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IpaP 45 Boulevard Lefebvre, 75015 Pariscedex 15, France Boite Postale 3264, Bangui, R.C.A I NSTITUT P ANAFRICAIN D ’A CTION ET DE P ROSPECTIVE –I PA P http://ipaporg.net Contribution au Forum de Bangui « Paix – Justice – Réconciliation » Fiche technique Coordination Scientifique : Prof. Hélène TIGROUDJA, Prof. JeanFrançois AKANDJIKOMBE Equipe de rédaction : Marion CHAHUNEAU, Audrey EPRINCHARD, Camara HAMEDI, Marie LUGAZ, Arnaud YALIKI LA COMMISSION DIALOGUE, VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION DE CÔTE D’IVOIRE Origines et création de la Commission En 2010, Alassane Ouattara est élu Président de la République de Côte d’Ivoire. Mais le Président sortant, Laurent Gbagbo, refuse de quitter le pouvoir. S’en suit alors une crise particulièrement violente entre les partisans des deux candidats, qui durera six mois, fera 3.000 morts et de nombreuses victimes. D’après l’organisation Human Rights Watch, « les violences post-électorales sont le point culminant d’une décennie d’impunité » 1 . A l’issue de la crise, la mise en place d’une Commission vérité et réconciliation constitue « un axe fort de [la] présidence » du Président Ouattara 2 . La Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR / la Commission) verra le jour le 13 mai 2011 et débutera ses travaux en septembre 2011. Elle est chargée d’établir les causes des crises successives et de faire la lumière sur toutes les violations graves des droits de l’Homme commises entre 1990 et 2011, c’est-à-dire du retour du multipartisme dans le pays à la crise post-électorale. Son siège a été établi à Abidjan. Mandat de la Commission L’article 5 de l’Ordonnance décrit la mission de la Commission : « œuvrer en toute indépendance à la réconciliation et au renforcement de la cohésion sociale entre toutes les communautés vivant en Côte d’Ivoire ». Aux termes de cet article, la CDVR est chargée : - d’élaborer une typologie appropriée des violations des droits de l’Homme ; de rechercher la vérité et situer les responsabilités sur les évènements sociopolitiques nationaux passés et récents ; 1 Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était » : Le besoin de justice pour les crimes post- électoraux en Côte d’Ivoire, 5 octobre 2011 : http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/cdi1011frwebwcover.pdf 2 La Croix, Les Ivoiriens aspirent à la paix, 27 avril 2011 : http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Les-Ivoiriens- aspirent-a-la-paix-_EP_-2011-04-27-595657

LA COMMISSION DIALOGUE, VÉRITÉ ET · PDF fileEn outre, ces fonctions au sein de la CDVR sont incompatibles avec toute activité qui pourrait influer sur leur indépendance et leur

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IpaP  w  45  Boulevard  Lefebvre,  75015  Paris-­‐cedex  15,  France  w  Boite  Postale  3264,  Bangui,  R.C.A  

 I N S T I T U T   P A N A F R I C A I N   D ’ A C T I O N   E T   D E   P R O S P E C T I V E   –   I P A P  

http://ipaporg.net  Contribution  au  Forum  de  Bangui  

«  Paix  –  Justice  –  Réconciliation  »  Fiche  technique  

 Coordination  Scientifique  :  Prof.  Hélène  TIGROUDJA,  Prof.  Jean-­‐François  AKANDJI-­‐KOMBE  

Equipe  de  rédaction  :  Marion  CHAHUNEAU,  Audrey  EPRINCHARD,  Camara  HAMEDI,  Marie  LUGAZ,  Arnaud  YALIKI          

