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Directeur des Soins Promotion : 2012 Date du Jury : décembre 2012 La démarche qualité en Institut de Formation en Soins Infirmiers : Une opportunité pour dynamiser l’intelligence collective Monique BUNET

La démarche qualité en Institut de Formation en … des annexes..... I Monique BUNET - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 L i s t e d e s s i g l e s

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  • Directeur des Soins

    Promotion : 2012

    Date du Jury : dcembre 2012

    La dmarche qualit en

    Institut de Formation en Soins Infirmiers :

    Une opportunit pour dynamiser lintelligence

    collective

    Monique BUNET

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    R e m e r c i e m e n t s

    Je tiens remercier :

    Toutes les personnes qui ont contribu llaboration de ce mmoire et plus

    particulirement les personnes interviewes qui ont bien voulu maccorder de leur temps

    prcieux.

    Le responsable de la filire, Monsieur Jean Ren LEDOYEN pour son accompagnement

    tout au long de la formation.

    Ma famille pour son soutien et sa patience tout au long de ce parcours de formation.

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    S o m m a i r e

    Introduction ............................................................................................................................ 1

    1 Cadre et champ de ltude ............................................................................................. 5

    1.1 Lintelligence collective ........................................................................................... 5

    1.1.1 Un concept non stabilis ................................................................................. 5

    1.1.2 Les dimensions de lintelligence collective ..................................................... 7

    1.1.3 La fiabilit de lintelligence collective ............................................................ 12

    1.2 La dmarche qualit ............................................................................................. 13

    1.2.1 Le concept de qualit travers le temps ...................................................... 13

    1.2.2 De la qualit en sant la qualit en formation ........................................... 14

    1.2.3 Les enjeux dune dmarche qualit en IFSI ................................................. 16

    1.3 La dmarche qualit et lintelligence collective : des aspects communs ............ 18

    2 Lenqute de terrain ..................................................................................................... 19

    2.1 Les objectifs .......................................................................................................... 19

    2.2 La mthodologie ................................................................................................... 19

    2.2.1 Les populations enqutes .......................................................................... 19

    2.2.2 Loutil denqute ............................................................................................ 19

    2.2.3 Le modle danalyse ..................................................................................... 20

    2.2.4 Les limites de ltude ..................................................................................... 21

    2.3 Le regard des acteurs ........................................................................................... 21

    2.3.1 Une approche quantitative des donnes ...................................................... 21

    2.3.2 Un processus cognitif de reprsentations et de partages ............................ 23

    2.3.3 Un processus social et relationnel dchanges et de reconnaissances ....... 28

    2.3.4 Un processus systmique qui sappuie sur laction collective et

    lengagement ................................................................................................................ 31

    2.4 Mise en perspective analyse et axes dinvestigations ......................................... 33

    3 Stratgie du directeur dIFSI lors de la mise en place de la dmarche qualit .......... 37

    3.1 Faire de la qualit en formation, laffaire de tous ................................................. 37

    3.1.1 Penser et imaginer ensemble la dmarche qualit ...................................... 37

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    3.1.2 Engager une approche managriale participative ........................................ 38

    3.1.3 Rsoudre un problme en groupe : exploiter lintelligence collective .......... 39

    3.2 Favoriser lmergence de lintelligence collective au sein de linstitut ................. 39

    3.2.1 Faciliter la cohsion et l'interaction de l'quipe de travail ............................. 39

    3.2.2 Favoriser la rflexion collective au sein de lquipe ..................................... 40

    3.2.3 Optimiser le processus de prise de dcision ................................................ 41

    3.2.4 Crer une mmoire collective au sein de l'organisation ............................... 41

    3.3 Promouvoir la DQ et lIC comme un objectif commun permettant linstitution de

    planifier des projets davenir, danticiper et de se prparer aux volutions .................... 42

    Conclusion ........................................................................................................................... 45

    Sources et bibliographie ...................................................................................................... 47

    Liste des annexes ................................................................................................................... I

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    L i s t e d e s s i g l e s u t i l i s s

    AERES : Agence dEvaluation de la Recherche et de lEnseignement Suprieur.

    AFAQ : Association Franaise de lAssurance Qualit.

    AFCIQ : Association Franaise de Contrle Industriel et Qualit.

    AFNOR : Association Franaise de Normalisation.

    CEFIEC : Comit dEntente des Formations Infirmires Et Cadres.

    DS : Directeur des Soins.

    DS/DIF : Directeur des Soins / directeur dInstitut de formation.

    DQ : Dmarche Qualit

    EHESP : Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique.

    ENSP : Ecole Nationale de Sant publique.

    EPP : Evaluation des Pratiques Professionnelles.

    F : Formateurs.

    FFP : Fdration de la Formation Professionnelle.

    HAS : Haute Autorit de Sant.

    LMD : Licence -Master-Doctorat.

    OMS : Organisation Mondiale de la Sant.

    OPQF : Office Professionnel de Qualification des Organismes de Formation.

    IC : Intelligence Collective

    IFSI : Institut de Formation en Soins Infirmiers.

    ISO : International Organisation for Standardization.

    TIC : Technologies de l'Information et de la communication.

    VAE : Validation des Acquis de lExprience

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012 - 1 -

    Introduction

    Depuis ces dernires annes, les politiques-qualit se sont dveloppes dans

    plusieurs secteurs professionnels afin de rpondre aux volutions conomiques. Les

    institutions ont d satisfaire lexigence qualit en repensant leurs organisations, leur

    politique qualit. La politique-qualit dun tablissement comprend lensemble des

    orientations et des objectifs quil sest fix dans le domaine de la qualit, ainsi que les

    objectifs affichs en termes de satisfaction de ses clients ou bnficiaires. Pour raliser

    cette politique qualit, ltablissement met en place une dmarche qualit (DQ) qui

    interroge plusieurs champs de son organisation. Cette volution de la recherche de la

    qualit sest galement largie au monde de la sant avec la mise en place de

    laccrditation devenue certification des tablissements de sant. La demande en soins

    sacclre considrablement avec dune part, laugmentation des connaissances

    scientifiques et technologiques, et dautre part, un accroissement de la dure de vie et un

    vieillissement dmographique de la population. La consquence majeure de cette

    demande en soins est une aggravation des dpenses de sant. Dans ce contexte, la

    recherche defficience, que nous dfinirons comme lefficacit maximale au meilleur cot,

    oblige les tablissements de sant assurer le juste soin , tout en garantissant une

    amlioration continue de la qualit des soins et de la prise en charge des usagers. Alors

    que ces tablissements se trouvent engags dans des dmarches de certification, il

    nexiste, ce jour, aucune obligation de certification concernant les Instituts de Formation

    en Soins Infirmiers (IFSI). Or, si nous considrons quun institut de formation doit

    satisfaire aux besoins des personnes quil forme, quil doit rpondre aux exigences de

    comptences attendues par les usagers et aux demandes des tutelles concernant la

    qualit de la formation quil dispense, la dmarche qualit devient une opportunit

    laquelle chaque institut se doit de rflchir.

    Depuis les accords de Bologne1 , en 1999, la formation des professions paramdicales

    connait une succession de modifications, avec la reconnaissance de la qualification

    professionnelle par le biais de la Validation des Acquis de lExprience (VAE),

    luniversitarisation des professions para mdicales et linscription dans un processus

    Licence-Master-Doctorat des tudes dinfirmiers. Face ces diffrents enjeux, et face la

    modification et lexigence de qualit des enseignements en regard des comptences

    attendues, il est indispensable de rendre plus efficace la matrise du processus de

    formation tant matriel quintellectuel. Le contexte changeant et volutif en matire

    rglementaire, europenne ou universitaire rend la situation de la formation trs

    1 Le processus de Bologne (ou processus Sorbonne-Bologne) est un engagement construire un

    espace europen de l'enseignement suprieur.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Europe

  • - 2 - Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    complexe. La dmarche qualit en formation peut tre un des outils de gestion de cette

    complexit.

    Des dmarches qualit et des dbuts de dmarche de certification concernant les

    Instituts de Formation en Soins Infirmiers se sont mises en place linitiative de quelques

    directeurs dinstituts de formation ds 2001 (IFSI de Privas) Ces instituts certifis ont

    obtenu une certification par lAssociation Franaise de Normalisation (AFNOR) pour la

    norme ISO 90012. Des directeurs dinstitut se sont appuys sur dautres rfrentiels pour

    mettre en place cette dmarche, rpondant la proccupation defficience au sein des

    instituts.

    Selon le tmoignage de la directrice dun IFSI ayant mis en place la dmarche qualit

    dans son tablissement, cette dmarche, outre son aspect organisationnel, permet de

    donner confiance aux acteurs dans ce quils font au quotidien, de donner confiance aux

    clients et aux tutelles en regard de ce qui est produit en interne, de donner voir en

    externe ce que lon produit et de reprsenter une attractivit pour les bnficiaires de la

    formation. Cest un moyen dvaluer lorganisation et de proposer des axes damlioration

    permettant ainsi au centre de formation de progresser dune faon pense et rflchie.

    Pour elle, cette dmarche objective la matrise de lensemble du processus de formation

    et rend visible la qualit de loffre de formation et les savoirs professionnels3.

    Notre projet professionnel est dexercer en tant que Directeur des soins, la fonction de

    directeur dInstitut de Formation en Soins Infirmiers. Luniversitarisation des tudes

    dinfirmiers et la mise en place dun nouveau rfrentiel de formation bas sur les

    comptences nous semblent tre lopportunit pour rinterroger, dune part, lorganisation

    de la formation et dautre part, les pratiques professionnelles en formation. Promouvoir

    une culture qualit en IFSI fait partie des missions confies au directeur dinstitut. En effet,

    le rfrentiel mtier de Directeur (trice) des soins4, directeur dinstitut de formation

    prcise : . Il dfinit et met en uvre la dmarche qualit de la structure et participe au

    processus de certification . Cest dans cette perspective et soucieuse denrichir notre

    rflexion concernant notre prochaine prise de poste dans un IFSI o il sera ncessaire de

    mettre en place une dmarche qualit, que nous conduisons cette tude qui poursuit trois

    objectifs :

    Approfondir nos connaissances en ce qui concerne lapplication dune dmarche

    qualit en formation professionnelle.

