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This article was downloaded by: [The UC Irvine Libraries]On: 02 November 2014, At: 12:41Publisher: Taylor & FrancisInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH,UK
Acta Botanica Gallica: BotanyLettersPublication details, including instructions forauthors and subscription information:http://www.tandfonline.com/loi/tabg20
La distribution fragmentée deCyclamen balearicum Willk.en France: analyse historiqueet conséquence des activitéshumainesMax Debussche a , Geneviève Debussche a &Laurence Affre aa Centre d'Ecologie fonctionnelle et évolutive,C.N.R.S. , route de Mende, B.P. 5051, F-34033 ,Montpellier CedexPublished online: 27 Apr 2013.
To cite this article: Max Debussche , Geneviève Debussche & Laurence Affre (1995) Ladistribution fragmentée de Cyclamen balearicum Willk. en France: analyse historiqueet conséquence des activités humaines, Acta Botanica Gallica: Botany Letters, 142:5,439-450, DOI: 10.1080/12538078.1995.10515269
To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/12538078.1995.10515269
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Acta bot. Gallica, 1995, 142 (5), 439-450.
La distribution fragmentee de Cyclamen balearicum Willk. en France : analyse historique et consequence des activites humaines
par Max Debussche, Genevieve Debussche et Laurence Affre
Centre d'Ecologie fonctionnelle et evolutive, C.N.R.S., route de Mende, B.P. 5051, F-34033 Montpellier Cedex
(Manuscrit re~u en aout 1994; accepte le 16 novembre 1994)
Resume.- Les variations et Ia fragmentation des aires de distribution et Ia regression des especes en fonction des activites humaines son! importantes a suivre dans une optique de conservation de Ia biodiversite. La distribution actuelle en France de Cyclamen balearicum Willk., espece endemique des iles Baleares et de France mediterraneenne, est precisee, et les informations historiques, concernant sa distribution passee en France, son! rassemblees. Son aire de distribution actuelle comprend 4 departements (Pyrenees-Orientales, Aude, Herault, Gard) avec au moins 30 populations, couvrant 0,1 a au moins 10 hectares chacune. Nous suggerons que l'aire de distribution, deja morcelee apres les glaciations, s'est encore retractee et fragmentee au fur et a mesure des defrichements, et que c'est au 19eme siecle que son aire a ete Ia plus reduite en France. Nous suggerons aussi que l'exode rural, accompagne d'une augmentation du couvert ligneux (garrigues et forets), a permis a l'espece de legerement progresser dans certains sites ; cependant, les faibles eflectifs de certaines populations, leur isolement ecologique, les predateurs, ainsi que les impacts humains varies pourraient se traduire par une stagnation, voire une lente disparition de l'espece, dans certains autres sites.
Summary.- The fragmentation of natural populations into small isolated remnants as a result of human induced landscape change is of fundamental importance to species conservation. In this paper, we describe the current distribution in France of Cyclamen balearicum Willk., a species endemic to the Balearic Islands and southern France, and we assemble historical knowledge of the distribution of this species in France. The species now occurs in at least 30 populations, of 0.1 to at least 10 hectares in four departments (Pyrenees-Orientales, Aude, Herault, Gard). We suggest that the species range in France, already fragmented by glaciations, has been restricted due to human impact, with its distribution being most reduced sometime during the 19th century. Since then natural reforestation has occasionally allowed the species to spread slightly. Nevertheless, the low population size in certain sites, ecological isolation, high levels of predation and varied human impact may contribute to a stagnation or an extinction of local populations.
Key words : conservation - Cyclamen balearicum Willk. - distribution area -fragmentation - human impact - land use - Mediterranean region.
©Societe botanique de France 1995. ISSN 1253-8078.
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INTRODUCTION
La conservation de Ia biodiversite est un des soucis majeurs actuels qui depasse largement le cadre de Ia recherche en biologie. II apparait ainsi de plus en plus important de s'interesser aux especes rares et en regression, de preciser leurs caracteristiques ecologiques, biologiques et genetiques, et de comprendre Ia dynamique de leurs populations, afin de mettre en reuvre des moyens de protection et de gestion (voir par exemple : Falk et Holsinger, 1991 ). II est clair aussi que Ia fragmentation de l'aire de distribution de certaines especes en subdivisant leurs populations peut a voir des consequences nefastes pour le maintien de ces especes (Simberloff, 1988 ; Saunders et al., 1991). Cette fragmentation peut avoir une origine naturelle ; geologique, elle interesse des pas de temps de millions d'annees ; climatique (principalement liee aux glaciations), elle interesse des pas de temps de dizaines de rnilliers d'annees. Elle peut aussi a voir une origine anthropique, le phenomene se produisant alors tres rapidement. L'action humaine joue aussi, et surtout, par Ia destruction directe des especes et de leur habitat (voir pour des exemples fran~ais : Aymonin, 1980 ; Bournerias, 1989).
