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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2013) 14, 255—258 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE La douleur est aussi une question Pain is like a question Frédéric Lenglet Consultation de la douleur, CHU Nord, entrée 5, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens cedex 1, France Rec ¸u le 19 novembre 2012 ; rec ¸u sous la forme révisée le 8 mars 2013; accepté le 30 avril 2013 Disponible sur Internet le 10 juillet 2013 MOTS CLÉS Douleur chronique ; Demande ; Narcissisme ; Perte ; Soignant ; Psychologie Résumé Une enfant interpelle son père après qu’elle ait eu à subir une douleur physique aiguë. Une plainte douloureuse, répétitive et toujours insatisfaite, est adressée à un profes- sionnel. Deux situations douloureuses en apparence différentes et pourtant ne s’agit-il pas d’une seule et même question ? © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Chronic pain; Request; Narcissism; Loss; Caregiver; Psychology Summary After a sharp pain, a girl is questioning her father. A chronical pain is also questio- ning health professionals. Two different situations. The same question. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. « Si l’on considère l’attitude de parents tendres envers leurs enfants, l’on est obligé d’y reconnaître la reviviscence et la reproduction de leur propre narcissisme qu’ils ont depuis longtemps abandonné. » [1]. Adresse e-mail : [email protected] Un père que nous connaissons très bien et qui n’ignore pas notre intérêt professionnel pour la douleur, nous a raconté l’histoire douloureuse survenue récemment à sa fille âgée de huit ans. L’enfant dont il est question a toujours été protégée au mieux des accidents de la vie. Elle n’a jamais eu à subir de douleurs physiques, sinon en de rares occasions lors de chutes sans gravité. Cette situation confortait les parents dans l’idée que le passage, la transition de l’idylle infantile vers la réalité pouvait se faire le plus confortablement et 1624-5687/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2013.04.001

La douleur est aussi une question

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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2013) 14, 255—258

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

La douleur est aussi une question

Pain is like a question

Frédéric Lenglet

Consultation de la douleur, CHU Nord, entrée 5, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens cedex 1,France

Recu le 19 novembre 2012 ; recu sous la forme révisée le 8 mars 2013; accepté le 30 avril 2013Disponible sur Internet le 10 juillet 2013

MOTS CLÉSDouleur chronique ;Demande ;Narcissisme ;Perte ;Soignant ;Psychologie

Résumé Une enfant interpelle son père après qu’elle ait eu à subir une douleur physiqueaiguë. Une plainte douloureuse, répétitive et toujours insatisfaite, est adressée à un profes-sionnel. Deux situations douloureuses en apparence différentes et pourtant ne s’agit-il pasd’une seule et même question ?© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary After a sharp pain, a girl is questioning her father. A chronical pain is also questio-

Chronic pain;Request;Narcissism;Loss;Caregiver;

ning health professionals. Two different situations. The same question.© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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Psychology

« Si l’on considère l’attitude de parentstendres envers leurs enfants, l’on est obligé d’y

reconnaître la reviviscence et la reproduction de

leur propre narcissisme qu’ils ont depuislongtemps abandonné. » [1].

Adresse e-mail : [email protected]

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Un père que nous connaissons très bien et qui n’ignore pasotre intérêt professionnel pour la douleur, nous a raconté’histoire douloureuse survenue récemment à sa fille âgéee huit ans.

L’enfant dont il est question a toujours été protégée auieux des accidents de la vie. Elle n’a jamais eu à subir

e douleurs physiques, sinon en de rares occasions lors dehutes sans gravité. Cette situation confortait les parentsans l’idée que le passage, la transition de l’idylle infantileers la réalité pouvait se faire le plus confortablement et

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2 F. Lenglet

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Figure 1. La fille représente par ce dessin le moment où le den-t

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ereinement possible1. N’est-ce pas le souhait que portentous les parents pour leur enfant ?