    2 La famille des normes ISO 9000 correspond un ensemble de rfrentiels de bonnes pratiques

    de management en matire de qualit, ports par l'organisme international de standardisation (ISO, International Organisation for Standardization). 3 BOYER C, mai 2005, la dmarche qualit : une opportunit pour les Ifsi .Soins Cadres, n54,

    pp 58 62 4 Rfrentiel mtier de Directeur (trice) des soins : DGOS-CNG-Mars 2010.

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012 - 3 -

    Apprhender les enjeux managriaux dans la mise en uvre dune dmarche

    qualit au sein dun Institut de Formation en Soins Infirmiers.

    Anticiper les volutions venir dans le cadre de luniversitarisation des formations

    paramdicales.

    Afin dorienter ce travail, nous avons ralis une observation de trois semaines lors

    dun stage dimmersion professionnelle auprs dune quipe pdagogique, dans un IFSI

    certifi ISO 9001 version 2008. Ce temps nous a permis dassister une journe daudit

    externe ralise par lorganisme certificateur AFNOR. Le constat gnral que nous avons

    pu faire est que la mise en place et le suivi de cette dmarche demande un vritable

    investissement de la part de tous les membres de linstitut. Nous avons pu galement

    observer une dynamique dquipe tourne vers la culture de lvaluation avec une remise

    en question des pratiques pdagogiques. Cette exprience nous laisse penser que la

    dmarche qualit, outre son intrt dordre organisationnel peut dynamiser les relations

    entre les diffrents membres de linstitut, potentialiser les comptences, engendrer une

    dynamique de dveloppement, de rflexion et de cration collective.

    Suite cette exprience sur le terrain, notre rflexion sera guide par la question

    suivante :

    En quoi la dmarche qualit en Institut de Formation en Soins Infirmier peut

    elle constituer un levier de lintelligence collective?

    Notre recherche explorera plusieurs axes dinvestigations :

    La dmarche qualit comme un moyen de reconnaissance des comptences de

    lautre, une volont collective de faire progresser les pratiques et la rflexion

    collective afin dencourager lmergence dides nouvelles.

    La dmarche qualit comme un outil fdrateur autour dun projet commun,

    favorisant la collaboration et la cohsion dquipe, donnant un sentiment de

    confiance en lautre et en linstitution.

    La dmarche qualit comme prtexte linstauration despaces collaboratifs

    permettant la confrontation dopinion et la prise de dcision.

    Dans une premire partie, nous explorerons les concepts en lien avec notre

    questionnement en nous appuyant sur les expriences et les publications relatives notre

    sujet de recherche. Dans une deuxime partie, nous prsenterons la mthodologie et les

    rsultats des enqutes menes auprs de professionnels exerant dans des IFSI

    possdant une dmarche qualit. Nous effectuerons des points de synthse reprenant

    lanalyse des rsultats en lien avec les apports thoriques. Dans une troisime partie,

    nous laborerons des pistes stratgiques pour le directeur dinstitut souhaitant mettre en

  • - 4 - Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    place une dmarche qualit, puis, nous conclurons en mettant en relief les contributions

    du travail.

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012 - 5 -

    1 Cadre et champ de ltude

    Nous allons dans ce premier chapitre apporter un clairage thorique sur le concept

    dintelligence collective, les diffrentes formes quelle peut prendre selon les collectifs

    auxquels elle sapplique. Nous tenterons dtablir des liens avec les groupes de

    rfrences qui intressent notre tude. Nous prsenterons la dmarche qualit. Nous

    resituerons rapidement cette dmarche dans un contexte global de recherche de qualit

    et damlioration des soins. Nous relaterons lvolution de lapproche qualit en formation,

    son volution en formation professionnelle. Nous montrerons lvolution des dmarches

    qualit en IFSI, ces instituts tant les lieux de nos investigations.

    1.1 Lintelligence collective

    Le concept de lintelligence collective (IC) tel quil est voqu dans la littrature, se

    rfre la notion dun groupe dindividus, mobiliss autour de la ralisation de projets

    communs et qui pour parvenir leurs fins, mettent au profit du collectif, leurs

    connaissances et leurs savoirs. Ce sont les interactions qui se produisent entre les

    membres de ce groupe qui permettent le dveloppement dune intelligence collective.

    Lintelligence collective est un concept qui a vu le jour la Renaissance, autour de la

    mtaphore de locan des savoirs , qui reprsente limmense quantit de

    connaissances qui fonde notre socit. La reprsentation de lintelligence collective a

    volu ensuite, aux 19e et 20e sicles, autour des rvolutions technologiques

    successives. De nos jours, la rvolution Internet lui permet dtre plus quun concept.5

    1.1.1 Un concept non stabilis

    La notion dintelligence collective sous entend dune manire gnrale la notion

    dintelligence individuelle que nous dfinirons sommairement comme la facult de

    comprhension et de connaissances. Lintelligence collective suppose donc la

    mobilisation de toutes les intelligences individuelles lintrieur dun mme groupe de

    travail afin de mener terme un projet commun. Lintelligence collective existait dj dans

    les socits dites primitives et se caractrisait par la recherche dun avenir commun

    et sur les moyens de latteindre. Cette intelligence collective dite originelle serait

    effective galement dans le fonctionnement de groupe comme les quipes sportives, les

    groupes de musique6. Elle sapparente, dans ce cas l, la perception que chacun a de

    ce que fait lautre pour le collectif et le sens que cela prend pour laction commune.

    5 Intelligence collective : les limites de locan des savoirs /les dossiers de lobservatoire [visit le

    27.09.2012], disponible sur internet : http://obstest.sciencescom.org/?p=1113. 6 NOUBEL JF, Intelligence Collective, la rvolution invisible. [Mise jour le 24 aot 2007],

    disponible sur Internet : http//www.thetransitioner.org/Intelligence_Collective_Revolution_ /Intelligence_Collective_Revolution_Invisible_JFNoubel.pdf.p 7

  • - 6 - Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    Lintelligence collective est un concept dvelopp par Pierre LEVY7. Selon lui :

    L'intelligence collective repose sur un double postulat. Le premier suppose que tout tre

    humain est dtenteur d'une intelligence individuelle laquelle il peut faire appel. Le

    second est qu'il existe une forme d'intelligence, dite "collective", susceptible de dpasser,

    en les intgrant, les intelligences individuelles et les savoirs spcialiss . Afin de prciser

    ce que reprsente pour nous lintelligence collective, nous nous sommes rfre

    diffrentes dfinitions de ce concept. Pierre LEVY la dfinit comme : une intelligence

    partout distribue, sans cesse valorise, coordonne en temps rel, qui aboutit une

    mobilisation effective des comptences. . Il explique que : personne ne sait tout, tout

    le monde sait quelque chose . Il affirme que : chaque membre du collectif serait

    porteur dune richesse quon ne pourrait ngliger et qui lui assurerait une place et une

    contribution uniques au sein du collectif intelligent . Ainsi pour Pierre Lvy :

    Lintelligence collective nest pas quun concept thorique ou philosophique, elle peut

    sous-tendre une nouvelle organisation sociale effective et efficace, base sur les

    comptences, le savoir et les connaissances 8.

    Pour Franoise DUPUICH- RABASSE en 1997 : Il y a intelligence collective lorsque

    lon observe lutilisation collective, au sein dune entreprise, dinformations parses

    dtenues par diffrents individus au travail et que cette dmarche vise susciter un

    consensus daction collective par le biais de processus individuels et collectifs 9.

    Manfred MACK en 2004 dfinit lintelligence collective comme : Une capacit qui, par la

    combinaison et la mise en interaction de connaissances, ides, opinions,

    questionnements, doutes de plusieurs personnes, gnre de la valeur (ou une

    performance ou un rsultat) suprieure ce qui serait obtenu par la simple addition des

    contributions (connaissances, ides, etc.) de chaque individu 10. Quant Olivier

    ZARA, il considre que lIntelligence collective : ...cest un outil pour dvelopper la

    responsabilit, la crativit, ladaptabilit dune organisation et garantir la mise en uvre

    des dcisions en rduisant la rsistance au changement et en crant une mulation

    positive.. 11.

    Ces diffrentes dfinitions de lIntelligence collective renvoient aux notions de travail

    collectif, dorganisation sociale, dactions et de dcisions collectives, comme

    caractristiques indispensables au bon fonctionnement dun collectif de travail. Le terme

    7 LEVY P, sociologue, fonde le concept dintelligence collective dans son ouvrage : LIntelligence

    collective : pour une anthropologie du cyberspace.IL est titulaire d'une chaire de recherche en Intelligence Collective l'universit d'Ottawa au Canada. 8LEVY P, 1997, L'intelligence collective : pour une anthropologie du cyberespace, Paris : La

    Dcouverte/Poche, p 29. 9 DUPUICH-RABASSE F, 1997, cit par ZABET O, Collaboration dans lentreprise et intelligence

    collective , in Association internationale de management stratgique, XVme Confrence Internationale de Management Stratgique, 13-16 Juin 2006, Annecy / Genve, p 12. 10

    Ibid., p 12. 11

    ZARA O, 2004, Le management de lintelligence collective : vers une thique de la collaboration, Paris : M2 Editions, p 6.

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012 - 7 -

    de collectif pouvant indiffremment reprsenter un groupe rduit comme un groupe de

    travail ou une quipe, ou au contraire un nombre plus important de personnes qui

    collaborent latteinte dobjectifs communs. Cependant, les crits relatifs lIC

    saccordent sur le principe que lintelligence collective se dveloppe principalement dans

    des groupes de petite taille, dans lesquels les changes sont plus productifs.

