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Nina Childress Jazy, Hedy & Sissi Exposition du 22.11.2014 au 25.01.2015 LA FEUILLE DE BOUCHER

LA FEUILLE DE BOUCHER...couleurs et les figures, l’artiste immerge le visiteur dans un univers où s’entre-mêlent différentes références culturelles. Se croisent ainsi le sportif

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Nina ChildressJazy, Hedy & Sissi

Exposition du 22.11.2014 au 25.01.2015

LA FEUILLE DE BOUCHER

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Sérendipité

La sérendipité consiste à faire une découverte inattendue ou accidentelle, résultant d’une attitude d’esprit qui combine ouverture à l’expérience, curiosité et sagacité. Ainsi, partant d’un point de départ précis ou d’un prétexte – qu’il soit littéraire, musical ou patrimonial – les expositions du Centre d’art contemporain La Halle des bouchers se répondent les unes aux autres tout en ouvrant de nouvelles perspectives et champs de recherche.

La feuille de boucher Nina Childress - Jazy, Hedy & Sissi2

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La feuille de boucher Nina Childress - Jazy, Hedy & Sissi3

Suivant un principe de sérendipité, le Centre d’art contemporain La Halle des bouchers poursuit une programmation qui, après avoir questionné les relations entre le son et l’image et la façon dont ces deux champs se répondent et se nourrissent l’un et l’autre, présente au public les différents champs possibles de la création contemporaine, cette fois-ci avec la peinture.

Pour la première exposition monographique qu’il organise, le Centre d’art contemporain La Halle des bouchers invite Nina Childress (née en 1961, vit et travaille à Paris) à proposer un ensemble de peintures mises en scène dans l’espace de la Halle des bouchers. Jouant avec les formats et les supports, les couleurs et les figures, l’artiste immerge le visiteur dans un univers où s’entre-mêlent différentes références culturelles. Se croisent ainsi le sportif Michel Jazy, l’actrice hollywoodienne Hedy Lamarr et l’impératrice d’Autriche Sissi. Entre jeux chromatiques, iconographie issue de la culture populaire et rapport à la repré-sentation théâtrale, Nina Childress poursuit son exploration picturale teintée d’ironie.

Depuis 1980, Nina Childress – pour qui « peindre est une chose qui va de soi » – fait partie intégrante du paysage artistique français : elle participe et traverse une histoire de la peinture contemporaine, expérimentant à la fois le médium même et les sujets qu’elle peint. Très souvent empreinte de dérision, sa pratique décalée met en jeu toutes les représentations, oscillant constamment entre l’abstraction et la figuration, le réalisme et l’onirisme, la subjectivité de l’autoportrait et l’objectivité supposée du documentaire.

Parallèlement à son activité de peintre, Nina Childress évolue au début des années 1980 au sein du milieu punk, en officiant notamment comme chanteuse pour Lucrate Milk – groupe alternatif post-punk dont l’image et les prestations scéniques sont devenues cultes. Irrévérencieux, provocateur à l’encontre de la bourgeoisie ambiante et critique face aux Golden Eighties naissantes, Lucrate Milk est emblématique d’une esthétique de la réappropriation et du collage, tant musical que visuel. Il n’est donc pas anodin que la peinture de Nina Childress soit influen-cée – encore aujourd’hui – par cet état d’esprit hors-normes. Un état d’esprit qui l’amène à participer à l’aventure des Frères Ripoulin, qui pratique une peinture décalée, street, et flashy, et qui la conduit à expérimenter toutes les formes de représentation picturale.

Durant la décennie 1980, la production de l’artiste est marquée par une peinture parfois aux limites de la caricature, mais Nina Childress commence nénamoins à esquisser une réflexion sur le basculement d’une représentation figurative ou hyperréaliste vers une forme d’abstraction.

