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LA COOPÉRATION AGRICOLE DANS L’UNION EUROPÉENNE, UN RÔLE MAJEUR, UNE RÉELLE DIVERSITÉ ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU HCCA, LE 20 DÉCEMBRE 2018

LA COOPÉRATION AGRICOLE DANS L’UNION ... partages/Rapport - La...On retrouve ce dynamisme export dans le secteur fruits et légumes, et aussi dans le secteur viticole en Italie,

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LA COOPÉRATION AGRICOLE DANS L’UNION EUROPÉENNE, UN RÔLE MAJEUR, UNE RÉELLE DIVERSITÉ

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU HCCA, LE 20 DÉCEMBRE 2018

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Sollicité pour la prise en compte d’activités avec des agriculteurs de pays de l’Union Européenne par une coopérative française, le HCCA a initié une réflexion sur ce sujet selon trois axes :

Ce thème invitait aussi, comme les décisions relatives à la loi ESS, à la loi EGALIM et l’actualité, à une attention renouvelée à la gouvernance des coopératives et, plus encore, des groupes coopératifs.

Les principales données et réflexions recueillies sont reprises dans le présent dossier. Les données sources sont disponibles sur le site du HCCA : www.hcca.coop

Ce document a été établi avec le concours de Florence ALIN (UNIGRAINS), Céline ANSART LE RUN (UNIGRAINS), Gérard BUDIN (HCCA), Samuel CREVEL (Cabinet Racine), Agnès DUWER (HCCA), Maryline FILIPPI (AgroParisTech), Evelyne GUILHEM, Francis LAMISSE, Jean-Marie MEULLE, Pierre PAGESSE (HCCA), Axel RETALI (Crédit Agricole SA).

• Une relecture des statuts des coopératives agricoles françaises dans la perspective de la prise en compte de la dimension européenne ;

• Une meilleure connaissance de la coopération agricole dans quatre des principaux pays agricoles de l’UE (Allemagne, Italie, Danemark et Espagne, …)

• Un colloque organisé par le HCCA le 25 octobre 2018 à Paris : « Le modèle coopératif en France et dans l’Union Européenne : vers un statut de coopérative agricole européenne ».

Intervenants au colloque du 25 octobre 2018 :

Thiery BLANDINIÈRES - Directeur Général d’INVIVO; Christoph BÜREN - Président de VIVESCIA; Samuel CREVEL - Président de la section

juridique du HCCA; Arnaud DEGOULET - Président d’AGRIAL; Jean-Yves FOUCAULT - Président de LIMAGRAIN; Costas ILIOPOULOS - Professeur

à l’Université d’Athènes; Damien LACOMBE - Président de SODIAAL; Marcelo LIMA - DG AGRI; Jean-Baptiste MOREAU - Député, rapporteur de

la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur Agricole et Alimentaire et une Alimentation saine, durable, et accessible à tous;

Henri NALLET - Ancien Ministre, Président du HCCA; Nicole NOTAT - Rédactrice du rapport « L’entreprise, objet d’intérêt collectif » avec Jean-

Dominique SÉNARD; Christian PEES - Président d’Euralis et de Métiers du Grain (Coop de France), puis membre du COPA-COGECA; Krijn POPPE -

Coordinateur de la synthèse « La coopération agricole dans l’UE» et Professeur à l’Université de Wagueningen; Michel PRUGUE - Président de Coop

de France; Andréas RICKMERS - CEO d’Agravis (Coopérative Allemande); Régis SERRES - Président d’ARTERRIS; Alain VIALARET - Directeur

Général de BLUEWHALE

Rencontres :

WestFleisch : Dirk Niederstucke - Chairman; Heribert Qualbrink - Responsable des achats et des relations agricoles; Marcus Lienker - Département

ventes ; DRV : Dr Verena Schütz; Wiebke von Seggern; Agravis : Andreas Rickmers - CEO; Caviro : Carlo Dalmonte - Président; Simon Pietro

Felice - DG; Fabio Baldazi - DG Distillerie; Agrintesa : Raffaele Drei - Président; Cristian Moretti - DG; Davide Vernocchi - DG APO Conerp;

Confcooperative : Francesco de Leo - Directeur F et L; Ersilia DI TULLIO - Nomisma; Danish Crown : Christian Moeller - Chief Economist; Danish

Agriculture & Food Council : Jan Laustsen - Directeur ; Soren Mogelvang Nielsen - Directeur Communication ; Arla : Steen Noergaard Madsen -

Farmer and Board member; Cooperativas Agro-Alimentarias : Gabrielle Trenzado - Directeur relations UE et Internationales.

Remerciements à Claire Martin - Coop de France Bruxelles et Odile Zeller - DRV Bruxelles

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SOMMAIRE 1. Données globales - Page 1

1.1. Quelques chiffres - Pages 1 à 3 1.2. Une concentration en cours - Pages 3-4 1.3. Stratégies - alliances - internationalisation - Page 5 1.4. Coopératives et territoires - Pages 6-7

2. Principales caractéristiques et évolution des coopératives rencontrées - Page 8

2.1. Le modèle Italien - Pages 8-9 2.2. Le modèle Espagnol - Pages 9-10 2.3. Le modèle Danois - Pages 10-11 2.4. Le modèle Allemand - Pages 11-12 2.5. Conclusion sur les business model - Pages 12-13 2.6. Environnement statutaire et fiscal - Pages 14 à 17 2.7. Propositions pour un statut de coopérative européenne - Pages 18 à 20

3. Coopératives européennes : structure financière, capitaux propres, modèles de financement - Page 21

3.1. Capital social et fonds propres - Pages 21 à 23 3.2. Financements - Page 24 3.3. Fiscalité - Pages 24-25 3.4. En Synthèse - Page 25

4. Gouvernance - Page 26

4.1. Les principes de l’Alliance coopérative Internationale - Page 26 4.2. Le modèle Allemand - Pages 26-27 4.3. Le modèle Danois - Page 27 4.4. Le modèle Italien - Pages 27-28 4.5. Le modèle Espagnol - Page 28 4.6. Le périmètre de délégation, élément de la gouvernance des coopératives européennes - Page 29 4.7. Concilier organisation, stratégie et gouvernance pour remplir les missions - Pages 29 à 32 4.8. Synthèse de la gouvernance dans les coopératives agricoles européennes - Pages 32 à 34

Conclusion - Page 35

Références - Page 36

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DONNÉES GLOBALES1

Plus de la moitié du top 30 des coopératives agricoles mondiales se trouvent dans l’Union Européenne et près du quart en France.

1.1. Quelques chiffres

La coopération agricole européenne réalise un chiffre d’affaires de 350 Mds d’euros et rassemble 6,2 millions de membres. Elle occupe une place majeure dans les principales filières agricoles de l’UE. La coopération agricole française réalise le quart de l’activité « coopérative » européenne.

Parts de marché coopération agricole

France Allemagne Italie Espagne Danemark

Collecte grains 70% 50%

Production - bovine- porcine- agneaux

33%93%60%

33%

32% 66%1

80%

Nutrition animale 70% 45%

Fruits frais 35%

Légumes frais 30%

Viticulture 40% 33%

Lait collecte 55% 66% 90%

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1 Facturation coopérative pour produits agricoles et agroalimentaires rapportée à la production agricole finale

Source : Agrestet DRV - Cooperativas agro-alimentarias - Danish Council - Nomisma

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Données 2016, (HCCA/Jules COLOMBO 2018)

Données 2016, (HCCA/Jules COLOMBO 2018)

Comme pour les exploitations agricoles, il y a une grande hétérogénéité dans la taille dans un même pays, aussi bien qu’entre les pays.

Il existe des différences selon les activités, la spécialisation ou la polyvalence, le niveau d’intégration verticale, la gouvernance, moniste (Conseil d’Administration) ou dualiste (Conseil de Surveillance + Directoire), les caractéristiques juridiques et fiscales…

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On peut distinguer 4 groupes de coopératives, fruits de l’histoire 2 :

• De grandes coopératives au nord de l’Europe. Ainsi entre 1960 et aujourd’hui au Danemark, le nombre de coopératives est passé de 1000 à 9. Très spécialisées, ces coopératives ont des parts de marché ultra-majoritaires : Friedsland Campina représente près de 90% de la collecte laitière des Pays-Bas, Arla Foods, 94% de celle du Danemark…

• La France, comme l’Allemagne dispose d’un marché intérieur conséquent, on y trouve à la fois des coopératives spécialisées, petites, moyennes et grandes, mais aussi de grandes coopératives polyvalentes.

• Dans l’Europe du Sud, les coopératives plus petites sont souvent spécialisées.

• Dans l’Est de l’Europe, l’image des coopératives reste imprégnée par l’histoire.

Les grandes coopératives européennes se retrouvent au sein d’Intercoop. Il existe aussi des « clubs » informels comme dans la coopération laitière, par exemple, à l’initiative de Sodiaal (Arla, Friedsland Campina...).

Il faut noter que les tailles d’exploitation sont très différentes au sein de l’Union Européenne.

Comme l’observe Krijn POPPE3, « L’état d’européanisation des coopératives », peut varier entre une dimension internationale (vente de produits à l’étranger), une présence internationale (des activités de transformation à l’étranger) jusqu’à la présence effective de membres de la coopérative produisant à l’étranger. AVB a fait adhérer des Allemands frontaliers, Friesland Campina, s’est installée dans d’autres pays, dans lesquels elle achète du lait à des producteurs qui peuvent devenir membres. Le projet le plus abouti est celui d’Arla qui entend déployer le modèle d’une coopérative unique ayant des adhérents dans plusieurs pays européens.

L’approche transnationale est plus développée en produits laitiers et fruits et légumes. Il y a réticence chez les adhérents, à priori à partager leurs acquis avec des étrangers d’un autre pays et à se trouver dilués...

Surface moyenne par exploitation (Ha)

1.2. Une concentration en cours

Celle-ci se réalise dans l’ensemble des pays à partir d’un double constat :

• la réduction du nombre d’agriculteurs ;

• le besoin de corriger l’asymétrie distribution/production d’une part et une orientation marché – réponse aux attentes du consommateur/citoyen désormais incontournable et rendue encore plus nécessaire par la disparition des outils de régulation dans l’Union Européenne.

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2 Christian PEES – COGECA : Colloque du 25 octobre 20183 Krijn POPPE – Coordinateur de la synthèse « La coopération agricole dans l’UE » et Professeur à l’Université de Wagueningen

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On observe une concentration forte au nord de l’Union Européenne où se trouvent les plus grandes coopératives, plus faible au sud. Mais la consolidation en cours des groupes coopératifs concerne l’ensemble de l’U.E.

Ainsi, l’Espagne à titre d’exemple, est concernée à l’instar des autres pays.

Il faut noter que la concentration des coopératives est différente selon les secteurs. Par exemple, la principale coopérative viticole française Vinadeis réalise un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros, alors que des groupes coopératifs polyvalents (INVIVO, AGRIAL, …) ou spécialisés (SODIAAL, TEREOS, …) ont un chiffre supérieur à 5 milliards d’euros. Les plus grands groupes coopératifs se trouvent dans les secteurs lait, porc, céréales, sucre, à côté de grandes coopératives polyvalentes…

Comme ailleurs les coopératives se concentrent en Allemagne et la place des coopératives s’est fortement développée depuis 1950.