    Dans le contexte de notre travail, ce collectif correspond souvent une quipe de

    moyenne constitution, compose de professionnels issus dune mme formation. Il sagit

    alors de crer au sein de cette quipe, une collaboration efficace, un collectif intelligent

    que Grard GUINGOUAIN dfinit par : la connaissance des comptences des uns et

    des autres , la confiance dans ces comptences des uns et des autres et la

    coopration volont de travailler et russir ensemble 12. Dans nombre de cas, cette

    collaboration permet chacun de participer llaboration dun savoir commun et

    partag.

    1.1.2 Les dimensions de lintelligence collective

    Lintelligence collective se caractrise par des cooprations intellectuelles qui se

    manifestent lors des temps de rflexion collective. Elle reste cependant difficilement

    identifiable au sein des collectifs de travail car il existe peu doutils permettant de la

    reconnatre en tant que telle13. Cependant, les diffrentes approches de lintelligence

    collective qui mergent de la littrature saccordent pour mettre en avant trois dimensions:

    une dimension sociale et relationnelle, une dimension cognitive et une dimension

    systmique. Lmergence de lintelligence collective ncessite que ces trois dimensions

    soient runies et mises profit au sein de lorganisation14. Afin dclairer ce concept et de

    guider notre recherche, nous nous proposons de les dtailler :

    A) La dimension sociale ou relationnelle

    Cette dimension est essentielle au fonctionnement du groupe. Elle permet de crer des

    liens entre les membres de lquipe. Elle se traduit par la ralisation dactions collectives.

    Laction collective prsume la constitution dun groupe de personnes ayant un objectif et

    qui, pour latteindre mettent leurs efforts en commun. LIC suppose une quantit et une

    qualit des cooprations intellectuelles permettant lenrichissement du collectif. Il nous

    12

    GOSSELIN P, GUINGOUAIN G, Une perspective psychosociologique de lvaluation, cours EHESP, 27 avril 2012. 13

    ZAIBET O, Dfinir et reprer lintelligence collective dans les quipes de travail oprationnelles : le cas dune PME du secteur de llectronique, disponible sur Internet : http://isdm.univ-tln.fr/PDF/isdm28/isdm28-zaibet.pdf 14

    ZABET O, Collaboration dans lentreprise et intelligence collective , in Association internationale de management stratgique, XVme Confrence Internationale de Management Stratgique, 13-16 Juin 2006, Annecy / Genve, p 20, disponible sur internet : http://www.strategie-aims.com:events/conferences/8-XVeme-conference-de-l-aims/communication/2183-collaboration-dans-lentreprise-et-intelligence-collective/dowload

  • - 8 - Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    semble important didentifier les situations qui peuvent altrer cette coopration. Parmi les

    freins dnoncs par Olivier ZARA, nous retiendrons : la culture oriente vers le pouvoir, le

    statut plutt que le partage, une organisation pyramidale et hirarchique qui cloisonne et

    qui oppose plutt que de favoriser lesprit de collaboration et la rsistance au changement

    qui est souvent lie la peur de l'inconnu, de la nouveaut, et qui bouscule le confort et la

    scurit que procurent les habitudes15. Face ces possibles drives, la cohsion dquipe

    comme condition de lintelligence collective, doit donner du sens et de la cohrence au

    collectif. Pour cela, il est ncessaire quune dynamique collective se cre permettant aux

    membres du groupe dharmoniser leurs comportements en tenant compte du caractre et

    des motions de chacun.

    La coopration implique donc au sein des collectifs, des espaces de collaboration,

    dautonomie et de conflits indispensables un fonctionnement efficace.

    a) La collaboration :

    Lintrt de la collaboration est : dimpliquer lensemble des membres du groupe. Elle

    suppose quil existe un sentiment de confiance entre les membres dun mme groupe,

    ainsi que des espaces dinteractions bass sur le respect, la fiabilit et la reconnaissance

    de lautre. Lchange entre les membres dun groupe passe galement par le partage dun

    but commun. Pour quune personne accepte de collaborer, il est indispensable quelle

    obtienne en contre partie des signes de reconnaissance de son organisation ou de ses

    pairs. Par rapport au mode coopratif, le mode collaboratif ncessite plus dinteractions

    entre les membres du groupe et sollicite davantage le facteur humain. Il permet entre

    autre, datteindre un niveau suprieur de performance. La capacit dun groupe social

    valoriser son capital humain peut devenir ainsi une marque dintelligence collective.16.

    b) Lautonomie

    Elle peut tre dfinie spontanment comme la libert et le choix dans laction. Elle doit

    tre prsente au niveau individuel et collectif. Lautonomie de lindividu renvoie au mode

    de management individuel qui vise favoriser lautonomie dun collaborateur, sa

    motivation et ses comptences en situation de travail. Sur le plan collectif, le management

    dquipe consiste dvelopper lautonomie du groupe par la motivation de ses membres

    travailler ensemble et la mobilisation active des comptences dans latteinte de lobjectif

    poursuivi. Concilier ces deux modes dautonomie peut tre difficile raliser. Une quipe

    peut avoir une grande marge de libert pour mener la mission qui lui est donne, mais les

    15

    ZARA O, 2004, Le management de lintelligence collective : vers une thique de la collaboration, Paris : M2 Editions, p10 16

    Op.cit. p 6

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012 - 9 -

    membres de lquipe peuvent trs bien navoir aucune libert quant leurs tches au sein

    de cette mme quipe17.

    c) Le conflit :

    Dans tout groupe, il existe des alliances et des rivalits qui peuvent entrainer des zones

    de conflit. Le conflit au sein dune quipe est ncessaire. Il peut sagir du conflit de

    situation, relatif aux valeurs, aux rgles. Il peut galement concerner les membres du

    groupe en tant quentit, cest le conflit de personnes, avec la remise en cause de la

    personnalit de lautre, lexistence de prjugs ou laccumulation de conflits rpts et

    jamais clarifis. Cette situation peut provoquer au sein du collectif, soit lvitement, la

    distanciation, soit la conciliation avec la recherche de lestime de lautre, lmergence

    dune confiance mutuelle. Dans tout les cas, les conflits ne peuvent pas tre supprims

    car ils relvent de la nature sociale. Quelques travaux soulignent que lexistence de

    conflits au sein dune quipe ou dun groupe est gnratrice dintelligence, de crativit.

    18.

    B) La dimension cognitive

    Elle permet de donner une orientation laction collective. Elle se dcline en trois sous

    dimensions :

    a) La comprhension collective

    La comprhension collective se caractrise au sein du groupe par la confrontation des

    ides et des reprsentations de chacun.

    Lactivit collective qui exige la coordination des activits individuelles ncessite

    elle aussi, llaboration dune reprsentation de rfrence dite souvent rfrentiel

    commun. Quoique ces notions ne concident pas tout fait, on parle aussi de rfrentiel

    opratif commun, de vue partage, denvironnement cognitif mutuel, despace

    dinformation commun, de modle mental partag... 19.

    La comprhension collective est labore par les membres du groupe engags dans la

    ralisation de laction20. Elle se construit par la confrontation des connaissances, des

    reprsentations, par le partage de rfrentiels communs et la mise en place dun langage

    17

    ZAIBET O, Dfinir et reprer lintelligence collective dans les quipes de travail oprationnelles : le cas dune PME du secteur de llectronique, disponible sur Internet : http://isdm.univ-tln.fr/PDF/isdm28/isdm28-zaibet.pdf.p10. 18

    Ibid. p 10 19

    HUBERT BELESCOT M, Les diffrentes dimensions de lIntelligence collective. [Mise jour le 28 dcembre 2011], disponible sur Internet : http://max-hubert.belescot.over-blog.com/article-les-differentes-dimensions-de-l-intelligence-collective-95202158.html. 20

    ZABET O, Collaboration dans lentreprise et intelligence collective , in Association internationale de management stratgique, XVme Confrence Internationale de Management Stratgique, 13-16 Juin 2006, Annecy / Genve ,28p, disponible sur internet : http://www.strategie-aims.com:events/conferences/8-XVeme-conference-de-l-aims/communication/2183-collaboration-dans-lentreprise-et-intelligence-collective/dowload.p 21.

    http://www.strategie-aims.com:events/conferences/8-XVeme-conference-de-l-aims/communication/2183-collaboration-dans-lentreprise-et-intelligence-collective/dowload.phttp://www.strategie-aims.com:events/conferences/8-XVeme-conference-de-l-aims/communication/2183-collaboration-dans-lentreprise-et-intelligence-collective/dowload.phttp://www.strategie-aims.com:events/conferences/8-XVeme-conference-de-l-aims/communication/2183-collaboration-dans-lentreprise-et-intelligence-collective/dowload.p

  • - 10 - Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    commun et opratif. Toute situation dinteraction dans un groupe peut galement donner

    lieu au dveloppement dun tat desprit propre ce collectif, la construction dune

    intercomprhension.

    b) La rflexion collective

    Lapprentissage est une condition lmergence dune intelligence collective. Il sobtient

    partir des diffrents savoirs. Il comprend des savoirs thoriques qui sont des savoirs

    communs issus de linteraction entre les membres du collectif de travail et bass sur les

    affinits existantes entre les personnes. Des savoirs faire rsultant des expriences

    vcues ou relatifs laction du travail collectif. Des savoirs actionnables car

    mobilisables lors de laction permettant lmergence de connaissances qui soient

    reprsentatives d'expriences, d'actions et de rflexions.21 A partir de cette rflexion

    collective, et de la mise en commun de ces savoirs, le groupe se cre une mmoire

    collective.

