36
LA FONDATION DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES (LFDA) 39, rue Claude-Bernard - 75005 Paris Bureaux ouverts du lundi au vendredi de 9 h 30 à 18 h tél. 01 47 07 98 99 [email protected] www.fondation-droit-animal.org ••• RÉDACTEURS DU N° 74 Thierry Auffret Van Der Kemp –TAVDK Zoologiste, biologiste marin, ingénieur de recherche. Directeur de la Fondation LFDA. Jean-Jacques Barloy – JJB Zoologiste, docteur es sciences. Rédacteur de la Fondation LFDA. Sabine Brels – SB Juriste, master en droit de l’environnement et doctorante en droit de protection animale à l’université Laval du Québec (Canada). Rédactrice correspondante de la Fondation LFDA. Georges Chapouthier – GC Neurobiologiste, philosophe, directeur de recherche. Administrateur de la Fondation LFDA. Jean-Marc Neumann – JMN Juriste. Administrateur de la Fondation LFDA. Jean-Claude Nouët – JCN Médecin, histologiste, embryo l ogiste, professeur honoraire à la faculté de médecine, université Paris VI. Président d’honneur et cofondateur de la Fondation LFDA. Pierre Pfeffer – PP Zoologiste, directeur de recherche honoraire au Muséum national d’histoire naturelle. Rédacteur correspondant de la Fondation LFDA. Jean-Paul Richier – JPR Neuroopsychiatre, praticien hospitalier. Administrateur de la Fondation LFDA. Louis Schweitzer – LS Président de la LFDA. Président de société. Patrick Vassas – PV Docteur en droit. Rédacteur correspondant de la Fondation LFDA. ••• Revue trimestrielle : ISSN 2108-8470 Direction de la publication: Louis Schweitzer. Rédaction en chef: Jean-Claude Nouët, Thierry Auffret Van Der Kemp et Jean-Jacques Barloy. Dessins: Brigitte Renard. Mise en page: Maïté Bowen-Squires. Imprimé sur papier sans chlore et sans acide par IMD-AGC (Imprim’vert) à Courville-sur-Eure. 11 Un zoo plus vrai que nature, Des inconnus dans la maison 12 Télégrenouille, Les chiens, vic- times oubliées du Titanic 13 L’expansion des « Animal Studies » aux États-Unis 14 L’ONU et le bien-être animal 15 Massacre d’éléphants en Afrique 16 Tourisme de mort 17 Bruants et truands, Paroles de chasseurs 18-19 Protection de la faune sauvage : quelques succès et beaucoup d’échecs 20 Espèces invasives : tuer pour protéger les espèces indigènes ? Douanes bien intentionnées, Quand le mieux est l’ennemi du bien 21 Animaux et œuvres culturelles, La viande au cœur des débats, Zozoos, Chiens d’Ukraine, Des vétérinaires trop intéressés 22 Comptes-rendus de lecture 3 Pas de 13 e amendement pour les orques captives, La protection de l’ours polaire dans l’archipel du Svalbard 4 Régime juridique de l’animal 5 Trois mois pour s’inscrire au colloque : La souffrance animale : de la science au droit 6-7 Programme du colloque 8 Animaux de cirque outre- Manche, Vite, vite, encore une loi prochasse avant les élections 9 Dans le rétroviseur 10 Parc national des Calanques : un envol avec du plomb dans l’aile ? ÉTHIQUE DROIT ANIMAL SCIENCES L’homme a peu de chances de cesser d’être un tortionnaire pour l’homme, tant qu’il continuera à apprendre sur la bête son métier de bourreau. MARGUERITE YOURCENAR de l’Académie française (1903-1987) Lettres à ses amis et quelques autres. 2 Billet du président : Les engagements du Président François Hollande DROIT ANIMAL ÉTHIQUE & SCIENCES Revue trimestrielle de la Fondation LFDA Sommaire 26 Homo sapiens maxi-predator 27 Proximité génétique homme-ani- mal, Et de cinq ! La famille s’élar- git ! 28 Une archéologie des primates ? Nouvelles conceptions écolo- giques et économiques pour lut- ter contre la surpêche 29 Zoologie marine insolite 30 Hécatombes chez les mammi- fères marins 31 Curiosités zoologiques 32 Requins poissons, Mieux connaître les comportements des animaux familiers, Les chim- panzés casse-noix 33 Comptes-rendus de lecture : Ka- mala, une louve dans ma famille, Le Bestiaire cérébral, Petite histoire des grands singes, 36 Du nouveau sur les facultés d’abstraction des animaux Cahier central : Nouveaux textes législatifs et réglementaires JUILLET 2012 - N° 74 25-26 D’une violence à l’autre Dessin de Mireille Soubielle

LA FONDATION DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES (LFDA) · PETA était une m auvaise idée et craignait qu’en cas sd’échec (rejet avant tout examen au dfond ou en cas de décision

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LA FONDATION DROIT ANIMAL,ÉTHIQUE & SCIENCES

(LFDA)

39, rue Claude-Bernard - 75005 ParisBureaux ouverts du lundi au vendredi

de 9 h 30 à 18 htél. 01 47 07 98 99

[email protected]

•••

RÉDACTEURS DU N° 74

Thierry Auffret Van Der Kemp –TAVDKZoologiste, biologiste marin, ingénieur derecherche. Directeur de la Fondation LFDA.

Jean-Jacques Barloy – JJBZoologiste, docteur es sciences. Rédacteur de laFondation LFDA.

Sabine Brels – SBJuriste, master en droit de l’environnement etdoctorante en droit de protection animale àl’université Laval du Québec (Canada).Rédactrice correspondante de la FondationLFDA.

Georges Chapouthier – GCNeurobiologiste, philosophe, directeur derecherche. Administrateur de la FondationLFDA.

Jean-Marc Neumann – JMNJuriste. Administrateur de la Fondation LFDA.