En region mediterraneenne fran~aise, l'impact humain sur Ia vegetation existe depuis des millenaires ; il a commence a s'intensifier il y a six mille ans (Vernet, 1990). Cet impact s'est ensuite developpe en fonction de Ia croissance demographique et des conditions economiques. Du quinzieme au dix-neuvieme siecle, il a augmente avec Ia demographie, excepte pendant Ia periode de crise de Ia deuxieme moitie du dix-septieme siecle (LeRoy-Ladurie, 1966; Braudel, 1986). C'est au milieu du dix-neuvieme siecle que l'emprise humaine sur Ia vegetation naturelle est Ia plus forte ; a cette epoque, les forets sont rares, les cultures et les parcours partout presents. Mais Ia revolution industrielle et Ia croissance des villes vont en trainer I' ex ode rural ; l'impact sur Ia vegetation diminue alors, surtout apres Ia premiere guerre
mondiale. Les cultures sont abandonnees, les coupes de bois deviennent moins frequentes, les troupeaux sont en forte regression, les formations ligneuses s'etendent. Par dynamique naturelle et grace aux reboisements, Ia foret retrouve actuellement, dans bien des regions, son extension du Moyen-Age (Lepart et Debussche, 1992). L'apparition, en nombre, des premiers inventaires botaniques fiables coincide avec cette periode du dix-neuvieme siecle ou l'impact humain est a son apogee. A Ia lumiere des nombreux changements observes depuis dans Ia vegetation, il parait opportun de realiser maintenant, a nouveau, des inventaires en donnant Ia priorite aux especes rares (Beaufort et Maurin, 1989).
Parmi les especes rares en France, Cyclamen balearicum Willk., plante de garrigues et de forets mediterraneennes, est susceptible d'avoir reagi aux importantes modifications de l'impact humain. Cette espece offre Ia particularite d'avoir une distribution fragmentee entre differentes regions, en France, et entre iles, aux Baleares. En France, Coste (1937), Fournier (1977) et Grey-Wilson ( 1988) signalent l'espece seulement dans le Gard et dans l'Herault. Guinochet et Vilmorin (1973) rajoutent a ces deux departements Ia region des Corbieres et les Alpes-Maritimes. La mention de ce dernier departement est due a une erreur sur le manuscrit (A. Lacoste, in litt.). L'aire de distribution continentale de l'espece est situee entre les Pyrenees et le Rhone.
Notre objectif est triple : II decrire Ia distribution actuelle en France de Cyclamen balearicum Willk. ; 2/ rassembler les informations historiques concernant Ia distribution pas see de cette espece ; 3/ discuter des differences et des similitudes entre ces distributions.
ESPECE ETUDIEE
Cyclamen balearicum Willk. est l'une des dix-neuf especes du genre Cyclamen de repartition principalement perimediterraneenne (Grey-Wilson, 1988). Contrairement a I' avis de Knoche (1921 ), cette espece est
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endemique des lies Baleares et de Ia France mediterraneenne (Grey-Wilson, 1988). Comme toutes ses congeneres, c'est une geophyte herbacee. Les feuilles commencent, en general, a apparaitre en fin d'automne et disparaissent a Ia fin du printemps ou au debut de l'ete. Le limbe triangulaire-corde atteint 6 em de longueur ; il est marque par des taches et mouchetures argentees qui en occupent une grande partie. Les corolles blanches sont petites ( 12 a 16 mm) et discretement odorantes. La floraison a lieu, en France, principalement en avril et mai. L'espece est autocompatible (Affre et a!., 1995) ; a pres Ia fecondation, le pedoncule du fruit se retracte en tire-bouchon vers Ia surface du sol. La dissemination est realisee par des fourmis au debut de l'ete (Affre, 1992 ; Affre eta/., 1995). Le tubercule, rond et tres sou vent aplati, mesure 2 a 4 em de diametre ; il se prolonge sou vent vers Ia surface du sol par un mince appendice ("foliar trunk" de Grey-Wilson, 1988) d'ou partent 2 a 6 feuilles.
METHODES
Les informations historiques sur Ia distribution de l'espe· ce ont ete recherchees dans : 1 I les flores, les catalogues, les periodiques et ouvrages botaniques sans se limiter a une periode particuliere ; 21 les herbiers de l'lnstitut de Botanique de Montpellier.
