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Les dossiers pédagogiques des Archives d’Indre-et-Loire - Page | 1 LA CITOYENNETE Dossier pédagogique sur la CITOYENNETÉ CONCEPTION Alain Pauquet, professeur missionné par le rectorat d’Orléans-Tours pour les actions éducatives aux Archives départementales d’Indre-et-Loire en collaboration avec Anne Debal-Morche, conservatrice en chef du patrimoine, chargée de l’action culturelle aux Archives départementales d’Indre-et-Loire La citoyenneté se définit d’un point de vue juridique, par la possession de la nationalité française et de ses droits civils et politiques. Elle s’accomplit dans la participation à la vie de la cité, d’abord avec l’exercice du droit de vote C’est précisément l’histoire du droit de vote en France, de la fin du 18 ème siècle à nos jours, qui constitue le fil rouge de ce dossier pédagogique.

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LA CITOYENNETE

▌Dossier pédagogique sur la CITOYENNETÉ

CONCEPTION

Alain Pauquet, professeur missionné par le rectorat d’Orléans-Tours

pour les actions éducatives aux Archives départementales d’Indre-et-Loire

en collaboration avec Anne Debal-Morche,

conservatrice en chef du patrimoine, chargée de l’action culturelle

aux Archives départementales d’Indre-et-Loire

La citoyenneté se définit d’un point de vue juridique,

par la possession de la nationalité française et de ses droits civils et politiques.

Elle s’accomplit dans la participation à la vie de la cité,

d’abord avec l’exercice du droit de vote

C’est précisément l’histoire du droit de vote en France, de la fin du 18ème siècle à nos jours,

qui constitue le fil rouge de ce dossier pédagogique.

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LA CITOYENNETE

▌Ce dossier se décline selon 3 parties :

- Les origines de la citoyenneté, de l'Ancien régime à la Révolution (1765-1794) - La modernisation des pratiques civiques sous le suffrage censitaire (1794-1848) - L'avènement d'une citoyenneté universelle élargie (1848 à nos jours)

Certains thèmes pourront être exploités de façon transversale par les enseignants :

1. Le passage de la pratique ancienne de l'assemblée à la pratique moderne du scrutin secret.

Encore pratiquée sous la Révolution, comme elle l'était sous l'Ancien régime, la réunion publique avec débat collectif suivi d'un vote à main levée est peu à peu évacuée au profit d'une procédure individualisée de vote secret dépourvue de tout échange d'arguments entre les votants, donc de toute pression. Ainsi, le débat entre électeurs dans le bureau de vote est interdit dès la période napoléonienne. En 1848, avec l'avènement du suffrage universel, on revient provisoirement à une pratique d'assemblée avec réunion des électeurs au chef-lieu de canton, mais le débat reste prohibé. Par la suite, toutes les élections se dérouleront dans des bureaux de vote installées dans chaque commune et sous contrôle des élus municipaux. Le processus d'individuation des votes, garantissant la liberté de choix, sera achevé avec l'introduction de l'isoloir au début du 20e siècle. 2. Les aspects symboliques et concrets du vote :

- Les serments à prononcer au moment du vote : pratique héritée de l’Ancien

Régime, ils sont institués solennellement sous la Révolution, changent de forme selon les régimes, puis disparaissent en 1848.

- L’attribution ou non du droit de vote : au départ s’impose un suffrage censitaire mis en place en 1791 et qui, à l’exception des élections à la Convention (et d’une partie des consultations électorales napoléoniennes) se prolonge jusqu’en 1848. Le suffrage universel qui lui succède entraîne la confection des listes électorales en fonction uniquement de la résidence et de la nationalité.

- La carte d'électeur : à l'origine simple convocation crée par le régime napoléonien, elle devient un symbole de citoyenneté au cours du 20e siècle avec l'effigie de la Marianne et l'appel au devoir civique.

- La question des degrés dans l’expression des suffrages : on passe du suffrage indirect pratiqué sous la Révolution, et encore plus sous l'Empire, au suffrage direct institué par la Restauration pour les seuls électeurs censitaires. La révolution de 1848 fait du suffrage direct l'outil de l'expression libre et solennelle du suffrage universel.

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▌ 1ère partie : les origines de la citoyenneté, de l’Ancien Régime à la Révolution

(d’après des documents établis entre 1765 et 1794, conservés aux Archives départementales d’Indre-et-Loire (ADIL)

I. La citoyenneté existait-elle sous l'Ancien Régime ?

Si le terme de citoyen est habituellement associé à l'établissement d'un nouveau régime politique et social dès 1789, dans lequel le sujet soumis au roi devient un citoyen détenant une part de la souveraineté nationale à égalité avec les autres Français, néanmoins, l'usage du mot citoyen dans la langue courante remonte beaucoup plus loin.

De la découverte de la citoyenneté antique par les érudits de la Renaissance aux travaux d'histoire consacrés à l'Antiquité romaine et jusqu'aux ouvrages de Jean-Jacques Rousseau, "citoyen de Genève", toute une littérature a lentement popularisé l'usage du mot, au sens d'une personne dotée de droits politiques, en particulier pendant le siècle des Lumières, préparant ainsi son usage récurrent et même incontournable pendant la Révolution Française.

Au Moyen Age, ce terme existait déjà mais avec un tout autre sens. En effet, d'après

le précieux "Dictionnaire de l'ancien français" de Godefroy, c'est dès le 12e siècle qu'on peut trouver le mot citoyen, sous la forme de citoien, citoen, citeien, et même citezein (1376), termes qui renvoient au mot "cité" issu du latin et signifiant ce qui est urbain, citadin, ou civil. Somme toute, ce sens médiéval du mot "citoyen" ne désignait que les habitants des villes. A noter qu'on rencontre aussi dans les textes de l'époque citoiennement et concitoien (1290).

Au 16e siècle, par contre, le mot semble revêtu d'un sens plus large et plus politique.

Le Cahier de doléances du Tiers état d'Amboise, rédigé le 28 août 1588, pour être présenté aux Etats Généraux de Blois convoqués par le roi Henri III, utilise normalement l'expression "manans et habitants" pour désigner les habitants d'Amboise, mais parmi les nombreuses "remonstrances à sa majesté", il demande au roi "qu'il lui plaise de maintenir les gens d'Eglise, nobles et citoyens des villes (souligné par nous) en leurs privillèges antiens sans qu'ilz soient subjectz a confirmation a l'advenir." (publié par l'abbé Chevalier dans "Archives communales d'Amboise", pages 456-485).

Il ne faut évidemment pas accorder ici au terme citoyen la signification qu'il prendra

en 1789. Mais, avec le retour de son sens politique tiré de l'histoire gréco-romaine par le mouvement intellectuel de la Renaissance, on voit que le mot citoyen commence à cette époque à être associé à l'idée de droits acquis (des droits qu'on appelait privilèges dans le langage de l'ancien régime).

En même temps, il prend dans ce document la relève du vieux terme bourgeois, désignant jusqu'en 1789 d'ailleurs, un habitant de la ville nanti de certains droits. Du point de vue de l'histoire des mots et de l'histoire tout court, on notera qu'en Allemagne, le mot bourgeois (Bürger) s'est maintenu dans son sens ancien, devenant synonyme de citoyen, tout en désignant aussi des gens riches, alors qu'en France la notion de bourgeoisie et celle de citoyenneté ont été complètement dissociées depuis la Révolution Française. Il est certain qu'une ébauche de citoyenneté politique existait déjà sous l'Ancien régime, et même au Moyen Age depuis le mouvement des Communes aux 12e –13e siècles. Malgré l'emprise du pouvoir royal et le poids de l'absolutisme, les sujets du roi de France disposaient d'une petite marge de liberté politique sous la forme des assemblées d'habitants, en ville comme dans les campagnes, des pratiques électives qui les accompagnaient (quoique souvent réservées à une élite sociale) et de l'envoi de doléances au roi, dans le cadre des Etats Généraux (supprimés entre 1614 et 1789).

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Les procès-verbaux d'assemblées d'habitants ne sont conservés que pour quelques paroisses. Rappelons que la paroisse définissait le cadre de vie des français de l'époque. A Saint-Christophe, on dispose des procès-verbaux d'assemblée de 1679 à 1747. L'une de ces assemblées concerne le choix d'un maître d'école, telle autre traite de la Milice (les soldats que devait fournir chaque paroisse à partir du règne de Louis XIV). (ADIL, 3 B 189).

A Montlouis, en 1772, une assemblée est convoquée pour choisir trois gardes-vignes, (voir document 1), la liste des personnes présentes permet de mesurer l'impact de ces assemblées et savoir si elles rassemblaient réellement la population adulte. En vérité ce sont seulement les chefs de famille qui s'y retrouvaient, surtout les plus notables. (ADIL, 3 B 294) En l'absence de toute institution municipale, ces assemblées permettaient aux communautés rurales de gérer les problèmes les plus divers et ce, de façon directe. En ville, par contre, il existait depuis la fin du Moyen Age des Corps de ville, ancêtres de nos conseils municipaux et dirigés par un maire et des échevins; c'est cette élite urbaine, bourgeoise au sens moderne du terme, qui gérait les problèmes de la collectivité. Les assemblées d'habitants se tenaient surtout lors de l'élection de ce Corps de ville, sauf pendant certaines périodes où, sous Louis XIV notamment, la fonction municipale était devenue un office vendu par le roi. Sous Louis XV, et le gouvernement du duc de Choiseul, la fonction redevient élective, mais l'élection s'effectue à deux niveaux, au suffrage indirect en quelque sorte. Chaque communauté de métier se réunissait et élisait un député, ensuite l'assemblée de ces députés, dénommés notables, était appelée à désigner à son tour le Maire. Cependant, monarchie absolue oblige, le gouvernement gardait le contrôle de sa nomination.

On prendra là encore l'exemple d'Amboise, dont le seigneur n'était autre que le duc de Choiseul en personne. Le 7 juillet 1765, l'assemblée des notables se réunit à l'Hôtel de Ville et désigne 3 personnes, "trois sujets qui furent élus pour remplir la place de Maire ….. le procès-verbal de l'élection ayant été envoyé à M. le Duc de Choiseul …", lequel annonça son choix du nouveau Maire d'Amboise par courrier daté du 13. Le 19 juillet 1765, le maire d’Amboise fut installé dans ses fonctions avec prestation de serment. (Voir document 2).

Mais revenons à la description de ce système d'élection à deux niveaux. Il

s'accompagnait de la rédaction de cahiers formulant divers griefs et demandes propres à chaque métier, lors des assemblées primaires, ce qui supposait un certain temps de réunion et non un simple décompte de voix pour ou contre tel ou tel. C'était le système de la réunion des Etats généraux et dans cette organisation à laquelle étaient habitués nos ancêtres de l'ancien régime, on reconnaît la démarche qui sera empruntée en 1789 : réunion des assemblées de paroisse à la campagne ou de métier en ville, rédaction d'un cahier de doléances par communauté, élection d'un ou plusieurs députés, puis réunion de ces députés en assemblées de bailliage (ou de sénéchaussées dans la France méridionale) afin de désigner le député aux Etats devant siéger à Versailles.

