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Colbert Kouadjo

la chanteuse de jazz et les chasseurs d’albinos HolyçaneL’albinisme est reconnu par l’Organisation des nations unies pour la Santé (OMS) comme un handicap. En Afrique, la naissance

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Colbert Kouadjo

14.18 596978

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 172 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 14.04 ----------------------------------------------------------------------------

Holyçanes La chanteuse de jazz et les chasseurs d’albino

Colbert Kouadjo

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Je dédie cette œuvre à :

Mon adorable épouse Élise Tano Ma mère, Moh Nda Ahou à Tolakro (Botro) Mon père, Gogahy Kouadjo à Didakouadjokro (Toumodi) Dr Kouyaté Ibrahim, mon grand frère Mon frère Tanoh Kouacou Simon-Pierre Ma grand-sœur Lotti Latrous, amazone de la lutte contre le sida en Afrique Yousou Ndour, mon idole Mes enfants Malone, Élie, Joël, Ange-Esther Madame Abou Cissé, ma marraine Guy Manoua, mon ami Mon frère Ménéhi Benjamin à Zokrobouo Dr Ouédraogo Yamba Élie, mon maitre à Ouagadougou Emmanuel Lia, mon bienfaiteur à Kpéhiri (Soubré)

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Première partie

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1. Holyçane la petite albinos

Prince Mike, le père de Holyçane la petite albinos, était inquiet : les Africains croient que les albinos détiennent des pouvoirs surnaturels, c’est pourquoi en temps de guerre en Afrique, les foudres de guerre arrachent de force les albinos à leurs familles pour les sacrifier aux idoles. Ces supposés pouvoirs font que les albinos sont victimes de nombreux crimes rituels… Prince Mike s’inquiétait pour sa fille, une petite albinos de dix ans, aux cheveux argentés.

C’était en pleine guerre du Libéria en 1990. Holyçane était une belle petite albinos de dix ans. Sa petite sœur Ashley était âgée de sept ans. Avant la guerre, les deux fillettes vivaient heureuses avec leurs parents à Monrovia la capitale, dans une luxueuse villa non loin du marché de Waterside. Prince Mike, leur père, était comptable dans une prestigieuse société de caoutchouc. Leur mère, Gwladys, enseignait à

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l’université de Monrovia. C’était une famille paisible qui adorait la musique, particulièrement le jazz. Le père chérissait la charmante petite albinos. Il rêvait de faire d’elle, une célèbre chanteuse de jazz. Mais la guerre éclata au Liberia. Mike pensait qu’elle ne durerait pas, qu’elle serait momentanée et qu’elle n’exterminerait pas des milliers de Libériens. Pourtant, elle allait décimer sa famille : Gwladys sa gracieuse épouse et Ashley sa tendre benjamine périrent. Puis, il fut contraint avec sa mignonne petite albinos au supplice de l’exil dans une capitale où pullulaient les sectes d’illuminés qui enlevaient, violaient, mutilaient et tuaient les albinos…

C’était un soir. L’atmosphère était triste. Le vent qui soufflait sur Monrovia charriait les odeurs de poudre de canon, de caoutchouc et des corps humains en putréfaction. Au loin, des chiens affamés qui se nourrissaient de cadavres humains criblés de balles de kalachnikov ou décapités à la machette, violaient par leurs aboiements redoublés, le silence imposé par les éclatements assourdissants de grenades, les rafales de mitraillettes et les cris brefs des gens qui agonisaient. Le vent était froid. Tout Monrovia était plongé dans un noir infernal. Pourtant, cette nuit-là, des hommes lourdement armés bravèrent ces ténèbres terribles et abordèrent la villa de Prince Mike. Le grand portail céda sous le feu de quelques fusils, la porte de la villa fut fracassée par un coup de pied violent puis des bruits métalliques, des pas, des voix et des chuchotements se

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répandirent jusque dans la chambre où s’était réfugiée la famille. Prince Mike serra solidement la petite albinos dans ses bras pour la protéger. Des pas et des murmures se rapprochèrent de la chambre. La seule bougie qui éclairait cette pièce qui servait de cachette, s’éteignit brusquement. Les cheveux de Mike et de Gwladys se dressèrent. La maman apeurée, attacha la petite Ashley sur son dos. Son époux prit alors sa main et ils se blottirent dans une encoignure. Soudain, la porte fut débouclée avec fracas puis des kalachnikovs crachèrent du feu et des balles assassines. Holyçane, la petite albinos, vit sa mère s’écrouler en hurlant et sa petite sœur crier de douleurs. Prince Mike, agile et rapide comme un guépard, resserra la petite albinos contre sa poitrine puis d’un bond élastique se projeta contre une fenêtre vitrée qui se brisa. Il bondit promptement au dehors et réussit miraculeusement à s’évanouir dans les ténèbres. Les assaillants tirèrent alors dans tous les sens sans pouvoir l’atteindre. Prince Mike et sa fille coururent toute la nuit. Après quelques jours de marche, ils abandonnèrent loin derrière eux, Monrovia qui brûlait sous la folie meurtrière de plusieurs factions rebelles.

