20
OCTOBRE 2015 VOL XXXI N O 3 REVUE BIBLIQUE POPULAIRE PUBLICATION SOCABI trouver le parfait dans l’imparfait dossier / Quelques incontournables rencontre La famille Beaulieu-Sévigny la famille : un projet à construire

la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

OC TOB R E 2015 • VOL XXXI N O 3

REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • PUBLICATION SOCABI

trouver le parfait dans l’imparfait

dossier / Quelques incontournables

rencontreLa famille Beaulieu-Sévigny

la famille :un projetà construire

Page 2: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

rochain numéro !Le numéro de décembreSa miséricorde s’étend d’âge en âge)))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))

03

04

06

09

16

AVANT-PROPOS

03 La famille : un projet à construire!Francine VINCENT, Geneviève BOUCHER

DOSSIERLa famille dans la bible

04 Familles bibliques et familles d’aujourd’hui Sébastien DOANE

06 Honore ton père et ta mèreFrancine VINCENT

09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des tâchesFrancis DAOUST

12 Soyez soumis les uns aux autresYves GUILLEMETTE ptre

14 La famille, une Église domestiqueFrancine VINCENT, Yves GUILLEMETTE ptre

ENTREVUE16 Tribulations spirituelles de la famille d’à côtéFamille BEAULIEU-SÉVIGNY, Philippe VAILLANCOURT

18 PISTES DE RÉFLEXIONFrancine VINCENTGeneviève BOUCHER

19 LE SOCABIEN

20 EXHORTATIONDes liens familiaux transformés par l’expérience de la foi et de l’amour de DieuPape François

SOMMAIREOC TOB R E

VOL XXXI NO32015La famille :

un projet à construire

Société catholique de la Bible2000 rue Sherbrooke Ouest, Montréal(Québec) H3H 1G4

[email protected]

(514) 925-4300poste 297

CONSEIL D’ADMINISTRATION

Président : Marcel DUMAIS o.m.i.Vice-présidente : Christiane CLOUTIER-DUPUISSecrétaire : Jean GROUTrésorier : Jean-Chrysostome ZOLOSHIÉvêque ponens : Mgr Marcel DAMPHOUSSEAdministrateurs : André BEAUCHAMP,Yves GUILLEMETTE ptre, Clément VIGNEAULT

DIRECTEUR GÉNÉRALFrancis DAOUST

COMITÉ DE RÉDACTION

Rédacteur en chef : Yves GUILLEMETTE ptre,Geneviève BOUCHER, Élisabeth DI LALLA-BESNER, Francine VINCENT

COLLABORATION À CE NUMÉRO

Geneviève BOUCHER, Francis DAOUST,Sébastien DOANE, Yves GUILLEMETTE ptre,Philippe VAILLANCOURT, Francine VINCENT

CONCEPTION GRAPHIQUEFabiola ROY

ISSN 2291-2428 (En ligne)

Vous aimez la revue?Contribuez à sa diffusion

Vos commentairessont les bienvenus

Merci!

Membre de l’Association canadienne des périodiques catholiques (ACPC)

PUBLICITÉ ET ABONNEMENTS

Abonnement en lignewww.interbible.org/socabi/parabole.html

Vous pouvez lire les numéros précédents

www.interbible.org/socabi/parabole.html

Page 3: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

Francine Vincent et Geneviève BoucherMembres du comité de rédaction

AVANT-PROPOS �

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

0320

la famille : un projet à construire!

À Rome, au Vatican, se tiendra du 4 au 25 octobre 2015 la deuxièmesession du Synode sur la famille. Des attentes et des demandesont été exprimées de par le monde depuis la première session

qui a eu lieu l’automne dernier :

• un cardinal éthiopien demande aux évêques d’adapter l’enseignement de l’Église aux différentes réalités vécues dans les pays;

• l’archevêque de Chicago en appelle à la créativité et à l’ouverture dans l’accompagnement des couples divorcés-remariés, comme l’a fait précédemment le pape François;

• le recteur de l’Institut catholique de Paris demande de renvoyer lediscernement à la sagesse des couples en ce qui concerne les méthodes derégulation des naissances;

• des propositions sont envoyées au pape afin de rapprocher la doctrine de la vie.

Que l’Esprit de vie vous accompagne tout au long du synode

et de votre réflexion personnelle sur La famille, un projet à construire!

Dieu s’est fait proche des familles, telles qu’elles étaient,dans leur réalité. Il n’a pas attenduqu’elles soient « parfaites » pour le faire.

De tous les milieux, on espère beaucoup. On appelle à l’ouverture, à la compréhension, à la sensibilité, audiscernement, au respect de l’être humain dans son intégralité.

Parabole a donc opté de vous offrir un dossier sur la famille et sur ce qui peut l’aider à grandir. Tout au long desécrits bibliques, on se rend compte que Dieu s’est fait proche des familles, telles qu’elles étaient, dans leur réalité.Il n’a pas attendu qu’elles soient « parfaites » pour le faire. Au contraire, Dieu est présent aux familles dans leursdoutes, leurs joies, leurs ambiguïtés, leur recherche, leurs faiblesses. La famille, c’est un projet à construire,et la construction n’est jamais terminée une fois pour toutes.

Page 4: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

« Dieu choisit même des familles imparfaites, différentes et marginales pour développer

son alliance avec l’humanité. »

P ouvez-vous nommer une seulefamille dite « normale » dans laBible? C’est tout un défi! Dans

la Bible, il y a de la polygamie, desadultères, des familles monoparentales,des fratricides, de l’inceste, des divorces,des naissances miraculeuses… mais pasde famille dite « normale ». Toutefois, lesrécits bibliques montrent à notre grandesurprise que Dieu choisit même desfamilles imparfaites, différentes etmarginales pour développer son allianceavec l’humanité. Dans cet article, jepropose de mettre en lumière quelqueséléments importants pour comprendreles familles dans le monde de la Bible.Nous nous attarderons en particulieraux différences entre notre conceptionhabituelle de la famille et celle attestéedans les textes bibliques.

L’amour?Aujourd’hui, l’amour est le motif qui unitdeux personnes et permet la fondationd’une famille. Il n’en va pas ainsi dans laBible. L’amour pouvait bien faire partiede la vie familiale, mais les mariagesbibliques sont avant tout des mariages« arrangés ». Ce sont les parents desmariés qui décidaient des alliancesfamiliales. Les sources rabbiniquesindiquent que les filles devaient êtrepromises en mariage avant l’âge de douzeans. Le mariage se faisait en deux étapes.Durant la première étape, les épouxrestaient chez leurs parents respectifs en

attendant que la fille ait ses règles et quela dot soit constituée. La deuxième étapedu mariage était marquée par l’arrivéede l’épouse dans la famille de son mari.

L’étude des sociétés contemporaines quipratiquent encore les mariages arrangésnous aide à mieux comprendre la réalitévécue par les époux bibliques. Par exemple,en Inde, on voit à quel point le jour dumariage est difficile pour la jeune mariéequi quitte tout ce qu’elle connaît pouraller s’établir chez son époux qu’elle neconnaît pratiquement pas.

religieux?Aujourd’hui, il y a une distinction entreles mariages civils et religieux. Bienentendu, les catholiques sont invités à

se marier selon les rites de l’Église.Étonnamment, les textes bibliques nesoulignent pas le côté religieux dumariage. Les rares informations au sujetdes mariages dans la Bible mettentl’accent sur la fête ou la nuit de noces,mais nous n’avons aucune indicationconcernant une ritualité religieuse. Lafamillebiblique se fonde sur un contrat socialet public sans souligner l’aspect religieux.

Monogame?La polygamie des familles bibliques estbien connue. Le champion à ce titre estle roi Salomon qui aurait eu 1000femmes (1 R 11, 1-3). Cette pratique étaitsurtout réservée aux riches puisque,pour avoir plusieurs femmes, il devaientavoir les moyens de les entretenir.

Doctorant en études bibliques, Université Laval

Sébastien doAne LiminairekLa réalité des familles a bien changé au cours des dernièresannées. La vie moderne a fait éclater le modèle familialclassique. Un sentiment de nostalgie peut faire penser quece modèle était idéal et qu’il avait toujours été présentavant que ne surviennent les bouleversements que nousconnaissons. Or, il serait complètement anachroniquede projeter le modèle de la famille idéale des années ‘50à l’époque des temps bibliques. Curieusement, les famillesbibliques sont encore plus éclatées que les nôtres.

