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Colloque sur les Contrats d’entreprises communes (Joint Venture) Barreau du Québec Montréal 30 avril 1999 LA TERMINAISON DES JOINT VENTURES CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR Me NICOLE LACASSE Professeure titulaire Faculté des sciences de l’administration Université Laval

LA DISSOLUTION DES JOINT VENTURES - … · 1 Sur la notion de Joint Venture et les différentes formes juridiques qu’elle peut ... accords satellites. 3 Réuni au cours des années

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Colloque sur les Contrats d’entreprises communes (Joint Venture)

Barreau du Québec Montréal

30 avril 1999

LA TERMINAISON DES JOINT VENTURES

CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR Me NICOLE LACASSE Professeure titulaire Faculté des sciences de l’administration Université Laval

La dissolution des joint ventures 2

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

I- LES BLOCAGES ET LES MÉCANISMES QUASI-JUDICIAIRES DE SOLUTION

A- La notion de blocage

1- Définition subjective

2- Définition objective

B- Les mécanismes quasi-judiciaires de solution

1- L'accord amiable

2- La conciliation ou l'arbitrage

3- Les clauses d'adaptation (clauses de hardship)

II- LES MÉCANISMES CONTRACTUELS DE SOLUTION DES BLOCAGES ET LES EFFETS

DE LEUR MISE EN ŒUVRE

A- Les mécanismes contractuels de solution

1- Les clauses de transfert d’actions

2- Les clauses de retrait

3- Les clauses de dissolution

B- Les effets des mécanismes contractuels de solution

1- Les effets des clauses de transfert d’actions

2- Les effets des clauses de retrait

3- Les effets des clauses de possession ou de dissolution

CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE

La dissolution des joint ventures 3

INTRODUCTION

Dans la communauté d’affaire internationale, le terme « Joint Venture » fait partie des

concepts communs et du vocabulaire connu des partenaires étrangers. Mais du point de vue

légal, la notion de Joint Venture n’en demeure pas moins ambiguë. Une Joint Venture peut

être :

♦ un accord purement contractuel entre des personnes physiques ou morales qui ont une

communauté d’intérêt et s’entendent pour coopérer, pour prendre des initiatives

communes;

♦ une entité juridique créée conjointement par deux ou plusieurs partenaires, les entités

utilisés étant principalement la société conjointe ou la filiale commune. 1

Le caractère équivoque du terme Joint Venture et les multiples structures légales qu’il peut

couvrir, obligent à faire des choix pour l’analyse de la dissolution d’une Joint Venture. Dans

cette étude, les questions posées par la terminaison seront envisagées principalement pour

trois cas de figure : (1) les contractants d’une Joint Venture purement contractuelle, formée

par la simple signature d’un accord de base entre les partenaires; (2) les associés d’une société

conjointe; et (3) les actionnaires d’une filiale commune.

Sans être pessimiste, le juriste doit prévoir les risques et leurs incidences sur la Joint

Venture. La fin de la joint venture est évidemment une conséquence extrême qui doit être

réservée à des circonstances précises. Dans les faits, la dissolution des joint ventures est le

plus souvent due à des causes interpersonnelles et, plus rarement, à des problèmes liés à

l’exploitation. Par exemple, il peut surgir un changement drastique dans les relations entre les

partenaires de la joint venture, entraînant des remises en cause unilatérales ou globales de leur

coopération. De même, des divergences d’opinions concernant des éléments fondamentaux de

la coopération ou des conflits touchant la gestion et les décisions politiques du groupement

peuvent justifier la dissolution. Quant aux causes liées à l’exploitation même de la joint

venture, la dissolution peut être le fait de la disparition de marchés, de pertes importantes, de

manque de profits ou encore de changement de stratégie commerciale.

La dissolution des joint ventures 4

La réussite d'une joint venture passe d’abord par l’intérêt commun des partenaires, la

confiance qu’ils se portent, leur volonté et leur capacité d’accomplir ensemble. Mais le succès

exige également un accord de base de joint venture bien rédigé, adapté à la situation propre

des parties et traduisant bien leur volonté. Généralement2, l’accord de base jour un rôle

central : il oriente la signification de l'ensemble contractuel que constitue la joint venture,

aménage les mécanismes visant à préserver la bonne entente ou la coopération entre les

associés et le cas échéant, réglemente la dissolution de la joint venture.

L’analyse de la problématique de terminaison des joint ventures passe nécessairement

par la notion de blocage envisagée par le Groupe de Travail Contrats Internationaux3. C'est

en effet à l'occasion de blocages, appelés communément litiges ou différends, que sont

déployées les clauses d'autorégulation contenues dans le contrat de base. Aussi, allons-nous de

prime abord définir les hypothèses de blocage et les mécanismes quasi-judiciaires de solution

(I) (allusion étant faite ici à des mécanismes prévus dans le contrat de base mais constituant en

eux-mêmes des mécanismes quasi-judiciaires), avant de traiter des autres mécanismes plus

contractuels dont la dissolution se révèle être le dénouement extrême (II).