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1.3. Stratégies - Alliances - Internationalisation

La production alimentaire du Danemark correspond à 3 fois sa consommation intérieure et ses exportations « agro » représentent 25 % du total des exportations du pays.

Le graphique de Danish Crown insiste sur la diversité des destinations des carcasses de porc pour une valorisation optimale. On retrouve ce dynamisme export dans le secteur fruits et légumes, et aussi dans le secteur viticole en Italie, en Espagne, mais aussi en France où 50 % des ventes en valeur sont réalisées dans les pays de U.E. et à l’international.

« Produire plus avec moins » en créant de la valeur pour les consommateurs, les parties prenantes, et dans les différents échelons des filières, via par des marques fortes, est un objectif partagé, face à des marchés intérieurs matures dans l’Union Européenne4.

Des groupes coopératifs, comme Arla, par exemple, veulent poursuivre leur développement tant en volume qu’en valeur. Arla a des adhérents, non seulement au Danemark, mais aussi au Royaume-Uni, en Allemagne, en Suède, aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg.

Arla peut ainsi tirer parti des marchés domestiques des pays européens tout en poursuivant un développement ambitieux dans les pays tiers et en particulier en Asie. Danish Crown est sur la même ambition « marché » à l’international.

Chez Arla, Danish Crown, Westfleisch, on retrouve la recherche résolue d’efficience et d’efficacité dans des entreprises concentrées sur leur métier. Il s’agit de procurer aux membres producteurs la meilleure valorisation de leur production dans un process qui va de la sortie des ateliers de production jusqu’au produit élaboré vendu en Europe et dans le monde.

Les autres facteurs de production, bâtiments, aliments du bétail, parfois même le conseil technique, ne sont pas dans leur champ d’action, pas plus que l’accompagnement financier du producteur en difficulté. Au risque du paradoxe, cela n’interdit pas chez eux un questionnement sur la plus grande efficacité qu’exprimerait le modèle intégré de production porcine espagnole.

On sait que la production avicole dans le monde est essentiellement intégrée et que la coopération agricole y occupe une place limitée, et souvent difficile. Au Danemark, la coopération agricole représente cependant 60 % de la production.

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4 Danish Agricultural and Food Council

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1.4. Coopératives et territoires

Quel que soit le pays Européen, le rapport au développement global du territoire est un point sensible dans l’appréhension de la mission des coopératives agricoles. Cette notion de territoire peut être différemment appréciée selon les pays et, au sein des pays, selon les coopératives.

Cependant, la diminution du nombre d’agriculteurs aussi bien que les attentes sociétales commandent un élargissement de cette approche.

La territorialité s’exprime donc à deux niveaux, un niveau géographique et un niveau économique.

La territorialité, du point de vue statutaire

Les coopératives françaises sont liées, de par leurs statuts, à un périmètre géographique. Le mouvement de concentration entraîne un élargissement de la zone de reconnaissance statutaire des coopératives et, avec lui, la croissance de l’activité. Les coopératives françaises sont ancrées dans leur département, dans leur région pour les plus importantes. Il existe peu de coopératives ayant un agrément national ou quasi national (quelques exemptions toutefois, comme Sodiaal, par exemple) et il n’y a pas, aujourd’hui, de coopérative française supranationale. Le développement hors territoire, quand il existe, se réalise au travers de filiales de droit privé. Mais le statut territorial ne constitue pas réellement un frein à la construction de groupes plus largement implantés et plus puissants, comme le confirment les décisions de HCCA en la matière.

En Espagne et en Italie, le mouvement de concentration existe comme ailleurs, mais il est plus récent. Cela est même encore plus marqué en Espagne, où la règlementation varie d’une région à l’autre. Ce lien au territoire d’origine est, en revanche, plus lâche en Allemagne. Ainsi, Agravis, partie de l’Allemagne de l’Ouest, avec des coopératives de premier niveau, s’est développée à l’Est, avec des agriculteurs adhérents directs. En Europe du nord où la taille des pays est plus faible, se sont développées des coopératives implantées dans différents pays.

La territorialité, du point de vue économique

Les coopératives doivent faire face à deux évolutions majeures. La première est une mutation du profil des agriculteurs, accélérée par le changement générationnel. Ils sont en effet de plus en plus nombreux à souhaiter sortir de la seule production de masse, insuffisamment valorisée. La seconde est une mutation du profil de la population rurale. Le renouvellement des générations, l’arrivée de nouveaux ruraux en provenance des zones urbaines s’accompagne de nouvelles exigences vis-à-vis de leur voisins agriculteurs, mais aussi de demandes de nouveaux services.

De nouvelles missions sont alors désormais adressées aux agriculteurs, comme le stockage du carbone, la préservation de la biodiversité et des sols, la génération d’énergies renouvelables, la distribution de produits alimentaires en circuit court. L’agriculteur n’est plus seulement acteur de production primaire, mais également fournisseur de services pour son territoire, voire au-delà. Ces nouvelles missions imposent d’interagir avec d’autres acteurs du territoire, tels que les élus, la société civile et les acteurs économiques, entreprises publiques et privées.

La coopérative peut trouver sa place, soit en appui auprès de ses agriculteurs et aux nouvelles fonctions qui leur sont conférées, soit en direct, en proposant de nouveaux services non plus à destination de ses membres, mais à destination de l’ensemble des acteurs de son territoire. Sa mission première, de création de valeur pour leur production agricole, doit-elle s’incrémenter d’une mission de création de valeur pour son territoire, voire au-delà ?

Ces questions sont inégalement évoquées chez nos voisins. Ainsi, pour Gabriel Trenzado, représentant des coopératives agricoles espagnoles, la coopérative doit intégrer toutes les externalités territoriales liées à l’agriculture, avec pour objectif final de générer le maximum de revenu pour son adhérent. En Allemagne, la fourniture de services territoriaux est ancrée au niveau de la coopérative avec, par exemple chez Agravis, l’exploitation de stations-services ou de magasins de détail. Il est clairement stipulé dans ses axes stratégiques : « Agravis sees itself as partner in the rural area » (« Agravis se considère comme le partenaire des zones rurales »). Les coopératives allemandes ont appuyé le développement des énergies renouvelables, production d’électricité à partir de biomasse, mais aussi le solaire et l’éolien. Chez BayWa, cette activité, au départ, liée au maïs cultivé sur son territoire, a cependant changé de dimension pour devenir plus internationale.

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La territorialité, un enjeu dans la réforme de la PAC

Les Régions considèrent qu’elles ont un rôle majeur dans le modelage des territoires, dont l’agriculture est partie intégrante. Face aux velléités de renationalisation des aides de la PAC, elles demandent à être reconnues comme autorités de gestion des aides du second pilier. Cette volonté de se réapproprier son territoire, d’être moteur du destin des régions s’exprime en France, mais également en Allemagne, en Italie et en Espagne.

L’association des régions françaises va même plus loin, au travers d’un livre blanc, en demandant la possibilité de mettre en place des aides couplées régionales, qui permettraient de soutenir les filières dans certaines régions ou pour soutenir des filières de qualité.

En tout état de cause, les Régions revendiquent aujourd’hui haut et fort leur rôle dans l’aménagement du territoire de demain. Les coopératives, ancrées dans ce dernier, partenaire incontournable dans cette stratégie, ont pleinement conscience de leur rôle territorial.

La coopérative, de par sa nature, est assurément légitime pour aborder cette solidarité, non pas seulement entre agriculteurs, mais entre agriculteurs et société, au travers du lien au territoire.

C’est un point sur lequel Dacian CIOLOS, ex-commissaire à l’agriculture de l’Union Européenne, a beaucoup insisté lors de la dernière assemblée générale de la FN CUMA en juin 2018. C’est par cette approche que passeront selon lui, les aides de l’Union Européenne.

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PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES COOPÉRATIVES RENCONTRÉES

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2.1. Le modèle Italien

Très intéressant pour sa capacité à gérer la complexité de son organisation qui comprend d’une part les organisation syndicales (Coldiretti, Confagricoltora, CIA) dont les rôles cumulent ceux des chambres d’agricultures et de la MSA entre autres; d’autre part, les organisations de coopératives agricoles (Legacoop, Confcooperative et Azpirazione, républicaine, catholique, de gauche), chacune influencée historiquement et politiquement. Etonnamment, le modèle coopératif est largement concentré dans le nord du pays plus adapté à « l’esprit coopératif » selon leurs responsables.

En toile de fond, il faut garder à l’esprit que les exploitations sont de taille relativement petite (12 ha en moyenne).

Le modèle coopératif italien5 s’affirme comme un modèle de défense des producteurs par un renforcement des coopératives agricoles. Subissant une crise profonde dans l’agriculture comme dans l’agroalimentaire, les coopératives s’avèrent être des acteurs incontournables et résilients. Les coopératives collectent (plus de 50 % en moyenne) et transforment (environ 23 % de l’agro-alimentaire). Si leur nombre reste élevé et leur taille relativement modeste, leur capacité à exporter dénote d’un réel dynamisme. Cependant les coopératives italiennes sont marquées par de très fortes hétérogénéités.

Ce contexte complexe n’a pas permis de faire émerger des structures coopératives de grande taille (les plus grandes unions composées d’une trentaine de coopératives adhérentes dépassent à peine le milliard d’euros de chiffre d’affaires). Ceci n’empêche pas les coopératives italiennes d’être très orientées vers l’export. Mais il semble que cela est plus lié à des forces commerciales efficaces et à une image « produit italien » très positive qu’à une recherche d’implantations à l’étranger ou à la mise au point de moyens spécifiques pour se développer.

Conserve Italia, coopérative de troisième niveau dont sont membres des coopératives de collecte (dont Agrintesa) a tenté l’aventure internationale (Juver en Espagne, St-Mamet en France) et semble plutôt dans une stratégie de repli ou tout du moins de stabilisation. Granarolo a racheté de petites entreprises à l’étranger (France notamment), mais cela reste limité. Par ailleurs, le niveau de fonds propres de ces coopératives freine leur développement et elles doivent se concentrer sur la production de leurs adhérents.

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5 Nous remercions Carlo Dalmonte, Président du Groupe Caviro, Simon Pietro Felice, Directeur Général Caviro Sca, Fabio Baldazzi, Directeur Général Caviro Distillerie Srl., Raffaele Drei, Président Agrintesa, Davide Vernocchi, Président APO Conerpo, Cristian Moretti, Directeur Général Agrintesa, Gabriele Castelli, Responsable du secteur viticole de Fedagripesca – Confcooperative, Francesco De Leo, Responsable du secteur des fruits et légumes de Fedagripesca – Confcooperative, Et Dr. Ersilia di Tullio - Nomisme

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Bref, le modèle italien semble très « éclaté » sans être dénué d’efficacité. Pour autant, il ne semble pas duplicable en France ou dit autrement l’apport en termes d’idées est limité (sauf sur le plan marketing où ils semblent très bien organisés pour « chasser en meute » et mettre en avant la marque Italie). En revanche, le modèle coopératif agricole français leur paraît être une bonne référence.

2.2. Le modèle Espagnol

Il apparaît encore plus complexe d’une certaine manière. En effet, l’autonomie des régions ne permet pas l’émergence de coopérative réellement nationale, chaque territoire disposant de sa propre réglementation. Les coopératives espagnoles sont donc restées essentiellement locales et orientées sur l’export grâce à des prix compétitifs (elles augmentent d’ailleurs très fortement leur courant d’affaires sur les dernières années démontrant leur dynamisme et leur bon positionnement/prix).

