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CAS CLINIQUE La cardiomyopathie du péripartum : une entité rare, mal connue et potentiellement mortelle Peripartum cardiomyopathy: A rare, unknown and potentially fatal disease E. Massou a,b , A. Lebon a,c , D. Vardon b , M. Dreyfus a,b , G. Benoist a,b, * a Normandie Université, 14000 Caen, France b Service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction, pôle Femme–Enfant, CHU de Caen, avenue de la Côte-de- Nacre, 14033 Caen cedex 9, France c Service de cardiologie, CHU de Caen, 14000 Caen, France Reçu le 16 juillet 2013 ; accepté le 13 août 2013 Disponible sur Internet le 29 octobre 2013 Résumé La cardiomyopathie du péripartum se manifeste, chez une femme sans dysfonction cardiaque préexistante, par un tableau d’insuffisance cardiaque gauche. Elle survient à la fin de la grossesse ou dans les mois qui suivent l’accouchement. Rare en Europe, elle est mal connue des obstétriciens. Le pronostic peut être bon avec une restitution ad integrum de la fonction cardiaque mais son évolution peut être dramatique et conduire au décès de la patiente comme l’illustre ce cas clinique. ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Peripartum cardiomyopathy occurs in women with no prior history of cardiac dysfunction, and is presented by left heart failure. It occurs late in pregnancy or in the months after delivery. Rare in Europe, it is not well-known by obstetricians. The prognosis can be good with restitutio in integrum of the maternal cardiac function but the outcome can be dramatic and lead to death of the patient as the case in this report. ß 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Mots clés : Cardiopathie du péripartum ; Dyspnée du postpartum ; Bromocriptine ; Insuffisance cardiaque Keywords: Peripartum cardiomyopathy; Postpartum dyspnea; Bromocriptine; Cardiac failure 1. INTRODUCTION La cardiomyopathie du postpartum (CMPP) est une cardiomyopathie congestive d’origine inconnue. Cette patho- logie touche des femmes sans antécédent cardiaque, entre le dernier mois de la grossesse et le 5 e mois du postpartum. Connue depuis la fin du 19 e siècle, les critères diagnostiques de cette affection ont été affinés grâce, notamment, au dévelop- pement de l’échocardiographie [1–3]. La définition la plus récente est celle du groupe de travail sur la CMPP de la Société européenne de cardiologie [4,5]. La CMPP est définie comme une cardiomyopathie idiopathique découverte devant une insuffisance cardiaque secondaire à une dysfonction ventricu- laire gauche survenant à la fin de la grossesse ou dans les mois suivant la délivrance, sans autre étiologie retrouvée. Il s’agit d’un diagnostic d’exclusion. Le ventricule gauche peut ne pas être dilaté mais la fraction d’éjection (FE) est presque toujours inférieure à 45 %. La physiopathologie est complexe et plusieurs hypothèses sont évoquées dans la littérature : origine Gynécologie Obstétrique & Fertilité 41 (2013) 667–671 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected], [email protected] (G. Benoist). 1297-9589/$ see front matter ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2013.08.016

La cardiomyopathie du péripartum : une entité rare, mal connue et potentiellement mortelle

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Gynécologie Obstétrique & Fertilité 41 (2013) 667–

* Auteur correspondanAdresse e-mail : guilla

(G. Benoist).

1297-9589/$ see front m

http://dx.doi.org/10.1016/

CAS CLINIQUE

La cardiomyopathie du péripartum : une entité rare,mal connue et potentiellement mortelle

Peripartum cardiomyopathy: A rare, unknown andpotentially fatal diseaseE. Massou a,b, A. Lebon a,c, D. Vardon b, M. Dreyfus a,b, G. Benoist a,b,*

a Normandie Université, 14000 Caen, Franceb Service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction, pôle Femme–Enfant, CHU de Caen, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex 9, Francec Service de cardiologie, CHU de Caen, 14000 Caen, France

Reçu le 16 juillet 2013 ; accepté le 13 août 2013Disponible sur Internet le 29 octobre 2013