Ainsi, à partir de 1990, elle déploie un certain nombre de motifs qu’elle puise dans la culture et l’imagerie populaires ou médiatiques surtout des sixties et seventies : cartes postales de vacances au ski ou au bord de la mer, images issues de films, mythes revisités (Leda et le Cygne), etc. Elle prend également comme sujet des objets issus de la vie quotidienne tels des boîtes tupperware, des jouets pour enfant ou des bonbons qu’elle isole et agrandit sur la toile en les peignant de la façon la plus réaliste possible, révélant par-là même la qualité intrinsèquement abstraite de ces objets. Chaque toile est une nouvelle variation

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dans l’ensemble, là un détail de vêtement devient un papier peint, ici le cadrage change et donne naissance à une toile d’un nouveau format, là une pose est reprise, créant des environnements saturés et exubérants.

Parfois, l’artiste n’hésite pas à se mettre elle-même en scène dans ses toiles, usurpant le temps d’un tableau l’identité de figures féminines fortes comme Simone de Beauvoir ou l’impératrice Elisabeth d’Autriche – personnalités autour desquelles elle a constitué de grands ensembles thématiques, comme autant de pièces d’un puzzle extensible à souhait (Sissi vs. Romy Schneider, le palais de Schönbrunn vs. le lac Léman par exemple). À Vienne, elle joue avec l’espace voûté du Centre d’art contemporain La Halle des bouchers, recréant comme une scène théâtrale dont le visiteur devient le potentiel acteur, au sein d’un décor à mi-chemin entre une crypte sombre et un espace irradiant de vert fluorescent. Par association d’idées, une narration peut ainsi être générée au fil de l’exposition. Les grands rideaux en papier vert fluorescent découpé fonctionnent comme autant d’éléments scéniques propices à une mise en scène dont les toiles seraient la trace des performances passées, oscillant constamment entre visible et invisible, apparition et disparition, blanc et vert fluo éclatant. Nina Childress aime mettre en avant les artifices de la représentation – on retrouve tout au long de son œuvre un intérêt pour les postiches, perruques, costumes utilisés tant pour l’opéra et le théâtre qu’au cinéma. En choisissant délibérément de n’accrocher aucune toile au mur, l’artiste joue et déjoue nos attentes sur ce qu’est l’illusion de la représentation. Les tableaux sortent des murs, sont posés à même le sol ou reposent sur des tiges verticales. À l’instar de l’effet de distanciation brechtienne, un tel accrochage lui permet de mettre à nu les rouages mêmes de l’illusion picturale : le châssis est apparent, les coulures sur les bords de la toile sont visibles… Fonctionnant comme deux plateaux de théâtre distincts, l’espace de la Halle des bouchers accueille des personnages devenus fantomatiques que Nina Childress affectionne particulièrement – comme Sissi et Hedy Lamarr entre autres. En témoigne une boîte de souffleur qui diffuse un halo de lumière sur une toile blanche, telle une métaphore du cadre du tableau ou de l’écran de projection – une toile à habiter, sur laquelle se projeter.

Une série de grandes barres en bois peint dégradé – que Nina Childress appelle des « gondeurs » – vient scander l’espace de leur verticalité colorée : ils peuvent tout autant évoquer le brigadier, ce bâton de théâtre qui sert à frapper de trois coups la scène avant une représentation et le lever de rideau, qu’un simple marqueur spatial, héritier fluorescent des barres de bois rond d’André Cadere.

Les toiles flottent dans l’espace, ce qui redouble leur effet vibratoire et génère un accrochage de peintures suprenant et étrange, à l’instar de l’un des derniers tableaux de Nina Childress à juste titre intitulé Exhibition. Pour cette œuvre, l’artiste a reproduit la vue d’une exposition textile de macramé sculptural des années 1950 ou les moumoutes semblent comme vomir des murs, sortir des tableaux, se répandant au sol et générant par-là même un espace dans lequel le regardeur peut se projeter pour y déambuler mentalement.