    Dans un collectif intelligent, il est important de diffrencier la rflexion collective de la

    communication collective. La communication est un change dinformations qui ne

    ncessitent pas de cooprations intellectuelles. Lors de la rflexion collective, ces

    cooprations sont mobilises afin de crer ou de transformer linformation, de lui donner

    du sens22. Dans la majorit des cas, nous nous contentons de recueillir ou de concevoir

    une information plutt que de la co construire. Cela relve donc plus de la communication

    que dune coopration effective. La co-construction dune information reste une activit

    rare et complique.

    c) La dcision collective

    Comme nous lavons vu auparavant, lIC est troitement lie laction de rflchir et de

    collaborer. Si la prise de dcision nest pas directement associe lIC, il est cependant

    ncessaire que la construction de la dcision soit le rsultat de cette Intelligence collective

    et de la prise en compte des connaissances de chacun. Ds lors, la dcision peut tre

    celle dune ou de plusieurs personnes car si lIC contribue la construction de la dcision,

    elle ne limpacte pas directement. Il serait cependant rducteur de penser quil existe un

    lien systmatique entre rflexion collective et dcision intelligente23. Olivier ZARA

    considre ce propos, quune rflexion collective peut trs bien mener une dcision

    inadapte, et que le fruit dune rflexion individuelle peut donner lieu une dcision

    21

    ZAIBET O, Dfinir et reprer lintelligence collective dans les quipes de travail oprationnelles : le cas dune PME du secteur de llectronique, disponible sur Internet : http://isdm.univ-tln.fr/PDF/isdm28/isdm28-zaibet.pdf.p9. 22

    ZARA O., 2005, Le management de l'intelligence collective : Vers une nouvelle gouvernance, Paris : M2Editions, p 17. 23

    Ibid. p 18.

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012 - 11 -

    gniale24. Selon Pierre LEVY : La masse n'a pas toujours raison, surtout s'il s'agit d'une

    masse moutonnire et conformiste qui ne remet rien en question. C'est pourquoi le projet

    de l'intelligence collective consiste prcisment valoriser toute la diversit des

    connaissances, des comptences et des ides qui se trouvent dans une collectivit et

    organiser cette diversit en un dialogue cratif et productif. 25.

    Dans le cadre de notre tude, lIC permet lquipe, partir dune rflexion collective,

    de confronter ensemble une multitude de solutions et de parvenir dboucher sur une

    prise de dcision collective. Lintrt de cette dcision collective rsidant dans le fait

    quelle est le rsultat dune rflexion commune et quelle fdre le groupe autour dun

    objectif commun. LIC permet de crer des espaces de paroles permettant le

    rapprochement et la confrontation des intelligences individuelles. La culture de

    l'intelligence collective travaille tablir de manire douce et pacifique un "multilogue"

    ouvert, qui est prfrable aussi bien au cloisonnement et l'isolement des intelligences,

    qu' l'uniformit bien pensante.26 Une des craintes manant des managers et

    concernant lIC est la perte de leur pouvoir. Or comme lexplique Olivier ZARA :

    Lintelligence collective n'induit pas une redistribution du pouvoir (chacun reste sa place,

    chacun conserve la mme quantit de pouvoir) mais un changement dans l'exercice du

    pouvoir, dans les modes de management 27. LIC nenlve pas au directeur son rle de

    dcideur. Elle lui permet de renforcer sa prise de dcision en sappuyant sur la rflexion

    collective du groupe, sur la co construction dune dcision labore partir des

    connaissances et des expriences de chacun de ses collaborateurs.

    C) La dimension systmique

    Cette dimension englobe les deux dimensions prcdemment dcrites. Elle situe lIC

    au carrefour des interactions cognitives et relationnelles qui se ralisent en interne du

    collectif de travail et des interactions qui se produisent lextrieur du groupe et qui le

    relient son environnement. Ces actions collectives traduisent, nous lavons vu, le

    rsultat dune collaboration entre les membres du collectif en vue daccomplir la

    ralisation dobjectifs communs et utiles lorganisation. Au sens de Michel CROZIER et

    dErhard FRIEDBERG : Laction collective nest pas un phnomne naturelil nexiste

    pas de dynamique naturelle qui pousserait les hommes en tant qu tres sociaux

    sunir, se grouper, sorganiser 28. Lindividu se trouve au centre dun systme auquel

    il apporte sa contribution. II participe au systme en construisant ses actions en fonction

    24

    ZARA O., 2005, Le management de l'intelligence collective : Vers une nouvelle gouvernance, Paris : M2Editions, .p18. 25

    LEVY P, cit par ZARA O., 2005, Le management de l'intelligence collective : Vers une nouvelle gouvernance, Paris : M2Editions, p 18. 26

    Ibid. p18. 27

    ZARA O, 2004, Le management de lintelligence collective : vers une thique de la collaboration, Paris : M2 Editions, p5. 28

    CROZIER M, FRIEDBERG E, 1977, Lacteur et le systme, Paris : Edition du seuil, p15.

  • - 12 - Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    des connaissances quil possde et de la perception quil a de son environnement. Selon

    RIBETTE (1996) : Lefficacit dun groupe humain oblige la gestion des projets

    individuels et des projets collectifs. Au-del de lefficience interne, la vritable efficacit

    dune organisation dpend dune bonne mise en perspective avec son environnement 29.

    Il nous parait donc indispensable de relier lorganisation son environnement et au

    contexte dans lequel doivent voluer ses projets.

    1.1.3 La fiabilit de lintelligence collective

    Nous avons vu prcdemment que le concept dintelligence collective repose

    principalement sur la dynamique de groupe et les interactions qui en dcoulent.

    Cependant, il mane parfois de ces interactions, des dysfonctionnements qui peuvent

    remettre en cause les principes de lintelligence collective. Christian MOREL attire notre

    attention sur les drives qui peuvent se produire au sein de ces collectifs. Il crit :

    Lorsque des individus dcident et agissent en groupe, de multiples piges entravent

    leurs interactions, dgradant de ce fait fortement lintelligence collective 30.Il dcrit

    comme enchainements pervers principaux31 :

    Leffet de polarisation : le groupe prend aprs une discussion, une dcision plus

    risque que celle quil aurait prise sans cette discussion. Cest un effet contreproductif et

    inverse lesprit de dlibration qui consiste tenir compte de ce qui a t au

    pralablement discut. Le paradigme de Asch : lindividu a tendance se ranger lavis

    unanime du groupe mme si il en peroit les inexactitudes. Le biais de confirmation : les

    membres du groupe ne tiennent compte que des informations et arguments qui servent

    leurs positionnements. La pense de groupe : il sagit de privilgier lharmonie et la

    cohsion du groupe lexpression des dsaccords et des conflits interne. La

    communication silencieuse : chacun pense savoir ce que lautre pense, ce qui peut crer

    des apprciations fausses et des confusions. Lillusion de lunanimit : comme certains

    membres taisent leurs dsaccords, le reste du groupe pense quil y a unanimit alors que

    ce nest pas le cas. C MOREL affirme quajouts les uns aux autres, ces effets

    provoquent une sorte divresse de groupe qui peut donner lillusion dune adhsion

    absolue. Outre ces effets lis leffet de groupe, il dnonce galement comme effet

    pervers, la pression hirarchique qui peut sexercer sur le groupe, qui par crainte de

    mcontenter le chef va dissimuler ses dsaccords : Le respect excessif de lautorit est

    un des plus vieux dysfonctionnement du monde 32. Nous avons prioriss les effets de

    29

    RIBETTE, cit par HUBERT M : http://max-hubert.belescot.over-blog.com/article-les-differentes-dimensions-de-l-intelligence collective- 95202158.html 30

    MOREL C., 2012, Les dcisions absurdes II, comment les viter, Mesnil-sur- lEstre : Gallimard, p6. 31

    Ibid. p119 32

    Ibid. p124

    http://max-hubert.belescot.over-blog.com/article-les-differentes-dimensions-de-l-intelligencehttp://max-hubert.belescot.over-blog.com/article-les-differentes-dimensions-de-l-intelligence

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012 - 13 -

    groupe qui nous paraissent tre observables dans les groupes de rfrences de notre

    tude.

    Nous pensons quil est important pour un directeur dtre conscient de ces

    manifestations et de leurs interfrences dans les dlibrations et la prise de dcision. Le

    rle du directeur est de permettre la mobilisation de lintelligence collective et des

    connaissances en facilitant le partage des savoirs et la co-construction lintrieur du

    groupe. Dans le cadre de notre tude, le directeur dinstitut de formation manage une

    quipe forme de professionnels de la sant. Cest un collectif possdant des

    connaissances communes issues dexpriences professionnelles diverses, ce qui nous

    semble tre un lment favorisant lmergence de lIC.

    Au fil de la dcouverte de ce concept, nous pouvons conclure que runir des individus

    dans un groupe de travail nest pas une condition suffisante pour que se cre de lIC. Il est

    ncessaire que la situation de travail collectif comporte des lments suffisant gnrer

    une coordination entre les membres du groupe. Afin de poursuivre nos investigations,

    nous allons tenter dtablir si ces lments sont observables dans le cadre de la mise en

    uvre dune dmarche qualit en IFSI.

    1.2 La dmarche qualit

    1.2.1 Le concept de qualit travers le temps

    La notion de qualit se dveloppe au dbut du XXme sicle avec lvolution de

    lindustrie. En 1950, Williams Edwards DEMING dveloppe et applique ce concept au

    management des entreprises. Les principes de la qualit totale sont poss par J.M.

    JURAN selon trois principes : la planification, le contrle, et lamlioration continue de la

    qualit. Dans les annes 1960, K. ISHIKAWA dveloppe le management par la qualit

    totale fond sur trois grands principes : lengagement de la hirarchie, ladhsion

    volontaire de tous et la prise en compte des besoins exprims par les utilisateurs33. En

    France, lAssociation Franaise de Normalisation (AFNOR) est cre en 1926 et

    lAssociation Franaise de Contrle Industriel et Qualit (AFCIQ) en 1957. Les premires

    normes ISO sont publies en 1987, rvises en 1994, en 2000 et en 2008. LAssociation

    Franaise de lAssurance Qualit (AFAQ) est cr en 1988 afin dauditer les systmes

    qualit. Pour cela, elle utilise les normes ISO qui admettent un langage commun toutes

    les entreprises et permettent lobtention de certificats de conformit34.

