La Dame Du Nil - Pauline Gedge

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    Pauline Gedge

    La dame du Nil(CHILD OF THE MORNING)

    Traduit de lamricainpar Catherine Mliande

    ditions Jai lu

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    AVERTISSEMENTLa Dame du Nil a rellement exist et apparat, encore aujourdhui, comme un des personplus fascinants de lAntiquit.Reine de la 18edynastie (XVIme s. avant J.-C.) Hatchepsout, fille du pharaon Touthms

    ousa, la mort de ce dernier, son demi-frre Touthmsis II. Dun temprament exceptionnepplanta rapidement son mari et simposa, fait unique dans lhistoire gyptienne, comme phae sut rorganiser son royaume affaibli par les guerres et renfora le pouvoir monarchique.

    n nom restera, pour toujours, attach la construction de son temple funraire. difi The Karnak, et creus en partie dans la montagne, Deir-el-Bahari est un des monuments les

    andioses de la Haute-gypte.Nayant pas eu la joie de donner le jour un fils, elle dut rsister la pression de Touthms

    n neveu et beau-fils, et lutta farouchement contre les grands prtres afin de conserver intactissance et ses prrogatives royales.

    Aprs la mort dHatchepsout, Touthmsis III seffora de proscrire sa mmoire en fparatre son nom des stles et des bas-reliefs.

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    PREMIRE PARTIE

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    Bien que le mur nord de la salle de classe ouvrt sur le jardin, le vent dt nexhalait p

    oindre souffle entre les colonnes dun blanc blouissant. La chaleur tait suffocante. Les is en tailleur, genou contre genou sur leur natte de papyrus, copiaient laborieusement la le

    ur. Khaemwese, les bras croiss, sentit le sommeil lenvahir. Il jeta un rapide coup dilpsydre. Il tait presque midi. Il toussa et une douzaine de petits visages se levrent vers lui

    riosit. Avez-vous tous termin ? Qui peut me rciter la morale daujourdhui ? Je devrais plutti possde assez de sagesse pour me rpter la leon daujourdhui ? (Il sourit de son bon motit rire poli se rpandit parmi les lves.) Toi, Menkh ? Ouser-Amon ? Je sais bien quHapousenb en est capable, donc je

    manderai rien. Qui est volontaire ? Toi, Touthmsis !Touthmsis russit se relever, fort mcontent, tandis quHatchepsout, assise ct de l

    ussait du coude en lui faisant la grimace. Il fit semblant de ne pas la voir, en proie au plus sarroi. Commence ! Hatchepsout, tiens-toi tranquille. Jai appris que tu que tu Tes livr. Ah ! oui, tes livr. Jai appris que tu tes livr la recherche du plaisir. Ne te dtournes paroles. As-tu abandonn ton esprit tout tout Ce qui est sourd. Ah ! oui. tout ce qui est sourd ?Khaemwese soupira en entendant nonner le petit garon. De toute vidence, Touthmsis ne

    mais ni brillant ni cultiv. Dpourvu de toute passion pour la magie des mots, il se contentarmir pendant la classe. LUnique en viendrait peut-tre lenrler de bonne heure dans lais la simple vision de Touthmsis, arc et javelot en main, la tte dune compagnie de v

    mbattants endurcis, dsola Khaemwese. Le jeune garon hsita encore, le doigt sous le hirogupable, et regarda son professeur dun air perdu.

    Le vieil homme se mit en colre. Ce passage, dit-il dun ton aigre en frappant violemment sur son rouleau, ce passagrence au judicieux et estimable usage que lon fait du fouet dhippopotame sur le postrieurons paresseux. Le scribe pensait probablement un garon dans ton genre, Touthmsis. soin de goter un peu de mon fouet ? Apportez-le-moi tout de suite !

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    Quelques grands se mirent rire sous cape, mais Nfrou-khbit leva la main. Je vous en prie, Matre, pas aujourdhui. Vous lavez battu hier, et pre sest mis trre.Touthmsis rougit et lui lana un regard furieux. Le fouet dhippopotame ntait quune v

    isanterie cule. Une baguette de saule fusele et flexible que Khaemwese portait sous lemme un bton de marchal. Le vritable fouet tait destin aux criminels et aux mcontents. e fille prendre sa dfense, le garon sentit comme leffet du sel sur une blessure ouverte,ommelait quand le matre lui ordonna de se rasseoir.

    Trs bien. Puisque tu veux que sa punition soit leve, Nfrou, tu rciteras la leon sa pve-toi et continue.Nfrou-khbit avait un an de plus que Touthmsis, mais nettement plus dintelligence que

    e neut aucun mal rciter la leon.Le cours sacheva avec la traditionnelle prire Amon. Quand Khaemwese sortit, les bavar

    mmencrent. Ne ten fais pas, Touthmsis, dit gaiement Hatchepsout, en enroulant sa natte. Viens ave

    rs la sieste, nous irons au zoo voir la petite gazelle. Pre a tu sa mre et elle na plus per

    ur laimer. Tu viendras ? Non, rpondit-il schement. Je ne veux plus aller me promener avec toi. Dailleurs, il faille mentraner la caserne tous les aprs-midi. Aahms pen-Nekheb va mapprendre mrc et le javelot.Ils empilrent leurs nattes dans un coin et sur un signe de Nfrou-khbit lesclave nu

    endait patiemment prs de la grande jarre dargent, la femme tira de leau et la leur prsosterne.

    Hatchepsout but avec avidit, en faisant claquer ses lvres. Que cette eau est dlicieuse ! Et toi, Nfrou, veux-tu venir avec moi ?

    Nfrou sourit sa jeune sur. Tu tes encore mis de lencre sur ta robe, Hatchepsout. Quand donc te comporteras-tu c

    e grande fille ? Si Nosm le permet, je taccompagnerai. Mais juste un petit moment. ntente ?

    La petite fille sauta de joie. Oui ! Viens me chercher ton rveil !Elles taient seules dans la pice, avec leur suivante. Les autres enfants rentraient chez

    compagns de leurs esclaves, sous une chaleur accablante qui semblait les faire ploye

    mmeil.Touthmsis billa. Je vais retrouver ma mre. Je suppose que je devrais te remercier, Nfrou-khbit, de cas fait pour moi, mais jestime que tu ferais mieux de toccuper de tes affaires. Les autres sn amuss et tu mas humili. Tu prfres tre battu que dtre un peu ridicule ? lui demanda Hatchepsout dun air mpruthmsis, tu es vraiment trop fier. Et en plus, cest vrai, tu es un paresseux. Chut ! dit Nfrou, tu sais trs bien, Touthmsis, que jai seulement voulu te rendre se

    tention, voil Nosm ! tout lheure, petite.

    Elle dposa un baiser sur le front dHatchepsout et disparut dans lclat blouissant du jardin

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    Nosm sautorisait envers les enfants royaux autant de liberts que Khaemwese. En tanuvernante royale, elle les grondait, les consolait, loccasion les corrigeait, mais elle les assionnment. Elle rpondait devant le pharaon de leur scurit, sur sa vie. Engage currice par Moutnefert, la seconde pouse du pharaon, la naissance des jumeaux Ouazmmenms, Ahms lpouse Divine lui avait confi ensuite la garde de Nfrou-khbHatchepsout ses filles. Moutnefert avait nourri elle-mme Touthmsis, son troisime fils, sur le veillait comme un aigle, car, enfant royal, il tait dautant plus prcieux que ses deux autreient morts de la peste. Nosm, revche, le visage en lame de couteau, tait dune maigreur

    e ses pais vtements flottaient sur son corps dcharn et lui battaient les chevilles lorsquete, elle tanait les esclaves et rprimandait les enfants, qui elle avait cess de faire peur. Stchepsout laimait encore, car avec lgosme changeant de lenfance, aime de tous

    prouvait aucune crainte de voir ses dsirs contraris.En voyant Nosm entrer, Hatchepsout courut elle pour lembrasser.

    Nosm la serra contre sa poitrine et cria lesclave : Enlve cette eau et lave la coupe. Balaye le sol pour les cours de demain. Tu iras te re

    ns ta chambre ensuite. Dpche-toi !

    Elle jeta un regard pntrant Nfrou-khbit, mais prsent que la jeune fille avait revbe de lge adulte, et que de belles tresses noires pendaient sur ses paules, Nosm avait ute autorit sur elle. Elle se contenta de maugrer O va-t-elle donc cette heure-ci ?Elle prit la petite fille par la main et la conduisit travers le ddale des salles aux gr

    onnes et des sombres portiques, jusqu la porte de lappartement des enfants, ct du qus femmes.

    Le palais tait plong dans un lourd silence. Les oiseaux mme se taisaient. Dehors, au-dedins, scoulait le grand fleuve dargent. Pas un bateau nen froissait la surface et, dan

    ches profondeurs boueuses, les poissons attendaient la venue du soir. Comme sous un charmle entire tait assoupie. Les cabarets taient ferms, les rideaux des choppes baisss rtiers somnolaient lombre de leurs petites gurites, sous les murs des vastes et nobles villangeaient le fleuve sur une grande distance. Pas un mouvement sur le port, lexception des leurs qui grappillaient ce quils pouvaient sur les paves. De lautre ct du fleuve, dans las Morts, les temples et les tombeaux luisaient dans la brume et la chaleur faisait onduleaises brunes qui les surplombaient. Le bl et lorge, le trfle, le lin et le coton taient prts

    oissonns. Les canaux dirrigation sasschaient lentement, malgr les efforts prodigie

    uisants des paysans pour actionner les chadoufs. Le vert poussireux des dattiers et des sommiers aligns au bord du fleuve, et le vert vif des roselires roussissaient peu peurnellement prsente dans un ciel sans nuage, dun bleu profond, puissante et invincibendeur de R, chauff au rouge.Un lger souffle parcourut lappartement de Son Altesse Royale, la princesse Hatche

    noum-Amon. Les prises dair installes sur le toit canalisaient la moindre brise venant du novoquaient de petits tourbillons chauds et lourds. Au moment o Nosm et lenfant entraient dce, les deux esclaves se levrent pour les saluer, puis ramassrent leurs ventails. Nosm

    nora. Tout en tant la jupe de toile blanche dHatchepsout, elle lana un ordre sur un ton sec e

    re esclave apparut, apportant de leau et des serviettes. La nourrice lava rapidement le petit

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    rveux. Ton pagne est encore tout tach dencre, dit-elle. Pourquoi es-tu si maladroite ? Je suis vraiment dsole, rpondit lenfant qui ne ltait aucunement. (Elle tombait de somdis que leau bienfaisante ruisselait le long de ses bras et sur son ventre brun.) Nfrou-khbi gronde. Je te promets que je ne sais pas comment jai fait. Est-ce que ta leon daujourdhui tait bien ? Je suppose. Je naime pas tellement lcole. Il y a trop apprendre et jai toujours peuaemwese ne sen prenne moi. Cela ne me plat pas non plus dtre la seule fille.

    Il y a Son Altesse Nfrou. Ce nest pas la mme chose. Nfrou se moque du ricanement des garons.Nosm aurait aim rpondre que Nfrou avait lair de se moquer de tout, mais elle se sou

    mps que cette petite fille au regard vif, si jolie, qui ne pouvait rprimer ses billements telle se dirigeait vers sa couche, faisait la joie du pharaon et lui rptait sans aucun doute toi se disait dans le quartier des enfants. Nosm dsapprouvait toute entorse la tradition,

    mple ide que des filles, fussent-elles des enfants royales, puissent tudier en compagnrons, tait pour elle un motif dindignation inpuisable. Mais ainsi en avait dcid le phara

    ulait que ses filles soient dotes dinstruction. Nosm ravala les propos hrtiques quelle avrd des lvres et se pencha vers la petite main pour lembrasser. Dormez bien, Altesse. Navez-vous besoin de rien ? Non, Nosm, Nfrou ma promis de memmener voir les animaux tout lheure. Puier ?La requte tait habituelle et aussi prvisible que le got de lenfant pour les sucreries,

    urire plein de tendresse passa sur le visage de Nosm. Bien entendu, condition que tu te fasses accompagner dune esclave et dun garde. pr

    pose-toi. Je reviendrai te voir tout lheure.