Les informations sur Ia distribution actuelle ont ete recueillies : 1 I par enquete au pres des botanistes amateurs et professionnels ; 21 par prospection sur le terrain, principalement pendant Ia periode 1991-1994. Toutes les localites et toutes les populations mentionnees ici ont ete visitees.
RESULTATS
Cyclamen balearicum Willk. existe actuellement (Fig. I) dans 4 departements, Pyrenees-Orientales, Aude, Herault, Gard et dans 5 regions ecologiques, Corbieres, Minervois, Garrigues du Montpellierais, Basses Cevennes, Garrigues de I'Uzegeois, et est reparti en 30 populations. Ces populations sont situees sur un arc de cercle de 220 km. Les distances entre les populations
les plus proches de ces 5 regions sont respectivement de : 55, 86, 44 et 45 km. Le nombre de populations connues par region varie de I a 14. Dans chacune des regions ecologiques, les populations sont toujours regroupees sur de petites surfaces, de quelques km~. Chaque population couvre de 0, I a I 0 ha au moins. La distribution de l'espece est done fragmentee a deux echelles spatiales. A plus grande echelle, les observations de terrain montrent qu'a l'interieur des populations, Ia repartition des plantes est heterogene, avec des taches a forte densite et des taches a densite faible ou nulle.
Cette heterogeneite et les difficultes de terrain rendent delicate !'estimation du nombre d'individus tloriferes des populations. Par region ecologique, il parait cependant possible de proposer ce qui suit : I 03 -I 04
individus dans le Minervois, les Garrigues de l'Uzegeois et les Corbieres, 104 -I 05 individus dans les Garrigues du Montpellierais, I 05 -I O" individus dans les Basses Cevennes.
L'espece se rencontre depuis l'etage climatique mediterraneen sub-humide a hiver frais (Minervois, Garrigues de l'Uzegeois) jusqu'a l'etage per-humide a hiver froid (Basses Cevennes). Elle croit principalement sous couvert de Chene vert (Quercus ilex L.) et de Buis (Buxus sempervirens L.), en exposition du quadrant nord, sur des sols pierreux calcaires (Debussche et a!., accepte).
Nous retra~ons ci-apres, par region ecologique, par departement et par localite, l'historique des connaissances sur l'espece.
Corbieres • Pyrenees-Orientales : ni Coste ( 1937),
ni Jovet et de Vilmorin ( 1977), ni Fournier ( 1977), ni Grey-Wilson ( 1988) ne mentionnent C. balearicum Willk. dans ce departement. Guinochet et de Vilmorin ( 1973) indiquent "Corbieres".
- Gorges de Gal am us : Pourret ( 1781, in Timbal-Lagrave, 1874) est le premier a mentionner une espece de Cyclamen (sous
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Fig. 1.- Distribution actuelle de Cyclamen balearicum Willk. en France Fig. 1.- Map of the present distribution of Cyclamen balearicum Willk. in France
le nom de C. europaeum) dans cette localite, mais illui attribue une floraison automnale. En revanche, Barrera ( 1803, in Roumeguere, 1873) indique un Cyclamen (so us le nom de C. vernum Gay) "qui se montre au premier printemps et disparait vite". Lapeyrouse (1813, 1818) signale (sous le nom de C. europaeum Lin.) une espece aux "fleurs pourpre clair". Bentham, en 1826, s'interroge sur 1'identite de cette pi ante (C. europaeum Lap.? C. hederaefolium Ait.?) et suggere que l'espece des Gorges de Galamus est probab1ement Ia meme que celle de !'Herault, aux Capouladoux. Le tlou va durer longtemps. Mute! (1836) adopte C. Europreum L., Grenier et Godron ( 1852) optent pour C. repandum Sibth. et Smith (voir aussi Clos, 1857), de meme que Philippe (1859), Com pan yo (1864 ), Timbal-
Lagrave (1874), Copineau (1888), Oliver ( 1889, herbier Oliver, Institut de Botanique de Montpellier), Rouy eta!. ( 1908), BraunBlanquet et Susplugas ( 1937). Gautier hesite entre cette demiere espece ( 1891, 1898) et C. neapolitanum Ten. ( 1886, 1907). C'est avec Loret et Barrandon ( 1876) qu'apparait C. balearicum Willk. LeGrand ( 1898), tout en se ralliant a C. repandum Sibth. et Smith, mentionne C. balearicum Willk. sous couvert de Loret et Barrandon. Dickinson ( 1934) met beaucoup de reticence pour valider C. halearicum Willk. II faut mentionner pour memoire le C. balearensis de Landriq et Landriq ( 1932). En fin, C. balearicum Willk. est definitivement adopte pour Ia plante des Gorges de Galamus par Le Brun (1954, 1958), Queze1 et Barbero (1986), Delpech ( 1991 ), puis Lagarde
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( 1991, 1992). II est clair que les difficultes d'identifier l'espece dans cette localite proviennent de sa rarete et, d'une maniere plus generale, de sa floraison precoce, de Ia rapide disparition de ses feuilles au debut de I'ete, et de Ia conservation insuffisante des echantillons en herbier. En fait, pendant tres longtemps, bien peu de botanistes ont pu observer dans de bonnes conditions cette plante sur le terrain (voir les difficultes relatees par Timbal-Lagrave, 1874; Copineau, 1988 ; Gautier, 1891 ).