I- LES BLOCAGES ET LES MÉCANISMES QUASI-JUDICIAIRES DE SOLUTION

1 Sur la notion de Joint Venture et les différentes formes juridiques qu’elle peut prendre, voir notre étude : « Les coentreprises internationales : le choix de la forme juridique », (1988) 19 R.G.D. 771-785. 2 Il arrive que l'accord de base ne soit qu'un accord préliminaire, destiné à disparaître quand les textes d'application entrent en vigueur. L'hypothèse analysée est celle où l’accord survit à l'entrée en vigueur des accords satellites. 3 Réuni au cours des années 1992 à 1994 à Milan, Londres, Louvain-la-Neuve, Paris, Rotterdam et Bruxelles pour analyser les clauses de divorce dans les joint ventures et envisager un projet de chronique.

La dissolution des joint ventures 5

L’idée de prévoir dans le contrat de base des mécanismes ou des clauses pour parer

aux situations de blocage pouvant surgir dans l’exploitation des joint ventures suscite de vives

controverses. D’aucuns estiment cette initiative chimérique dans la mesure où, à leur sens, il

est difficile, voire impossible d’élaborer un accord suffisamment précis pour compter avec les

événements incertains de façon à les anticiper. D’autres croient au contraire que la chose la

plus importante est de résilier une joint venture de façon amortie et non pas brutalement.4

Dans la pratique, la seconde approche l’emporte et l’on recourt aux clauses

contractuelles pour assurer un tel amortissement. Ces clauses sont très variées, par exemple :

Deadlock; Deadlock situation; Deadlock and dissolution; Rachat en cas de désaccord; Cas

de désaccord; Fundamental Issues and Procedure in Event of Failure to Agree on

Fundamental Issues; Shotgun provision5 pour n’en citer que quelques unes. La résiliation du

contrat de joint venturer comme moyen de juguler la situation de blocage n’est que la solution

ultime. Dans la plupart des cas, priorité est donnée à des mécanismes moins draconiens. Mais

en fait, comment définir le blocage ?

A- La notion de blocage

Deux définitions de la notion de blocage ont résulté des travaux du Groupe de Travail

Contrats Internationaux. L’une est subjective et l’autre, objective.

1- Définition subjective

Suivant la définition subjective, le blocage est lié à la responsabilité pour faute et à

l’inexécution contractuelle. Pour adopter cette définition, les partenaires d’une joint venture

peuvent convenir de la clause ci-après :

Si vous avez intentionnellement inexécuté ou intentionnellement omis d’observer les dispositions des

accords conclus entre nous au regard de notre participation dans X6…

4 KARALIS, J., International Joint Ventures, West, St. Paul, 1992, p.145. 5 DE LY, F. «Les clauses de divorce dans les contrats de groupement d’entreprises internationaux», (1995)3 Revue de droit des affaires internationales, p. 287. 6 Ibid., p. 289.

La dissolution des joint ventures 6

Le blocage est réputé exister dès lors que les circonstances décrites dans cette clause

surviennent et selon les cas, ce blocage pourra provoquer le retrait de l’associé qui s’en sera

rendu coupable. On comprend dès lors pourquoi l’on parle dans de tels cas de «sortie

sanction»7.

2- Définition objective

La définition objective du blocage se détache de toute considération liée à

l'inexécution du contrat de joint venture. Elle réfère plutôt à des circonstances de conflits

véritables : ce sont les cas de mise en œuvre ou «triggering events»8. Les clauses qui suivent

illustrent ces circonstances :

Au cas où un désaccord majeur survenu entre les parties au sujet de la gestion d'une entreprise

commune ne serait pas résolu par le Conseil d'Administration de X9…

Dans le cas où un différend s'élèverait entre C et A sur des questions devant être résolues par une

décision unanime de C et de A en vertu de l'article 10, différend qui ne pourrait être résolu rapidement

au niveau du Conseil d'Administration de la nouvelle société, et serait tel que, de l'avis soit de C soit de

A, cela affecterait les stratégies fondamentales professionnelles de la nouvelle société, le différend non

résolu sera10…

Ici encore, le blocage existe dès que les événements décrits se réalisent. Toutefois, la

pratique élabore des critères de détermination des blocages. Ces critères sont contenus dans

des clauses qui elles-mêmes sont insérées dans le contrat de base. Par exemple, les parties

peuvent stipuler la clause ci-dessous : En cas de conflit ou désaccord entre X et Y relative à toute question que chacune d’entre elles (en sa

propre conscience) aura précisé par un avis écrit («un avis de conflit») et qui est détermiaent pour

l’avenir de la Société, le développement ou les activités, les actionnaires pourront11…

7 DUBISSON, M., Les accords de coopération dans le commerce international, Paris, Lamy, 1989, p.95. 8 De LY, F., op. cit. note 5, p. 287. 9 Idem, 10 Idem. 11 Ibid., p. 292

La dissolution des joint ventures 7

Telle que stipulée, cette clause pose le problème des déclarations unilatérales de

blocage. Autrement dit, la déclaration de blocage faite par une partie peut-elle être contestée

par l’autre partie et au besoin faire l’objet d’une révision judiciaire ? La réponse à cette

question est liée au droit applicable12. Dans certaines juridictions, un redressement fondé sur

les notions d’équité ou de bonne foi peut être envisageable. Mais tout dépend de la clause et

de l’interprétation qu’on en donne. Par exemple, la clause qui suit ouvrira plus à

l’interprétation des faits que la précédente :

La déclaration de blocage par l’une des parties ne déterminera pas, en elle même, si un problème de

blocage existe réellement en pratique13.

