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1 Prof. Cedric HERMANS Service d'Hématologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, UCL Prof. Peter SINNAEVE Dienst Cardiologie, Universitair Ziekenhuis Gasthuisberg, KULeuven Prof. Peter VERHAMME Centrum voor moleculaire en vasculaire biologie. Bloedings- en vaatziekten, KULeuven Prof. Jean-Louis VANOVERSCHELDE Service de Cardiologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, UCL Prof. Chistian BROHET Service de Cardiologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, UCL La bonne utilisation de l’aspirine à faible dose en prévention primaire et secondaire des maladies cardiovasculaires Avec le soutien de la

La bonne utilisation de l’aspirine à faible dose en ... · PDF filebose qui vient de se constituer, ... (veine porte) que l'aspi-rine entre en contact avec les plaquettes san-guines

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Prof. Cedric HERMANSService d'Hématologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, UCL

Prof. Peter SINNAEVEDienst Cardiologie, Universitair Ziekenhuis Gasthuisberg, KULeuven

Prof. Peter VERHAMMECentrum voor moleculaire en vasculaire biologie. Bloedings- en vaatziekten, KULeuven

Prof. Jean-Louis VANOVERSCHELDEService de Cardiologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, UCL

Prof. Chistian BROHETService de Cardiologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, UCL

La bonne utilisation de l’aspirine à faible dose

en prévention primaire et secondaire des maladies cardiovasculaires

Avec le soutien de la

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CONTENU

Avant-propos 3

Synthèse: Ce qu’il faut savoir à propos de l’aspirine 4-5

Plus loin dans cette brochure, vous trouverez les réponses aux questions suivantes:

• Qu’est ce qu’une thrombose? 6• Comment un caillot sanguin se constitue-t-il? 8• Comment fluidifier le sang? 10• Comment agit l’aspirine? 11• Quelles sont les raisons de prendre l’aspirine? 13• Quels sont les risques et les complications d’un traitement par aspirine? 16• Comment prendre l’aspirine en cas d’infarctus du myocarde

ou d’accident vasculaire cérébral (AVC) non hémorragique? 17• Quelle est la dose optimale d’aspirine prescrite pour prévenir

une thrombose artérielle? 18• Existe-t-il d’autre antiagrégants? 18• Le clopidogrel est-il supérieur à l’aspirine? 19• Est-il possible que l’aspirine n’agisse pas? 20• Peut-on arrêter un traitement par aspirine? 22

Avant-propos

Depuis sa synthèse il y a plus de 100 ans,l'acide acétylsalycilique ou aspirine est géné-ralement reconnue comme un médicamentincontournable contre la formation de caillotssanguins (thromboses). On estime à plus de650.000 le nombre de personnes actuellementtraitées dans notre pays par l’aspirine.

Malgré l'introduction récente de nouveauxmédicaments, l'aspirine reste le médicamentde premier choix pour la prévention et le trai-tement des thromboses. Chaque année, lesrésultats de nombreuses études cliniques ettravaux de recherche concernant l'aspirinefont l'objet de publications scientifiques.Celles-ci nous informent de mieux en mieuxsur les bénéfices et les modalités d'utilisationoptimales de cette médication.

Si la prise d'aspirine contribue à sauver desvies, son utilisation inappropriée, le recours àdes doses inadéquates ou son interruptionbrutale peuvent cependant avoir des consé-quences parfois dramatiques.

Cette brochure a été réalisée afin de commu-niquer ces informations importantes à toutesles personnes qui reçoivent un traitement paraspirine.

Cette brochure devrait contribuer à une meil-leure compréhension par les patients desbénéfices du traitement par aspirine et desprécautions à prendre. Elle n'a pas pour butde remplacer les informations et les indica-tions données par le médecin traitant. Si lalecture de cette brochure soulève des ques-tions ou des doutes, il vous est recommandéde vous adresser à votre médecin.

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• C'est un médicament de premier choixpour le traitement et la prévention desthromboses dans les artères.

• S'il n'y a pas de contre-indications, la prisequotidienne d'aspirine est nécessaire cheztous les patients qui ont subi un infarctusdu myocarde ou un AVC, ou qui présententun risque élevé d'accident vasculaire consé-cutif à la formation de caillots sanguins.L'aspirine doit être prescrite par le médecindans ces circonstances.