C. balearic urn Willk. existe toujours dans cette localite (1994), en une seule population. Une coupe de bois, probablement realisee vers 1940-1950, qui a elimine Ia vieille foret de Chene vert (Quercus ilex L.) encore decrite par Braun-Blanquet et Susplugas (1937), a peut-etre eu un effet defavorable pour l'espece. Les eboulis, mis en mouvement par un sentier et ses raccourcis parcourant ce lieu touristique, constituent actuellement une menace pour le maintien en bonne densite d'une partie de Ia population.
-Montagne de Capronis: Oliver (1889, herbier Oliver, Institut de Botanique de Montpellier), cite par Gautier ( 1891 ), signale Ia plante (sous le nom de C. repandum Sibth. et Sm.) comme abondante en un site dans cette localite. Gautier confirme quelques annees plus tard (1898), mais cette information n'est reprise ensuite que par Rouy et al. ( 1908), toujours sous le nom de C. repandum Sibth. et Sm. G. Debussche et M. Debussche ont retrouve Ia plante au meme endroit en mars 1994 mais, contrairement a ce qu'avait vu Oliver un siecle auparavant, ils n'y ont vu qu'une petite population.
• Aude: ni Coste (1937), ni Jovet et de Vilmorin (1977), ni Fournier (1977), ni Grey-Wilson ( 1988) ne mentionnent l'espece dans ce departement. Guinochet et de Vilmorin (1973) indiquent "Corbieres".
- Gorges de Galamus : Les Gorges de Galamus sont situees sur Ia limite entre les Pyrenees-Orientales (a I'aval) et I'Aude (a
!'amant). Lagarde ( 1992) estime probable Ia presence de C. balearicum Willk. dans cette partie amont des Gorges. En effet, G. Debussche et M. Debussche y ont trouve deux populations, dont l'une assez etendue, en avril 1993.
Entre Pyrenees-Orientales et Aude, C. balearicum Willk. est actuellement ( 1994) connu des Gorges de Galamus et de la montagne de Capronis toute proche, dans un triangle rectangle de l ,5 km x 4 km so us forme de 4 populations.
Minervois • Aude : ni Coste ( 1937), ni Jovet et de
Vilmorin ( 1977), ni Guinochet et de Viimarin ( 1973), ni Fournier (1977), ni GreyWilson ( 1988) ne mentionnent l'espece ici.
- Mont Segonne-Serre d'Oupia : c'est en feuilletant l'herbier de Pourret que Gautier (1894) decouvre un Cyclamen (sous le nom de c. hederaefolium) recolte vers 1780 a Pouzols-Minervois. Gautier et Noyer retrouvent Ia plante (sous Ie nom de C. repandum Sibth. et Smith) a l'endroit meme signale par Pourret plus d'un siecle auparavant (Gautier, 1894). Rouy et al. (1908), puis Dickinson (1934) reprennent !'information donnee par Gautier, toujours avec reference a C. repandum Sibth. et Sm. Recemment (fevrier 1994), deux populations de C. balearicum Willk., dont l'une assez etendue, ont ete trouvees sur 1e territoire de cette commune (Debussche et al., 1994). Une troisieme petite population a ete trouvee en mars 1994 par H. Michaud et A. Denis (com. verb.). Ces trois populations ne sont pas localisees au me me endroit que celle vue par Pourret, puis Gautier et Noyer ; cependant, nous ne pouvons affirmer que cette derniere population ait disparu.
• Herault : Ia reference ace departement donnee par Coste (1937), Guinochet et de Vilmorin (1973), Fournier (1977) et GreyWilson ( 1988) concerne la localite des CapQuladoux et non celle ci-apres.
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- Mont Segonne-Serre d'Oupia : une petite population de C. balearicum Willk. a ete trouvee dans cette localite, en fevrier 1994 (Debussche et al., 1994).