Certaines clauses semblent réaliser un compromis entre une déclaration unilatérale et

une déclaration consensuelle de blocage :

La procédure de résiliation et de transfert prévue dans la sous clause b) de cette clause sera applicable

si le désaccord entre les actionnaires entraîne un blocage dans les activités et la gestion de la société.

Si les actionnaires ne se mette pas d’accord sur l’existence de la situation de blocage, le blocage sera

néanmoins réputé avoir existé si le Conseil d’Administration a été dans l’impossibilité de résoudre les

questions inhérentes à sa position pendant une durée de trois (3) mois. En cas de blocage, tout

actionnaire pourra notifier à tout autre actionnaire l’avis auquel la sous clause b) sus-mentionnée

renvoie14.

L’adoption d’une définition subjective ou objective du blocage reste à la discrétion des

parties. Elles sont libres de recourir à l’une ou l’autre dans leur contrat, chacune ayant ses

forces et ses faiblesses. Une fois le blocage ou le litige notifié, les parties pourront mettre en

œuvre les mécanismes quasi-judiciaires de solution prévus dans leur contrat.

B- Les mécanismes quasi-judiciaires de solution

Il existe divers mécanismes de solution des blocages ou différends qui peuvent

survenir entre les partenaires de la joint venture. L'accord amiable, la conciliation, l'arbitrage 12 Idem. 13Idem.

La dissolution des joint ventures 8

et l'adaptation du contrat de joint venture peuvent s'avérer sinon des mécanismes efficaces de

solution, à tout le moins des mécanismes provisoires. Généralement, les parties insèrent dans

leur contrat des clauses prévoyant ces mécanismes, notamment pour éviter que l'une d'elles

n’ait recours aux procédures judiciaires, même si ces dernières constituent potentiellement des

mécanismes de solution. En faisant appel au système judiciaire, une partie risquerait de

compromettre non seulement les négociations15, mais surtout la «vie commune» des

partenaires.

1- L'accord amiable

L'Organisation des Nations Unies pour le Développement industriel 16 entrevoit

l'accord amiable comme la meilleure des solutions offertes aux partenaires pour le règlement

de leurs différends. Cette méthode fait fi de tout formalisme et, dans la pratique, les parties

peuvent convenir d'une clause s'y référant :

Les parties au présent accord reconnaissent qu'il est de leur intérêt et de l'intérêt de la société de régler

rapidement et équitablement les différends susceptibles de se produire dans le cadre du présent accord.

À cette fin, elles conviennent de faire tout ce qui sera en leur pouvoir pour résoudre toute divergence

d'opinion et régler tout différend éventuel par la voie de la consultation et de la coopération17.

2- La conciliation ou l'arbitrage

Même si la conciliation ne confère au conciliateur qu'un pouvoir de recommandation,

elle peut être un moyen efficace. Cette méthode «permet souvent de faire régner un climat

moins passionnel favorisant l'examen des problèmes et la recherche des solutions sans

imposer des procédures trop strictes»18. :

♦ Si l'une des parties au présent accord estime qu'une partie manque à l'une quelconque des

obligations contractées, et si les parties en cause ne peuvent se mettre d'accord sur une solution

14 Idem. 15 Ibid., p. 295 16 Organisation des Nations Unies pour le Développement industriel, Élaboration d'accords pour la création d'entreprises communes dans les pays en voie de développement, Nations Unies, New York, 1972, p. 68. 17 Idem.

La dissolution des joint ventures 9

satisfaisante, la première partie précise à l'autre, par lettre, en quoi elle estime qu'il y a

manquement aux engagements et lui demande de réparer ses torts. Si un accord n'est pas intervenu

dans les 30 jours suivant réception de cette lettre, ou dans un délai plus long, fixé d'un commun

accord, la plainte est transmise à une Commission de conciliation en vertu de la clause ci-après.

♦ Les parties en cause peuvent convenir de soumettre la plainte mentionnée ci-dessus à une

Commission mixte de conciliation, composée de quatre membres, chaque partie en désignant deux,

laquelle a pour mission de rechercher une solution amiable. La Commission de conciliation, après

avoir entendu les représentants des parties, fait connaître sa décision dans les trois mois suivant la

date à laquelle la plainte a été soumise. Cette décision n'est obligatoire que si elle est adoptée à

l'unanimité19.

L'arbitrage offre pour sa part une décision finale et sans appel. Il peut être ad hoc ou

institutionnel. Dans le premier cas, se sont des particuliers qui sont les arbitres et dans le

second, il est fait sous le couvert d'une institution ou d'un centre d'arbitrage. En plus d'être

rapide, la procédure d'arbitrage expose les parties à des frais plus ou moins élevés selon

qu'elle est ad hoc ou institutionnelle. Les clauses d'arbitrage introduites dans le contrat de joint

venture sont très variées et restent soumises à la volonté des parties :

Tout différend ou désaccord entre l'associé étranger et l'associé local au sujet de l'application,

l'interprétation ou les conséquences de tout ou partie du présent accord, est soumis à un arbitre unique

si l'associé étranger et l'associé local se mettent d'accord sur le choix d'un tel arbitre, ou, à défaut, à un

groupe de trois arbitres, dont l'un est désigné par l'associé étranger, le deuxième par l'associé local, et

le troisième par les deux arbitres désignés par l'associé local et l'associé étranger. Si l'une des parties prévient par écrit l'autre partie de la désignation d'un arbitre et lui demande, soit de

donner son accord sur cette désignation, soit de proposer un deuxième arbitre, et si l'autre partie refuse

ou néglige de répondre par écrit à la première partie dans les 10 jours suivant réception du premier

avis, soit en donnant son accord, soit en proposant un deuxième arbitre, la première partie peut

demander au juge de la Cour suprême (du pays hôte) de désigner un second arbitre. L'arbitre ainsi

désigné est considéré comme étant l'arbitre désigné par l'autre partie.