Au nombre de 3 700 et de taille moyenne limitée (7,8 M€ de CA, les plus grandes réalisant 1 Mrd de CA), leur projection à l’international sous forme de filiales est très limitée. Il existe néanmoins des exceptions et notamment sur l’huile d’olive pour contourner de nouvelles taxes imposées par les Etats-Unis. Un débat existe en Espagne sur la nécessité d’augmenter la taille des coopératives. En effet, il y a une concentration mais relativement lente. Elle devrait s’accélérer même si cela dépendra des marchés. Par ailleurs, les acteurs doivent se réorienter pour mieux répondre aux attentes des consommateurs.

Le modèle coopératif espagnol semble donc se distinguer par sa capacité à aller à l’international avec une structure coopérative sous forme de groupe (ex. ANECOOP) tout en consolidant une base territoriale locale. Les coopératives ont su tirer parti des soutiens publics nationaux et européens en mobilisant la dimension rurale et en associant plusieurs Régions pour contourner l’éclatement régional. Cela a contribué à défendre les producteurs dans des choix d’investissement privilégiant l’économie circulaire (énergie, développement durable). La multi-activité conduit les coopératives à évoluer vers un statut de coopérative rurale, intégrant des dimensions de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS).

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Nous avons échangé sur le modèle intégré de la filière porcine (pris en exemple par Danish Crown pour son efficacité côté amont). G. Trenzado6 est reservé, considérant que ces entreprises (non coopératives) ne tiennent pas compte des contraintes environnementales ou des attentes sociétales. Prévision ou souhait, il considère que ce business model n’est pas viable. En raison d’un positionnement « commodité » / bas prix de ces acteurs et du fait d’un pays dans lequel certaines attentes sociétales (en particulier le bien-être animal) sont moindres qu’en France, on peut s’interroger sur cette interprétation. Toujours est-il que bien que performant et « latin », le modèle espagnol, avec les éléments dont nous disposons, ne nous permet pas de reprendre d’idées applicables en France sur les sujets gouvernance, finance ou structuration. En revanche, le positionnement, voire la mission que la fédération espagnole veut/souhaite donner aux coopératives est un sujet intéressant : l’accent est mis sur la sensibilité des coopératives vis-à-vis de la RSE et leur rôle vis-à-vis de la préservation du territoire, plus forte que les entreprises de droit commercial.

2.3. Le modèle Danois

Très orienté « commodité », mais à la recherche de création de valeur, reposant sur une internationalisation déjà ancienne. Le modèle danois semble libéral, transparent si on se réfère à la qualité des données financières publiques (d’après la visite des trois coopératives du voyage d’étude). Certes, à des degrés divers, Danish Crown Arla et Danish Agro ont une relation essentiellement business avec leurs adhérents, sur le modèle, de la « libre entreprise » ces derniers devant être compétitifs et ne pouvant compter sur la coopérative pour les aider en cas de difficulté. Elles s’adaptent à la diminution du nombre d’exploitants, du peu d’engagement des jeunes, des changements dans la demande des consommateurs avec un bio qui n’est plus différenciant, mais des demandes sur le flexitarisme, le bien-être animal et l’origine Danemark qui deviennent des tendances de fond incontournables.

En raison d’un marché intérieur étroit et d’une acceptation des autorités d’une très forte concentration afin de faire émerger des leaders, les trois coopératives ont orienté leur activité à l’international sous forme d’exportations mais aussi d’acquisitions de sociétés. Arla est allé encore plus loin en mettant en place un modèle qui au fil du temps a intégré différentes structures à l’étranger (coopératives ou non). L’aboutissement de cette stratégie est récent avec le changement de statut de la coopérative en Statut Européen Coopératif : ainsi la moitié des adhérents sont étrangers dans 7 pays différents. Afin de mettre tous les adhérents sur un même pied d’égalité ont été mis en place : un prix unique quel que soit le pays avec un pilotage via une gestion complexe des 4 devises du territoire de la coopérative (DKK, SEK, GBP et EUR, ce dernier étant la devise pivot). Ce système favorise un alignement des intérêts et des choix d’investissements où qu’ils soient (autrement dit, les Danois, encore majoritaires, n’ont pas intérêt à bloquer les investissements à l’étranger au risque de faire diminuer le prix moyen de l’ensemble).

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6 Directeur des relations internationales et de l’UE - Coopératives agroalimentaires espagnoles

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Arla s’est résolument lancée dans une course à la taille, considérant que cela lui permet de faire baisser ses coûts moyens et de disposer d’une force de frappe dans les négociations. Néanmoins cette course à la taille a trois prérequis avant d’intégrer de nouvelles structures dans l’ensemble : des volumes importants, un bon niveau de fonds propres, des débouchés. Enfin, le groupe a décidé de sortir de tout ce qui n’est pas « coeur de métier » considérant que d’autres le feront mieux.

Sur le plan de la productivité, le sujet reste à approfondir. Néanmoins il est connu que Danish Crown s’appuie sur des outils industriels ultra modernes et de grandes tailles. Il en est de même pour Arla. Le fait d’être sur des produits plus simples, ou des gammes plus courtes permet aussi de limiter les ruptures de chaînes de production. Ceci pourrait aussi être dit du modèle allemand. Cela n’est, cependant pas propre aux coopératives mais à l’ensemble de l’agroalimentaire de ces pays.

2.4. Le modèle Allemand

Le modèle coopératif allemand7 est soumis comme ailleurs à différentes pressions : le contexte économique difficile, les attentes des consommateurs et de la distribution sur les exigences qualité et environnementales, la digitalisation, la protection des plantes mais aussi la baisse du nombre d’agriculteurs. Les soutiens publics sont très importants pour accompagner la conversion au bio, mais aussi la diversification des exploitations (vers la production d’énergies par exemple). L’Allemagne est caractérisée par des groupes coopératifs à deux étages, au moins en ce qui concerne les activités de collecte et approvisionnements agricoles, avec une organisation variable selon les régions, (notamment quand elles sont d’Allemagne de l’Est). Ce modèle maintient « sur le papier » un grand nombre de coopératives en place, indissolublement liées cependant à l’une ou l’autre des grandes Unions de coopératives (Agravis, Baywa, Raiffeisen, etc.), d’envergure nationale. L’influence des coopératives est forte, mais non ultra-dominante, comme c’est le cas au Danemark, dans les différentes filières.

L’heure semble au recentrage en collecte appro, du moins pour Agravis qui a cédé des activités périphériques, Agravis constate que les besoins intérieurs allemands augmentent en céréales, ce qui diminue l’importance de l’export, et s’attèle à accompagner les agriculteurs dans les évolutions en cours, via une approche globale de l’exploitation agricole. Le développement international est concentré sur la Baltique et mis en œuvre au travers d’alliances, notamment avec la coopérative danoise Danish Agro. Agravis veut être le leader sur le marché allemand, se différenciant de Baywa qui semble trouver son développement à l’extérieur de l’Allemagne et du Danemark (domaine agricole, activités dans l’énergie, la distribution). Agravis fait état de la mutation de l’agriculture, avec des exploitations diminuant fortement en nombre, mais sur lesquelles la coopérative dispose de l’atout de la proximité. Cette proximité avec les consommateurs est un axe, au travers d’une collaboration envisagée dans une activité de distribution avec Westfleish. Enfin, le thème de la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires n’est pas un sujet d’actualité en Allemagne, étant entendu que les agriculteurs ont accès à différentes sources de conseils et sont considérés comme libres de leurs choix.

Dans le groupe coopératif d’abattage et transformation en viande porcine et bovine Westfleish, le recentrage sur l’Allemagne est également d’actualité, avec un discours privilégiant la croissance organique, qui reste mieux entre les mains des producteurs, que la croissance externe qui leur échappe (Westfleish oppose son acquisition modeste et bien gérée, Gustoland, avec le gros projet Sud Fleish de Vion qui l’a mis en difficultés). Le contexte est marqué par la diminution de la consommation de viande, la limite environnementale sur les effluents d’élevage et la pression du Tierwohl (bien-être animal). La réponse se trouve toujours dans la compétitivité, avec notamment l’investissement dans un outil de 100 000 porcs/ semaine et la robotisation. La coopérative s’estime à même de prendre en compte l’ensemble des attentes des parties prenantes et en particulier sociétales que le privé qui ne raisonne que sur son profit. Cette situation accompagne une forte concentration des élevages.

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7 Remerciements à M. NIEDERSTUCKE, Président du Directoire Coopérative Westfleish; M. RICKMERS, CEO d’Agravis et Madame VON SEGGERN de DRV Raiffeisen.

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2.5. Conclusion sur les business model

Le modèle danois est très intéressant par son acceptation totale de l’orientation internationale et libérale. Il peut s’expliquer par son marché intérieur et des aspects culturels, ce qui rend difficile de l’appliquer tel quel en France, en admettant que ce soit souhaitable (nb : la relation avec les adhérents en France est plus proche du modèle latin que nordique). A ce titre, il faut noter que pour le Président d’Arla, le groupe ne souhaite pas s’implanter en France en raison du « trop grand interventionnisme des autorités aussi bien sur l’amont que sur l’univers des coopératives ».

Enfin, il est intéressant de noter que les coopératives nordiques sont fréquemment des modèles très spécialisés, concentrées sur le « core business », les polyvalentes étant moins présentes qu’en France.

Au-delà des business models, se pose aussi la question de la performance des coopératives françaises. Sur un plan strictement financier, deux approches peuvent être retenues : la comparaison : entre coopératives et sociétés de droit commercial en France et entre coopératives françaises et étrangères :

• Sur la première approche, nous pouvons nous appuyer sur les données fournies par le HCCA dans son étude économique ainsi que sur les données de l’Observatoire financier des Entreprises Agroalimentaires du Crédit Agricole. Il ressort que les différences de rentabilité d’exploitation et de situation financière sont notables. Néanmoins, il convient de pondérer les chiffres en prenant en compte les activités de transformations et objectifs de retours aux adhérents et actionnaires qui ne sont pas les mêmes :

De manière générale, il apparaît que les coopératives ont des marques moins fortes et une présence à l’international très en retrait. Mais, leur activité de transformation est aussi moins développée ce qui limite l’accès à la valeur ajoutée. En revanche, le besoin en capitaux est dans ce cas moindre.

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Nombre de truies par éleveur Nombre d’élevages de truies (en milliers)

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Rentabilité d’exploitation et structure financière du secteur agroalimentaire : comparaison sociétés coopératives et de droit commercial - sources : HCCA et Obs du CA8

• Sur la seconde approche, se posent des contraintes de confidentialité, en raison du manque d’informations publiques des coopératives françaises (contrairement aux coopératives nordiques communiquant quasi à l’identique de sociétés cotées)9. Par conséquent, la comparaison détaillée proposée se limite aux leaders internationaux - coopératives et société de droit commercial - du secteur laitier.