Entre Aude et Herault, C. balearicum Willk. est actuellement ( 1994) connu sur le Mont Segonne et le Serre d'Oupia contigu dans un triangle rectangle de 2,5 km x l km sous forme de 4 populations. Des reboisements en resineux ont deja probablement reduit une population, et il est a craindre que les futurs travaux d'exploitation de ces reboisements n'en endommagent deux autres.
Garrigues du Montpellierais • Herault : les references a ce departe
ment donnees par Coste ( 1937), Guinochet et de Vilmorin (1973), Fournier (1977) et Grey-Wilson ( 1988) concement Ia localite ci-apres.
- Les Capouladoux : Ia premiere reference a un Cyclamen (sous le nom de C. vernum) dans cette localite ("Capelleduc") se trouve dans Strobel berger ( 1620), repris et traduit par Germain ( 1880) et Kieffer (1880). Strobelberger (op. cit.) y collecte une tres grande quantite de bulbes (" ingentem bulborum copiam collegimus"). Cependant, Kieffer (op. cit.) estime que l'ouvrage de Strobel berger n'est qu'un plagiat, en particulier des travaux de Lobel. S'il est certain que Strobelberger s'est bien rendu aux Capouladoux, il est possible que Lobel l'y ait devance un demi-siecle plus tot. Magno! (1676) y localise precisement Ia plante (sous le nom de C. byzantinum Clus.) en deux sites. C'est grace aux indications de Magno! qu'elle sera ensuite regulierement revue par les botanistes, mais presque toujours a Ia meme place. Ainsi, ce site est mentionne par Gouan (1762) (avec C. europaeum L.) et certainement vi site par lui ( 1796). Lamarck et de Cando lie ( 1805) reprennent son information, comme ensuite Mute! ( 1836) et Gannet (1847). Bentham (1826), comme on I' a vu a propos des Gorges de Gaiamus, s'interroge sur l'identite de l'espece,
apres une visite en compagnie de Delile. Gay (in Desmoulins, 1851) signale que Dunal aretrouve Ia plante (C. vernum Lob.) en 1825 grace aux "indications extraites de Magno!" (voir aussi herbier Cambessedes, lnstitut de Botanique de Montpellier). Grenier et Godron ( 1852), qui ont aussi visite Ia localite, font reference a C. repandum Sibth et Smith. Loret (1874-1875), puis Loret et Barrandon ( 1876), qui connaissent aussi Ia plante sur le terrain, Ia distinguent au niveau varietal (C. repandum var. stenopetalum Loret) ; en fin, en 1887, ils designent Ia plante des Capouladoux sous le nom de C. balearicum Willk. Les auteurs suivants se rallieront a C. balearic urn Willk. L'espece est assez souvent mentionnee au vingtieme siecle : Rouy et al. ( 1908), Dickinson ( 1934 ), LeBrun ( 1954, 1958), Prioton ( 1968, 1971 ), Quezel et Barbero ( 1986), Lagarde (1991, 1992), Affre (1992). Les herbiers de l'lnstitut de Botanique de Montpellier montrent de nombreux echantillons de l'espece collectes dans cette localite au dix-neuvieme et au vingtieme siecles. Kieffer ( 1880) indique que l'espece n'existe dans cette localite que "par quelques rares echantillons". En revanche, Vichet note en 1906 que l'espece est assez largement distribuee au sein de Ia localite (herbier de Vichet, Institut de Botanique de Montpellier). De meme, une note anonyme precise en 1951 : "abondant mais difficile a trouver ... Ne semble pas en voie de disparition" (herbier Hedon inclus dans l'herbier general, Institut de Botanique de Montpellier). Prioton (1968) indique qu'il a trouve trois populations ; l'une d'entre elles est tres probablement situee a l'endroit deja visite par Magno! trois siecles auparavant. Lagarde mentionne une population ( 1991, 1992), tres probablement aussi sur ce site historique.
Nous avons repertorie sept populations dans cette localite. C. balearicum Willk. est actuellement (1994) connu aux Capouladoux dans un rectangle de 2kmx 3 km.
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- Saint-Guilhem-le-Desert: bien que ce village soit situe en rive droite de l'Herault et en aval du massif des Capouladoux situe, lui, en rive gauche, il ne faut pas du tout exclure une imprecision ramenant a Ia localite precedente. D'ailleurs Quezel et Barbero ( 1986) designent ainsi Ia localite des Capouladoux : "les gorges de l'Herault, pres de Saint-Guilhem-le-Desert". Quatre references mentionnent cette localite : Gouan (1762), Lamarck et de Candolle ( 1805), Mutel ( 1836), Gonnet ( 1847), avec C. europaeum L. Nous n'avons pas trouve a ce jour ( 1994) C. balearicum Willk. a Saint-Guilhem-le-Desert.