Si les deux arbitres sont incapables de se mettre d'accord sur la personne du tiers arbitre, l'un ou l'autre

d'entre eux peut demander à un juge de la Cour suprême (du pays hôte) de désigner le troisième arbitre.

18 Ibid., p. 69 19 Idem.

La dissolution des joint ventures 10

Toute décision prise à la majorité des trois arbitres ainsi désignés est définitive et s'impose aux parties

au présent accord.

Les dispositions de la Loi sur l'arbitrage (du pays hôte) s'appliquent à tout arbitrage dans le cadre du

présent accord20.

Au Québec, pour être valable, la clause d'arbitrage doit être écrite. De même, elle doit

attribuer aux arbitres une juridiction exclusive. Au demeurant, la clause pourra porter sur les

litiges actuels ou futurs en plus de mentionner la loi applicable à l'arbitrage21. Ces exigences

ne sont pas propres aux clauses d'arbitrage insérées dans les contrats de joint venture.

3- Les clauses d'adaptation (clauses de hardship)

Les clauses d’adaptation des accords de joint venture sont de plus en plus préférées

aux divers mécanismes de règlement des conflits, notamment ceux analysés précédemment.

La critique essentielle à leur endroit est avant tout qu’ils ne répondent pas au besoin

d’adaptation contractuelle pour assurer la survie du contrat de coopération malgré l’évolution

des circonstances. Le plus souvent, ces mécanismes interviennent quand les intérêts des

parties sont devenus franchement opposés. 22 De façon réaliste, il ne reste alors qu’à fixer

l’indemnisation ou le cas échéant, les modalités de la résolution du contrat de joint venture.

Pour tenter d’éviter cette fin de leur partenariat, les parties peuvent stipuler les

hypothèses dans lesquelles l’adaptation de leur contrat sera nécessaire. Les auteurs énoncent

quatre situations où il pourrait être utile de prévoir l’adaptation:23.

1. Lorsque certaines évolutions sont possibles, par exemple l’évolution du marché,

l’apparition d’un produit nouveau concurrent ou la modification de la législation en cours;

2. Si les résultats de la joint venture s’écartent substantiellement de ceux prévus;

3. Lorsque surviennent des situations imprévisibles, irrésistibles, ou encore quand des

préjudices sont subis par une ou plusieurs des parties; 20 Ibid., p.72 21 Articles 2638 et suiv. Code Civil du Québec. 22 BAPTISTA, Luiz et DURAND-BARTHEZ Pascal, Les associations d’entreprises dans le commerce international, 2ème édition, Paris, L.G.D.J., 1991, p. 92.

La dissolution des joint ventures 11

4. L’adaptation peut enfin être prévue en dehors de tout changement de circonstances

extérieures, par exemple à l’occasion d’un blocage du fonctionnement des organes de

direction ordinaires.

Une fois en marche, les clauses d’adaptation font référence à deux instruments : la

renégociation ou l’intervention d’un tiers. Les clauses prévoyant la renégociation sont en

général rédigées de façon plus ou moins contraignantes. Par exemple, elles peuvent prévoir

que les parties devront soit «se concerter», soit «se mettre d’accord»24. La clause ainsi décrite

génère plusieurs questions, entre autres celle de la sanction. De l’autre côté, c’est-à-dire par

rapport à l’intervention du tiers, on retrouve la notion d’amiable compositeur. Au fond, ce

dernier instrument renvoie au mécanisme de conciliation analysé plus haut. Seulement ici, le

problème de la valeur juridique de la décision du tiers se pose : soit il s’agit d’une

recommandation, soit il s’agit d’une véritable décision. 25 Dans le dernier cas, la décision du

tiers est assimilée à une disposition contractuelle et non à une décision arbitrale. En

conséquence, la sanction en cas d’inexécution est la faute contractuelle et non l’exécution

forcée de la décision.

En définitive, le succès de la mise en œuvre des mécanismes quasi-judiciaires de

solution pourra plus ou moins contribuer à préserver la «vie commune» des partenaires.

L'échec, au contraire, risque de les exposer à des mécanismes plus draconiens qui, pour sûr,

mettront en péril leur «aventure».

II- LES MÉCANISMES CONTRACTUELS DE DÉBLOCAGE : LA TERMINAISON DE LA

JOINT VENTURE

Les mécanismes contractuels de déblocages traitent essentiellement de ce qui est

entendu, au sens commun, comme les cas de terminaison de la joint venture : le transfert

23 Ibid., p. 93. 24 Ibid., p. 94 25 Ibid., p. 95

La dissolution des joint ventures 12

d’actions, le retrait de l’un ou de plusieurs des associés ou la dissolution pure et simple de la

joint venture. L’échec des clauses provisoires ou préliminaires analysées précédemment

entraîne généralement la mise en œuvre de ces mécanismes contractuels. Analysons ces

mécanismes et leurs effets.

