réponse 3 1,9

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Toujours 40 24,8

Très souvent (plus d’une fois sur deux) 63 39,1

Parfois (moins d’une fois sur deux) 17 10,6

Rarement (moins d’une fois sur dix) 11 6,8

Jamais 7 4,3

Total 161 100,0

11.A2. Lorsque vous vous rendez compte que les propositions de CEEE des parties sont inférieures à ce que préconise la table de référence indicative du Ministère de la Justice, que faites-vous ? Dans le cas où les parties se sont mises d’accord... je fais valoir aux parties que la proposition est basse, les incite à l’augmenter ou à se justifier, mais si elles persistent ou ne se justifient pas de manière convaincante, j’homologue l’accord tel quel

Effectifs Pourcentage

Non réponse 3 1,9

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Toujours 22 13,7

Très souvent (plus d’une fois sur deux) 46 28,6

Parfois (moins d’une fois sur deux) 16 9,9

Rarement (moins d’une fois sur dix) 21 13,0

Jamais 33 20,5

Total 161 100,0

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429

11.A3. Lorsque vous vous rendez compte que les propositions de CEEE des parties sont inférieures à ce que préconise la table de référence indicative du Ministère de la Justice, que faites-vous ? Dans le cas où les parties se sont mises d’accord... je fais valoir aux parties que la proposition est basse, les incite à l’augmenter ou à se justifier, et si elles persistent ou ne se justifient pas de manière convaincante, je n’homologue pas l’accord

Effectifs Pourcentage

Non réponse 3 1,9

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Toujours 4 2,5

Très souvent (plus d’une fois sur deux) 12 7,5

Parfois (moins d’une fois sur deux) 8 5,0

Rarement (moins d’une fois sur dix) 37 23,0

Jamais 77 47,8

Total 161 100,0

11.B1. Lorsque vous vous rendez compte que les propositions de CEEE des parties sont inférieures à ce que préconise la table de référence indicative du Ministère de la Justice, que faites-vous ? Dans le cas où les parties ne se sont pas mises d’accord et que la demande est inférieure au montant proposé par le barème, je m’en tiens à cette demande pour fixer le montant de CEEE et ne fixe pas un montant supérieur

Effectifs Pourcentage

Non réponse 5 3,1

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Toujours 98 60,9

Très souvent (plus d’une fois sur deux) 20 12,4

Parfois (moins d’une fois sur deux) 8 5,0

Rarement (moins d’une fois sur dix) 7 4,3

Jamais 3 1,9

Total 161 100,0

11.B2. Lorsque vous vous rendez compte que les propositions de CEEE des parties sont inférieures à ce que préconise la table de référence indicative du Ministère de la Justice, que faites-vous ? Dans le cas où les parties ne se sont pas mises d’accord et que la demande est inférieure au montant proposé par le barème, je ne m’en tiens pas à cette demande et fixe un montant de CEEE supérieur

Effectifs Pourcentage

Non réponse 5 3,1

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Toujours 1 0,6

Très souvent (plus d’une fois sur deux) 6 3,7

Parfois (moins d’une fois sur deux) 12 7,5

Rarement (moins d’une fois sur dix) 7 4,3

Jamais 110 68,3

Total 161 100,0

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430

12. Lorsque vous avez utilisé la table de référence du Ministère de la Justice, le mentionnez-vous dans votre décision ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 2 1,2

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Oui, systématiquement 3 1,9

Oui, parfois 3 1,9

Non, jamais 133 82,6

Total 161 100,0

13. Jusqu’à récemment, la table de référence du Ministère était proposée sur son site uniquement sous la forme d’un simple tableau, selon vous cette présentation est-elle facile d’usage ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 3 1,9

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Oui, assez facile d’usage 90 55,9

Oui, assez facile d’usage, sauf cas particulier 37 23,0

Non, vraiment pas facile d’usage 7 4,3

Je ne sais pas, je ne l’utilise pas assez 4 2,5

Total 161 100,0

14. Le fait que la table de référence du Ministère de la Justice soit bornée du point de vue des revenus (elle ne prévoit pas les cas de très bas ou de très haut revenu) constitue-t-il un inconvénient majeur pour vous ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 2 1,2