    33

    GALIZIA JL., L'accrditation/certification et ses consquences pour les tablissements de sant : tude juridique et perspectives, thse en Droit de la Sant., disponible sur internet : http://www.adequationsante.com/assets/pdf/La-demarche-qualite-a-travers-l'histoire.pdf.p2. 34

    Ibid.pp 2-3

  • - 14 - Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    La qualit reste un concept difficile dfinir au regard de son caractre multi

    dimensionnel. Cependant, il nous parait indispensable dclaircir cette notion afin de

    mieux comprendre en quoi consiste la dmarche qualit que nous nous proposons

    dtudier dans la suite de ce travail.

    Du point de vue du consommateur, la qualit dsigne laptitude dun produit rpondre

    ses besoins et ses exigences. Pour le patient, elle interroge principalement sa relation

    avec les professionnels de sant, les conditions de son hospitalisation, la performance de

    sa prise en charge. Pour les professionnels de sante, elle met en avant les comptences

    des professionnels, lopportunit dexcution des soins, la communication avec le patient

    et le maintien de sa confiance. Pour le dirigeant, elle est davantage considre comme

    une politique qui permet la mobilisation de tous les personnels dans le but damliorer le

    fonctionnement de lorganisation. Pour le financeur, elle intgre la notion defficience du

    systme. 35 Face ces diffrents points de vue, lAFNOR propose une dfinition unifie de

    la qualit. Cette dernire est prsente comme : Lensemble des caractristiques dune

    entit qui lui confrent laptitude satisfaire des besoins exprims ou implicites. 36. Pour

    parler de la qualit, il existe un nombre important de locutions : assurance qualit,

    systme qualit, politique qualit, dmarche qualit, qualit totale, norme qualit, gestion

    de la qualit, certification, etc..Parmi toutes ces appellations, lexpression de dmarche

    qualit semble tre de nos jours, la plus utilise dans les organisations. En effet, la notion

    de dmarche prsuppose en amont, une rflexion, un cheminement, une mthode. Elle

    rappelle en cela les dmarches de projet et conforte la notion de participation active du

    personnel. De par ses diffrents aspects, elle semble tre mieux accepte au sein des

    institutions et particulirement dans les tablissements de sant.

    1.2.2 De la qualit en sant la qualit en formation

    Nous avons vu que la dmarche qualit permet une institution danalyser et

    damliorer son organisation interne afin dobtenir la satisfaction de ses clients ou usagers

    en regard de leurs attentes. La dmarche qualit des tablissements de sant ne diffrent

    pas de ces principes. Elle se fonde sur les orientations et objectifs formuls par la Haute

    Autorit de Sant (HAS) et poursuit comme objectif premier la satisfaction des patients.

    LOrganisation Mondiale de la Sant (OMS) dfinit la dmarche qualit comme :

    Dmarche qui doit permettre de garantir chaque patient la combinaison dactes

    diagnostiques et thrapeutiques qui lui assurera le meilleur rsultat en terme de sant,

    conformment ltat actuel de la science mdicale, au meilleur cot pour un mme

    rsultat, au moindre risque iatrognique et pour sa plus grande satisfaction en termes de

    35

    GALIZIA JL., L'accrditation/certification et ses consquences pour les tablissements de sant : tude juridique et perspectives, thse en Droit de la Sant., Disponible sur internet : http://www.adequationsante.com/assets/pdf/La-demarche-qualite-a-travers-l'histoire.pdf p7 36

    Ibid. p7

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012 - 15 -

    procdures, de rsultats et de contacts humains lintrieur du systme de soins . La

    procdure de certification des tablissements de sant a t introduite au sein des

    tablissements de sant franais par les ordonnances de 199637 . Elle a pour objectif de

    porter une apprciation indpendante sur la qualit des prestations dun tablissement

    (introduction au manuel de certification V 2010 ; HAS juin 2009). Entre 2003 et 2010, la

    certification a connu trois versions successives. La version 2010 porte laccent sur les

    dynamiques managriales en sappuyant sur la dfinition dune politique qualit et dun

    plan daction, la ralisation dactivits respectant les exigences et galement lvaluation

    de lactivit avec la mise en uvre dactions damlioration et lassurance de leur

    efficacit. Si tous les tablissements, publics ou privs, de sant sont tenus dentrer dans

    cette procdure tous les quatre ans, il nexiste pas dobligations analogues concernant les

    organismes de formation.

    En formation, la recherche de la qualit prend son essor la suite de la loi de 1971

    relative la formation professionnelle38 qui institue lobligation pour lemployeur de

    financer la formation professionnelle continue. A cette occasion, de nombreux organismes

    de formation voient le jour. Ds lors apparait la notion de slection partir de critres de

    qualit dorganisation. En 1989, lEtat demande au cabinet Bernard Brunhes un rapport

    sur les formations quil finance. A cette poque, la formation professionnelle est

    suspecte dinefficacit, de gaspillage et de dtournement de fonds publics .Une

    approche oprationnelle de la qualit est propose. Elle comprend sept critres

    permettant lvaluation des organismes de formation. Ces sept critres sont : le cadre

    pdagogique, la mise en uvre de lalternance, la gestion des ressources humaines de

    lorganisme de formation, la pratique du partenariat, la comptence ou la spcialisation de

    lorganisme de formation, la capacit dinnovation et linvestissement pdagogique, la

    capacit dauto valuation de lorganisme. 39

    A partir de 1990, les initiatives se multiplient et la Chambre syndicale des

    professionnels de la formation sengage sur les normes AFNOR. Ces normes proposent

    un vritable cahier des charges liant organisme et entreprise commanditaire. Des

    rfrentiels damlioration de la qualit en formation voient le jour, qui concernent

    indiffremment les formateurs et les organismes40. En 1994, lOffice Professionnel de

    Qualification des Organismes de Formation (OPQF) est cr, linitiative de la Fdration

    de la Formation Professionnelle (FFP) et du ministre du Travail, de lEmploi et de la

    Formation Professionnelle. Lobjectif de cet organisme est de participer au

    37

    Ordonnance n 96-346 du 24 avril 1996 portant rforme de l'hospitalisation publique et prive. 38

    Loi n 71-575 du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l'ducation permanente. 39

    GRIMALDI Y., 2005, Dmarches qualit et identit professionnelle en conflit Quand le management par la qualit simpose des formateurs en travail social, Paris : LHarmattan. p 41 40

    Ibid. p 41

  • - 16 - Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    dveloppement, lamlioration et lvaluation du professionnalisme des organismes de

    formation. LOPQF dlivre un certificat de qualification attestant du fait que la structure

    qualifie rpond toutes les caractristiques du professionnalisme. Les normes AFNOR

    restent toute fois les plus utilises dans la formation. Cest sous ce label qu eu lieu la

    premire certification dun IFSI. .

    1.2.3 Les enjeux dune dmarche qualit en IFSI

    Jusquen 2009, il nexiste aucune lgislation, ni obligation pour les IFSI concernant la

    mise en uvre dune dmarche qualit. Un guide pour un autodiagnostic de la qualit de

    formation en IFSI est ralis manant dun groupe de travail national du Comit dEntente

    des Formations Infirmires Et Cadres (CEFIEC) en fvrier 2000. A linstar de lIFSI de

    Privas qui sera le premier IFSI certifi ISO 9001 en 2001, des approches qualit se

    concrtisent au sein des IFSI. En novembre 2005, la direction de lvaluation et du

    dveloppement pdagogique de lEcole des Hautes Etudes en Sant Publique (EHESP)

    dite un rfrentiel qualit portant sur laccrditation de dispositifs de formations

    suprieures professionnelles. Selon les auteurs de ce manuel, ce rfrentiel a t conu

    pour pouvoir sadapter de nombreuses formations suprieures professionnelles41.

    Dailleurs, de plus en plus dIFSI sinspirent de ce rfrentiel pour guider leurs dmarches

    qualit.

    A partir de 2009, la notion dvaluation des dispositifs de formations devient plus forte

    avec la mise en place dun nouveau rfrentiel de formation rpondant aux exigences

    duniversitarisation des tudes. La lgislation va suivre cette volution et prciser les

    attentes rglementaires en termes dvaluation du cursus de formation des tudiants

    infirmiers42. Elle va affirmer lvaluation des IFSI par une autorit extrieure.

    Circulaire interministrielle n DHOS/RH1/DGESIP/2009/201 du 26 juin 2009,

    relative la dlivrance du grade de licence aux infirmiers diplms dEtat et

    lorganisation du partenariat Conseils rgionaux/Universits/IFSI :

    La dimension universitaire qui caractrisera dsormais le cursus de formation des

    infirmiers se traduira notamment par [] lvaluation, chance rgulire, des

    formations par une autorit administrative indpendante, en lespce lAgence

    dvaluation de la recherche et de lenseignement suprieur (AERES) .

    Circulaire interministrielle n DHOS/RH1/DGESIP/2009/202 du 9 juillet 2009,

    relative au conventionnement des instituts de formation en soins infirmiers IFSI avec

    luniversit et la rgion dans le cadre de la mise en uvre du processus Licence -Master-

    Doctorat (LMD). : [La convention] prvoira galement les modalits suivant

    41

    DIRECTION DE LEVALUATION ET DU DEVELOPPEMENT PEDAGOGIQUE., 2005, Accrditation de dispositifs de formations suprieures professionnelles : rfrentiel qualit, Rennes : ENSP, 53p 42

    BOUSSEMAERE S : La dmarche qualit en Institut de formation, cours EHESP, 12-13 avril 2012.