A- Les mécanismes contractuels de déblocage

1- Les clauses de transfert de participations

Le plus souvent, lorsque les clauses de transfert de participations (actions ou parts)

sont prévues comme mode de solution des blocages, elles stipulent expressément que les

transferts porteront sur la totalité des participations. Selon les cas, le transfert peut se réaliser

en faveur du partenaire restant ou d’une tierce partie. Lorsque la joint venture comporte plus

de deux partenaires, les parties prévoient accessoirement un mécanisme de redistribution des

parts du partenaire cédant, comme dans l’exemple suivant :

Chaque actionnaire peut exercer son droit de premier refus pour un certain nombre d’actions déjà en

sa possession. Si un ou plusieurs actionnaires ne choisissent pas de souscrire les actions qui leur sont

attribuées, les actionnaires qui ont choisi de souscrire les actions pourront souscrire les actions

résiduelles (les «Unsold Shares»). Le nombre d’actions résiduelles sera immédiatement communiqué

par l’offrant aux actionnaires qui ont décidé de souscrire les actions (les «Purchasing Shareholders»).

Les actionnaires souscripteurs disposeront de 15 jours pour indiquer le nombre d’actions résiduelles

qu’ils souhaitent souscrire. Dans le cas où le montant d’actions indiqué dépasse le montant d’actions

non souscrites, de telles actions seront allouées proportionnellement aux actions déjà détenues par les

actionnaires souscripteurs. Si à l’expiration du terme sus-mentionné, ces actions demeurent non

souscrites, l’offrant ne pourra procéder à la vente de ces actions qu’à l’acquéreur mentionné dans

l’avis de vente conformément aux clauses et conditions auxquelles il en fait référence dans cet avis de

vente26.

À l’opposé des clauses qui aménagent le transfert de participations, d’autres clauses

peuvent imposer une interdiction absolue ou relative de transfert de participations. Les

interdictions absolues de transfert se justifient généralement par les besoins de croissance de

la joint venture. En fait, elles trouvent application au cours de la première étape du processus

26 De LY, F., op.cit. note 5, p. 297.

La dissolution des joint ventures 13

du joint venture. On les appelle d’ailleurs «clauses d’inaliénabilité ou clauses temporaires»

(Honeymoon clauses). L’exemple ci-après traduit cette idée :

Les actionnaires sont d’accord pour que, dans une période de cinq ans à partir de la présente date,

aucun d’entre eux ne vendra, aliénera, conférera, assignera, mettra en gage ou grèvera de toute autre

façon leur titre ou intérêt respectif dans les actions qu’ils détiennent27.

Lorsque l’interdiction est relative, elle offre le transfert des participations uniquement

aux parties identifiées ou identifiables au contrat. L’avantage est de tenir la joint venture à

l’abri des tiers, particulièrement des concurrents. Sauf qu’en cas de blocage, il faudra exclure

des mesures de solution l’acquisition par un tiers non identifié ou non identifiable dans le

contrat de base, ce qui restreint les chances de solution.

Le transfert des participations peut, par ailleurs, être soumis à des clauses de premier

refus ou clauses de préemption28. Ces clauses oblige à ne pas aliéner avant d'avoir offert

aux partenaires la possibilité d’acheter notre participation dans la joint venture. En fait, elles

confèrent une option à l'actionnaire non vendeur d'acquérir les actions des autres parties à un

prix ou conformément à un mécanisme de détermination prévu au contrat. Si l'option est

exercée, le blocage est résolu. Par contre, il perdurera si elle n'est pas exercée, notamment par

l'actionnaire résiduel. De même, si un tiers a déjà proposé l'achat à un prix déterminé et que le

droit de préemption n'est pas exercé, les actions pourront être transférées à des tiers sous

réserve que la clause d'agrément analysée plus haut ne soit pas utilisée pour bloquer le

transfert29.

Les parties peuvent également recourir aux options dites de «put and call» (options de

demandes et d'appel). Elles permettent à un actionnaire d'acquérir les actions de l'autre

actionnaire ou vendre ses propres actions. Il en existe deux types : les «put options» et les

«call options». Dans le premier cas, l'un des associés a le droit de vendre ses actions alors que

l'autre a l'obligation d'acquérir les actions à un prix ou conformément au mécanisme prévu. Le

deuxième cas implique l'exercice par

27 Idem. 28 FONTAINE M., «Les clauses de l'offre concurrente, du client le plus favorisé et la clause du premier refus», Droit des contrats internationaux, Paris, FEC, 1989, p. 302-312. 29 De LY, F., op.cit. note 5, p. 297.