La préparation des Etats Généraux (assemblées, cahiers de doléances, élection de députés à plusieurs degrés) relevait-elle d'un acte de citoyenneté ? (voir documents 3 et 4). Oui, au sens où les français ont exercé alors un droit politique d'expression de leurs revendications à l'invitation d'une monarchie absolue contestée de toutes parts. Mais la réponse devient négative, si l'on se place du point de vue du citoyen libre de lui-même et membre d'un groupe d'égaux. La société de 1789 était encore une société d'ordres, de communautés, de privilèges, fondée sur l'inégalité en droits et sur une cascade de pouvoirs hiérarchiques au sommet de laquelle se trouvait la personne du roi. Tout le contraire de la citoyenneté souveraine que la Révolution voudra promouvoir.

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▌ Documents 1 à 4 Document 1 Une ébauche de citoyenneté : les assemblées d’habitants Procès- verbal d'assemblée d'habitants tenue à Montlouis. Extraits. 1772. ( ADIL 3 B 294 ) Document 2 Une élection municipale sous contrôle du pouvoir royal - Attestation de prestation de serment de M. Coullon, avocat, en qualité de Maire d'Amboise". 1765 suivie de la copie du courrier adressé par Choiseul. ( ADIL 3 B 294 ) Document 3 La préparation des Etats-généraux : un acte de citoyenneté ? Procès-verbal d'assemblée de la paroisse de Notre-Dame d’Oé (localité située au nord de Tours) pour l'élection des députés aux Etats généraux. 1er mars 1789. ( ADIL L 197 ) Document 4 Cahier de doléances des habitants de la paroisse de Notre Dame d’Oé. 1er mars 1789. ( ADIL L 197 )

II. Comment on votait sous la Révolution

a. Sous le régime censitaire (1790-1791) Après la transformation des Etats généraux en Assemblée nationale constituante, après la Prise de la Bastille et les multiples révoltes urbaines mais surtout paysannes de l'été 1789, l'Ancien Régime était abattu. L'abolition des privilèges, du régime seigneurial, des trois ordres et de l'absolutisme, proclamée lors de la nuit du 4 août, ouvrait la voie à une société nouvelle fondée sur l'égalité des droits. La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, votée par l'assemblée nationale et acceptée enfin par Louis XVI le 26 août 1789, signa l'avènement du citoyen moderne, au sens politique de l'individu membre d'une nation et détenant à égalité avec les autres citoyens une parcelle de la souveraineté nationale. Aucune source ne permet de savoir comment, en Touraine, on reçut la promulgation de la Déclaration des Droits de l'Homme, mais ses conséquences furent rapides. L'année 1790 amena de grands bouleversements consécutifs à l'œuvre législative de la Constituante : la confiscation des biens du clergé et la fermeture des monastères, la réforme complète de la justice et des impôts conçus désormais comme des services publics, la suppression de l'ancien cadre administratif, et la création des départements, districts, cantons et communes. Les députés décidèrent que les nouvelles institutions locales seraient gérées par des assemblées aux pouvoirs étendus et qui seraient élues. Bien avant qu'une Constitution soit établie, une loi (on disait alors un décret) votée par l'Assemblée nationale le 22 décembre 1789 organisa donc les premières élections.

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Les élections eurent lieu au printemps suivant et la plus ancienne dont les archives soient conservées est celle tenue à Chinon le 17 mai 1790, pour élire des électeurs qui devaient ensuite élire les administrateurs du département et ceux des districts de Tours et de Chinon.(voir document 5). L'assemblée nationale avait en effet maintenu un système à deux degrés, hérité de l'Ancien régime, et par lequel un an plus tôt, les députés eux-mêmes avaient été élus pour les Etats Généraux. Pas de suffrage direct donc, mais pas de suffrage universel non plus. Adoptant une interprétation très restrictive, très bourgeoise en somme, des Droits de l'Homme, l'assemblée en excluait les femmes, les esclaves des colonies et les pauvres, notamment les ouvriers bientôt privés de droits par la célèbre loi Le Chapelier (1791).

Le droit de vote était réservé aux citoyens dits "actifs", soit en gros, aux 2/3 des citoyens de sexe masculin, les autres étant dénommés "citoyens passifs". Le terme de citoyen actif, apparaît dès 1790, soit bien avant le vote de la Constitution. Pour être citoyen actif, il fallait être âgé d'au moins 25 ans, résider dans le canton depuis un an, être inscrit au rôle de la garde nationale, avoir prêté le serment civique et payer un impôt direct équivalent au moins à 3 jours de travail, montant appelé "le cens", d'où le nom de suffrage censitaire.

Pour être éligible, les conditions étaient encore plus restrictives : avec un cens

correspondant à 10 jours de travail, l'éligibilité était réservée aux membres de la bourgeoisie, au sens large, et aux ci-devant nobles qui n'avaient pas émigré.

L'élection se tenait sous forme de réunion générale des électeurs pendant plusieurs heures avec président de séance, secrétaire et scrutateurs, discours du président, appel des présents et prestations de serments dont le texte avait fait l'objet d'un vote de l'assemblée nationale. Faire l'appel des présents suppose l'existence de listes électorales, mais aucune de ces listes n'est parvenue jusqu'à nous, ce qui montre que le caractère durable de ces listes n'était pas encore entré dans les mœurs. Le vote lui-même s'effectuait avec des bulletins appelés billets, et au scrutin de liste. La même scénario se reproduit en juin à Tours lorsque les élus de l'assemblée primaire de Chinon se retrouvent avec ceux des autres districts pour élire les "administrateurs" des districts et du département. Et de même pour l'élection des juges au mois d'octobre 1790, puis celle des curés en avril 1791, en application de la Constitution civile du clergé. (voir document 6) Il faut rappeler quel fut l'impact de cette Constitution civile du clergé, votée par l'assemblée nationale en décembre 1790, dont l'objectif était de réorganiser l'Eglise sous le contrôle de l'Etat. Les ecclésiastiques, prêtres et évêques étaient désormais élus et tenus de prêter serment pour exercer leur ministère. Le pape Pie VI condamna cette réforme et retourna une partie des catholiques français contre la révolution ; le clergé se divisa alors entre prêtres jureurs (sermentés) et prêtres réfractaires (insermentés). Les persécutions engagées contre ces derniers entraînèrent un climat de guerre civile et le soutien apporté par Louis XVI aux prêtres réfractaires emprisonnés fut une des causes de la chute de la Monarchie en 1792. A l'inverse, une autre partie des ecclésiastiques (aussi bien prêtres, qu'évêques, ou ci-devant Religieux des couvents ou Frères des écoles chrétiennes) s'engagèrent pleinement dans le processus révolutionnaire allant pour beaucoup d'entre eux jusqu'à rejeter leur vocation religieuse et à se "défroquer", comme on disait alors. (voir document 7) Quant à la Constitution elle-même, celle que les députés s'étaient jurés de voter lors du Serment du jeu de paume (20 juin 1789), elle fut promulguée en septembre 1791. Elle confirme le suffrage censitaire, séparant les citoyens actifs et les citoyens passifs, dans une monarchie limitée où le roi Louis XVI ne tient son pouvoir que du bon vouloir des français.

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Ces derniers sont seuls détenteurs de la souveraineté qu'ils délèguent à leurs élus pour administrer, juger et faire les lois. C'est ce qu'ils font avec l'élection de l'Assemblée législative qui succède à la Constituante issue des Etats généraux. Hélas, les procès-verbaux d'élection de cette nouvelle assemblée ont été perdus en Indre-et-Loire, tout comme la plupart des PV des élections locales de 1791. Il n'en reste pas moins que le suffrage n'étant pas universel, et encore moins direct, le citoyen français de 1791 ne vivait pas encore dans une démocratie au sens plein du terme. La liste des électeurs ayant voté le 9 septembre 1791 à Tours, lors du renouvellement d'une partie des membres de l'assemblée départementale est éloquente quant à la composition "bourgeoise" du corps électoral. (voir document 8). Mais les choses allaient changer un an plus tard avec la chute de la monarchie et l'avènement de la République.

▌Documents 5 à 8 Document 5 Le plus ancien document d’Indre-et-Loire relatif au déroulement d’une élection sous la Révolution Procès-verbal de l'assemblée tenue le 17 mai 1790 à Chinon pour élire les électeurs qui éliront l'assemblée départementale et celles dirigeant les districts de Tours et de Chinon. ( ADIL 2 L 174 ) Document 6 Les premières procédures électorales sous la Révolution Procès-verbal de l'assemblée du 20 juin 1790 à Tours pour l'élection des assemblées du département et des districts. Extraits. ( ADIL 2 L 760 ) Document 7 Le clergé et la citoyenneté Attestations des prestations de serment de deux prêtres en application de la constitution civile du clergé (1790). ( ADIL 2 L 760 ) Document 8 L’électorat censitaire : un milieu social restreint Procès-verbal de l'élection de 6 administrateurs du district de Tours (8 cantons), le 9 septembre 1791, avec indication de la profession d'une partie des électeurs. ( ADIL 2 L 760 )

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b. Sous la Convention (débuts du suffrage universel) La chute de la monarchie le 10 août 1792, doublée de l'arrestation de la famille royale et de l'auto-dissolution forcée de l'Assemblée Législative, amena l'élection d'une nouvelle assemblée : la Convention Nationale. Le principe en était le suffrage universel réclamé par les sans-culottes, base d'une future République réalisant pleinement la souveraineté nationale. Seuls les domestiques et les femmes étaient écartés du droit de vote. Un interdit qui ne prendra fin qu'au cours du 20e siècle (respectivement en 1931 et 1944). Le suffrage quoique "universel", restait indirect, donc à deux degrés : assemblées primaires au niveau du canton, et assemblées des électeurs au chef-lieu de district. Dans chaque assemblée, comme en 1789, l'élection pouvait s'accompagner d'un débat. Mais, en vérité, la tenue de ces élections relevait de l'exploit : 15 jours seulement s'écoulèrent entre la chute du Roi et les premières assemblées électorales, soit, au vu des conditions de l'époque, un délai beaucoup trop court pour informer les citoyens de leurs nouveaux droits ou établir des listes d'électeurs. Dans un climat de quasi guerre civile entre royalistes et républicains et sous la menace de l'invasion étrangère qui approchait de Paris, la participation des nouveaux électeurs fut très faible. C'est là encore dans le Chinonais que les archives de ces élections ont été le mieux conservées, avec notamment une liste des électeurs de la commune de Panzoult, laquelle indique 168 électeurs sur 712 habitants. Le document 9 présente l'assemblée tenue le 26 août 1792 pour les paroisses Azay-le-Rideau, Thilouze, et Saché : les opérations électorales s'avèrent difficiles puisqu'il faut 3 tours de scrutin pour élire 7 électeurs, et qui plus est, à la majorité relative. A Candes, les débats tournent à l'affrontement, rendant impossible le comptage des voix. Une 2e assemblée est tentée le 28 août et elle désigne cette fois plus sereinement ses électeurs.

Même si ces premières élections au suffrage universel sont marquées par une abstention massive au plan national, elles ont pu susciter ici et là un fort intérêt populaire. Ainsi, à Chinon, quelques jours après la tenue de l'assemblée primaire, une centaine d'électeurs adressent une pétition de protestation au Conseil Général (nouveau nom de l'assemblée départementale), disant qu'ils avaient été envoyés "au secours de Bressuire", qu'étant revenus "le jeudi 30", ils n'ont pas pu voter et ils demandent la tenue d'une nouvelle assemblée. Protestation sans suite, car le Conseil Général refusa d'annuler l'élection, mais le fait que cette pétition ait eu lieu prouve l'importance accordée au droit de vote.