Familles bibliques et familles d’aujourd’hui

Pistes de réf lexion p.18�

� DOSSIER0405

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

Page 5: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

Mutuel?Les membres d’une famille n’avaientpas de relations mutuelles. Dans cecontexte patriarcal, la femme étaitmême vue comme une propriété de sonmari. Par exemple, en Exode 20, 17, lafemme se retrouve dans la liste de ses« possessions » parmi la maison, lesesclaves et les animaux. Les enfantsétaient aussi vus comme dépendants dupère qui pouvait pratiquement faire cequ’il voulait d’eux. La Bible transmet mêmequelques récits qui montrent un père surle point de sacrifier son fils car, finalement,Abraham ne le sacrifie pas (Gn 22; Jg 11,29-40; 2 R 3, 24-27; 16, 3; 21, 6). On est loinde l’égalité des sexes et de l’importanceaccordée aux enfants aujourd’hui.

Fidèle?La Bible condamne l’adultère, mais ce nesont pas toutes les relations en dehorsdu mariage qui sont jugées ainsi. Il n’y aadultère que si une femme mariée a unerelation sexuelle avec un autre hommeque son mari. Il n’y a donc pas d’adultèresi un homme marié a une relation sexuelleavec une femme qui n’est pas mariée. Parexemple, les relations sexuelles avec uneprostituée ne sont pas des adultères.Ainsi, en Genèse 38, Juda couche avecune prostituée sans que ce soit vu commequelque chose de négatif jusqu’à ce qu’ildécouvre par la suite que la prostituéeétait sa belle-fille.

indissoluble?L’indissolubilité du mariage est trèsimportante pour l’Église catholique.L’Ancien Testament prévoit que leshommes pouvaient se séparer de leursfemmes pour diverses raisons (Dt 24, 1-3).Par contre, les femmes n’avaient pas cemême droit. D’ailleurs, lorsque les femmesétaient divorcées, leur survie et celle deleurs enfants étaient menacées. En dehorsde la prostitution, elles n’avaient pasbeaucoup d’options pour assurer leursubsistance. C’est peut-être une desraisons pour laquelle Jésus s’opposeau divorce (Mt 19, 3-12).

L’autre famille de JésusLes évangiles témoignent d’une grandetension entre Jésus et sa famille. Parexemple, en Mc 3, 20-21, la famille de Jésuscherche à le ramener à la maison, car ilscroient que Jésus a perdu la tête. Toutcomme Jésus, ses disciples ont quittéleurs familles respectives. Le fait de haïrsa famille biologique est même présentécomme un critère nécessaire pourdevenir disciples : Si quelqu’un vient àmoi sans haïr son père, sa mère, safemme, ses enfants, ses frères, sessœurs, et jusqu’à sa propre vie, il nepeut être mon disciple (Lc 14, 26). Il fautvoir bien entendu une figure de styletrès forte, l’hyperbole, pour exprimerl’idée de préférence. Le groupe qui seforme autour de Jésus renonce au modèlefamilial pour créer un autre type famille.

La famille de Jésus n’est plus sa mère ouses frères, mais quiconque fait lavolonté de Dieu (Mc 3, 33). Contrairementaux familles biologiques, cette nouvellefamille n’est plus hiérarchique. N’appelezpersonne sur la terre votre père; carvous n’en avez qu’un seul, celui qui estdans les cieux (Mt 23,9). Les membres decette famille singulière se voient commedes fils et des filles du Père céleste.

d’hier à aujourd’huiPourquoi ne pas prendre au sérieuxl’interpellation de Jésus? Il propose dequitter le modèle traditionnel des liensfamiliaux pour bâtir un autre type derapport plus égalitaire. De toute façon,on ne saurait trouver dans les sociétésbibliques anciennes un modèle familial« normal » ou « parfait ». Le mythe dela famille parfaite n’a aucune racinebiblique. Si les textes bibliques racontentque Dieu est entré en relation avec desfamilles marquées par le fratricide,l’adultère, le divorce… pourquoi nepourrait-il pas le faire encore aujourd’hui?La lecture de la Bible est le meilleur outilpour apprendre à trouver Dieu dansla réalité de nos familles imparfaites.

DOSSIER �

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

0505

Quiconque fait la volonté de Dieu constitue la famille singulière de Jésus

où les membres se voient comme des frères et des soeurs

du Père céleste.

Vous pouvez consulter l’article, Haïr sa mère... pour devenir disciple?!?en cliquant sur ce lien :http://www.interbible.org/interBible/cithare/celebrer/2013/c_ord_23.html

Pour aller plus loin

Page 6: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

notre relation avec Dieu

1 • Je suis l’Éternel, ton Dieu, qui t’ai fait sortir d’Égypte, de lamaison d’esclavage. Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi.2 • Tu ne te feras pas de sculpture sacrée, tu ne te prosterneraspas devant elles et tu ne les serviras pas.3 • Tu n’utiliseras pas le nom de l’Éternel, ton Dieu, à la légère.4 • Souviens-toi de faire du jour du repos un jour saint.

notre relation avec les autres humains

5 • Honore ton père et ta mère afin de vivre longtemps dansle pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne.6 • Tu ne commettras pas de meurtre.7 • Tu ne commettras pas d’adultère.8 • Tu ne commettras pas de vol.9 • Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain.10 • Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain; tu neconvoiteras pas la femme de ton prochain, ni son esclave, nisa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni quoi que ce soit quilui appartienne.

Ces paroles se situent dans un dynamisme qui conduit aux droitset aux devoirs de l’être humain en société. Elles ont été,en quelque sorte, une première mouture des grands textesfondamentaux comme la Déclaration universelle des Droitsde l’Homme (1948). Les Dix Paroles se présentent comme uneproposition de relation profonde et intime. Ce ne sont pasdes « obligations » mais des comportements à adopter pour unmieux vivre ensemble, un cadre pour préserver cette relationd’Alliance avec Dieu et avec nos sœurs et frères humains.

La cinquième ParoleLa cinquième des « Dix Paroles », selon la version de la traditionjuive, est liée au thème central de la famille dans la Bible :Honore ton père et ta mère afin de vivre longtemps dans le paysque l’Éternel ton Dieu te donne (Exode 20, 2). Dans le livre duDeutéronome, la version du Décalogue connaît quelques variantes,telle la parole concernant les devoirs vis-à-vis des parents:Honore ton père et ta mère, comme l’Éternel, ton Dieu, te l’acommandé, afin que tu sois heureux sur la terre que l’Éternel,ton Dieu, te donne (Dt 5, 16). Dans l’Ancien Israël, les douzetribus étaient divisées en clans et les clans en familles. La familleétait l’assise de la société. L’identité d’une personne était fortedans la mesure où celle-ci se rattachait à une tradition, à desancêtres, à une lignée familiale. Cette organisation était aussiun réseau de soutien. Personne ne pouvait être mis de côtécomme on le ferait pour une chose inutile. D’une part, cetteParole traite de notre manière de vivre les relations humaines et,d’autre part, elle nous enseigne que l’amour ne va pas de soi.

� DOSSIER0608

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

Francine Vincent LiminairekChacune des deux tables de la Loi, comme on les désignehabituellement, commence par un rappel historique : lasortie d’Égypte comme acte créateur du peuple, la mentiondes parents comme origine de l’existence de chacun etchacune. Dans les deux cas, il faut reconnaître la gloire deDieu et honorer ses parents, afin de vivre heureux dans lepays que Dieu donne à son peuple. Les parents, dans lavision hébraïque de la vie, n’apparaissent-ils pas comme lesmédiateurs des dons de Dieu, dont le plus fondamental estl’alliance, et les responsables de la pérennité de son peuple?

Honore ton père et ta mère

Pistes de réf lexion p.18

agente de pastorale, diocèse de Saint-Jean-Longueuil

L e célèbre texte biblique d’Exode 20 porte différentsnoms : les Dix commandements, les tables de la loi,les Paroles de vie, le Décalogue ou les Dix Paroles.

Selon la nomenclature hébraïque, les quatre premièresparoles concernent notre relation avec Dieu, et les sixsuivantes, notre relation avec les autres humains.