-Pic Saint-Loup : Strobel berger ( 1620), repris et traduit par Germain ( 1880) et Kieffer (1880), signale un Cyclamen ("cyclamenjlore niveo") au Pic Saint-Loup ("Lupus mons"). Kieffer ( 1880), puis Dickinson (1934) constatent qu'aucun Cyclamen n'a ete trouve depuis Strobelberger au Pic Saint-Loup. Ce constat reste toujours valable en 1994.
Basses Cevennes • Gard : Coste ( 1937), Guinochet et de
Vilmorin (1973 ), Fournier (1977) et GreyWilson ( 1988) citent ce departement certainement en reference a cette region et a Ia suivante.
- Mialet : ce village est situe au centre de Ia zone ou C. balearicum Willk. est le plus abondant en France. Feminier ( 1878) designe deux sites pour Ia plante (sous le nom de C. repandum Sibth. et Smith). Quezel et Barbero ( 1986) signalent C. balearicum Willk. en quatre sites (voir aussi Mouline, 1990). Lagarde (1992) en mentionne cinq, dont deux sont en commun pour ces derniers auteurs.
Nous avons actuellement (1995) repertorie dans cette localite quatorze populations reparties dans un triangle de 6 km x 5,5 km x 4,5 km. L. Affre et J. Thompson ont trouve ici, en avril 1993, Ia population Ia plus septentrionale ( 44 °08'N) de toute l'aire de distribution de C. balearicum Willk.
- Anduze : l'herbier Jordan de Puyfol (indus dans l'herbier Coste, Institut de Botanique de Montpellier) montre un echantillon (C. repandum S. et S.) recolte en 1846 "aux environs d'Anduze". Mais, c'est a Lecoq et Lamotte (1847) que l'on doit Ia premiere mention publiee de cette localite, avec le nom du probable decouvreur "Miergue" ; Ia plante est nommee C. repandum Sibth. et Smith. Cette indication est reprise par Grenier et Godron ( 1852), puis Pouzolz ( 1862). Rouy et al. ( 1908) font encore reference a Anduze, toujours avec le meme nom d'espece (mais ils renvoient a "Miege"). S'agitil ici d'une imprecision dans Ia localisation conduisant a rapporter cette localite a Ia precedente, ou s'agit-il d'une localite non retrouvee ? La description d'un des sites par Feminier ( 1878), au bord de "Ia routed' Anduze a Mialet" (site retrouve), ainsi que l'indication plus precise donnee par ce meme auteur ( 1879), a environ 4 km au nord d'Anduze (site egalement retrouve), conduisent a choisir Ia premiere hypothese.
Garrigues de I'Uzegeois • Gard : Coste ( 1937), Guinochet et de
Vilmorin (1973), Fournier (1977) et GreyWilson ( 1988) citent ce departement certainement en reference a cette region et a Ia precedente.
- Gorges du Gardon : Delavaux, cite par Mute I ( 1836) semble etre ici le decouvreur de Ia plante, so us le nom de C. vemum Lob. Pouzolz retrouve Ia plante quelques annees plus tard (Gonnet, 184 7) et Ia repertorie dans sa Flore du Gard sous le nom de C. repandum Sibth. et Smith. (Pouzolz, 1862). Pour cette espece, Ia localite est ensuite citee, en faisant reference a Pouzolz, par Mazauric et Cabanes ( 1896) et Rouy et al. ( 1908), ou sans reference, par Feminier ( 1878). Laplante y est assez regulierement recoltee au dix-neuvieme et au vingtieme siecles (herbiers de l'Institut de Botanique de Montpellier). Enfin, Le Brun ( 1954, 1958), Prioton ( 1968), Quezel et Barbero ( 1986) et Lagarde ( 1992) y mentionnent C. balearicum Willk.
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Bien que plusieurs sites semblent favorables a l'espece dans cette localite, une seule population y est actuellement ( 1994) connue.
DISCUSSION
11 est clair que les difficultes de nomenclature et les erreurs de determination sont en grande partie responsables des inexactitudes dans la distribution de l'espece proposee par les flores classiques, puis par Ia derniere monographie du genre Cyclamen. Ainsi, Coste ( 1937) signale C. balearicum Willk. du Gard et de !'Herault etC. repandum Sibth. et Sm. des Pyrenees-Orientales et du Var, pour la France continentale. Dans le Var, il s'agit bien de C. repandum Sibth. et Sm. (Lavagne et Coulondre, 1992). Pour les Pyrenees-Orientales, il parait certain que Coste veut faire reference a la plante des Gorges de Galamus et peut-etre a celle, moins connue, de la Montagne de Capronis ; mais il suit l'avis de Rouy eta!. ( 1908) et nomme cette plante de maniere erronee. De plus, Jovet et de Vilmorin ( 1977), dans le Supplement de Ia Flore de Coste, notent bien : "Cyclamen repandum Sibth. et Sm. n'existe sans doute qu'a l'etat naturalise dans les Pyrenees-Orientales", mais ils ne proposent aucune modification pour C. balearicum Willk.