Jean-Claude Nouët – JCNMédecin, histologiste, embryo logiste, professeurhonoraire à la faculté de médecine, universitéParis VI. Président d’honneur et cofondateur dela Fondation LFDA.

Pierre Pfeffer – PPZoologiste, directeur de recherche honoraireau Muséum national d’histoire naturelle.Rédacteur correspondant de la FondationLFDA.

Jean-Paul Richier – JPRNeuroopsychiatre, praticien hospitalier.Administrateur de la Fondation LFDA.

Louis Schweitzer – LSPrésident de la LFDA. Président de société.

Patrick Vassas – PVDocteur en droit. Rédacteur correspondant de laFondation LFDA.

•••Revue trimestrielle : ISSN 2108-8470

Direction de la publication: Louis Schweitzer.Rédaction en chef: Jean-Claude Nouët,

Thierry Auffret Van Der Kempet Jean-Jacques Barloy. Dessins: Brigitte Renard.

Mise en page: Maïté Bowen-Squires.

Imprimé sur papier sans chlore et sans acide parIMD-AGC (Imprim’vert) à Courville-sur-Eure.

11 Un zoo plus vrai que nature, Des

inconnus dans la maison

12 Télégrenouille, Les chiens, vic-

times oubliées du Titanic

13 L’expansion des « Animal

Studies » aux États-Unis

14 L’ONU et le bien-être animal

15 Massacre d’éléphants en Afrique

16 Tourisme de mort

17 Bruants et truands, Paroles de

chasseurs

18-19 Protection de la faune sauvage :

quelques succès et beaucoup

d’échecs

20 Espèces invasives : tuer pour

protéger les espèces indigènes ?

Douanes bien intentionnées,

Quand le mieux est l’ennemi du

bien

21 Animaux et œuvres culturelles,

La viande au cœur des débats,

Zozoos, Chiens d’Ukraine, Des

vétérinaires trop intéressés

22 Comptes-rendus de lecture

3 Pas de 13e amendement pour

les orques captives,

La protection de l’ours polaire

dans l’archipel du Svalbard

4 Régime juridique de l’animal

5 Trois mois pour s’inscrire

au colloque : La souffrance

animale : de la science au droit

6-7 Programme du colloque

8 Animaux de cirque outre-

Manche, Vite, vite, encore une

loi prochasse avant les élections

9 Dans le rétroviseur

10 Parc national des Calanques : un

envol avec du plomb dans l’aile ?

ÉTHIQUEDROIT ANIMAL SCIENCES

L’homme a peu de chances de

cesser d’être un tortionnaire pour

l’homme, tant qu’il

continuera à apprendre sur la

bête son métier de bourreau.

MARGUERITE YOURCENAR

de l’Académie française (1903-1987)

Lettres à ses amis et quelques autres.

2 Bi l le t du prés ident : Les engagements du Prés ident François Hol lande

D R O I T A N I M A LÉ T H I Q U E & S C I E N C E S

Revue tr imestr ielle de la Fondation LFDA

Sommaire

26 Homo sapiens maxi-predator

27 Proximité génétique homme-ani-

mal, Et de cinq ! La famille s’élar-

git !

28 Une archéologie des primates ?

Nouvelles conceptions écolo-

giques et économiques pour lut-

ter contre la surpêche

29 Zoologie marine insolite

30 Hécatombes chez les mammi-

fères marins

31 Curiosités zoologiques

32 Requins poissons, Mieux

connaître les comportements

des animaux familiers, Les chim-

panzés casse-noix

33 Comptes-rendus de lecture : Ka-

mala, une louve dans ma

famille,

Le Bestiaire cérébral,

Petite histoire des grands

singes,

36 Du nouveau sur les facultés

d’abstraction des animaux

Cahier central : Nouveaux textes législatifs et réglementaires

JUILLET 2012 - N° 74

25-26 D’une violence à l’autre

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Comme Jean-Claude Nouët lors desprécédentes campagnes, j'avais écritle 21 mars aux candidats à l'électionprésidentielle pour les interroger surquatre points précis que notre fonda-tion considère comme essentiels :

« Tout animal apte à éprouver la dou-leur, la souffrance et l’angoisse étantreconnu comme être sensible, je sou-haite savoir si vous seriez disposé àvous engager à :

- améliorer la cohérence du droit àl’égard de tous les animaux – êtressensibles,

- contribuer au progrès du droit com-munautaire dans ce domaine,

- supprimer les dérogations à l’inter-diction de causer des douleurs raison-nablement évitables à desanimaux-êtres sensibles,

- veiller à l’application effective de lalégislation et de la réglementation en lamatière ? »

Nous avons reçu des réponses d'uncertain nombre de candidats, dont lesdeux qui étaient présents au secondtour. Dans son courrier, daté du 2 mai,M. François Hollande déclare notam-ment :

• « Le bien-être animal, qu’il s’agissedes conditions d’élevage, d’abattageou encore de la protection desespèces menacées, doit faire l’objet defortes et ambitieuses mesures que jem’engage à mettre en œuvre. »

• « L’échelon communautaire est, àl’évidence, le plus pertinent non seule-ment pour impulser ces politiques [de

protection des animaux] mais aussi etsurtout, très cohérent à l’heure où leséchanges commerciaux impliquant dubétail sont devenus transnationaux. »

• « Alors que le Code rural qualifietrès justement l’animal d’ « être sensi-ble », cette qualification ne se retrouvemalheureusement aucunement dansle Code civil qui continue à placer l’ani-mal dans le chapitre des biens. Enoutre, aucune loi ne protègeaujourd’hui les animaux sauvages entant qu’individus. Cette situation esttrès critiquable et nous laisse à penser,à bon escient, qu’en son état actuel, ledroit français apparaît trop peu pro-gressiste et peu cohérent. Aussi, jesouhaiterais définir un nouveau statutjuridique de l’animal qui reflète les véri-tés scientifiques ainsi que l’évolutionde la perception des animaux dans lasociété. Il me paraît nécessaire deréformer le Code civil afin que ce der-nier ne définisse plus l’animal par sonutilisation, en tant qu’objet patrimonial,mais bien comme un être sensible. »