Page 7: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

DOSSIER �

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

Curieusement, cette parole de dit pasd’aimer ou d’obéir à ses parents mais deles « honorer ». Le terme hébreu quel’on traduit par honorer a comme senspremier donner du poids, rendre lourd.Hoorer son père et sa mère, c’est d’abordreconnaître ce qui a été bon, même trèsbon et mauvais, voire très mauvais, dansl’éducation reçue en héritage de nosparents. C’est être reconnaissant pource qu’ils nous ont transmis, maisavec un regard juste. Ça fait appel audiscernement. Honorer ses parents, c’esthonorer la source humaine de la vie.

respecte ceux qui t’ont précédéLa cinquième Parole nous enseigne quenous devons considérer avec respect cequ’a accompli la génération précédente,même si tout le monde n’a pas eu leprivilège d’avoir été attendu, désiré,choyé dans une famille aimante etéquilibrée. Tous et chacun nous sommesmarqués par ceux et celles qui nousont précédés, qui ont façonné notreenvironnement, notre culture et quinous sommes. Cette Parole nous demandede réévaluer la manière dont nousprenons soin de ceux et celles qui,marchant devant nous, nous ont indiqué

la route. Il nous rappelle égalementque nous avons une dette envers lesgénérations qui nous suivent. LesAmérindiens disaient qu’on ne devraitprendre aucune décision sans en avoirenvisagé les conséquences sur la septièmegénération. Honorer son père et sa mère,c’est apprécier le passé avec sérieux etenvisager l’avenir de façon réfléchie.

honore celui qui t’a aidé à grandirLe rabbin émérite Leigh Lerner, du TempleEmanu-El-Beth Sholom à Montréal, disait,dans le cadre d’une rencontre du Dialoguejudéo-chrétien sur le thème des dixcommandements, que le sens manifestede la cinquième parole est de respecterles parents et les enseigneurs, unenseigneur étant considéré comme unparent selon la tradition juive. JoanChittister1 pousse plus loin la réflexionen disant que le 5e commandement inviteà honorer « toute chose ou toute personnequi a occupé une place d’honneur dansnotre vie, qui a contribué à nous fairegrandir, à goûter la vie en plénitude, etqui par sa façon d’être nous a montré lechemin de notre propre existence. La viene vient pas de nous, nous la recevonsd’autrui : nos parents, des personnes qui

nous ont aidés à grandir. » Parce quetoutes ces personnes ont façonné notreêtre, nous ont donné l’espace, la patience,l’enseignement, l’encouragement etl’amour qui nous ont rendus capablesde faire face à notre moi enragé, souventprompt à la colère, et à nous libérer denotre moi narcissique.

Dans le Catéchisme de l’Église catholiqueau numéro 2199, il est dit que cecommandement « demande de rendrehonneur, affection et reconnaissanceaux aïeux et aux ancêtres. Il s’étend auxdevoirs des élèves à l’égard du maître,des employés à l’égard des employeurs,des subordonnés à l’égard de leurs chefs,des citoyens à l’égard de leur patrie, deceux qui administrent ou la gouvernent.Ce commandement implique et sous-entend, également, les devoirs desparents, tuteurs, maîtres, chefs, magistrats,gouvernants, de tous ceux qui exercentune autorité sur autrui ou sur unecommunauté de personnes. »

une promesse…… afin de vivre longtemps dans le paysque l’Éternel ton Dieu te donne. C’estle premier commandement qui soit

0708

La cinquième Parole nous demande de réévaluer la manière dont nous prenons soin de ceux et celles qui, marchant devant nous, nous ont indiqué la route. Elle nous rappelle

également que nous avons une dette envers les générations qui nous suivent.

�1 Joan chittester, Les dix commandements ou la loi du cœur, Paris, trad. Paul-André Giguère, Éditions Bayard, 2009, 152 p.

� Pour en savoir plus

Page 8: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

accompagné d’une promesse. Il y a un bienfait psychologiqueindéniable à accepter ses parents tels qu’ils sont et à les honorercomme le Seigneur nous le demande, malgré leurs défauts. Cetteacceptation inconditionnelle permet de se sentir plus équilibréet plus en paix avec soi. C’est comme un principe inscrit dansnos gènes. Comment se sentir bien quand on se coupe du troncet que l’on ne reconnaît pas l’arbre qui nous a portés?

Cette promesse pointe également en direction d’un héritage àtransmettre de génération en génération : celui du peuple del’Alliance. Comme on le lit dans de nombreuses pages du PremierTestament, l’obéissance à la loi parfaite de Dieu amènedes bénédictions, la prospérité, une longue vie. Les effetsd’une telle obéissance se font même sentir à l’échelon dela communauté toute entière. Si nous n’avons pas tous eu le

père que nous aurions aimé avoir, notre Dieu veut être notrePère et nous apprendre ainsi le sens du mot père, si difficileparfois à pouvoir vivre. La vie est une bénédiction de Dieupour quiconque croit en lui, malgré toutes les misères, lesépreuves et les souffrances auxquelles elle est exposée.

en conclusionTerminons par une histoire que j’ai lue sur le site de Croixsens 2:Un indien devait s’occuper de son vieux père impotent. Unjour, il décida d’aller le mener en forêt pour le laisser à lui-mêmeet dépérir rapidement parce qu’il était las d’en prendre soin.Le fils de l’indien lui a demandé de l’accompagner. L’indienlui a demandé : « Pourquoi mon fils? » Et son fils de répondre :« Parce que je veux savoir où il faut que je t’emmène quandtu seras vieux! »

� DOSSIER0808

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

1 http://www.croixsens.net/enfant/honneur-prix.php

Pour en savoir plus

« La vie ne vient pas de nous, nous la recevons d’autrui : nos parents, des personnes

qui nous ont aidés à grandir ».Joan chittester

Page 9: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

� DOSSIER0911

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

Bibliste, directeur général de Socabi

Francis dAouSt

La famille selon les Sages :entre affection, formation et partage des tâches

des modèles à suivre?

E n analysant les textes enprofondeur et en utilisantdifférents outils issus des

sciences humaines et sociales, on arriveà reconstruire ce que pouvaient être lescadres familiaux de l’époque. On remarquealors rapidement que les préoccupationsdes familles prémodernes, proche-orientales, polygames et patriarcalesd’il y a plus de 2000 ans étaient trèsdifférentes de celles des familles post-modernes, occidentales, monogames etégalitaires d’aujourd’hui. Les famillesde l’Ancien Testament apparaissent donccomme étant ni des illustrations conformesdes familles d’antan, ni des modèlespertinents pour aujourd’hui. Seraientvus d’un assez mauvais œil de nos joursla femme qui, prenant Tamar commemodèle, s’unirait avec son beau-pèreafin d’assurer la descendance de sonmari décédé (Gn 38), ou l’homme qui,prenant comme exemple le prophèteOsée, proclamerait haut et fort qu’il amarié une prostituée qui le trompeconstamment et qui nommerait sesenfants Pas-prise-en-pitié et Pas-mon-peuple (Os 1, 6-9)!

Pourtant, et bien que les familles desrécits de l’Ancien Testament soient loind’être des modèles de familles idéales,elles parviennent à interpeller les lecteurs

d’aujourd’hui . Le père qui a imeprofondément ses enfants peut facilementse reconnaitre dans la détressed’Abraham à qui Dieu demande desacrifier son fils unique (Gn 22, 1-19); lafemme qui demeure attachée à sa belle-famille peut se retrouver dans l’amourde Ruth qui refuse de quitter Noémie(Ru 1, 16-18); et les frères et sœurs quisont en conflit ne manquent pasd’exemples auxquels ils peuvent s’identifier,avec entres autres, Caïn et Abel (Gn 4),Jacob et Ésaü (Gn 25-36) ou Joseph et sesfrères (Gn 37-50). Familles reconstituées,ménages éclatés, familles monoparentales,ménages pauvres, toutes ces famillescontemporaines peuvent se reconnaitredans les récits de l’Ancien Testament.Et à travers ces récits, elles peuventsaisir que Dieu est présent dans leurhistoire « imparfaite » comme il l’étaitdans celles des personnages bibliques.

Les sages et la familleSi les familles des récits du Pentateuquesont principalement des constructionslittéraires et que les familles desprophètes sont habituellement desmétaphores qui servent en fait à parlerde la relation qui lie Dieu à son peuple,qu’en est-il des familles de la troisièmegrande section de l’Ancien Testament,celle composée en grande partie desécrits de sagesse? La littérature desagesse de la Bible fait partie d’ungrand courant littéraire très populairedans tout le Proche-Orient ancien. Lessages, qui sont à l’origine de ces écrits,ont observé attentivement tous lesaspects de la vie humaine. Forts de cetteexpérience, ils ont tiré des conclusionssur la bonne façon de conduire et deréussir sa vie. Souhaitant transmettre cesavoir à leur auditoire et aux générationsfutures, ils offrent une série de conseils,

LiminairekSi les textes du Pentateuque et des prophètes ne semblentpas comporter de modèle fiable ou d'intérêt particulier pourle fonctionnement de la famille, il en va autrement dela troisième partie de l'Ancien Testament, celle qui estcomposée par les écrits de sagesse. Bien qu'ils fussent écritsil y a plus de 2000 ans, ces textes vénérables renfermentcertains enseignements et principes qui demeurentpertinents pour les familles d'aujourd'hui ou qui, du moins,permettent d'amorcer une certaine réflexion à son sujet.

Pistes de réf lexion p.18�

Dieu est présent dans nos histoires « imparfaites »

comme il l’était dans celles des personnages bibliques.