A ces difficultes s'en ajoutent d'autres, plus pratiques. D'une part, une longue conservation en herbier altere sou vent certains caracteres decisifs pour la determination (couleur et forme de la corolle et du limbe). D'autre part, la morphologie de l'espece (dimension modeste des feuilles, fleurs peu spectaculaires), sa phenologie (floraison printaniere precoce, disparition des feuilles en ete) et son ecologie (habitat souvent escarpe et a vegetation ligneuse developpee) rendent sa detection et son observation difficiles sur le terrain. 11 est done probable que d'autres populations que celles deja repertoriees ici existent encore dans les cinq regions ecologiques mentionnees ;
peut-etre en existe-t-il aussi en dehors de ces regions.
L'espece a ete retrouvee dans toutes les localites mentionnees au dix-neuvieme siecle, Certaines de ces localites etaient connues des le dix-huitieme siecle, voire le seizieme siecle, pour l'une d'entre elles. En revanche, l'espece n'a pas ete trouvee dans des localites nouvelles. La repartition connue de l'espece au sein des localites a ete agrandie (sauf dans les Gorges du Gardon). Ce dernier point peut etre interprete comme etant le resultat: 1/ d'un effort d'echantillonnage plus important et mieux cible que par le passe (voir Muller et Leroux, 1989), 2/ de differences, selon les epoques, dans la precision de description des localites, 3/ d'une extension reelle de l'espece a partir de quelques individus en trop faible nombre pour a voir ete reperes jadis. 11 est une region, les Basses Cevennes, oil !'extension de l'espece est indeniable: en effet, on l'y trouve parfois qui s'installe dans de tres vieilles friches envahies de Chene vert. Pour les autres regions, il n'est pas possible de trancher nettement entre les differentes interpretations, bien qu'un meilleur echantillonnage soit probable. La regression de trois populations est probable et, pour deux d'entre elles, la cause en est identifiee : 1/le reboisement avec sous-solage (Mont Segonne-Serre d'Oupia), 2/la creation d'une piste (Les Capouladoux). A la Montagne de Capronis, l'espece semble en regression depuis le siecle dernier sans qu'il soit possible d'en definir la cause. Actuellement, et d'une maniere generale, l'espece n'est pas menacee, mais, localement, la creation de pistes, Ia realisation de travaux forestiers et Ia surfrequentation touristique peuvent avoir un impact severe. Entin, les observations de terrain confirment que le sanglier (Sus scrofa), dont les populations sont en augmentation recente et tres importante, est un consommateur assidu de ses tubercules (voir aussi Bonner, 1989). 11 pourrait etre une des causes naturelles principales de mortalite de l'espece.
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Anterieurement au dix-neuvieme siecle, )'interpretation des ecrits est difficile et peu d'auteurs se sont risques a analyser )'evolution de Ia flore dans un contexte historique aussi eloigne. Planchon (1864) a analyse les changements de Ia flore de Ia region de Montpellier, observes entre Ie seizieme siecle et Ie milieu du dix-neuvieme siecle, en s'appuyant, en particulier, sur les travaux precurseurs de Lobel et Pena, Dalechamps, Clusius, Richer de Belleval et des deux freres Bauhin. Mais, il ne mentionne aucune espece de Cyclamen se trouvant aux Capouladoux ou au pic Saint-Loup. En revanche, Kieffer ( 1881) releve, a propos de C. balearicum Willk., que "Lobel dit que le Cyclaminus est tres commun dans les montagnes humides et dans Ies jardins de Ia Narbonnaise" ("Norbone riguis montibus & hortis crebra" ; Lobel, 1576). II estime que si Lobel "ne lui assigne aucune station particuliere, pas plus que Dalechamp, [c'est] sans doute par cela meme qu'il etait tres repandu". II parait persuade que I'espece est en regression depuis Ie seizieme siecle et, s'appuyant sur le recit de Strobelberger ( 1620), attribue cette regression aux recoltes inconsiderees realisees par les botanistes (pour des exemples recents, voir : Read, 1989). Le role des collecteurs, botanistes ou jardiniers dans Ia disparition des especes d'une region, est minimise par Planchon ( 1864) qui estime que, pas plus que les coiIecteurs, les defrichements ne peuvent eliminer entierement une espece. Planchon ( op. cit.) estime que ce sont Ies changements naturels, climatiques, sensibles meme sur quelques siecles, qui joueraient le plus grand role. Kieffer (1881) attribue egalement un grand role aux changements climatiques dans les modifications observees dans Ia flore. Dickinson ( 1934) fait de C. balearicum Willk. une espece survivante tertiaire, temoin de Ia separation Balearescontinent, dont Ia distribution a ete fragmentee avec des zones de refuge au cours des episodes glaciaires (voir par exemple, plus recemment : Contandriopoulos et Favarger, 1975 ; Cardona et Contandriopou-
los, 1977 ; Bocquet et al., 1978 ; Pons et Quezel, 1985 : Quezel, 1985).