    Elle fit signe aux silhouettes immobiles et muettes qui se tenaient dans lombre et quiambre.

    Les deux femmes sapprochrent, leurs peaux brunes luisant de sueur, et leurs vegitrent lentement, sans un bruit, au-dessus de la tte dHatchepsout.De lgers souffles dair se dplaaient au-dessus delle et elle regarda un moment les pl

    uire et frmir tandis quun sentiment de paix et de scurit lenvahissait. Ses paupires se fermelle se tourna sur le ct. La vie tait bien agrable, mme si Nosm tait svre et Touthmsintil en ce moment.

    Je me demande bien pourquoi Touthmsis est si maussade, pensa-t-elle confusment. Il aime soldat et apprendre bander larc et lancer la lance. Il aimerait dfiler avec les troupestre. Auprs delle, lune des Nubiennes toussa et, de lautre ct de la porte, elle entendit N

    tendre lourdement sur sa couche en soupirant. Le petit oreiller dbne semblait doux au ctchepsout et son esprit bascula dans le rve.Lorsquelle se rveilla, le soleil tait encore haut, mais il avait perdu de sa force. Tout a

    elle, le palais sortant de sa lthargie sacheminait vers la fin dune nouvelle journe, tel unppopotame mergeant de la boue. Dans les cuisines, les cuisiniers bavardaient et les

    ntrechoquaient bruyamment ; les couloirs rsonnaient de bruits de pas et de rires. Hatche

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    tit, propre, frache, impatiente. Les jardiniers avaient repris leurs travaux et, le dos cosherbaient et taillaient les nombreuses fleurs exotiques, arrosaient les centaines de sycomoresules qui faisaient du domaine royal une fort odorante. Les oiseaux multicolores voletaient le ciel tait aussi bleu que le fard des yeux de sa mre. Elle se mit courir, lesclave et le fforant de la suivre. Les travailleurs se redressaient son passage et la saluaient, sans a

    ande attention de sa part. Ds sa plus tendre enfance, les gens la vnraient, elle, la fille du diourdhui, dix ans, le sentiment de son destin lui apportait lassurance naturelle de la lgitimi

    n univers. Il y avait le roi : son pre, le dieu. Il y avait sa mre, lpouse Divine. Il y

    frou-khbit, sa sur, et aussi Touthmsis, son demi-frre. Et enfin, il y avait le peuple, nexe pour ladorer, et la merveilleuse gypte qui stendait au pied des murs imposants du pre quelle navait jamais vue mais qui lentourait de toutes parts et limpressionnait fortementLanne prcdente elle avait foment, en compagnie de Menkh et de Hapousenb, un

    mplot. Ils devaient sortir du palais et aller dans la ville au moment de la sieste. Ils se rendez Menkh, plus en amont, pour jouer dans le bateau de son pre. Mais le portier les aperut das des grandes portes de cuivre et les rattrapa. Menkh avait t fouett par son pre, Hapoalement, mais elle-mme stait simplement fait gronder. Elle tait encore trop jeune, lui

    pliqu son pre, pour quitter la scurit du palais. Sa vie tait un bien prcieux. Elle appartegypte entire et devait tre protge. Puis, il lavait fait asseoir sur ses genoux et lui avait ds gteaux au miel et du vin doux. prsent, Hatchepsout avait pratiquement oubli laventureavait appris une chose : quand on est grand, on peut faire ce que lon veut ; mais il faut atte

    endre.Nfrou attendait seule, prs de lenclos. Elle sourit Hatchepsout qui arrivait, essoufrou tait ple, les yeux tirs, car elle navait pas dormi. Hatchepsout glissa sa main dans cegrande sur et elles se mirent en route. O est ton esclave ? lui demanda Hatchepsout. La mienne est venue avec moi.

    Je lai renvoye. Jaime bien tre seule parfois. Et je suis assez grande pour faire ce qux. Tu tes bien repose ? Oui. Nosm ronfle comme un taureau, mais jai quand mme russi mendormir. Je rene plus tavoir ct de moi. La pice parat si grande, si dserte. Mais cest une toute petite pice, chre Hatchepsout, lui rpondit Nfrou en clatant dten apercevras bien vite quand on te mettra dans un appartement aussi vaste que le mien.Il y avait une pointe damertume dans sa voix, mais lenfant ne sen rendit pas compte.Elles franchirent la barrire et descendirent une large alle borde darbres, de chaque c

    uelle se dressaient des cages o lon tenait enferms des animaux du pays, comme libis, lesles gazelles, ou dautres rapports par leur pre des pays o il stait battu dans sa jeunessupart des btes dormaient, nonchalamment tendues lombre, et leur odeur chaude et rconfoveloppait les fillettes leur passage. Lalle sarrtait au pied du mur principal, si proche dil semblait slever dans les cieux et leur cacher le soleil. Tout contre le mur sadossait une pison de torchis, compose de deux pices, o vivait le gardien du zoo royal. Il attendait sorche et, leur approche, sortit et sagenouilla, baissant la tte jusquau sol. Je te salue, Nbanoum, dit Nfrou. Tu peux te relever. Je vous salue, Altesse.

    Lhomme se releva et resta devant Nfrou, tte baisse.

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    Je te salue ! dit son tour Hatchepsout. Allez, viens, Nbanoum, o est la petite gazmment va-t-elle ? Trs bien, Altesse, rpondit gravement Nbanoum, mais elle a toujours faim. Je lai misepetit enclos, juste derrire ma maison, si vous voulez bien me suivre. Cest un bb trs brue a bram toute la nuit. Oh ! La pauvre ! Sa mre lui manque. Crois-tu que je pourrais lui donner manger ? Si Votre Altesse veut essayer, jai prpar du lait de chvre. Mais je dois vous mett

    rde, ce bb est fort et pourrait donner un coup Votre Altesse ou renverser son lait sur la rob

    tre Altesse. Cela na aucune importance. Vous deux, restez ici, dit-elle en se tournant vers les serviseyez-vous sous un arbre ou l o vous voudrez. Je ne me sauverai pas. Allons-y, ajouta-t-eant vers Nbanoum.

    Le petit groupe fit le tour de la maison. quelques pas de l, le mur, au pied duquel se tropetit enclos provisoire, projetait une ombre douce. Une tte brune, aux yeux limpides et aux

    s, apparut. Hatchepsout avec un cri de joie se prcipita pour caresser lanimal, qui ouvuche lisse et sortit une langue rose.

    Regarde, Nfrou ! cria-t-elle. Regarde, il me lche les doigts ! Dpche-toi Nbanoum,m quon devrait te fouetter ! Va chercher le lait !Nbanoum touffa un rire. Il sinclina nouveau et disparut derrire la maison.Nfrou sapprocha de lenclos. Comme il est beau, dit-elle en caressant le cou lisse de la bte. Le pauvre. tre prisonnie Ne dis pas de btises ! rpliqua Hatchepsout. Si pre ne lavait pas ramen ici, il serai

    ns le dsert, mang par les lions, les hynes Je sais bien. Mais il a lair si mouvant, si assoiff damour, si seulHatchepsout se retourna avec agacement ; le mot quelle allait prononcer mourut sur ses l

    frou pleurait, les larmes coulaient sans retenue sur ses joues. Hatchepsout la regardapfaction, car elle navait jamais vu Nfrou autrement que digne et compose.Elle retira sa main de la bouche du faon et lessuya sur sa robe.

    Que se passe-t-il, Nfrou ? Quas-tu ? Es-tu malade ?Nfrou secoua la tte violemment et se dtourna en silence, luttant pour se ressaisir. Puis av

    rd de sa robe elle sessuya le visage. Excuse-moi, Hatchepsout. Je ne sais ce qui mest arriv. Je nai pas dormi de la journ

    is tre un peu fatigue.

    Oh ! rpondit Hatchepsout, qui ne sut quajouter, mal laise.Lorsque Nbanoum surgit en portant avec prcaution une grande jarre troite, elle se prrs lui avec soulagement. Laisse-moi la porter ! Est-ce lourd ? Ouvre-lui la bouche, et je verserai le lait.Nbanoum et la petite fille entrrent dans lenclos. Il prit doucement lanimal entre ses geno

    s deux mains lui ouvrit la bouche.Hatchepsout approcha la jarre de la gazelle affame et commena verser le lait. Elle vit du

    lil Nfrou sloigner. Maudite Nfrou ! pensa-t-elle furieuse, qui lui avait gch cetteurne ! Sa main trembla et le lait dgoulina sur son visage et se rpandit dsagrablement ju

    ses pieds nus.

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    Nbanoum lui prit la jarre et le faon recula en trbuchant, se lcha les babines et les regardal endormi. Merci, Nbanoum. Cest plus difficile que a nen a lair. Je reviendrai essayer demai

    voir.Lhomme salua trs bas.

    Au revoir, Altesse. Cest toujours un plaisir que de vous voir ici.Hatchepsout rattrapa Nfrou au moment o elle passait la barrire, et dit en lui prenant le br

    Ne sois pas fche, Nfrou. Tai-je dplu en quoi que ce soit ?

    Non. (La grande fille passa son bras autour des frles paules de sa sur.) qui pourrplaire ? Tu es belle, intelligente et gentille. Tout le monde taime, Hatchepsout, mme moi. Que veux-tu dire ? Je ne te comprends pas, Nfrou-khbit. Je taime. Ne maimes-tu p

    ssi ?Nfrou la conduisit lombre des arbres, laissant les serviteurs attendre au milieu de lall Je taime aussi. Mais, plus tard Oh, je ne sais pas pourquoi je ten parle : tu es beap jeune pour comprendre. Mais je dois me confier quelquun. As-tu un secret, Nfrou ? scria Hatchepsout. Tu en as un ! Jen suis sre !

    oureuse ? Je ten prie raconte-moi ! (Elle tira Nfrou par le bras et elles sassirent toutes leslherbe frache.) Est-ce pour a que tu pleurais ? Tes yeux sont encore tout gonfls. Que peux-tu en savoir ? rpondit doucement Nfrou en jouant avec un brin dherbe. Povie ne sera quun jeu sans fin. Le moment venu, tu pourras pouser qui te plat et vivre o bmblera hors de la ville, dans les montagnes. Tu seras libre de tes mouvements ; tu ne feras qe toi et ton poux aurez choisi de faire, et vous vous amuserez avec vos enfants. Mais moi

    Elle jeta au loin le brin dherbe et sadossa au tronc de larbre en serrant les poings. Sous lelmotion, son teint olivtre plit et les muscles de son cou saillirent et se tendirent comm

    rdes. Elle navait plus rien de royal ni de majestueux. Toute la joliesse de ses mains, de so

    , de ses longs cheveux noirs disparaissait sous la dtresse qui ltreignait. Je suis mise lcart, continua-t-elle imperturbablement. Nourrie des mets les plus fue des tissus les plus prcieux. Les bijoux dbordent de mes coffres, et les esclaves et les nprosternent devant moi toute la journe. Je suis condamne ne voir que le sommet de nes. Lorsque je me lve, ils mhabillent, lorsque jai faim, ils me nourrissent ; lorsque jeigue, une douzaine de mains se prsentent pour prparer ma couche. Ils sont l, toujouquau temple o je vais prier et chanter.Elle fit un geste de lassitude et, les cheveux dfaits, elle ajouta :

    Je nai aucune envie de devenir Grande pouse Royale. Je ne veux pas tre une vine. Je ne veux pas pouser ce gentil fou de Touthmsis. Je ne dsire que la paix, Hatchepsovre comme il me plat.