Page 10: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

La famille, un lieu d’affection et de fiertéLe premier élément que l’on peut remarquer dans les écrits de sagesse est le vocabulairede l’affection qui est rattaché à la famille. Jouis de la vie avec la femme que tu aimes,durant tous les jours de ta vie (Qo 9, 9a) exhorte le Qohélêt; Je fus un fils pour monpère, tendre et unique aux yeux de ma mère (Pr 4, 3) se souvient l’auteur de lapremière partie du livre des Proverbes. La famille apparait ainsi comme le lieuprivilégié de l’affection et des relations de tendresse. Elle constitue le noyau intimede la vie et de l’expérience de toute personne. Elle est aussi le cadre premier danslequel se fait l’éducation de chaque individu avant que celui-ci n’élargisse seshorizons et ne s’aventure dans la sphère sociale et communautaire. En ce sens,une éducation réussie et un comportement exemplaire au niveau social deviennentune source de fierté et de joie sans pareille pour les parents : Il est au comble del’allégresse, le père du juste; celui qui a donné le jour au sage s’en réjouit (Pr 23, 24;voir aussi Pr 10, 1; 15, 20; 27, 11; 29, 3). Selon Ben Sirac, réussir l’éducation d’un enfantet en faire un adulte rempli de sagesse permet même de diminuer l’impact de lamort : Qu’un père vienne à mourir, c’est comme s’il n’était pas mort, car il laisseaprès lui un fils qui lui ressemble (Si 30, 4). À l’opposé, il n’y a pas plus grandeaffliction pour les parents qu’un enfant insensé : Qui engendre un sot c’est pourson chagrin; il n’a guère de joie, le père de l’insensé. (Pr 17, 21; voir aussi Pr 17, 25;19, 13; 28, 7). L’échec de l’éducation des enfants est une honte pour les parents etil viendra hanter leur vieillesse : Un père impie est insulté par ses enfants, car c’estde lui qu’ils tiennent le déshonneur (Si 41,7).

La discipline et la correction des parentsPuisqu’elle est d’une si grande importance dans la mentalité des auteurs de sagessede l’Ancien Testament, l’éducation adéquate des enfants doit être atteinte à tout prixet les parents se doivent de tout mettre en œuvre afin d’y parvenir. La discipline queles parents imposent est donc vue de façon très positive et constructive et doit êtreprise en considération par les enfants puisqu’elle leur permettra de bien réussir leurvie. Le fils sage écoute la discipline de son père, le railleur n’entend pas le reproche(Pr 13, 1) rappelle à cet effet le livre des Proverbes.

L’importance d’une éducation réussie nécessite parfois d’utiliser la manière forte.Mais il est très important de noter que la correction se fait dans un contexte d’amour,même si cela peut sembler paradoxal et difficile à comprendre aujourd’hui. Qui aimeson fils lui prodigue le fouet, plus tard ce fils sera sa consolation, précise Ben Sirac(Si 30, 1). Le livre des Proverbes compare la correction du père sur ses enfants insensésà celle de Dieu sur son peuple injuste et infidèle : Car Yahvé reprend celui qu’il aime,comme un père le fils qu’il chérit (Pr 3, 12). L’auteur du livre de la Sagesse expliqueque cette discipline administrée au peuple est bien différente de la colère que Dieudestine aux méchants : Par les épreuves, qui n’étaient pourtant qu’une correction demiséricorde, ils comprirent comment un jugement de colère torturait les impies; careux, tu les avais éprouvés en père qui avertit, mais ceux-là, tu les avais punis en roiinexorable qui condamne (Sg 11, 9-10). La corrélation entre ces deux corrections estdouble, car elles se situent toutes deux dans un contexte d’amour et d’intimité et ontpour but de ramener sur le droit chemin et non de faire souffrir.

� DOSSIER

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

1011

La famille apparait comme le lieu privilégié de l’affection et des

relations de tendresse, le noyau intime de la vie

et de l’expérience de toute personne... Le cadre premier dans lequel se faitl’éducation de

chaque individu.

de leçons et d’avertissements quiabordent souvent indirectement lesujet de la famille. Bien que ces textesfurent écrits il y a plus de 2000 anset que certains enseignements soientdépassés aujourd’hui, d’autres peuventencore être pertinents pour lesfamilles d’aujourd’hui.

La Sainte famille – Jacob JAnSz

Page 11: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

Le rôle de la mèreBien que les écrits de sagesse aient été rédigés dans le contexted’une société patriarcale ancienne, le rôle et la place de lamère sont hautement valorisés. Il est vrai que certainesparoles de Ben Sirac au sujet de la femme sont aujourd’huitotalement dépassées (voir par exemple Si 25, 13-26, 18; 42, 9-14),mais tout ce qui a été observé plus haut au sujet du père peutêtre appliqué à la mère. Ses enfants doivent l’honorer et larespecter au même niveau que le père (Pr 19, 26; 20, 20; 28, 24;30, 11.17; Si 3, 1-16; 7, 27; 23, 14; 41, 17); comme le père, elle seréjouit des actions d’un enfant sage (Pr 23, 25; Si 3, 2) et sechagrine de celles d’une descendance sotte (Pr 10, 1; 15, 20; 17,25); et son enseignement doit être respecté et considéré avecautant d’attention que celui du père (Pr 6, 20-21; 23, 22). Si laresponsabilité de la correction revient à l’homme, la sagesseen elle-même demeure foncièrement rattachée à la femme,puisque le terme hébraïque utilisé pour désigner la sagessedans l’Ancien Testament, hokmah, est un nom féminin.De plus, lorsque Ben Sirac et les autres auteurs de sagesseveulent personnifier cette sagesse qu’ils estiment tant,c’est sous les traits d’une femme avisée et vénérable qu’ilsle font (Pr 1, 20-33; 8, 1-9,6; Si 1, 4-10; 4, 11-19; 24; Jb 28; Sg 6-9).

La famille fournit le cadre intime et aimant

où se transmettent les valeurs fondamentales qui permettront à l’individu

de réussir sa vie, tant au niveau personnel que social.

DOSSIER �

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

1111

trois éléments pertinents pour aujourd’hui Au terme de ce court survol, nous pouvons retenir de cesanciens écrits de sagesse trois éléments qui peuvent encoreêtre pertinents pour les familles d’aujourd’hui. Tout d’abord,la famille en tant que lieu privilégié d’affection et d’éducation.C’est dans ce cadre intime et aimant que se transmettent lesvaleurs fondamentales qui permettront à l’individu de réussirsa vie, tant au niveau personnel que social. Ensuite, l’importancede la discipline qui assure le succès de cette éducation. Cetterigueur dans la formation des enfants ne se fonde pas sur laposition de tel médecin ou psychologue en vogue, mais surla pédagogie de Dieu lui-même. Cette fermeté est fondéeessentiellement, non pas sur la colère et l’intransigeance,mais sur l’amour et le désir profond qui habite la personnequi corrige de s’assurer que chaque individu vive dans la joied’une vie pleinement accomplie (voir en ce sens Ez 18 et enparticulier la conclusion des vv. 30-32). Enfin, bien que cestextes aient été écrits il y a plus de 2000 ans dans un contexteculturel très différent du nôtre, retenons qu’ils affirmentle rôle essentiel joué par la mère dans l’éducation des enfantset ouvrent à un partage égal et constructif des responsabilitésentre les deux parents.

Page 12: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

� DOSSIER1213

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

Prêtre du diocèse de Montréal, curé de la paroisse Saint-Léon et directeur du Centre biblique

Yves GuiLLeMette ptre

soyez soumis les uns aux autres

O n a l’habitude de justifier les proposde l’auteur par des argumentssociologiques et juridiques reliés

à l’époque gréco-romaine antique.L’argument est valable mais incomplet.On doit admettre l’inégalité de statutentre l’homme et la femme, de mêmequ’entre les parents et les enfants, lesmaîtres et les esclaves, toutes catégoriesde personnes mentionnées dans lespropos de morale domestique qui clôt lasection d’exhortation de la lettre (Ep5, 21-6, 9).On y trouve des conseils pour la conduitedes membres de la famille dans le sensassez large de la maisonnée. Chacun deces «binômes» est composé d’une partieinférieure et d’une partie supérieure. Auxenfants et aux esclaves, il est demandéd’obéir aux parents et aux maîtres, alorsqu’aux femmes il est plutôt demandéd’être soumises à leur mari (ce qui estdit implicitement aux versets 22 et 24)puis d’avoir du respect à son égard (v. 33).Notons la différence de vocabulaire.Selon le Larousse, « obéir » se définit parl’acte de se soumettre à la volonté dequelqu’un ou d’exécuter des ordres; « sesoumettre », c’est accepter l’autorité dequelqu’un ou se ranger à l’avis dequelqu’un. La nuance est mince, mais lasoumission pourrait impliquer un effortde compréhension, de dialogue, en vue

d’une communion de pensée. Quel sensdoit-on accorder à cette soumission?