• « Si le cadre législatif sera amé-lioré, c’est bel et bien un contrôle accrude l’application et du respect des loisqui doit advenir, ce qui, dans ledomaine de la protection des animauxest toujours complexe. »

Ainsi, cette lettre répond pour l'es-sentiel à nos demandes :

- une position claire en faveur d'uneréforme du Code civil,

- la priorité donnée à l'évitement deviolences inutilement infligées aux ani-maux ;

- une piste ouverte sur la protection

des animaux sauvages en tant qu'indi-

vidus et pas seulement en tant qu'es-

pèces ;

- la nécessité d'un contrôle accru de

l'application et du respect des droits

protégeant les animaux.

M. François Hollande confirmait en

outre avoir l’ambition d’axer son quin-

quennat sur la protection et la recon-

quête de la biodiversité, et soulignait le

rôle de la LFDA, affirmant en conclu-

sion :

« Il va de soi que la Fondation Droit

animal, éthique et sciences doit comp-

ter parmi les interlocuteurs privilégiés

des services de l’État compétents en

matière de protection animale. »

Ces réponses positives sont pour

nous un encouragement ; elles nous

obligent aussi à en tirer parti pour faire

des années à venir une période de pro-

grès pour la condition animale en

France.

L'engagement de la LFDA, la com-

pétence, l'expertise qu'elle apporte,

qu'illustrera le colloque sur la souf-

france animale, sont établis et consti-

tuent la base de notre action. Il nous

reste à faire entendre plus encore

notre voix afin que les promesses

reçues se traduisent en progrès réels.

LS

Condition animale : les engagements du Président François Hollande

2 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012

Billet du président

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012 - 3

DROIT ANIMAL

Dans notre article paru dans le numéro 72de janvier 2012 de cette Revue, nous avionsfait état de la procédure audacieuse enga-gée par PETA à l’encontre de Seaworlddevant le tribunal fédéral du district sud deCalifornie. L’objet de celle-ci était de voirreconnaître par le tribunal que les orquestenues en captivité par Seaworld dans sesbassins de San Diego (Californie) etd’Orlando (Floride) peuvent bénéficier de laprotection du 13e amendement de laConstitution américaine qui abolit touteforme d’esclavage. PETA sollicitait du tribu-nal qu’il ordonne que Seaworld libère lescinq orques de toute contrainte et que soitnommé un tuteur légal chargé de veiller autransfert des cinq orques depuis les installa-tions de SeaWorld vers un habitat adaptéaux intérêts et aux besoins individuels dechaque orque.

Dès le départ, un certain nombre dejuristes étaient très dubitatifs sur leschances de succès d’une telle procédure.Steven Wise (1), directeur du Non HumanRight Project, affirmait que la procédure dePETA était une mauvaise idée et craignaitqu’en cas d’échec (rejet avant tout examenau fond ou en cas de décision au fond défa-vorable), cette démarche mal pensée, selonlui, puisse marquer un recul significatif de lacause qu’il défend, à savoir d’obtenir un jourprochain la reconnaissance par un tribunalaméricain de ce que les animaux ont desdroits fondamentaux.

Les faits ont donné raison à Steven Wise.En date du 8 février, le juge Jeffrey T.

Miller a donné gain de cause à Seaworld enfaisant droit (2) à la requête présentée parSeaworld qui, fondée sur ce que ledit amen-dement ne peut bénéficier qu’à l’être humainet en aucun cas à des animaux, sollicitait lerejet de la demande de PETA avant toutexamen au fond.

En résumé, le juge considère que, pourdes raisons historiques, et à la lumière desinterprétations judiciaires, le 13e amende-ment s’applique exclusivement aux humainset que par voie de conséquence la demandeest rejetée car non fondée sur le plan juri-dique. Le juge se fonde entre autre sur unarrêt de la Cour suprême des États-Unis(« Slaughter House Cases, 83 U.S.36, 68 »de 1872) qui avait affirmé que le terme deservitude ne s’applique qu’aux seules per-sonnes. Selon le juge, les sources, tant his-toriques que contemporaines, mettent enévidence que seuls des humains peuventfaire l’objet de servitude.

Pour le juge, le texte du 13e amendementest clair. Cet alinéa dispose en substanceque l’esclavage et la servitude involontairesont interdits aux États-Unis. Compte tenude ce que les termes « esclavage » et « ser-vitude involontaire » ne peuvent désignerque des humains, ainsi que cela a étéreconnu et appliqué tout au long del’Histoire, il n’existe aucun fondement per-mettant d’interpréter de façon extensive lebénéfice du 13e amendement au profit de« non-humains ».

La conclusion en page 7 de la décision estcependant intéressante. En effet, le jugeprécise que, bien que les demandeurs nesoient pas fondés à introduire une procé-dure s’appuyant sur le 13e amendement,« cela ne signifie pas pour autant que lesanimaux n’aient pas de droits juridiques » etil poursuit en rappelant qu’il existe de nom-

breux textes, tant aux niveaux étatique quefédéral, qui punissent toute violation desobligations légales et réglementaires àl’égard des animaux.

Il conclut sa décision en précisant que,bien que l’objectif poursuivi par la demande(protection du bien-être ou « welfare » desorques) soit louable, le 13e amendement nepeut bénéficier aux demandeurs.

Sauf appel de PETA devant la Cour d’ap-pel fédérale du neuvième district, cetteaffaire est donc terminée. Il reste à mesurerles effets que cette décision peut désormaisentraîner aux États-Unis sur les projets encours de certains juristes ou organisations(notamment le « Non Human RightsProject ») visant à faire reconnaître par lestribunaux l’existence de droits fondamen-taux au profit des animaux.