LA COMMISSION DIALOGUE, VÉRITÉ ET

RÉCONCILIATION DE CÔTE D’IVOIRE

Origines et création de la Commission En 2010, Alassane Ouattara est élu Président de la République de Côte d’Ivoire. Mais le Président sortant, Laurent Gbagbo, refuse de quitter le pouvoir. S’en suit alors une crise particulièrement violente entre les partisans des deux candidats, qui durera six mois, fera 3.000 morts et de nombreuses victimes. D’après l’organisation Human Rights Watch, « les violences post-électorales sont le point culminant d’une décennie d’impunité »1. A l’issue de la crise, la mise en place d’une Commission vérité et réconciliation constitue « un axe fort de [la] présidence » du Président Ouattara2 . La Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR / la Commission) verra le jour le 13 mai 2011 et débutera ses travaux en septembre 2011. Elle est chargée d’établir les causes des crises successives et de faire la lumière sur toutes les violations graves des droits de l’Homme commises entre 1990 et 2011, c’est-à-dire du retour du multipartisme dans le pays à la crise post-électorale. Son siège a été établi à Abidjan. Mandat de la Commission L’article 5 de l’Ordonnance décrit la mission de la Commission : « œuvrer en toute indépendance à la réconciliation et au renforcement de la cohésion sociale entre toutes les communautés vivant en Côte d’Ivoire ». Aux termes de cet article, la CDVR est chargée :

- d’élaborer une typologie appropriée des violations des droits de l’Homme ; de rechercher la vérité et situer les responsabilités sur les évènements sociopolitiques nationaux passés et récents ;

                                                                                                               1 Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était » : Le besoin de justice pour les crimes post-électoraux en Côte d’Ivoire, 5 octobre 2011 : http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/cdi1011frwebwcover.pdf 2 La Croix, Les Ivoiriens aspirent à la paix, 27 avril 2011 : http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Les-Ivoiriens-aspirent-a-la-paix-_EP_-2011-04-27-595657

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- d’entendre les victimes, obtenir la reconnaissance des faits par les auteurs des violations incriminées et le pardon consécutif ; de proposer les moyens de toute nature susceptibles de contribuer à guérir les traumatismes subis par les victimes ;

- d’identifier et faire des propositions visant à lutter contre l’injustice, les inégalités de toute nature, l’exclusion ainsi que la haine sous toutes leurs formes ; d’éduquer à la paix ; de contribuer à l’émergence d’une conscience nationale et à l’adhésion de tous, et de promouvoir le respect des différences et les valeurs démocratiques.

Compétences de la Commission Le Chapitre IV de l’Ordonnance fixe les modalités de fonctionnement de la CDVR. Ainsi, la Commission peut :

- procéder à toutes les mesures d’instruction, notamment entendre tout expert et tout sachant et se faire communiquer tout document conformément aux textes en vigueur (art. 22 de l’Ordonnance) ;

- siéger publiquement ou à huis clos pour des raisons liées à l’ordre, à la sécurité et à la moralité publics (art. 21 de l’Ordonnance).

Composition de la Commission Les membres L’article  6  de   l’Ordonnance  n°2011-­‐167  du  13   juillet   2011  portant   création,   attributions,  organisation   et   fonctionnement   de   la   Commission   dialogue,   vérité   et   réconciliation  (l’Ordonnance)   prévoit   que   la   Commission   est   composée   d’un   Président3,   de   trois   Vice-­‐présidents   et   de   sept   commissaires4  :   chacun   représente   le  Nord,   le   Sud,   l’Ouest,   l’Est,   le  Centre  de  la  Côte  d’Ivoire,  la  diaspora  ivoirienne  et  les  résidents  africains  et  non  africains5.     L’article 7 de l’Ordonnance précise que « Ces personnalités sont choisies en raison de leur expérience, de leur notoriété, de leur engagement en faveur de la paix et de leur intégrité morale ». En outre, ces fonctions au sein de la CDVR sont incompatibles avec toute activité qui pourrait influer sur leur indépendance et leur honneur (art. 8 de l’Ordonnance). Enfin, les onze membres de la Commission ont une obligation de réserve, jusqu’à dix ans après la fin des activités de la CDVR (art. 10 de l’Ordonnance). Les organes L’article 11 de l’Ordonnance liste les organes de la Commission :

- le Président dirige et représente la CDVR, coordonne ses activités et veille à l’exécution des décisions de l’Assemblée plénière et du Comité exécutif (art. 12 de l’Ordonnance) ; l’Assemblée plénière est l’organe d’orientation et de décision de la CDVR, en ce qu’elle adopte le règlement intérieur, le budget, le calendrier des travaux et les rapports de la