Non concerné, ne recourt pas 20 12,4

Oui, c’est très gênant 22 13,7

Non, pour les cas de revenus extrêmes, je n’ai pas besoin de barème 109 67,7

Je ne sais pas, je ne l’utilise pas assez 8 5,0

Total 161 100,0

16. A. Au cours des douze dernier mois, à quelle fréquence les parties ou leurs avocats ont fait mention spontanément de la table de référence du Ministère de la Justice à l’audience ou dans leurs écritures ? Lorsque les deux parties se sont mises d’accord…

Effectifs Pourcentage

Non réponse 1 0,6

C’est très fréquent, dans plus d’une affaire sur deux 20 12,4

C’est peu fréquent, dans moins d’une affaire sur deux 45 28,0

C’est assez exceptionnel, dans moins d’une affaire sur dix 67 41,6

Cela ne m’est jamais arrivé 28 17,4

Total 161 100,0

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16.B. Au cours des douze dernier mois, à quelle fréquence les parties ou leurs avocats ont fait mention spontanément de la table de référence du Ministère de la Justice à l’audience ou dans leurs écritures ? Lorsque les parties ne se sont pas mises d’accord…

Effectifs Pourcentage

Non réponse 2 1,2

Très souvent pour demander son application 14 8,7

Très souvent pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce 2 1,2

Parfois pour demander son application 28 17,4

Parfois pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce 3 1,9

Rarement pour demander son application 29 18,0

Rarement pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce 5 3,1

Jamais pour demander son application 13 8,1

Jamais pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce 1 0,6

Très souvent pour demander son application et très souvent pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce

5 3,1

Très souvent pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce et parfois pour demander son application

1 0,6

Très souvent pour demander son application et parfois pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce

6 3,7

Parfois pour demander son application et parfois pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce

16 9,9

Parfois pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce et rarement pour demander son application

1 0,6

Très souvent pour demander son application et rarement pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce

3 1,9

Parfois pour demander son application et rarement pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce

4 2,5

Rarement pour demander son application et rarement pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce

11 6,8

Très souvent pour demander son application et jamais pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce

1 0,6

Parfois pour demander son application et jamais pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce

1 0,6

Rarement pour demander son application et jamais pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce

7 4,3

Jamais pour demander son application et jamais pour dire que ce barème n’est pas adapté au cas d’espèce

8 5,0

Total 161 100,0

17. Selon votre expérience, lorsque la table de référence du Ministère de la Justice est évoquée (par vous-même ou par les parties), quelle est son influence sur le montant fixé ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 5 3,1

Le plus souvent, c’est le montant indiqué dans la table qui est retenu 16 9,9

Le plus souvent, c’est un montant proche de celui indiqué dans la table qui est retenu, mais pas exactement ce dernier

81 50,3

C’est très variable, parfois le montant de la table, parfois un autre montant

40 24,8

Je ne sais pas 19 11,8

Total 161 100,0

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18. Lorsque la table de référence du Ministère de la Justice a été évoquée par les parties ou leurs avocats, le mentionnez-vous dans votre décision ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 8 5,0

Oui, systématiquement 3 1,9

Oui, parfois 19 11,8

Non, jamais 131 81,4

Total 161 100,0

19. La table de référence du Ministère de la Justice est accompagnée d’une note explicative, en avez-vous connaissance ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 1 0,6

Oui 57 35,4

Non 103 64,0

Total 161 100,0

20. Son contenu vous est-il (a t’il été) utile ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 1 0,6

Non concerné, ne connaît pas la notice 103 64,0

Oui, très utile 16 9,9

Oui, un peu utile 25 15,5

Non, peu utile 16 9,9

Total 161 100,0

21.A. Les explications apportées dans la note explicative sont-elles assez compréhensibles ? Sur la notion de coût de l’enfant sur laquelle est fondée le calcul de CEEE

Effectifs Pourcentage

Non réponse 2 1,2

Non concerné, ne connaît pas la notice 103 64,0

Explications plutôt compréhensibles 46 28,6

Explications difficiles de compréhension 5 3,1

Je ne sais pas 5 3,1

Total 161 100,0

21.B. Les explications apportées dans la note explicative sont-elles assez compréhensibles ? Sur l’adaptation du montant de la CEEE selon le mode d’hébergement des enfants