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Les Frères Ripoulin

Actif de 1984 à 1988, le collectif d’artistes Les Frères Ripoulin tire son nom à la fois du mot en verlan « ripou » [pourri] et de la marque de peinture Ripolin fondée en 1888, dont l’identité affiche plusieurs peintres simultanément à la tâche, un pinceau à la main. Composé entre autres d’élèves et d’anciens élèves de l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris, ce collectif intervient beaucoup dans l’espace public, remettant en cause les préceptes de la peinture traditionnelle telle qu’elle est enseignée à l’académie. Rétifs aux cadres, volontairement désorganisés, les membres du groupe (Jean Faucheur, Nina Childress, Trois Carrés, Piro Kao [Pierre Huyghe], Closky, bla+ba+bla, OX, …) adoptent une posture distante et critique vis-à-vis du monde de l’art.

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Distanciation

Conçu par le dramaturge et auteur allemand Bertolt Brecht (1898-1956), le principe théâtral de distanciation propose au spec-tateur de prendre un certain recul par rapport à ce qui est montré sur scène. Allant à l’encontre des normes du théâtre classique, différents procédés tels que l’adresse directe de l’acteur aux spectateurs, l’abolition de la hiérarchie entre la scène et les gradins, l’inclusion de problèmes sociaux actuels, etc. permettent de faire prendre conscience au spectateur que ce qu’il regarde sur scène n’est pas réaliste mais qu’il s’agit bel et bien d’une repré-sentation, d’une construction illusoire du réel.

Exhibition 2014

Huile sur toile, 60 x 81 cmCourtesy de l’artiste et Galerie Bernard Jordan, Paris

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Triangle/femme 2012

Huile sur toile, 41 x 33 cmCourtesy de l’artiste et Galerie Bernard Jordan, Paris

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Composée de trois modules associés à trois toiles, l’installation Le Triangle des Carpathes, activée le temps du vernissage, questionne la notion de tableau vivant, rendant littéralement vie au tableau. Réactivés ou absents, vivants ou fantômes, ces trois acteurs/performeurs, une femme et deux hommes qui sont à rapprocher du trio amoureux du roman de Jules Verne, Le château des Carpathes, renvoient à la question de la représentation du réel et de l’utilisation de l’image comme ressort dramatique.

Le corps, la chorégraphie et la perfor-mance apparaissent en filigrane dans l’œuvre de Nina Childress. Dans cette installation, le traitement abstrait qu’elle applique aux costumes transforme les protagonistes en personnages cubistes, et peut renvoyer à certains costumes de scène conçus dans les années 1920 par Sonia Delaunay ou Oskar Schlemmer. Les toiles de petit format présentées à côté sur des pré-sentoirs renforcent les jeux d’échelle avec lesquels Nina Childress aime pratiquer – on passe de l’objet en 3D à sa représentation, de son potentiel activable à sa forme figée. Le tout est réparti entre des rideaux de papier vert fluorescent qui viennent teinter l’espace de leur couleur.

En complément de cette installation, deux petites toiles sortant des murs nous montrent des danseurs dans des poses qui semblent extravagantes et mystérieuses, comme les traces d’une représentation passée.

Le Triangle des Carpathes 2013

Module en bois peint, 140 x 100 cmCourtesy de l’artiste et Galerie Bernard Jordan, Paris

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Le Triangle des Carpathes 2013

Vue de l’exposition, Iconoscope, Montpellier

Le Château des Carpathes

Le Château des Carpathes est un roman de Jules Verne publié en 1892. L’action se passe en partie en Transylvanie dans les Carpates. Comme toujours chez Jules Verne, la science et la technologie jouent un rôle non négligeable.

Le narrateur raconte l’histoire d’une can-tatrice italienne, la Stilla. Fiancée au jeune comte Franz de Télek, elle est également follement aimée par le baron Rodolphe de Gortz. Le jour où elle doit se marier, elle meurt sur scène, laissant les deux rivaux concevoir l’un pour l’autre une haine réci-proque. S’attachant les services d’Orfanik, inventeur maudit et excentrique, Rodolphe de Gortz met au point un subterfuge technique visant à éliminer Franz de Télek et qui semble ressusciter la Stilla. Jules Verne donne une description précise de ce dispo-sitif : le son est enregistré avec des appareils phonographiques de l’époque, et une image fixe en couleur est projetée sur un miroir. Le sujet est la cantatrice qui chante, donc supposée immobile, et la perfection du chant et du portrait donne l’illusion qu’il est animé. Le système utilisé par Rodolphe de Gortz est aujourd’hui décrit comme étant une sorte de préfiguration de la télévision, du cinéma en relief, voire d’hologrammes.