Selon Steve Wise (3), les dommages ris-quent d’être considérables. L’avenir nousdira si pareilles craintes sont justifiées. Nousverrons aussi sous peu quelle sera la déci-sion de PETA quant à l’éventualité d’unappel.

JMN

1. http://www.nonhumanrightsproject.org/steve-wise/ethttp://www.nonhumanrightsproject.org/2011/11/10/petas-slavery-lawsuit-a-setback-for-animal-rights/

2 http://www.nonhumanrightsproject.org/wp-content/uploads/2012/02/Court-ruling-in-PETA-v-SeaWorld.pdf

3 http://www.nonhumanrightsproject.org/2012/02/08/as-judge-dismisses-peta%e2%80%99s-case-against-seaworld-nhrp-weighs-the-damage/

Pas de 13e amendement pour les orques captives

La protection de l’ours polaire dans l’archipel du Svalbard

La Norvège a été, très tôt, sensible à laprotection de l’ours polaire sur son territoire.En effet, l’intensité de la chasse qui, entre lafin du xIxe siècle et le début du xIxe siècle,entraînait la disparition de quelque 500 àprès de 1000 ours chaque année, était tellequ’il était apparu nécessaire de légiférer afind’en réduire l’impact sur la population d’ourspolaires.

Dès 1927, l’utilisation du poison pour lachasse fut interdite, et en 1939 c’est lachasse elle-même qui fut interdite dans l’ar-chipel du Roi Charles (King Karl’s Land)dans lequel se trouve une zone de repro-duction à forte densité.

En 1965 la chasse des ourses et des our-sons fut interdite, de manière générale auSvalbard. Si ces premières mesures eurentun effet, elles ne permirent cependant pasde stopper l’hémorragie et la populationlocale d’ours polaires continuait à se réduirepour ne plus totaliser, à la fin des annéessoixante, que quelque 1000 individus. Lasituation devenait critique.

Aussi, les cinq États ayant des popula-tions d’ours polaires sur leurs territoires, àsavoir le Canada, la Norvège, la Russie, lesUSA et le Danemark (Groënland), signèrentle 15 novembre 1973 à Oslo uneConvention sur la conservation des ourspolaires (1). En son article 1er, la Convention

interdit le prélèvement (défini comme étantla chasse, la capture ou la mise à mort) desours polaires sauf dans les cas visés àl’article 3, c'est-à-dire sauf pour des motifsscientifiques, ou pour empêcher des pertur-bations dans la gestion d’autres espècesvivantes, ou pour les prélèvements effec-tués par les populations indigènes utilisantdes méthodes traditionnelles. LaConvention en outre, enjoint les États signa-taires à préserver les écosystèmes (notam-ment les zones de reproduction) danslesquels vivent les ours polaires, et àconduire des programmes de recherche surla gestion et la conservation de l’espèce. u

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La Norvège a encore renforcé sa législa-tion par la loi n° 79 du 15 juin 2001 relative àla protection de l’environnement auSvalbard (2) qui stipule l’interdiction d’attirer,de poursuivre ou de rechercher des ourspolaires d’une façon qui puisse les perturberou mettre en danger les ours ou les humains(article 30). Le droit de tuer un ours n’est jus-tifié (article 33) qu’en cas de légitimedéfense afin d’éliminer un risque immédiatde préjudice corporel ou pour prévenir desdommages matériels significatifs, ou encoresur permis spécial délivré par le gouverneurdu Svalbard (article 34) dans le cas d’indivi-dus qui demeurent trop proches des habita-tions et qui présentent un risque sérieux dedommage corporel pour les humains ou unrisque matériel significatif et sous condition,qu’au préalable des efforts raisonnablesaient été entrepris pour mettre en œuvred’autres méthodes.

Toute violation de la loi est sanctionnée(article 99) par des amendes ou des peinesd’emprisonnement jusqu’à un an, sauf en casde risque de dommage environnementalgrave ou en présence de circonstancesaggravantes, auxquels cas la peine d’empri-sonnement peut être portée jusqu’à trois ans.

À noter que, désormais, tout accès àmoins de 500 m de l’archipel de King Karl’sLand, lieu de reproduction particulièrementsensible, est strictement interdit et de façonpermanente sauf pour des scientifiquesmunis d’un permis spécial délivré par le gou-verneur de l’archipel du Svalbard.

Aujourd’hui, la Norvège est le seul descinq pays abritant des ours polaires où toutechasse à l’ours polaire est strictement inter-dite sauf en cas de légitime défense. Lasous-population de la mer de Barents àlaquelle appartiennent les individus de l’ar-chipel de Svalbard, représente une popula-tion estimée à environ 2650 individus (3).

Rappelons par ailleurs, que l’ours polairefigure sur la liste rouge de l’UICN en tantqu’espèce « vulnérable ». Lors de la quin-zième session de la Conférence des partiessignataires de la CITES (Convention sur lecommerce international des espèces defaune et de flore sauvage menacées d’ex-tinction signée à Washington le 3 mars 1973

et amendée à Bonn le 22 juin 1979) quis’était tenue à Doha des 13 au 25 mars2010, l’UICN avait analysé la propositiond’amendement aux annexes de la CITES etde transfert de l’ours polaire de l’Annexe II(espèce non menacée mais qui pourrait ledevenir si le commerce de ces espècesn’était pas soumis à une réglementationstricte) vers l’Annexe I (espèce menacéed’extinction). Sur la base de l’évaluationfaite par les experts et des connaissancesactuelles, il était apparu que l’ours blanc neremplissait aucun des critères biologiquesd’inscription à l’Annexe I. Globalement,l’ours polaire est une espèce en déclin mais,selon les experts, en « déclin lent » (déclindans les trois prochaines générations d’ourssoit environ 45 ans) de plus de 30 % mais demoins de 50 % (limite au-delà de laquelle ilfaudrait classer l’espèce en catégorie « endanger ») (4). Selon l’UICN, la couverturedes glaces devrait connaître une « réductionspectaculaire dans les 50-100 prochainesannées ».