• L'aspirine est indiquée pour prévenir unepremière thrombose chez les patients quiont un risque manifeste d'avoir une mala-die cardiovasculaire et qui n'ont pas decontre-indications.

• Lors du traitement en urgence de l'infarc-tus du myocarde et de l'AVC, une dose de160 à 300 mg d'aspirine (forme sans enro-bage) est recommandée pour obtenir uneefficacité maximale et un effet rapide. Siseules des formes enrobées sont disponi-bles, les comprimés doivent être brisésavant d'être avalés pour obtenir un effetrapide.

• La dose optimale pour la prévention à longterme des thromboses artérielles est com-prise entre 75 et 100 mg/jour. Les formes àenrobage entérique peuvent être utiliséespour améliorer la tolérance au niveau del'estomac.

Ce qu'il faut savoir à propos de l'aspirine:

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• Le traitement doit être pris chaque jour,sans interruption.

• Un traitement de protection de l'estomacdoit être recommandé en cas d'antécé-dents d'ulcère gastrique.

• La tension artérielle doit être contrôléeavant de débuter le traitement.

• Une faible dose d'aspirine (≤100 mg) estimpérativement recommandée en cas deprise simultanée de médicaments anticoa-gulants (acenocoumarol, warfarine, phen-procoumone…) ou de clopidogrel.

• Le traitement par aspirine ne peut êtreinterrompu qu'après avoir pris en comptele risque de formation de nouveaux caillotssanguins. La plupart des opérations, y com-pris les extractions dentaires et de nom-breuses interventions invasives (biopsies,ponctions) peuvent être réalisées sousaspirine à faible dose.

• Une interruption de 5 jours est générale-ment suffisante avant des interventionscomportant un risque hémorragique élevé.Le traitement doit être repris le plus rapi-dement possible après l'intervention.

• Chez le patient porteur d'un stent, le trai-tement par aspirine ne peut être interrom-pu qu'après avis du cardiologue qui a misle stent en place.

Si vous avez des questions ou des doutes,nous vous conseillons de vous adresser à

votre médecin traitant.

Le cœur est l'organe central de la circulationsanguine. Sa principale fonction consiste àfournir du sang riche en oxygène et en subs-tances nutritives aux différents organes, parl'intermédiaire d'artères de plus en plus fines.Cet apport de sang doit être suffisant pourmaintenir les organes en vie. Après avoir ali-menté les divers organes, le sang est ramenépar les veines vers le cœur, au niveau duquel ilest pompé dans les poumons pour être oxy-géné.

Si une artère est obstruée par un caillot desang (thrombus), le flux sanguin est inter-rompu, ce qui peut avoir des conséquencesdramatiques (illustration 1). S'il s'agit d'uneartère cérébrale, il peut en résulter une éven-tuelle paralysie. Si c'est une artère du cœur(une artère coronaire) qui est obstruée, celaentraînera un infarctus du myocarde.

L'obstruction d'une artère des membres infé-rieurs peut imposer l'amputation de toute lajambe atteinte ou d’une partie. Les caillotssanguins dans les artères (appelés thromboses

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Infarctus cérébral

Infarctus du myocarde

Thrombose artérielle

P Sinnaeve

Qu'est ce qu'une thrombose ?

illustration 1

artérielles) apparaissent généralement dansdes artères dont la paroi est altérée par desdépôts graisseux et des calcifications (artérios-clérose), et qui sont rétrécies.

Si une veine est obstruée par un caillot(thrombose veineuse ou phlébite)(illustration2), le sang n'est plus efficacement drainé versle cœur, ce qui peut entraîner un gonflementet une douleur, généralement au niveau desjambes. Si le caillot se détache de la paroi dela veine, il peut être emmené par le courantsanguin et se nicher dans un poumon. Onparle alors d'embolie pulmonaire. La forma-tion d'un caillot dans une veine est générale-ment favorisée par la stagnation (immobilisa-tion, plâtre, hospitalisation) ou un épaississe-ment du sang.

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Embolie pulmonaire

Thromboseveineuse

P Sinnaeve

illustration 2

L'apparition d'un caillot sanguin dans les vais-seaux (thrombose) résulte d'interactions com-plexes entre la paroi interne de l'artère, lesplaquettes sanguines et deux systèmes pré-sents dans le sang: la coagulation et la fibrino-lyse, ou système de dissolution des caillots.