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012 - 17 -

    lesquelles les dossiers dvaluation des formations seront transmis chance rgulire,

    par lintermdiaire de luniversit coordinatrice, lagence dvaluation de la recherche et

    de lenseignement suprieur .

    Arrt du 31 juillet 2009 relatif aux autorisations des instituts de formation [] et

    aux agrments de leurs directeurs.

    Dans lannexe 1, relatif la composition du dossier dautorisation en vue de la cration ou

    du renouvellement dautorisation de linstitut, lengagement dans une dmarche qualit de

    dispositifs de formations professionnelles suprieures est attendu.

    Ds lors, les IFSI sengagent dans des dmarches qualit sans toutefois quil existe de

    rfrentiel prdfini pour cela. Les ralisations concrtes de dmarches qualit vont se

    mettre progressivement en place avec comme support des rfrentiels varis. La

    dmarche qualit en IFSI peut alors tre dcrite comme une dmarche exposant dune

    manire rationnelle les diffrents actes de formation. Cependant, sa mise en uvre ne se

    contente pas de rpondre aux exigences rglementaires, elle affiche galement dautres

    enjeux pour la formation. Selon une directrice dIFSI, la dmarche qualit permet la

    reconnaissance du travail effectu et lvaluation objective des comptences. Elle reflte

    la volont de progresser dans les pratiques. Pour cela, la dmarche qualit doit tre au

    service dun projet partag, une invitation aux changes et la responsabilisation des

    acteurs. Elle favorise lmergence dune identit spcifique de lIFSI43.

    Cet engagement des IFSI dans la dmarche qualit questionne le rle du directeur

    dinstitut. Nous avons vu en introduction de ce travail quil doit dfinir et mettre en uvre

    une DQ au sein de sa structure. Nous avons galement montr que lintgration dune DQ

    implique des changements importants au niveau de lorganisation et des pratiques du

    personnel de linstitut. Face ces enjeux, le directeur doit faire preuve dun rel

    engagement et mettre en place une organisation favorable au projet : Il pilote la

    dmarche, met en place des conditions favorables au travail, donne du sens laction,

    explicite les objectifs et les buts, signifie clairement lquipe que linstitut sinscrit dans

    une dynamique de changement et dinnovation44. Il met en place un management de la

    qualit en utilisant la dmarche qualit comme un vritable outil de ce management.

    Elisabeth GUILLEMAIN, directrice dIFSI, conclut dans son mmoire de recherche : Ce

    travail nous a conduit mettre en vidence quune dmarche qualit pouvait avoir une

    vise damlioration au niveau strictement organisationnel ou pouvait tre conue comme

    43

    BOYER C, mai 2005, la dmarche qualit : une opportunit pour les Ifsi .Soins Cadres, n54, pp 58 62. 44

    GALIZIA JL., Le management adapt la Dmarche Qualit en tablissement de soins : vaincre les rsistances au changement : Editions SUEZ S.A. 2002 disponible sur internet : http://www.adequationsante.com/assets/pdf/management.pdf.p 24.

    http://www.adequationsante.com/assets/pdf/management.pdf.p

  • - 18 - Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    un vritable outil de management et conduire penser linstitut dans une vision

    prospective. 45.

    Nous pouvons dire que la mise en place dune dmarche qualit en IFSI implique

    lmergence et le dveloppement dune culture partage de la qualit impliquant tous les

    acteurs et en particulier la direction. Nous retiendrons que si la dmarche qualit interroge

    lefficience de linstitut au travers de son organisation, elle permet galement dinterroger

    les relations et les modes de coopration entres ses membres. Cest en cela quelle sous

    tend lexistence de collectifs de travail propices lmergence dune intelligence

    collective.

    1.3 La dmarche qualit et lintelligence collective : des aspects

    communs

    Nous avons vu que lobjectif principal poursuivi par la dmarche qualit est damliorer

    la qualit des organisations en mobilisant ses ressources internes, en responsabilisant les

    diffrents acteurs et en permettant la mise en commun des comptences. Dans un

    contexte o les IFSI doivent faire face de rapides volutions, les directeurs sont appels

    revoir les modes dorganisation des quipes de formateurs. Il est parfois compliqu pour

    le directeur de faire en sorte que tous les membres de lquipe travaillent ensemble et de

    manire efficace la ralisation de projets communs.

    Mettre en place une dmarche qualit rinterroge le mode de fonctionnement de

    linstitut mais galement les modes de relations et de collaboration entre les membres de

    lquipe, et leur efficacit au travail. Le fait de recourir aux ressources internes plutt que

    de faire appel des personnes extrieures, suppose que linstitut dispose au sein de sa

    structure dune intelligence collective et organisationnelle mobilisable. Lintelligence

    collective telle que nous lavons dfinie en amont, nous semble tre en corrlation avec la

    recherche defficience de ces collectifs de travail.

    Aprs avoir men ce raisonnement rigoureux, nous pourrons donc conclure cette partie

    thorique par le fait que la dmarche qualit en IFSI peut favoriser et dvelopper

    lintelligence collective de lorganisation. Cest ce que se propose de dmontrer lenqute

    suivante ralise auprs de professionnels confronts la dmarche qualit en formation.

    45

    GUILLEMAIN E., 2008, La dmarche qualit, un outil de management pour le directeur dInstitut de formation en soins infirmiers, Rennes : Mmoire de lEcole des Hautes Etudes en Sant Publique, Filire des directeurs des soins, p 35.

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012 - 19 -

    2 Lenqute de terrain

    Nous allons dans ce chapitre, prsenter les objectifs et la mthodologie gnrale de

    lenqute. Aprs avoir prsent nos outils de recherche, nous dcrierons les diffrentes

    tapes de lanalyse des rsultats et leur interprtation. Une synthse permettra un

    comparatif des carts avec les axes dinvestigations.

    2.1 Les objectifs

    Comme annonc au dbut de ce travail, le premier objectif de cette enqute est de

    savoir si la mise en uvre dune dmarche qualit au sein dun IFSI induit implicitement

    pour lquipe pdagogique le dveloppement daptitudes relatives lintelligence

    collective. Un deuxime objectif est de recueillir le tmoignage de directeurs dIFSI ayant

    mis en place une dmarche qualit et danalyser leur regard quant aux rpercussions de

    cette mise en uvre sur la dynamique de lquipe pdagogique afin den retirer des

    conclusions et des prconisations en vue dune prise de poste future.

    2.2 La mthodologie

    2.2.1 Les populations enqutes 46

    Lobjet de notre recherche ciblant la dynamique dune quipe pdagogique, nous

    avons ralis nos entretiens auprs dune quipe de huit formateurs en charge de la

    formation des tudiants infirmiers dans linstitut mme o nous avons ralis notre stage

    et notre observation. Il nous parait important de signifier que cet institut a obtenu une

    certification selon la norme AFNOR, et que la dmarche qualit est oprationnelle. A ce

    stade du travail, nous navons pas souhait interviewer le directeur de cet institut, ni le

    formateur rfrent qualit car les entretiens informels raliss auprs de ces

    interlocuteurs ont nourri notre rflexion lors de notre phase exploratoire. Nous avons

    ralis des entretiens auprs de quatre Directeurs des soins, directeurs dIFSI issus de

    rgions diffrentes et possdant une dmarche qualit au sein de leur institution.

    2.2.2 Loutil denqute

    Loutil utilis auprs des diffrents publics est lentretien semi-directif. Nous lavons

    prioris car il permet de favoriser la production dun discours sur un thme donn, en

    favorisant un expos narratif et fluide. Loutil nous parat cohrent au regard des objectifs

    fixs qui sous tendent la comprhension du sens que les acteurs donnent leurs

    pratiques, leur systme de valeurs. Cela permet galement de mettre en exergue les

    points de vue en prsence, les interactions entre individus. Les entretiens ont t mens

    46

    Annexe 1 : Caractristiques des populations enqutes.

  • - 20 - Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    partir de guides dentretien47.48 Ces entretiens dune heure environ ont t enregistrs

    aprs accord des personnes interviewes.

    2.2.3 Le modle danalyse

    Nous avons choisi le modle de lanalyse de contenu qui est une mthode qui cherche

    rendre compte de ce quon dit les personnes enqutes de la manire la plus objective

    et fiable possible. La procdure ncessite dans un premier temps la mise en texte du

    discours recueilli puis la construction dune grille danalyse pour tudier la signification des

    propose tenus. Pour cela, nous avons effectu une retranscription fidle et intgrale des

    discours partir des enregistrements audio raliss. Afin de pouvoir exploiter ces

    donnes qualitatives, nous avons construit une grille danalyse49 compose de critres et

    dindicateurs appeles catgories. Notre tude cherchant travers les discours reprer

    les aspects relevant de lIntelligence collective, nous nous sommes appuys sur le cadre

    thorique de ltude pour tablir cette catgorisation.

    Pour chaque composante, nous avons tabli une liste dindicateurs gnraux non

    exhaustive qui nous a permis de reprer et de formaliser ces variables tout au long des

    discours. Nous avons donc exploit chaque entretien en reprant des mots ou phrases

    que nous avons regroups en units de sens et que nous avons classs dans chaque

    catgorie. Puis, nous avons traduit les rsultats obtenus en graphique radar afin de

    visualiser et de comparer les multiples caractristiques relatives notre recherche.

    47

    Annexe 2 : Guide dentretien utilis auprs des formateurs dIFSI. 48

    Annexe 3 : Guide dentretien utilis auprs des directeurs dIFSI 49

    Annexe 4 : Grille danalyse

    Dimension systmique

    Dimension cognitive

    Comprhension

    Rflexion

    Dcision

    Dimension sociale / relationnelle

    Collaboration

    Autonomie

    Conflit

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012 - 21 -

    01020304050607080

    Dimension cognitive

    comprhension collective

    Dimension cognitive reflexion

    collective

    Dimension cognitive dcision

    collective

    Dimension sociale /relationnelle collaboration

    Dimension sociale /relationnelle

    conflits

    Dimension sociale /relationnelle Autonomie

    Equipe de formateurs

    2.2.4 Les limites de ltude

    Notre objet de recherche tant de nature qualitative, les rsultats de lenqute ne nous

    permettent pas la gnralisation statistique des donnes. Cependant, leurs portes

    admettent une orientation et nous permettront de formuler des pistes de rflexion et de

    prconisations dans le cadre de la mise en place dune dmarche qualit lors de notre

    future fonction.