Cette situation rendra l’alimentation del’ours polaire de plus en plus aléatoire.Certains individus seront tentés de se rap-procher des habitations pour y trouver de lanourriture ce qui favorisera des situationsconflictuelles avec les humains. L’attaquesurvenue le 5 août 2011 (5) au Svalbard aucours de laquelle un jeune campeur anglaisa été tué et quatre autres personnes bles-sées par un ours polaire affamé illustre bience risque.

JMN

(1) Agreement on Conservation of Polar Bears.http://sedac.ciesin.org/entri/register/reg-073.rrr.htm

(2) Act of 15 June 2001 N° 79 relating to the protectionof the environment in Svalbard

Http://www.regjeringen.no/en/doc/Laws/Acts/Svalbard-Environmental-Protection-Act

(3) http://pbsg.npolar.no/en/status/status-table.html(4) Analyses UICN/TRAFFIC des propositions

d’amendement aux Annexes de la CITES pour la quin-zième session de la Conférence des Parties, Doha,Quatar 13-25 mars 2010/Ref.CoP15 Prop.3http://www.cites.org/fra/cop/15/inf/F15i-18A.pdf

(5) http://articles.cnn.com/2011-08-05/world/norway.polar.bear.death_1_polar-bears-svalbard-polar-explo-rer?_s=PM:WORLD

DROIT ANIMAL

4 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012

Régime juridiquede l’animal

Encore une initiative parlementaire envue d’une modification du code civil :Jacques Remiller, député UMP de l’Isère, adéposé une proposition de loi enregistréesous le numéro 4495, qui reprend l’une dessuggestions de modification du code pro-posées par Suzanne Antoine (1) et Jean-Marie Coulon (2) : la création d’un Livresupplémentaire consacré à l’animal. Cenouveau Livre 1bis intitulé Des animaux,serait intercalé entre le livre I concernantles personnes et le livre II consacré auxbiens. Il comporterait notamment un article515-14 : « Les animaux sont des êtresvivants doués de sensibilité. Ils doivent êtreplacés dans des conditions conformes auximpératifs biologiques de leur espèce et aurespect de leur bien-être. » Ainsi qu’un arti-cle 515-15 : « L’appropriation des animauxs’effectue conformément aux dispositionsdu code civil sur la vente et par les textesspécifiques du code rural et de la pêchemaritime. » L’article 544 serait complétépar l’alinéa suivant : « La propriété des ani-maux est limitée par les dispositionslégales qui leur sont propres. » La proposi-tion de loi Remiller est intéressante, notam-ment parce qu’elle ose reprendre l’idéed’une création d’un livre supplémentairespécifique à l’animal, création qui révulseles juristes civilistes, attachés par une sorted’immobilisme à l’ordonnancement destextes. Mais cette proposition n’est quepartiellement favorable à la condition juri-dique des animaux parce qu’elle ne précisepas ce qu’est la « sensibilité » en ne défi-nissant pas ce qui fait un animal « sensi-ble », et parce qu’elle ignore l’animalsauvage vivant à l’état de liberté. Ce der-nier resterait dépourvu de sensibilité,demeurerait sous le coup de l’article 713 ducode civil, c’est-à-dire assimilé à un « bienqui n’a pas de maître », la res nullius dudroit romain, la chose, n’appartenant à per-sonne, et ne continuerait d’exister qu’entant qu’appartenant à une espèce. En cela,elle est moins avancée que les proposi-tions de loi du sénateur Povinelli demai/juin 2011. Mais nous enregistrons avecsatisfaction cette initiative parlementaire etnous espérons que le sujet d’un régimejuridique de l’animal, cohérent et moderne,motivera la nouvelle Assemblée nationale.

JCN

(1) Rapport sur le régime juridique de l’animal, in LeDroit de l’animal, p. 273. Légifrance 2007.

(2) « Pour un régime juridique de l’animal », Droit ani-mal, éthique et sciences, n° 73, p. 3.

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012 - 5

DROIT ANIMAL

Trois mois pour s’inscrire au colloque:« La souffrance animale : de la science au droit »

Ce colloque pluridisciplinaire conçu parla LFDA et organisé en partenariat avec leGRIDA, se tiendra à l’OIE, à Paris les 18 et19 octobre. Il est destiné à faire connaîtrepour la première fois à un large public l’étatdes connaissances scientifiques sur la sen-sibilité douloureuse dans la biodiversitéanimale et le degré de leur transpositionjuridique à travers le monde. Il espère ainsicontribuer à stimuler, sur des bases ration-nelles incontestables, la refondation d’uneréflexion éthique en profondeur chez lesresponsables d’activités utilisant ou exploi-tant des animaux, réflexion motivée par lesouhait de ne plus leur infliger de souf-frances lorsqu’elles sont raisonnablementévitables ou de les réduire lorsqu’elles nele sont pas. Il veut aussi apporter sa parti-cipation à la dynamique de l’évolution deslois et des réglementations de protectiondes animaux contre toutes les formes desouffrances dont ils sont victimes par lafaute de l’homme

En effet, l’évolution du droit pour la pro-tection des animaux s’appuie aujourd’huisur une éthique fondée sur le respect de lasensibilité spécifique de l’animal apte à res-sentir la douleur ou à éprouver des émo-

tions ; l’absence d’émotions négativestelles la souffrance, l’angoisse ou la peurest une composante majeure du bien-être.Cette éthique se base elle-même sur ledéveloppement récent des connaissances

impulsées par la neurobiologie et l’étholo-gie.

Quelles sont aujourd'hui les présomp-tions et les certitudes de la science sur lasensibilité animale dans chaque groupezoologique? Comment ces connaissancessont-elles prises en compte par les droitsnationaux de protection des animaux, enAmérique du Nord, en Amérique du Sud,en Australie, et en Europe?