Effectifs Pourcentage

Non réponse 2 1,2

Non concerné, ne connaît pas la notice 103 64,0

Explications plutôt compréhensibles 47 29,2

Explications difficiles de compréhension 5 3,1

Je ne sais pas 4 2,5

Total 161 100,0

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433

21.C. Les explications apportées dans la note explicative sont-elles assez compréhensibles ? Sur le partage du coût de l’enfant proportionnellement aux ressources des deux parents

Effectifs Pourcentage

Non réponse 3 1,9

Non concerné, ne connaît pas la notice 103 64,0

Explications plutôt compréhensibles 40 24,8

Explications difficiles de compréhension 9 5,6

Je ne sais pas 6 3,7

Total 161 100,0

21.D. Les explications apportées dans la note explicative sont-elles assez compréhensibles ? Sur le fait que la table de référence n’a qu’une entrée par le revenu du parent débiteur, mais qu’en fait implicitement les revenus du parent créancier sont bien pris en compte

Effectifs Pourcentage

Non réponse 2 1,2

Non concerné, ne connaît pas la notice 103 64,0

Explications plutôt compréhensibles 32 19,9

Explications difficiles de compréhension 19 11,8

Je ne sais pas 5 3,1

Total 161 100,0

21.E. Les explications apportées dans la note explicative sont-elles assez compréhensibles ? Sur les types de revenus à prendre en ligne de compte

Effectifs Pourcentage

Non réponse 2 1,2

Non concerné, ne connaît pas la notice 103 64,0

Explications plutôt compréhensibles 39 24,2

Explications difficiles de compréhension 10 6,2

Je ne sais pas 7 4,3

Total 161 100,0

21.F. Les explications apportées dans la note explicative sont-elles assez compréhensibles ? Sur le nombre d’enfants à prendre en ligne de compte

Effectifs Pourcentage

Non réponse 2 1,2

Non concerné, ne connaît pas la notice 103 64,0

Explications plutôt compréhensibles 45 28,0

Explications difficiles de compréhension 7 4,3

Je ne sais pas 4 2,5

Total 161 100,0

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434

21.G. Les explications apportées dans la note explicative sont-elles assez compréhensibles ? Sur le cas particulier de la résidence alternée

Effectifs Pourcentage

Non réponse 3 1,9

Non concerné, ne connaît pas la notice 103 64,0

Explications plutôt compréhensibles 45 28,0

Explications difficiles de compréhension 7 4,3

Je ne sais pas 3 1,9

Total 161 100,0

22. Vous est-il déjà arrivé que, lors d’une procédure, un parent vous demande d’expliquer comment la table de référence avait été construite ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 6 3,7

Oui, c’est assez fréquent 1 0,6

Oui, mais c’est très rare 9 5,6

Non, jamais 145 90,1

Total 161 100,0

23. Plutôt qu’un tableau présentant toutes les situations, pensez-vous qu’un simulateur permettant de visualiser le montant de CEEE pour le cas particulier étudié serait plus pertinent ? Effectifs Pourcentage

Non réponse 4 2,5

Oui, ce serait bien plus pratique et suffisant 29 18,0

Oui, ce serait très pratique, mais à condition d’avoir en parallèle le tableau pour avoir une vue d’ensemble

79 49,1

Non, un tel simulateur est sans intérêt 49 30,4

Total 161 100,0

24. Pensez-vous que ce soit une bonne chose que la table de référence du Ministère de la Justice ne soit qu’indicative ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 3 1,9

Oui, c’est une bonne chose que la table ne soit qu’indicative 143 88,8

Non, ce serait mieux qu’elle ait valeur de présomption, avec faculté pour le juge d’y déroger

13 8,1

Non, ce serait mieux qu’elle soit impérative 2 1,2

Total 161 100,0

25. Vous êtes magistrat…

Effectifs Pourcentage

Non réponse 1 0,6

D’un Tribunal de Grande Instance 136 84,5

D’une Cour d’Appel 24 14,9

Total 161 100,0

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435

26. Vous êtes magistrat en charge des affaires familiales…

Effectifs Pourcentage

Non réponse 3 1,9

A temps plein 120 74,5

A temps partiel 33 20,5

Occasionnellement 5 3,1

Total 161 100,0

27. Vous êtes...

Effectifs Pourcentage

Non réponse 6 3,7

Une femme 120 74,5

Un homme 35 21,7

Total 161 100,0

28. Quelle est votre ancienneté (en années) dans la magistrature (hors ENM) ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 2 1,2