Notons aussi la présence de deux autresbinômes : Christ/Église, tête/corps,dont les membres peuvent s’associerautrement : Christ/tête, Église/corps.Voilà que s’élargit l’horizon d’interprétationde ce passage de morale domestique.Pour en saisir la signification, il fautembrasser du regard l’ensemble de laLettre aux Éphésiens qui se distingue parl’amplitude de sa pensée. Nous prêteronsattention à deux points : la réflexionthéologique sur le mystère du Christ(1, 15-23) et sur la vie nouvelle de ceux quiont été créés dans le Christ Jésus (2, 4-10).

dieu a fait du christ la tête de l’Église qui est son corpsC’est au début de la Lettre aux Éphésiens,après l’hymne de louange et d’actionde grâce pour la révélat ion de labienveillance de Dieu, que Paul (l’auteurselon la tradition) expose la dimensionsurnaturelle, le mystère, de la relationamoureuse qui unit le Christ et l’Église,comme l’apogée de l’histoire du salut.Lisons ce passage où l’on découvre lapierre d’assise de l’exhortation auxépoux chrétiens.

Dieu a déployé pour les croyants lapuissance de sa miséricorde inépuisabledans le Christ quand il l’a ressuscitéd’entre les morts et qu’il l’a fait asseoirà sa droite dans les cieux. Il l’a établi au-dessus de tout être céleste : Principauté,Souveraineté, Puissance et Domination,au-dessus de tout nom que l’on puissenommer, non seulement dans le mondeprésent mais aussi dans le monde àvenir. Il a tout mis sous ses pieds et, leplaçant plus haut que tout, il a fait delui la tête de l’Église qui est son corps,et l’Église, c’est l’accomplissementtotal du Christ, lui que Dieu combletotalement de sa plénitude. (1, 20-23).C’est dans l’acte d’amour du don desa vie, dans une fidélité sans faille àtémoigner de l’infinie miséricorde duPère pour les humains, que Jésus se voitattribuer le partage de la souverainetéde Dieu sur l’univers. Mais l’œuvre dusalut ne s’arrête pas là. L’Église, demanière surnaturelle, est créée commeCorps du Christ, ce qui est probablementune allusion à la création de la femmetirée du corps de l’adam (Gn 2, 23-24).Les deux ne font qu’un.

Qu’en est-il maintenant du Corps duChrist? Tous les disciples du Christnaissent à la vie divine par le bain du

LiminairekLe controversé passage de la Lettre aux Éphésiens (5, 21-33)

cause beaucoup d’irritation et suscite de vives réactionsémotives. Bien que l’auteur exhorte les maris à aimer leurfemme comme le Christ a aimé l’Église, c’est la demandefaite aux femmes d’être soumises à leur mari comme l’Égliseest soumise au Christ qui s’est fixée de manière indélébiledans la mémoire collective. Cela en raison de nombreusesexpériences malheureuses rattachées à une interprétationutilitaire de cette exhortation qui ont soutenu dans le passé(et peut-être même encore ajourd’hui) des modèles sociologiquesdéfavorables aux femmes. Essayons de comprendre cepassage en lien avec l’ensemble de la lettre.

Pistes de réf lexion p.18�

Par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres; les femmes, à leur mari,

comme au Seigneur Jésus […] Vous, les hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ… (vv. 21-22. 25)

Page 13: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

DOSSIER �

baptême et deviennent les membres deson Corps qui est l’Église. En tant quemembres de son Corps, nous participonstous au mystère du Christ, comme Paull’écrit un peu plus loin : Mais Dieu estriche en miséricorde; à cause du grandamour dont il nous a aimés, nous quiétions des morts par suite de nos fautes,il nous a donné la vie avec le Christ : c’estbien par grâce que vous êtes sauvés.Avec lui, il nous a ressuscités et il nous afait siéger aux cieux, dans le Christ Jésus.Il a voulu ainsi montrer, au long des âgesfuturs, la richesse surabondante de sagrâce, par sa bonté pour nous dans leChrist Jésus. C’est bien par la grâce quevous êtes sauvés, et par le moyen de lafoi. Cela ne vient pas de vous, c’est le donde Dieu. Cela ne vient pas des actes :personne ne peut en tirer orgueil. C’estDieu qui nous a faits, il nous a créés dansle Christ Jésus, en vue de la réalisationd’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avancepour que nous les pratiquions (2, 4-10).

I l faudrait l i re immédiatement ic il’exhortation aux maris et aux femmesqui sont appelés à vivre d’une manièreexemplaire leur union conjugale, scelléecivilement selon les règles du droitromain, dans un esprit chrétien, selonl’exemple de la relation amoureusedu Christ et de l’Église, lui que Dieua donné comme Tête à son Corps :Vous, les hommes, aimez votre femmeà l’exemple du Christ : il a aimé l’Église,il s’est livré lui-même pour elle, afin dela rendre sainte en la purifiant par lebain de l’eau baptismale, accompagnéd’une parole; il voulait se la présenterà lui-même, cette Église, resplendissante,sans tache, ni ride, ni rien de tel; il lavoulait sainte et immaculée. C’est de lamême façon que les maris doiventaimer leur femme : comme leur proprecorps. Celui qui aime sa femme s’aimesoi-même. Jamais personne n’a mépriséson propre corps : au contraire, on lenourrit, on en prend soin. C’est ce quefait le Christ pour l’Église, parce que

nous sommes les membres de son corps…Ce mystère est grand : je le dis enréférence au Christ et à l’Église. Pouren revenir à vous, chacun doit aimersa propre femme comme lui-même,et la femme doit avoir du respectpour son mari. (5, 25-30.32-33)

nous sommes tous membresdu corps du christ Puisque nous sommes tous devenusmembres du Corps du Christ, nousdevons adopter une manière de vivrequi reflète notre accueil du grandamour dont Dieu nous a aimés et notreappartenance au Christ en qui noussommes nés à la vie divine : C’est Dieuqui nous a faits, il nous a créés dans leChrist Jésus, en vue de la réalisationd’œuvres bonnes qu’il a préparéesd’avance pour que nous les pratiquions.On trouve cette manière nouvelle devivre dans l’exhortation qui précèdela section de la morale domestique.En voici quelques extraits qui énumèrentces œuvres bonnes :

Ayez beaucoup d’humilité, de douceur etde patience, supportez-vous les uns lesautres avec amour; ayez soin de garderl’unité dans l’Esprit par le lien de la paix.(4, 2-3)

Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé,selon Dieu, dans la justice et la saintetéconformes à la vérité. Débarrassez-vousdonc du mensonge, et dites la vérité,chacun à son prochain, parce que noussommes membres les uns des autres.Soyez entre vous pleins de générosité et

de tendresse. Pardonnez-vous les unsaux autres, comme Dieu vous a pardonnédans le Christ. (4, 24-25.32)

Oui, cherchez à imiter Dieu, puisquevous êtes ses enfants bien-aimés.Vivez dans l’amour, comme le Christnous a aimés et s’est livré lui-mêmepour nous, s’offrant en sacrifice à Dieu,comme un parfum d’agréable odeur.(5, 1-2)

Prenez bien garde à votre conduite : nevivez pas comme des fous, mais commedes sages. Tirez parti du temps présent,car nous traversons des jours mauvais.Ne soyez donc pas insensés, maiscomprenez bien quelle est la volontédu Seigneur. À tout moment et pourtoutes choses, au nom de notreSeigneur Jésus Christ, rendez grâce àDieu le Père.

Par respect pour le Christ, soyez soumisles uns aux autres (5, 15-17.20.21)

Il y a une certaine contradiction entrecette série d’exhortations à vivre dansla communion fraternelle et la sectionde morale domestique qui maintientles membres de la maisonnée chacundans son statut. C’est comme si saintPaul voulait résoudre la quadrature ducercle : transformer de l’intérieur lesstatuts par l’évangile de l’amour de Dieuqui unit tous les humains en les incorporantau Christ. Il n’y a plus ni homme nifemme, ni esclave ni homme libre, ni juifni grec, puisque nous sommes un dans leChrist. Voilà un mode de vie capable derésister à l’usure du temps!

1313

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

La soumission pourrait impliquer un effort de compréhension, de dialogue, en vue d’une communion de pensée.