    Elle ferma les yeux et se tut. Hatchepsout timidement caressa le bras de sa sur. Elles resin dans la main tandis que le soleil dclinait et quimperceptiblement les ombres sallongeaiePuis Nfrou se redressa.

    Jai fait un rve, murmura-t-elle. Un rve horrible, qui revient chaque fois que je dors. urquoi je nai pas voulu aller me reposer aujourdhui. Je suis reste dans les jardins, sous un aqu ce que mes yeux brlent de fatigue : le monde me paraissait irrel.

    Jai rv Jai rv que jtais morte et que mon k se trouvait dans une vaste salle obscu

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    gnait une odeur de chair roussie. Il faisait trs froid. Au fond de la salle, dans lencadrement rte, les chauds rayons du soleil brillaient. Je savais quOsiris mattendait. Mais mon k se trns lobscurit, afflig dun profond dsespoir. Une balance me sparait de la porte, et enance et moi, Anubis tait l. Pourquoi aurais-tu peur dAnubis, Nfrou ? Il nest l que pour quilibrer les deux plla balance. Je sais bien. Toute ma vie, jai essay de bien agir pour navoir rien craindre au momen cur sera pes. Mais cela ne se passait pas ainsi dans mon rve.

    Elle sagenouilla et entoura de ses mains tremblantes les paules dHatchepsout. Je mapprochai du dieu. Il tenait la main quelque chose de palpitant. Je savais que c

    on cur. La plume de Mat tait pose sur un des plateaux de la balance. Anubis dposa lens lautre plateau, et la balance se mit pencher. Jtais glace. La balance penchait, penujours plus, puis, le plateau qui contenait mon cur toucha la table avec un son mat. Je comrs que jtais perdue, que je ne rejoindrais jamais Osiris, mais je ne criai pas non, jus

    oment o le dieu, levant la tte, me regarda.Hatchepsout eut soudain envie de senfuir le plus loin possible, pour ne pas entendre la fin

    rrible rve. Elle essaya de se dgager de ltreinte de sa sur, mais Nfrou la retenait, daelle ses yeux tincelants. Et sais-tu ce qui se passa, Hatchepsout ? Il me regarda, mais ses yeux brillants ntaie

    ux du chacal. Non. Car ctait toi qui me condamnais, Hatchepsout. Toi, sous lapparence duis avec ton visage denfant. Ce fut bien plus terrible que si Anubis avait tourn vers moi sa ten, ouvert la bouche et grond. Je criai, mais tes yeux taient aussi froids et morts que le ven

    ufflait dans ces lieux maudits. Je criai, criai, et cest en criant que je mveillai, la tte lourdeSa voix ntait plus quun murmure ; elle prit dans ses bras la petite fille effraye et perplexeSerre contre sa poitrine, Hatchepsout entendait le battement saccad du cur de Nfro

    onde avait perdu dun seul coup sa scurit et son insouciance. Elle entrevit pour la premirdomaines inconnus qui stendaient au-del du regard souriant de ses proches. Ell

    mpression davoir vcu le rve de Nfrou-khbit, mais de lautre ct de la porte, prs dOutant les sinistres tnbres de la salle du Jugement. Elle se dgagea brusquement, et se lev

    ossant les brins dherbe colls au lait rpandu sur sa robe. Tu as parfaitement raison, Nfrou-khbit. Je ne comprends pas. Tu mas fait peur,

    aime pas a. Pourquoi ne pas consulter les mdecins ? Je lai dj fait. Ils ont hoch gravement la tte, souri, et ont dclar que je devai

    iente, car il est frquent que les jeunes gens nourrissent des ides tranges en grandissant. Etres ! Ils mont conseill de faire davantage doffrandes. Amon-R a le pouvoir de vous dtoute crainte, ont-ils dit. Jai donc fait un plus grand nombre doffrandes et jai pri, mais le rrsist.Nfrou se leva son tour, et Hatchepsout saccrocha son bras pour regagner lalle. En as-tu parl pre et mre ? Mre aurait souri et maurait offert un nouveau collier. Tu sais aussi que pre se met socolre lorsque je demeure en sa prsence trop longtemps. Non, je pense quil me faut prience. Je verrai bien si ce rve disparat avec le temps. Je suis dsole de tavoir boulevers

    nnais beaucoup de monde maintenant, mais je nai pas damis, ma chrie. Jai souvent le sent

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    e personne ne se proccupe de ce que je peux ressentir. Je sais que pre ne sintresse pas rs qui dautre au monde cela pourrait-il intresser ? Car le monde, cest lui, nest-ce pas ?Hatchepsout soupira. Elle avait dj perdu le fil des propos de Nfrou.

    Nfrou, pourquoi dois-tu pouser Touthmsis ? lui demanda-t-elle. Je crois que tu es incapable de comprendre cela aussi, et je suis trop fatigue pour me meexpliquer maintenant. Demande-le au pharaon quand tu le verras, rpondit-elle amrement.Elles terminrent leur promenade en silence. Lorsquelles arrivrent au vestibule ensoleil

    nduisait aux quartiers des femmes, Nfrou sarrta et retira doucement son bras.

    Va retrouver Nosm et prendre un autre bain. te voir, on pourrait croire que tu nes ndiant crasseux chou ici par hasard, dit Nfrou en riant faiblement. Je dois regagner

    partements et songer la faon dont je mhabillerai ce soir, ajouta-t-elle. Vous pouvez partir ux, dit-elle aux esclaves qui attendaient derrire elle. Vous ferez votre rapport la nourrice rus tard.

    Dun air absent, elle donna une petite tape amicale Hatchepsout, et sclipsa dans un clibracelets.Hatchepsout rentra chez elle en proie un trange tat desprit. Tout tait si simple et agr

    refois, lorsque chaque jour apportait sa moisson de jeux et de rires. Ne devrait-elle pntenter de jouer avec les jeunes aristocrates et les fils des dignitaires quelle ctoyait chaque jcole, en laissant Nfrou grandir et disparatre de sa vie ? Un tel foss avait dj commencuser entre elles. Aprs la crmonie qui avait marqu lentre de Nfrou dans ltran

    quitant royaume des femmes, on lavait installe dans laile nord du palais, o elle jouissaitdin personnel agrment dun bassin, possdait des esclaves, des conseillers et des hrauposait des services dun prtre pour les sacrifices quelle dsirait accomplir. Hatchepsout sa sur se transformer dune douce jeune fille insouciante en une jeune femme pleine de dign

    nferme sur elle-mme, qui se promenait, indiffrente et distante, escorte de sa suite.

    En entrant dans ses appartements, Hatchepsout fit le vu de ne pas devenir comme sa scida quelle serait toujours gaie, quelle ferait de beaux rves toutes les nuits et aimeramaux.Mal son aise, elle ne prta aucune attention aux reproches que lui fit Nosm aprs

    couvert le dplorable tat de sa seconde robe propre de la journe. Le rve de Nfrou planae comme un lourd nuage sombre qui refusait de se dissiper. Les rcriminations de la nouirent par latteindre et lenfant se rebella : Tais-toi, Nosm, dit-elle. Enlve-moi cette robe, mais je ten prie, tais-toi !

    Le rsultat fut surprenant. Aprs un instant de silence pendant lequel Nosm, interloque,uche be, elle sinclina et sloigna. Elle avait compris que le dernier poussin dont elle avarge se mettait voler de ses propres ailes, et que ses jours en tant que nourrice royale mpts.

    Le soleil finit par dcliner. R se couchait lentement et sa barque laissait derrire elle dard

    nes rouges dans les jardins impriaux lorsquHatchepsout alla saluer son pre. Le grand Hit install sur son sige majestueux, le ventre dbordant de sa ceinture orne de joyauxposante poitrine tincelait dor et sur sa tte massive se dressaient les symboles de la roy

    llant dans les rayons obliques du Pre Cleste.

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    Touthmsis Ier, prs de soixante ans, dgageait encore cette impression de force animobstination qui lui avait permis de reprendre la crosse et le flau que lui avait lgusdcesseur et de sen servir pour anantir les vestiges de la domination Hykss. Il jouissait mense popularit parmi le peuple gyptien, lui, le dieu de vengeance et de libert qui avait affrontires de son royaume et qui, brillant tacticien en campagne, avait largement fait profitux et le peuple de ses butins, apportant son pays la paix et la scurit. Il avait t aut

    nral dans larme du pharaon Amnophis, qui avait rpudi ses propres enfants pour lui remdouble couronne. Touthmsis avait alors abandonn sa premire femme pour pouser Ahms

    Amnophis, et lgitimer ainsi son accession au trne. Les deux fils quil avait eus du premiourdhui des hommes, avaient t enrls dans son arme. Ces courageux soldats assuraientr pre la garde des frontires. Son pouvoir et sa popularit taient grands, plus grands peue ceux daucun autre pharaon avant lui, mais ils ne lavaient ni affaibli ni adouci. Sa dterminbranlable comme le granit, permit son pays de se remettre enfin de ses tourments, de vivre panouir en paix.Touthmsis, assis prs du lac en compagnie de son pouse, de ses scribes et de ses esclav

    posait avant le souper et contemplait les petites rides roses que faisait natre la brise tardiv

    face de leau. Au moment o Hatchepsout sapprocha de lui, pieds nus, il sentretenait aveil ami Pen-Nekheb dont chaque expression, chacun des mouvements dnonaient lembuthmsis tait proccup. Il regarda le lac encore quelques instants, puis soudain sa voixaspration perait, parvint aux oreilles dHatchepsout : Allons, allons, Pen-Nekheb, toi et moi nous avons pass de longs moments ensemble, s

    amps de bataille et partout ailleurs. Ne tai-je pas pos une question ? Nai-je pas exigonse ? Je dsire que tu me fasses un rapport sur les progrs de mon fils, et tout de suite.Pen-Nekheb sclaircit la gorge :

    Votre Majest sest toujours montre bonne pour son humble serviteur, et, sil doit enc

    tre ire, votre humble serviteur sen excuse par avanceTouthmsis frappa laccoudoir de son sige de sa main bague.

    Ne joue pas au plus fin avec moi, mon ami. Je connais bien ton orgueil, mais je connaisn talent. Fera-t-il ou non un bon soldat ?

    Pen-Nekheb se mit transpirer sous sa courte perruque noire. Majest, permettez-moi de vous dire que Son Altesse Royale nest pas venue lex

    puis longtemps. Dans ces conditions, on ne peut se hasarder considrer ses progrs coisfaisants (Sa voix se perdit dans un murmure, et Touthmsis lui fit signe de sasseoir.)

    Assieds-toi, assieds-toi ! Mais quas-tu donc aujourdhui ? Crois-tu que je taie charntranement militaire de mon fils pour tes talents de jardinier ? Fais-moi un rapport clconstanci, autrement tu peux rentrer chez toi sans dner.Ahms se dtourna en esquissant un sourire. Sil y avait un homme en qui son poux et e

    nfiance, ctait bien ce grand soldat, au visage disgracieux, qui se tenait gauchement dispectueuse. Certes, convaincue quil tait peu judicieux de discuter un tel sujet le ventre videuvait nanmoins la situation amusante. Or, elle navait pas si souvent loccasion de samuserniers temps.