La dissolution des joint ventures 14

l'un des associés du droit d'achat des actions de l'autre associé qui est dans l'obligation de

vendre. Sur la question de savoir qui devrait bénéficier de ces droits d'option, De Ly relève

deux approches30. Suivant la première approche, la partie responsable du blocage ou du

différend est considérée comme étant celle devant se retirer du groupement d'entreprises. Elle

est de ce fait même le concédant d'une «call option» et ne pourra exercer cette option que

dans la mesure où l’autre refuse de l'exercer. Dans tous les cas et par rapport à la deuxième

approche, les parties peuvent déterminer d'avance celle qui en aura l'initiative. Elles peuvent à

cette occasion stipuler la clause ci-après :

Si, après quatre vingt dix jours (90) jours, le blocage perdure, B pourra bénéficier de l'option d'achat

des actions de X, pendant soixante (60) jours, à une valeur correspondant au montant des participations

de capital de A…31

Les parties peuvent compléter une telle clause par l'option d'appel :

Si B n'exerce pas son option, A aura l'option d'acquérir la participation de B dans «la société» pendant

soixante jours aux mêmes conditions32.

Le choix de la partie qui aura l'initiative de ces options reste suspendu à son pouvoir de

négociation. Au demeurant, lorsque les clauses de transfert sont prévues, elles comptent non

seulement avec des méthodes de détermination du prix des actions, mais aussi avec des

méthodes d'évaluation du prix des transferts d'actions.

On distingue principalement deux méthodes de détermination du prix des actions à

transférer : la méthode du prix fixe et prédéterminé et la méthode du prix indéterminé. La

méthode du prix fixe ou prédéterminé est celle selon laquelle le prix est fixé dans le contrat ou

déterminable suivant le mécanisme prévu au contrat. Le risque que les parties courent en se

référant à une telle méthode est de fixer ou de déterminer des prix qui ne reflètent pas

vraiment la valeur des actions dans la mesure où elle porte sur la valeur future de la

participation de chaque partie33. Aussi, les parties préfèrent-elles le plus souvent la méthode

30 Idem. 31 Idem. 32 Idem. 33 Ibid., p. 301

La dissolution des joint ventures 15

du prix indéterminé qui prévoit des clauses comme la clause roulette russe («buy or sell

agreements», «shotgun-clauses», «texas-gun clauses» ou «Savoy-clauses») et la procédure de

vente aux enchères.

Par exemple, en vertu des rachats roulette russe, l'un des associés peut évaluer le

groupement d'entreprises. L'autre partie a l'option soit de vendre ses actions ou sa

participation dans le groupement d'entreprises au prix d'évaluation fixé par l'autre associé, soit

d'acheter les actions ou participation de l'autre partie au prix fixé par l'autre associé34.

Récemment, on a créé des clauses roulette russe en vertu desquelles la valeur des actions est

déterminée par un tiers et non plus par l'offrant.

La procédure d'enchères quant à elle donne la possibilité à l'une des parties d'offrir

d'acheter ou de vendre à un certain prix. Le destinataire à alors l'option d'accepter l'offre à un

tel prix ou de faire une contre-offre d'achat ou de vente. Poussé à l'extrême, ce procédé pourra

entraîner la dissolution du groupement ou la vente de celui-ci à un tiers35.

2- Les clauses de retrait

De manière générale, les clauses de retrait sont combinées soit avec une clause de

durée déterminée (le retrait étant alors l’exception au déroulement normal de l’accord) soit

avec une clause de durée indéterminée. On distingue les clauses de retrait classiques, c’est-à-

dire celles qui sont mises en œuvre à l’occasion de la faute contractuelle, des autres clauses

beaucoup plus rattachées à la survenance d’un événement donné. D’autres clauses encore

peuvent être liées à l’intuitus personae. C’est le cas par exemple des clauses de «changement

de contrôle» qui trouvent à s’appliquer notamment lorsque la composition du capital d’un

partenaire est modifiée de façon significative. Cette dernière clause protège le groupement des

tiers ou particulièrement des concurrents. Par exemple, en stipulant les clauses qui suivent, le

partenaire «inchangé» pourra se retirer lui même :

• In the event that A1 ceases at any time to be the benefical owner of shares in A2 carrying the right

to cast more than alf the votes at any General Meeting of A2, then B shall be entitled to give notice

34 Idem. 35 Idem..

La dissolution des joint ventures 16

to A2 at any time thereafter requiring A2 to purshase all the B shares in the capital of the JVC held

by B and shall thereupon become bound to A2 purchase the same.

• The price to be paid by A2 for B shares to be transferred in pursuance of this Clause shall be the

price specified in Clause…thereof.

• The price due by A2 to B in respect of the B shares to be transferred in pursuance of this Clause

shall be paid not later than 60 days after the sirvice of notice referred to herein36.

Au demeurant, la question s’est posée de savoir s’il existait un droit au retrait.

Autrement dit, dans le silence du contrat ou lorsque les conditions qu’il prévoit pour le retrait

ne sont pas réunies, un associé de la joint venture peut-il imposer son retrait aux autres ? En

principe non. Mais l’évolution actuelle du droit des sociétés donne à envisager une réponse

positive et on a même tendance à instaurer un droit d’éviction du partenaire devenu

indésirable. Pour preuve on pourrait citer un arrêt de la Cour d’Appel de Reims du 24 avril

1989 (B.R.D.A. 30 septembre 1989) dans lequel un partenaire insuffisamment actif a été

obligé de céder ses actions d’une société commune à l’autre associé. Comme fondement à

cette décision, la Cour a fait remarqué que :«la notion institutionnelle de la société qui veut

que la société n’est pas un contrat abandonné en tant que tel à la volonté de ceux qui lui ont

donné naissance mais plutôt une institution, c’est-à-dire un corps social dépassant les volontés

individuelles.»