Voilà les deux grandes questions aux-quelles le colloque et ses 26 experts fran-cophones et anglophones devrontrépondre avec précision. Un dispositif detraduction simultanée est prévu (voir le pro-gramme définitif pp 14-15).

Professeurs, étudiants en droit, avo-cats, magistrats et donateurs de laLFDA qui souhaitent bénéficier de ce col-loque exceptionnel, doivent s’y inscriresans tarder en retournant le bulletin ci-dessous dûment complété. L’inscription estgratuite mais obligatoire, en raison du nom-bre limité de 100 places, encore disponi-bles, trois mois avant l’ouverture ducolloque.

TAVDK

B U L L E T I N D ’ I N S C R I P T I O N *

Colloque LFDA/GRIDALa souffrance animale : de la science au droit **

18 & 19 octobre 2012OIE, 12 rue de Prony 75017 Paris

***Mme, M, (nom et prénom). ..................................................................................................................................................................

Adresse postale personnelle ...................................................................................................................................................................

.................................................................................................................................................................................................................

Courriel ....................................................................................................................................................................................................

Téléphone................................................................................................................................................................................................

***Organisme professionnel : (nom et adresse) .......................................................................................................................................

.................................................................................................................................................................................................................

***Donateur de la LFDA oui non

*A retourner, complété, par courrier à La Fondation Droit animal, éthique et sciences (LFDA). Colloque 2012, 39 rue Claude Bernard 75005Paris ou, scanné, par courriel à [email protected] inscriptions sont enregistrées dans l’ordre de leur réception dans la limite des 200 places disponibles. Un avis vous sera retourné pour confirmer

votre inscription.

Une pièce d'identité et /ou une carte professionnelle et l'avis d'inscription seront exigés à l'entrée de la salle du colloque.

**Le colloque est réservé aux juristes, philosophes et scientifiques concernés par la vie animale, (enseignants, chercheurs, praticiens et étudiants),aux parlementaires et représentants des services ministériels concernés par l’animal ainsi qu’aux représentants des professions en relation avec lesanimaux : éleveurs, pêcheurs, directeurs et soigneurs de parcs zoologiques et aquariums, responsables d’animaleries, journalistes de la presse ani-malière , responsables d’ONG de protection animale et donateurs de la Fondation LFDA.***Mentions obligatoires

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DROIT ANIMAL

6 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012

1er Jour (18 octobre)

8 h : ouverture de l’accueil

9 h 10 Allocution de bienvenue. Thierry AUFFRET VAN DER KEMP (Ingénieur de recherche, zoologiste,

coordonnateur général du colloque, Directeur de la LFDA)

9 h 20 Introduction générale du colloque. Les objectifs d’un colloque exceptionnel, à la fois juridique et

scientifique. Louis SCHWEITZER (Président de la LFDA)

SESSION I

LA sensAtIon DouLoureuse sous L’oBjeCtIF Du BIoLogIste : queLLes Preuves D’une éPreuve ?

9 h 30 Introduction : Les degrés de sensibilité dans le monde animal et leur identification scientifique.

Dr Georges CHAPOUTHIER (CNRS, LFDA) et Dr Dalila BOVET (Université de Paris x Nanterre,

LFDA, France)

9 h 50 évaluation et traitement de la douleur chez les animaux vertébrés. Pr Victoria BRAITHWAITE

(Pennsylvania State University, University Park, USA)

10 h 10 Comment les mammifères ressentent-ils et expriment-ils la souffrance ? (En attente de confirmation)

10 h 30 Pause

10 h 40 existe-t-il une preuve d’un traitemet nerveux central de la douleur chez les oiseaux? Pr Christine NICOL

(University of Bristol, UK)

11 h 00 Les reptiles souffrent-ils ? une perspective clinique fondée sur la preuve. Dr Craig MOSLEY (CWVS,

Vancouver, Canada)

11 h 20 Les conséquences éthiques d’un modèle d’étude de la douleur chez les batraciens? Pr Craig STEVENS

(Oklahoma State University, Tulsa, USA)

11 h 40 Pause déjeuner

14 h 30 La sensation douloureuse et la peur existent-elles chez les poissons? Dr Lynne SNEDDON

(University of Liverpool. UK)

14 h 50 À partir d’expériences sur le comportement, pouvons-nous déduire que les crustacés éprouvent

de la douleur? Dr Robert ELWOOD (Queen’s University, Belfast, UK)

15 h 10 Les pieuvres éprouvent-elles de la douleur et de la souffrance? Dr Jennifer MATHER

(University of Lethbridge, Canada)

15 h 30 Pause

15 h 40 Bien-être des animaux invertébrés: insectes, araignées, escargots et vers . Dr Donald BROOM

(University of Cambridge, UK)

16 h 00 L’expérimentation animale douloureuse: un dilemme éthique face à la science et au droit.

Dr Georges CHAPOUTHIER (CNRS, LFDA, Paris, France)

16 h 20 sensibilité animale au croisement de la philosophie, de la science et du droit : convergences et

difficultés. Pr Jean-Luc GUICHET (Université de Picardie, CNRS-université de Bourgogne, LFDA, France)

16 h 40 Discussion générale

17 h 00 Conclusion de la session I. Pr Alain COLLENOT (Vice-président de la LFDA)

17 h 30 Fermeture

P r o g r a m m e d u C o l l o q u e i n t e r n a t i o n a l

L A S O U F F R A N C E A N I M A L E :

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012 - 7

DROIT ANIMAL

2e jour (19 octobre)

8 h 30 Ouverture de l’accueil

SESSION II

LA DouLeur et LA souFFrAnCe De L’AnImAL DAns LA BALAnCe De LA justICe : Les sensIBILItés Du DroIt DAns Le monDe

9 h 10 Allocution de bienvenue. Pr Martine LACHANCE (Université du Québec à Montréal, Directrice du GRIDA,

Canada)

9 h 20 Introduction: De la science à la loi, quelle diversité d’approches juridiques à la sensibilité douloureuse

des animaux? Jean-Marie COULON, (Premier Président honoraire à la cour d’appel de Paris, France)

9 h 40 Les bœufs, le joug et la charrue? sciences, éthique et droit dans quel ordre?