Les parents percoivent toujours intuitivement qu’uneelle transition implique une perte, et cela tant pour leurnfant que pour eux-mêmes. Or, les précautions avec les-uelles les mères et les pères d’aujourd’hui s’évertuent pourue ce passage se fasse le plus en douceur possible, et par-ois le plus lentement aussi, les font se comporter commei la réalité attendait l’instant propice pour s’immiscer deacon traumatique auprès de leur progéniture. Il ne faitucun doute que ces parents transfèrent sur leur enfant leurropre vécu et tentent à travers lui de réparer des bles-ures anciennes. En maintenant leurs liens narcissiques àeur enfant, ils cherchent ainsi à se préserver de la réac-ualisation d’une perte, qui en son temps a probablementté source d’une blessure narcissique, faute d’avoir étéuffisamment contenue et médiatisée symboliquement. Ilsnticipent alors la nature de cette perte comme une perteéelle et réagissent en conséquence en régressant et en’attachant à minimiser l’impact du réel — demeurant pourux potentiellement intrusif — sur leur enfant.

Dans ce contexte, la douleur de l’enfant, celle suffi-amment importante et insistante pour déchirer le voilearcissique tissé par les parents autour de l’enfant et d’eux-êmes, vient les confronter à la réalité et du même coup

es replonger dans ce qu’ils pouvaient jusque-là occulter par’intermédiaire de l’enfant. Celui-ci peut se saisir de la dou-eur en faisant d’elle une puissante alliée capable de fairelier l’emprise narcissique que ses parents ont autour deui. Par la brèche ainsi entrouverte, l’enfant entrevoit unspoir, celui d’échapper à cette place de « bouchon » poures parents avec la perspective d’émerger comme sujet dési-ant.

L’enfant parvient alors à se distancier de l’emprisearentale en interposant la douleur, suffisamment pour veniruestionner ses parents.

À ce moment-là, la douleur n’est plus seulement unexpérience sensorielle et émotionnelle. Elle devient aussine question. Celle adressée aux parents sur ce qu’ils sontrêts à céder et supporter de leur propre manque pourue leur enfant naisse comme sujet désirant. Cette ques-ion nous la retrouvons aussi chez des patients douloureuxhroniques à travers une question itérative qui faute d’êtrentendue comme telle se perpétue à travers une demandeépétitive et toujours insatisfaite.

’histoire

n orthodontiste avait préconisé pour l’enfant — appelonsa Juliette — l’extraction d’une dent de lait de manière à ce

ue la dent définitive puisse prendre normalement sa placen poussant (Fig. 1). Un an auparavant, pour les mêmes rai-ons, une autre dent de lait lui avait été retirée. Cela n’avaitas créé de difficulté puisque la dent ne tenait plus que

1 La transition consiste au passage d’une illusion, celle où l’enfantmagine le monde comme le prolongement de son propre nar-issisme omnipotent, à celle d’une désillusion qui doit se fairerogressivement pour ne pas entamer le sentiment intime de pou-oir encore agir sur le monde pour le transformer [2].

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iste lui extrait sa dent de lait.

ar un « fil ». Aussi, fière de s’en être sortie sans trop deouleur à ce moment-là, si ce n’est celle de la piqûre de’anesthésie, Juliette eut tôt fait de perdre sa dent dans unecoin de la maison plutôt que de la troquer contre une piècee monnaie, comme il est d’usage lorsqu’on croit encore àa petite souris. La fillette s’était d’ailleurs vantée à cetteccasion de ne plus croire à cette histoire depuis déjà bienongtemps.

Cependant, la dent qu’il s’agissait d’extraire à présenttait encore bel et bien enracinée dans la gencive.

Le rendez-vous chez le dentiste fut donc pris en fin’après-midi. C’est le père qui l’accompagna comme à’accoutumée.

Le père raconta, encore tout éprouvé, que cela s’étaitait avec beaucoup de difficulté. À tel point que le den-iste avait eu besoin de faire, en tout, cinq piqûres pourxtraire la dent sans douleur. Le dentiste avait pris soin,it le père, d’anesthésier localement (à l’aide d’un cotonmbibé d’un produit anesthésiant) la gencive avant chaqueiqûre. La douleur de sa fille s’évaluait facilement, au direu père, à mesure que ses jambes se soulevaient (tant ellese contractaient !) quand le dentiste passait à l’offensive.