Rentabilité d’exploitation et leverage des leaders mondiaux du secteur laitier par statut (coopératives et société de droit commercial) - données 2016

13

8 Données obtenues à partir :- de l’étude économique du HCCA (2017 sur les clôtures 2016). Résultats obtenus à partir de l’ensemble des coopératives françaises (obligation de transmission des comptes au HCCA selon l’article R525-8 du code rural)- de l’Observatoire financier des Entreprises Agroalimentaires du Crédit Agricole (novembre 2017). Il est constitué à partir d’un échantillon représentatif de Coopératives françaises

9 NB : À titre de comparaison, Danish Crown réalise un EBIT (EBITDA après dotation aux amortissements et provisions) de 5 ,1% sur son exercice 2016/2017. Arla réalise un EBITDA proche de 6%. Certes, la comparaison est difficile avec les données du HCCA et de l’Observatoire du CA du fait qu’il s’agit de moyennes prenant en comptes des situations très diverses et pas exclusivement les leaders. Une autre possibilité est de prendre en considération les coopératives polyvalentes françaises, pour la majorité d’entre elles de très grandes tailles : EBITDA de 3,1% (Observatoire du Crédit Agricole - mai 2017)

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2.6. Environnement statutaire et fiscal

Source : Présentation UNIGRAINS – Spécificités juridiques des coopératives agricoles en Europe – Octobre 2014

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Source : Présentation UNIGRAINS - Spécificités juridiques des coopératives agricoles en Europe - Octobre 2014 - Novembre 2018

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Comparaisons intra-UE

Critères France Danemark – A.m.b.a Allemagne

Libre adhésion Oui Statuts Oui

Exclusivisme Oui – derogation < 20% du CA

< 25% du CA avec tiers pour IS réduit

Dérogation à réglementer dans les statuts

A 90% selon la loi fiscale

Double qualité

Oui – engagement sur un niveau d’activité qui

conditionne la part de CS détenu

Participation à l’activité mais engagement au capital non

imposéImplicite

1 membre, 1 voixRègle légale – option :

function de l’activité, <5% votes/membre

Interdiction de conditionner les droits de vote au capital

détenu

Règle légale – option : fonc-tion de l’activité < 3 votes/

membre

Capital social

>7membres – capital va-riable Détention fonction de l’activité (ou 1 part/

AC)

>2 membres (>10 pour IS réduit)

Min 3 membres – Cap. Va-riable (option cap. fixe min)

Pas de contrainte légale (répartition…)

Rémunération du capital

Intérêt ≤ TMO (+2 pts pour ANC)

Intérêt ≤ Taux d’escompte Banque Centrale

Libre (forme, montant) – statuts

Rémunération de l’activité (ristourne)

Excédents issus d’activité coop

Mode de rémunération privilégié

Critère de définition légale / fiscale

Libre (incitation fiscale) - statuts

ANC

< 50% du CS, < 20% des votes en AG

Catégorie de parts sociales dédiée

Autorisé (risque de perdre l’IS réduit ?)

Autorisé, contrôle réservé aux AC

Réserves obligatoires

>10% du RN à verser + rés. parts annulées+… Impartageables (sauf

réévaluation)

Pas de contrainte légale mais définition légale/fiscale

de la coop

Statuts fixent un seuil + %RN à allouer

Impartageables (sauf une réserve distribuable)

Responsabilité des AC Limitée à 2 fois le capital souscrit Limitée (a.m.b.a.) ou illimitée Limitée

Fiscalité

Exonération d’IS sur activités coop

Autres dérogations (CET, C3S, taxe foncière)

IS réduit sous conditions

Assiette d’IS minorée des ristournes issues d’activités

coop et versées en fin d’exercice

Membres dans plusieurs pays

Autorisé si pays de l’UE contigu à la circ. territo-

rialeOui (5 coops) Oui (3 coops dont Baywa,

Landgard)

Activité des agriculteurs étrangers Oui Oui (4 coops) Oui (3 coops don’t Agravis,

RWZ Rhein Main)

Gouvernance Monisme (option : dualisme) Autonomie statutaire

AG de délégués (démocratie indirecte)

Dualisme imposé (sauf taille < x)

Source : Présentation UNIGRAINS – Spécificités juridiques des coopératives agricoles en Europe – Octobre 2014

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Critères France Italie Espagne

Libre adhésion Oui Oui Oui

Exclusivisme Oui – derogation < 20% du CA

C.M.P : activité avec des tiers < 50%

Autres coop : aucune contrainte légale

Activité avec des tiers < 50%

Double qualité

Oui – engagement sur un niveau d’activité qui

conditionne la part de CS détenu

Implicite Implicite

1 membre, 1 voixRègle légale – option :

function de l’activité, <5% votes/membre

Oui – ou fonction de l’activité si AC « entrepreneurs »

Max 10% votes/AC et 33% des votes totaux

Règle légale – option : fonction de l’activité < 1/3

votes/membre

Capital social

>7membres – capital variable

Détention fonction de l’activité (ou 1 part/AC)

>3 membres (ou 2 coop) – capital variable

Valeur nominale [25-500] €/action

Souscription CS < 100k€/associé (ou2% CS si > 500 AC)

>3 membres (ou 2 coop) – capital variable

Rémunération du capital

Intérêt ≤ TMO (+2 pts pour ANC)

C.M.P : Intérêt ≤ aux obligations postales +2.5ptsC. div : statuts définissent le

taux max pour AC

Intérêt ≤ taux légal d’intérêt monétaire ou 6%

Rémunération de l’activité (ristourne)

Excédents issus d’activité coop

Mode de rémunération privilégié

Mode de rémunération privilégié avec règles inscrites

dans le code civil pour les C.M.P

Mode de rémunération privilégié

Mode de rémunération privilégié

Mode de rémunération privilégié avec règles

inscrites dans le code civil pour les C.M.P

Mode de rémunération privilégié

Oui (3 coops don’t Agravis, RWZ Rhein Main)

ANC

< 50% du CS, < 20% des votes en AG

Catégorie de parts sociales dédiée

Max 5 votes/ANC et 1/3 des votes pour le groupePas de contraintes de

rémunération

Investisseurs : minoritaires, < 49% des votes

Employés : < 45% du CS, < 30% des votes

Réserves obligatoires

>10% du RN à verser + rés. parts annulées+…Impartageables (sauf

réévaluation)

>30% RN à verser – impartageables

3% RN à allouer au fond mutuel de la coopération

Réserve obligatoire légale & fond d’éducation et de

promotion - impartageables

Responsabilité des AC Limitée à 2 fois le capital souscrit Limitée au capital souscrit ND

Fiscalité

Exonération d’IS sur activités coop

Autres dérogations (CET, C3S, taxe foncière)

C.M.P : 70% résultat imposable exonéré si versé aux réserves

(30% C. div) ; ristournes exonérées d’IS

Allégements sur activités coop (IS, actes

juridiques…) + spécificités régionales

Membres dans plusieurs pays

Autorisé si pays de l’UE contigu à la circ.

territorialeOui (1 coop) Autorisé (0 coop)

Activité des agriculteurs étrangers Oui Oui (5 coop) Oui (3 coop)

Gouvernance Monisme (option : dualisme)

Dualisme impose ; 3 systèmes autorisés avec variation dans la

répartition des rôles

Monisme + Comité d’intervention (vérification

des comptes)

Source : Présentation UNIGRAINS – Spécificités juridiques des coopératives agricoles en Europe – Octobre 201417

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2.7. Propositions pour un statut de coopérative européenne10

On observe une grande diversité des modèles derrière le nom de « coopérative ».

Pour un statut ambitieux de la Coopérative européenne

Il faut mentionner d’abord la Société coopérative européenne instaurée par un règlement du Conseil en date du 22 juillet 2003 (n° 1435/2003). Le peu de succès de cette société est flagrant (une quarantaine de SCE seulement ont été créées depuis 2003, aucune dans le secteur agricole) et ses causes bien diagnostiquées : moyen terme insatisfaisant entre les modèles coopératifs du Nord et du Sud, trop grande place laissée aux législations nationales… (v. gen. sur la SCE : I. BARSAN, « La société coopérative européenne, entre identité coopérative et efficacité économique », IRJS Editions, 2016, spec. p. 3 et s.).

La tentative de création d’un statut européen pour les coopératives ne doit pour autant pas être récusée par principe. Après tout, la société (commerciale) européenne introduite en 2002 a connu un succès indéniable.

Observons, en premier lieu, que dans son arrêt du 8 septembre 2011, la CJUE a puisé expressément dans les dispositions du règlement SCE pour en extraire les principes coopératifs fondamentaux. On peut même penser, au regard des termes de l’arrêt, que sans ce règlement, la CJUE n’aurait peut-être pas reconnu aussi nettement aux Etats membres le droit de ménager aux coopératives nationales des avantages concurrentiels. C’est déjà à mettre au crédit du règlement !

En second lieu, le règlement, avec ses imperfections indéniables, a eu ce mérite de mettre en évidence la possibilité et surtout l’intérêt d’une structure coopérative unique à l’échelle européenne. La virulence des critiques conçues par les praticiens et les universitaires à l’encontre de la SCE sont révélatrices des attentes que cette société un peu utopique suscite parmi eux. À la lumière de ces reproches, il n’est pas interdit d’imaginer un perfectionnement du modèle dans deux directions.

D’une part, force est de constater, on l’a dit, que le règlement s’épuise à courir en vain derrière un modèle consensuel Nord-Sud en posant des règles hybrides qui ne conviennent finalement à personne et laissent trop de place aux régimes nationaux au risque de permettre la coexistence de…plusieurs Coopératives européennes (au regard de la gouvernance, de la fiscalité, de l’actionnariat…) ce qui est précisément ce que les rédacteurs du Règlement de 2003 entendaient combattre.

Il peut ainsi être proposé de modifier le règlement afin qu’il ne contienne plus que :

- les quelques principes forts qui sont l’ADN des coopératives énoncés dans leur pureté et leur simplicité (le règlement ne devrait plus chercher à formuler les principes d’une manière tellement précise qu’elle force la main des rédacteurs de statuts) ;

- un régime juridique unifié, idéalement simple et déconnecté des régimes nationaux.

D’autre part, la « langue des coopératives » est peut-être susceptible de nous mettre sur la voie d’une amélioration pratique du texte européen. Les coopératives dénomment leurs alter égo non coopératifs : « les privés ». Sans dire bien évidemment que les coopératives devraient devenir des entreprises « publiques », il me semble que la « SCE 2.0 » pourrait avantageusement, en toute objectivité et sans patriotisme mal placé, s’inspirer un peu du modèle français d’agrément des coopératives par une autorité publique.

Il conviendrait ainsi que le règlement laisse à une autorité publique (européenne ou à des autorités nationales déléguées comme en matière de concurrence) le soin de vérifier que quelle que soit la rédaction concrète des statuts et la localisation de son siège en Europe, chaque structure qui demanderait à bénéficier du statut de Coopérative européenne respecte bien les quelques principes coopératifs requis avant de l’agréer. Une fois cet agrément décerné, la coopérative pourrait librement exercer son activité sur tout le territoire de l’UE et s’agréger des coopérateurs de tous les Etats membres.

La réflexion rebondit : quels principes retenir ? Quel régime unifié instaurer ? Mais ce sont là avant tout des règles techniques. L’important est qu’il existe en amont ou au-dessus un nouvel accord politique sur ce que doit être fondamentalement une coopérative pour mériter cette appellation.

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10 Intervention de Samuel CREVEL au Colloque HCCA du 25 octobre 2018

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Pour un statut minimal des coopératives en Europe

A défaut d’imposer par le haut une SCE, peut-on imaginer au moins une sorte de « plus petit dénominateur statutaire commun » entre les coopératives des différents pays, au Nord et au Sud, de l’Union.

On ne part pas de rien. La voie a été tracée il y a quelques années par la Cour de justice de l’Union européenne, dans un arrêt du 8 septembre 2011 (C.80.08) qui fait –heureusement- date pour les coopératives d’Europe.