Moins d’un an 5 3,1

1 17 10,6

2 9 5,6

3 6 3,7

4 3 1,9

5 6 3,7

6 4 2,5

7 4 2,5

8 7 4,3

9 2 1,2

10 10 6,2

11 5 3,1

12 4 2,5

13 5 3,1

14 4 2,5

15 4 2,5

16 3 1,9

18 2 1,2

19 1 0,6

20 13 8,1

22 1 0,6

23 3 1,9

24 2 1,2

25 7 4,3

26 2 1,2

27 2 1,2

28 2 1,2

30 6 3,7

31 2 1,2

32 7 4,3

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436

33 3 1,9

35 2 1,2

36 3 1,9

37 1 0,6

38 1 0,6

39 1 0,6

Total 161 100,0

29. Quelle est le nombre d’années pendant lesquelles vous avez exercé des fonctions de magistrat aux affaires familiales (toutes périodes confondues) ?

Effectifs Pourcentage

Non réponse 2 1,2

Moins d’un an 6 3,7

1 26 16,1

2 28 17,4

2,5 1 0,6

3 21 13,0

4 19 11,8

5 13 8,1

6 10 6,2

7 10 6,2

8 4 2,5

9 4 2,5

10 3 1,9

11 2 1,2

13 1 0,6

15 3 1,9

16 2 1,2

18 3 1,9

20 1 0,6

26 2 1,2

Total 161 100,0

0

5

10

15

20

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 18 19 20 22 23 24 25 26 27 28 30 31 32 33 35 36 37 38 39

Nombre de répondants selon l'ancienneté (en années) dans la magistrature

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437

30.A. Si vous avez exercé comme magistrat aux affaires familiales avant 2010 (donc avant la création de la table de référence du Ministère de la justice)...Est-ce que, selon vous, cette table de référence a changé le comportement des parties ?

Effectifs Pourcentage

Non concerné, n’était pas magistrat aux affaires familiales en 2010 61 37,9

Ne choisit aucun changement listé 48 29,8

Cela n’a rien changé 23 14,3

Lorsque les parties mentionnent cette table, la discussion est plus facile 6 3,7

Lorsque les parties mentionnent cette table, la discussion est plus difficile 4 2,5

Lorsque j’introduis la table dans les débats, la discussion est plus facile 3 1,9

Lorsque j’introduis la table dans les débats, la discussion est plus difficile 1 ,6

Il y a de plus en plus d’accords, car les parties s’entendent sur la base de cette table

3 1,9

Lorsque les parties mentionnent cette table, la discussion est plus facile Lorsque j’introduis la table dans les débats, la discussion est plus facile

2 1,2

Lorsque les parties mentionnent cette table, la discussion est plus difficile Lorsque j’introduis la table dans les débats, la discussion est plus difficile

1 ,6

Lorsque les parties mentionnent cette table, la discussion est plus facile Il y a de plus en plus d’accords, car les parties s’entendent sur la base de cette table

4 2,5

Lorsque j’introduis la table dans les débats, la discussion est plus facile Il y a de plus en plus d’accords, car les parties s’entendent sur la base de cette table

1 0,6

Lorsque les parties mentionnent cette table, la discussion est plus facile Lorsque j’introduis la table dans les débats, la discussion est plus facile Il y a de plus en plus d’accords, car les parties s’entendent sur la base de cette table

4 2,5

Total 161 100,0

0

5

10

15

20

25

30

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 13 15 16 18 20 26

Nombre de répondants selon l'ancienneté (en années) dans les affaires familiales

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30.B. Si vous avez exercé comme magistrat aux affaires familiales avant 2010 (donc avant la création de la table de référence du Ministère de la justice)...Est-ce que, selon vous, cette table de référence a changé votre propre pratique ?