La précision de procès-verbaux le confirme, tant dans le décompte des voix que dans la symbolique des discours républicains et des nouveaux serments. Par exemple, au cours de l'assemblée du district de Chinon qui se tint du 18 au 22 novembre 1792, ou dans celles de Tours, pour le renouvellement des assemblées locales, des procureurs syndics et des juges, dans le contexte nouveau d'une République démocratique.

▌Document 9 Document 9 Les premières élections au suffrage universel Procès verbal des élections primaires pour l'élection de la Convention, le 26 août 1792, à Azay-le-Rideau. ( ADIL 2 L 174 )

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III. Etre ou ne pas être un bon citoyen sous la Révolution

La division rapide des opinions, surtout en milieu urbain, entre les patriotes (partisans de la Révolution pour le bonheur de la patrie, d'où le nom) et leurs adversaires, les aristocrates, posa la question de la nature du comportement civique : pour être un citoyen , ne fallait-il pas forcément adhérer aux idées de la Révolution, puisque celle-ci était fondatrice de la citoyenneté ?

Dans la suite de événements, la division du "parti patriote" entre diverses tendances incarnées par les sociétés et les clubs, déplaça la question et créa une surenchère dans laquelle le bon citoyen devait constamment faire la preuve de son "patriotisme", puis de son républicanisme à partir de septembre 1792.

En conséquence, le civisme sous la Révolution fut d'abord une affaire

d'idéologie politique et "être un bon citoyen" impliquait d'être en représentation, en adaptant son comportement à un système de rôles sociaux qui allaient bien au-delà du simple respect des lois. (voir document 10)

Les fêtes civiques, organisées dès 1790, étaient un moyen de raffermir l'ardeur des révolutionnaires et de susciter un unanimisme susceptible d'annihiler toute opinion hostile. Les plantations d'arbres de la Liberté, les défilés, avec chants et représentations symboliques, et les discours officiels tenus devant les foules allaient dans ce sens. Mais la répression de l'incivisme amena aussi la remise en cause des principes de liberté, au nom de la liberté : le retour de la censure de la presse apparaît en Touraine à la fin du gouvernement girondin. Le 21 mai 1793, le procureur général syndic du département (président l'assemblée départementale) annonce au syndic du district de Loches l'interdiction des journaux "dont il a jugé les principes capables de pervertir l'opinion publique et de répandre le découragement soit par la fausseté de leurs nouvelles, soit par la tiédeur de leur républicanisme". Ce durcissement, qui intervenait dans le contexte de la rébellion vendéenne, aura pour suite des inscriptions injurieuses déposées au pied "de l'Arbre de la Liberté de Loches et Beaulieu" et des insultes adressées aux "officiers (conseillers) municipaux de Loches". (voir document 11 sur les fêtes civiques)

A propos des fêtes civiques sous la Révolution, en particulier les plantations d'arbres

de la liberté, on pourra consulter la séquence pédagogique "Aux arbres citoyens !", déjà mise en ligne sur le site du Rectorat d'Orléans-Tours, qui présente un ensemble de documents et de questions relatives à une plantation d'arbre de la Liberté en juin 1792 à Tours.

C'est évidemment sous le gouvernement des Montagnards (2 juin 1793- 27 juillet

1794), et la dictature du Comité de Salut Public, que la question du civisme et de l'incivisme se posa de façon insistante. L'impressionnante collection de "certificats de civisme" qui furent demandés par les citoyens ou exigés par les autorités (et dont l'obtention n'avait rien d'évident) est là pour en témoigner. (voir document 12). A titre d'exemple, on ne compte pas moins de 872 certificats délivrés en 1794 dans le district de Chinon, et dont le double est conservé dans un fort registre.

Décernés par les comités de surveillance composés de militants jacobins ou sans-culottes, ou par les conseils généraux des communes (c'est-à-dire les conseils municipaux), ou encore par les assemblées de district, ces certificats étaient supposés garantir la fidélité du citoyen au gouvernement de la République. Des témoins s'en portaient garants, le réseau de relations sociales devenait donc essentiel dans leur obtention.

On notera que la pratique de ces certificats de civisme s'est poursuivie après le 9 Thermidor et sous le Directoire, jusqu'à Brumaire an IV, soit vers la fin de 1796.

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▌ Documents 10 à 12 Document 10 Le serment civique symbole de l’engagement citoyen Textes des serments civiques sous la Révolution Française :extraits. ( ADIL 2 L 760 et 2 L 172 ) Document 11 La violence des affrontements idéologiques dans les campagnes Dénonciation de propos inciviques à Tauxigny en 1793, extraits. ( ADIL 2 L 475 ) Document 12. Le « passeport » du bon citoyen Certificats de civisme délivrés à Ligueil en 1794. Affaire Rossignol à Reignac en 1794. ( ADIL 2 L 475 )

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▌ 2ème partie : la modernisation des pratiques civiques sous le suffrage censitaire (1794-1848)

I. De Thermidor à Brumaire : retour au suffrage censitaire

On sait que la chute des Montagnards, le 9 Thermidor an II (27 juillet 1794), marque un coup d'arrêt dans l'histoire de la Révolution Française, avec l'épuration de la Convention et l'exécution de la plupart des députés d'extrême-gauche. Le gouvernement thermidorien, tout en mettant fin à la Terreur robespierriste, interdit le mouvement sans-culotte, ferme le Club des Jacobins et jette le discrédit sur toute forme de démocratie directe ou d'intervention populaire.

Une nouvelle constitution est votée par la Convention le 5 Fructidor an III (22 août 1795) créant le régime qu'on appellera "le Directoire", avec pour la première fois en France, un pouvoir législatif détenu par deux assemblées (bicamérisme) : le Conseil des Cinq Cents et le Conseil des Anciens. Une nouvelle Déclaration des Droits de l'Homme (suivie d'une Déclaration des Devoirs) affirme le droit égal de tous les citoyens à concourir à la formation des lois. Mais la souveraineté nationale est très vite limitée car le suffrage universel est abrogé peu après par la Convention.

Le suffrage censitaire est donc rétabli et de façon analogue à 1791. Pour

pouvoir voter, il faut, comme en 1791, payer un impôt au moins égal à 3 journées de travail, ou avoir effectué une campagne militaire "pour l'établissement de la République". De même, l'éligibilité requiert désormais un cens fixé à au moins 100 journées de travail, exactement dans les mêmes conditions qu'en 1791. Des règles d'âge sont établies pour être élu: il faut avoir au moins 30 ans pour être élu député aux Cinq Cents, et plus de 40 ans pour faire partie du Conseil des Anciens. Cependant, le suffrage universel (toujours indirect) reste appliqué le temps d'élire les nouveaux députés ou plutôt les réélire, car il avait été convenu de reconduire les 2/3 de la Convention. Malgré cela, ou peut-être à cause de cela, on constate des abstentions massives au cours des assemblées primaires de 1795, qui rappellent celle des élections de 1792, malgré des délais moins précipités. Exemple à L'île Bouchard : sur 714 électeurs, on ne compte que 49 votants, lesquels élisent 4 électeurs … soit un électeur pour 10 citoyens présents !

Sous le Directoire, la question des élections donne lieu à une véritable inflation

de lois qui confirment et précisent les procédures utilisées depuis 1790 : assemblée primaire au chef-lieu de canton, élection préalable du bureau de vote, bulletins (appelés billets) mis dans les urnes (dits vases), puis dépouillement précis, puis assemblée des électeurs au niveau supérieur, district ou département. Des sanctions sont édictées contre ceux qui ne respectent pas les règles. En outre, chacun des électeurs désignés au niveau primaire doit désormais représenter au moins 200 habitants, un quorum qui n'était pas toujours atteint. Dans le canton de Neuvy-la-loi (ci-devant Neuvy-le-roi), une liste établie en l'an IV (1796) indique seulement 9 électeurs désignés par l'assemblée primaire pour une population globale de 8 103 habitants.

L'apport principal du Directoire dans l'histoire de la démocratie française consiste sans doute dans la tenue rigoureuse de "registres civiques" (crées par la Constitution de 1795) d'où était extrait chaque année et dans chaque localité un "Tableau des citoyens" ayant le droit de voter. La constitution de 1791 l'avait déjà prévu mais sans les circonstances révolutionnaires en avaient empêché la mise en place.

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Au demeurant, l'établissement de ces listes électorales, dont une petite partie

seulement ont été conservées, devenait impérative en raison de la fréquence des élections locales et nationales (par exemple, les deux Conseils législatifs étaient renouvelés par 1/3 tous les ans). Chaque liste comportait le nom, le prénom et théoriquement la profession du citoyen actif, mais en fait sa profession n'était que très rarement mentionnée. Pour être citoyen actif, il fallait, on l'a dit, avoir une contribution de 3 journées de travail, être inscrit sur le rôle de la garde nationale, et avoir 21 ans accomplis (voir Document 13).

Etablir des listes électorales permettait en outre d'inscrire de manière officielle qui détenait le droit de voter dans le système censitaire, et qui ne l'avait pas. Ceci est tellement vrai qu'on trouve dans les archives du Chinonais, une liste établie à Huismes contenant une "liste des citoyens n'ayant pas le droit de voter", en plus de la liste des électeurs de la commune. En le mettant par écrit, on signifiait en clair la privation de leur droit civique à tous ceux dont le revenu était trop faible pour pouvoir voter.

On aura noté au passage que le Directoire maintenait l'abaissement de l'âge du droit de vote de 25 à 21 ans, qu'avait décidée la Convention montagnarde en 1793, âge qui demeurera la référence jusqu'en 1974 (excepté la parenthèse monarchique de 1814 à 1848).

Une autre innovation du Directoire fut la déclaration de candidature, établie

chaque année pendant le mois de Nivôse (en gros, le mois de janvier) selon la loi du 25 Fructidor an III. Des citoyens remplissant les conditions d'éligibilité s'inscrivaient en Mairie sur des Listes de candidats qui étaient rendues publiques, par voie d'affiches, sous la forme de tableaux présentant en colonnes, leurs noms, résidence, profession, et fonctions publiques déjà occupées (politiques, administratives ou judiciaires).

En revanche, il n'était pas prévu d'afficher la tendance politique des candidats. En

fait, il s'agissait d'abord de donner le pouvoir aux plus capables des citoyens, à une élite fondée sur la propriété, selon la formule du député thermidorien Boissy d'Anglas.

Pour autant, cette élite censitaire était très divisée politiquement, entre les royalistes, les républicains modérés et les jacobins. En 1798, le Directoire décide de faire parvenir une "Adresse" (un texte justifiant sa politique) à chaque électeur afin d'influencer le résultat des élections qui devaient avoir lieu peu après. Innovation remarquable dont témoigne un courrier conservé dans les archives départementales (L 211) ; les envois transitaient naturellement par la préfecture (voir Document 14).

Le Directoire, enfin, c'était toujours la République (même si celle-ci n'était plus

démocratique) comme en témoignent les en-têtes, devises, vignettes, et tous les symboles portés sur les documents officiels (voir Document 15).

Ce régime fut profondément instable, marqué par des oppositions violentes et plusieurs coups d'état organisés par les Directeurs (c'est-à-dire le gouvernement) avec le concours de l'armée. Des coups d’état par lesquels le Directoire se condamna lui-même, préparant ainsi le terrain à un coup d'état bien plus décisif : celui du général Bonaparte, le 18 Brumaire an VIII.

▌Documents 13 à 15 Document 13 Les élections sous le Directoire Extraits de la loi du 25 Fructidor An III organisant les élections. ( ADIL, L 211 ). Cette loi est l'une des dernières qui furent votées par la Convention (thermidorienne), elle date du 11 septembre 1795 et met en place les modalités électorales du futur Directoire.