    Pen-Nekheb semblait avoir pris une dcision. Bombant le torse, il dclara :

    Majest, il me cote beaucoup davoir vous avouer cela, mais jestime que le

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    uthmsis na pas lenvergure dun soldat. Il est mou et maladroit en dpit de ses seize ans. cun got pour la discipline. Il est (Lhomme eut du mal poursuivre, mais il se lananergie du dsespoir :) Il est paresseux, il a peur des coups et de la violence. Peut-tre fera-tllantes tudes ? conclut-il plein despoir.Dans le long silence qui suivit, une des esclaves pouffa dun rire hystrique, et on la fit

    utalement. Touthmsis ne rpondit rien. Le rouge lui monta au visage, et il laissa errer son rles murs du palais, le lac et la tte penche de son pouse. Inquiets, ils attendaient tous, c

    aient reconnu les symptmes de la colre royale. Mais le pharaon remarqua sa fille, sourian

    emier rang de la foule. Il lui fit signe dapprocher, et tous poussrent alors un soupulagement. La bourrasque tant redoute ne serait en fin de compte quun vif zphyr. Je me rendrai en personne sur le champ de manuvres, dclara Touthmsis. Ds demttras mon fils lpreuve. Si tu mas menti, Pen-Nekheb, je te retirerai tout pouvoir. Hatchepchrie, viens donc membrasser et raconte-moi un peu ce que tu as fait aujourdhui.Elle courut lui et sassit sur ses genoux, en se blottissant contre son cou.

    Oh ! Comme vous sentez bon, pre.Elle se pencha pour embrasser Ahms.

    Mre, jai vu la petite gazelle. Nbanoum ma laisse la nourrir. Et Touthmsis a encoreevoir une autre correction ce matin, lcole (Avec la fine intuition des enfants, elle coe en voyant le visage de son pre sassombrir lerreur quelle avait commise.) Il a simplelli, ajouta-t-elle prcipitamment. Nfrou la lui a viteLa respiration du pharaon sacclra et Hatchepsout descendit rapidement des genoux de son

    ur se rfugier prs dAhms. Elle dcida de faire une autre tentative. La journe avait commune faon si agrable, pensait-elle, et voil quelle sachevait comme dans les horribles contsm. Pre, dit-elle de sa petite voix chantante, ce serait trs gentil de votre part de d

    elquun dautre en mariage Touthmsis. Nfrou ne veut pas de lui et elle est tellelheureuseElle sinterrompit brusquement, voyant lexpression amuse de son pre faire place une c

    oissante. Consciente du silence oppressant qui lenvironnait, elle se mit sauter dun pieutre. Je sais, je sais, dit-elle, je moccupe toujours de ce qui ne me regarde pas Hatchepsout, murmura sa mre dune voix angoisse, que test-il donc arriv aujourd-tu encore bu la bire des serviteurs ?

    Son pre se leva, et toute sa suite aprs lui. Je pense quil est grand temps, dit-il avec srieux, que nous ayons une petite discussiondeux, Hatchepsout. Mais pour linstant je suis fatigu et affam. Je suis las des sottises de

    fants. (Il jeta un coup dil Pen-Nekheb, puis sa malheureuse pouse.) Ahms, tcnqurir auprs de Nosm sur ce qui a bien pu se passer ; je veux le savoir ce soir. Quant tchepsout, viens me voir dans mes appartements avant daller te coucher. Et fais des vux pouuver de meilleure humeur.Il les regarda tous dun air furieux et partit, ses gens dans son sillage.Pen-Nekheb se leva pniblement, et commena sa promenade vesprale autour du lac

    aller dner. Les brefs clats de mauvaise humeur de lUnique ne limpressionnaient pas

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    sure, mais il avait fait une chaleur accablante et ses os lui paraissaient aussi fragiles queaux.Ahms sourit sa fille tandis quelles se dirigeaient vers les appartements royaux.

    Tu as vraiment manqu de tact tout lheure, lui dit-elle, mais ne tinquite pas. Ce nestquil en veut, mais Touthmsis. Il naura pas grand-chose te dire ce soir. Sil ne tavait pait perdu, Hatchepsout, ajouta-t-elle tristement. Il veille sur toi comme laigle sur ses puvre Nfrou ! Maman, je suis moi aussi fatigue et affame. Nosm ma fait mettre une robe trop rch

    gratte. Ne pouvons-nous pas changer de sujet ? (Hatchepsout regarda Ahms de ses grandsirs, et sa mre poussa un soupir.)

    Amon, pria-t-elle en silence au moment o elles pntraient dans son vaste appartement rs que les esclaves allumaient les lampes, elle est votre fille. Elle est votre incarnation m

    otgez-la contre elle-mme. Pour le pcheur solitaire qui descendait le Nil dans sa petite embarcation fragile, en p

    scurit, le palais de Thbes devait paratre comparable aux splendeurs promises du paOsiris. la tombe de la nuit, les milliers de lampes sallumrent brusquement, comme si un

    ait lanc sur terre une poigne dtoiles lumineuses et scintillantes qui se seraient disposes as vastes salles et des nombreuses alles paves de ce royaume dans le royaume, se refltaurbillons dansants sur le fleuve plong dans la nuit.

    Le domaine comprenait un ensemble de jardins, dautels, de petites maisons et dcurieanges et de communs, sans compter le palais lui-mme, avec ses gigantesques salles de rceptfestin, ses portiques aux colonnes leves, ses promenoirs rehausss de vives couleurs et pav

    prsentations de poissons et doiseaux, de chasseurs et de gibier, de plantes de tout cuvait agrmenter lexistence. Lensemble jouxtait le temple et ses sombres pilastresnombrables statuettes du fils du dieu. Touthmsis, assis dans une pose hiratique, les mains su

    noux, le mme visage impassible, rpt linfini, contemplant son domaine inviolable.Les jardins aussi taient illumins, jonchs de lampes rougeoyantes et, tandis que des esc

    s et parfums leur clairaient le chemin, les femmes, les concubines et les nobles, les dignitaiscribes flnaient dans lair embaum de la nuit.Sur le fleuve, la barque royale rehausse dor, dargent et de bois prcieux flottait douce

    arre au pied des larges degrs qui donnaient sur une grande cour pave borde darbres supere lesquels schappaient les avenues conduisant aux salles blanches et or qui abritaient le lgypte.

    Le pcheur ne sattarda pas sur la rive droite du fleuve. Cest l que stend la ncropole, aus sombres falaises qui marquent la limite du dsert. Les lumires sur le fleuve, celles des dems prtres et des artisans travaillant aux tombeaux et aux temples consacrs Osiris, taientuces et plus rares. Le vent de la nuit soufflait travers les autels dserts, et les hommes averm leurs portes derrire eux jusquau moment o R les appellerait pour une nouvelle journeur dans les Maisons des Morts. Les colonnes lances et les ncropoles vides, jon

    offrandes de nourriture et de fleurs fanes destines tous ceux qui avaient dsormais rejoinrnire demeure, offraient un reflet infidle, dform et lugubre de la vie palpitante et frmisla cit impriale de Thbes.

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    La nuit tait calme et chaude, le vent du soir tait tomb. Hatchepsout, Nosm et touviteurs affects la garde des enfants empruntrent les couloirs clairs par les torches, et bfiles de serviteurs immobiles, vers la salle manger. Si aucune fte en lhonneur de qugation trangre ne se droulait ce soir, la salle tait tout de mme remplie dhtes, de noble

    voris et damis de la famille royale. La rumeur de leurs discussions et de leurs rires parvineilles de la petite fille avant mme quelle nentendit le chef des hrauts annoncer solennellem La princesse Hatchepsout Khnoum-Amon.Lassemble se tut un instant, salua, puis les conversations reprirent. Hatchepsout cherch

    re des yeux, mais il ntait pas encore arriv. Elle ne vit pas Nfrou non plus. En revancherut, assis dans un coin de la pice, Ouser-Amon, en compagnie de Menkh. Elle se fraemin jusqu eux, en vitant de bousculer les esclaves qui versaient le vin et installaienussins ou des petits siges pour les convives. Elle ramassa en passant une fleur de lotuelquun avait d perdre et la fixa dans ses cheveux. Lpais et enttant parfum parvint trs vnarines, et elle en huma profondment larme tout en sasseyant en tailleur auprs des garo Je vous salue. Que faites-vous donc ici ensemble ?Menkh rpondit mollement son salut et fit un clin dil Ouser-Amon. Ils aimaient

    tchepsout, mais on avait limpression quelle tait partout la fois, et simmisait dans ites intrigues, quils le veuillent ou non. Depuis leur tentative dexpdition rate, ils avaient pour lviter, mais elle surgissait toujours au moment o lon sy attendait le moins. Nanmavait beau dire, elle ntait certainement pas ennuyeuse.Ouser-Amon, le rejeton dune des plus anciennes et plus nobles familles du royaume, la trait

    ale. Son pre, le vizir du sud du pays, lun des hommes les plus puissants aprs le phaveillait la plupart du temps les tribus dont il avait la charge, et en son absence Ouser-Amon palais. Il lui fit une profonde rvrence, quelque peu extravagante. Je vous salue, Majest ! Votre beaut est plus blouissante que celle des toiles. Ah ! C

    p pour mes pauvres yeux, je ne peux plus vous regarder !Hatchepsout clata de rire.

    Un jour je te ferai rpter ces propos face contre terre, Ouser-Amon. De quoi parlieznc ? De chasse, rpliqua Ouser-Amon en se redressant. Le pre de Menkh nous emmne av

    main matin, trs tt. Il se pourrait que lon ramne un lion ! Bah ! Les hommes eux-mmes ont dj du mal tuer un lion. Commencez par en trouvondit Hatchepsout.

    On va aller dans les collines, dit Menkh. Et on campera dehors toute la nuit. Puis-je venir avec vous ? demanda vivement Hatchepsout. Non ! rpondirent les deux garons avec un bel ensemble. Et pourquoi pas ? Parce que tu es une fille, et parce que lUnique ne te laissera jamais venir avec nous, rpmement Ouser-Amon. Les petites princesses ne vont jamais la chasse. Mais les grandes princesses y vont, elles. Quand je serai grande, jirai chasser tous les je serai la meilleure chasseresse du royaume.Menkh sourit. Lamour quHatchepsout portait aux animaux ne lui permettrait jamais de tuer

    ose que des canards, et elle le savait fort bien. Mais bien quelle net que dix ans, son orgu

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    ussait vouloir tre la meilleure en tout. O tais-tu aujourdhui ? lui demanda-t-il. Je ne tai vue nulle part. Je me suis attir des ennuis, grommela-t-elle. Ah ! Voil pre et mre. Nous allons po

    ner.Tous les fronts sinclinrent jusqu terre. La voix du grand hraut sleva claire et nette :

    Le Puissant Taureau de Mat, Horus incarn, le prfr de deux desses, tincelant audiadme Crois-tu que ta mre va encore senivrer ce soir ? glissa-t-elle tout doucement Menkh.

    Oh ! chut ! chuchota-t-il furieusement. Ne peux-tu pas rester tranquille cinq minutes ? Non. Jai faim ! a fait des heures que jai faim !Dun geste, Touthmsis fit se relever la cour et tout le monde se remit parler. Les in

    ssirent, chacun une table basse, et les esclaves se glissrent entre eux portant leurs plateut de bras. Lesclave dHatchepsout sapprocha delle et la salua. Oie rtie, Altesse ? Buf ? Concombre farci ? Un peu de tout !Tout en mangeant, elle chercha anxieusement Nfrou des yeux, mais ne la dcouvrit nulle

    s musiciens entrrent sur un signe de son pre : un homme portant une grande harpe, des femx longues robes plisses, un cne de parfum sur la tte, leurs instruments sous le bras. Hatchemarqua avec plaisir que les femmes allaient jouer de ce nouveau luth rcemment rapportntres sauvages du Nord-Est. Elle se promit den faire venir une jouer pour elle dans sa chapeu plus tard, mais elle se souvint, la mort dans lme, quelle devait aller retrouver le pha

    ors que la musique commenait, elle repoussa ses plats, trempa ses doigts dans un bol reeau, puis les essuya sur sa robe. Elle se faufila jusqu sa mre, entre les tables des convivesre tait en grande conversation non loin de l, avec le pre de Menkh, Inni, son architectre lui sourit et la fit asseoir sur un coussin prs delle.