Résumé

La cardiomyopathie du péripartum se manifeste, chez une femme sans dysfonction cardiaque préexistante, par un tableaud’insuffisance cardiaque gauche. Elle survient à la fin de la grossesse ou dans les mois qui suivent l’accouchement. Rare enEurope, elle est mal connue des obstétriciens. Le pronostic peut être bon avec une restitution ad integrum de la fonctioncardiaque mais son évolution peut être dramatique et conduire au décès de la patiente comme l’illustre ce cas clinique.� 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Peripartum cardiomyopathy occurs in women with no prior history of cardiac dysfunction, and is presented by left heartfailure. It occurs late in pregnancy or in the months after delivery. Rare in Europe, it is not well-known by obstetricians. Theprognosis can be good with restitutio in integrum of the maternal cardiac function but the outcome can be dramatic andlead to death of the patient as the case in this report.� 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Mots clés : Cardiopathie du péripartum ; Dyspnée du postpartum ; Bromocriptine ; Insuffisance cardiaque

Keywords: Peripartum cardiomyopathy; Postpartum dyspnea; Bromocriptine; Cardiac failure

1. INTRODUCTION

La cardiomyopathie du postpartum (CMPP) est unecardiomyopathie congestive d’origine inconnue. Cette patho-logie touche des femmes sans antécédent cardiaque, entre ledernier mois de la grossesse et le 5e mois du postpartum.Connue depuis la fin du 19e siècle, les critères diagnostiques de

[email protected], [email protected]

atter � 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves

j.gyobfe.2013.08.016

cette affection ont été affinés grâce, notamment, au dévelop-pement de l’échocardiographie [1–3]. La définition la plusrécente est celle du groupe de travail sur la CMPP de la Sociétéeuropéenne de cardiologie [4,5]. La CMPP est définie commeune cardiomyopathie idiopathique découverte devant uneinsuffisance cardiaque secondaire à une dysfonction ventricu-laire gauche survenant à la fin de la grossesse ou dans les moissuivant la délivrance, sans autre étiologie retrouvée. Il s’agitd’un diagnostic d’exclusion. Le ventricule gauche peut ne pasêtre dilaté mais la fraction d’éjection (FE) est presque toujoursinférieure à 45 %. La physiopathologie est complexe et plusieurshypothèses sont évoquées dans la littérature : origine

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inflammatoire, virale, auto-immune, métabolique, génétique,micro-vasculaire [5]. Le diagnostic est suspecté devantl’apparition de signes d’insuffisance cardiaque. La confirmationdiagnostique repose sur les données échocardiographiques(altération de la fonction du ventricule gauche), et surl’exclusion des autres causes d’insuffisance cardiaque. Leprincipal diagnostic différentiel est la cardiomyopathie dilatéed’origine idiopathique ou familiale, mais la découverte d’unetelle cardiopathie se fait plutôt au deuxième trimestre avec lesmodifications hémodynamiques liées à la grossesse. Il fautcependant systématiquement éliminer une cardiopathie hyper-tensive, valvulaire ou congénitale, un infarctus du myocarde etune embolie pulmonaire [5]. La prise en charge doit êtremultidisciplinaire (obstétricien, cardiologue, réanimateur).Lorsque la CMPP survient en cours de grossesse, celle-ci peutêtre poursuivie si l’insuffisance cardiaque est contrôlée. La voied’accouchement est à discuter au cas par cas en fonction de lasévérité de l’insuffisance cardiaque. Le pronostic est trèsvariable. L’évolution est généralement favorable sous réserved’une prise en charge thérapeutique précoce. Plusieurs décèsmaternels ont cependant été décrits et ce malgré un traitementadapté [6].