    2.3 Le regard des acteurs

    2.3.1 Une approche quantitative des donnes

    La retranscription et ltude des entretiens ont permis de mettre en vidence 272 units

    de sens releves partir des discours des formateurs et 122 issues des entretiens auprs

    des directeurs des soins Ces chiffres ont servit de base de calcul lapproche quantitative

    des rsultats afin dobtenir une reprsentation graphique des donnes. Nous avons

    cherch dterminer la proportion que reprsente chaque composante de lIC pour

    chaque population enqute, puis nous les avons compares.

    A) Lenqute ralise auprs des formateurs

    Fig. 1 : Les diffrentes

    dimensions de lIC et leurs

    composantes exprimes

    par lensemble des

    formateurs sont

    reprsentes en fonction

    de leur prgnance dans les

    discours.

    Les formateurs se sont exprims quant lutilisation de la DQ dans leurs pratiques au

    quotidien. La premire observation que nous pouvons faire est le classement des valeurs

    exprimes par les formateurs. Comprhension collective (27,2%), rflexion collective

    (25%), collaboration (18%), autonomie (14,5%), conflit (10,2%) et dcision collective

    (5,1%).

    Nous remarquons que la dimension cognitive est la variable dominante mais

    uniquement au travers de deux de ses composantes que sont la comprhension collective

    et la rflexion collective. La rpartition dtaille se fait ainsi: pour 5/8 des formateurs, la

    comprhension collective arrive en premire place et pour 3/8 en deuxime. Pour 4/8 des

  • - 22 - Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    0

    10

    20

    30

    40

    Dimension cognitive comprhension

    collective

    Dimension cognitive reflexion collective

    Dimension cognitive dcision collective

    Dimension sociale /relationnelle collaboration

    Dimension sociale /relationnelle

    conflits

    Dimension sociale /relationnelle Autonomie

    Directeurs d'Instituts de Formation

    formateurs, cest la rflexion collective qui est priorise. La notion de dcision collective

    se dmarque trs largement avec une reprsentation trs faible dans les discours, pour

    6/8 des formateurs, cest la variable la moins reprsente. Concernant la dimension

    sociale et relationnelle, cest la collaboration entre les membres de lquipe qui est mise

    en avant, devant lautonomie et la notion de conflit. Nous nous intressons la porte

    collective de la DQ sur une quipe de formateurs, cest pourquoi les rsultats ont t

    interprts dans leur globalit. Cependant, il semble intressant de prciser que parmi les

    formateurs, nous avons pu relever des profils individuels plus marqus en regard dune

    dimension ou dune autre sans toutefois quil y ait une relle opposition dans leur

    positionnements.

    Devant ces rsultats, nous nous sommes interrogs quant au niveau de ressenti du

    formateur. Sa participation ou non la mise en place de la dmarche qualit peut elle

    influer sur ses attentes ? Pour cela, nous avons raliss deux chantillons de population :

    les formateurs prsents la cration de la DQ et les formateurs ayant intgr lIFSI alors

    que la DQ tait dj oprationnelle, puis nous avons compar les donnes. Le rsultat

    montre que cette variable nimpacte pas de manire gnrale lapprciation du formateur

    quant la DQ50. Nous tenons notifier que si les donnes sont trs ressemblantes , elles

    ne permettent pas dinclure le niveau dimplication personnelle des formateurs qui est plus

    nettement plus marqu chez les formateurs lorigine de la dmarche du fait de

    linvestissement et de la charge de travail qui leur a t ncessaire daccomplir et quils ne

    manquent pas de relater dans leur discours : a t un travail monstrueux,

    titanesque...le plus gros du travail a t de sapproprier toute la norme et de la mettre la

    norme de lIFSI

    B) Lenqute concernant les directeurs

    Fig. 3 : Les diffrentes

    composantes de lIC issues

    des entretiens avec les

    directeurs dinstitut de

    formation

    Chaque directeur sest exprim en regard de la mise en uvre dune DQ dans leur

    institut et des enjeux pour les membres de leur quipe pdagogique. Les composantes de

    50

    Annexe 5 : Donnes comparatives entre les formateurs selon lavance de la DQ leur entre lIFSI.

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012 - 23 -

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    Dimension cognitive comprhension

    collective

    Dimension cognitive reflexion collective

    Dimension cognitive dcision collective

    Dimension sociale /relationnelle collaboration

    Dimension sociale /relationnelle

    conflits

    Dimension sociale /relationnelle Autonomie

    formateurs

    Directeurs

    lIC qui prdominent de leurs discours sont la rflexion collective (31,2%), la collaboration

    (26,2%) et la comprhension (19,7%). Deux directeurs sur quatre priorisent la rflexion

    collective, les deux autres la considrent comme la deuxime valeur quils recherchent

    aprs la notion de collaboration. Ces donnes peuvent sexpliquer par la proccupation

    des directeurs favoriser ladhsion des formateurs au projet et leur dsir de le voir

    aboutir. Nous notons une reprsentation plus significative de la part de la dcision

    collective (10,6%) dans les interactions. Les valeurs les moins sollicites sont le conflit

    (4,9%).et lautonomie (7,4%).

    C) Des caractristiques similaires mais des dclinaisons diffrentes

    Fig. 4 : Mise en perspective

    des rsultats obtenus sur

    lensemble des personnes

    enqutes.

    Si nous comparons la reprsentation des diffrentes dimensions de lIC entre les deux

    groupes, nous remarquons une similitude du graphisme. Nous notons une dimension

    cognitive valorise dans les deux groupes. Elle reprsente 57,3 % des rsultats du

    groupe formateur et est reprsente hauteur de 61,4 % dans le discours des directeurs.

    Au sein de cette dimension, une composante est trs faiblement reprsente dans les

    deux populations, il sagit de la dcision collective. Concernant la dimension sociale et

    relationnelle, nous soulignons lmergence de la collaboration et la sous reprsentativit

    du conflit dans les interactions. Cependant, la nature du discours, si elle concerne une

    mme dimension, peut revtir des regards et des approches diffrents. Cest ce que nous

    nous proposons dtudier par lanalyse qualitative des diffrents entretiens.

    2.3.2 Un processus cognitif de reprsentations et de partages

    A) Des interactions constructives qui se forment au sein de lquipe

    Au sein de lquipe de formateur, il nous semble que la DQ a permis de dvelopper un

    tat desprit spcifique ce groupe, en favorisant la possibilit de partage dexpriences

    et de connaissances. Certains formateurs disent avoir acquis une culture commune :

  • - 24 - Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    llan, on la,...le dynamisme on la,cest tous les formateurs.qui ont cette culture

    l. La notion de culture qualit est aborde par lensemble des directeurs comme un

    postulat la mise en place de la DQ : Avant de faire un choix de rfrentiel qualit, je

    prfre travailler sur lappropriation dune culture qualit . Ils sont unanimes pour affirmer

    que la notion de qualit est encore peu dveloppe en institut de formation et que cela

    pourrait constituer un frein lapplication de cette dmarche : on a aussi sur linstitut,

    une quipe qui a un pass assez important pour beaucoup en institut, donc des habitudes

    lourdes et nayant pas du tout vcu laccrditation encore moins la certification des

    tablissements de sant, donc aucune culture qualit, de partage de leurs

    productions. Nous identifions l, un aspect de lIC qui est la ncessit dacqurir un

    environnement cognitif mutuel, un modle mental partag, favorisant lintercomprhension

    au sein du groupe.

    Afin de mettre en place cette DQ, les formateurs ont accept de travailler ensemble sur

    des outils communs et dchanger sur leurs habitudes de travail : chacun dentre nous

    avait des outils de travail qui lui taient propres et quil ne partageait pas avec les autres,

    on avait une multiplicit de documents; mais ctait affreux, donc du coup il a fallu faire le

    tri de ce que lon gardait, de ce que lon quon jetait, il a fallu harmoniser nos pratiques.

    Les formateurs reconnaissent que la DQ leur permet davoir des outils communs, des

    outils quils ont construits ensemble partir de leurs connaissances et de leurs

    expriences diverses et que cela leur permet de mieux travailler ensemble : la

    dmarche qualit, pour moi, cest les outils, une organisation en place, je men serson a

    du crer des outils communs. Cette organisation facilite la coordination des activits

    au sein de lorganisation : Avant la qualit, ce ntait pas simple; parce que franchement

    il y avait plein de choses que si on ne te les disait pas, tu ne pouvais pas le deviner...alors

    tu tais la pche en permanence. Nous constatons que pour le collectif, il est

    important de se crer une rfrence commune, des outils communs comme fondement

    leur coopration. Cest ce que Grard GUINGOUAIN pose comme un des postulats dun

    collectif intelligent : La volont de travailler et russir ensemble 51. Pour les directeurs,

    llaboration doutils communs reprsente une tape de la DQ qui nest pas toujours bien

    vcue et qui peut crer des rsistances au sein de lquipe : ...il a fallu initier les

    documents partags.et cest l, en fait, que jai eu le plus de rsistances de la part de

    certains formateurs et qui perdurent toujourstrs compliqu pour quun autre collgue

    ait un regard sur la production dun formateur. Un directeur nous confie quil a d

    stopper la production de documents qui se rvlait contre productive par rapport

    lappropriation de la dmarche : ...au dpart, il y eu une sorte deuphorie en lien avec la

    51

    GOSSELIN P, GUINGOUAIN G, Une perspective psychosociologique de lvaluation, cours EHESP, 27 avril 2012.