    Tu es trs belle ce soir, dit-elle. Tu devrais porter plus souvent des fleurs dans les chela te va trs bien.Hatchepsout sagenouilla sur le coussin.

    Mre, o est Nfrou-khbit ? Si pre saperoit de son absence, il sera trs mcontest moi quil va gronder ce soir.Sa mre reposa la grenade quelle allait manger et soupira.

    Je devrais peut-tre envoyer quelquun la chercher. tait-elle indispose aujourdhui ? Oui. Elle ma dit quelle avait fait un rve affreux. Va-t-elle tomber malade ?

    Ahms but une gorge de vin. La musique excute en sourdine couvrait lgrement le bavas invits ; le rire sonore du pharaon retentit bientt, suivi dun autre clat de rire. Les nfiques de la nourriture sur lhomme, fut-il pharaon, se rvlaient stupfiants, pensa-t-elle. Eurna vers sa fille. Je nen sais rien, chrie. Je ne pense pas. Mais hier nous nous promenions toutes deux puve et les lvriers de Pen-Nekheb gambadaient au bord de leau, comme tu limagines. Son deux lui sauta dessus. Elle se mit hurler et le bourrer de coups de poing. Tu sais combiere dteste les accs de mauvaise humeur et lagacement chez une femme. Je ne lui en ai donrl, mais ce fut l une bien triste exprience.

    Elle a rv dAnubis.

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    Alors je comprends sa raction. Elle sest mise aussi porter lamulette de Mnat. Pou-elle donc si sotte ? La fille ane du puissant Touthmsis na pourtant rien craindre. Moi, si. Cette ide vint brusquement lesprit de Hatchepsout, mais elle dem

    perturbable malgr les battements prcipits de son cur. Moi ? Bah ! Nfrou a russi mmuniquer sa peur.

    Ahms fit un signe Htphras, son esclave et fidle compagne. Va voir si Nfrou est dans ses appartements et tche de savoir pourquoi elle nest pas r, lui ordonna-t-elle. Sois discrte. Je ne veux pas que le pharaon en connaisse la raison

    oi, as-tu compris, Htphras ?La femme sourit.

    Parfaitement, Majest, lui rpondit-elle en sinclinant, puis elle sclipsa. Maman, pourquoi Nfrou doit-elle pouser Touthmsis ?Ahms leva les bras au ciel.

    Oh ! Hatchepsout, faut-il vraiment que tu sois mise au courant de tout ? Je vais quand xpliquer. Mais tu ne comprendras pas. Est-ce un mystre ?

    Dune certaine manire. Ton immortel pre ntait que gnral dans larme du mien, juque mon pre dcidt que ce serait lui le prochain pharaon. Mais pour quil pt le deectivement, il a fallu quil mpouse, car cest en nous, les femmes royales, que coule le sau. Nous transmettons la ligne et aucun homme ne peut devenir lui-mme pharaon sil npe femme de pure ligne royale, dont le pre ait t pharaon. Cest ainsi quil en sera toujours,n ainsi que Mat en a dcid. Nfrou-khbit est de pur sang royal, mais Touthmsis ne les

    oiti par ton pre, car Moutnefert, sa seconde pouse, nest que fille de noble.Il ny avait dans son ton aucune nuance de dsapprobation, elle se contentait de constate

    ts, qui faisaient partie des choses de la vie et ne changeraient jamais.

    Ton pre na pas encore dsign son hritier, mais il y a de fortes chances pour quil choiuthmsis. Sil en est ainsi, Nfrou devra alors lpouser pour quil soit pharaon. Mais, maman, si nous les femmes, sa mre sourit si nous les femmes possdons ce

    yal et que les hommes ont besoin de nous pouser pour pouvoir gouverner, alors pourquoi nus en passer ? Pourquoi ne pouvons-nous pas tre nous-mmes pharaon ?

    Sa mre rit en voyant le petit visage se concentrer sous leffort de la rflexion. Cela aussi, cest la loi de Mat. Seuls les hommes sont autoriss gouverner. Aucune fpourra jamais devenir pharaon.

    Moi, si.Ces mots sortirent nouveau indpendamment de sa volont, spontanment. Le Hatchepsout battit se rompre et elle se mit trembler.

    Ahms prit les petites mains froides dans les siennes. Les petites filles font souvent de beaux rves, sais-tu, mais ce nest quun rve. Tu ne po

    mais tre pharaon, et je suis persuade que si tu y penses srieusement, tu nen auras plus auvie. Quand bien mme les femmes auraient la possibilit de gouverner, cest Nfrou, qui ese que toi, qui monterait sur le trne. Elle ne le voudrait pas, rpliqua Hatchepsout posment. Elle ne le voudrait jamais.

    Retourne ta table prsent.

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    Ahms tait lasse de ce dferlement de questions. Ton repas va tre froid. Quand Htphras sera de retour, je te donnerai des nouvellfrou, mais ne tinquite plus pour elle. Je crois quelle est plus forte quelle nen a lair. Je nen crois pas un mot , pensa Hatchepsout en se levant.Ahms, toujours souriante, se remit dner, et Hatchepsout sen revint sa place, au bout

    le. Elle passa prs de Touthmsis et saccroupit spontanment ct de lui. Es-tu toujours de mauvaise humeur, Touthmsis ? Laisse-moi tranquille, Hatchepsout. Je suis en train de dner.

    Je le vois ! Tu crains que je ne te coupe lapptit ? Sais-tu que ton pre ira demain au cmanuvres pour se rendre compte par lui-mme de ta maladresse ? Je sais. Ma mre me la dit. Est-elle ici ? L-bas, dit Touthmsis en la montrant du doigt. Allez, va-ten. Jai assez de soucis comm

    argne-moi donc tes sarcasmes.Moutnefert, la seconde pouse, croulant sous les bijoux quelle adorait, enfournait

    urriture dun air dtermin. Elle avait toujours aim manger, mais prsent, ctait sa passion

    urbes voluptueuses qui avaient attir le pharaon se transformaient peu peu en disgraurrelets de graisse. Compare la charmante et dlicate Ahms, Moutnefert tait plutt lois sa capacit samuser de tout tait demeure intacte. Hatchepsout la trouvait stupide, essit en haussant les paules. Les hommes ! Mritaient-ils dtre compris ? Son plat tait froidrepoussa. Voulez-vous quelque chose de chaud, Altesse ? lui demanda son esclave.Elle refusa dun geste de la tte.

    Apporte-moi de la bire. Mais Votre Altesse naimera pas a.

    Jaimais bien a il y a quelques jours. Et cesse de mapprendre ce que jaime ou naime pTout en buvant, elle vit Htphras se glisser dans la salle et murmurer quelque chose lo

    sa mre. Ahms hocha la tte, puis se remit manger. Ce ne devait donc tre rien de grave, ptchepsout.Menkh et Ouser-Amon avaient termin leur repas et se battaient par terre, au milieu

    nvives ; la mre de Menkh buvait son vin aussi goulment quun soldat en permission. Les caient cess. Le pharaon avait la migraine. Les musiciens continuaient jouer doucemennvives dnaient encore, buvant et riant, les heures scoulaient. Hatchepsout sinstalla, le m

    ns les mains, lgrement enivre par la bire forte, en attendant que Nosm vienne lui sigil tait temps daller se coucher. Son pre, enfin, repoussa sa table et se leva. Tous ceux quvaient encore se levrent aussi et sinclinrent.

    Il se dirigea majestueusement vers sa fille et lui offrit son bras. Viens, Hatchepsout. Cest lheure de notre petite conversation. Tu pourras regagner ta c

    suite. Tu as de grands cernes autour des yeux. Nosm !La nourrice se prcipita.

    Accompagne-nous.La musique reprit tandis quils quittaient la salle et sengageaient dans les vastes couloirs.

    Les salles de rception prives et les appartements du pharaon taient aussi peu meubls q

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    te du palais, mais on y reconnaissait bien le centre du pouvoir. Les portes taient encadrux statues de grs recouvertes dor, vritables cerbres qui jetaient sur quiconque en franchissuil leurs sombres regards menaants. Au-del des portes en cuivre repouss reprsentauronnement de Touthmsis, stendait lappartement dont les murs, scintillants sous la lumirnombrables lampes dores, taient orns de dieux dargent, darbres dors, doiseaux.onnes lances slevaient vers le plafond incrust de lapis-lazuli. Lor, ce don des dieux, cr, tait prsent partout : la couche du pharaon tait en or, de mme que les quatre pattes

    and lion dont la tte reprsentait Amon lui-mme, jetant sur son fils un regard protecteur.

    atre coins de la pice, quatre dieux figs dans leur immobilit, une couronne dor sur laojetaient leurs ombres sur le sol immense. Ctait exactement le genre de pice qui pouvait ree petite fille deffroi et dorgueil.

    Touthmsis se laissa tomber dans le grand fauteuil dor prs de sa couche et fit signe sa fisseoir. Il la regarda un long moment et elle soutint fermement son regard, un peu tourdie pre, les mains fortement serres entre ses genoux bruns. Il tait rellement impressionnant, cei tait le sien, avec son crne chauve, ses larges paules puissantes et son menton agressif poinant.

    Hatchepsout, dit-il enfin. (Elle se leva en sursautant.) Jespre que tu noublieras jame je vais tapprendre, car si ctait le cas, tu ten repentirais toute ta vie.Il attendit quelle rpondt quelque chose, mais aucun son ne sortit de sa bouche ouverte

    ursuivit donc : Il ne se passe aucun moment dans la journe sans que des milliers de gens ne sachent o uve et ce que je suis en train de faire. Jordonne et ils obissent. Je me tais et ils tremblent.m est sur toutes les lvres, du plus novice des prtres du temple jusqu mes propres conseillepalais bourdonne continuellement de rumeurs, de conjectures, de spculations sur ce qui cons actions venir ou les intentions de mon esprit. Je suis cern par les complots, les co

    mplots, les suspicions, les petites intrigues. Mais je suis pharaon, et un mot de moi signifie lala vie. Par contre, il est une chose quils ne peuvent pas connatre, aucun dentre eux, et c

    i, en dernier ressort, reprsente rellement mon pouvoir.Il montra son front de son doigt orn de bagues.

    Mes penses. Mes penses, Hatchepsout. Il nest pas un mot que je ne prononce sans lrement pes, car je sais quune fois dites, mes paroles sont rptes dans tout le pays. Voon que je voulais tapprendre. Tu ne dois, sous aucun prtexte, jamais rvler, ni moiiconque, tes frayeurs ou tes conclusions irrflchies devant qui nest pas ton ami le plus intim

    is-moi, il ny a en fin de compte personne en qui un pharaon puisse avoir confiance. Au sommuvoir, il nest quune personne en laquelle il puisse se fier : lui-mme. Timagines-tu quoment mme les paroles que tu mas dites cet aprs-midi sont colportes, murmures dansines, dans les curies, dans les cellules du temple ? Nfrou-khbit est malheureuse. La prinveut pas pouser le jeune Touthmsis. Cela veut-il dire que lUnique a choisi son fils pou

    ccder ? Et ainsi de suite Tu mas fait du tort aujourdhui, ma fille, ten rends-tu compte ?Il se pencha vers elle.