Un thrombus ou caillot sanguin peut être com-paré à un mur. Il est constitué de plaquettessanguines (comparables aux briques) et defibrine (assimilable au ciment) (illustration 4).

Les plaquettes sanguines, sont de petits dis-ques de forme irrégulière, de moins d'un cen-tième de millimètre de diamètre. Leur princi-pale fonction est de s'accoler les unes auxautres à l'endroit précis d'une brèche dans laparoi des vaisseaux, et de la colmater.

Normalement, il y a juste le nombre de pla-quettes qu'il faut pour colmater cette brèche.Mais il se produit parfois une réaction exagé-rée, qui peut aller jusqu'à l'obstruction totaledu vaisseau endommagé.

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Comment un caillot sanguin se constitue-t-il ?

P Sinnaeve

ArtèreAthérosclérose

Thrombus

illustration 3

Lors de la coagulation, il se produit dans lesang une réaction en chaîne qui aboutit à cequ'une protéine du sang, le fibrinogène, setransforme en fibrine. Ce phénomène peutêtre comparé à la solidification du blancd'œuf à la cuisson.

La fibrinolyse est la tentative de l'organismede dissoudre la fibrine coagulée. La fibrino-lyse (lyse veut dire dissolution) est donc uneréaction de défense de l'organisme contre lescaillots déjà formés.

Même si tout caillot est constitué de plaquet-tes sanguines et de fibrine, sa composition estdifférente s'il s'agit d'une thrombose dansune artère ou dans une veine (thromboseartérielle ou veineuse). En effet, le caillot quise forme dans une artère est essentiellementconstitué de plaquettes sanguines alors que lecaillot veineux est surtout riche en fibrine.

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Plaquettes sanguines

Fibrinogène

Fibrine

Thrombus

P Sinnaeve

illustration 4

Le sang peut être fluidifié de trois manières :

• En diminuant la force d'adhésion des pla-quettes sanguines. Cela s'obtient par l'inhi-bition de l'agrégation des plaquettes. Lesantiagrégants plaquettaires, qui empê-chent les plaquettes de se fixer les unes auxautres pour former un caillot, sont essen-tiellement utilisés pour les thromboses arté-rielles.

• En interrompant la réaction en chaîne quimène à la coagulation et à la formation defibrine. Les agents anticoagulants sont sur-tout utilisés pour traiter les thrombosesartérielles et veineuses.

• En aidant l'organisme à dissoudre les cail-lots de sang. Il s'agit dans ce cas de stimulerla fibrinolyse et de dégrader la fibrine (leciment qui relie les plaquettes). Ces agentsqui dissolvent la fibrine (fibrinolytiques) nesont utilisés que pour dissoudre une throm-bose qui vient de se constituer, que ce soit àl'occasion d'un infarctus du myocarde, d'unaccident vasculaire cérébral (AVC), d'uneimportante thrombose veineuse ou d'uneembolie pulmonaire.

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Comment fluidifier le sang?

L'aspirine empêche l'agrégation des plaquet-tes sanguines par un mécanisme particulier.Après avoir été ingérée, l'aspirine est absor-bée par le tube digestif. Cette absorption sefait en 30 à 60 minutes. Elle se fait plus lente-ment (dans les 3 à 4 heures) pour certainesformes d'aspirine (les formes dites enrobées,qui sont moins irritantes pour l'estomac).

C'est dans la veine qui draine le sang du tubedigestif vers le foie (veine porte) que l'aspi-rine entre en contact avec les plaquettes san-guines. Au contact de l'aspirine, présente enfaible concentration, une enzyme (un type deprotéine) présente à la surface des plaquettessanguines et appelée cyclo-oxygénase estinactivée de façon irréversible.

La cyclo-oxygénase joue un rôle importantdans la synthèse de diverses substances appe-lées prostaglandines. Ces dernières intervien-nent non seulement dans l'agrégation desplaquettes mais aussi dans la régulation dudiamètre des vaisseaux sanguins, la protectionde l'estomac et les phénomènes inflamma-toires.

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Comment agit l'aspirine ?

ActivationCOX-1

Agrégation Adhésion

P Sinnaeve

illustration 5

Etant donné que les plaquettes sanguinesinhibées de manière irréversible restent pré-sentes dans le sang durant 5 à 10 jours, l'effetde l'aspirine persiste plusieurs jours.