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Document 14 Premier envoi d'un texte gouvernemental aux électeurs français Lettre du ministre de la justice aux commissaires du pouvoir exécutif. Germinal an VI. ( ADIL L 211 ) Document 15 Allégories de la République Quatre en-têtes de courriers officiels comportant une allégorie de la République sous le Directoire et le Consulat. ( ADIL L 211 et 212 et 2 M 7 )

II. Les élections du Consulat et de l'Empire : un suffrage universel en trompe l'œil

a. La République mise sous tutelle "Citoyens ! La révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée : elle est finie". La proclamation de Bonaparte faite au lendemain du coup d'état du 18 Brumaire an VIII maintient les principes de la citoyenneté acquise depuis 1789. Cependant, si celle-ci reste fixée durablement en matière civile, comme le Code Civil promulgué en 1804 le confirmera ensuite, par contre elle perd une bonne partie de sa réalité politique, en raison de la censure de la presse et de l'absence de libertés publiques. La dictature que le Premier Consul Bonaparte, devenu ensuite l'empereur Napoléon 1er, impose à la République française n'est pas un retour à l'ancien régime. Bien au contraire, c'est un régime autoritaire de type moderne, qui prétend détenir une légitimité démocratique par les élections et par les plébiscites, tous deux basés sur le suffrage universel, mais en réalité sous contrôle du pouvoir en place, et d'abord sous le contrôle du chef de l'état.

En témoigne la nomination par le Premier Consul des membres du Conseil Général, nouvelle appellation des assemblées départementales qui, depuis 1790, étaient élues pour gérer chaque département. Avec le rétablissement de la centralisation, ces Conseils généraux se virent retirer tout pouvoir réel (hormis le vote du budget) et ce, au profit des préfets, créés eux aussi par le Consulat et relais essentiels du pouvoir central. C'est ce qui apparaît dans un courrier de Lucien Bonaparte, alors ministre de l'Intérieur, adressé au préfet d’Indre-et-Loire où il demande à celui-ci de lui proposer une liste de personnes choisies selon un certain profil socio-politique, en vue de leur nomination comme conseillers généraux (ADIL 3 M 5). (voir Document 16).

Le gouvernement consulaire exerçait une tutelle de plus en plus pesante sur les élus

locaux, via le pouvoir absolu des préfets. En 1803, plusieurs conseillers généraux mécontents donnent leur démission : Champigny-Clément, ex-conventionnel (il avait été député de Chinon), Hardouin, ex- administrateur municipal, puis Gauthier-Laferrière qui, dans sa lettre de démission, parle de "la manière désagréable et peu décente dont se traitent les affaires dans le conseil général depuis trois ans" (3 M 5). Une façon élégante de dire qu'il n'acceptait pas de voir l'assemblée départementale réduite à un rôle consultatif et soumise aux injonctions du préfet.

Les lois et les décrets sont pourtant nombreux à propos des élections pendant la période napoléonienne, en application des 4 constitutions voulues par Bonaparte : la constitution de l'an VIII (1799), créant le Consulat, celle de l'an X (1802), celle de l'an XII (1804), créant l'Empire, et l'acte additionnel de 1815, promulgué pendant les Cent Jours.

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Dès 1799, le suffrage universel est rétabli pour demander aux français d'approuver la

Constitution de l'an VIII. On vote alors sur un registre en signant dans la colonne des "oui" ou des "non". On retrouve cette pratique pour l'approbation du Consulat à vie (1802), pour l'établissement de l'Empire (1804) et lors du dernier plébiscite, celui de "l'Acte additionnel aux constitutions de l'Empire" (1815). Les conditions à remplir sont définies dans l'article 2 de la constitution de l'an VIII: "Tout homme né et résidant en France qui âgé de 21 ans accomplis, s'est fait inscrire sur le registre civique de son arrondissement communal, et qui a demeuré depuis, pendant un an, sur le territoire de la République, est citoyen français". Le registre civique est désormais tenu au niveau de l'arrondissement, mais sans restriction liée au paiement d'une contribution, comme c'était le cas sous le Directoire.

En lien avec ces conditions de résidence, arrêtons-nous un instant sur la situation

des étrangers désirant devenir français. Auparavant dépendantes du bon vouloir royal, les conditions de naturalisation avaient nettement évolué depuis 1789. La citoyenneté (et donc le droit de vote) pouvait être accordée aux étrangers après 5 ans de résidence en 1791-1792, puis après seulement un an de résidence en 1793-1795. Ce délai passa à 7 ans sous le Directoire et il fut rallongé à 10 ans après 1799.

Sous le régime napoléonien, en vertu de la Constitution du 22 Frimaire an VIII

complétée par le décret impérial du 17 mars 1809, la citoyenneté pouvait en effet être obtenue après 10 années de résidence continue en France, pour les personnes majeures ayant déclaré leur volonté de se fixer en France. Pour ceux qui étaient nés en France de parents étrangers, ils devaient, selon l'article 9 du Code Civil napoléonien, attendre leur majorité (à l'époque 21 ans) pour "réclamer la qualité de Français" à condition de résider en France et de déclarer vouloir y fixer leur domicile (voir Document 17).

Quant aux élections elles-mêmes, deux procédures se sont succédées mais toujours

selon une expression du suffrage en plusieurs degrés. Voyons cela plus en détail.

b. De 1799 à 1802, selon la constitution de l'an VIII : un scrutin à trois degrés

Les citoyens se réunissaient au chef-lieu d'arrondissement pour y élire d'abord, pour chaque commune, une "liste de confiance contenant un nombre égal au dixième du nombre des citoyens" dit le texte de l'an VIII, ce qui représentait environ 600 000 personnes , le dixième des 6 millions d'hommes adultes que comptait la France à cette époque. C'est parmi ces "citoyens actifs" (on employait encore ce terme) que le pouvoir choisissait ensuite les membres des conseils municipaux et des conseils d'arrondissement (les arrondissements avaient remplacé les districts créés en 1790).

Les membres des listes de confiance élisaient ensuite un dixième d'entre eux (environ 60 000) pour former "une seconde liste départementale" où le pouvoir pouvait choisir les membres du conseil général du département. Enfin, ces 60 000 "notables départementaux" élisaient encore un dixième d'entre eux, dits "éligibles aux fonctions publiques nationales" selon l'article 9. Ces "notabilités nationales", comme on les appela bientôt, étaient au nombre de 6 000 personnes environ. C'est parmi elles qu'étaient désignés les membres des assemblées créées par le Consulat, selon des conditions d'âge minimum : 25 ans pour le Tribunat, 30 ans pour le Corps législatif et 40 ans pour le "Sénat conservateur".

Chacune de ces élections par degrés se faisait à un tour et à la majorité absolue. Mais le système était compliqué, difficile à comprendre, et surtout fallacieux car le

suffrage universel n'était qu'apparent : la sélection des élus par degrés maintenait une réalité de type censitaire et, de toute façon, le choix final des élus appartenait au gouvernement ou aux préfets.

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En outre, ce mode d'élection fonctionnait très mal. Les archives concernant les élections

tenues en l'an IX (1801) contiennent de très nombreuses réclamations de citoyens surpris de ne pas recevoir de convocation pour l'élection des notables départementaux alors qu'ils ont été élus sur la liste communale. Inversement les maires renvoient à la préfecture des dizaines de convocations adressées à des citoyens "inconnus dans la commune". (ADIL 3 M 144. Formation des listes de notabilités 1801-1802).

c. De 1802 à 1814, selon la constitution de l'an X : retour masqué au suffrage censitaire

Avec la constitution du 16 Thermidor an X (4 août 1802), Napoléon abandonna le

système de l'an VIII, au profit d'un nouveau système combinant le suffrage universel et le suffrage censitaire. Il rétablit les assemblées cantonales : "l'assemblée de canton se compose de tous les citoyens domiciliés dans le canton et qui y sont inscrits sur la liste communale d'arrondissement" dit l'article 4 de cette constitution. L'assemblée cantonale était divisée en sections groupant dans chacune d’entre elles, plusieurs communes afin de ne pas bloquer les ruraux au chef-lieu de canton et de favoriser ainsi une participation souvent précaire au niveau local. Chaque assemblée était dotée d'un président nommé par le Premier Consul pour 5 ans et assisté de 4 scrutateurs comprenant les deux électeurs les plus âgés et les deux "plus imposés" du canton, donc les deux citoyens les plus riches. Cet avantage conféré aux plus imposés, donc en gros à la bourgeoisie, est à la base de la nouvelle organisation mise en place à partir de 1802.

En effet, les électeurs devaient élire pour 10 ans des citoyens candidats aux fonctions de membres des conseils municipaux, à choisir parmi les 100 plus imposés du canton (dont la liste était rendue publique). Et ils élisaient à vie des collèges électoraux d'arrondissement et de département parmi la liste des 600 plus imposés du département. Par conséquent, ce ne sont pas moins de 5 bulletins qu'il fallait avoir préparé, en y inscrivant les noms des candidats à différentes places : conseillers municipaux, membres des collèges d'arrondissement, de département, ainsi que juges de paix et suppléants de ces derniers, d'où 5 urnes dans le bureau de vote. Et la possibilité de 3 tours de scrutin pour élire ses représentants.

Le système était très complexe et pouvait décourager plus d'un électeur, d'autant que

les assemblées et les collèges ne faisaient que désigner des candidats, deux par place vacante, que ce soit au niveau municipal (désignés par l'assemblée de canton), au niveau du Conseil d'arrondissement, du Conseil général, du Tribunat, du Sénat et du Corps législatif (par les collèges électoraux).

En outre, on l'a dit, l'éligibilité demeurait réservée aux riches et le système était en réalité censitaire. Le choix des électeurs devait se porter sur les candidats dont les noms étaient rendus publics sur des affiches. Les listes de candidats du Directoire étaient devenues dès 1801, des listes d'éligibilité puis listes de notabilités. A partir de 1802 (loi du 16 Thermidor an X), elles sont remplacées par la liste des plus imposés. Ainsi, les conseillers municipaux sont élus lors des assemblées cantonales parmi les 100 électeurs les plus imposés de la commune. Les "collèges électoraux" de département sont élus parmi les 600 électeurs les plus imposés du département. La tâche du suffrage universel était donc de faire un choix parmi ces "notables" ou "notabilités" en proposant au pouvoir leur nomination. Celle-ci intervenait après examen du profil socio-politique de l'élu.

On comprend pourquoi l'abstention était massive surtout de la part des milieux populaires, par ailleurs majoritairement illettrés.

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d. La modernité napoléonienne Cependant, il existe un aspect moderne du régime napoléonien dans le domaine

électoral, et celui-ci réside dans les procédures de vote. En effet, à partir d'avril 1802, l'assemblée électorale n'est plus "délibérante", elle ne fait que choisir ses élus parmi les candidats. Et, si cette interdiction du débat entre électeurs est liée à la suspension des libertés, elle n'en est pas moins à l'origine de la procédure en vigueur jusqu'à nos jours, où le bureau de vote n'est que le lieu où l'on vote et pas celui où l'on débat. Un autre aspect moderne concerne les détails matériels du vote : en septembre 1802, on impose le remplacement des urnes-vases par des boîtes de forme cubique, en bois et dotées de serrures. Du papier découpé à l'avance, de l'encre et des tables permettent à l'électeur de marquer les noms des candidats ou de le faire marquer par un des scrutateurs. Car, le vote est désormais forcément écrit (voir Document 18).