Pr Jean-Claude NOUËT, cofondateur et Président d’honneur de la Fondation LFDA, Paris, France)

10 h 00 L’amélioration du bien-être animal dans le monde – La contribution de l’organisation mondiale

de la santé animale (oIe). Dr Bernard VALLAT (Directeur général de l’OIE, Paris, France)

10 h 20 La douleur des animaux et la législation de l’union européenne pour le bien-être animal.

Dr Andrea GAVINELLI, (chef de l’unité « Bien-être animal », DG SANCO Commission européenne,

Bruxelles, Belgique)

10 h 40 Pause

11 h 00 regard sur quelques remarquables avancées du droit animal dans 7 nations d’europe (Autriche,

Allemagne, grande-Bretagne, Italie, Luxembourg, suède et suisse). Dr Muriel FALAISE (Université Lyon 3,

France)

11 h 20 La sensibilité de l’animal en droit français : de la vigueur des mots à l’efficacité des sanctions.

Dr Sonia DESMOULINS (CNRS-université Paris1)

11 h 40 La souffrance animale en droit pénal canadien : tolérance ou indifférence ? Pr Martine LACHANCE

(Université du Québec à Montréal, directrice du GRIDA, Canada)

12 h 00 Le droit américain est-il attentif à la souffrance des animaux? Pr Taimie BRYANT

(University of California, Los Angeles, USA)

12 h 20 Pause Déjeuner

14 h 30 La rationalité de la souffrance animale dans le droit australien: la fin justifie les moyens.

Pr Steven WHITE (Griffith University, Brisbane, Australie)

14 h 50 Les animaux et le droit en Amérique du sud: un paysage juridique en évolution.

Dr David CASSUTO (Pace Law School, White Plains, USA)

15 h 10 souffrance animale et réglementations spécifiques comparées de quelques pratiques socioculturelles

dans les pays d'europe. Pr Maria-Teresa GIMENEZ CANDELA, (Universitat Autonoma de Barcelona, Espagne)

15 h 30 Pause

15 h 50 La prise en considération de la douleur et de la souffrance des animaux sauvages dans leurs

interactions avec l’homme. Pr David FAVRE, (Michigan State University, East Lansing, USA)

16 h 10 La sensibilité de l’animal dans le droit du futur. Dr Antoine GOESTSHEL

(Ancien Avocat des animaux du canton de Zurich, Suisse)

16 h 30 Discussion

16 h 50 Conclusion de la session II et synthèse du colloque. Louis SCHWEITZER

(Président de la Fondation LFDA)

17 h 10 Clôture

L F D A / g r I D A . P a r i s 1 8 - 1 9 o c t o b r e 2 0 1 2 . o I e

D E L A S C I E N C E A U D R O I T :

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DROIT ANIMAL

8 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012

Animaux de cirque outre-Manche

En Grande-Bretagne, les animaux d’es-pèces sauvages ne pourront plus être exhi-bés dans les cirques itinérants : le 1er mars,le gouvernement britannique a annoncé lapréparation d’un texte législatif interdisantces spectacles à des fins de divertisse-ment, aux motifs que « pour des raisonséthiques » ils n’ont pas « leur placeaujourd’hui dans la société ». La BritishVeterinary Association s’est dite très satis-faite par cette décision, tout en déplorantque sa mise en œuvre doive être retardéepar la lenteur de la voie législative, quin’aboutira que dans deux ans. La secré-taire d’état à l’environnement CarolineSpelman a suivi les avis des expertsconsultés qui lui ont confirmé que lesnuméros de cirque n’étaient en aucun casadaptés pour ces animaux et que les mil-liers de kilomètres qu’ils effectuaientchaque année constituaient une graveentorse à leur bien-être. Elle a même pro-posé que son ministère participe à larecherche d’établissements disposés àaccueillir les animaux concernés. Bien évi-demment les cirques se disposent àcontrer les projets du gouvernement, évo-quant les soins attentifs qu’ils prodiguentaux animaux, les précautions qu’ils pren-nent pour leurs déplacements, et l’absence

de preuves scientifiques démontrant uneatteinte au bien-être.

On connaît le refrain. C’est celui querépètent ici les professionnels du cirque, enréponse aux articles (1), dossiers (2),démarches officielles (3) réclamant la fin del’exhibition des animaux sauvages dressésou non dressés. Ce sont les mêmes tenta-tives de justification dont les professionnelsdu cirque ont usé pour bloquer les discus-sions lors des réunions organisées auministère de l’Écologie en 2008 et 2009, etréduire à rien, ou presque rien, un projet detexte préparé par le ministère. L’arrêté finaldu 18 mars 2011, publié au JO du 5 avril(4), apporte quelques contraintes régle-mentaires, dont l’application ne sera niaisément contrôlable, ni effective, au résul-tat. La lettre d’accompagnement du minis-tère a beau le considérer « comme un texteéquilibré qui devrait permettre d’élever pro-gressivement le niveau des établissementsfrançais de spectacles itinérants », l’arrêtén’apporte aucune réforme en profondeur,par crainte de dresser contre le ministèreles professionnels du cirque, déjà forte-ment contrariés par les frais nécessairespour améliorer le confort des animaux.Mais le défaut gravissime de l’arrêté estqu’il laisse perdurer les graves atteintes au

bien-être d’animaux dont les rythmes biolo-giques, et l’expression des comportementssont nécessairement très contrariés par lesconditions d’hébergement, de transport etde dressage imposées par l’itinérance deces spectacles. Nous sommes bien loindes décisions courageuses et réfléchies dugouvernement britannique.

