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Fiche focus La coupe de Nicosthénès

La coupe de Nicosthenes

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Page 1: La coupe de Nicosthenes

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La coupede Nicosthénès

Page 2: La coupe de Nicosthenes

L’atelierdu potier NicosthénèsL’atelier du potier Nicosthénès fonctionne à Athènes dans les années 540-510 av. J.-C. environ, à une époque de transition où l’invention de la figure rouge* (vers 530 av. J.-C.) condamne désormais la figure noire* à disparaître tôt ou tard. Cependant, jusque vers 500 av. J.-C.,les deux techniques coexistent.Nicosthénès et son associé et successeur Pamphaios ont produit une grande quantité de vases à figures noires ou rouges pour Athènes et surtout pour le marché de l’exportation. Leur atelier est connu pour avoir développé des formes très variées et originales, telles que les « coupes à yeux » et les amphores dites « nicosthéniennes ». Il a beaucoup travaillé pour les Etrusques et certaines de ses productions ont été retrouvées dans les tombeaux étrusques de Caere et de Vulci. De ce dernier lieu provient précisément notre coupe.

Technique de fabricationLa coupe a été façonnée sur un tour. Sa grande dimension la rend particulièrement fragile, surtout au niveau du pied et des anses ajustées après coup. Le vase, une fois séché, a été soigneusement poli avant d’être peint.La peinture relève ici de la technique de la figure noire : ➤ pose du vernis noir sur les figures à l’aide d’un pinceau (ce vernis était à base d’argile extrêmement fine contenant de l’oxyde de fer, délayée et mélangée à un alcali*), ➤ séchage, ➤ pose des rehauts de couleur sur le vernis noir : couleur blanche conventionnelle (en partie disparue) pour le visage et les bras d’Athena, brun/violet et blanc pour les yeux. Le rouge de la langue de la Gorgone* a été appliqué directement sur l’argile.➤ de nouveau séchage➤ incisions permettant de préciser le dessin, faites à l’aide d’une pointe. Le compas a été utilisé pour les yeux.La cuisson (950° environ) devait être menée avec soin, en créant au moment voulu une atmosphère réductrice, de manière à obtenir un beau vernis noir (l’oxyde de carbone se combinait alors avec l’oxyde ferrique de l’engobe pour donner le vernis noir).

Carte de la Grande Grèce (1)

La coupede NicosthénèsLa coupe a été achetée en 1843 à l’initiative du conservateur de l’époque, Achille Deville. Elle venait de la collection rassemblée par le frère de Napoléon, Lucien Bonaparte, prince de Canino (1775-1840).Après leurs ventes en 1835-1837 et en 1843-1845, les œuvres de cette collection sont surtout acquises par de grands musées étrangers. Le Louvre, par exemple, n’en achète que douze.Le Musée départemental des Antiquités possède cinq vases de cette illustre collection.

Satyre (2)

* Figure rouge : technique de décoration des vases grecs où les motifs apparaissent en rouge sur fond noir (technique plus récente que la figure noire).* Figure noire : technique de décoration des vases grecs où les motifs apparaissent en noir sur fond rouge.* Alcali : potasse, soude ou ammoniaque* Gorgone : créature mythologique aux cheveux de serpents, d’une telle laideur qu’elle pétrifiait ceux qui osaient la regarder.

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Les coupes à yeuxElles sont pourvues d’un pied bas, large et massif.L’intérieur est orné d’un motif central inscrit dans un cercle (tondo), le plus souvent un Gorgoneion,* c’est-à-dire un masque de Gorgone. A l’extérieur, la décoration habituelle est une paire de grands yeux sur chaque face entre les anses. Entre les yeux figure un couple de combattants. Sous les anses s’enroule souvent une vigne.Ces yeux, qui offraient protection à celui qui buvait, donnent à la coupe un aspect étrange. Lorsqu’un convive buvait à la coupe en la tenant par les anses, celle-ci apparaissait à ses compagnons de banquet comme un visage avec deux grands yeux entourés des oreilles (les anses) et de la bouche (le pied).

Usage de cette coupeLa coupe est une des pièces principales de la vaisselle à boire utilisée lors du symposion, littéralement « la réunion pour boire », qui prend une importance considérable dans la société aristocratique grecque à partir de la fin du VIème siècle av. J.-C., au moment précisément où la céramique peinte attique est à son apogée. La production d’Athènes est alors, entre 530 et 480 environ, essentiellement tournée vers cette clientèle aristocratique familière du banquet et le banquet lui-même devient l’un des sujets favoris de ces coupes.