Effectifs Pourcentage

Non concerné, n’était pas magistrat aux affaires familiales en 2010 61 37,9

Ne choisit aucun changement listé 48 29,8

Cela n’a rien changé 21 13,0

Je ne prépare plus mes dossiers de la même manière 1 ,6

J’organise les débats différemment 1 ,6

La discussion avec les parties et leurs avocats est plus sereine 6 3,7

J’ai gagné du temps dans la préparation et le traitement des dossiers 2 1,2

J’ai gagné du temps dans les débats avec les parties 1 0,6

Je peux plus facilement rédiger ma décision 11 6,8

J’organise les débats différemment La discussion avec les parties et leurs avocats est plus sereine

1 0,6

La discussion avec les parties et leurs avocats est plus sereine J’ai gagné du temps dans les débats avec les parties

1 0,6

J’organise les débats différemment Je peux plus facilement rédiger ma décision

1 0,6

La discussion avec les parties et leurs avocats est plus sereine Je peux plus facilement rédiger ma décision

1 0,6

J’ai gagné du temps dans la préparation et le traitement des dossiers Je peux plus facilement rédiger ma décision

1 0,6

La discussion avec les parties et leurs avocats est plus sereine J’ai gagné du temps dans la préparation et le traitement des dossiers Je peux plus facilement rédiger ma décision

2 1,2

Je ne prépare plus mes dossiers de la même manière J’ai gagné du temps dans les débats avec les parties Je peux plus facilement rédiger ma décision

1 0,6

La discussion avec les parties et leurs avocats est plus sereine J’ai gagné du temps dans la préparation et le traitement des dossiers J’ai gagné du temps dans les débats avec les parties Je peux plus facilement rédiger ma décision

1 0,6

Total 161 100,0

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443

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE........................................................................................................................................... 5

INTRODUCTION ................................................................................................................................. 7

PARTIE 1. LA PLACE DES BAREMES DANS LA LITTERATURE EN ECONOMIE DU DROIT ....................................................................................................................................... 9

1.1. LA REDUCTION DE L’INCERTITUDE SUR LES DECISIONS DES JUGES ..................................... 11 1.1.1. LES BAREMES, SOURCES D’EQUITE ..................................................................................... 11

A. Barème et variabilité accrue des décisions des juges ........................................................... 11 B. Une absence d’impartialité des juges ................................................................................... 13 C. Une iniquité intrinsèque aux barèmes .................................................................................. 14

1.1.2. L’INCITATION A COOPERER DAVANTAGE ............................................................................ 16 A. Des barèmes pour faciliter les négociations ......................................................................... 16 B. Des barèmes obstacles à la négociation ? ............................................................................. 17

1.2. L’AUGMENTATION DE LA SEVERITE DES SANCTIONS ET LA PERTE DE POUVOIR DES JUGES . 20 1.2.1. L’AUGMENTATION DE LA SEVERITE DES SANCTIONS .......................................................... 20

A. Des sanctions plus dissuasives .............................................................................................. 20 B. Perte de proportionnalité des peines ................................................................................... 21 C. Barèmes et sanctions complémentaires ............................................................................... 21

1.2.2. LA PERTE DE POUVOIR DES JUGES ...................................................................................... 22 A. Perte de motivation, résistance ou coopération stratégique ? ............................................ 23 B. Substitution de pouvoir entre acteurs du système judiciaire ............................................... 24 C. Idéologie et barèmes ............................................................................................................. 25

1.3. QUEL AVENIR POUR LES BAREMES .................................................................................... 27

CONCLUSION DE LA PARTIE 1 .................................................................................................. 30

PARTIE 2. UNE ANALYSE DE LA DISPARITE PRE-BAREME : LE CAS DU CONTENTIEUX PRUD’HOMAL ....................................................................................... 31

2.1. CONTEXTE DE L’ETUDE ..................................................................................................... 33 2.1.1. LE FONCTIONNEMENT DES CONSEILS DE PRUD’HOMMES ................................................. 33

A. Une procédure récemment revisitée .................................................................................... 33 B. Les conseillers prud’homaux ................................................................................................. 36

2.1.2. LES DIFFICULTES RENCONTREES DANS LES CONSEILS DE PRUD’HOMMES......................... 38 A. Un niveau d’activité dans les conseils de prud’hommes ...................................................... 38 B. Des durées de traitement excessives .................................................................................... 41 C. Des taux d’appels très élevés mais ambigus ......................................................................... 46