Saisie par une entreprise qui se plaignait des avantages fiscaux, anticoncurrentiels selon elle (aide d’Etat), réservés par la législation italienne aux coopératives nationales, la Cour a en effet, d’un côté, admis que ces dernières puissent bénéficier dans les législations nationales d’avantages particuliers, notamment fiscaux, au regard des missions et contraintes qui leur sont imparties mais a, d’un autre côté, fait savoir quels étaient à ses yeux les principes que devaient respecter cumulativement une entreprise pour être regardée comme réellement « coopérative » : absence de but lucratif, satisfaction exclusive de l’intérêt des membres, règle « un(e) adhérent(e), une voix », distribution du boni de liquidation à une autre entité coopérative, absence d’actionnaires extérieurs dans le capital…

La feuille de route des Etats membres est donc claire : s’ils entendent que « leurs » coopératives puissent légalement, entendre surtout dans le respect du droit européen de la concurrence, bénéficier de certains avantages, ils doivent veiller à introduire dans leur législation ces quelques principes fondamentaux s’ils n’y sont déjà.

Mais, inversement, et c’est là la limite du raisonnement, en l’absence d’octroi d’avantages particuliers, libre à l’Etat de qualifier de « coopératives » des sociétés pourtant affranchies de ces quelques principes essentiels.

Telle semble être la situation de ces Etat du Nord aux « coopératives » fort éloignées des nôtres, notamment pour ce qui concerne le rapport entre la société et ses membres qui peuvent nous apparaitre davantage comme des fournisseurs que comme des actionnaires (la règle de la proportionnalité entre le nombre des parts et le volume d’activité, pourtant caractéristique des coopératives selon le règlement SCE, semble ainsi assez méconnue au Nord, notamment au Danemark).

Il est permis d’être relativement critique envers cette liberté de dénomination et donc de qualification d’un pays à l’autre. Outre qu’elle heurte le juriste qui aime classifier, le risque est en effet, si un même mot ne correspond pas à la même chose, si les appellations désignent des réalités fort différentes, que la coopération européenne en sorte divisée et partant diminuée face à ses détracteurs.

Vient alors à l’esprit une troisième voie, encore moins ambitieuse mais plus accessible, consistant à permettre simplement aux coopératives nationales d’accueillir en toute régularité des adhérents provenant d’autres pays membres de l’Union.

La France connait un embryon de règle de ce genre, à condition que l’«hôte étranger » soit établi dans une « zone contigüe » à la circonscription de la coopérative française (article L 522-1 du code rural et de la pêche maritime).

La règlementation des Organisations de producteurs, souvent en avance, permet aussi, sous certaines conditions, un tel rapprochement transfrontalier (les OP dites « transnationales »).

Mais il est à craindre en l’état actuel des législations nationales que si dans les deux pays concernés (celui de la coopérative et celui du coopérateur), la définition et le régime des coopératives ne sont pas similaires et pas compatibles ou s’il n’existe pas au moins une règle de reconnaissance mutuelle des coopératives des autres Etats, l’adhérent ne soit maltraité (juridiquement) par les autorités de son pays qui lui dénieraient la qualité de coopérateur (avec les avantages y attachés) malgré son adhésion à une « coopérative » étrangère.

Telle est sans doute la raison pour laquelle la coopérative danoise ARLA a éprouvé le besoin, pour régulariser la situation de membres établis dans d’autres Etats de l’Union, d’en passer il y a quelques années par une transformation en SCE avant de retrouver, comme expressément permis par le règlement SCE, sa forme originelle tout en conservant les mêmes membres, nationaux et non nationaux.

Des conditions et des limites devraient être bien entendu posées pour éviter que des coopératives ne se livrent, par-dessus les frontières, à de la prédation au détriment des coopératives locales. Mais il faudra alors veiller à ce que ces garde-fous ne heurtent pas le droit de la concurrence auquel la coopération est aujourd’hui durement confrontée.

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Pour se résumer

On peut ne pas croire à la Coopérative européenne, surtout si le texte du règlement qui la régit actuellement n’évolue pas. Mais il faut alors inciter les Etats membres de l’Union à subordonner l’utilisation du nom de « coopérative » au respect des quelques paramètres fondamentaux caractérisant ce type de société et surtout, au moins, à permettre :

- aux producteurs nationaux d’adhérer librement à une coopérative reconnue comme telle par un autre Etat membre -- et réciproquement aux coopératives nationales d’accueillir sans risque juridique des adhérents d’un autre Etat membre.

Cette fluidité ne serait, à notre avis, efficace qui si elle est organisées par une règle émanant de l’Union européenne. Il existe une règle de « libre circulation des travailleurs et des capitaux », pourquoi pas celle de « libre circulation des coopérateurs » !

Cette liberté nouvelle devra toutefois être soumise à un encadrement minimal respectueux du droit de la concurrence, l’équation n’est pas simple mais pas impossible non plus.

C’est à ce prix qu’il existera sinon une Coopérative européenne, du moins une vraie Coopération européenne.

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COOPÉRATIVES EUROPÉENNES :STRUCTURE FINANCIÈRE, CAPITAUX PROPRES, MODÈLES DE FINANCEMENT

3

Le critère majeur de solidité financière est le total fonds propres sur total bilan, tournant autour de 30% et jugé généralement acceptable à ce niveau. Le levier (total dettes sur Ebitda) est également un critère.

3.1. Capital social et fonds propres

Les fonds propres sont constitués du capital social et des réserves accumulées.Au Danemark, il y a manifestement débat sur la souscription initiale au capital : dans certains cas chaque dispositif étant différent car il n’y a pas un statut type.

Dans le cas de Danish Agro, la souscription est définie théoriquement au regard de l’activité envisagée avec la coopérative (6% du CA des trois dernières années), mais le cash sera prélevé sur la distribution des résultats. Chez Danish Agro toujours, le capital à souscrire s’élève entre 1500 € et 15 000€. Lorsque le quota de capital est atteint, les prélèvements se poursuivent mais rentrent dans une catégorie de capital complémentaire (colonne II dans le rapport annuel, voir tableau ci-dessous). Ce sont alors des capitaux qui dépassent le capital à souscrire par rapport à l’activité développée.

Source : Rapport annuel Danish Agro 2017

L’agriculteur récupèrera ses parts au moment de la retraite, ce qui fait que l’on considère cette capitalisation comme une forme de capital retraite. Il y a une part de réévaluation du capital dans la restitution de la rémunération complémentaire, qui correspond à une part des résultats touchés en différé. Il reste cependant une partie des fonds propres accumulés en réserves et non individualisée.

La progression des fonds propres repose ainsi sur l’affectation du résultat, qui peut être largement consacré à la consolidation des fonds propres sous forme de réserves (« retained earnings ») plutôt qu’aux ristournes (« supplementary payements », basées sur l’activité, environ 1 DKK par kg en 2016/2017). En cas de conservation du résultat, une part doit en être affectée au nom des membres (« personal liable accounts ») qui seront remboursés sur une longue période en cas de cessation d’activité. Au bilan actuel, seulement 25% environ des fonds propres est détenu sous le nom des éleveurs livreurs (« members accounts ») et la revalorisation de l’entreprise leur échappe partiellement. C’est une règle toujours difficile à admettre pour les membres si la valeur de l’entreprise augmente significativement (c’est la question du partage de la création de valeur entre le membre actuel, ceux qui l’ont précédé, et la coopérative qui lui survivra). A noter que la responsabilité des adhérents est engagée sur le passif de la coopérative, à hauteur de leur capital théorique, proportionné à l’activité, avec un montant maximal.

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« In accordance with the articles of association, the individual cooperative member accumulates a balance in a member'saccount which corresponds to the company's contributed capital. In addition, equity in the form of personal subordinated accounts is accumulated as part of the Board of

Representatives'distribution of the net profit for the year. »

Extrait du rapport annuel de Danish Crown 2016/2017

Ainsi, la coopérative est « contrainte » à faire des résultats pour consolider ses fonds propres au fil du temps.

En Allemagne, avec un bilan solide (40% de fonds propres), pour Westfleish, il n’y a pas de restrictions à l’endettement en cas de besoin. Le capital se situe en moyenne à 4400 € par membre. L’engagement est annuel (remboursement sur demande étalé sur 5 ans). Les cadres sont associés au capital, situation commune en Allemagne. La mise à jour du capital social s’effectue grâce à la capitalisation de résultats distribués, sans que l’on comprenne clairement quelle est la souscription en cash au départ et si elle est significative.

Extrait du rapport annuel Westfleisch, 2016

Chez Agravis, le capital n’est pas proportionné à l’activité au niveau d’Agravis (détenu en grande partie par des coopératives primaires qui se doivent de détenir au moins 60%, les agriculteurs de certaines zones de l’Est, actionnaires, en direct représentant moins de 5% du capital). Il faudrait examiner les règles de souscription à l’échelle des coopératives primaires pour comprendre le lien avec l’activité des exploitations agricoles membres de ces coopératives, elles-mêmes membres d’Agravis. Là encore, les employés sont présents au capital.

Répartition du capital d’Agravis en 2018, source : site entreprise

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Agravis décrit ainsi dans son rapport annuel la répartition de son capital par catégorie d’actionnaires.

Actions Agravis

Le capital social d'AGRAVIS Raiffeisen AG s'élevait à fin 2016 à 200,2 millions d'euros. Il est divisé en 7,82 millions d’actions. La valeur nominative est de 25,60 EUR par action, cependant, la valeur marchande actuelle des actions AGRAVIS est considérablement plus élevée. En raison de la poursuite constante du développement de la coopérative, elle a encore été encore augmentée en mai 2016 de 3 EUR , passant à 60 EUR par action. Depuis la création d’AGRAVIS Raiffeisen AG en octobre 2004, le cours de l’action a donc augmenté de 34,40 euros. Cela représente une augmentation de plus de 120%.

AGRAVIS continue d’avoir une structure d’actionnaires stable. Le capital de la société au 31 décembre 2016 est détenu à 60,1% par des coopératives et des mutuelles, en accord avec les statuts. En outre, les exploitations agricoles détiennent 4,7% du capital d'AGRAVIS et les employés 6,3%. À ce jour, les personnes physiques et morales appartenant à des entités liées au secteur détiennent ensemble la participation restante de 28,9%.

Source : Extrait du rapport annuel d’Agravis en 2017

Lors du colloque du HCCA du 25 octobre 2018, le CEO, Andreas RICKMERS, a indiqué l’évolution de la valeur de l’action Agravis au cours des dernières années. Cette courbe démontre le principe d’une revalorisation de l’action, qui n’est donc pas figée sur la valeur nominale (contrairement au cas de la France, sauf exception rare de revalorisation occasionnelle de parts sociales).

Source : présentation Agravis, Colloque HCCA du 25 septembre 2018

En conclusion, par rapport à la situation française, ces exemples montrent que les statuts sont plus variés et non encadrés dans un statut spécifique, les règles de souscription étant plus progressives et largement assises sur les résultats réalisés avec les coopératives (même si en France certaines coopératives utilisent également en pratique le principe de mise à jour du capital grâce à des distributions de résultat capitalisées). Le cas d’Agravis est d’avantage comparable à une Union de coopératives qu’à une coopérative individuelle. La situation quasi monopolistique dans certains cas (Danish Crown, Arla), qui rend certaines coopératives incontournables dans certains secteurs, rend moins crucial l’engagement de l’adhérent au travers du capital social détenu.