L'aspirine agit aussi sur la formation de sub-stances qui interviennent dans le développe-ment de la fièvre et de l'inflammation. Elle estdonc fréquemment prescrite pour ses effetsfébrifuges et anti-douleur. La quantité (dose)d'aspirine requise pour obtenir ces effets esttoutefois largement supérieure à celle quipermet d'inhiber les plaquettes sanguines.

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ActivationCOX-1

Agrégation Adhésion

Aspirine

P Sinnaeveillustration 6

Des études à grande échelle ont démontréque la prise d'aspirine à faible dose amélioraitnettement les chances de survie après uninfarctus du myocarde et un accident vascu-laire cérébral. Administrée immédiatementaprès un infarctus du myocarde, l'aspirineprévient en effet, au cours du premier mois detraitement, 38 accidents vasculaires et 23décès résultant de complications en rapportavec les vaisseaux sanguins pour 1000 patientstraités. Pour ce qui est des accidents vasculai-res cérébraux (AVC), l'aspirine administréeimmédiatement après l'accident prévient 9accidents vasculaires graves pour 1000patients traités. Sur la base de ces observa-tions, l'aspirine est administrée à tous lespatients présentant un infarctus du myocardeou un AVC.

L'aspirine est indiquée non seulement pour letraitement mais aussi pour la prévention denouveaux caillots sanguins (c'est ce que l'onappelle prévention secondaire). Administrée à1000 patients ayant des antécédents d'infarc-tus du myocarde ou d'AVC, l'aspirine prévienten moyenne 15 à 18 nouveaux cas de throm-bose par an. Chez les patients à risque élevéde présenter une thrombose (angine de poi-trine au repos ou à l'effort, patients chez les-quels on a réouvert une artère du cœur avecun ballonnet, pontage artériel, dialyse rénale,diabète, rétrécissement des artères caroti-diennes), l'utilisation de l'aspirine est associéeà des bénéfices semblables, c'est-à-dire la pré-vention de plus de 10 accidents pour 1000patients traités pendant 1 an.

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Quelles sont les raisons de prendre de l'aspirine ?

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L'aspirine peut également être utile avantqu'un caillot sanguin se soit formé dans uneartère. On parle dans ce cas de prévention pri-maire. Jusqu'à ce jour, 6 vastes études ont éva-lué les bénéfices et les risques de la prise d'untraitement préventif des thromboses par aspi-rine. Ces études ont clairement démontré queles bénéfices de la prise d'aspirine et la réduc-tion du risque de formation de caillots sontd'autant plus importants que les patientscumulent plusieurs facteurs de risque dethrombose. Il est important de souligner queces études ont démontré que l'aspirine réduitle nombre d'accidents résultant d'une throm-bose, mais aussi qu'elle n'a pas d'impact sur lamortalité.

La décision d'instaurer une prévention pri-maire par aspirine n'est pas sans danger.L'équilibre entre les bénéfices du traitement(prévention de la thrombose) et ses complica-tions éventuelles (hémorragie, troubles diges-

tifs) doit être maintenu. Sur la base des der-nières recommandations, une prévention pri-maire par aspirine est recommandée chez lespatients dont le risque de décéder d’un acci-dent cardiovasculaire est supérieur à un cer-tain seuil. Ce risque peut être calculé par votremédecin à l'aide d'une échelle qui tientcompte de la plupart des facteurs de risquecardiovasculaire (âge, sexe, tabagisme, aug-mentation du cholestérol et hypertensionartérielle). En fonction du résultat, votremédecin discutera avec vous des bénéfices etdes risques d'un traitement préventif par unefaible dose d'aspirine.

Pour certaines catégories de patients, les spé-cialistes recommandent une prévention pri-maire par aspirine. Il s'agit des patients diabé-tiques de plus de 30 ans ou des patients ayantun autre facteur de risque cardiovasculaire,des patients hypertendus âgés de plus de 50ans à haut risque d'accident cardiovasculaire

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ou des patients chez lesquels les reins ne fonc-tionnent pas bien, pour autant que l'hyperten-sion artérielle soit bien contrôlée.

Une prévention par aspirine est égalementrecommandée chez les patients présentantcertaines maladies cardiaques (patients pré-sentant une fibrillation auriculaire à risque dethrombose qui ne supportent pas un traite-ment anticoagulant oral, p.ex. phenprocou-mone, warfarine, acenocoumarol), chez lespatients présentant une certaine forme demaladie du sang (polyglobulie ou maladie deVacquez), et pendant la grossesse chez les fem-mes ayant des antécédents de pré-éclampsie.