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012 - 25 -

    DQ ou chacun sest lanc dans la production de documents, et puis aprs il y a eu

    comme un dcouragement parce que srement quil y avait trop de documents et puis les

    quipes nont pas trop vu ou on allait avec ces productions l. Il lui a sembl primordial

    que lquipe trouve un intrt cette production qui reprsentait une somme importante

    de travail : pour que les quipes sy retrouvent, il faut quelles voient lapplication de la

    dmarche sinon elles ne voient que la production de documents. Les directeurs

    insistent sur la ncessit de rguler la production de documents et de procdures que

    rclament certaines DQ, notamment celles qui donnent lieu certification : On a mis

    des procdures sur ce qui nous semblait des lments cls, on a harmonis les

    procdures existantes. Le directeur de lIFSI certifi AFNOR ISO 9001 a reconnu une

    certaine prudence quant la spcificit des procdures : il faut que les documents

    soient adapts et pas adaptables car ils ne le sont jamais vraiment.

    Les runions dquipe ou temps de travail sont prsents comme des espaces

    collaboratifs propices la confrontation dides, de reprsentations : si vraiment le

    cadre nous va pas, on peut le faire volueril suffit daller en runion pdagogique et de

    dire moi je ne suis pas daccord avec a... et la limite, on a le droit de parole; si on a des

    arguments, on est entendu. Ils favorisent un langage partag : On ne peut pas faire

    ce que lon veut parce quon nest pas tout seul fonctionner, on fait partie dun groupe

    le groupe a ses codes, la reconnaissance dun rfrentiel commun, le partages de

    connaissances. Ces espaces sont perus comme des lieux permettant aux formateurs de

    questionner leurs pratiques, de confronter leurs ides : chaque fois quon saperoit

    quil y a quelque chose qui serait modifiable au niveau de la qualit, on se met tous

    dedans, on sy met volontiers...on en parle, on modifie les choses... de proposer des

    rajustements: Cest une faon de fonctionner, cest des outils chaque fois quon est

    confronts des limites, on va proposer des rajustements . Un seul formateur

    mentionne clairement llaboration dobjectifs communs au sein de lquipe : a

    contraint mais cela nous permets surtout davoir des objectifs communs ... Un directeur

    prcise que ces interactions sont ncessaires lefficacit de cette dmarche : dans

    une DQ, ce quil faut, cest quil y ai une connaissance, une mutualisation, un partage et

    un lien, un rajustement dans les activits pdagogiques pour quil y ait une meilleure

    qualit et une progression.. . Pour un seul des formateurs, ce nest pas tout fait

    satisfaisant : je trouve quon fait beaucoup trop de qualit au dtriment de la

    pdagogie.. .

    B) Le partage des savoirs et la construction dune mmoire collective

    Tous les formateurs soulignent limportance de pouvoir mettre en commun leurs

    rflexions. Quelles soient en lien avec lorganisation : la qualit permet de temps en

  • - 26 - Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    temps de se reposer des questions sur notre fonctionnement organisationnel... cest dire,

    on fait cela, pourquoi on le fait ? est-ce que cest encore utile ? ou quelles concernent

    leurs pratiques pdagogiques quotidiennes : on a la possibilit de rflexion et damener

    chacune nos rflexions dans la pdagogie, la DQ est l pour que lon construise un projet

    mais qui soit. ; qui rentre dans cette dmarche, un souci de qualit de lenseignement

    ...on na pas de souci pour amener des thmes de travail . Nous relevons dans les

    discours que les changes permettent dinterroger les activits et les savoirs

    pdagogiques et quils sont loccasion dune rencontre et dune mise en lien de la

    dmarche qualit avec la dmarche pdagogique. Pour les directeurs cela peut tre un

    levier possible lacceptation de la DQ : ...faire le lien avec le rfrentiel de la formation,

    la comptence 7, danalyser la qualit des soins et damliorer sa pratique

    professionnelle, je dirai lancrage direct dans la culture de la qualit .quelque part cest

    un moyen dembarquer les formateurs et lquipe . Un directeur souligne que le lien

    avec la pdagogie est incontournable pour favoriser ladhsion de lquipe : ... tout ce

    qui est ISO, moi a ne me convient pas du tout parce que je pense que la DQ pour que

    les formateurs adhrent, il faut que ca passe par la pdagogie, or dans la dmarche ISO,

    il ny a rien sur la pdagogie.. . Dautres, ont mis en exergue le ncessaire ancrage de la

    DQ dans le projet de linstitut : un des axes majeurs du projet dinstitut est : mettre en

    uvre une dynamique qualit dans linstitut a pose le cadre de lensemble du projet .

    Ces temps de rflexion ou groupe de travail sont galement dcrits comme des lieux

    de confrontation dexpriences et dlaboration de savoirs au service du collectif, pour agir

    ensemble : Amener lquipe justement reformuler les choses, revoir ses pratiques,

    et mme en crer de nouvelles...avec la rflexion qui va avec.. . Certains formateurs

    trouvent que ces temps sont parfois tendus : la rflexion sur les pratiques

    pdagogiques, ce nest pas quelque chose de facile...cest peut tre pas

    maitrisable... mais cela permet de partager nos points de vue et nos pratiques.. En

    mme temps, ces moments sont reconnus comme indispensables la cohrence du

    groupe : On se rencontre sur des questions, comment vous faites ? on reprend un

    projet, quelles sont les choses reproduire ou viter... on est bien sur une pratique

    professionnelle pas dune personne mais dun groupe en fin de compte... ; Nous avons

    vu que pour Franoise DUPUICH- RABASSE Il y a intelligence collective lorsque lon

    observe lutilisation collective, au sein dune entreprise, dinformations parses dtenues

    par diffrents individus au travail . Lchange et la capitalisation des savoirs et savoirs

    faire prend progressivement la forme d'une mmoire collective, dans le sens o elle

    permet au collectif dafficher et de faire perdurer ses pratiques au gr des mouvements

    pouvant intervenir dans lquipe :: Quand nos collgues arrivent, cest plus facile pour

    elles , dans lintgration ,cest quand mme mieux cest galement ressenti au niveau

  • Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012 - 27 -

    dun directeur : les nouveaux formateurs sont plus adhrents , parce que ils sont

    imprgns du choix du collectif ..

    C) Une prise de dcision implicite

    La prise de dcision napparait pas en tant que telle dans le discours des formateurs.

    Cest comme si le processus dcisionnel se confondait dans lensemble de la dmarche

    comme une recherche perptuelle de consensus suffisant arrter le positionnement de

    chacun et laissant supposer une prise de dcision collective. Le comit de lecture...a

    nous permet de confronter nos points de vue sur les valuations et de finir par se mettre

    daccord, de crer une feuille de route pour que tous les formateurs sy retrouvent.. .

    Cependant, lors de notre immersion au sein de cette quipe, nous avons t tmoin de

    prises de position amenant discuter de lopportunit de nouveaux outils ou de validation

    de procdures et donnant lieu une dcision formalise et acte par la directrice dans le

    cadre de la procdure de la DQ. La prise de dcision na pas t formule telle quelle

    mais plutt sous entendu comme le rsultat dun consensus qui reflterai la confrontation

    des ides et avis exprims par le groupe. Or si nous reprenons quelques expressions de

    formateurs, la notion de consensus nous semble incertaine : On nest pas daccord sur

    le sujet, en ce moment tu ne peux plus te permettre de ... si tu parles ca va tre

    compliqu...il vaut mieux faire comme tout le monde et dire oui.. , et le fondement de la

    dcision discutable : Tu fais un choix pour tre tranquille, tu ne veux plus te heurter

    tes collgues...donc tu laisses aller Nous observons dans ces discours, un des effets

    pervers dcrit par C MOREL, la pense de groupe qui fait que parfois les personnes

    prfrent taire leurs rticences plutt que de rompre lentente du collectif.

    Nous nous interrogeons sur le rle de la direction dans la prise de dcision ou en tout

    cas sur lexpression de cette dcision. Nous avons vu quil importe peu que la dcision

    soit prise par une seule personne ds linstant quelle a t co-construite partir des

    apports et des points de vus de chaque membre du groupe. Cependant, une dcision

    manant du groupe peut tre une condition favorable son acceptation et son

    observance : dans le systme qualit, a t dcid en groupe.. . Cela nous amne

    nous interroger dune manire plus gnrale sur le positionnement de la direction dans

    la DQ.

    Pour les formateurs, il ne fait pas de doute que la direction est implique dans la DQ:

    La direction doit tre dans la dmarche qualit ,elle doit tre implique parce que cest

    quelque chose qui se fait dans un tablissement dont la personne est responsable et en

    fin de compte elle a un autre regard .ce nest pas un regard de formateur ,cest pas le

    regard de rfrent ,mais cest le regard de la direction et je pense que tous ces regards

    font que justement cette dmarche est le plus adapte possible .. . Elle est perue

  • - 28 - Monique BUNET - Mmoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sant Publique - 2012

    comme un lment de rgulation voir dautorit : on a lautonomie pour tout sujet qui

    nous intresse...on a toute autonomie, bien sr avec laval de la directrice ... . La

    direction est souvent linitiative du projet : les formateurs nimaginaient pas ce que

    pouvait tre une DQ en institut...jai commenc par en parler individuellement lors des

    entretiens dvaluation, a les a intress par curiosit, sans squeezer la rflexion sur les

    atouts et les contraintes .Ses proccupations dpassent quelque fois celles de lquipe :

    Il ne faut pas oublier que tout ce qui est procdure, a nous permet de nous protger

    contre des recours ventuels .je pense notamment toute la procdure concours ....

    Lquipe de formateur na pas fait mention de relations hirarchiques ou dexercice de

    pouvoir dans son mode de fonctionnement interne.