De même, en 1806, voulant donner plus d'importance au vote et lutter ainsi contre

l'abstentionnisme, Napoléon institue l'obligation d'avoir en main une carte d'électeur pour pouvoir voter. Chaque citoyen se voit attribuer une carte civique (voir Document 19).

Avant de voter, le citoyen doit prêter serment de fidélité à l'empereur. Rappelons que

la pratique du serment avait été courante sous la Révolution et que ses origines remontaient loin

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, et ce n'est pas seulement un effet de bureaucratie, c’est sous Napoléon 1er que le gouvernement impose de tenir avec soin les listes électorales régulièrement mises à jour. En 1806, on l'a vu, de nouvelles dispositions législatives sont prises afin d'encourager l'exercice du droit de vote par les citoyens. Les préfets sont chargés de dresser des tableaux de statistique électorale afin de comparer le nombre d'habitants et celui des votants, les abstentions étant souvent fortes au niveau des assemblées de canton.

Au niveau des collèges électoraux, en revanche, la participation se maintient au fil

des années, mais parmi les notables élus se lit le retour en force de la bourgeoisie rentière d'ancien régime et surtout de la noblesse, parfois celle des nobles émigrés revenus en France après le décret de 1802. Un glissement conservateur qui s'accentue semble-t-il après 1811, avec l'effacement de l'appellation le Citoyen dans la façon de désigner les notables, au profit des termes Monsieur ou Monseigneur, et qui annonce à sa manière la fin de l'épisode révolutionnaire et impérial.

▌Documents 16 à 19 Document 16 La centralisation napoléonienne ou le suffrage confisqué Lettre de Lucien Bonaparte concernant la nomination des membres du Conseil général. 4 Germinal An VIII et liste des membres nommés avec leurs professions.

( ADIL 3M 5 ) Document 17 Citoyenneté et naturalisation L'obtention de la citoyenneté française sous la Convention, le Directoire et l'Empire. Extraits de plusieurs textes constitutionnels. ( ADIL 3 M 148 )

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Document 18 Les élections sous le Premier Empire Extraits d'une brochure administrative émanant du Ministère de l'Intérieur organisant l'aménagement des bureaux de vote et les procédures de vote. 1810. ( ADIL 3 M 148 ) Document 19 La première carte d’électeur Modèle de "carte civique" en 1810, comparée avec la carte d'électeur actuelle (2010). ( ADIL 3 M 148 )

III. La pratique élitiste du suffrage censitaire sous la Restauration (1814-1830)

Si la citoyenneté civile demeure reconnue à tous après le retour des Bourbons, et donc sous la Restauration, néanmoins la citoyenneté politique, incluant le droit de suffrage, redevient purement censitaire comme elle l'avait été de 1790 à 1792 et sous le Directoire, et de manière extrêmement restreinte. Cependant, à la différence de l'époque révolutionnaire, on ne parle plus alors de citoyens actifs et de citoyens passifs, mais du "pays légal" qui peut voter, et du "pays réel", c'est-à-dire la grande masse des Français privée de ce droit, une situation qui va perdurer jusqu'à 1848, malgré la révolution de 1830.

Définies par la loi Laîné (du nom du ministre de Louis XVIII) du 5 février 1817, les conditions pour exercer le droit de vote sont très restrictives : - être âgé de 30 ans accomplis et de sexe masculin - jouir de tous ses droits civils - justifier de 6 mois de résidence dans la commune, notion qualifiée de "domicile politique"

(en cas de déménagement, il fallait le faire savoir par courrier à la préfecture) - payer au moins 300 Francs de contributions (montant du cens)

La liste des électeurs est dressée par canton, par ordre alphabétique, avec des numéros. L'ensemble des électeurs d'un arrondissement électoral est dénommé "collège électoral", comme sous le Consulat et l'Empire, mais la liste des électeurs est rendue publique par voie d'affichage. Chaque électeur reçoit une carte: "des cartes individuelles seront… adressées, avant l'ouverture, au domicile de chaque électeur, elles porteront le jour et l'heure de la réunion" (article 7 de l'ordonnance du 4 septembre 1820, en application de la loi du 19 juin 1820).

Pour être éligible, les conditions étaient encore plus restrictives puisqu'il fallait être âgé d'au moins 40 ans et payer plus de 1000 Francs de contributions directes, depuis une année révolue.

La liste des éligibles devait être affichée dans la salle de réunion du collège électoral, lors de sa réunion.

Le droit de vote était donc strictement réservé aux citoyens les plus riches (nobles et

grands bourgeois vivant essentiellement de leurs revenus fonciers). On ne comptait que 94 600 électeurs sur l’ensemble de la France à la veille de 1830 et les conditions d'éligibilité accentuaient cet élitisme. Une inégalité criante, encore renforcée par la loi dite du double vote (loi du 19 juin 1820), par laquelle le quart des électeurs les plus imposés votait une 2e fois pour élire un contingent de 172 députés venant s'ajouter aux 258 déjà élus par les collèges électoraux.

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Toutefois, si la Restauration se montre archaïque et anti-démocratique dans

l'attribution du droit de vote (conçu d'ailleurs à l'époque plus comme une fonction que comme un droit), en revanche, elle introduit une nouveauté qu'on pourrait, après coup, qualifier de "démocratique", c'est l'élection des députés au suffrage direct. Suffrage direct dont l'organisation se trouvait facilitée par le petit nombre des électeurs. Dès la loi Laîné de 1817, le vieux système à plusieurs degrés issu de l'Ancien Régime, et pratiqué depuis 1789 avec ses délégations successives de pouvoir, est abandonné au profit d'une désignation directe des députés, tout en maintenant le scrutin de liste.

Enfin, il convient de rappeler que c'est sous la Restauration que commencent à se former de vrais partis politiques, à partir des débats des Chambres qui opposaient la Droite et la Gauche, depuis que la Révolution avait créé ce clivage vers 1790. Pour autant, les partis de l'époque, comme le parti constitutionnel (situé au centre-droit et opposé à l'ultra-conservatisme de Charles X), ne formaient pas, comme sous la Révolution, des "clubs" ou des "sociétés" organisés. Ils n'en avaient d'ailleurs pas le droit, la liberté d'association étant inexistante. Mais ces "partis" n'étaient pas non plus de simples tendances parlementaires. En fait, le mot "parti" désignait au 19e siècle l'ensemble des gens ayant la même opinion et qui se reconnaissaient dans les discours de tel ou tel député de la Chambre, les principaux orateurs de chaque parti apparaissant comme les chefs naturels de celui-ci. Ces parlementaires s'appuyaient sur des réseaux locaux, mobilisés lors des élections (voir Document 20).

C'est peu à peu, au cours du 19e siècle, et spécialement à la fin du siècle, que la volonté militante et l'élan associatif vont apporter aux différents partis une plus forte structuration, et d'abord du côté des partis socialistes qui étaient alors l'extrême-gauche. Mais ceci viendra bien après 1830. Document 20 Appel à assister à une réunion politique en juin 1830 Lettre d’invitation signée de Luzarche-Plancher, représentant local du parti constitutionnel. ( ADIL 3 M 161)

IV. L’élargissement du suffrage censitaire sous la Monarchie de Juillet (1830-1848)

Après la révolution des Trois Glorieuses (27, 28, 29 juillet 1830) et l'avènement de Louis-Philippe, le corps électoral demeure censitaire mais les conditions d'exercice du droit de vote sont beaucoup plus libérales, selon la loi du 19 avril 1831.

En effet : - le cens est abaissé à 200 Francs au lieu de 300 Francs sous la Restauration - on peut être électeur à partir de 25 ans au lieu de 30 ans (mais c'était 21 ans entre 1793 et 1815) - le double vote qui permettait aux plus riches de voter deux fois est supprimé - les conditions d'éligibilité sont ramenées à 30 ans et 500 Francs de cens.

Des conditions qui restaient toutefois plus restrictives que sous la Révolution et l'Empire.

On notera que, sous la Monarchie de juillet, le scrutin de liste est remplacé par le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, du moins pour l'élection des députés.

Les autres conditions demeurent : le suffrage est direct (et évidemment masculin), et il faut 6 mois de résidence dans le domicile politique pour être inscrit sur la liste électorale.

La libéralisation du suffrage censitaire entraîne un doublement du corps électoral, de 94 600 à 167 000 électeurs environ. Avec l'évolution démographique, on atteindra 246 000 électeurs à la veille de 1848, soit un électeur pour 40 adultes masculins.

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Les listes électorales restent établies dans le cadre du canton, par ordre

alphabétique, et doivent indiquer le nom, le prénom, la profession et le domicile. Elles sont affichées, comme avant 1830, dans les chefs-lieux de canton et les communes de plus de 600 habitants. Aux listes de la Restauration, on ajoute naturellement les citoyens bénéficiant de l'abaissement du cens, mais également des "électeurs adjoints" payant de 100 à 200 francs de contributions directes, tels que des membres de l'Institut, des officiers en retraite, ou des membres de la haute fonction publique, ce qu'on appellera "les capacités". Chaque collège électoral doit comprendre désormais au moins 150 électeurs, si ce quorum n'est pas atteint, on peut compléter la liste électorale censitaire avec les plus imposés des "électeurs communaux".

On reste donc dans une logique de suffrage censitaire fondé sur l'âge, la propriété et la richesse, un droit de vote réservé aux citoyens les plus aisés quand il s'agit de désigner la Chambre des députés.

En revanche, et c'est une avancée méconnue de la Monarchie de Juillet, les élections municipales, rétablies par Louis-Philippe, deviennent le lieu d'apprentissage et, pourrait-on dire d'expérimentation de la démocratie. En effet, le corps électoral défini par la loi du 21 mars 1831 est élargi dans le cadre municipal à 2 800 000 électeurs, soit 10 fois plus d'électeurs que pour les élections législatives, le cens étant abaissé mais aussi l'âge pour voter, celui-ci étant ramené à 21 ans. Cette initiation à la démocratie locale et aux procédures de délégation par le vote se fera lentement, non sans difficultés liées au manque d'instruction (voir Documents 21 et 22).

Dans une circulaire ministérielle datée du 11 août 1831, le président du conseil Casimir Périer prévoit que ces élections peuvent se tenir entre le 15 août et le 15 septembre, car c'est le moment qui "sépare les travaux de la moisson de ceux des vendanges". Pour les communes affectées par les migrations temporaires (par exemple dans le Massif central) où la plupart des hommes s'absentent pour leur travail en été et ne reviennent qu'à l'entrée de l'hiver, il propose de retarder la tenue des élections.

On notera enfin que c'est sous la Monarchie de Juillet que fut rétablie l'élection des conseillers généraux qui, depuis le Consulat, étaient nommés par le pouvoir.

▌ Documents 21 à 22 Document 21 Les règles de procédure électorale sous la Monarchie de Juillet comparées avec le Code électoral actuel ( ADIL 3 M 209 ) Document 22 Un difficile apprentissage des procédures électorales et démocratiques Extraits de rapports préfectoraux concernant les élections municipales sous la Monarchie de Juillet. ( ADIL 3 M 209 et 210 )

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▌3e partie : l’avènement progressif d'une citoyenneté de plus en plus élargie (de 1848 à nos jours)

I. La naissance du suffrage universel en 1848

Les réclamations des élus de la Gauche dès 1830, l'essor du mouvement ouvrier et des idées socialistes entre 1830 et 1848, enfin la "Campagne des banquets", lancée en 1846 par les élus radicaux bientôt rejoints par l'opposition dynastique, tout ce puissant mouvement d'opinion militait en faveur d'un suffrage universel que le régime de juillet s'obstinait à refuser. Ce fut la cause majeure de la révolution de février 1848. Après la proclamation du suffrage universel (seulement masculin) par le Gouvernement Provisoire issu de la révolution de février 1848, ce dernier décida par un décret publié le 5 mars, l'élection d'une assemblée constituante au suffrage direct, prévue pour le 9 avril 1848. (Voir document 23). Aux termes de ce décret, l'âge de l'électeur était rétabli à 21 ans, l'âge qui avait été choisi par la Convention dans la constitution de 1793, et maintenu par la suite sous le Directoire, le Consulat et l'Empire. L'éligibilité, par contre, était maintenue à 25 ans.