                                                                                                               3 Décret n°11-96 du 13 mai 2011 portant nomination du Président de la Commission dialogue, vérité et réconciliation:http://womencount4peace.org/sites/default/files/sites/default/files/Document_legaux/decret_de_nomination_du_prsident_de_la_cdvr.pdf 4 Décret n°2011-216 du 5 septembre 2011 portant nomination des Vice-présidents et des membres de la Commission dialogue, vérité et réconciliation : http://news.abidjan.net/h/409592.html 5 Ordonnance n°2011-167 du 13 juillet 2011 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la Commission dialogue, vérité et réconciliation : http://www.abidjan.net/gouv/p.asp?id=11

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CDVR (art. 13 de l’Ordonnance) ; le Comité exécutif assiste le Président de la CDVR dans l’exercice de ses fonctions et supervise les activités des commissions spécialisées et locales (art. 14 de l’Ordonnance) ; et le Secrétariat général qui assiste le Président de la CDVR dans la gestion administrative, financière et technique de la CDVR (art. 15 de l’Ordonnance) ;

- les Commissions spécialisées sont des groupes de travail internes composés d’experts : o la Commission Heuristique doit rechercher les causes profondes et les éléments

déclencheurs de la crise ivoirienne ; o la Commission Auditions et Enquête doit o la Commission Réparations doit formuler des recommandations pour la création

de programmes visant la réparation et la réhabilitation des victimes ; o la Commission Mémorial est chargée de constituer une base de données locale et

régionale en vue de la construction future d’un Mémorial6. - les Commission locales sont établies au chef-lieu des régions (37, en tout). Elles sont

chargées de sensibiliser les citoyens aux différentes phases du processus de justice transitionnelle en Côte d’Ivoire ; organiser et conduire les dialogues communautaires ; prendre les dépositions des victimes dans les centres d’écoute ; constituer une base de données locale et régionale sur les victimes, les préjudices subis, les crimes et violations des droits de l’Homme...7

Rapport et recommandations finales de la Commission Le 15 décembre 2014, la Commission a officiellement remis son Rapport final au Président de la République Alassane Ouattara. Au cours des trois dernières années, ce sont 72.483 victimes qui ont été auditionnées, dont 28.064 femmes et 757 enfants8. Entre autres, Charles Konan Banny a recommandé la mise en place de « journées nationales de la mémoire et du pardon » et l’accélération des procédures contre les prévenus9. Suite à la publication du Rapport final, la CDVR a été dissoute. Pour parachever son mandat, une nouvelle Commission nationale de réconciliation et d’indemnisation des victimes a été créée par M. Ouattara, le 25 mars 201510. Elle aura pour objectif l’indemnisation des victimes. Pour ce faire, elle disposera d’un fonds de 10 milliards de francs CFA11. Liens utiles Site officiel de la Commission Vérité et Réconciliation <http://www.cdvr.ci/>  

                                                                                                               6 Connection Ivoirienne, Côte d’Ivoire : L’intégralité de l’allocution de Charles Konan Banny devant Alassane Ouattara, 22 novembre 2013 : http://www.connectionivoirienne.net/93105/cote-divoire-lintegralite-de-lallocution-de-charles-konan-banny-devant-alassane-ouattara 7 Ibid. 8 Portail official du Gouvernement de Côte d’Ivoire, Remise du Rapport final de la CDVR : Charles Konan Banny recommande des journées nationales de la mémoire et du pardon, 15 décembre 2015 : http://www.gouv.ci/actualite_1.php?recordID=5153 9 Ibid. 10 Jeune Afrique, Msgr Paul Siméon Ahouanan : « Les Ivoiriens doivent apprendre à se pardonner pour avancer », 25 mars 2015 : http://www.jeuneafrique.com/Articleimp_ARTJAWEB20150325132926_msgr-paul-sim-on-ahouana-les-ivoiriens-doivent-apprendre-se-pardonner-pour-avancer.html 11 La Croix, L’archevêque de Bouaké, président de la nouvelle commission ivoirienne de réconciliation, 25 mars 2015 : http://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Actualite/Carnet/L-archeveque-de-Bouake-president-de-la-nouvelle-commission-ivoirienne-de-reconciliation-2015-03-25-1295253