Les bénéfices de l'aspirine (l’évitement d’uncertain nombre d’accidents vasculaires par1000 patients) doivent être mis en balanceavec les complications (un certain nombred’hémorragies importantes par 1000 patientstraités). N'oublions en outre pas que, sur 1000

patients traités par aspirine pendant un an, unnombre non négligeable (jusqu'à plusieursdizaines) présentera, en fonction de la doseutilisée, des troubles digestifs (dyspepsie) dontle traitement est onéreux. Chaque patientbénéficiant d'une prévention primaire paraspirine doit être clairement informé tant desbénéfices que des risques de ce traitement.

Les troubles digestifs et les hémorragies(digestives ou cérébrales) sont les principalescomplications du traitement par aspirine.

Les troubles digestifs (lourdeur, pesanteurd'estomac, ulcère) sont la conséquence de laréduction de la protection de la paroi de l'es-tomac assurée par certaines substances (pros-taglandines) dont la formation est inhibéepar l'aspirine.

Par son action directe sur la paroi de l'estomacet son action sur les plaquettes sanguines,l'aspirine augmente le risque d'hémorragiedigestive. On estime que 1 à 2 sur 1000 per-sonnes traitées pendant un an par aspirineprésenteront une hémorragie sévère de l'oe-sophage ou de l’estomac. Ces accidentshémorragiques digestifs sont plus fréquentschez les patients qui présentent plusieurs fac-

teurs de risque (âge avancé, traitement simul-tané par anti-inflammatoires, antécédentsd'hémorragie).

Ces complications digestives peuvent être sen-siblement réduites en prenant certaines pré-cautions: l'utilisation d'une faible dose d'aspi-rine (égale ou inférieure à 100 mg/jour), laprise de médicaments protégeant l'estomac,le recours aux formes possédant un enrobagequi protège l'estomac.

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Quels sont les risques et les complications d'un traitement par aspirine ?

Le risque d'hémorragie cérébrale est plus fai-ble puisqu'il n'affecte que 1 patient sur 1000traités pendant 3 ans.

Enfin, certains patients peuvent présenter desréactions allergiques (réactions d'hypersensi-bilité) à l'aspirine, parfois très graves. Il est

important de chercher à savoir si le patientn'a pas présenté auparavant des réactionsallergiques avant d'instaurer un traitementpar aspirine. Un traitement de désensibilisa-tion (un traitement qui diminue l'hypersensi-bilité à l'aspirine) doit être recommandé chezles patients allergiques traités par aspirine.

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Comment prendre l'aspirine en cas d'infarctus du myocarde ou d'accidentvasculaire cérébral (AVC) non hémorragique ?

Une dose de 160 à 300 mg d'aspirine estrecommandée pour le traitement en urgencede l'infarctus du myocarde et de l'AVC (nonhémorragique). Afin de ne pas retarder l'effetde l'aspirine sur les plaquettes et la formationdes caillots sanguins, les formes enrobées quisont absorbées plus lentement doivent êtreévitées.

Si seule une forme enrobée est disponible, ilest impératif de croquer 2 à 3 comprimés pourrompre l'enrobage et obtenir un effet rapide.Le médecin doit être contacté sans délai afinde juger de la situation et d'organiser le trans-fert à l'hôpital.

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Quelle est la dose optimale d'aspirine prescrite pour prévenir une thrombose artérielle ?

Existe-il d'autres antiagrégants ?

Même si une faible dose est classiquementrecommandée, la valeur exacte de celle-cin'est pas définie. Les spécialistes européensrecommandent une dose comprise entre 75 et100 mg.

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)mentionne une posologie quotidienne opti-male de 100 mg/jour. L'utilisation de posolo-gies plus importantes ne semble pas être plus

efficace et entraîne davantage d'hémorragies(essentiellement digestives).

Une faible dose (≤ 100 mg) doit certainementêtre recommandée lorsque l'aspirine est utili-sée en combinaison avec d'autres médica-ments antiagrégants (clopidogrel, ticlopidine)ou avec des médicaments anticoagulants (ace-nocoumarol, warfarine, phenprocoumone).