Il y avait urgence à établir les nouvelles listes électorales et les critères en furent définis par deux circulaires d'Alexandre Ledru-Rollin, chef du Gouvernement provisoire, adressées aux préfets les 7 et 12 mars 1848. Conséquence logique d'un suffrage universel chèrement acquis, le droit de vote était mis au premier plan : "Le droit d'élire les représentants du peuple est le premier des droits civiques. Ces droits n'appartiennent plus à celui qui a perdu la qualité de Français par la naturalisation en pays étranger " peut-on lire dans la circulaire du 12 mars 1848.

La question de la nationalité semble ici s'être imposée de façon plus nette que sous les régimes précédents. Le terme en lui-même était nouveau car on ne le rencontre pas avant 1848, et les textes législatifs précédents liaient la citoyenneté au fait d'être né ou de résider en France depuis plusieurs années et non pas à une origine "nationale". Ledru-Rollin précise bien que les Maires devront veiller à ne pas inscrire sur les listes "les étrangers de naissance ou nés en France d'un étranger …..qui pourraient à tort être considérés comme citoyens français", sauf s'ils sont naturalisés (article 9 du Code Civil).

La durée de résidence en France ne fut pas prise en compte. En Indre-et-Loire, les archives relatives à l'établissement des listes ne témoignent que d'un seul cas litigieux en matière de nationalité, celui d'un émigré hongrois, capitaine de la garde nationale de sa commune (à Braye-sur-Maulne, canton de Château-La-Vallière) qui, afin de pouvoir voter, demandait à être naturalisé au plus vite du fait qu'il habitait en France depuis 1809, soit depuis 39 ans. Mais le droit de vote lui fut refusé par le préfet, tant qu'il n'aurait pas accompli les démarches nécessaires et obtenu ses "lettres de naturalisation".

L'établissement des listes électorales posait surtout des problèmes pratiques. A Mettray, on demanda aux citoyens de venir s'inscrire eux-mêmes à la Mairie, en faisant savoir le 16 mars 1848 que les électeurs avaient jusqu'au 18 mars à 6 heures du soir pour se faire inscrire, soit à la Mairie, soit chez un des membres du conseil municipal, la liste devant être close pour le 25 mars. A Veigné, c'est le garde champêtre qui établit la liste en se basant sur le recensement de 1846. Le plus souvent, c'est le conseil municipal lui-même qui dressa la liste électorale, non sans quelques oublis ici ou là, concernant en particulier les travailleurs migrants et qui entraînèrent des contestations le jour du scrutin. Ainsi, à Vouvray, suite aux réclamations, "le conseil a admis les citoyens réclamants sur la vue de leurs livrets d'ouvrier ou autres pièces constatant également leur âge et leur nationalité".

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Quant aux cartes d'électeur, appelées encore billets, établies à la hâte, elles devaient

être prises à la mairie avant le vote. Très rudimentaires, portant seulement le nom de l'électeur et celui de la commune (et la signature du maire) elles n'avaient plus le caractère de "billets de convocation" qu'elles avaient sous la Monarchie de Juillet. L'information concernant le lieu et le jour du vote devait être assurée par les maires "par tous les moyens de publicité" en leur pouvoir, selon l'Instruction officielle du 12 mars 1848.

Différentes illustrations retracent la préparation et le déroulement de ces élections de 1848. Les affiches électorales et les bulletins d'élection dans les rues ; Une salle d'élection ; Séance du club du Prado en 1848 ; Le Prince Napoléon Bonaparte prête serment à la République. (voir document 24)

A partir des élections législatives de 1848, un certain nombre d'innovations

annoncent les procédures modernes et encore actuelles des scrutins. L'Instruction du 12 mars fixe la fermeture des bureaux de vote à "6 heures du soir". Des bulletins déjà imprimés commencent à être disponibles ici et là dans les bureaux de vote sans qu'il y ait harmonisation dans leur couleur ou leur présentation. C'est le cas lors de l'élection présidentielle de décembre 1848, des législatives de 1849 et plus encore des plébiscites de 1852 voulus par le président Bonaparte (avec des bulletins "oui" et "non"). Cependant, l'existence de bulletins imprimés n'empêchait nullement le maintien des bulletins manuscrits qui seront encore acceptés jusqu'au début du 20e siècle. Ces bulletins manuscrits pouvaient être, à partir de 1848, préparés dans la rue ou bien chez soi, une pratique de plus en plus fréquente à partir de 1849 et encouragée par les maires qui, du fait de l'afflux des électeurs avaient de plus en plus de mal à garantir la discrétion lors de l'écriture des bulletins.

Une autre innovation de la Seconde République consista dans le choix définitif du dimanche (ou à défaut, d'un jour férié) pour la tenue des scrutins nationaux. Cette mesure fut étendue aux élections locales en 1852, en même temps que la répartition des deux tours de scrutin sur deux dimanches. (Source : Ph. Tanchoux Les procédures électorales en France, CTHS, Paris, 2004, pages 420, 450 et 456).

▌Documents 23 et 24 Document 23 Décret du 5 mars 1848 instituant le suffrage universel direct (ADIL 3 M 215 ) Document 24 Gravures illustrant l'avènement du suffrage universel en 1848. Les affiches électorales et les bulletins d'élection dans les rues Une salle d'élection Séance du club du Prado en 1848 Le Prince Napoléon Bonaparte prête serment à la République (Illustrations extraites de Garnier-Pagès, Histoire de la révolution de 1848, Paris, Degorce-Cadot éditeur, sans date, et de Ch. Rémond, Les trois Républiques et les trois Carnot, Paris, Librairie G. Maurice, sans date (vers 1890). Collection privée A. Pauquet)

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II. La manipulation du suffrage universel par les « Conservateurs » (1850-1877)

Depuis la Révolution Française, le principe même du suffrage universel était tenu en suspicion par les milieux conservateurs, et surtout leurs chefs, obsédés qu'ils étaient par les violences populaires et persuadés que le droit de vote donné aux classes pauvres ne pouvait qu'engendrer les pires débordements, et la dictature d'un nouveau "Comité de salut Public" pressé de faire tomber les têtes.

Sous la Monarchie de Juillet, Guizot avait incarné ce courant d'idées. L'élection de l'Assemblée Constituante en 1848 allait le démentir. Les résultats des premières élections au suffrage universel direct (en un seul tour, le 23 avril 1848) furent une bénédiction pour les Conservateurs (la Droite royaliste) et une amère déception pour ceux qui avaient proclamé le suffrage universel (les républicains, c'est-à-dire la Gauche). Comme on sait, si la majorité des électeurs avaient voté pour le Parti de l'Ordre, c'était beaucoup sous l'effet des rumeurs alarmistes répandues par les notables conservateurs qui agitaient le spectre d'un nouveau 1793, augmenté d'un partage des terres. La peur des "partageux" avait pesé lourd dans le vote des paysans qui constituaient alors la majorité de la population et donc de l'électorat. Cependant, même si la Droite avait largement remporté les élections, la persistance de l'agitation ouvrière, l'invasion de l'assemblée par des manifestants le 15 mai et, surtout, le soulèvement parisien de juin 1848 (qui ne faisait que demander à la République qu'elle tienne les promesses du Gouvernement provisoire), tout cela entretenait la méfiance des chefs royalistes vis-à-vis du suffrage populaire.

L'élection d'une nouvelle assemblée, en mai 1849, vit à nouveau la victoire du Parti de l'Ordre, mais aussi l'arrivée d'une puissante opposition "démocrate-socialiste", s'affichant comme l'héritière des « Montagnards » de la Révolution. Conduits par Ledru-Rollin, ces députés "rouges" réclamaient une "république démocratique et sociale", mise au service des ouvriers et des paysans. Effrayée, la majorité conservatrice commença dès lors à remettre en cause la démocratie naissante, en proclamant l'état de siège à Paris et en multipliant les arrestations et les procès contre les députés "montagnards".

Ledru-Rollin, celui-là même qui avait proclamé le suffrage universel en 1848, fut contraint à l'exil.

En 1850, Adolphe Thiers, l'un des chefs de la Droite, quoique modéré, fit voter par la majorité des députés une loi limitant le suffrage universel. Votée le 31 mai 1850, elle retirait le droit de vote à environ un électeur sur trois, selon le critère du domicile. Il fallait désormais justifier de 3 années de résidence dans la commune pour pouvoir voter au lieu des 6 mois établis antérieurement par le décret de mars 1848. La manœuvre visait les ouvriers migrants, accusés de colporter les idées des Rouges et qualifiés par Thiers de "vile multitude", expression demeurée célèbre. Dans le même temps, le président Louis-Napoléon Bonaparte, élu triomphalement le 10 décembre 1848, commençait à affirmer son autorité. Il s’opposa à la loi restreignant le suffrage universel et se présenta comme le défenseur du Peuple. Une première tournée en province, fait nouveau dans notre histoire politique, lui permit de sonder les cœurs et de préparer auprès de l'opinion le coup d'état qu'il réalisa le 2 décembre 1851. Destiné à empêcher, sinon la victoire des Rouges, à tout le moins l'avènement d'une majorité de gauche aux élections prévues pour 1852, ce coup d'état consacrait le pouvoir personnel du président Bonaparte. Après avoir rétabli le suffrage universel et réprimé à l'aide de l'armée le soulèvement républicain qui avait suivi le coup d'état, le Prince-président joua sur la peur du désordre et il obtint une majorité écrasante lors du plébiscite des 21 et 22 décembre 1851.