2.1.3. LES LIMITES DES BASES EXISTANTES ................................................................................... 46

2.2. ANALYSE QUANTITATIVE .................................................................................................. 48 2.2.1. DESCRIPTION DE LA COLLECTE ET DE LA BASE DE DONNEES .............................................. 48 2.2.2. STATISTIQUES DESCRIPTIVES ............................................................................................... 50

A. Données exploitables ............................................................................................................ 50 B. Statistiques descriptives sur la durée des cas ....................................................................... 51

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444

C. Statistiques descriptives sur les parties ................................................................................ 54 2.2.3. LES DISPARITES SUR LES MONTANTS DEMANDES ET OBTENUS ......................................... 56

A. Le ratio « montant obtenu/montant demandé » ................................................................. 56 B. Analyse des montants demandés ......................................................................................... 58 C. Analyse des montants obtenus ............................................................................................. 64

2.3. ANALYSE DES DECISIONS RELATIVES AU LICENCIEMENT ABUSIF ........................................ 70 2.3.1. DESCRIPTION DES MONTANTS DEMANDES ET OBTENUS ................................................... 70 2.3.2. LICENCIEMENT ABUSIF ET BAREME ORDONNANCE 2017 ................................................... 71

A. Le barème issu de l’ordonnance n°1387 du 22 septembre 2017. ........................................ 71 B. Simulation du barème 2017 à des cas décidés antérieurement ........................................... 73

2.3.3. CAS PASSES EN BUREAU DE JUGEMENT EN 2017 ............................................................... 76

CONCLUSION DE LA PARTIE 2 .................................................................................................. 79

PARTIE 3. UNE ANALYSE EX-POST DE L’INTRODUCTION D’UN BAREME : LE CAS DES PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANT ............................................................... 83

3.1. L’ANALYSE EX-POST DU RECOURS A UN BAREME EN MATIERE DE FIXATION DE CEEE A PARTIR D’UNE APPROCHE EXPERIMENTALE ................................................................. 85

3.1.1. PRESENTATION DE LA METHODOLOGIE .............................................................................. 85 A. Le protocole expérimental .................................................................................................... 85

1. Le choix des cas types ........................................................................................................ 86 2. Des cas types dont les caractéristiques sont proches des caractéristiques des affaires

fréquentes ................................................................................................................ 87 3. Le déroulement de l’expérimentation. ............................................................................. 90 4. Les limites de la procédure expérimentale ....................................................................... 91

B. Le traitement des données manquantes .............................................................................. 93 C. L’effet d’ancrage .................................................................................................................... 94 D. La structure des deux sous-groupes d’auditeurs .................................................................. 97

3.1.2. L’EFFET DE LA TABLE DE REFERENCE SUR LE NIVEAU DE CEEE ........................................... 99 A. Approche descriptive ............................................................................................................ 99

1. Présentation graphique ................................................................................................... 100 2. Etude (test) de différences de moyennes « avec versus sans » ...................................... 108 3. Etude de l’ampleur des différences de changements moyens « avec versus sans » ...... 111 4. L’ampleur des différences de montant de CEEE selon les caractéristiques des auditeurs

................................................................................................................................ 113 B. Approche économétrique ................................................................................................... 115

1. La mise en valeur d’un effet global du barème sur le montant de CEEE ceteris paribus 115 2. La mise en valeur d’effets spécifiques du barème sur le montant de CEEE ceteris paribus

................................................................................................................................ 122 3. La prise en compte d’une spécificité des données expérimentales pour estimer l’effet du

barème sur le montant de CEEE ceteris paribus .................................................... 124 3.1.3. L’EFFET DE LA TABLE DE REFERENCE SUR LA VARIANCE DE CEEE ..................................... 129

A. Approche descriptive .......................................................................................................... 130 1. Présentation graphique ................................................................................................... 130 2. Tests de différences de variances « avec versus sans » .................................................. 132 3. Est-ce que les variances dépendent d’auditeurs « outliers » ? ....................................... 135 4. Etude de différences de changements de variance « avec versus sans » ....................... 136 5. Les différences de variance varient-elles selon les caractéristiques des auditeurs ? ..... 139