Le dentiste semblait également mis à rude épreuve ; àlusieurs reprises, relatait le père avec amusement, le den-iste avait demandé à son assistante de baisser le chauffage’entendant pas qu’elle lui répondait à chaque doléanceu’il était éteint.

L’enfant fut en tout cas courageuse et ne se sentit autori-ée à pleurer dans les bras de son père que sur le perron, leoton sanguinolent à l’endroit de la dent enlevée et le poingerré fort tenant la dent que le dentiste venait de déposer

n évoquant l’histoire de la petite souris. Un Efferalgan®

00 fut suffisant pour calmer le réveil de la douleur.

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La douleur est aussi une question

Le père dit que sa fille était néanmoins demeurée incon-solable toute la soirée.

Dans la soirée, tout bas, à l’oreille de son père, elle luidit : « tu sais, je ne crois plus à la petite souris depuis long-temps, mais penses-tu que nous puissions faire comme si ellepassait quand même ? ». Le père acquiesca silencieusementet avec connivence voyant là certainement l’opportunitéd’un échange qui les épargnerait tous les deux émotionnelle-ment. Il pensait en effet que sa fille aurait tôt fait d’oublierce qui s’était passé. Aussi attendit-il que l’enfant soit pro-fondément endormie pour y glisser une pièce et subtiliser ladent que l’enfant avait déposée précautionneusement sousl’oreiller.

Le lendemain cependant, Juliette se montra encore plusinconsolable et implora pour que la dent lui soit rendueet. . . qu’on cesse de lui mentir à propos de la petite sou-ris. A priori, il ne semblait plus possible de lui faire croiren’importe quoi. Même s’il apparaissait bien que l’histoirede la petite souris tenait malgré tout encore par un fil.Elle pleurait dit le père, comme si elle avait pleuré un êtrecher désormais disparu. Pleurant, elle maugréait de faconpresque inaudible « ma dent, ma dent, ma dent. . . ».

Le père désemparé, ne sachant que faire pour calmerla détresse de son enfant et devant l’insistance de celle-cipour que la dent lui soit rendue, se replia sur l’adage qu’onne peut avoir le beurre et l’argent du beurre. Aussi proposa-t-il l’idée suivante : en remettant la pièce sous l’oreiller lapetite souris reprendrait peut-être la pièce et lui rendraitainsi la dent.

À cela, sa fille protesta vigoureusement et clama quequelle que soit la valeur de la pièce, et quand bien même ceserait un billet, rien ne saurait remplacer sa dent. Le pères’en sortit par une pirouette en se disant que finalement lapetite souris pouvait bien faire une entorse pour une foispuisque la dent n’était pas tombée d’elle-même et qu’ainsielle pouvait bien récompenser le courage de l’enfant. Aussi,la nuit tombée, la petite souris compatissante rapporta ladent et laissa la pièce cette fois sous l’oreiller.

En écoutant le père, nous saisissions son souci de mini-miser l’impact de la réalité sur sa fille de manière à cequ’elle conserve son innocence le plus longtemps possible.Pour cela, il avait usé, sans même s’en apercevoir, de stra-tagèmes pour que l’illusion perdure bien au-delà de ce quel’enfant en demandait elle-même. Pour ainsi dire, l’histoireintroduite par l’enfant était tombée à point pour le père.

La difficulté du père pour abandonnerl’histoire de la petite souris se percevait sansdifficulté. En effet, sa rigidité traduisait sa

frustration que l’histoire n’ait pas rempli sonrôle de protéger l’enfant de l’incidence de la

réalité.

Le matin suivant, bien que moins chagrine, la fille semontra toujours insatisfaite. Elle réclamait de nouveau la

vérité. Il semblait bien, et cela dès le début, qu’il n’y aitque celle-ci qui pût la satisfaire.

Ainsi, devant l’insistance de sa fille, le père se résigna àrévéler la vérité ; c’était bien lui qui avait placé la pièce de

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onnaie puis la dent durant la nuit. L’histoire de la petiteouris n’existait donc pas.