2. OBSERVATION

Une primipare de 25 ans, originaire d’Afrique-de-l’Ouest, etprésentant pour seul antécédent un asthme léger stable traitéponctuellement par salbutamol par voie inhalée, a été prise encharge de février 2010 à décembre 2010 pour le suiviobstétrical d’une grossesse gémellaire bichoriale biamniotiquespontanée. Sa grossesse a été marquée par 2 hospitalisations à13 et 29 SA. La première en raison de vomissementsgravidiques et découverte d’une thrombopénie idiopathique,et la seconde pour menace d’accouchement prématuré (MAP)d’évolution favorable après traitement par atosiban associée àune cure de bétaméthasone pour maturation pulmonairefœtale. Par ailleurs, en raison d’une aggravation de lathrombopénie (nadir plaquettaire à 50 000 éléments/mm3),une corticothérapie (1 mg/kg) par voie intraveineuse à étéinstaurée à 30SA, permettant une ascension, puis unestabilisation du taux de plaquettes à 125 000/mm3. À partirde 31 + 4 SA, la pression artérielle (PA) augmente à la limite dela normale (130/80 mmHg) associée à une protéinurie (PTU)sur échantillon significative (0,34 g/L). À 32 SA, au décours de lasurveillance à domicile mise en place, une prééclampsiedébutante est diagnostiquée (PA = 150/90 mmHg, PTU suréchantillon = 3,43 g/L). S’y associent des œdèmes des membresinférieurs de novo mais aucun signe fonctionnel d’hypertensionartérielle (HTA). Un hemolysis eleveted liver enzymes low plateletcount (HELLP) est diagnostiqué (cytolyse hépatique à 10 fois lanormale [10 N], une haptoglobine effondrée à 0,58 g/L, uneanémie à 9 g/dL et une thrombopénie 56 000/mm3). Unecésarienne sous anesthésie générale est alors pratiquée enurgence et permet la naissance de 2 enfants de sexe féminineutrophes, intubées à 5 minutes de vie et transférées ennéonatalogie. Les suites postopératoires sont marquées par lasurvenue d’une dyspnée d’aggravation rapide dès j0 associée à

une HTA (174/100 mmHg), une tachycardie (115 bpm), unedésaturation en oxygène (SaO2 à 95 %/7L d’O2), des crépitantsdiffus dans les 2 hémi-champs pulmonaires. On évoque alors en1er lieu une embolie pulmonaire (éliminée par angioscannerthoracique), un asthme aigu grave (rapidement écarté en raisonde l’absence de sibilants et de l’absence d’efficacité aprèsaérosols de terbutaline + ipratropium bromure), et enfin, unœdème aigu du poumon (OAP). Les gaz du sang objectivent uneacidose respiratoire avec hypoxie. L’électrocardiogrammes’inscrit en tachycardie sinusale sans trouble de la repolarisa-tion. La radiographie pulmonaire illustre un simple émousse-ment du cul-de-sac pleural droit. Un traitementantihypertenseur par nicardipine par voie intraveineuse à laseringue électrique (IVSE) est instauré. La patiente esttransférée en urgence en unité de soins intensifs cardiologiques(USIC) à j2. Une échocardiographie transthoracique montreune fraction d’éjection (FE) du ventricule gauche (VG)effondrée à 17 %, un VG dilaté (59 mm), un débit cardiaqueabaissé (4,4 L/min), une dysfonction ventriculaire droite estégalement observée. Le diagnostic de CMPP est alors évoquépar l’équipe de cardiologie. L’évolution est marquée par uneamélioration rapide du HELLP syndrome. Par ailleurs, latroponine est élevée (0,1 mg/L), le peptide natriurétique detype B (BNP) est élevé (491 pg/L) et la prolactinémie est à37,8 ng/mL. Un traitement par inhibiteur de l’enzyme deconversion (IEC) et bromocriptine (2,5 mg deux fois par jourpendant deux semaines, puis une fois par jour pendant4 semaines) est instauré. L’évolution est défavorable avecapparition d’une insuffisance mitrale, majoration du bas débitcardiaque et apparition d’une dysfonction du ventricule droitmajeure. Un traitement aminergique est introduit (dobutamine,puis corotrope), mais l’état clinique continue à se dégrader.L’indication d’une transplantation cardiaque est posée. Le bilanpré-transplantatoire montre la présence d’anticorps decompatibilité hLA rendant peu probable la disponibilité d’ungreffon cardiaque compatible en « super urgence ». À j30, uneassistance bi-ventriculaire (ThoratecTM1) est mise en place en« bridge » pour une transplantation cardiaque. Un greffoncompatible est disponible 4 mois après la pose du Thora-tecTM1 (soit 5 mois après le diagnostic de CMPP) et latransplantation cardiaque est réalisée. Les suites opératoiresimmédiates sont marquées par une défaillance multi-viscéralenon résolutive et la patiente décède à 6 mois de la césarienne.

3. DISCUSSION

Ce cas clinique illustre l’extrême gravité potentielle de laCMPP. Sa survenue quoique exceptionnelle nécessite d’êtreconnue des obstétriciens. Elle doit être évoquée en cas dedyspnée de fin de grossesse ou du post-partum, lorsque le bilanétiologique standard est négatif.