Somme toute, lorsqu’elles sont mises en œuvre, les clauses de retrait peuvent

provoquer aussi la dissolution de la joint venture comme les clauses de dissolution à

proprement parler.

3- Les clauses de dépossession ou de dissolution

En principe, le contrat d'association peut prendre fin comme la plupart des contrats,

notamment à l'occasion de la disparition de son objet, de rupture ou d'accord mutuel entre les

parties. Ainsi, les clauses de dépossession ou de dissolution des joint ventures peuvent-elles

être les mécanismes ultimes de solution des différends ou des blocages qui peuvent surgir

36 BAPTISTA, Luiz et DURAND-BARTHEZ Pascal, op.cit. note 22, p. 250.

La dissolution des joint ventures 17

dans l’aventure commune des parties. Par ces clauses, elles peuvent vendre la société à un

associé ou a un tiers par le biais d'options dites d'achat/vente (buy-sell arrangements) ou tout

simplement la liquider. Dubisson37 considère ces clauses comme des remèdes subsidiaires qui

sont mises en œuvre à la seule et unique condition que les transferts d’actions entre les

associés du groupement d’entreprises ou à des tiers ne puissent être effectués.

Dans ces clauses, les parties peuvent prévoir la procédure à suivre dans le processus de

décision relatif à la dissolution. Elles sont automatiquement mises en œuvre et la dissolution

ne peut être évitée, sauf stipulation contraire des parties :

Chaque partie peut convoquer une réunion d’associés pour dissoudre la société et les parties se mettent

d’accord pour qu’à ladite réunion, tous les votes soient réputés en faveur de ladite dissolution.

Si aucun transfert d’actions n’a été convenu dans les (2) deux mois de la réunion mentionnée à l’article

23.1 ci-dessus, alors X devra être dissous. Les deux parties confirment expressément ne pas contester

une telle dissolution, et qu’une telle dissolution doit être organisée dans les plus brefs délais; à

condition, néanmoins qu’elle ne soit pas déraisonnablement néfaste pour chacune des parties38.

B- Les effets des mécanismes contractuels de solution

Nous verrons successivement les effets de la mise en œuvre des clauses de transfert

d'actions, des clauses de retrait et des clauses de dépossession ou de dissolution.

1- Les effets des clauses de transfert d'actions

Lorsque le transfert d'actions est réalisé en faveur d'un tiers acquéreur, la question

essentielle qui se pose est certainement de savoir si ce cessionnaire est soumis aux

dispositions du contrat de groupement d'entreprises. La plupart des clauses prévoit la

soumission du cessionnaire comme l'exemple qui suit :

Tout transfert de tout intérêt dans toute action ou tout droit sur les actions de la Société ne sera effectué

à moins que l'intéressé n'ait conclu un «acte d'adhésion» en respectant les formalités prévues à l'annexe

37 DUBISSON, M., op.cit. note 7. 38 DeLY, F., op.cit. note 5, p. 311.

La dissolution des joint ventures 18

X (conformément auquel le cessionnaire accepte d'être soumis à toutes les clauses de ce contrat comme

si ledit cessionnaire avait été une partie audit contrat)

Ce sera une condition préalable au transfert de toute action (à tous sauf à X) que le cédant devra

obtenir du cessionnaire un engagement irrévocable aux dispositions dudit contrat39.

Par rapport au cédant, deux tendances ont été relevées.40 Suivant la première, le

transfert d'actions réalise une libération du cédant de ses obligations issues du contrat

d'association, notamment des dettes liées au contrat d'association ou encore des contrats

satellites. La seconde tendance adopte une solution contraire. Aussi, pour renforcer les

restrictions relatives au transfert d'actions et leur effet obligatoire à l'égard des tiers, les parties

peuvent-elles prévoir le mécanisme qui ci-après :

Les commentaires suivants seront immédiatement placés sur chaque certificat d'actions, ou si ceci n'est

pas conforme aux exigences du droit applicable, lesdits commentaires figureront sur un document

annexe et partie intégrante dudit certificat :

Un contrat relatif au vote des membres daté du X, a été conclu entre la Société et ses membres et a été

adressé au directeur pour qu'il soit classé au siège social de ladite société. Ledit contrat et les statuts de

ladite Société imposent de nombreuses restrictions sur le transfert des actions faisant l'objet de ce

certificat et engendre de nombreuses options, droits et intérêt relatifs à ces actions. Aucun transfert

d'actions faisant l'objet de ce certificat ne sera valable à moins qu'un tel transfert ne soit strictement

accompli conformément au contrat prévoyant le vote des membres41.