    Le temps o une telle tourderie se rvlera lourde de consquences approche grandr je nai pas encore choisi Touthmsis comme successeur. Non, pas encore, et la dcision

    s facile prendre. Les prtres sont puissants, et ils me pressent de leur faire connatre ma rp

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    us je vieillis, plus mes conseillers sinquitent. Eux aussi veulent savoir. Mais je rservonse. Sais-tu pourquoi, ma petite ? N non, pre, russit dire Hatchepsout.Touthmsis se cala dans son fauteuil et ferma les yeux en soupirant profondment. Lorsqu

    uvrit, il la fixa de son regard sombre et direct. Tu ne ressembles pas ta mre, la charmante et soumise Ahms, que jaime dailleurs. sembles pas non plus la ple et timide Nfrou, ta sur, ni ton demi-frre si paressenchalant. Je reconnais en toi la force pure de ton grand-pre Amnophis et la tnacit d

    ouse Ahotep. Te souviens-tu de ta grand-mre, Hatchepsout ? Non, pre. Mais il marrive de rencontrer Youf de temps en temps quand il se prom

    rlant tout seul. On dirait une vieille prune toute sche. Les enfants se moquent de lui. Il y a trs longtemps, le prtre de ta grand-mre tait un homme extrmement puiss

    nrable. Ne lui manque jamais de respect. Cela ne marrive jamais. Je laime bien. Il me donne souvent des sucreries et me racontoires du temps jadis. Et lcoutes-tu ?

    Oh ! oui ! Jadore les histoires de mon anctre le dieu Skhnenr qui a men notre pmbattre le mchant Hykss et qui est mort en se battant. Cest passionnant ! Quel hros a-te ! dit-elle de sa voix aigu et enfantine. Oui, et brave aussi. Je trouve que tu lui ressembles beaucoup, ma chrie, et toi aussi, unseras comme lui, capable de soumettre les hommes ton pouvoir. Mais tu as encore beaucoprendre.

    Les faits sont l, pensa-t-il. Et quy puis-je ? Mais, pre, dit Hatchepsout timidement, je ne suis quune fille. Quune fille ? scria-t-il. Quune fille ? Mais que veux-tu dire ? Ne tinquite

    tchepsout. Grandis et embellis, mais rappelle-toi toujours ma leon. Tourne ta langue sepns ta bouche avant de parler. (Et, souriant lgrement, il conclut en se levant :) Et ne crois paconduite de Nfrou mait chapp, mme si ta mre se plait croire que cela marrive parfooccuperai de Nfrou quand il en sera temps. Et il en sera selon ma volont. Nosm !La nourrice entra et attendit les ordres, tte baisse.

    Emmne-la se coucher, et continue veiller sur elle. Quant toi, mon petit feu follet, mpeu les paroles du dieu Imhotep : Que ta langue ne soit pas telle un drapeau claquant au ve

    aque rumeur.

    Je men souviendrai, pre. Prends-y bien garde. Bonne nuit, dit-il en se penchant vers elle pour lembrasser. Bonne nuit.Elle serra ses paumes lune contre lautre, sinclina, puis ajouta :

    Et merci. De quoi donc ? De ne pas mavoir gronde bien que je vous aie contrari. Je suis heureux que tu aies aussi bien retenu les leons de ton matre, rpondit-il en riant.Il lui fit une petite caresse, et elle slana vers Nosm et, sans un bruit, les portes se referm

    rrire elles.

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    2Quinze jours aprs quHatchepsout stait fait rprimander par son pre, un jeune ho

    apable de trouver le sommeil sassit au bord de sa paillasse. On tait dans le mois de Paair tait lourd. Le fleuve commenait senfler et ses eaux coulaient plus vivement. Ordinaire

    un calme argent, elles se teintaient prsent de rouge et leur grondement, au lieu de berune homme, lirritait et lempchait de se reposer. Il roula finalement sur le sol en terre battue,rouva au pied de son lit, en sueur et affam. Son dos lui faisait mal. Ses genoux aussi doloris. Il avait pass la semaine frotter le sol des appartements des prtres chargmonies funbres, ce qui lavait mis de mauvaise humeur. Ce ntait pas pour en arriver lit venu Thbes, trois ans auparavant, ses prcieuses sandales et son unique pagne envelons un ballot. Il tait tout moustill alors, imaginant par avance son ascension rapide parmtres, jusqu ce quun jour, sait-on jamais, le pharaon lui-mme en vienne le remarquer etvienne du jour au lendemain quoi donc ? Il passa la main sur son crne ras et soupira

    bscurit. Un grand architecte. Un homme capable dinscrire dans la pierre le rve des rois.s trois annes passes au service des prtres ; lui, le plus humble parmi les humbles, il avaitay, fait les commissions pour son matre, ici ou l, jusquau temple de Louxor. Ses espranchesse et de clbrit staient vanouies peu peu, faisant place une amertume et une ambutale qui troublaient son sommeil et chassaient sa gaiet naturelle.

    Il nabandonnerait pas ! Tel fut le serment quil fit ardemment aux murs invisibles. Il meux que tout cela.Il pensa son matre dcole, dans le petit village o son pre vivait pniblement su

    elques arpents de terre. Tu as une grande agilit desprit, lui avait-il dit, et une bonne comprhension des donnesoblme. Ton pre ne peut-il tenvoyer tudier quelque part dans un temple ? Tu es fiait pourn, Senmout.Ainsi lui parlait-il alors quil navait que onze ans.Il avait quitt la ferme en compagnie de son pre pour se rendre Thbes, o un des frres

    re tait novice. Aprs des jours dattente, o il fut houspill en tous sens, o un garnement lusandales sa barbe, le surveillant du sminaire leur accorda enfin une audience. Senmout

    pelait que trs peu cette visite. Il tait surtout fatigu et intimid, et navait quune ide en

    ntrer chez lui et oublier tous ses projets. Mais, parlant voix basse, son pre lavait pousant et avait dploy le rouleau sur lequel le matre avait inscrit ses bons rsultats. Lhomme,

    blanc, aussi parfum que la desse Hathor en personne, mit quelques grognemsapprobateurs, manifestant son profond ennui, mais finit par attribuer une cellule et une cerdotale Senmout. Il quitta donc son-pre avec regret, aprs lavoir remerci de tout ceait fait pour lui. Quand tu seras devenu un homme important, un vizir peut-tre, tu nous achteras un

    mbeau pour ta mre et pour moi ; ainsi les dieux pourront se souvenir de nous, lui dit-il en sour

    Le vieil homme plaisantait demi ; une pointe de tristesse perait travers ses propmaginait pas une seconde que son fils pt faire autre chose que les basses tches domestiqu

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    mple ; il deviendrait ventuellement matre des Mystres, mais srement rien de plus. Il ncune illusion sur le monde froid et dangereux dans lequel allait pntrer Senmout. Aprs lbrass sur les deux joues et lui avoir recommand de se montrer bon lgard de tous, il p

    emin du retour, ignorant quel dieu implorer pour protger son fils. Il aurait certainement besoius lui soient favorables.

    Ah ! Thbes, pensa le jeune homme tout en frictionnant ses genoux douloureux, combien mduis lorsque je vis pour la premire fois tes tours dores scintiller lhorizon, de lautre cand fleuve ! Je me souviens de mon rveil ce matin-l ; R baignait toute chose de son cla

    ang, des collines jusquau dsert. Je vis en me levant ses rayons lumineux traverser de part enpalmiers et les grenadiers. Et je demandai mon pre : Quest-ce donc que cela ? Cest Amon-R qui embrase le sommet des tours de sa ville. Jtais muet dadmiration et de respect, continua de songer Senmout. Je tadore encore, msens moins proche de tes mystres que je ne ltais en cette lointaine matine, bien que je

    igne plus. Depuis, les journes staient coules, identiques les unes aux autres, rythmes par l

    eur : il passait ses matines au sminaire du temple tudier, ce quil apprciait par-dessusses aprs-midi faire le mnage, ce quil excrait dautant plus quil ne pouvait sy drober.Parfois lide leffleurait de devenir scribe, comme le lui conseillait son matre actuel, po

    us avoir jamais excuter les pnibles tches mnagres. Il serait exempt de tout travail phynaurait qu suivre son matre, griffonner quelques mots ou sinstaller sur les marchbes et attendre que quelquun vienne louer ses services. Mais au plus profond de lui-mnmout savait bien que sil devenait scribe, il stiolerait et finirait par en mourir ; car ce rimer cette force en lui qui rclamait dignit et honneurs. Mais comment y parvenir ? se demplein de lassitude en se levant de sa paillasse et en cherchant son manteau ttons. Certaine

    s en devenant un prtre-surveillant dont les journes seraient entirement consacrrganisation pointilleuse des crmonies. Lorsque je vis pour la premire fois cette ville, ses tours majestueuses et ses colonnade

    ges avenues paves et ses innombrables statues, je crus, songea-t-il, que javais trouv la solcrus alors que jallais passer mes soires boire de la bire de taverne en taverne, q

    nerais sur le port en regardant les pcheurs sinterpeller et manuvrer leurs frles esquigardant les artisans travailler, les esclaves tre vendus aux enchres et les nobles se promenerrs splendides litires. Mais aujourdhui, je ne regarde rien. Jai prsent quatorze annes de

    i. Il men reste peut-tre cinq fois plus vivre, et je suis dj prisonnier. Il jeta son manteau sur ses paules, sortit pieds nus de sa cellule, et dpassa sans un bruultiples cellules identiques la sienne qui salignaient le long de la vaste salle. Le clair deairait son chemin entre les colonnes. Il sarrta pour regarder lheure la clepsydre placrte de son surveillant. Dans cinq heures le soleil se lverait. Senmout entra dans la courencieusement quun fantme. sa gauche slevait la silhouette massive du temple, spar r un autre ensemble de cellules rserves aux prtres et une plantation de sycomores. Ilourna vivement, de peur de rencontrer quelquun. Il voulait aller dans les cuisines cheelque chose manger, pouss par les tiraillements de son estomac. Il se glissa doucement p

    ssage troit quempruntaient quotidiennement les esclaves pour transporter le grain. Lobsc