L’incidence de la CMPP est difficile à évaluer, d’une part, depar l’ancienneté et la rareté des études publiées et d’autre part,du fait des difficultés rencontrées pour différencier une CMPPd’une cardiopathie dilatée préexistante avec décompensationlors de la grossesse. Son incidence semble cependant très faible,notamment en Europe. La fréquence la plus élevée est

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rencontrée en Afrique et en Haïti (1/100 naissances au Nigéria,1/299 naissances en Haïti et 1/1000 naissances en Afrique-du-Sud contre 1/4000 naissances aux États-Unis) [7–10]. Outre,l’origine géographique a été évoquée un rôle favorisant de l’âgematernel (supérieur à 30 ans), de la multiparité (supérieur à 3),des grossesses multiples et la survenue d’une prééclampsie encours de grossesse [11–13].

Le taux de mortalité est très variable selon les séries allantde 28 % pour les études les plus anciennes à 2–3,3 % pour lesétudes les plus récentes [10,14,15]. L’amélioration du suiviobstétrical et de la prise en charge de l’insuffisance cardiaqueexpliquent probablement ces progrès [9]. Les patientesprésentant une dysfonction du VG majeure sont à risque dedécès par troubles du rythme ventriculaire ou par survenue decomplications thromboemboliques [12]. La morbidité mater-nelle secondaire est non négligeable avec le risque d’accidentvasculaire cérébral (AVC) ou d’insuffisance cardiaque chro-nique. La plupart des patientes évolueront malgré tout vers unretour à une fonction cardiaque normale. Selon une étudeévaluant le devenir de 55 patientes atteintes de CMPP traitéesentre 1990 et 2003, 62 % des femmes présentent uneamélioration de leur fonction ventriculaire, et 45 % d’entre ellesretrouvent une fonction ventriculaire normale [16]. Larécupération d’une fonction cardiaque satisfaisante est direc-tement liée au degré d’atteinte initiale de la fonctionmyocardique (FE du ventricule gauche, diamètre télé diasto-lique, fraction de raccourcissement) [17].

Les données actuelles de la prise en charge des CMPP ontété décrites dans la revue de la littérature publiée par Blauwetet al. en 2011 [18]. La prise en charge des CMPP estessentiellement symptomatique. Plusieurs drogues sont contreindiquées au cours de la grossesse et ne doivent être instituéesqu’après la délivrance [19]. Cependant, plusieurs publicationsévoquent une efficacité potentielle de la bromocriptine dans laprise en charge thérapeutique [20–23]. En effet, le clivage intra-myocardique de la prolactine par la cathepsine D entraîne lalibération d’un fragment moléculaire pro-apoptotique, respon-sable d’une augmentation du stress oxydatif, ce qui pourraitentraîner une atteinte des cellules endothéliales, des per-turbations du métabolisme et de la contractilité des myocytespouvant être responsables de la CMPP [24–26]. L’inhibition dela sécrétion de prolactine par la bromocriptine pourraitprévenir la détérioration de la fonction ventriculaire. Borianaet al. ont publié le cas d’une patiente dont le tableau cliniqueétait identique à celui de la patiente décrite ici et dontl’évolution a été marquée par une amélioration significative dela FE, passant de 30 % à 45 % après 16 jours de traitement [20].Une étude randomisée monocentrique a été réalisée en2010 par Sliwa et al. comparant l’évolution de 10 femmesrecevant le traitement conventionnel et 10 femmes traitées parbromocriptine en plus du traitement conventionnel et a pumontrer qu’à 6 mois la fonction cardiaque était meilleure dansle second groupe et le taux de mortalité inférieur [1]. Uneétude multicentrique randomisée est actuellement en coursd’inclusion en Allemagne (NCT00998556) avec une posologieplus importante (5 mg deux fois par jour pendant deuxsemaines, puis une fois par jour pendant 4 semaines). Cette

deuxième étude avec un plus grand effectif (60 patientes)permettrait de conforter ces résultats.

Outre, le traitement de l’insuffisance cardiaque, untraitement anticoagulant est nécessaire, particulièrement pourles patientes qui ont une FE < 35 %, ainsi que celles qui sonttraitées par bromocriptine [27].