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6. Est-ce que les changements de variance dépendent du fait que le barème est intérieur ou extérieur à l’intervalle propositions ? ............................................................... 141

B. Approche économétrique ................................................................................................... 146 1. L’étude de l’impact spécifique du barème sur la variance .............................................. 146 2. L’étude de l’impact des caractéristiques d’affaires sur la différence de variance « avec –

sans barème » ........................................................................................................ 150 3. La règle de procédure ultra/infra petita et son incidence sur la variance des décisions 152 4. Le recours aux Modèles MultiNiveaux (MMN) pour étudier les variances résiduelles des

décisions expérimentales ....................................................................................... 164 CONCLUSION DE LA SOUS-PARTIE 3.1 ......................................................................................... 175

3.2. L’ANALYSE EX-POST DU RECOURS A UN BAREME EN MATIERE DE FIXATION DE CEEE A PARTIR DE DECISIONS DE JUSTICE .............................................................................. 179

3.2.1. ANALYSES DE DECISIONS DE COURS D’APPEL ................................................................... 181 A. Méthodologie ...................................................................................................................... 181

1. Les bases de données de décisions de cours d’appel ..................................................... 181 a) La base de données « CA-2008 » ................................................................................. 181 b) La base de données « CA-2016 » ................................................................................ 183

2. Les cas types construits selon quatre critères ................................................................. 184 B. Analyses au plus proche des analyses menées sur données expérimentales .................... 188

1. Le niveau moyen des montants de CEEE a-t-il changé d’une période à l’autre ? ........... 188 2. La variance des montants de CEEE a-t-elle changé d’une période à l’autre ? ................ 191

C. Elargissement de l’analyse au-delà des cas types retenus pour l’expérimentation ........... 193 1. Moyennes et variances, d’une période à l’autre, selon cinq critères, mais avec des

modalités autres que celles retenues dans l’analyse expérimentale .................... 193 2. Décisions en cours d’appel en matière de CEEE et proximité avec les montants suggérés

par la table de référence du Ministère : simulations et comparaisons d’une période à l’autre .................................................................................................................. 201

a) Ecarts par rapport au barème simulé .......................................................................... 202 b) Les écarts par rapport au barème simulé, par critères d’affaire, varie-t-il selon la

période d’observation ? ..................................................................................... 212 3. Estimations économétriques des montants de CEEE : d’une période à l’autre le barème

implicite des juges a-t-il changé ? .......................................................................... 222 3.2.2. ENALYSES DE DECISIONS DE TRIBUNAUX DE GRANDE INSTANCE .................................... 232

A. Méthodologie ...................................................................................................................... 232 1. Les bases de données ...................................................................................................... 232

a) La base de données « TGI-2003 » ................................................................................ 233 b) La base de données « TGI-2012 » ............................................................................... 235

2. Les cas-types construit selon quatre critères .................................................................. 235 B. Analyse de données de TGI au plus proche des analyses menées sur données

expérimentales ........................................................................................................... 239 1. Le niveau moyen des montants de CEEE a-t-il changé d’une période à l’autre ? ........... 239 2. La variance des montants de CEEE a-t-elle changé d’une période à l’autre ? ................ 241

CONCLUSION DE LA SOUS-PARTIE 3.2 ......................................................................................... 243

3.3. L’ANALYSE EX-POST DU RECOURS A UN BAREME EN MATIERE DE FIXATION DE CEEE A PARTIR D’UNE ENQUETE QUALITATIVE PORTANT SUR LA TABLE DE REFERENCE INDICATIVE DU MINISTERE DE LA JUSTICE .................................................................. 249

3.3.1. METHODOLOGIE ................................................................................................................ 249 A. La conception de l’enquête ................................................................................................. 249

1. L’introduction .................................................................................................................. 251 2. Le recours à la table de référence ................................................................................... 251

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3. L’usage de la table de référence ..................................................................................... 252 4. Opinions et critiques à l’égard de la table de référence ................................................. 258 5. Le recours des parties à la table de référence ................................................................ 259 6. Opinions et critiques à l’égard de la notice explicative de la table de référence ........... 260 7. La caractérisation des magistrats .................................................................................... 261 8. Les conséquences de l’usage de la table de référence ................................................... 262 9. Fin de questionnaire ........................................................................................................ 264