Holyçane perdait ses forces à mesure que les jours se succédaient. Son père la porta alors au dos jusqu’à ce qu’il rencontrât quelques jours plus tard, un groupe de Libériens qui fuyaient vers la frontière Est du pays. Ils traversèrent ensemble une forêt dense d’où ils entendaient les bruits de camions poussifs, surmontés

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par des soldats hilares qui recherchaient des innocents à assassiner pour s’abreuver de leur sang. Certains parmi eux, dévoraient le cœur encore battant de leur victime. D’autres éventraient les femmes enceintes pour dévorer avec une voracité démoniaque, les fœtus qu’elles portaient dans leurs entrailles. Ils croyaient raviver par ce procédé, leur puissance pour combattre leurs ennemis. Prince Mike avait plus peur pour sa charmante petite albinos quand il entendait les bruits lointains de ces cannibales féroces. Il craignait pour sa petite albinos qu’il chérissait car tous les chefs des rebellions, ces déments, ces foudres de guerre qui déciment l’Afrique, mangent la chair des albinos et boivent leur sang. La puissance, le pouvoir et la richesse obsèdent tellement certains Africains qu’ils se soumettent à de graves préjugés qui les poussent à commettre des actes abominables.

Une fièvre de cheval s’empara de la petite Holyçane. Son père priait Dieu pour ne pas perdre la seule personne qui lui restait dans ce bas monde qui brûlait à cause de la méchanceté de quelques hommes envoûtés par la haine, la violence et le fanatisme. Ils marchèrent encore pendant des jours dans la brousse avant d’apercevoir les tentes de la Croix-Rouge et du HCR. Des milliers de réfugiés furent accueillis là, avant d’être conduits dans plusieurs villages et villes de l’autre côté de la frontière, dans le pays voisin. Prince Mike et sa fille furent accueillis dans une petite bourgade par une famille bienveillante.

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Deuxième partie

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1. Holyçane et son père réfugiés

dans un pays voisin

Le temps passa vite. La petite albinos grandissait sur cette terre étrangère où elle était réfugiée avec son père Prince Mike. Sa beauté attirait beaucoup de gens. Sa longue et belle chevelure impressionnait beaucoup de gens. Pour subvenir à leurs besoins, son papa, un véritable Orphée, jouait avec l’orchestre communal, moyennant la somme de 10.000 francs par concert. Ce génie de la musique avait enseigné à sa fille, le piano, la contrebasse et les chansons de jazz, depuis qu’elle avait cinq ans. La voix angélique de la petite albinos l’avait convaincu qu’elle deviendrait un jour, une virtuose du jazz. Au sein de la chorale de l’église pentecôtiste de cette bourgade où ils vivaient, elle émerveillait le peuple de Dieu avec sa voix libre et chaude des chanteuses américaines de gospel. A cet âge-là, elle avait le puissant pouvoir de la communication musicale. Prince Mike, fanatique du jazz, lui fit

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mémoriser plusieurs chansons célèbres des répertoires de Fitzgerald, Helen Merril, Peggy Lee, Billie Holiday… Holyçane avait de la voix et une bonne mémoire. Lorsqu’elle chantait « I’ve got you under my skin » de Diana Krall qu’elle aimait beaucoup, on sentait déjà à cet âge-là, un génie en elle. En tout cas, Prince Mike rêvait d’envoyer un jour, sa fille unique, aux États-Unis pour chanter dans les clubs de jazz les plus célèbres de New York et de la Nouvelle-Orléans, comme The Blue Note, Village Gate, Birdland, Preservation Hall, Snug Habour… A mesure que Holyçane grandissait pleine de grâce et de beauté, le rêve de son père de faire d’elle une star du jazz persistait. L’avenir de sa fille le préoccupait tellement que souvent, il se perdait dans ses propres rêves. Il la voyait tantôt comme un mannequin défilant sur un T, tantôt comme actrice de cinéma devant les cameras à Hollywood, tantôt comme jazzwoman à de grands festivals de jazz… Des visages de stars défilaient alors dans sa tête : Nicole Kidman, China Moses, Monica Belluci, Jennifer Lopez, Youn Sun Nah, Vanessa Paradis, Milla Jovovich, Christina Ricci, Naomi Watts…

A l’école, Holyçane était très éveillée. Très vite, elle maîtrisa la langue française mais, elle la parlait avec un accent anglophone. Elle rencontrait des difficultés dans son entourage qui lui rappelait chaque fois qu’elle était différente à cause de la couleur de sa peau : elle était albinos.