Le mensonge cessant, Juliette se trouva réellement apai-ée et montra la dent à tout le monde. On aurait cru, dit leère, qu’elle était fière de montrer sa dent comme un tro-hée, comme une épreuve qu’elle avait passée avec succès.n même temps, il semblait que c’était une manière aussiour elle de lui dire une dernière fois au revoir comme s’il’était agi d’un être cher désormais disparu. Pendant plu-ieurs jours, après qu’elle l’eut montrée à ses camarades delasse, la dent resta sur la table de chevet. Quelques jourslus tard, l’histoire sembla terminée et la dent détachée futerdue.

Au moment où le père terminait de se remémorer sonistoire, les traits du visage laissaient apparaître un vagueentiment de nostalgie.

(le père) Étrangement la perte de la dent semble, dansl’après-coup, avoir eu plus d’incidence sur moi que surma fille. . .

(l’auteur) Comment est-ce possible ? (le père) Je ne sais pas. . .comme si j’y avais perdu

quelque chose également. . .

(l’auteur) Quelque chose. (le père) Oui, quelque chose mais je ne sais pas trop quoi.

À cela le père associa, comme pour parler d’autre chose,n désignant sa fille du doigt à travers la fenêtre du jardin,ur l’idée que le temps passe vite. Puis il fit part d’autresonsidérations à propos des sentiments plus grands de vul-érabilité et de la prise de conscience de la finitude de’existence que l’on peut avoir en découvrant ses enfantsrandir.

Enfin l’instant d’après, quittant ses pensées, le père deuliette se montra plus joyeux ; il semblait bien que lui aussi

présent était passé à autres choses.

propos de l’histoire

’intérêt de cette histoire réside dans l’attitude de Juliettet dans celle de son père après que l’extraction de la dente lait ait été réalisée par un tiers. La fille est confrontée

une réalité qui dépasse tout ce qu’elle a connu jusqu’àrésent.

Devant cette réalité difficile, l’enfant essaye de seaccrocher régressivement à une histoire qui jusqu’alorsendait la perte plus supportable. Dans un premier temps,lle demande au père de l’accompagner dans cette régres-ion. Le lendemain, constatant l’inefficacité de l’histoire àinimiser le poids de la réalité et donc de la perte, l’enfant

e trouve contrainte de prendre en compte, cette fois poure bon, l’épreuve imposée par la réalité. C’est à ce moment-à qu’elle interpelle son père.

L’attitude du père et la persévérance de la fille pour obte-ir de lui la vérité, nous permettent de comprendre ce quist alors en jeux.

Le père s’accroche un temps à l’histoire parce qu’elle

st pour lui une garantie que, malgré l’épreuve de réalité,’illusion perdure encore un temps. Le père fait en sortee reculer l’inéluctable. Il se comporte comme si un lienntre sa fille et lui se défaisait et qu’il n’y était pas encore
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[4] Lasch C. La culture du narcissisme : la vie américaine à un âgede déclin des espérances. Paris: Champs Flammarion; 2006.

[5] Serra E, Verfaillie F. Douleur et souffrance : de quelques aspectsmédicaux. Ethique et Sante 2007;4(3):131—5.

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réparé. La fille au contraire semble prête. C’est pourquoille demande avec insistance la vérité.

Juliette interpelle donc son père là où elle attend de luiu’il reconnaisse l’incidence de la réalité, qu’il reconnaissea perte et l’assume. Elle attend aussi de lui un assenti-ent, ce n’est qu’à cette condition qu’elle pourra dépasser

ette épreuve. Dans cette histoire, la douleur n’est pluseulement une expérience sensorielle et émotionnelle. Elleevient aussi une question. La fillette interroge son père sure qu’il est prêt à céder pour qu’elle puisse s’émanciper dees attentes narcissiques à lui.

Il est une maladie dont aucun professionnelde la santé ne parle et qui n’est décrite dansaucun traité médical. Cette maladie contraint

les sujets qui en sont atteints à rechercher toutepersonne souffrante et à tenter de la guérir de

gré ou de force.

« Guérir autrui de gré ou de force apparaît parfois commen curieux symptôme. Pourquoi tant d’individus, médecins,sychologues, psychanalystes ou même guérisseurs, sont-ilstteints de cette furor therapeuticus ? » [3].