Le tableau vivant

Arrangement de personnes vivantes reproduisant une composition artistique – que ce soit une peinture, une sculpture, une estampe ou une scène littéraire – la pratique du « tableau vivant » a connu son apogée dans les salons privés du début du XIXe siècle avant de déchoir en simple divertissement populaire. Cet objet singu-lier de l’histoire de l’art convoque différents champs : le théâtre, la danse, la vidéo, la performance ou l’installation. Pratique variée et sans cesse réactivée, des an-ciennes entrées royales au cinéma et à l’art contemporain, elle interroge la relation entre mimesis et représentation, la capa-cité de l’art à véhiculer des affects et des idéaux, les statuts d’auteur, d’acteur et de spectateur et propose une réflexion sur les effets de réel et de présence ou en-core sur les relations entre image et per-formativité.

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Notre besoin de culotte est impossible à rassasier

Tôt ou tard dans la vie se fait sentir le manque d’une culotte qui puisse être là juste pour nous consoler. Le potentiel réconfortant de la culotte n’est pas à sous-estimer. Surtout si l’on a été une petite fille dans les années 70 et qu’on a du coup probablement eu une mère qui fut à la queue leu leu : une jeune fille rangée dans les années 50, une trentenaire concernée dans les années 60, une quadragénaire émancipée dans les années 70, une quinquagénaire déterminée dans les années 80, une sexagénaire décomplexée dans les années 90, une septuagénaire régénérée dans les années 00 et une octogénaire à peine froissée dans les années 10.

Les mères à la queue leu leu ont dispensé à leurs filles une éducation pleine de paradoxes que ces der-nières ont eu de la peine à empoigner sans une solide paire de gants et un bon échauffement, grand écart idéolo-gique oblige. On ne glisse pas comme ça du refus vindicatif du soutien-gorge au port ludique du porte-jarretelles. Il faut arriver à négocier le virage en pratiquant le double débrayage de la pensée, ce qui n’est pas une mince affaire. D’autant plus si la monitrice d’auto-école somnole sur le siège passager et vous laisse vous débrouiller toute seule avec les pédales parce qu’elle a bu un coup de trop à midi (elle aussi elle a le droit d’être une quadra émancipée, même si elle s’est trompée de décennie).

C’est dans ces moments-là qu’il faut songer aux qualités salvatrices intrin-sèques de la culotte.

Autoportrait au slip I2012

Huile sur toile, 61 x 46 cmCourtesy de l’artiste et Galerie Bernard Jordan, Paris

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Autoportrait au slip II2012

Huile sur toile, 61 x 46 cmCourtesy de l’artiste et Galerie Bernard Jordan, Paris

Une simple culotte qui sèche au coin du feu est une vision propre à raffermir le moral de tout un département d’assistantes de gestion bancaire déprimées à l’annonce d’une nouvelle compression des effectifs. Elle leur rappelle qu’il existe des valeurs qui ne dépendent pas de l’indice d’inflation de la zone euro et que la fréquence de leurs brushings n’a qu’une incidence mineure sur leur taux de salaire brut. À quoi bon se ruiner en coiffeur ?

On traque la culotte comme le chasseur traque le gibier. Souvent on n’atteint que du vide mais quelquefois, de temps en temps, une culotte tombe à nos pieds. Plus rarement il y a aussi des culottes qui viennent à nous sans y être conviées. Sachant que le répit ne dure que le temps d’un souffle de vent, on se dépêche alors de les prendre dans les bras.

Qu’importe l’élasthanne fatigué et le liseré avachi, il nous faut des montagnes de culottes venues du fond des âges pour contenir notre mélancolie et nous arracher au désespoir.

Nous avons soif de culottes qui illu-minent la vie.