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On connaît la suite pour l'année 1852 : un nouveau voyage en province, un nouveau plébiscite triomphal et finalement le rétablissement de l'Empire, le président Bonaparte devenant l'empereur Napoléon III, avec le soutien de la plupart des royalistes. De 1852 jusqu'à la fin du régime impérial le 4 septembre 1870, les élections municipales, cantonales et législatives seront étroitement contrôlées par le pouvoir et ses préfets. C'est le système de la "candidature officielle", implacable jusqu'au milieu des années 1860 (voir Document 25). Les élections législatives de 1863 en sont une bonne illustration en Indre-et-Loire où le comte de Flavigny, pourtant bonapartiste, et élu sortant de la circonscription de Chinon, se verra retirer la candidature officielle en raison des critiques qu'il a émises contre le régime. Agissant sur ordre du ministre de l'intérieur Persigny, le préfet salira l'honneur de l'ex-officiel Flavigny et ira jusqu'à faire porter au domicile de chaque électeur le bulletin de vote du nouveau candidat officiel, le marquis de Quinemont, lequel évidemment sera élu. Après la chute de l'empire, les débuts chaotiques de la IIIe République virent à nouveau la victoire de la Droite (bonapartistes et royalistes confondus) aux élections de février 1871, dans le contexte particulier de la défaite face à l’Allemagne. La république se trouva donc à nouveau gouvernée par des royalistes : ce fut, pour quelques années, la "République des ducs" selon la formule créée plus tard par Daniel Halévy. Mais bientôt, l'écrasement de la Commune de Paris, révolte condamnée par les républicains modérés, le ralliement de "Monsieur Thiers" à une République "sage et conservatrice" et les divisions acharnées au sein de la Droite amenèrent un basculement du corps électoral vers la Gauche aux législatives de 1876. Afin d'empêcher ce ralliement de la majorité des français à la République, les "Conservateurs", comme ils se désignaient eux-mêmes, et malgré leurs dissensions internes, tentèrent d'y faire échec par le coup d'état du Président de la République, le maréchal (royaliste) Patrice de Mac-Mahon, le 16 mai 1877. On retrouva alors les mêmes procédés que sous le Second Empire, les mêmes pressions administratives et policières et le retour de la candidature officielle au profit des partisans du "Maréchal-Président". Mais rien n'y fit : les élections qui suivirent en octobre 1877 consacrèrent la défaite des conservateurs royalistes et la victoire des républicains. Cette victoire des républicains allait devenir plus éclatante encore après la démission du président Mac-Mahon (1879), le basculement à gauche du Sénat, et l'élection du premier président républicain (Jules Grévy). Enfin, le triomphe de la Gauche aux élections législatives de 1881 ouvrit la voie au gouvernement de Jules Ferry (1880-1885), lequel fit voter les grandes lois fondant la démocratie en France. Parmi ces "lois républicaines", on notera en 1884, l'élection des maires par les conseillers municipaux (sauf à Paris) et l'accroissement de l'autonomie municipale, ce qui constituait une première forme de décentralisation.

Document 25 La candidature officielle sous le Second Empire Affiche incitant les électeurs illettrés à voter oui au plébiscite de décembre 1851. Courriers préfectoraux(1863). Circulaire électorale avec deux bulletins de vote (1863). ( ADIL 3 M 55, 266 et 267 )

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III. Le suffrage universel rendu authentique par la naissance de l'isoloir en 1913

De 1880 jusqu'au début du 20e siècle, l'expression du suffrage universel ne changea

guère dans la forme. Emancipé par la fin (relative) de la domination des notables dans les campagnes, éclairé par l'école gratuite et obligatoire, et malgré l'influence inévitable des cadres sociaux et familiaux, le vote relevait de plus en plus de la volonté individuelle. Cependant, à défaut d'avoir préparé son bulletin chez lui, l'électeur continuait à devoir le préparer dans le bureau de vote, soumis aux regards indiscrets de l’entourage, ce qui pouvait être gênant.

Une loi nouvelle s'imposait. Celle du 29 juillet 1913 fut destinée à "assurer le secret et la liberté de vote ainsi que la

sincérité des opérations électorales". La circulaire du ministre de l'intérieur Klotz détermine ainsi les modalités d'application de la loi (ADIL 3 M 477) :

- les isoloirs : chaque bureau de vote doit désormais comporter au moins 2 isoloirs et un

par fraction de 300 électeurs. D'après l'article 4 de cette circulaire, ils doivent prendre le moins de place possible, on peut même les installer dans les angles de la salle avec un simple rideau. Leurs dimensions sont définies de façon rigoureuse par le même article : une profondeur d'au moins 35 à 40 cm, deux rideaux de toile de 1,80 m par 0,80 m se croisant devant l'isoloir, celui-ci devant être équipé d'une petite table ou d'une planchette afin que l'électeur puisse écrire. Le passage par l'isoloir est une obligation, sinon le vote peut être refusé. A partir du 2 novembre 1913, 15 francs seront alloués par l'état aux communes pour chaque isoloir installé. Dès lors, plusieurs entreprises vont proposer différents modèles d'isoloirs, sous forme de cabines, de paravents, etc, le tout donnant lieu à des brochures publicitaires, comme celle reproduite dans le document à étudier (voir Document 26). Mais la création des isoloirs n'est qu'un aspect de cette loi, car celle-ci met en place beaucoup d'autres dispositions nouvelles afin de garantir le secret du vote, comme en témoignent les autres articles de la circulaire ministérielle :

- les enveloppes : elles deviennent obligatoires. Opaques et revêtues du cachet de la

préfecture, elles seront fournies à chaque mairie au moins 5 jours avant l'élection en nombre supérieur de moitié au nombre d'électeurs inscrits (art. 3). Le fait d'utiliser une enveloppe autre que l'enveloppe officielle ou simplement l'absence d'enveloppe rend le bulletin nul.

- les urnes : dotées d'une seule ouverture, fermée avec deux serrures dissemblables dont les clés restent, l'une entre les mains du président du bureau de vote, l'autre entre les mains de l'assesseur le plus âgé (art. 5).

- les porte plumes équipés de plumes en acier : ils remplacent les crayons proposés jusque là et ce pour des raisons d'hygiène car les crayons étaient fréquemment portés à la bouche et pouvaient donc transmettre des maladies. Le porte-plume sera attaché à la tablette installée dans l'isoloir.

- l'encre et la poudre : l'électeur devra trouver de l'encre dans un encrier fixé dans la tablette de l'isoloir et de la poudre afin de sécher l'encre déposée sur le bulletin.

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Les problèmes posés par la création de l'isoloir

Deux problèmes ont alors agité les conseils municipaux : la crainte de ne pas être en

conformité avec la nouvelle loi et pour certains, l'appréhension devant le comportement des électeurs.

Tous les conseils municipaux d'Indre-et-Loire ont consacré une délibération à la mise

en place de la loi de 1913. Très souvent, ils ont soumis à la préfecture un plan d'installation des isoloirs, ce qui permet de savoir comment étaient aménagés les bureaux de vote. On allait même jusqu'à indiquer sur le plan un parcours fléché qui serait ensuite imposé aux électeurs. Le préfet devait en garantir la conformité par rapport à la loi, en vue des élections municipales de février 1914, puis des élections législatives de mai 1914.

Quant à la réaction des électeurs face aux nouvelles dispositions, elle ne semble pas avoir été hostile. Toutefois, le maire de Balesmes écrit le 2 février 1914 au préfet, pour lui signaler que lors des élections municipales de la veille, plusieurs électeurs ont refusé de passer par l'isoloir. Ils préfèrent, écrit-il "mettre leur bulletin ostensiblement et au grand jour dans l'enveloppe". Voulant sans doute dramatiser cet incident, le maire de Balesmes, craint qu'un jour des électeurs extrémistes n'en viennent à occuper les isoloirs, surtout "deux heures avant la fermeture du scrutin …où généralement il y a affluence de votants" et il ajoute que "la loi aurait dû prévoir un délai de séjour" … dans l'isoloir. Mais il nuance aussitôt son propos : "je ne dis pas cela pour nos régions où une pareille tentative n'est pas à craindre". Document 26 Comment assurer la sincérité du vote Plan de bureau de vote de Tauxigny. Courrier du maire de Balesmes au préfet (2 février 1914). Deux publicités pour un modèle d'isoloir (Simplex et Plisson). ( ADIL 3 M 477 )

IV. L'exigence d'un véritable suffrage universel : la question du droit de vote des femmes Initié par certains états américains dès 1869, réclamé ensuite par les "suffragettes" britanniques puis par leurs homologues des pays les plus développés, porté par l'action du mouvement ouvrier qui avait proclamé le 8 mars "journée internationale des femmes" dès la fin du 19e siècle, et surtout propulsé par la vague révolutionnaire consécutive à la révolution russe, le droit de vote des femmes s'imposa dans de nombreux pays au lendemain de la première guerre mondiale (Russie, Allemagne, Pologne, Hongrie, Etats-Unis, etc).

La France, jusque-là pionnière en matière de démocratie, ne suivit pas ce mouvement malgré le rôle important des femmes pendant la guerre et l'essor de l'emploi féminin dans les classes moyennes. Misogyne depuis la Révolution française, la tradition républicaine, pourtant avide de symboles féminins, n'y était pas favorable. Le parti radical-socialiste, et avec lui, la majorité des élites politiques de la IIIe République le refusait. Les uns craignaient un vote féminin influencé par le clergé et donc favorable à la droite la plus conservatrice, les autres voyaient dans ce droit la remise en cause de l'autorité masculine dans la famille sacralisée par le Code civil napoléonien, les deux arguments pouvant bien entendu s'ajouter l'un à l'autre.

C'est donc en dehors de la mouvance proprement républicaine que viendrait

l'évidence du suffrage féminin.

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A gauche, elle vint des partis du mouvement ouvrier : les socialistes SFIO et plus

encore les communistes lesquels, dans l'entre-deux guerres, n'hésitaient pas à présenter des candidates aux élections alors que les femmes n'étaient ni électrices, ni éligibles. On notera d'ailleurs que c'est au parti communiste qu'une femme (Suzanne Girault) fut pour la première fois associée à une direction politique (quoique brièvement de 1923 à 1925). Quant au Front Populaire (1936-1938), on sait qu'il amena dans le gouvernement de Léon Blum des femmes secrétaires d'état, dont la célèbre Irène Joliot-Curie (fille de Marie Curie) ou encore Cécile Brunschvig, militante féministe de longue date. A la tête de l'Union Française pour le suffrage des femmes, dont elle était la présidente, cette dernière s'efforça de promouvoir les droits des femmes. La question du droit de vote des femmes fut alors débattue au Parlement mais elle ne put aboutir en raison de l'opposition du Sénat.

A droite, certains groupes proches de l'Eglise catholique étaient timidement

favorables au droit de vote des femmes, mais ce courant "clérical" précurseur de la démocratie chrétienne restait marginal. Il s'était créé deux "ligues" catholiques fusionnées ensuite à l'initiative du Pape Pie XI en 1933 dans la Ligue féminine d'action catholique mais celle-ci mettait en avant le rôle maternel bien plus que le rôle civique des femmes. Dans les milieux conservateurs et modérés, cette ligue catholique était en rivalité avec une autre association, officiellement apolitique, mais qui comptait beaucoup d'attaches à Droite et au Centre ainsi que dans la mouvance protestante : il s'agit du Conseil National des Femmes Françaises, première association authentiquement féministe, fondée dès 1901 (voir Document 27).

Comme on le voit, la question des droits féminins était défendue à droite par des

associations animées par des femmes, alors que pour la gauche, elle relevait de l'action des partis politiques, où militaient des hommes et des femmes, l'égalité des droits étant inscrite dans leur programme (celui des partis socialiste et communiste, mais non du parti radical comme on l'a dit plus haut).

Pendant la période de Vichy, années noires où le suffrage universel fut nié et la citoyenneté bafouée, c'est l'image de la femme comme mère de famille qui fut imposée à la société, loin de toute fonction civique.

Il fallut donc attendre 1944 pour que ce droit soit établi par une ordonnance du

Gouvernement provisoire dirigé par le général de Gaulle et siégeant à Alger, alors même que la France métropolitaine n'était pas encore libérée. Le rôle joué par de nombreuses femmes dans la Résistance, à la fois dans les réseaux en France occupée et dans les Forces Françaises Libres, militait évidemment en faveur de la reconnaissance de ces droits. C'est sur la proposition des ministres communistes, avec le soutien de De Gaulle lui-même, que l'ordonnance fut prise le 21 avril 1944, la question étant alors de savoir qui serait électeur et éligible une fois le territoire libéré et la République rétablie.