En cours de grossesse, il est parfois difficile d’interpréteravec exactitude les « plaintes physiologiques » dues auxmodifications cardiovasculaires liées à la grossesse (dyspnée,asthénie, œdèmes des membres inférieurs), attribuées parfois àtord à l’augmentation du volume abdominal et à l’inconfortengendré. Cela peut entraîner un retard au diagnostic[9–13,28]. Les principaux articles sur la CMPP sont publiésdans les revues cardiologiques mais c’est bien souventl’obstétricien ou le généraliste qui est le témoin des 1ers

symptômes (dyspnée). La problématique diagnostique est cellede la prise en charge d’une dyspnée en per ou en postpartum.L’embolie pulmonaire doit rester la principale étiologie àévoquer. L’asthme est souvent aisé à diagnostiquer comptetenu d’antécédents du même type, des caractéristiques del’auscultation pulmonaire et de l’efficacité des bêta 2 miméti-ques. L’échocardiographie maternelle doit être réalisée aussisouvent que nécessaire pour orienter le diagnostic le plusprécocement possible [29]. Elle permet, en cas de CMPP,d’objectiver la dysfonction VG et donne des élémentspronostics. Une fois le diagnostic fait, lorsque la CMPP estdiagnostiquée en cours de grossesse, la poursuite de celle-cidoit être discutée de façon collégiale, au cas par cas, en fonctionde la sévérité de l’atteinte cardiaque. Elle n’est envisageable quesi l’insuffisance cardiaque est contrôlée par un traitementmédicamenteux. L’accouchement ne doit être réalisé qu’àproximité d’une unité de réanimation maternelle. L’analgésie laplus adaptée est la péridurale. Les apports hydroélectrolytiquesintraveineux doivent être prudents et adaptés car unremplissage vasculaire inapproprié pourrait majorer l’insuffi-sance cardiaque. La voie d’accouchement est fonction desconditions obstétricales et de la sévérité de l’atteinte cardiaque.En cas d’insuffisance cardiaque contrôlée, une mise en travailspontané et un accouchement par voie basse doivent êtreprivilégiés. La deuxième partie du travail doit être le plus courtpossible. L’extraction instrumentale doit être « facile ». En casd’instabilité cardiaque maternelle, la césarienne sera àprivilégier avec une attention particulière sur le plananesthésique au maintien de l’équilibre tensionnel.

L’allaitement maternel doit être découragé. Il est impossibleen cas de traitement par bromocriptine. Même si certainsinhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) sont compatiblescomme les bêtabloquants pendant l’allaitement, ils sont plutôtdéconseillés [18]. Si la prolactine intervient effectivement dansla physiopathologie de la CMPP, l’allaitement s’avère alorsdélétère. Enfin, du fait de l’insuffisance cardiaque, le traitementpar diurétique peut le rendre plus difficile. Concernant lacontraception, il est licite de contre indiquer l’usage desestrogènes du fait de leur risque thromboembolique.

Le taux de récidive au cours des grossesses ultérieuressemble non négligeable [30,31]. Dans une étude prospectiveportant sur 15 patientes haïtiennes ayant eu une CMPP,

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8 d’entre elles ont présenté une récidive lors d’une grossesseultérieure et seule 1/8 a retrouvé une fonction cardiaquenormale par la suite [32]. Ce risque est inversementproportionnel à la FE du VG au début de la grossesse [33].Dans une étude portant sur 61 femmes enceintes ayant unantécédent de CMPP, les auteurs ont montré un taux derécidive de 17 % si la FE était supérieure a 55 % contre 66,7 % sicelle-ci était inférieure à 45 % et estiment ainsi qu’une nouvellegrossesse doit être déconseillée si la FE était < 25 % aumoment du diagnostic ou en cas de dysfonction du VGpersistante [34].

Ce cas clinique et cette revue de la littérature associéeillustrent la gravité potentielle de la CMPP qui, bien que rare,reste potentiellement mortelle. La prise en charge diagnostiqueet thérapeutique doit être rapide et adaptée et le soignantassurant le suivi de la grossesse est probablement un acteurprincipal en déclenchant les investigations cardiologiques.

DÉCLARATION D’INTÉRÊTS

Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflitsd’intérêts.

Remerciements

Joana Bengoa.

RÉFÉRENCES

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