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3.2. Financements

Nous n’avons pas identifié dans les exemples visités de solutions très originales et ambitieuses en matière de financement (le cas de Baywa serait à étudier pour témoigner d’une l’entrée en Bourse).

Le modèle des « bonds » (en Suède) ou emprunt obligataire émis sur le marché est utilisé, ainsi que le «placement privé» du type Schuldschein (en Allemagne), cité chez Danish Agro. Ce sont différentes formes de dettes désintermédiées (ce ne sont pas les banques qui portent la dette mais des institutionnels sollicités pour la circonstance). L’exercice de solliciter des Schuldshein oblige à structurer l’information que l’on donne au milieu financier. Agravis cite la syndication bancaire pour des montants de plusieurs centaines de millions d’euros, modèle largement utilisé dans les grands groupes en Europe.

Quelques solutions plus spécifiques de financement participatif ont été utilisées, mais elles ne sont pas d’ampleur et nos interlocuteurs n’imaginent pas qu’elles puissent être étendues : Agravis a émis un emprunt participatif ouvert aux membres et aux salariés, pour 36 M€. Le financement reste relativement limité selon Agravis, qui dispose de 30% de fonds propres sur total bilan et les solutions en capital posent des problèmes dans son architecture, compte tenu des équilibres à respecter avec les coopératives primaires. Westfleish a bien utilisé du capital mezzanine il y a quelques années (capital à dividendes prioritaires dans le cadre d’un investissement) mais c’est une solution trop coûteuse pour être reproduite.

Danish Crown a envisagé sérieusement d’accueillir des investisseurs financiers dans la holding créée à cet effet, ou de rentrer en Bourse, mais y a finalement renoncé, au motif d’une divergence d’intérêts potentielle ressentie par les membres de la coopérative qui ont reculé sur ces options. C’est le constat qu’a fait Arla lorsqu’il s’est associé à un fonds d’investissement à l’occasion d’une croissance au Royaume-Uni, ne trouvant une issue qu’en redonnant à cette société une forme coopérative avec adhésion des membres financée par des emprunts personnels des adhérents, en vue de la fusionner prochainement dans Arla.

Bien sûr, il ne faut pas négliger la part du capital détenue par des partenaires tiers coopératifs, à l’exemple de la participation Danish Agro dans Agravis (plus de 20%).

Enfin, le sujet du financement semble sensible pour Agravis qui envie les capacités d’investissement d’un groupe étranger comme InVivo et ne considère pas pouvoir lever de façon illimitée de la dette, avec un niveau de fonds propres de 30% du bilan.

Sur le plan des financements, nous n’avons pas noté d’approche originale ou poussée techniquement en Espagne et en Italie. En effet, les coopératives n’ont pas la taille suffisante pour accéder au marché du placement privé et à fortiori obligataire. Le financement se fait donc, pour l’essentiel, sous forme de prêts/crédits bancaires classiques. Le très grand nombre de banques régionales notamment dans le nord de l’Italie favorise l’accès au crédit.

L’entrée d’investisseurs privés au capital ne semble pas non plus être envisagée pour des raisons assez simple de manque de rentabilité pour les investisseurs mais aussi de refus d’ouvrir le modèle coopératif à des non coopérateurs. Ceci pose des difficultés pour obtenir les fonds propres suffisants, d’autant plus que les parts sociales sont très peu chères (eq 1% du chiffre d’affaires). Une voix de contournement passe par les statuts : à titre d’exemple, en Italie, Caviro conserve une part de ses résultats pour compenser les parts sociales. Par ailleurs, un système de dette représentant 2% de l’activité de l’adhérent est mis en place permettant de bénéficier de quasi fonds propres (« fundo di rotazione » : 10 ans sans intérêts - renouvelable chaque année).

3.3. Incidence de la Fiscalité

Dans le cadre de son étude réalisée en 2014 (et s’appuyant sur les travaux du Copa-Cogeca), Unigrains a réalisé un inventaire des contraintes statutaires des coopératives dans les principaux pays européens, avec leurs caractéristiques réglementaires et fiscales, dont les éléments sont repris dans ce dossier pour les pays mis en exergue.

Comme toujours, la fiscalité reste un sujet touffu, pour lequel une approche globale et synthétique ne peut bien évidemment prétendre faire le tour d’un domaine de spécialistes et de spécificités nationales. L’environnement fiscal bouge régulièrement dans chaque pays, et même si les spécificités coopératives peuvent rester constantes dans leur positionnement par rapport aux entreprises commun, les coopératives subissent aussi les changements généraux et il est difficile, de l’extérieur, de faire la distinction entre les effets.

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On peut rechercher les dégrèvements fiscaux spécifiques à plusieurs niveaux : imposition sur le bénéfice, conservé ou distribué, imposition des immobilisations, notamment. Eu égard à des statuts plus souples, notamment en Europe du Nord, il semble que les exemptions fiscales sont moins fortes qu’en France (c’est la réponse spontanée qui ressort lorsqu’on pose la question), ou de moindre ampleur, différentiellement avec les sociétés de droit commun. Du reste, on comprend à l’inverse que les règles de souscription soient plus progressives et plus souples, puisqu’elles ne débouchent pas sur une conséquence fiscale majeure comme en France (risque de perte du statut fiscal si le capital social des adhérents n’est pas à jour). Le sujet serait à examiner au cas par cas, pays par pays, pour repérer les dispositions qui peuvent entrainer un dégrèvement de tel ou tel prélèvement.

3.4. En synthèse

Il y a dans ces exemples sur la souscription et la consolidation des fonds propres par les résultats annuels, conservés pendant la période d’activité de l’adhérent et revalorisés annuellement, une logique dynamique de profitabilité de la coopérative intéressante pour la France, qui a du mal à trouver un équilibre entre résultats conservés et pression pour la redistribution immédiate des résultats. Il faudrait pouvoir en chiffrer les proportions précisément.

Par ailleurs, on ne trouve pas ici d’exemple de solution financière de grande ampleur originale mise en œuvre (à la différence d’autres modèles comme les obligations perpétuelles de Cenex Harvest States (CHS) aux Etats-Unis ou la cotation en Bourse de Glanbia).

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GOUVERNANCE4

4.1. Les principes de l’Alliance coopérative Internationale

Les coopératives sont présentées comme un modèle d’organisation dont la propriété collective est aux mains de leurs associés coopérateurs. Elles représentent une alternative au modèle capitaliste d’entreprise. Qu’en est-il en Europe aujourd’hui ? Une comparaison de quelques groupes coopératifs au sein de l’U.E. souligne la diversité des statuts et des services à rendre à l’adhérent, mais dresse en filigrane la façon dont les producteurs s’organisent en interne pour relever les défis de la compétitivité, de nourrir 9 milliards de personnes en 2050, du changement climatique…

Données 2016, (HCCA/Jules COLOMBO 2018)

Observations sur la gouvernance par pays

4.2. Le modèle Allemand

Les coopératives visitées ont souligné que la diminution du nombre d’exploitations et l’accroissement de la concentration des structures étaient une tendance de fond essentielle pour comprendre la dynamique d’organisation des coopératives et l’exercice de leur gouvernance.

La division, entre les coopératives primaires (1er niveau) et les coopératives secondaires ou groupes coopératifs (2ème niveau), révèle une répartition différente des fonctions des coopératives auprès des agriculteurs. Mais elle reflète également des différences régionales, fruit de l’histoire (Ouest, Est, Berlin). Le conseil coopératif apparait dans tous les cas comme un facteur clé pour soutenir les producteurs, en cas de besoin, et les accompagner afin d’améliorer la performance de leurs exploitations. L’organisation des entreprises coopératives répond donc à des fonctions différentes, d’un côté soutien aux producteurs (collecte, appro, machinisme) et d’un autre côté transformation et valorisation à l’international.

En matière de gouvernance, la professionnalisation est de rigueur avec une législation qui n’octroie pas de statut fiscal particulier aux coopératives agricoles. L’obligation légale est d’avoir au moins 60 % du capital social détenu par les associés (et/ou coopérative) pour être considérée comme une coopérative.

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Cette exploration des pratiques en matière de gouvernance des coopératives européennes révèle une grande diversité dans la mise en œuvre des principes coopératifs originels et de l’exercice de la mission « être au service des associés coopérateurs. L’observation des différents pays révèle néanmoins certains enseignements poursuivant les travaux réalisés pour la DG Agri sur les coopératives agricoles européennes (Bijman et al., 2012, Filippi, 2012).

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4.3. Le modèle Danois11

Le modèle danois est emblématique de celui des coopératives du Nord de l’Europe. Les coopératives danoises détiennent de fortes parts de marchés à l’exemple d’Arla (94%) pour le lait ou de la viande où deux coopératives représentent 80% du marché. Certaines coopératives, comme Danish Crown, sont la propriété intégrale des associés coopérateurs, les coopératives pratiquent un prix du marché et dans le cadre d’un engagement réciproque d’apport / collecte totale (85%).

Danish Agro Amba a un Directoire de 9 associés coopérateurs pour 10500 producteurs danois. Le Conseil de Surveillance (Supervisory Board) est composé de membres qui représentent les 9 régions et un représentant des salariés au niveau de Danish Agro SA, la structure holding pour chaque activité permet une participation des investisseurs externes directement en lien avec l’activité sans de prise de participation des associés coopérateurs. Si cette organisation centralisée est confortée, le besoin d’amélioration de représentation des membres, demeure un enjeu majeur. Entre Danish Crown dont tous les membres sont des producteurs danois et Arla qui a des membres dans 7 pays (Danemark, Royaume-Uni, Suède, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), les statuts juridiques sont divers et non spécifiques à la coopération. La coopérative n’a pas vocation à aider des producteurs en difficulté risquant de faire supporter leurs contre-performances à tous. La représentation des membres s’opère selon les zones géographique (Arla avec 7 représentants) ou mixte (apports et zone). Les Comités exécutifs permettent d’avoir des salariés parmi les membres. Le recours à des auditeurs externes est une pratique considérée comme nécessaire à la bonne gouvernance. Les femmes sont aussi représentées dans les Conseils d’Administration et Conseil de Surveillance.

En conséquence, le modèle Danois de gouvernance est très pragmatique guidé par l’objectif de performances économique. Il n’y a pas de règle non plus sur le nombre et la nature des comités : éthique, rémunération, nomination. Cela permet d’une part d’avoir une organisation très concentrée avec un Conseil d’Administration restreint (peu de membres élus y compris dans le Comité de surveillance) et, d’autre part, un comité des représentants combinant représentation géographie, engagement du capital ou d’activité. Par exemple, pour Arla en 2017, les 11922 membres se regroupent au sein d’une organisation locale de 2 représentants issus des comités locaux de 7 à 9 membres sur base de la détention du capital avec un vote basé sur ce principe : une personne = une voix. Les Comités de secteur (base géographique) élisent l’Assemblée de délégués (187 membres dont 12 salariés élus). Cette Assemblée désigne le Conseil d’Administration (15 membres) regroupant les 4 Conseils territoriaux. Cette répartition correspond à une organisation en 4 zones (DK, UK, Sweden et Europe Centrale) avec un engagement sur capital sur la base d’un prix du lait unique.