Incisions (3)

DécorLe décor extérieur présente, sur chaque face, un couple de combattants entre deux grands yeux, et sous les anses un satyre au milieu de pampres de vigne.D’un côté, la déesse Athéna, casquée, revêtue de l’égide (cuirasse faite avec la peau de la chèvre Amalthée*), un bouclier rond au bras gauche, attaque à la lance un géant qui s’affaisse, le genou droit à terre. Ce géant, probablement Encelade, a laissé tomber sa lance sur le sol, il tient une pierre de la main droite et se protège de son bouclier rond. Ce thème de la Gigantomachie (combat des Dieux Olympiens contre les Géants) représente le triomphe de l’ordre olympien face à la sauvagerie et au chaos des géants. De l’autre côté, Thésée affronte le Minotaure. Le héros, couronné de myrte, en chiton* court et nébride (peau de faon), armé d’une épée, passe son bras gauche par-dessus l’épaule gauche du Minotaure et le saisit au poignet ; il plante son épée dans le dos du monstre qui fléchit les genoux en tournant la tête vers la gauche. Le peintre a ici associé sur une même coupe Athéna, la déesse protectrice d’Athènes, et Thésée, le héros de la cité, tous deux affrontés dans un combat où l’ordre l’emporte sur la sauvagerie et le désordre.

* Gorgoneion : représentation d’une tête de Gorgone. Nom donné à certains masques censés représenter l’effroi »* Amalthée : chèvre qui a allaité Zeus lorsqu’il était enfant.* Chiton : tunique.

Thésée et le Minotaure (4)

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SignatureCertains vases sont signés, mais la plupart restent anonymes. Dans ce cas seule l’étude stylistique permet de déceler des «mains» ou des ateliers différents. Deux formules sont employées pour les signatures : EPOIESEN signifie «a fait» et désigne le nom du potier (ou celui du propriétaire de l’atelier ?), EGRAPHSEN signifie «a peint» et désigne le nom du peintre. La signature peut être peinte ou incisée. Des vases signés du même nom peuvent avoir été décorés par des peintres différents. La signature de Nicosthénès est la plus commune de toutes en figure noire et révèle une production très importante.

Les satyres figurant au milieu de pampres de vigne sous les anses, évoquent le monde de Dionysos, dieu du vin, de la fête, de la joie.

A l’intérieur, figure le masque de l’une des Gorgones, ce monstre horrible et grimaçant dont le regard pétrifie quiconque ose l’affronter. Le héros Persée réussit à la décapiter. Il en remet la tête à Athéna qui, dès lors, la porte sur son égide comme un trophée protecteur. Le regard de Méduse, auparavant porteur de mort, devient ainsi protecteur.

Signature (6)

Médaillon de Gorgon (5)

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En 1908, un autre conservateur du musée, Léon de Vesly note dans un article (Notes archéologiques, Rouen, 1908, p. 13-15) qu’il a découvert la coupe en fragments dans un placard et qu’il l’a fait restaurer. On peut donc supposer qu’il s’agit d’une seconde restauration. Or, la coupe, avant l’exposition de 1982, était connue avec un fond blanc entoilé, appliqué à l’intérieur de la vasque. Jusqu’à cette nouvelle restauration, la coupe fait donc partie des rares fonds blancs connus !

Une troisième restauration en 1980 et une quatrième en 1994-1995 ont été mises en œuvre afin de consolider les différents fragments, les nettoyer, combler les lacunes et rendre le décor de la coupe plus lisible.

Athena et Encelade (8)

Les restaurationsLa coupe était probablement brisée lors de la fouille comme c’est souvent le cas des céramiques ; en tout cas, elle a dû recevoir un coup de pioche qui a provoqué l’arrachement important du Gorgoneion. Lors de son achat par Deville, le conservateur du musée en 1843, on peut penser que la coupe était déjà restaurée.

Coupe en cours de restauration (7)

Page 6: La coupe de Nicosthenes

Musée départemental des Antiquités198 rue Beauvoisine

76000 ROUEN

02 35 98 55 10www.museedesantiquites.fr htttp:// www.museedesantiquites.fr

Conservateur en chef : Nathalie RoyConservateur du Patrimoine : Caroline Dorion-Peyronnet

Crédit photographique : Yohann Deslandes / Département de Seine-MaritimeFrançois Dugué / Département de Seine-Maritime et C2RMF Paris

Légendes des photos :(1) Carte de la Grande Grèce(2) Satyre(3) Incisions(4) Thésée et le Minotaure(5) Médaillon de Gorgon(6) Signature(7) Coupe avant la restauration(8) Athena et Encelade

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2012

Bibliographie

J. Boardman, Athenian black figures vases. Thames and Hudson, 1974, Réed. Norwich 1978, p. 11-12, 64-65, 106-108, 188-189, 191

J. Boardman, Athenian red figures vases. The archaic period. Thames and Hudson, Norwich 1975. Réed. 1979, p. 56-57, 60, 62, 88, 209-210.

Catalogue de l’exposition “Hommes, dieux et héros de la Grèce”, Musée des Antiquités, Rouen, 1982. Sur la Gorgone :

Catalogue de l’exposition « Images de la Gorgone ». Cabinet des Médailles, oct.-déc. 1985.

F. Frontisi-Ducroux, « Au miroir du masque », in La cité des Images. Religion et société en Grèce antique, Nathan, Paris 1984, p. 147-161.

J.P Vernant, Figures, idoles, masques, Paris, Juillard, 1990.