II n'est pas possible de retracer precisement l'evolution de Ia distribution de C. balearicum Willk. depuis quatre siecles en France, malgre le nombre et Ia qualite des botanistes qui se sont succedes dans les regions interessees. Cependant, il parait possible de suggerer ce qui suit : II l'aire de distribution de cette espece de garrigues et de forets, deja morcelee apres les glaciations, s'est encore retractee et fragmentee au fur et a mesure des defrichements et 2/ c'est au dix-neuvieme siecle que cette aire est la plus reduite ; 3/ a Ia faveur de l'exode rural et de Ia progression du couvert ligneux, l'espece s'etend dans certains sites mais 4/ dans d'autres sites, certaines caracteristiques stationnelles (isolement ecologique, forte densite de predateurs ... ) et/ou de Ia population (petit nombre d'individus ... ) entravent cette extension, voire annoncent une Iente disparition ; enfin 5/ localement, les activites humaines ont un impact negatif.
Plusieurs traits de l'ecologie et de Ia biologie de l'espece sont coherents avec ce scenario : II elle est en limite nord de sa distribution ; 2/ poussant sous couvert des ligneux, les deboisements n'ont pu avoir qu'un impact negatif sur elle ; 3/ son aptitude a se maintenir dans des sols tres pierreux et dans des fissures de rochers, avec un tubercule sou vent en profondeur, ont pu Ia proteger d'une eradication totale par les defrichements et les collecteurs ; 4/ sa longevite (certainement plusieurs dizaines d'annees) et son autocompatibilite (Affre et al., 1995) lui ont permis de se maintenir tres longtemps sous Ia forme de petites populations ; 51 la forte predation de ses fleurs et de ses fruits ainsi que Ia faible distance de dissemination de ses graines realisee par les fourmis (Affre et al., 1995) ne permettent probablement ni !'extension rapide de ses populations, ni Ia colonisation de nouveaux sites, meme si les conditions ecologiques deviennent favorables.
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Grey-Wilson (1988), dans sa monographie sur le genre Cyclamen, emettait un doute sur Ia spontaneite ("apparently wild", "it is presumed to be native") de C. ba/earicwn Willk. en France. Nous pouvons repondre : cette espece y est spontanee, sans aucun doute !
Remerciements.- Nous souhaitons remercier Louis Olivier, Directeur du Conservatoire Botanique National de Porquerolles, qui nous a donne acces a des documents non publies, James Molina, de I'Antenne Languedoc du Conservatoire Botanique National de Porquerolles. qui nous a fourni de nombreuses informations et nous a accompagne en prospection sur le terrain, Francis Lagarde qui a bien voulu nous communiquer Ia localisation des populations qu'il avail repertoriees, Joel Mathez,
Directeur des Herbiers de l'lnstitut de Botanique de Montpellier, qui nous a facilite l'acces aux collections, Rene Jeantet, Conservateur du Museum d'Histoire Naturelle de Nimes, qui nous a fait part de ses connaissances sur l'espece et nous a guides dans les recherches bibliographiques. Nos remerciements vont egalement a ceux qui nous ont aide a rechercher le Cyclamen des Baleares et en particulier, Bernard Lacaze aux Capouladoux (des 1975 !), puis plus recemment Fram;:ois Bretagnolle, Henri Michaud et Andre Denis au Serre d'Oupia. Merci aussi a John Thompson et a Andre Baudiere qui ont commente une premiere version de ce texte, a Alain Lacoste et Monique Balayer qui ont bien voulu repondre a nos interrogations, a Therese Amouroux et Peter Schaffer qui nous ont aide a l'lnstitut de Botanique de Montpellier, a Gerard Gory qui nous a aide au Museum d'Histoire Naturelle de Nimes. Cet article a ete realise dans le cadre d'un programme sur l'ecologie evolutive du genre Cyclamen avec l'appui logistique et financier du C.N.R.S.
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