4.4. Le modèle Italien12

Le modèle Italien de gouvernance reste traditionnel avec un Conseil d’Administration (CA) élu directement par l’Assemblée Générale (AG) et des comités consultatifs sur base locale sans fonctions décisionnelles. Le CA contrôle la gestion, la stratégie, le paiement des associés. L’opérationnalité est confiée aux dirigeants salariés. Par exemple, le CA d’Agrintesa est composé de 29 membres élus par l’AG. La pondération des voix s’opère non pas au niveau des coopératives de 1er niveau, mais peut intervenir au 2ème niveau en fonction du poids des apports.

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Enfin des comités consultatifs sont mis en place pour assurer une meilleure représentation des adhérents. Sont représentés au Conseil d’Administration, à égalité avec les membres élus par l’Assemblée Générale, des représentants des salariés. La répartition du capital social contraint les coopératives de 1er niveau à investir plus en cas de besoin dans la structure de 2ème niveau. Les tensions existent entre 1er niveau et 2ème niveau selon le retour économique et financier fait aux coopératives primaires qui grossissent en taille avec les fonctions qui peuvent entrer en concurrence (marché interne versus international), avec la coopérative de 2ème niveau. Cette tension tend à s’accroitre en raison du contexte rappelé ci-dessous.

11 Remerciements à M. Karl Christian Moeller Chief Economist de Danish Crown, Mr. Steen Noergaard Madsen, Dairy Farmer and Board Member d’Arla Foods, Mr. Jan Laustsen Director de Danish Agriculture & Food Council (DAFC) Mr. Soeren Moegelvang Nielsen Communications Director de Danish Agro.

12 Nous remercions Carlo Dalmonte, Président du Groupe Caviro, Simon Pietro Felice, Directeur Général Caviro Sca, Fabio Baldazzi, Directeur Général Caviro Distillerie Srl., Raffaele Drei, Président Agrintesa, Davide Vernocchi, Président APO Conerpo, Cristian Moretti, Directeur Général Agrintesa, Gabriele Castelli, Responsable du secteur viticole de Fedagripesca – Confcooperative, Francesco De Leo, Responsable du secteur des fruits et légumes de Fedagripesca – Confcooperative, Et Dr. Ersilia di Tullio - Nomisme

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Cependant l’imbrication des 1er, 2ème voire d’un niveau supra dédié à l’export (possible 3ème), révèle le besoin d’autonomie des petites structures, la recherche de cohésion commerciale pour les plus grosses et l’organisation de l’export qui demeure, malgré cette relative atomisation, un réel succès (lait, vin, fruits et légumes en particulier).

4.5. Le modèle Espagnol

Les motivations à la création des coopératives rejoignent les motifs défensifs habituels de concentration de l’offre et de réduction des coûts. Le modèle de gouvernance espagnole se développe sur la base d’un modèle traditionnel (Assemblée Générale, Conseil d’Administration avec ou sans Conseil de surveillance). La pratique de l’organisation au 1er niveau repose aussi sur des sections territoriales ou des Organisations de Producteurs (ex. dans le secteur Fruits et Légumes, 90 % des OP sont des coopératives). Dans le cas des 2ème niveau, pour suivre un modèle organisationnel sous forme de groupe coopératif (1er et 2ème niveaux avec holding), le tandem Président et Directeur est dupliqué au 2ème niveau ou dans les filiales.

Le souci d’accompagner les investissements au niveau des exploitations, la montée en gamme, la segmentation marché et la prise en compte des dimensions sociétales (Responsabilité Sociétale des Entreprises, développement durable, économie circulaire) renforce le besoin de conseil auprès des producteurs. La récente fusion entre les 3 organisations syndicales a pour objectif d’accompagner l’amélioration de la cohésion du mouvement coopératif afin de renforcer son efficacité.

Ce système est également celui de Caviro où le CA est composé de 13 administrateurs, élus par l’AG annuelle avec une pondération des voix (max 5 voix, et d’1/5 de membres investisseurs).

Caviro a un organe de surveillance (D.Lgs 231/01), un Comité d’audit et le « Conseil syndical ». L’apport total est privilégié surtout lorsque les coopératives sont organisées en Union et en Organisation de Producteurs. Le système de rémunération et l’engagement ont pour objectif de limiter la concurrence entre les coopérateurs.

Pour Caviro, il s’agit d’être la structure d’embouteillage et de commercialisation sans entrer en compétition avec les caves locales. La tendance est donc à l’organisation sous forme de groupe coopératif, avec ou sans union, la création de holdings permettant l’introduction de partenaires financiers afin de considérer le groupe dans sa stratégie financière.

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4.6. Le périmètre de délégation, élément de la gouvernance des coopératives européennes13

Le professeur Costas Iliopoulos présente ainsi les différents types de décisions afin d’expliciter les rôles et prérogatives de chacun, associés, administrateurs, dirigeants et salariés. Cela permet de comprendre quelles sont les fonctions des administrateurs et la communication à faire auprès des associés comme des salariés. La transparence est nécessaire pour établir la confiance et l’engagement de chacun au sein de la coopérative. Elle souligne ainsi les risques encourus à ne pas respecter ces attributions et la confusion qui peut subvenir entrainant des tensions dans la gouvernance des coopératives.

4.7. Concilier organisation, stratégie et gouvernance pour remplir les missions

Les échanges avec les différentes coopératives ont permis de dresser quelques constats sur la façon dont les coopératives font face aux enjeux actuels et aux mutations en cours, et concilient leur organisation, leur stratégie et leur gouvernance.

La tendance à la concentration des structures pour aller à l’international et investir les filières s’intensifie et se généralise. Mais il existe des différences dans les modalités de mise en œuvre de cette stratégie. L’union entre coopératives est une forme d’organisation demeurant plus répandue au Sud qu’au Nord. Le développement des holdings et de la filialisation se généralise dans tous les pays et les secteurs d’activité.

Il y a basculement d’une stratégie défensive à une stratégie plus offensive pour la création de valeur. La tendance à la réduction des coûts semble atteindre une limite. Il s’opère une évolution dans la stratégie vers la création de valeur à partir de l’innovation, la transformation et l’internationalisation. Ce changement de trajectoire nécessite pour les coopératives à rechercher des financements adéquats (valider leurs propres structures de financement, leurs fonds propres, l’investissement des producteurs), d’assurer leur sociétariat (le renouvellement, la représentation dans les instances, l’adhésion de la base aux décisions devenues plus complexes, la formation et l’information de tous surtout des administrateurs qui deviennent des « chefs d’industrie »), la structuration de l’organisation (l’accroissement du nombre de membres ou de coopératives associées ou d’alliances / partenariats) et l’évolution du modèle de gouvernance choisi (le rôle de la représentation de la base dans le mode de prise de décision, la gestion du dilemme Cour Terme/Long Terme, portfolio, représentation des filiales dans les instances de contrôle, le contrôle des structures). Ce changement de trajectoire s’observe dans tous les pays : Espagne, Italie, Danemark et Allemagne. Cette nécessité de changement de stratégie impacte les associés, comme l’organisation et la gouvernance. Comment accompagner ce changement de trajectoire qui impacte la gouvernance ?

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13 Intervention du Professeur Costas Iliopoulos au colloque HCCA du 25 Octobre 2018

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Engager l’adhérent révèle le fondement de l’association avec la coopérative. L’apport total est devenu une pratique soumise aux dispositions du règlement intérieur. Cela varie, d’un apport/collecte total à un apport variable selon un contrat annuel renouvelé entre l’associé et sa coopérative. La détention du capital révèle également une plus grande flexibilité de pratique afin de favoriser la sortie mais aussi l’entrée des jeunes, en particulier. Différentes formules sont testées pour alléger la contrainte de l’acquisition de capital social tout en consolidant les fonds propres de la coopérative, nécessaires aux investissements. La rémunération des apports tend à s’effectuer de plus en plus au prix du marché avec ou sans pratique d’un bonus ou complément de prix. Le niveau de capital nécessaire à l’adhésion peut varier en fonction des apports mais aussi de durées d’engagement variables. Le commerce réalisé avec des non associés est limité au maximum à 50 % avec des non associés (Espagne) ou à 20 % (France). La participation des salariés au CA est une pratique allemande reflétant une co-gestion des coopératives comme pour les autres entreprises. Le recours à des auditeurs externes ou des comités de contrôle (comme le Conseil Syndical en Italie) participe aux bonnes pratiques de gouvernance. Le dilemme coopératif (distribution des résultats à court terme versus mise en réserve pour le long terme) reste le marqueur d’une mise en commun au niveau des coopératives de base.

La coopérative s’appuie sur une « base territoriale » mais de façon différente : Ainsi les pays du Nord tendent de plus en plus à développer des Comités de représentants pour renforcer les liens avec les adhérents. La question de leur représentativité s’impose comme un critère de démocratie en particulier quand ces coopératives décident de passer d’une structure fédérée à une structure centralisée (ex. Rabobank). Alors que dans les pays plus au Sud, le recours aux sections (légal comme en France) ou aux Organisations de Producteurs (France, Espagne ou Italie) ou encore des zones d’appellation contrôlées pour les produits, servent de base à la représentation des membres dans les instances de gouvernance (Filippi, 2014). Dès lors, on observe soit une représentation de type consultative (Arla a des comités de représentants qui ont uniquement une voix consultative mais élisent l’Assemblée de délégués qui est l’instance décisionnelle) soit une réelle association à la prise de décision.

La coopérative doit toujours « plus » rendre service à l’adhérent : La perception du service à l’adhérent rend compte d’une perception différente de ce que « rendre service » signifie : soit une approche hyperspécialisée et économique à une perception plus « inclusive ». Ainsi pour les Pays du Nord, le « service à rendre » est avant tout un service à « la performance économique maximale ». On se spécialise en conséquence dans « ce que l’on fait de mieux », quitte à déléguer certaines fonctions à d’autres (comme l’alimentation du bétail à d’autres coopératives pour Arla). Alors que plus au Sud, le service à rendre est interprété dans une approche plus globale, d’une performance plus sociale. Cette prise en compte par la coopérative, essaye de répondre à tous les besoins de l’adhérent dans une vision/mission plus inclusive. Le conseil agricole est une bonne illustration de ce clivage. Le développement de coopératives de territoire (Espagne) versus coopérative spécialisée (Danemark, Allemagne) est également emblématique de cette acception.

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En préalable à son intervention, M. ILIOPOULOS a demandé aux participants de répondre à la question suivante : quels sont les 5 défis de la gouvernance coopérative actuellement ?

À cette question répondent les 3 personnalités présentes sur la table ronde « concilier proximité et implication des adhérents, poids dans le marché et performance économique »

• Blue Whale : Alain VIALARET rappelle que les piliers de son organisation sont la production, la coopérative, le groupement commercial et qu’il faut s’atteler à renvoyer aux producteurs les signaux du marché.

• Sodiaal : Damien LACOMBE insiste sur la nécessité de décisions rapides et se situe comme, à la fois une coopérative locale et une coopérative européenne.

En référence à Arla, présent dans 7 pays, à la recherche de l’efficacité. Souligne au passage l’utilité de se comprendre au travers du club des coopératives européennes.

• Arterris : Régis SERRES entend passer d’un modèle agricole à un modèle de l’agroalimentaire, pour créer de la valeur en structurant des filières.