La ticlopidine et le clopidogrel sont deuxautres médicaments qui inhibent l'agrégationdes plaquettes sanguines. Ces deux médica-ments agissent différemment de l'aspirine. Cesdeux substances sont en effet transformées auniveau du foie en dérivés actifs. Il s'agit d'unedifférence fondamentale par rapport à l'aspi-rine qui est d'emblée active et ne doit pas êtretransformée avant d'exercer ses effets sur les

plaquettes sanguines. Les médicaments telsque la ticlopidine et le clopidogrel bloquentde manière irréversible certains récepteursprésents à la surface des plaquettes (récep-teurs à l'ADP). Comme l'aspirine, ces deuxmédicaments inhibent les plaquettes de façonirréversible. Comparativement à l'aspirine, leclopidogrel est cependant beaucoup plus cher.

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L'efficacité et la tolérance du clopidogrel enprévention secondaire ont été comparées àcelles de l'aspirine dans le cadre d'une trèslarge étude (CAPRIE) incluant plus de 19000patients présentant des antécédents d'infarc-tus du myocarde, d'AVC ou un rétrécissementdes artères des membres inférieurs. Cetteétude, publiée en 1996, a montré que par rap-port à l'aspirine, l'efficacité du clopidogrel estlégèrement supérieure. Pour 1000 patientstraités pendant 1 an, le traitement par clopi-dogrel permet d'éviter 5 accidents vasculairessupplémentaires (24 évènements annuels sousaspirine contre 19 sous clopidogrel). Ces béné-fices sont toutefois limités, et semblent uni-quement évidents chez certaines catégoriesde patients avec un profil de risque plus élevé:les patients qui ont un rétrécissement desartères des jambes, les patients diabétiques,ceux qui ont subi un pontage des artères coro-

naires ou qui reçoivent un traitement visant àréduire le cholestérol.

Le clopidogrel entraîne moins de nausées, devomissements et d'ulcères de l'estomac quel'aspirine. Toutefois, lorsque l'aspirine estprise à faible dose (100 mg/jour) et en associa-tion avec un médicament protégent l'esto-mac, elle n'entraîne pas plus de problèmesgastriques que le clopidogrel. La prise de clo-pidogrel peut entraîner la survenue d’uneéruption cutanée et des diarrhées.

Contrastant avec les résultats de l'étudeCAPRIE, plusieurs études ont clairementdémontré l'intérêt de combiner la prise d'as-pirine et de clopidogrel chez les patients pré-sentant une thrombose des artères coronaires(syndrome coronarien aigu). Cette combinai-son a également fait la preuve, dans plusieurs

Le clopidogrel est-il supérieur à l'aspirine ?

20

études, de son efficacité pour prévenir la for-mation de nouveaux caillots sanguins chez lespatients ayant bénéficié d’une dilatationd'une artère coronaire par ballonnet et de lamise en place d'un stent. En fonction du type

de stent mis en place, un traitement associantl'aspirine et le clopidogrel est poursuivi pourune période comprise entre 1 mois et 1 an.

Est-il possible que l'aspirine n'agisse pas ?

La notion de résistance à l'aspirine a récem-ment été utilisée pour expliquer pourquoi,chez certains patients, l'aspirine ne prévientpas la formation de caillots sanguins.L'efficacité de l'aspirine peut être évaluée cli-niquement en comptant le nombre de throm-boses évitées par le traitement. L'action del'aspirine sur les plaquettes sanguines peutégalement être évaluée par des tests de labo-ratoire assez compliqués. Ces derniers permet-tent d'étudier le retard de la formation ducaillot, l'altération de l'agrégation des pla-quettes ou encore la perturbation de la for-

mation de certaines substances (prostaglandi-nes) lors de la prise d'aspirine.

Il n'est pas inhabituel pour le médecin deconstater que des patients traités par aspirineauront malgré tout un caillot. Cette résistance« clinique » peut s'expliquer par la complexitédu processus de formation des caillots contrelequel de nombreux médicaments sont pres-crits en association avec l'aspirine (anti-hyper-tenseurs, médicaments réduisant le cholesté-rol).

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D'un point de vue biologique, seuls des teststrès spécialisés qui évaluent spécifiquementles cibles de l'aspirine (telles que la synthèsedes prostaglandines) peuvent être utiliséspour évaluer l'efficacité de l'aspirine. Il n'estd'ailleurs actuellement pas recommandé decontrôler par des tests sanguins l'efficacité del'aspirine.