Sculpture Connivence, coralie QuinceY �

Page 14: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

� DOSSIER1415

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

Francine Vincent

Agente de pastorale, diocèse Saint-Jean-Longueuil

Yves GuiLLeMette ptre

Prêtre du diocèse de Montréal, curé de la paroisse Saint-Léon et directeur du Centre biblique

La famille, une Église domestique

une petite histoire de l’Églisedomestique

À l’époque des Pères de l’Église,on faisait un rapprochemententre la famille chrétienne et

l’Église. Par exemple, saint Augustinemployai t l ’express ion « Ég l isedomest ique » pour désigner unefamille concrète et il demandait auxpères de famille d’être chez euxcomme des « épiscopes », c’est-à-diredes évêques chargés de superviser etde prendre soin des fidèles par uneécoute attentive. Saint Jean Chrysostomedisait de « faire de sa maison uneÉglise ». Le Concile Vatican II introduisitcette analogie pour comparer la familleà une Église domestique où il convientque les parents soient les premiersprédicateurs de la foi et soutiennent lavocation propre de chacun de ses membres.Par la suite, dans son exhortationapostolique Familiaris consortio sur lafamille, le pape Jean-Paul II relanceral’intuition du Concile et dira que l’analogiefamille/Église vaut dans les deux sens :puisque la famille est comme une Églisedomestique, l’Église gagne à se laissertirer par les familles pour grandir dans lafidélité à l’appel de Dieu.

La famille, comme une maisond’Église

Tournons-nous maintenant vers latradition biblique. Dans la Biblehébraïque, on retrouve plus de 1700fois le mot bayith qui signifie tout à lafois, la maison, la famille, le chez-soi,la chambre, la forteresse, le tombeau.Il en est de même pour le mot grecoïkos qui fait penser à la maisonnée,la famille la maison. Tous ces mots :maison/famille et par extensionÉglise/ecclesia/assemblée, sont liésles uns aux autres. Dans le langageancien, quand on associe maison etéglise on dit que l’Église est une maison.

On mentionne dans des textes anciensde la tradition apostolique que lescroyants se réunissaient dans la maisond’un des leurs pour la prière liturgique.On désignait alors ce foyer comme lamaison de l’Église, c’est-à-dire du peuplerassemblé au nom du Christ. Plus tard,après que l’empereur Constantin eûtreconnu à l’Église son droit d’exister,on se mit à construire des édifices plusspacieux pour que se rassemble unecommunauté de plus en plus nombreuse

et on a appliqué le terme église à labâtisse. Retenons que l’expression« maison de l’Église » fait référenceà une communauté, à la famille descroyants qui est une communautéd’Église.

La famille, une communautéd’amour, cellule d’Église

À la fin de chacune de ses lettres,Paul prend le temps de donner des conseilsde vie chrétienne aux communautésdestinataires. Il revient à chaquechrétienne et chrétien de vivre dansl’esprit du Christ, et à la petite Églisede se bâtir dans l’esprit de l’Évangilecomme étant le Corps du Christ.Même si ces exhortations à grandirdans la foi et à incarner la charitédans les relations humaines nevisent pas particulièrement lesfamilles, celles-ci y trouvent tout demême leur compte, car elles sont lemilieu de vie habituel de tout croyant.Parmi toutes ces exhortations, ontrouvera beaucoup d’intérêt à lire lesextraits suivants : Éphésiens 4, 1-6;Philippiens 4, 4-9; Colossiens 3, 12-17.

LiminairekLa famille est souvent définie comme la cellule de la société. On pourrait en direautant comme cellule d’Église. Mais il y a une expression beaucoup plusriche et évocatrice de la vision chrétienne de la famille, c’est celle d’Églisedomestique. Même si l’expression n’apparaît pas telle quelle dans leNouveau Testament, le présent article propose un regard, plus pastoralque savant, sur certains passages qui peuvent inspirer les familles actuelles.

Pistes de réf lexion p.18�

« Puisque la famille est comme une Église domestique, l’Église gagne à se laisser tirer par les familles pour grandir dans la fidélité à l’appel de Dieu »

Jean-Paul ii

Page 15: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

DOSSIER �

Paul écrit notamment en Col 3, 16-17:Que la parole du Christ habite parmivous avec toute sa richesse. Donnez-vous des enseignements et des conseilsavec toute la sagesse possible. RemerciezDieu de tout votre cœur, en chantantdes psaumes, des hymnes et descantiques qui viennent de l’Esprit Saint.Tout ce que vous pouvez dire ou faire,faites-le au nom du Seigneur Jésus,en remerciant par lui Dieu le Père.Les dimensions de l’écoute de la Parole,de l’étude et de la prière sont explicites,mais il y a également la dimension del’offrande spirituelle, offrir tout ce quel’on est et tout ce que l’on vit. L’exhortations’adresse à tous, mais s’appliquede façon pertinente à la vie familiale.

Paul décrit dans ces exhortations uncertain portrait de la vie en Église fondésur les grands axes de la vie chrétienne :la prière, l’écoute de la Parole, l’instructionréciproque pour comprendre cetteParole, et la charité fraternelle. Il rejointla description que Luc fait de lacommunauté chrétienne de Jérusalemen Actes 2, 42 : Ils se montraient assidusà l’enseignement des apôtres, fidèlesà la communion fraternelle, à la

la communion fraternelle, où l’on sedonne des moments de prière commune.Quant à la fraction du pain, elle est vécueavec toute la communauté ecclésiale.La famille apparaît comme la petitecommunauté de vie où l’on apprendà vivre en Église, de même qu’elleapporte à l’Église un témoignage defraternité. C’est au sein de la petiteéglise familiale que l’on commence àbâtir le Corps du Christ.

La famille naît du don réciproque desépoux et devient assez rapidement unmilieu de vie où chacun et chacune esten mesure de comprendre et de réaliserce que signifie le commandementnouveau laissé en héritage par Jésus àses disciples : Mon commandement levoici : Aimez-vous les uns les autrescomme je vous ai aimés. Il n’y a pas deplus grand amour que de donner sa viepour ses amis (Jn 15, 12-13). Et lapromesse de Jésus d’être présentauprès de ses disciples s’adressetout particulièrement à cette petitecommunauté ecclésiale qu’est lafamille : Quand deux ou trois sontréunis en mon nom, je suis là au milieud’eux (Mt 18, 20).

1515

La famille apparaît comme la petite communauté de vie

où l’on apprend à vivre en Église, de même qu’elle apporte à l’Église

un témoignage de fraternité.

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

fraction du pain et aux prières. Ce quel’on dit de la première communautéchrétienne peut se dire également del’Église domestique que constitue lafamille.

Vivez en accord avec l’appel que vousavez reçu de lui (le Christ). Soyez simples,doux et patients, supportez-vous lesuns les autres avec amour. Chercheztoujours à rester unis par l’Esprit Saint,c’est lui qui vous unit en faisant la paixentre vous. Il y a un seul corps et unseul Esprit saint. Il y a un seul Seigneur,une seule foi, un seul baptême. Il y aun seul Dieu et Père de tous, il estau-dessus de tous, il agit par tous, ilhabite en tous. (Éphésiens 4, 1-6)

En considérant la famille comme unepetite église domestique, on découvrequ’elle est un lieu d’apprentissage dela vie dans la foi, où l’on accorde uneplace privilégiée à l’écoute et aupartage de la Parole, où l’on vit dans

Page 16: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

Philippe VAiLLAncourt

Journaliste

B enoît est architecte, Sandrapharmacienne. Le couple s’estrencontré en 1991. Il avait 24 ans,

elle n’avait que 20 ans. « Je la trouvaisjeune ! », lance-t-il pour taquiner sonépouse. Ils se sont mariés cinq ansplus tard. « Nous avons quand mêmehabité ensemble avant le mariage.Nous avons vécu dans le péché »,poursuit-il sur un ton ironique.

Pour eux, plus qu’un choix, le mariageétait une évidence. Provenant de famillestrès pratiquantes, ils ont toujours fréquentéleur communauté chrétienne. Ils sedéfinissent eux-mêmes comme unefamille « classique ». Adolescent, Benoîts’est impliqué au sein du mouvement LaRelève. C’est d’ailleurs un prêtre lié àce mouvement qui les a accompagnésdans la préparation au mariage. « Çaallait de soi qu’on allait à l’église etqu’on le disait devant tout le monde.Ça été naturel pour tous les deux. »

continuitéC’était en continuité avec leur parcoursde foi. Pour Sandra, chez ses parents,l ’assiduité à la messe était « nonnégociable ». Encore aujourd’hui, elleassocie ses plus beaux souvenirs deformation chrétienne aux chants religieuxqu’elle entonnait dans la chorale àl’école.

« Ça a été probablement le momentle plus fort de ma foi », se remémoreSandra, qui l’attribue à sa candeurd’enfant. « J’aime beaucoup chanter,c’est encore comme ça aujourd’hui : lechant à l’église, c’est ce qui m’émeutle plus. »

Mais les certitudes de l’enfance ont été bousculées. « À 15 ans, pour la premièrefois, je me posais des questions sur ma religion. Les cours sur les autres religions,au lieu de me confirmer dans ma foi, ont été une révélation très dérangeante pourmoi. C’est moins pire aujourd’hui, mais ça demeure un questionnement : commenten est-on venus à être si convaincus de notre foi. Ce n’est jamais revenu commedans mon enfance. Je suis restée… »

Justin, 12 ans, complète la phrase de sa mère. : « avec le pourquoi ».