Les albinos naissent avec une couleur de peau et de cheveux presque blanche, à cause de l’absence de la

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mélanine. Ils souffrent d’un déficit de la vue. Les albinos sont très exposés aux risques de cancer de la peau et aux brûlures en cas d’exposition au soleil. L’albinisme est reconnu par l’Organisation des nations unies pour la Santé (OMS) comme un handicap. En Afrique, la naissance d’un albinos est considérée comme un phénomène surnaturel et mystique qui complique amèrement l’existence de tous les albinos africains. Des parties de leurs corps sont recherchées pour leurs supposées puissances miraculeuses pour réussir en affaire, en politique, en amour et pour les guérisons du sida. Certains Africains en quête de pouvoir, de puissance et de fortune sont capables des pires démences… Les albinos africains sont les victimes de ces démences africaines.

Holyçane, la charmante petite albinos était donc victime de préjugés qui pèsent sur tous les albinos africains. Elle supportait difficilement les brimades et les méchancetés qu’elle essuyait parce qu’elle était albinos. On l’avait surnommée « guenon », « sorcière » et « lépreuse ». Tous les qualificatifs les plus dégradants sont attribués aux albinos africains que la société exclut. Chaque jour, Holyçane devrait affronter cette société qui l’excluait parce qu’elle est albinos. Quand elle s’attristait, elle se rappelait les sombres souvenirs de la guerre qui les avait obligés à fuir le Libéria : sa mère et sa petite sœur Ashley avaient été assassinées sous ses propres yeux et elle avait parcouru de longues distances sur des sentiers pénibles pour protéger sa vie. Souvent,

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c’était comme si elle respirait encore les odeurs de cadavres humains qu’exhalait Monrovia. Elle se souvenait aussi que çà et là, aux abords des sentiers libériens, des têtes humaines étaient exposées sur des pieux. Holyçane s’en souvenait avec tous les détails. Elle devenait alors froide et désespérée. Quand son père la voyait dans un tel état de tristesse, il la prenait sur ses genoux et jouait avec sa guitare, « And the angels sing », une chanson d’Etta Jones. La mélodie gracieuse et bluesy de cette chanson la berçait, la calmait et chassait en elle, la tristesse. Elle se mettait alors à chanter avec tout son cœur, avec beaucoup d’émotion et dansait joyeusement. Cette petite albinos aimait chanter. Elle aimait chanter le jazz. Mais plusieurs fois, elle s’était révoltée contre sa condition d’albinos. Pourquoi devrait-elle être malheureuse parce qu’elle est albinos ? Pourquoi était-elle née albinos ? Pourquoi les parents des albinos devraient-ils vivre dans le tourment et l’inquiétude totale pour protéger leur progéniture contre les préjugés de ces hommes fous et avides de puissance, d’argent et de pouvoir, qui massacraient les albinos ?

Prince Mike prenait vraiment soin de sa fille et la protégeait. Elle se lavait avec du lait pour protéger la peau contre le soleil. Ses cheveux étaient tout argentés et bouclés. Son beau visage avait de petites taches comme des rousseurs. Elle avait une petite bouche et des lèvres qui avaient la couleur pâle de kaolin des marigots de la forêt. A mesure qu’elle grandissait, elle se rendait compte qu’être albinos est une tare très grave

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dans la société africaine. C’est un destin implacable. Et cela la révoltait. Mais petit à petit, cette révolte, au lieu de la conduire à la résignation, faisait grandir en elle, l’âme d’une battante, l’âme d’un défenseur des albinos. Une voix lui disait intérieurement : « lève-toi et bats-toi pour les albinos ! » Holyçane prit donc la ferme résolution déjà à cet âge-là, de s’imposer brillamment partout où elle se retrouverait et dans n’importe quel domaine. Elle avait résolu d’être une étoile pour les albinos africains et d’être le doigt qui leur montrerait le soleil et la voix qui leur dirait : « débout ! »…

Des années passèrent. Prince Mike avait décidé de se rendre à la capitale pour jouer dans de grandes discothèques afin d’avoir une vie meilleure que celle qu’il menait avec sa fille dans cette bourgade-là. Dès son arrivée à la capitale, il proposa à Jean Claude, le propriétaire de la discothèque Black Pearl, son projet de concert de jazz. Mais personne n’y croyait. On ignorait encore le talent extraordinaire de ce musicien de jazz. On ignorait aussi que sa fille, cette belle albinos qui venait d’avoir quinze ans, maitrisait les chansons des crooners du jazz les plus respectés au monde et qu’elle avait la voix d’une grande jazzwoman.

Jean Claude était un Québécois. Véritable aventurier, il débarqua en Afrique à l’âge de 18 ans. Sa discothèque, le Black Pearl, était le fief des mécènes, des enfants de ministre, des députés, des PDG, des stars du foot et du showbiz, des expatriés et des hommes d’affaires les plus célèbres du pays. Prince Mike insista