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    it totale. Il avana laveuglette et se retrouva aussitt dans une grande pice bien are, cr le clair de lune qui se faufilait travers les hautes fentres. Derrire lui, un trou noir dans ldiquait lentre du couloir par lequel les cuisiniers apportaient directement au temple les stins aux dieux. Une lgre odeur de graisse flottait dans lair. Il se dplaa avec prcautiopersonnel des cuisines dormait non loin de l. Sur sa gauche, deux normes jarres en pces de telle manire que lair qui sengouffrait travers le passage venait les rafra

    ntenaient lune de leau, lautre de la bire. Il prit le pot qui se trouvait l, hsita un inoiff. Il puisa finalement de leau, et but rapidement grandes goules ; puis il reposa le pot

    uit. Il se glissa entre les tables, soulevant un couvercle par-ci, un linge par-l, et ne fut pas lnicher deux cuisses de canard rti, et la moiti dune miche de pain dorge. Il estima quuite quantit de nourriture, prleve sur celle qui tait destine aux esclaves du dieu, ne ltainement personne. Il dissimula son repas dans les amples plis de son manteau et aprs avoidernier coup dil pour sassurer que tout paraissait bien en ordre, se faufila dans le pas

    rs lair libre.Il sarrta pour se demander sil irait manger dans sa petite cellule, aussi chaude et sombre

    ur, et dcida de se diriger plutt vers les jardins du temple, o il y avait des arbres et o

    ntinelles charges de la surveillance des alles qui menaient au lac sacr avaient peu de chandcouvrir. Il connaissait le parcours de chacune delles, ainsi que les relves, et il attendit une colonne que la voie soit libre, puis il traversa lestement lavenue et senfona dans lobsconfortante dune palmeraie.Tout en se glissant darbre en arbre, il huma une bouffe dair. Un garon de la campagne cotait capable de prvoir les changements de temps, et les signes quil reconnaissait n

    isaient gure. Prs du sol, latmosphre tait si lourde et touffante quil fallait fournir un ur respirer ou se mouvoir. Mais au-dessus des palmes sombres et frmissantes, lair tait agtoiles taient en partie caches sous un lger voile de nuages. Le khamsin soufflait rarement

    contres, mais Senmout tait absolument sr de son instinct. Dici quelques heures, lelant et destructeur viendrait troubler la surface du dsert. Il ny aurait rien dautre faire qmer volets et portes, jusqu ce quil sloigne. Et ensuite ? Il maugra haute voix. Ensu

    udrait enlever le sable qui se serait infiltr dans les moindres recoins de chaque btimenceinte sacre.Il choisit un arbre au large tronc renfl, et sassit son pied, tournant le dos lalle. On po

    ir au loin la fine ligne argente que dessinait la lune sur les eaux du lac dAmon, mais il lupossible de distinguer le temple lui-mme ni les tours du palais au-del. Il sortit la cuis

    nard et mordit dedans avec avidit, savourant chaque bouche ; la faim le tenaillait sans cece de travailler comme un esclave.Quelques minutes plus tard, il jeta les os au loin et entama le morceau de pain qui, bien

    sis, nen tait pas moins dlicieux. Il venait peine de ramasser la dernire miette tombe sunteau, quand ce sixime sens n des longues nuits passes garder les chvres dans les coestes de btes sauvages le fit sursauter soudain, le cur battant. Il venait dentendre le bruit

    une chute sur lherbe et un murmure touff de voix. Il bondit sur ses pieds, sans faire le mouit, et se colla contre le tronc rugueux de larbre en plaquant son manteau contre luiuchotements se rapprochrent. Il senfona un peu plus dans lombre, se confondant avec lar

    nuit, jusqu ce que sa respiration et repris son rythme normal, aussi paisible que lheure tar

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    est ainsi quil sy prenait pour attraper les chats sauvages qui couraient aprs ses chevreauction instinctive lavait sauv, car une seconde plus tard, deux personnages encapuchonnssrent furtivement quelques pas de lui. Ce ne pouvait tre les sentinelles faisant leur ronentendait pas le cliquetis des armes, et dautre part, les sentinelles nauraient pas craint de put haut. Ces deux personnages staient approchs si silencieusement quils avaient bien faimber dessus. Il ferma les yeux, et les muscles tendus, il continua respirer doucemeofondment. Les deux silhouettes se faisaient face et leurs chuchotements lui parvinreneilles.

    LUnique va srement faire connatre sa dcision sous peu. Quel sera son choix ? Il ns rappeler Amon-mose, ni Wadjmose. Ce sont des soldats. Ils ont t maintenus trop longtemcart du pouvoir, et ny connaissent rien. Et pour ce qui est de leur noblesse Le droit du uthmsis dpasse le leur. Ce nest quun garnement sans cervelle, mou et paresseux. Mais jinsiste, cest lui qui sera dsign. Cest la seule possibilit. Il est plus que regreil tienne ce point de sa mre ; cest une vritable catastrophe. Depuis de longues ann

    araon, puisse-t-il vivre encore longtemps, a gouvern dune main sans dfaillance et rien ne

    ist. Nous ne serons pas les seuls nous plaindre lorsque Touthmsis hritera de la duronne. Mais cest un blasphme ! Non, cest la vrit. Seule une pouse puissante pourra sauver la situation, mais qui peuitimer le pouvoir de Touthmsis ? Son Altesse Nfrou veut par-dessus tout se tenir distanc

    ntraintes de lexercice du pouvoir. Elle dsire quon la laisse tranquille. LUnique est fou deis il ny peut rien. Nous nallons tout de mme pas empoisonner le fils unique du pharaon ! Le seul qui lui rpharaon naura de cesse quil ne nous ait broy la cervelle !

    Du calme ! Tai-je suggr une telle extrmit ? Soyons ralistes ! Mais nous pouvons gtemps. Son Altesse la princesse Nfrou ? Exactement. La jeune princesse Hatchepsout a encore de longues annes devant elle

    atteindre lge adulte, mais elle parat dj dote des qualits indispensables une prinnsort. Le pharaon sera heureux de la voir grandir. Et si le pharaon va rejoindre le dieu ?Il y eut un instant de silence pendant lequel Senmout, fig de peur, retint sa respiration.

    Alors nous assisterons le jeune pharaon et son pouse, car il aura beaucoup apprendre.Cach derrire son arbre, Senmout crut quil allait svanouir. Tout ce quil venait de mec un si grand plaisir lui pesait prsent sur lestomac. La tte lui tourna, mais il serra les dtant contre la nause. Sans avoir encore mesur exactement toute lampleur des propos quil ventendre, il en avait entendu assez pour savoir que la moindre maladresse de sa part entranmdiablement sa perte. Il serra encore plus fort son manteau contre lui, le dos en sueur. Ainsi nous sommes daccord ? Absolument. Et je nai pas besoin de vous recommander la plus grande discrtion. Bien entendu. Ce sera pour quand ?

    Trs bientt. Je suis persuad que le pharaon est sur le point de prsenter son succe

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    issez donc mes soins les dtails de lopration. Jexige que mes ordres soient immdiatecuts et rien de plus. Et si nous sommes dcouverts ?Lautre homme rit doucement, et Senmout tendit loreille. Il tait certain davoir dj enten

    e, mais incapable dy mettre un visage. Le jeune garon chercha fivreusement qui il pouvaipartenir. Ne pensez-vous pas que le pharaon a dj prvu cette ventualit ? Ne pensez-vous pas

    nd de lui-mme il souhaite que les choses se passent ainsi, bien quil nait pas le cur d

    endre en charge personnellement ? Ne craignez rien. Nous russirons.Ces derniers mots furent murmurs, et Senmout se rendit compte avec un immense soulage

    ils taient en train de sloigner.Le silence sinstaura nouveau, et il se laissa glisser par terre, les yeux clos, les mem

    ulus. Merci. Grand merci toi puissant Khonsou, dit-il tout haut.Il se leva et se mit courir, non dans la direction do il tait venu, mais en dcrivant un

    cle qui le conduisit des confins du lac sacr et loin derrire le temple jusqu sa cellule.

    tait en courant les mots quil venait dentendre, et la panique qui montait en lui lui donnaes. Quand il arriva, au lieu dentrer dans sa cellule, il la dpassa et sarrta essouffl devarte de la chambre de son surveillant, o il frappa doucement. Il jeta un coup dil la clepsysurpris de constater que trois heures staient dj coules. La lune avait dclin et les premurs du petit matin pointaient sur le dallage noir et blanc.Il entendit quelquun bouger lintrieur.

    Qui est l ? Cest moi, matre. Senmout. Il faut que je vous parle. Entre donc.

    Senmout poussa la porte et entra dans la pice. Le surveillant, un homme jeune, au front fuya bouche mince, tait assis sur sa couche, en train dallumer sa lampe. La flamme surgit, jauoite. Senmout le salua, conscient des traces de sueur et des gratignures qui striaient sa peau. Eh bien ! De quoi sagit-il ? demanda le surveillant en se frottant les yeux, dun air endorm cet instant, alors que Senmout sapprtait rpondre, des rminiscences lui traver

    sprit, et les murs se mirent tourner. Il tendit les mains en avant pour se retenir. Parle. Mais parle donc ! Es-tu malade ? lui demanda lhomme sur un ton agac.Senmout comprit avec une certitude qui participait plus de linstinct de conservation que

    lexion, quil ne devait aucun prix se confier cet homme, son matre, pas plus quil ne drler aucun prtre de ce quil venait dentendre.Car il tait prsent capable de donner un corps cette voix basse et rauque, un corps lou

    , un visage rus. Lhomme ntait autre que le grand prtre dAmon en personne, le puinna.

    Il rassembla ses esprits, pour parler calmement, sans laisser apparatre les tumultueuses pei lenvahissaient. Matre, veuillez mexcuser. Jai de la fivre, et mal au ventre. Je narrive pas dormir. Cest la chaleur, grommela le surveillant. Retourne dans ta chambre. Le jour ne va pas ta

    lever, et si tu te sens toujours mal, je tenverrai un mdecin. Tu es exempt de tes tches pou

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    urne.Senmout salua et murmura quelques paroles de remerciement. Lhomme ntait pas mchant,

    ommant et tellement tatillon. Il souffrait lui aussi de maux destomac qui lempchaient de dorSenmout se retourna brusquement vers lui.

    Si quelquun dsirait obtenir une audience du pharaon, comment devrait-il sy prendre ? Pour quoi faire ? demanda le surveillant plein de suspicion. Que veux-tu dire lUnique ?Senmout eut lair atterr et surpris.

    Moi ? Mais je noserais jamais souhaiter vivre un moment aussi exaltant ; je sais bie

    uls les grands de ce royaume peuvent jouir de ce privilge. Moi je ne lai vu quune seule fon, lors dun dfil ; je voulais tout juste savoir. Arrte donc de rver. Rien dtonnant ce que tu aies de la fivre si tu passes tes n

    nser des choses pareilles. Personne de ta condition ne peut esprer lui parler. Ce serait toutpossible. Maintenant va-ten et viens me voir demain matin si tu te sens mieux.Senmout le salua de nouveau sans un mot et sortit en fermant la porte derrire lui. Conscie

    mmense fatigue mentale et physique qui lenvahissait et menaait de le terrasser, il pntra daite cellule avec soulagement et se jeta sur sa paillasse.

    Et si par miracle je me trouvais en sa prsence, que lui dirais-je ? pensait-il. Et comcueillerait-il ce que je lui dirais ? Nai-je pas entendu le grand prtre dire quau fond de lui-mpharaon dsire que les choses se passent ainsi ? Le salut de lgypte justifie-t-il uneion ? Les yeux ferms, sur le point de sendormir, Senmout pensait la gracieuse princesse quil v

    loin venir rgulirement au temple avec ses suivantes. Elle ntait pas belle, mais il se dgasa personne une telle gentillesse quelle semblait beaucoup plus proche du peuple que ses hauviteurs. Il chercha qui il pourrait bien se confier et songea son meilleur ami, Bnya, appprs dun entrepreneur du temple. Mais Bnya se trouvait en ce moment Assouan, o il surv

    ec son matre lextraction des pierres dans les carrires. De toute faon, rien ntait sacr auxBnya qui pourrait, de plus, ne pas savoir tenir sa langue.Senmout remonta son manteau sur ses paules et sendormit, dun sommeil troubl de

    nfus et angoissants. Il se rveilla en sueur et constata que le vent stait bien lev. Le nfiltrait par lunique petite fentre haut perche et des particules de poussire grise flottaientir ftide. Incapable de savoir combien de temps il avait dormi, il alla jeter un coup dil dale, et constata en voyant les portes des cellules ouvertes que ses condisciples taient dvail. Il eut envie de se laver et appela un esclave. Puis il sassit sur lunique sige particulire

    onfortable de sa cellule, fait de fagots de papyrus lis ensemble. Sa tte bourdonnait, etmanda si la fivre ntait pas tout simplement lorigine de ce quil croyait avoir vcu dadin. Car aprs tout, lui-mme et ceux qui gravitaient autour du pouvoir baignaient constamns une atmosphre de rumeurs, et le pharaon tait le sujet favori de tous ces ragots. Mais Senuissait dun esprit pratique et mthodique, qui ne laissait pas les vaines conjectures prendre l

    les ralits de la vie quotidienne. De plus, il tait dot dune capacit dobservation objectplacable, dune disponibilit des sens grce auxquelles il remarquait et se souvenait des fastes de tous ceux qui lentouraient. Il ne pouvait croire une seconde quun vnement aussi cl

    ft le fruit des divagations dune imagination enfivre.