B. Le déroulement de l’enquête .............................................................................................. 264 3.3.2. ANALYSES DES REPONSES A L’ENQUETE ........................................................................... 267

A. Les juges de l’échantillon recourent-ils à la table de référence ? ....................................... 267 1. Le taux de recours ........................................................................................................... 267 2. La fréquence du recours .................................................................................................. 270 3. L’intensité du recours ...................................................................................................... 273 4. Le recours des parties à la table de référence selon les magistrats................................ 274

B. Les juges de l’échantillon pensent-ils que la table de référence produit des effets ? ........ 279 1. L’influence de la table de référence sur le montant de CEEE ......................................... 279 2. L’influence de la table de référence sur le comportement des parties .......................... 281 3. L’influence de la table de référence sur la pratique du juge ........................................... 282

C. Les juges de l’échantillon pensent-ils que le recours à la table de référence est plus opportun pour certains types d’affaires ? .................................................................. 289

1. L’existence de types d’affaires qui justifieraient en général de recourir à un barème ... 289 2. Quelles modalités d’affaires justifieraient plus un recours à la table de référence ? ..... 292

a) La taille de la fratrie ..................................................................................................... 292 b) Les revenus des parents .............................................................................................. 292 c) Le Droit de Visite de d‘Hébergement (DVH) ................................................................ 295 d) Les propositions des parties ........................................................................................ 297

CONCLUSION DE LA SOUS-PARTIE 3.3 ......................................................................................... 301

CONCLUSION DE LA PARTIE 3 ................................................................................................. 305

CONCLUSION GENERALE ........................................................................................................... 309

ANNEXES ......................................................................................................................................... 313

Annexe 2.A : schéma 1. Fonctionnement des conseils de prud’hommes avant la loi du 6/8/2015 (Source : DESRIEUX & ESPINOSA (2017)) ................................................................................ 315

Annexe 2.B : schéma 2. Déroulement des litiges (hors référés) après la loi du 6 août 2015 ......... 317 Annexe 2.C : barème indicatif du décret n°2016-1581 ................................................................... 319 Annexe 3.A : le document d’expérimentation ................................................................................ 321 Annexe 3.B : ordre d’apparition des questions selon le lot d’expérimentation ............................. 337 Annexe 3.C : statistiques descriptives détaillées de certaines caractéristiques des auditeurs ...... 339 Annexe 3.D : distributions des montants de CEEE selon le cas-type (regroupés par série de 4 cas-

types) et le sous-groupe d’auditeurs ................................................................................. 343 Annexe 3.E : estimations alternatives dans la cadre de l’analyse de la procédure ultra/infra petita

............................................................................................................................................ 367 Annexe 3.F : classement des cas-types selon les différences de variance totale observée ou de

variance résiduelle ............................................................................................................. 367 Annexe 3.G : le masque de saisie de la base de données « CA-2016 » ........................................... 371 Annexe 3.H : à propos de la pondération des bases de données de décisions de cours d’appel ... 391 Annexe 3.I : moyennes et écarts-types de CEEE calculés pour l’ensemble des enfants ................. 393 Annexe 3.J : la table de référence indicative du Ministère de la Justice pour fixer les CEEE .......... 395

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Annexe 3.K : structures de l’échantillon pour quelques variables-clés selon le champ ................. 397 Annexe 3.L : indicateurs d’écarts au barème simulé lorsque le revenu mensuel du parent débiteur

est compris en 700€ et 5 000€ ........................................................................................... 401 Annexe 3.M : estimation de l’écart relatif en valeur absolue entre l’offre (la demande) et la valeur

suggérée par le barème ...................................................................................................... 405 Annexe 3.N : le masque de saisie de la base de données « TGI-2003 ».......................................... 407 Annexe 3.O : la grille de saisie de la base de données « TGI-2012 » .............................................. 411 Annexe 3.P : tableaux de fréquence des réponses apportées à l’enquête qualitative auprès des

magistrats quant à l’usage de la table de référence indicative relative à la fixation de la CEEE .................................................................................................................................... 421

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ........................................................................................ 439

TABLE DES MATIERES ................................................................................................................ 443

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