Plusieurs études récentes ont mis en lumièrel'importance du respect de certaines précau-tions d'utilisation :

• Prise quotidienne et évitement des oublis

• Eviter de prendre en même temps que l'as-pirine un traitement par anti-inflamma-toires (p.ex. l’ibuprofen, qui peut empêcherl'aspirine d'agir sur les plaquettes).

Il est possible que votre médecin augmente ladose d'aspirine dans certaines circonstancestelles que des accidents cardiaques (par exem-ple un syndrome coronarien aigu au coursduquel les plaquettes sont particulièrementactives).

Certains patients présentent une nette résis-tance au clopidogrel. Cela est dû au fait que leclopidogrel doit être transformé au niveau dufoie en une substance active. Ce processus estparfois plus lent chez certains patients, sousl'influence de certains facteurs génétiques quidéterminent le métabolisme des médicamentsdans l'organisme. La résistance au clopidogrelfait actuellement l'objet d'études approfon-dies, afin d'en déterminer les conséquences.

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Peut-on arrêter un traitement par aspirine ?

Il arrive qu'on envisage d'interrompre le trai-tement par aspirine. C'est notamment le caslors de certaines interventions qui augmentele risque d'hémorragies (opérations, soinsdentaires, biopsies). L'arrêt de l'aspirine n'esttoutefois jamais dénué de risque.

De nombreuses études ont démontré un ris-que nettement accru de survenue d'infarctuschez les patients ayant interrompu leur traite-ment par aspirine, souvent pour des interven-tions légères (telles que des soins dentaires).Dans ce contexte, il est d'une part absolumentnécessaire de bien évaluer le risque d'hémor-ragie lorsque le traitement par aspirine estpoursuivi, mais il est aussi indispensable debien évaluer le risque de thrombose lorsqu'oninterrompt un traitement par aspirine.

A l'exception de certains types de chirurgie(prostate, système nerveux), la plupart des

interventions chirurgicales et des autres inter-ventions invasives peuvent être réalisées pen-dant un traitement avec une faible dose d'as-pirine (100 mg/jour).

Si l'aspirine doit être interrompue, il estrecommandé, compte tenu du temps néces-saire à la récupération des plaquettes sangui-nes (10% par jour), d'interrompre l'aspirine 5jours avant l'intervention et de la reprendreensuite le plus rapidement possible.

Contrairement à l'aspirine, le clopidogrel doitgénéralement être interrompu avant TOUTEintervention invasive, compte tenu du risquetrop important de complications hémorragi-ques. Les interventions coronariennes percu-tanées y font exception. Il est toutefois égale-ment important de tenir compte du risque dethrombose lors de l'arrêt du clopidogrel. Ceciest encore plus important chez les patients

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qui reçoivent une association aspirine-clopi-dogrel après la mise en place d'un stent (coro-narien).

Un risque majeur de thrombose a en effet étémis en évidence après interruption du traite-ment antiagrégant chez les patients porteursd'un stent coronarien, parfois plusieurs moisaprès sa mise en place. Par ailleurs, de multi-ples initiatives ont été prises pour sensibiliserle corps médical et les patients stentés à l'im-portance d'une prise quotidienne d'aspirineainsi qu'aux risques liés à un arrêt prématurédes antiagrégants (aspirine et clopidogrel).

Références• A randomised, blinded, trial of clopidogrel versus aspirin in patients at risk of ischaemic

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Belgian Stroke Council (E) www.neuro.be/bsc

L'Association belge du diabète (F) www.diabete-abd.be

Vlaamse diabetes vereniging (N) www.diabetes-vdv.be

Belgian Haematology Society (E) www.bhs.be

Belgian Society of Thrombosis and Haemostasis (E) www.bsth.be

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La Ligue Cardiologique Belge (F) / Belgische Cardiologische Liga (N)www.liguecardiologique.be (F)www.cardiologischeliga.be (N)

Hypertension artérielle / Bloeddrukwww.matension.be (F)www.kenjebloedruk.be (N)

Accident cérébral / Beroerteswww.accidentcerebral.org (F)www.beroerte.org (N)

Insuffisance cardiaque/ Hartfalen (F/N)www.bwghf.be

Patients on anticoagulation (F/N)www.girtac.be (F)www.vibast.be (N)

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