    Lesclave arriva en courant, et il lui demanda dapporter un pot deau chaude et du linge pr

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    enquit galement de lheure. Le soleil sest lev depuis trois heures, matre. Cest bien ce que je pensais. Les autres prtres ont-ils djeun ? Oui. Ils vaquent leurs occupations. Le surveillant ma charg de vous envoyer un mdetait votre dsir. Dois-je aller le chercher ? Non. Non, je ne pense pas que ce soit ncessaire. Essaye de me trouver des fruits. Ensutoieras la cellule ma place. Jai t exempt de tout travail pour aujourdhui, et je crois qs aller faire un tour prs du fleuve.

    Vous feriez mieux de rester ici, matre. Le khamsin sest lev. Oui, je sais.Le jeune esclave sortit et revint en chancelant sous le poids dune bassine pleine deau bouil

    la posa et repartit. Un moment aprs, il refit son apparition avec un plat de fruits et un popre. Senmout le remercia, et, en poussant un soupir de bien-tre se lava, en coutant la pccade du vent qui faisait voler le sable dont les grains collaient son corps encore humiapa la fine toile autour de sa taille, la fit plisser sur le devant et lagrafa avec une pingonze. Puis il glissa haut sur son bras le bracelet de bronze marqu de son titre.

    Comme jtais fier, pensa-t-il, tout en prenant un fruit, la premire fois que jai poracelet. Jtais loin dimaginer alors quil serait le symbole de ma rclusion. Il ne comprenait pas comment les autres prtres pouvaient se contenter de la vie quils men

    tout les plus vieux qui ne pouvaient plus esprer le moindre avancement. Pourquoi, pensec rage, pourquoi ne pouvons-nous possder davantage desclaves pour faire la besogne ? avait bien que les esclaves navaient pas le droit de pntrer dans certaines enceintes sacreprtres taient obligs de faire eux-mmes le mnage, besogne quaucun serviteur du palais ait abaiss accepter.Senmout ntait pas anim de convictions religieuses aussi fermes que ses amis. Son pre

    ux, sa mre priait chaque jour le dieu de leur village, mais une part de lui-mme souriait dr navet. Sa prsence au temple ntait pour lui quun moyen de recevoir une ducation. Sieindre son objectif, il tait oblig de psalmodier des prires, de se laver quatre fois par jour raser la tte, peu lui importait. Il savait que son avenir tait entre ses seules mains et cest bii le dsolait le plus. Il avait foi en lui-mme, mais il se heurtait son impuissance, prisonniercouloir sombre, troit et infini, qui ne conduisait quaux corves mnagres. Il ntait he

    en classe, o on lui faisait dcouvrir les gigantesques ralisations de ses anctres, plus grands dieux. Il tait impatient de contempler ces chefs-duvre de pierre qui semblaient lappeler

    ndant la nuit.Il ne se moquait pas comme Bnya des choses sacres. Au pays de Bnya, en Hourrie, les ient au service des hommes. Mais ici en gypte, ctait le contraire. Senmout, tout en servaux, cherchait satisfaire les aspirations et les dsirs des hommes. Pour lui le pharaon tait un

    us grand que le puissant Amon. Le pharaon tait un tre visible, responsable de tout ce qssait dans le royaume. Sil nourrissait un sentiment de soumission, ctait bien envers cet homllure de taureau quil navait vu quune fois, se rendant Louxor pour faire des offrandes. Vou. Voil le pouvoir. Si Senmout voulait accomplir son destin, il savait quil lui faudrait dnire ou dune autre attirer lattention du pharaon.

    Mais pas de cette faon-l, se dit-il en quittant sa chambre, pas en lui dvoilant cette in

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    istre laquelle le pharaon lui-mme est peut-tre ml. Jy laisserais srement ma tte.

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    3Deux jours plus tard, le vent soufflait encore. Il passait en rafales dans la salle de classe ro

    ulevant les lourdes tentures ornes doiseaux et faisant voler des tourbillons de sable. Ctaiste matine grise, le soleil tait dissimul par les bourrasques de sable qui slevaient des hau

    Thbes, pousses par le vent du dsert au creux de la valle.Khaemwese sefforait de poursuivre la leon en cours, mais le vent indisposait ses jves, qui ne cessaient de sagiter. Je vois bien que nous narriverons rien aujourdhui, dit-il en roulant son papyrus.Le scribe disait avec raison que loreille dun garon se trouve sur son dos, et quil nenten

    squon le bat, mais ce matin il est difficile pour tout le monde dentendre par-dessus le brunt. Sil vous plat, matre ? dit Hatchepsout en levant le doigt. Oui ? Si, comme la dit le scribe, loreille du garon se trouve sur son dos, o se trouvereille de la fille ? demanda-t-elle avec un air de parfaite innocence.Si Khaemwese avait eu quelques annes de moins et beaucoup moins dexprience de la ro

    s enfants, il aurait peut-tre cru que la question tait inspire du dsir de savoir ; mais ce ns le cas et il se pencha pour lui donner une petite tape sur lpaule avec son rouleau de papyru Si tu tiens vraiment le savoir, je vais te montrer. Lve-toi. Menkh, apporte-moi le

    hippopotame. Tu vas dcouvrir trs vite o se trouve loreille dune fille. Cest ton tour maintenant, lui chuchota Hapousenb. Et Nfrou nest pas l pour te protge

    Mets-toi devant moi ! lui ordonna Khaemwese.Menkh lui tendit la badine de saule avec un sourire narquois et il la fit siffler. Alors ? O se trouve loreille des filles ? Quen penses-tu ? lui demanda-t-il en reten

    urire. Je pense que si vous me battez, le roi mon pre vous fera fouetter, rpondit-elle en avalive. Le roi ton pre ma charg de tduquer. Tu mas pos une question : O se trouvereille de la fille ? Eh bien, je vais te le montrer.Les coins de la bouche nerveusement contracts, Hatchepsout explosa.

    Vous ne me battrez pas ! Je sais que vous ne le ferez pas ! Je vous ai pos cette questionus contrarier. Mais je ne suis pas le moins du monde contrari. Et je te rpondrai que loreille des filuve au mme endroit que celle des garons.Hatchepsout releva la tte et examina lentement ses camarades de classe.

    videmment. Il ny a aucune diffrence. Et qui plus est, une fille peut faire tout ce que fron, dclara-t-elle en sasseyant. Une minute, sil te plat. Sil en est ainsi, cela devrait ttre gal quon te batte, puisqu

    corrig tous les garons de cette classe au moins une fois cause de cette fameuse oreille

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    eilles des filles peuvent donc aussi flancher. Pourquoi, alors, ne tai-je pas battue ? Lvcore ! ajouta-t-il en riant.

    Elle le regarda en souriant, les yeux brillants. Matre, vous ne mavez pas battue parce que je suis princesse, et que vous ne pouvez pas

    main sur une princesse. Ainsi la voulu Mat. Mat nen a rien dcid, rpondit froidement Khaemwese. Les lois et les dcrets, lusagee, mais pas Mat. Jai bien battu Touthmsis, qui est prince, pourtant.Hatchepsout se tourna posment vers son demi-frre et le regarda, mais il tait assis le m

    ns la main et traait des cercles dans le sable. Elle regarda nouveau Khaemwese. Touthmsis nest quun demi-prince, dit-elle. Mais moi, je suis la fille du dieu. Voil la l

    at !La classe se tut soudain.Khaemwese cessa de rire et la regarda fixement.

    Oui, dit-il lentement. Voil la loi de Mat.Pendant quelques instants, on nentendit plus que le souffle du vent.Hatchepsout leva de nouveau le doigt.

    Sil vous plat, matre, puisque le vent nous empche de travailler, pouvons-nous jouele ?Il la regarda avec stupfaction car il prvoyait une nouvelle malice, mais elle attendait sa rp

    ec anxit. Daccord. Hapousenb, va chercher la balle. Vous autres, roulez vos nattes et rangenvenablement !Il se fit un tohu-bohu gnral et personne nentendit ses derniers mots, comme laccoutum

    ourna sasseoir avec soulagement. Bien. Apportez-la ici. Touthmsis, vas-tu jouer avec eux ?

    Le beau visage lisse se leva vers lui. Touthmsis secoua la tte. Je nen ai pas envie. Le sable rend le sol trop glissant.Les cris et les hurlements des enfants retentissaient dj. Cest Hatchepsout qui dtenait la

    elle semblait peu dispose sen sparer. Elle tomba en poussant un cri perant et la cachae tandis que Menkh lui fonait dessus. Les autres enfants se prcipitrent sa suite en se ror terre sous le regard dtach de Khaemwese.

    Pour adorable quelle ft, il y avait chez la petite princesse un ct sauvage et impntrablffrayait. Plus elle grandissait, plus la ressemblance avec son pre tait frappante. Mais quel p

    ne savait pas sil devait ajouter foi aux bruits qui circulaient dix ans auparavant, selon lesmon-R stait introduit nuitamment auprs dAhms, lpouse Royale, pour dposer en emence divine et si, au moment de la conception, Ahms avait effectivement cri le nom de leatre : Hatchepsout ! Mais il se souvenait que le nom avait t choisi bien avant la naissanceite fille, et que peu aprs, Touthmsis son pre lavait conduite au temple o on lui donna leKhnoum-Amon. Nombreux taient les souverains qui, dans le pass, avaient prtendu descdieu, mais rares ceux qui en taient suffisamment srs pour sattribuer ce nom : Celle

    scend-dAmon. Hatchepsout jouissait assurment dune beaut, dune intelligence, initret et dune vitalit dbordante qui lui assuraient dj un ascendant sur tous les hommes

    elle net pas tout fait onze ans. On pouvait se demander de qui elle tenait toutes ces qualit

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    uthmsis tait fort, il ntait pas vraiment fin ; quant Ahms, que tous adoraient et vnraientait rien de plus quune pouse Royale soumise. Il fallait chercher ailleurs, pensait Khaemrigine de cette nergie incommensurable et de ce charme irrsistible. Il couta le mugissement et se souvint avec quelle rapidit, quelques annes auparavant, les deux fils du pharaon outnefert avaient trouv la mort. Il regarda Touthmsis, assis sur le sol dun air boudeur,tchepsout sautant cloche-pied, en riant. Il manipula nerveusement son amulette. Je remercux, pensa-t-il, dtre un vieil homme et de navoir plus que peu dannes vivre. Le ma

    mps mit fin au jeu assez rapidement. Les jeunes nobles se htrent de rentrer chez eux, mais N

    nt en retard chercher lenfant dont elle avait la charge.Sale et hors dhaleine, Hatchepsout sassit par terre ct de Touthmsis.

    Comment cela sest-il pass, hier, avec les chevaux, Touthmsis ?Elle essayait dtre gentille. Touthmsis avait lair si triste et malheureux quelle prouva

    mords se moquer de lui constamment.Ils auraient pu tre amis, mais cinq annes les sparaient, et Touthmsis trouvait dgrada

    urir les jardins du palais, de grimper aux arbres, ou de se baigner avec Hatchepsout et ses aerveles. Mais en mme temps il en tait un peu jaloux.

    Il la regarda sans un sourire. Pre ma retir de lentranement militaire et ma envoy dans les curies car il sait queai jamais un bon soldat. Je ne ferai pas plus un bon conducteur de char. Je dteste les che

    uelles sales btes ! Jaurais aim quon les jett dehors en mme temps que cet Hykss qui nomens. Pre dit quils ont fait faire de grands progrs notre arme. Nos soldats, lorsqui

    ontent, se rvlent beaucoup plus agiles et mme de terrasser nos ennem