Encore s'agissait-il d'une ordonnance et non d'une loi en l'absence d'un réel pouvoir

législatif (l'assemblée d'Alger n'était que consultative). Décidé en 1944, le principe devient une loi, une fois la Libération réalisée. En 1945, les femmes françaises, pour la première fois, peuvent voter lors des élections municipales et lors de l'élection de l'Assemblée Constituante. L'éligibilité n'aura cependant que peu d'effets sur la composition de cette assemblée et de celles qui vont suivre, les femmes ne représentant que 5.6 % du total des députés, siégeant pour l'essentiel dans les rangs du groupe communiste (voir Document 28).

Peu à peu, le suffrage féminin entre dans les mœurs sous la IVe République et lentement se répand l'idée que les femmes peuvent entreprendre une carrière politique, à l'égal des hommes. Lors des élections municipales de 1947 en France, elles sont 250 femmes à devenir maires de leur commune (on en compte trois en 1949 en Indre-et-Loire) mais ce nombre ne va guère augmenter avant une génération.

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Il faut d'ailleurs attendre la Ve République pour revoir des femmes "ministres", d'anciennes résistantes comme Marie-Madeleine Dienesch, toutefois cantonnées dans les rôles traditionnels dévolus aux femmes, comme le secrétariat d'état à la famille.

L'évolution des mentalités au cours des années 1960, et plus encore après les événements de mai 1968, et l'activisme des mouvements de « libération de la femme » soutenus par l'extrême-gauche, accélèrent ensuite la promotion des femmes dans la société et la vie politique. Sous le président Pompidou (1969-1974) le Code Civil est modifié dans le sens de l'égalité des sexes. Sous le président Giscard d'Estaing (1974-1981), une place plus grande est accordée aux femmes dans le gouvernement. Le ministère de la santé est alors confié à Simone Veil, qui deviendra quelques années plus tard présidente du Parlement européen. On crée un "secrétariat d'état auprès du premier ministre chargé de la condition féminine", confié à la journaliste Françoise Giroud. Mais ne pouvant faire aboutir les mesures qu'elle préconise, celle-ci démissionne au bout de 2 ans, ce qui clôt l'existence de ce ministère.

L'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, avec le président Mitterrand (1981-1995),

redonne plus de place aux femmes et à la question de l'égalité des droits. Un véritable "ministère des droits de la femme" est créé, dont est chargée Yvette Roudy laquelle occupera cette fonction de 1981 à 1986. Sous le second mandat de François Mitterrand, une femme accède pour la première fois à la tête du gouvernement : c'est Edith Cresson, premier ministre de 1991 à 1992.

Peu à peu, l'idée de l'égalité, et même de la parité entre hommes et femmes fait

consensus, Gauche et Droite confondues. Sous les présidents Chirac (1995-2007) et Sarkozy (2007-2012), les femmes s'imposent dans tous les emplois qui jusque là leur étaient fermés, comme la haute fonction publique, et les ministères "régaliens" (justice, armée, affaires étrangères, intérieur). Elles s'affirment à la tête de tous les partis politiques, de l'extrême-gauche à l'extrême-droite, et concourent aussi à l'élection présidentielle. Dès 1974, la candidate trotskyste Arlette Laguiller affiche une présence féminine, mais celle-ci reste "isolée" pendant 20 ans. C’est seulement à partir de 1995, et surtout de 2002, qu’on voit se multiplier les candidatures féminines lors de cette élection majeure.

C'est en 2000, sous le gouvernement Jospin (1997-2002), qu'a été votée la loi sur la

parité. Elle impose l'égalité en nombre des candidatures politiques hommes-femmes dans les scrutins de liste et pénalise financièrement les partis qui ne le respectent pas. Cette loi a porté ses fruits : si en 2005, le pourcentage des femmes députées n'était que de 12.3 % (à comparer aux 5.6 % de 1946), il a doublé en 2012 atteignant 26.6 %. Mais c’est au sein des Conseils régionaux que la parité est la mieux réalisée actuellement, avec 48 % de femmes. Elles n’étaient que 9 % lors de la création de ces assemblées en 1986 (Source sénat.fr).

▌Documents 27 et 28

Document 27 Pour le suffrage des femmes Pétition nationale organisée par le Conseil National des femmes françaises. Avril 1933. Réponse du Conseil Général d'Indre-et-Loire (vœu refusé). ( ADIL 3 M 478 ) Document 28 La première femme élue députée en Indre-et-Loire Tract électoral de Madeleine Boutard, candidate sur la liste communiste d'Indre-et-Loire aux élections législatives de novembre 1946. ( ADIL 3 W 274 )

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V. L'abaissement de l'âge de la majorité à 18 ans (1974) Après son élection en mai 1974, le président Valéry Giscard d'Estaing fait voter par le Parlement (à la quasi-unanimité) la loi du 5 juillet 1974 qui confère la majorité civile et politique à partir de 18 ans et non plus de 21 ans, comme c'était le cas depuis les origines du suffrage universel (Constitutions de 1793, 1795, 1799 et 1802, ramené par la monarchie censitaire à 30 ans, mais rétabli en 1848 à 21 ans).

L'idée d'abaisser le droit de vote à 18 ans n'était pas nouvelle. Elle avait été soutenue par le parti communiste français dès les années 1920. En 1936, le droit de vote avait été donné aux jeunes dès 18 ans pour l'élection des délégués du personnel dans les entreprises. La croissance du nombre de jeunes, conséquence du baby-boom de l'après-guerre, et leur engagement grandissant dans les luttes politiques, fit progresser cette idée après 1968. Elle fut inscrite dans le programme de "l'Union de la gauche" (PS, PCF et Radicaux de gauche) puis reprise par le candidat de Droite, Valéry Giscard d'Estaing, lors des élections présidentielles de 1974.

Au demeurant, la plupart des pays européens (notamment dans le bloc de l'Est)

avaient déjà opéré cette réforme et la France se trouvait une fois de plus en retard en matière de droit de vote. Une fois la loi votée, l'inscription des 18-21 ans sur les listes électorales fit passer le nombre d'électeurs de 29 778 550 en 1974 à 34 802 883 en 1978 (Source : R. Huard, article suffrage universel dans le Dictionnaire du vote, PUF, 2001).

En Indre-et-Loire, le corps électoral après l'inscription des 18-21 ans augmenta d'environ 15 000 personnes (voir Document 29). Document 29 Le vote à 18 ans : un nouvel élargissement du corps électoral Courrier du préfet d’Indre-et-Loire (1975) Nombre des électeurs inscrits en Indre-et-Loire en 1975 Télégramme du préfet au ministre de l’intérieur (1981). ( ADIL 1174 W 4 )

VI. La citoyenneté européenne et le droit de vote des étrangers La question du droit de vote des étrangers aux élections municipales fut ouverte par une proposition de François Mitterrand faite lors de la campagne des élections présidentielles de 1981. Mais elle ne trouva pas d'aboutissement sous ses deux mandats (1981-1995), compte tenu des réticences de l'opinion, en particulier de la Droite, et ceci, surtout après la renaissance de l'extrême-droite, incarnée par un Front National a priori hostile aux étrangers.

Toutefois, la signature du Traité de Maastricht en 1992 permit au président Mitterrand de réaliser une partie de son projet, par la création d'une citoyenneté européenne. En effet, le Traité confère pour les élections municipales et européennes, le droit de vote et l'éligibilité aux étrangers ressortissants des états membres de l'Union Européenne (Document 30).

Ainsi, avec l'élargissement de l'Union créée sous ce nom par le même traité, on est

passé de 12 nationalités (il y avait 12 états membres en 1992) ayant droit de voter en France (et d'y être élu) à 28 nationalités (il y a 28 états membres de l’Union européenne en 2013).

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LA CITOYENNETE

Encore ne s'agit-il que de citoyens détenant la nationalité de pays appartenant au

continent européen. Même si parmi eux figurent de plus en plus de personnes naturalisées et originaires d'autres continents, l'élargissement du droit de vote aux seuls étrangers européens laisse de côté un nombre important d'étrangers originaires des autres continents, notamment du continent africain.

Une situation qui créée une sorte de discrimination et qui ne contribue pas à

l'intégration des populations immigrées qui n'ont pas bénéficié d'une naturalisation.

C'est sans doute la raison pour laquelle la question a été de nouveau débattue à partir des années 2000. Sous le gouvernement Jospin (1997-2002) un projet de loi est voté par la majorité de gauche de l’Assemblée nationale mais le premier Ministre renonce à présenter la loi au Sénat vu l’hostilité de la droite majoritaire dans la haute assemblée.

En 2006, la ville de Paris et des municipalités de la banlieue parisienne relancent le débat en organisant des référendums locaux appelés « votations citoyennes », afin de populariser l’idée du vote des étrangers aux élections locales. Au cours des années suivantes, la Ligue des Droits de l’Homme se mobilise en faveur du projet, relayée par de nombreuses municipalités de gauche. Dans cette campagne d’opinion, l’Indre-et-Loire n’est pas en reste : en décembre 2010, les villes de St Pierre des Corps, Tours et Joué-les-Tours organisent simultanément et pendant plusieurs jours une votation en ce sens.

En 2011, le Sénat qui vient de passer à gauche, en vote le principe mais cette fois

c’est l’Assemblée nationale à majorité de droite qui s’y oppose. Enfin, le droit de vote des étrangers aux municipales, resurgit aux élections présidentielles de mai 2012 qui voient la victoire du socialiste François Hollande.

Quoique promis par celui-ci (et par les autres candidats de la gauche) dans le but de

favoriser une meilleure intégration des populations immigrées, le droit de vote des étrangers aux élections municipales reste à ce jour (décembre 2012) à l'état de projet. Une telle réforme nécessiterait, il est vrai, une modification de la Constitution votée à la majorité des 3/5e des parlementaires, ce qui n’est pas forcément acquis. En effet, si la Gauche y est favorable, la Droite a fait de l'opposition au vote des étrangers un thème majeur de mobilisation de son électorat.

S’il est vrai que beaucoup de français demeurent attachés au lien entre nationalité,

citoyenneté et droit de vote, on notera cependant que 15 états membres de l’Union Européenne ont déjà institué le droit de vote des étrangers aux élections locales et que cette pratique existe dans d’autres pays du monde comme le Maroc. Document 30 Des droits nouveaux avec l’intégration européenne Extraits de l’article 8 du Traité de Maastricht (1992). « Une Anglaise au conseil municipal », article paru dans « La Nouvelle République », 19 avril 2008. (ADIL 2031 PERC )

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LA CITOYENNETE

Sources : ADIL ( Archives départementales d’Indre-et-Loire):

Série B : 3 B 294 Série L : L 197, 211, 212 ; 2 L 172, 174, 475, 760. Série M : 2 M 7 ; 3 M 5, 55, 148, 161, 209, 210, 215, 266, 267, 477, 478. Série W : 3 W 274 ; 1174 W 4. Iconographie (gravures) : collection privée Alain Pauquet

Bibliographie utilisée :

Jacques Godechot, Les constitutions de la France depuis 1789, Paris, Garnier-Flammarion, 1970, 508 pages. Philippe Tanchoux, Les procédures électorales en France de la fin de l’Ancien Régime à la Première Guerre mondiale, Paris, éd. CTHS, 2004, 623 pages.

A titre complémentaire : On trouvera d’abondantes illustrations dans l’ouvrage de Michel Offerlé, Un homme, une voix ? Histoire du suffrage universel, Paris, Gallimard, s.d, 160 pages, et une étude approfondie dans Raymond Huard, Le suffrage universel en France (1848-1946), Paris, Aubier, 1991, 493 pages.