Fabienne Radi

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Tel un second plateau, le fond de l’espace de La Halle des bouchers présente un ensemble de trois grandes toiles, un trio faisant la part belle aux personnages qui ont donné le titre à cette exposition : Jazy, Hedy & Sissi.

Universellement connue sous le nom de Sissi, Élisabeth de Wittelsbach (1837-1898) devient impératrice d’Autriche et reine de Hongrie lorsqu’elle épouse l’empereur François-Joseph en avril 1854. Ponctuée de drames, la vie de Sissi en a fait une icône, statut renforcé par la série de films réalisés entre 1955 et 1957 par le réalisateur autrichien Ernst Marischka, qui ont révélé Romy Schneider.

Au-delà de cette histoire largement diffusée par les nombreuses retrans-missions télévisées des films, la vie complexe de Sissi est étroitement liée à la personnalité hors-normes de l’impératrice, au tempérament à la fois fort et fragile, victime des conventions strictes alors en vigueur à la cour de Vienne. En effet, la jeune impératrice, habituée aux manières simples de son entourage provincial, supporte mal la pesante étiquette viennoise, et s’enfonce vite dans une profonde dépression. Sa neurasthénie est am-plifiée par les morts brutales de son entourage : sa petite fille meurt à l’âge de deux ans ; son cousin Louis II de Bavière se noie dans des conditions mystérieuses en 1886 ; son fils Rodolphe se suicide en 1889 à Mayerling ; sa sœur Sophie-Charlotte meurt brûlée vive lors de l’incendie du Bazar de la Charité en 1897… Elle se laisse facile-ment aller à ses états d’âme et tente tout au long de sa vie de fuir les palais impériaux autrichiens pour voyager, de Madère à Corfou en passant par la Suisse.

Grande statue de bronze2010

Huile sur toile, 250 x 200 cmCourtesy de l’artiste et Galerie Bernard Jordan, Paris

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Crypte des Capucins

La crypte des Capucins à Vienne ren-ferme les sépultures des membres de la famille régnante des Habsbourg depuis 1633. Aujourd’hui, cette crypte regoupe 149 personnes dont douze empereurs et dix-neuf impératrices. Suivant une tradition royale germanique, les tombeaux ne sont pas enterrés mais disposés les uns à côté des autres.

Pour éviter de prendre du poids, Élisabeth s’astreint à la pratique du « corsetage » qui consiste à enserrer l’abdomen dans un corset extrêmement serré et à consommer uniquement du lait, du bouillon de poulet, et des substances très nourrissantes. Dans le même but, elle passe beaucoup de temps à la marche forcée, au cheval, ou à une gymnastique drastique quoti-dienne, notamment dans des salles d’agrès aménagées dans tous ses appartements. Obsédée par la peur de grossir, Sissi est atteinte d’anémie et d’anorexie, et promène sa silhouette filiforme – 50 kg pour 1 m 72 – qui la caractérise.

Le 10 septembre 1898, alors qu’elle est partie pour une énième cure à Genève, l’impératrice est poignardée par un anarchiste italien en sortant de l’hôtel Beau-Rivage, sur les rives du lac Léman.Son corps est rapatrié dans la crypte des Capucins à Vienne, où reposent les corps des membres de la dynastie des Habsbourg-Lorraine. La toile de Nina Childress présentée ici prend pour modèle le monument érigé en 1998 pour commémorer le centenaire de l’assassinat de Sissi. Conçue par le sculpteur écossais Philip Jackson, cette statue située au bord du lac Léman évoque la fine silhouette élancée de l’impératrice.

Barre noire2009

Bois peint, 45 x 63 x 193 cmCHD ProductionCourtesy de l’artiste et Galerie Bernard Jordan, Paris

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Née à Vienne en Autriche, Hedy Lamarr (1914-2000) est une actrice et productrice américaine. Célèbre pour sa carrière cinématographique, elle est également connue pour avoir inventé un système de codage de transmissions. Elle pratique le dessin et la peinture en amatrice et se constitue une importante collection d’art à l’aide de ses riches maris (elle s’est mariée six fois), qu’elle vend aux enchères à la fin de sa carrière d’actrice pour combler ses dettes.