2- Les effets des clauses de retrait

Ici encore se pose le problème de l'acquisition de actions par un tiers, notamment

lorsque l'un des associés se retire au profit d'un tiers et que l'associé «restant» se résigne à

poursuivre l'exécution du contrat avec ce nouveau partenaire. On relève que si des conditions

externes liées par exemple à l’État hôte avaient été appliquées lors de la constitution de la

joint venture, ces mêmes conditions devraient être appliquées à l'occasion de ce changement

de partenaire. De même, pour pénaliser le retrait, on met souvent à la charge de la partie qui

l'effectue l'obligation de continuer de mettre à la disposition de la joint venture les droits de 39 Ibid., p. 309 40 Groupe Contrats internationaux, op.cit. note 3. 41 DeLY, F., op.cit. note 5, p. 310

La dissolution des joint ventures 19

propriété industrielle dont elle a besoin pour poursuivre ses activités. On lui impose même

parfois une contribution au financement sous forme de prêts qui viennent se substituer

partiellement ou totalement à son ancienne participation au capital. Enfin, on peut suspendre

le retrait d'une partie à la conclusion de l'accord d'actionnaires avec le nouveau venu.

Signalons par ailleurs que le retrait soulève la question de l'indemnisation de la partie à

laquelle on demande ou on impose d'accepter le retrait de l'autre. La réponse à cette question

varie selon que la joint venture survit ou non au retrait. Elle varie aussi selon l'évaluation

qu'on fait des dommages à subir.

3- Les effets des clauses de dépossession ou de dissolution

Nous l'avons dit précédemment, les clauses de dépossession ou de dissolution des joint

ventures peuvent permettre de vendre la société à un associé ou a un tiers ou tout simplement

de liquider le groupement. Certaines clauses contiennent des dispositions très détaillées

relatives aux effets de la résiliation du contrat d'association sur les parties :

La résiliation de ce contrat pour tout motif ne libérera pas les parties de toute dette, obligation ou

accord qui, conformément aux dispositions de ce contrat, doit perdurer ou être exécuté après ladite

résiliation et ne libérera pas toute partie de son obligation de payer les sommes d'argent exigibles,

échues et payables à l'autres ou de s'acquitter de ses obligations inexécutées. La résiliation de ce

contrat pour tout motif ne sera pas réputée être une renonciation ou une décharge de, ou autrement

porter préjudice ou affecter, tous droits, remèdes ou créances, que ce soit de dommage intérêt ou tout

autre réparation, que toute partie pourrait posséder en vertu de ce contrat ou qui résulte de ladite

résiliation, tous lesdits droits, remèdes et créances ne seraient pas modifiés par ladite résiliation42.

En ce qui concerne la propriété artistique et intellectuelle ou plus particulièrement des

brevets issus de travaux réalisés par le personnel du groupement et déposés au nom de celle-

ci, on précise qu'ils sont généralement utilisables par les sociétés du groupe de chaque

partenaire pendant leur appartenance à la coentreprise, au moyen de concessions consenties à

titre gratuit ou préférentiel, seulement dans la mesure où cette coentreprise ne possède pas un

42 Ibid., p. 312

La dissolution des joint ventures 20

intérêt à être seule exploitant de tels brevets. Ainsi, lorsqu'il existait des concessions à titre

gratuit ou préférentiel aux sociétés appartenant aux groupes de la société cédante (société dont

le retrait engendre la continuation de la joint venture avec l'associé restant ou avec un tiers ou

sa dissolution), seule cette dernière pourra bénéficier d'une concession à titre préférentiel

pendant un certain délai, les autres société de ce groupe n'obtenant que des concessions de

licences intervenant moyennant des rémunérations normales43.

On relève également qu'on devrait prévoir une indemnisation spéciale, notamment

lorsqu'il n'existe pas de concessions ou que le cédant ne souhaite pas en obtenir. De même, le

cédant pourra obtenir une concession à titre gratuit lorsque le dépôt du brevet est postérieur à

son départ mais utilise des recherches analysées pendant son appartenance au groupement

d'entreprises.44

Pour les marques, dessins et modèles déposés au nom du groupement, ils restent

normalement la propriété de celui-ci sans indemnisation.

Le sort des locaux industriels ou commerciaux créés par la joint venture doit

également être réglé. Dans l'hypothèse où la joint venture est reprise par un partenaire ou par

un tiers, on évite de céder une partie d'un local unitaire, dans la mesure où les divers locaux

forment un ensemble homogène. Par exemple en cas de cession d'une usine, l'usine est

généralement vidée de tous matériels de production et les frais de transport de ce matériel vers

un autre lieu restent à la charge du partenaire qui se retire45.

Enfin, on se demande si les autres contrats satellites seront automatiquement annulés

ou reconduits à l'occasion de la résiliation du contrat d'association. Sur ce point, on mentionne

que les buy-sell arrangements devront être complétés par des dispositions précisant la fin de

ces contrats.

CONCLUSION

43 LAMETHE, Didier, « La procédure de séparation des partenaires d'une filiale commune», Gaz.Pal., 7 novembre 1978, p. 552. 44 Idem. 45 Idem.

La dissolution des joint ventures 21

Comme le faisait remarquer Lamethe : «après les épousailles conclues au moyen d'un

contrat de mariage, et la vie commune, arrive parfois l'instance de divorce avec au cœur du

débat, le sort des enfants communs nés de l'union…»46. Nous l'avons montré plus haut, le

divorce n'est généralement déclenché que dans la mesure où aucune autre alternative ne

s'avère efficace eu égard aux différends qui surgissent entre les partenaires. Aussi, pour éviter

cette fin peu souhaitable, les associés peuvent-ils prévoir dans l'accord de base qui les lie, des

mécanismes de solution des blocages aussi diversifiés que ceux que nous avons abordé dans la

présente étude.

46 Ibid., p. 549