Cette histoire de l’attente de l’enfant et celle du pèreourrait faire écho à l’impasse dans laquelle se retrouvente nombreux professionnels dans la prise en charge desatients douloureux chroniques.

Beaucoup d’entre eux réagissent en effet de la mêmeanière que le père de cette histoire en occultant une

érité, parce qu’elle les confronte à leur propre limite.ur ce point, les patients douloureux chroniques sont bienouvent plus lucides que les soignants qui cherchent coûteue coûte à les guérir. D’ailleurs comment cette impasse’exprime-t-elle du côté des soignants ?

Par exemple : acharnement thérapeutique, multipli-ation des intervenants autour du patient, adresse ausychologue comme ultime solution de dégagement,’algologue se substitue complètement au médecin, réaction

e rejet, frustration. . .

L’idée avancée à partir de ce récit pourrait se résumerinsi : le travail de deuil ne peut s’engager pour un patientu’à partir du moment où ce patient demandeur trouve chez

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F. Lenglet

on interlocuteur une aptitude à faire le deuil de ses propresspirations narcissiques. Est-ce à dire que la psychologie desrofessionnels de la douleur a une influence non négligeableur le déroulement de la plainte des patients douloureuxu’ils ont à prendre en charge ? C’est ce que nous pensons.

Cela nous conduit d’ailleurs à envisager la plainte répé-itive d’un patient toujours insatisfait, non pas commene demande qu’il s’agirait de combler avec l’intentione la faire cesser — c’est d’ailleurs le narcissisme des soi-nants qui les conduit à interpréter la demande comme unesoin qu’ils devraient satisfaire2 — mais plutôt s’agit-il dea concevoir comme une question itérative adressée à unnterlocuteur qui parce qu’il serait en paix avec ses propresimites serait susceptible d’apporter (bien souvent à sonnsu) une réponse structurante. C’est-à-dire une réponseui, parce qu’elle ne cherche pas à combler, offrirait laossibilité d’ouvrir la plainte répétitive sur un « ailleurs »e la demande. Seule condition pour que le patient puissemerger de sa plainte comme sujet désirant.

éclaration d’intérêts

’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

éférences

1] Freud S. Pour introduire le narcissisme. Paris: Petite Biblio-thèque Payot; 1914.

2] Winnicott DW. Jeu et réalité. L’espace potentiel. Paris: ÉditionGallimard; 1975 [Collection Folio essais].

3] Prayez P. La fureur thérapeutique ou la passion de guérir. Paris:Éditions Retz; 1986.

2 L’univers du soin interprète la demande comme s’il s’agissaite répondre à un besoin en procurant l’objet le mieux adapté. Leystème social répond également sur ce mode : enseignement obli-atoire, monde de la consommation, services d’aides sociaux... Ete que l’on constate, c’est que plus on répond à la demande, plus leésir s’éteint ! L’influence de la société occidentale est palpable.ette culture du narcissisme comme la nomme Christopher Lasch4], entièrement vouée à l’hédonisme qui à travers le culte de laonsommation et la réalisation de tous les désirs possibles, donne etonforte les personnes dans l’illusion d’une restauration narcissiquendéfiniment recommencée. Illusion d’un monde dans lequel, grâceux objets, les sujets pourraient se débarrasser de leur manque.eurre d’un monde dans lequel il n’y aurait plus de perte, plus dereux, plus d’aspérité, plus de défaut. Tout devrait y être lisse,ormaté, normalisé. Une attitude culturelle que l’on retrouve dansa place essentielle accordée à la santé à travers, par exemple, leulte de la jeunesse, de la forme, de la beauté, de la bonne santé,u corps parfait [5]. Voici, à ce propos, ce qu’en dit C. Lasch :

L’atmosphère actuelle n’est pas religieuse, mais thérapeutique.e que les gens cherchent avec ardeur aujourd’hui, ce n’est pas

eur salut personnel, [. . .] mais la santé, la sécurité, l’impression,’illusion momentanée d’un bien-être personnel. » [4].