Hedy Lamarr, de son vrai nom Hedwig Eva Maria Kiesler, s’inscrit à l’école d’art dramatique de Berlin dirigée par le metteur en scène Max Reinhardt. L’un de ses premiers rôles est de remplacer l’actice qui interpète Sissi sur scène dans un théâtre de Vienne. En 1933, elle joue dans le film Extase de Gustav Machaty, film qui fait scandale du fait d’une scène de nudité et d’une représentation de l’orgasme féminin. Ce film salué par la critique fait sensation et lui vaut une réputation sulfureuse. Elle est alors la première actrice à apparaître nue dans un film.

En 1937, sur le paquebot en partance vers les États-Unis, elle rencontre le producteur Louis B. Mayer qui lui donne le pseudonyme d’Hedy Lamarr, en hommage à Barbara Lamarr, grande actrice du cinéma muet. L’obtention d’un contrat de sept ans avec la M.G.M. lui permet de se produire, pendant cette période, dans une quinzaine de longs métrages, dont l’un des plus marquants est Angoisse [Experiment Perilous] réalisé par Jacques Tourneur en 1944.

En 1941, Hedy Lamarr et le compositeur George Antheil déposent conjoin-tement le brevet de l’étalement de spectre, un système de codage de transmissions.

Hedy2012

Huile sur toile,Courtesy de l’artiste et Galerie Bernard Jordan, Paris

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En 1945, à la fin de son contrat avec la M.G.M., Hedy Lamarr se lance dans la production indépendante en créant sa propre société. Dès 1946, elle joue dans Le Démon de la chair [The Strange Woman] où elle interprète une criminelle schizophrène. C’est à cette période qu’elle joue dans son film le plus célèbre, Samson et Dalila réalisé en 1949 par Cecil B. DeMille.

Assez désintéressée, malchanceuse et maladroite dans la gestion sa carrière hollywoodienne – elle refuse notamment de jouer dans Casablanca – elle trouve de plus en plus de rôles dans des productions sans éclat.

Dans les années 1960, elle commence à s’isoler, dilapide sa fortune et tombe lentement dans l’anonymat, malgré quelques apparitions dans des jeux télévisés. En 1960, puis en 1966, elle est arrêtée pour vol à l’étalage puis relâchée. Andy Warhol en fait un film parodique intitulé Hedy, avec Mario Montez dans le rôle titre. Considérée un temps comme « la plus belle femme de l’écran », Hedy Lamarr – dont les premières chirurgies esthétiques ont dénaturé sa beauté – meurt en Floride dans l’anonymat.

Étalement de spectre

L’étalement de spectre est une technique grâce à laquelle un signal est transmis sur une bande passante. Le brevet déposé par Hedy Lamarr et George Antheil propo-sait ainsi de coder les transmissions pour combattre les sous-marins allemands. Jugé impraticable par l’US Navy, ce sys-tème d’étalement de spectre est alors refusé pour finalement être utilisé à partir de 1962.Ce tprocédé de codage de transmissions est utilisé aujourd’hui encore pour le posi-tionnement par satellites ou la technologie Wi-Fi.

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Michel Jazy (né en 1936) est un des sportifs français les plus populaires des années 1960 : il a porté haut les couleurs de l’athlétisme français en établissant pas moins de neuf records mondiaux dans les spécialités de la course de demi-fond, une performance inégalée par un athlète français. Issu d’un milieu ouvrier d’origine polonaise du Pas-de-Calais, et alors qu’il est coureur amateur, il se voit offrir un poste de typographe au journal L’Équipe, ce qui lui permet de concilier travail et entraînement. Marcel Hansenne, ancien champion olympique des 800 m, devient son conseiller au sein de l’équipe du journal avec un seul objectif : figurer parmi les 6 premiers aux JO de Rome en 1960. Sa rivalité avec Michel Bernard, le champion français en titre, est légendaire et c’est probablement ce qui motive son appétit de records. Pour sa première participation aux JO, il monte sur la deuxième marche du podium en décrochant la médaille d’argent.