Le garçon qui vient tout juste de faire sa confirmation suit attentivement la discussion.Comme son père qui a longtemps été servant de messe, il assure bénévolement leservice à l’autel et les lectures à la paroisse. Il arrive à l’âge où lui aussi entre encontact avec les autres traditions spirituelles et religieuses. Et avec l’incroyance.

« Même si des fois je ne comprends pas trop ce qui est écrit, je n’ai jamais vraimentdouté que je croyais en ça », précise-t-il. Il dit ne pas vraiment parler de son engagementen Église avec ses amis. Ce qui ne l’empêche pas de chercher des réponses à sesnombreuses questions seul ou avec l’aide de ses parents.

LiminairekLa famille Beaulieu-Sévigny nous ouvre son salon le tempsd’une soirée estivale humide. Installés depuis plusieursannées dans leur résidence de Québec, Sandra Beaulieuet Benoît Sévigny vivent non loin d’où ils ont grandi. « C’estmon coin, ma paroisse », résume Sandra, dont les parentshabitent à cinq minutes. Dans cette entrevue, ils nous fontvisiter leur vie familiale.

Tribulations spirituelles de la famille d’à côté

1617

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

Pistes de réf lexion p.18�

Benoît Sévigny et Sandra Beaulieu • leurs enfants, Justin et Laura

� ENTREVUE

Page 17: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

Priorité à la familleLes Beaulieu-Sévigny se définissenteux-mêmes comme une famille tisséeserrée. La recette du succès? Passer dutemps ensemble.

« La priorité va toujours à la famille, çac’est clair, insiste Sandra. J’ai la chanced’avoir un mari ultra présent… et ultrapère poule ! Il s’est toujours occupé desenfants autant que moi. Il y a juste euune année plus difficile en raison de sontravail. Les enfants avaient 5 et 2 ans. »

« Ce qui m’avait tué, détaille Benoît, c’estque je partais le matin sans les voir et jerentrais quand ils étaient couchés.Habituellement, les enfants entraientdans notre chambre le matin et venaientme voir, car j’étais plus souvent réveillé.Mais un samedi matin, Laura entre,se dirige du côté de Sandra, et dit :« Maman, c’est qui le monsieur couchéà côté de toi? ». »

Les éclats de rire dans le salon neparviennent pas à cacher les yeuxembués et la voix cassée de Benoît.

« Des fois tu te dis : me semble que çane marche pas ce que je fais… Et là, ilarrive ça. Ça ne marchait pas. Le lundi,je démissionnais. »

horaire de fouSi la famille consacre du temps à sa vie defoi, elle reconnaît que celle-ci s’articulesurtout autour des messes dominicales.Le reste de la semaine passe si vite.

« Les horaires sont fous et on veut lemeilleur pour nos enfants : sport,musique, amis, activités, famille… touten développant nos carrières à traverstout ça », énumèrent-ils.

« C’est facile d’être tellement pris par ça,de finalement s’oublier et de se sépareren bout de ligne. Les gens ne vivent pasensemble pour se séparer, mais plusieursse font prendre dans un tourbillon,aboutissent sur des planètes différenteset se séparent. C’est un grand défi denotre époque », analyse Benoît.

En parlant d’horaire chargé, voilà queLaura rentre de son match de soccer et sejoint à nous au salon. À l’instar de sonfrère, la fille de 15 ans s’impliquebénévolement à la paroisse. Elle est laseule pratiquante de son groupe d’amies.Sandra intègre sa fille à la discussion enlui demandant comment elle réagiraitsi son éventuel copain n’avait pas la foi.

- Je le respecterais, mais ne mettraispas de côté la mienne. »

- Et vos enfants alors, seraient-ilsbaptisés? »

Longue hésitation.

Sandra reprend : « Je trouverais çadifficile comme grand-parent que ce nesoit pas transmis. » Loin de vouloirmettre de la pression sur leur fille,Sandra et Benoît reconnaissent quele monde a changé : ils s’estimentheureux d’avoir pu trouver un conjointqui a la foi. Ils partagent d’ailleursl’avis de Laura, qui croit que l’Églisedoit pouvoir s’adapter à cette nouvelleréalité.

« C’est pas statique l’Église, lance Benoît.C’est vivant, c’est du monde ! »

« Actuellement, il y a une crise,renchérit Sandra. Elle doit provoquerun changement. »

« L’Église, c’est pas un bâtiment : c’estun groupe de personnes, ajoute Justin.Si le groupe change, l’Église doit changeraussi. Pourquoi l’Église ne changerait-elle pas avec le reste du monde? »

Le synode : et après?Ils suivront les débats entourant leprochain synode sur la famille à Rome,même s’ils ne s’attendent pas à unimpact majeur sur leur propre vie. « Çane changera ni ma pratique ni mafaçon de parler à mon Dieu, confieSandra. Je ne me sens pas prise parces débats. Ce n’est pas nécessairementça qui m’intéresse dans ma religion. »

L’amour et l’exemple christique d’accueil des

« plus poqués de la société »restent l’essentiel à leurs yeux.

« Si pour une raison on se séparait, je medonnerais le droit d’aller communier »,admet Benoît. « On ne vit pas en fonctiondu Vatican, continue Sandra. Ce n’est pasparce qu’on pratique qu’on prend lepackage au complet. Je m’excuse, maisj’en ai pris des contraceptifs. Je n’avaispas envie d’avoir dix enfants. J’ai eu deuxgrossesses très difficiles et je ne me suisjamais mise de pression en me disant que‘j’empêchais la vie’. Jamais. »

S’ils vivent globalement bien avec lediscours magistériel sur la famille, ilsn’acquiescent pas à tout. Des hésitationsqui ne remettent en question ni leurpratique, ni leur implication bénévoleà la paroisse. Et encore moins leur foi.

La recette du succès?Passer du temps ensemble.

« L’Église, c’est pas un bâtiment : c’est un groupe de personnes... Si le groupe change, l’Église doit changer aussi. » Justin

ENTREVUE �1717

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

Page 18: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

� POUR ALLER + LOIN

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

Pistes de réflexionFrancine Vincent et Geneviève Boucher

Ces pistes se rattachent au texte de chaque auteur de ce numéro.Pour vous replonger dans le texte des auteurs,

cliquez sur le numéro correspondant.

1818

Familles bibliques et familles d’aujourd’hui Sébastien doAne

Dans son article, Sébastien Doane fait un « voir » sur des réalitésfamiliales dans la Bible. On est loin d’un idéal tant désiré.Pourtant, certaines de ces réalités ressemblent au vécu desfamilles d’aujourd’hui.• Qu’est-ce que ce texte change ou confirme de ma perception

des familles dans la Bible?• Quelles questions en découlent?• Qu’est-ce que ce nouveau « voir » me dit de Dieu?

Honore ton père et ta mèreFrancine Vincent

L’auteure souligne qu’« Honorer son père et sa mère, c’estd’abord reconnaître ce qui a été bon, même très bon etmauvais, voire très mauvais, dans l’éducation reçue enhéritage de nos parents. »

• Qu’est-ce que j’ai reçu de bon et de moins bon de chacun de mes parents?

• Comment puis-je faire fructifier le bon que j’ai reçu d’eux?

Ce cinquième commandement invite également à avoir de lareconnaissance pour les personnes qui m’ont aidé à grandir.

• Qui sont ces personnes?• Quelle a été leur contribution dans ma vie?

La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des tâches Francis dAouSt

Francis Daoust relève trois éléments pertinents pour lesfamilles d’aujourd’hui dans les Écrits de la Sagesse :

1 • La famille en tant que lieu privilégié d’affection et d’éducation;2 • La discipline fondée sur la pédagogie de Dieu dans la

formation des enfants;3 • Le rôle essentiel joué par la mère dans l’éducation des

enfants ainsi que le partage égal et constructif des responsabilités entre les deux parents.

Comment chacun de ces éléments se vérifie ou non dans ma vie?Comment m’ont-ils aidé ou non à me construire?

Soyez soumis les uns aux autresYves GuiLLeMette

Avec un brin d’anachronisme, on serait tenté de traiter Paul demisogyne à partir du texte : « Femmes, soyez soumises à vosmaris ». Dans son article, Yves Guillemette analyse les chosesautrement : lorsque Paul affirme que le mari se doit d’imiter leChrist dans ses rapports avec son épouse, il dit d’abord et avanttout qu’il est invité à l’aimer sans esprit de possession, avec lerespect dû à un être libre. À la suite de Paul, Yves nous invite à« adopter une manière de vivre qui reflète notre accueil du grandamour dont Dieu nous a aimés et notre appartenance au Christ ».