Les 5 défis pour le président de Sodiaal, Damien Lacombe

- Trouver l’équilibre entre les objectifs de la structure entreprise et les besoins des membres

- Mettre en œuvre les financements nécessaires et garder la maitrise au niveau des adhérents

- Concilier ce que veulent les consommateurs et les contraintes des agriculteurs (il y a un avantage à être en coopérative pour faire cela)

- Poursuivre l’internationalisation tout en faisant face à l’instabilité de différentes zones dans le monde (embargo russe, barrières sanitaires…)

- Et bien sûr prendre en compte le réchauffement climatique

Les 5 défis pour le Président d’Arterris, Régis Serres

- Donner des perspectives économiques aux adhérents

- Être une coopérative attractive

- Animation du territoire : aider les administrateurs référents à remplir leur rôle d’animation

- Transmettre la gouvernance (modalité d’arrêt post 62 ans)

- Mission sociétale d’explication avec une dimension d’intérêt général / régional plus que de syndicaliste

Les 3 principaux défis selon Alain Vialaret, Blue Whale

- La formation

- Savoir débattre, savoir décider ensemble, rapidement

- Réussir l’ouverture au consommateur mondial - « Open to the world and close to your members »

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Extraits d’une des tables rondes du Colloque HCCA du 25 octobre 2018 :

Damien LACOMBE : « La gouvernance est une interrogation permanente. »

Christoph BÜREN : « Parce-que nous sommes une coopérative... »; « Est-ce qu’on doit s’intéresser à l’Europe ? En fait, on doit s’intéresser au monde, c’est à dire se situer par rapport à son marché. »

Jean-Yves FOUCAULT : « Si nous ne sommes pas agiles, réactifs, un peu astucieux, notre chance de survivre est très faible.»; «Notre croissance est facilitée par notre modèle; «On intègre pas à la hache. Aux États-Unis, nous sommes des farmers qui produisent pour des farmers. Sur notre territoire de Limagne, nous avons construit des circuits industriels courts.»

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- Assemblée des Représentants ou members of council : délégation de l’AG sur base géographique (ex Pays Bas), de production (Organisation de Producteurs ou Volume) ou de section (statutaire) (avec des Présidents des Conseils locaux / section), - Conseil d’Administration (CA ou Board of Directors – BoD-) : prend les décisions stratégiques et opérationnelles; se compose soit des Directeurs soit des membres + des directeurs ; monitoring + conformité intérêts des membres,

- Conseil de Surveillance ou Supervisory Council : contrôle les actions et les prises de décisions; avec ou sans membres externes

- Comité de commissaires ou contrôleurs (Board of Commissioners) : (ex. quand taille entreprise est supérieure à 100 employés aux Pays-Bas), participant aux comités d’audit (comité de rémunération, comité de révision, …)

- Directeur ou Management : (CEO) peut aussi donner lieu à des Comités exécutifs de gestion intégrés aux Comités Exécutifs

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4.8. Synthèse de la gouvernance dans les coopératives agricoles européennes

Faut-il s’émouvoir ou s’offusquer de cette diversité, hétérogénéité ou fruit du pragmatisme coopératif agricole au sein de l’U.E. ? (Bijman et al., 2012). En interprétant les principes coopératifs, les coopératives agricoles ont-elles perdu leur âme sur l’autel de la compétitivité économique ? Faut-il légiférer ou accompagner par une législation de type Soft Law, la gouvernance des coopératives agricoles ? Des questions ouvertes à réfléchir en période de définition de la nouvelle PAC. La gouvernance des coopératives agricoles suit des modèles types avec des organes de contrôle, de prise de décision et d’expression qui ont des fonctions différentes.

Arnaud DEGOULET : « Agrial est le fruit d’une histoire et de son territoire, la nécéssité de produire tous les jours nous a obligé à sortir de notre territoire. »

Thierry BLANDINIÈRES : « Si on est pas Européen, on ne pourra pas résister. Peut-on envisager une plateforme Européenne pour le commerce international du grain ? »

Clôture de la journée par Henri NALLET

« Nous sommes, vous êtes, sur un marché complètement ouvert dans lequel la seule règle, la seule loi est la productivité, la rapidité, la réactivité. Et vous prétendez animer des organisations démocratiques, respectueuses des uns et des autres, à l’écoute des producteurs, quelle que soit leur dimension. C’est un travail extraordinaire, et je crois extrêmement difficile. »

Selon Cornforth (2004), raisonner la gouvernance des coopératives revient à identifier qui compose le Conseil d’Administration ? Pour quelles fonctions ? Et avec quelles relations entre le Conseil d’Administration et le management ?

Dans la littérature (Bijman and van Dijk, 2009 ; Bijman et al., 2012, 2013 ; Chaddad and Iliopoulos, 2013), les auteurs identifient des modèles type de gouvernance qui varient selon le rôle dévolu au Conseil d’Administration et à sa composition ainsi qu’aux organes de direction. Selon les pays et les coopératives, quelques variantes apparaissent (Cook, 1995 ; Hansmann, 1996 ; Chaddad and Cook, 2004, Filippi et al. 2004).

(Colloque HCCA du 25 octobre 2018)

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La performance économique survient comme deuxième grand challenge des coopératives. Elles identifient le fait d’être ou rester compétitif, organiser des filières, mais aussi aller à l’international, trouver des financements et de nouveaux partenaires, répondre aux nouvelles attentes consommateurs, contractualiser dans la filière, mais aussi mesurer leur performance.

Enfin, un troisième et dernier groupe de challenges émerge autour de l’environnement avec les items comme le changement climatique, l’environnement durable, nourrir le monde ou encore le contexte socio-économique avec le rôle des politiques publiques et des taxes. La question des employés dans leur association au CA ou au projet coopératif est également signalée mais de façon non significative. Certains items n’apparaissent qu’une fois comme le rôle des femmes, les comités d’audit, la concurrence entre coopérative / syndicat, la compétition entre coopératives ou l’exclusion des membres.

Le nombre encore limité des questionnaires reçus ne permet pas à ce stade d’aller plus avant dans l’analyse. Mais ces premiers résultats en désignant le challenge de la gouvernance comme majeur, détaille les différentes dimensions de cet enjeu. La communication entre les associés, les salariés et la coopérative est un vecteur d’animation important. Ainsi, l’implication des membres avec un soucis de leur proximité, d’être au service des membres, d’assurer leur représentation dans les organes de direction, de garder les valeurs coopératives, voire de protéger le modèle jusqu’à la formation des administrateurs, le contrôle de dirigeants efficients, la remonté des dividendes et l’amélioration de la rémunération des membres sont autant de pistes de travail pour s’assurer de conserver une bonne gouvernance.

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Mais si l’on regroupe les items avec une attention de l’ordre de priorisation, la gouvernance est grandement majoritaire en se déclinant d’une part autour des relations entre la coopérative et ses adhérents et d’autre part sur les modalités de son pilotage. Concernant les relations entre la coopérative et ses adhérents sont cités différents items : être vigilant à l’implication des associés, le besoin d’être en proximité avec les membres, leur rémunération, le service à rendre, leur renouvellement, le lien entre la taille et leur engagement, la remontée des dividendes, jusqu’à l’exclusion.

Pour la dimension de pilotage de la gouvernance, les réponses permettent d’identifier les enjeux, comme la formation des administrateurs, et des managers compétents, la transparence des règles dans le conseil d’administration, le contrôle de filiales et celui de manageurs, le développement des groupes.

Identifier les challenges coopératifs

En préambule à sa conférence plénière sur la gouvernance des coopératives européennes, Costas Iliopoulos a proposé un questionnaire pour identifier les cinq challenges des coopératives françaises. L’objectif est de proposer une introspection afin de connaître leurs principaux enjeux. Les challenges correspondent aux préoccupations pour lesquelles les coopératives sont en vigilance, ce qui les inquiète et donc les points sur lesquels elles réfléchissent à apporter des solutions concrètes. Leur analyse permet d’identifier les pistes de travail pour répondre aux problèmes rencontrés.

Le questionnaire a été distribué en séance aux participants. A la fin de la séance, 30 questionnaires ont été recueillis et ont été complétés par 24 questionnaires reçus par internet. L’unique question posée était de nommer les challenges à prioriser sans aucune formulation prédéterminée pour les réponses. Le traitement des 54 questionnaires avec les 270 enjeux fait apparaître des préoccupations récurrentes.

Dans l’absolu par un décompte simple des réponses, un thème qui émerge est celui de la gouvernance. Ce thème regroupe les items « Garder les valeurs et le contrôle » qui arrive en tête des préoccupations avec 25 votes, suivi « D’être proches de ses adhérents » pour 22 et « Former les administrateurs » pour 17. Les challenges suivants sont cités autour de « Être compétitif » (13 réponses), « Renouveler les générations, la transparence des règles », « L’efficience des Conseils d’administration », pour 11 réponses, « Contrôle les managers » (10 réponses).

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Source : d’après Bijman and van Dijkn, 2009 ; Bijman et al., 2012, 2013

Les variantes à ces modèles types portent sur :

- Assemblée Générale : sa composition, sa représentation, les droits de vote (direct ou proportionnel) avec la possibilité d’avoir ou non un Comité des membres (émanation élue de l’AG ayant délégation d’exercer en lieu et place de l’AG les pourvoirs de contrôle).

- La nomination d’experts externes dans les Conseils de Surveillance et d’Administration de façon à vérifier, à contrôler les activités, les décisions et leur application.

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CONCLUSION

Dans cette période de finalisation de la loi EGAlim, la question de la gouvernance des coopératives et plus encore des groupes coopératifs agricoles est d’actualité et selon les lieux, les canaux d’information, et les intervenants, elle fait l’objet d’approches souvent critiques, parfois trop vite généralisées.

Les éléments rapportés dans le présent document demandent à être approfondis en termes d’analyse, aussi bien qu’en terme de références géographiques.

Coop de France a organisé le « Grand Débat Coopératif », contribution précieuse à la réflexion et à la construction de propositions. L’Observatoire Économique de la coopération agricole, l’Observatoire de la Gouvernance des coopératives agricoles sont des outils utiles dans cette perspective.

Le colloque organisé par le HCCA, le 25 octobre 2018 : « Le modèle coopératif en France et dans l’UE : vers un statut de coopérative agricole européenne ? », les rencontres avec des grands pays agricoles de l’Union Européenne, que sont l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et le Danemark s’inscrivent dans la perspective des réflexions engagées.

Les caractéristiques des coopératives agricoles françaises comme celles de l’Europe du Sud diffèrent sur certains points des coopératives de l’Europe du Nord, en particulier sur la souscription et la valorisation du capital social...

Cependant, les deux thèmes dominants sur le présent et le futur des coopératives agricoles européennes, aussi bien parmi les adhérents que parmi les dirigeants élus et opérationnels sont les mêmes : il s’agit d’une part, de la pertinence et qualité de la mise en oeuvre de leur gouvernance et d’autre part, de la nécessaire performance économique des groupes agricoles coopératifs.

Le HCCA continuera de s’y investir.

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Hansmann, H. (1996), The ownership of enterprise. Cambridge, Mass.: The Belknap Press of Harvard University Press.

RÉFÉRENCES

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RAPPORT PRÉSENTÉ PAR LE HAUT CONSEIL DE LA COOPÉRATION AGRICOLE (HCCA)

ETABLISSEMENT D’UTILITÉ PUBLIQUE DOTÉ DE LA PERSONNALITÉ MORALE

43 Rue Sedaine - 75011 PARIS - Tel : 01 44 17 58 62Site web : www.hcca.coop - Mail : [email protected]

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU HCCA, LE 20 DÉCEMBRE 2018