En 1962, Michel Jazy participe à quarante courses qu’il gagne avec en prime des records mondiaux et un titre de champion d’Europe. En 1965, il bat plusieurs records sur 3000, 5000 et 4x 1500 m en relais. En 1966, il remporte les 5000 m des championnats de Budapest. Le 12 octobre de la même année, il pulvérise le record du monde sur 2000 m et annonce à la presse son intention d’arrêter la compétition. En novembre 2010, Michel Jazy a été appelé à la rescousse de l’équipe de France de cross pour motiver les sélectionnés en vue des prochains championnats du monde.

Jazy2014

Huile sur toile, 130 x 195 cmCourtesy de l’artiste et Galerie Bernard Jordan, Paris

La course de demi-fond

Le demi-fond concerne l’ensemble des courses d’athlétisme comprises entre le sprint et le fond (de 800 m à 3 000 m) et qui se déroulent dans une enceinte sportive ou extérieure. Seuls le 800 m et le 1 500 m sont au programme des Jeux olympiques. Il est essentiel qu’un coureur de demi-fond ait la possibilité d’enchaîner de rapides accélérations et soit doté d’une grande capacité de concentration et de réactivité.

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Cette feuille de boucher est éditée à l’occasion de l’exposition « Nina Childress – Jazy, Hedy & Sissi » présentée au Centre d’art contemporain La Halle des bouchers de Vienne

du 22 novembre 2014 au 25 janvier 2015

Maire de ViennePrésident de ViennAgglo : Thierry Kovacs

Adjoint à la Culture : Patrick Curtaud

Directeur du Développement culturel : Jérôme Migayrou

Directeur du centre d’art contemporain : Marc Bembekoff

Assistante / Responsable des publics : Delphine Rioult

Médiatrices : M’barka AmorCamille DernisLudivine Machado

Accueil des publics : Monie Aïtout, Jean-Philippe Estre, Kevin Girot, Monique Renedo, Agnès Schaff

Régisseurs : Maxime LamarcheJean-Julien Ney, Flavien Paget

Graphistes : Thomas Bizzarri & Alain Rodriguez

Peintre en lettres : Julien Boschiero

Association des Amis du Centre d’art

Présidente : Michèle DesestretVice-Président : Bernard ColletTrésorier : Franck DevigneSecrétaires : Bernard Chapotat, Patrick Curtaud

Site Internet : www.cac-lahalledesbouchers.frwww.culture.vienne.fr

Facebook : www.facebook.com/CAC.LaHalledesbouchers

Instagram : http://instagram.com/cac_lahalledesbouchers

Remerciements

Nina ChildressGalerie Bernard Jordan, Fabienne Radi

Performers (Maëlle Dubourg, Teddy Marie, Samuel Mecklenburg, Laurine Garret, Marine Perrier)

Mamco, Genève(Christian Bernard, Françoise Ninghetto,Sophie Costes)

Iconoscope, Montpellier(Sylvie Guiraud, Laurent Gardien)

Théâtre de Vienne(Giuliano-Maria Tenisci, Cyrielle Collin)

ViennAgglo(Brigitte Caruana, Coline Mirmand)

Lycée Ella Fitzgerald(Claudette Charavin, Florence Emery)

Les services de la Ville de Vienne :

Direction générale des services (Alain Vaudaine, Sylvie Arnaud)

Direction de la culture (Lucia Allamanche, Quentin Veuillez)

Musées de Vienne (Elsa Gomez, Martine Couloumy)

Animation du Patrimoine (Chrystèle Orcel, Thérèse Rodriguez)

Finances (Aimad Ed Dermoune, Paule Cesbron, Corinne Millon, Magali Montel, Carole Porretti, Mercedes Sendras)

Communication (Élodie Guiguitant, Christian Marrone, Julie Trivier, Martine Vignal)

Foncier (Elodie Ricci, Chrystèle Robic)

Propreté (Catherine Villegas, Jaouhar Chliah)

Protocole (André B. Prutau, Olivier Cabane, Alain Girot, Thomas Masson)

Reprographie (Eric Gasrel, Serge Detruit, Danielle Repussard)