• À quoi cela m’interpelle-t-il dans ma relation avec mon/ma conjoint/e? avec mes enfants? avec mes parents? avec mesfrères et sœurs? avec les membres de ma communautéchrétienne? avec mes frères et sœurs en humanité?

La famille, une Église domestique Yves GuiLLeMette et Francine Vincent

Les auteurs affirment que « La famille, comme une petite églisedomestique, est un lieu d’apprentissage de la vie dans la foi, oùl’on accorde une place privilégiée à l’écoute et au partage de laParole, où l’on vit dans la communion fraternelle, où l’on sedonne des moments de prière commune. Quant à la fractiondu pain, elle est vécue avec toute la communauté ecclésiale. »

Parmi ces différents aspects de l’Église domestique,• lesquels concordent avec mon vécu familial?

Comment sont-ils vécus?• lesquels constituent un défi?

Qu’est-ce qui serait aidant pour relever ces défis?

Tribulations spirituelles de la familled’à côté entrevue de Philippe VAiLLAncourt & la famille BeAuLieu-SÉViGnY

Philippe Vaillancourt rapporte que « les Beaulieu-Sévigny sedéfinissent eux-mêmes comme une famille tissée serrée. »Pour eux, la recette du succès est de passer du temps ensemble.

• Pour moi, quelles sont les conditions aidantes pour construireune famille unie?

Aux yeux de la famille Beaulieu-Sévigny, l’amour et l’exemplechristique d’accueil des plus poqués de la société restentl’essentiel du message de l’Église. • En ce qui me concerne, qu’est-ce qui est essentiel dans ceque l’Église propose?

04 Yves GuiLLeMette • pages 12-13

05 Y.GuiLLeMette et F.Vincent • pages 14-15

06 P. VAiLLAncourt & BeAuLieu-SÉViGnY • pages 16-17

05

01 04

01 Sébastien doAne. • pages 4-5

02 Francine Vincent • pages 6-8

03 Francis dAouSt • pages 9-11

06

02

03

Page 19: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

pour plus d’informationsCommuniquez avec Mme Françoise Brien :

Mandatée par la Conférence des Évêques Catholiques du Canada,SOCABI a participé à l’Assemblée plénière de la FédérationBiblique Catholique, qui a réuni des participants provenantdes cinq continents, à Nemi près de Rome en juin dernier,sous le thème des « Écritures sacrées comme sourced’évangélisation ». Christiane Cloutier-Dupuis, déléguéeà la FBC, a été témoin d’un congrès dynamique et vivant,où furent présentées les principaux enjeux touchantl’interprétation et la transmission du texte biblique à traversle monde. Les participants ont pu bénéficier d’une audienceprivée avec le pape François qui a tenu à souligner l’importancecentrale que doit jouer la Parole dans l’ensemble des activitéspastorales de l’Église.

PARABOLE REVUE BIBLIQUE POPULAIRE • OCTOBR E 2015 _ VOL XXXI NO3

� LE SOCABIENactualité 1919

EMBAUCHE D’UN NOUVEAU DIRECTEUR GÉNÉRAL

REMERCIEMENTS À ÉLISABETH DI LALLA-BESNER

SOCABI tient à exprimer sa reconnaissance à Élisabeth DiLalla-Besner pour le travail qu’elle a effectué avecgénérosité durant l’année 2014-2015 en tant qu’agente dedéveloppement. Sa contribution au comité de rédactionde la revue Parabole a également été très appréciée. SOCABIlui souhaite le plus grand des succès dans la poursuitede ses projets professionnels et académiques.

PARCOURS EN LIGNE « OUVRIR LES ÉCRITURES »

SOCABI est heureuse d'annoncer quele nouveau parcours de formation àdistance sur la Bible, « Ouvrir les Écritures

– Le Nouveau Testament », produit encollaboration avec l’Office de catéchèse

du Québec et InterBible, est maintenantdisponible en ligne. Ce parcours est une réponse auxnombreuses demandes de formation au sujet de la Biblereçues par les trois organismes partenaires.

Le but de ce parcours est d’offrir aux participants les basesnécessaires pour lire et comprendre la Bible par eux-mêmes.Chaque leçon est présentée de façon simple et dynamiquesur une même page Web. On y trouve des vidéos d’introduction,les textes des leçons proprement dits, des capsules audio depassages bibliques, des liens pour aller plus loin, un documentPowerPoint récapitulatif de chacune des leçons et, enfin, desactivités d’évaluation du parcours effectué. On peut s’inscriredès maintenant, recevoir une leçon par mois et une attestationd’étude en bout de parcours.

Le parcours est offert gratuitement afin de favoriser l’accèsde tous, de partout à travers le monde, aux trésors de la Bible.

Pour débuter le parcours :www.interbible.org/ouvrir/nouveau.html

SOCABI est heureuse d’annoncer l’embauche de MonsieurFrancis Daoust au poste de directeur général de la société.M. Daoust aura comme mandat de coordonner les différentesréalisations de SOCABI, de développer de nouvelles activités etd’élargir son réseau en favorisant des partenariats dynamiqueset variés. Formé en études bibliques (baccalauréat – UniversitéLaval; maîtrise – Université Laval; scolarité de doctorat – Université deMontréal), il a occupé des charges de cours à l’Université Concordia(Montréal) et à l’Université St-Paul (Ottawa) et a publié plusieursarticles scientifiques et grand public. Sa passion pour les étudesbibliques, sa facilité à communiquer et son expérience degestion aideront SOCABI à poursuivre et à développer sa mission.

[email protected](514) 925-4300 poste 297

SOCABI PRÉSENTE À L’ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA FÉDÉRATIONBIBLIQUE CATHOLIQUE!

Pour faire un don en ligne (Paypal, Visa ou MasterCard)ou par la poste à : SOCABI2000, rue Sherbrooke Ouest,Montréal, (Qc) Canada, H3H 1G4

ENSEMBLE NOUS POUVONS ATTEINDRE NOTRE

O B J E C T I F : 50 000$

SOCABI CAMPAGNE DE FINANCEMENT 2015-2016

Nous vous remercions pour votre générosité

SOCABI inaugure présentement sa campagne de financement 2015-2016. Les dons recueillis permettent à SOCABIde poursuivre sa mission de formation, d’étude et d’interprétation de la Bible en regard des enjeux culturels etsociaux d’aujourd’hui. Ils aident également à l’élaboration, à la production et à la diffusion de la revue Parabole.

http://www.interbible.org/socabi/financement.html•

Page 20: la famille un projet à construire - SOCABISébastien DOANE 06 Honore ton père et ta mère Francine VINCENT 09 La famille selon les Sages : entre affection, formation et partage des

Société catholique de la Bible2000 rue Sherbrooke Ouest, Montréal(Québec) H3H 1G4

Des liens familiaux transformés par l’expérience de la foi et de l’amour de Dieu

« La diffusion des sentiments familiaux dans les relations humaines est une bénédiction pour les peuples :

elle fait revenir l’espérance sur la terre. »

Pape François, Audience générale du 2 septembre 2015

L a plus grande qualité de la famille réside dans les liens d’affection, qui ne s’achètent nine se vendent. et c’est justement en famille que nous apprenons à grandir dans cetteambiance de sagesse propre aux liens d’affection. c’est en famille qu’on apprend leur

« mode d’emploi ». où d’autre pourrait-on l’apprendre ? et c’est justement par ce langage quedieu se fait comprendre de tous.

Vivre les liens familiaux dans l’obéissance de la foi et de l’alliance avec le Seigneur ne les affecteen aucun cas ; au contraire, cela les protège, les libère de l’égoïsme, les préserve de l’affaiblissement,les ramène à une vie qui ne meurt pas. La diffusion des sentiments familiaux dans les relationshumaines est une bénédiction pour les peuples : elle fait revenir l’espérance sur la terre.

Quand les liens familiaux se laissent convertir par l’Évangile, ils deviennent capables dechoses impensables, qui nous font toucher du doigt les œuvres de dieu, ces œuvres qu’ilaccomplit dans l’histoire, tout comme celles que Jésus a accomplies pour les hommes, lesfemmes, les enfants qu’il a rencontrés.

un seul sourire miraculeusement arraché au désespoir d’un enfant abandonné et qui recommence àvivre, nous fait comprendre que dieu agit dans le monde, bien plus que mille thèses théologiques.

un seul homme ou une seule femme, capables de risquer leur vie et de se sacrifier pourl’enfant d’un autre, et pas seulement pour le leur, nous expliquent l’amour, ce que beaucoupde scientifiques ne comprennent plus.

et là où les liens familiaux sont présents, naissent des gestes du cœur qui sont plus éloquentsque les mots. Les gestes d’amour… cela fait réfléchir.

Phot

o : A

less

andr

a Be

nede

tti /

cor

bis