JCN(1) Quel cirque? J.-C.. Nouët, secrétaire général de

la LFDA, Revue du Touring Club de France, déc.1980,n° 930, p. 82, article repris dans plusieurs publications(Suisse, Belgique, Italie) ;- Vive les cirques sans ani-maux, T. Auffret Van Der Kemp, Bulletin d’informationsde la LFDA n° 60, janvier 2009.

(2) Dossier La condition des animaux dans lescirques, S. Né et J.-C. Nouët, édition LFDA, 2000.

(3) En 2007, les associations ont collectivement pré-senté la demande d’interdiction de présentation d’ani-maux sauvages auprès du cabinet du ministre del’environnement, demande renouvelée lors desRencontres Animal et Société de mai-juin 2008 organi-sées au ministère de l’Agriculture. La même demande aété renouvelée du ministère de l’Écologie en novem-bre 2008 par une lettre de la Fondation LFDA, soutenuepar 7 autres ONG, proposant au ministère de l’Écologie,alors que celui-ci rédigeait déjà le projet d’un nouvelarrêté, de « s’engager explicitement par décret dans lavoie de l’arrêt progressif de la détention d’animaux d’es-pèces sauvages par les établissements de spectaclesitinérants, au fur et à mesure de la mort des animaux ».

(4) Voir l’analyse détaillée de l’arrêté du 18 mars2011 dans le supplément Droit du numéro 70 de laRevue Droit animal, éthique et sciences, pages VII etVIII.

Vite, vite, encore une loi prochasse avant les élections…

Le 23 février, l’Assemblée nationale aadopté en deuxième lecture, une loi modi-fiant divers articles du code de l’environne-ment ou ajoutant des dispositionsnouvelles.

Certains articles affirment le rôle de lachasse :

• comme acteur de la préservation de labiodiversité sur le terrain (art. L. 420-1),

• comme acteur « d’information et d’édu-cation au développement durable enmatière de connaissance et de préserva-tion de la faune sauvage et de ses habitatsainsi qu’en matière de gestion de la biodi-versité » (art. L. 421-5 et art. L. 421-13).

Un article étend les possibilités du chas-seur : « La première validation annuelle dupermis de chasser qu’il obtient l’habilite àchasser sur l’ensemble du territoire natio-nal » (art. L. 423-19).

Un autre (art. L. 425-5-1) entame le droitde ne pas chasser chez soi et au contraireinstaure une quasi-obligation de le faire :« Lorsque le détenteur du droit de chassed’un territoire ne procède pas ou ne fait pasprocéder à la régulation des espèces pré-sentes sur son fonds et qui causent desdégâts de gibier, il peut voir sa responsabi-lité financière engagée… etc. ». Sur propo-sition de la fédération départementale des

chasseurs, après avis de la commissiondépartementale de la chasse et de la faunesauvage, le préfet peut lui notifier le nom-bre d’animaux « à prélever ».

D’autres articles détaillent les estima-tions des dégâts aux cultures, les montantset les versements des indemnités auxexploitants agricoles. Un article énumèreles motifs d’un refus de délivrance du per-mis de chasser : rébellion envers l’autoritépublique, condamnation pour détentiond’armes et munition de guerre, privation detout ou partie des droits civiques. Maisaucune disposition n’est édictée concer-nant l’incapacité physique ou psychiquedes candidats au permis, qui continue à nefaire l’objet d’aucune appréciation médi-cale et d’aucun contrôle ; c’est pourtant unenécessité absolue, prouvée par les circons-tances dans lesquelles surviennent nom-bre d’accidents de chasse.

Le texte de loi se termine par une dispo-sition réclamée par les chasseurs depuislongtemps, mais parfaitement injustifiabledu point de vue scientifique et écologique.Un article L. 427-8-1 est ajouté au code del’environnement, qui édicte : « L’utilisationdu grand-duc artificiel est autorisée pour lachasse des animaux nuisibles et pour leurdestruction. » De quels « nuisibles » s’agit-

il ? Corbeaux, corneilles, pies, et à l’occa-sion les alouettes, qui viennent voleter auxalentours, pour voir si cet intrus est un dan-ger. Ce braconnage ne semble pas êtreréprimé, notamment dans le Var.

Encore un texte législatif bâti et voté àl’initiative du lobby chasse. Les alouettesvont payer la facture des tournées dugrand-duc.

JCN

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012 - 9

DROIT ANIMAL

Dans le rétroviseur

1 - La réglementation française

actuelle n’est pas appliquée, la moitié

des chercheurs ignorant même qu’il en

existe une (enquête menée en 1980 à

l’université Paris V).

COMMENTAIRE : La réglementation fran-çaise « actuelle » était celle en vigueur àl’époque ; elle se limitait au décret du9 février 1968 qui, en résumé, recomman-dait que les animaux soient « l’objet de tousles soins nécessaires ou propres à leur évi-ter toutes souffrances inutiles ou super-flues ». et imposait que les expériences ourecherches sur les animaux vivants soientpratiquées par une personne titulaire d’uneautorisation ou sous sa direction et sa res-ponsabilité. Cela pouvait concerner nom-bre de chercheurs, la « direction » et la« responsabilité » n’étant pas préciséescomme devant être directes, au point quele directeur ou président d’un organisme derecherche national pouvait ainsi couvrirl’ensemble des chercheurs placés sous saresponsabilité. Le certificat d’autorisationd’expérimenter n’a été officialisé par arrêtéqu’au 25 janvier 1972.

2 - Cette réglementation doit être

modifiée dans trois directions:

* restreindre strictement le champ de

l’expérimentation aux seuls domaines

encore nécessaires de la biologie et de

la médecine humaine et vétérinaire,

* restreindre le nombre et le type des

animaux utilisés,

* étendre la surveillance réglemen-

taire non seulement à la façon dont les

animaux sont utilisés avant, pendant et

après une expérience, mais aussi au but

lui-même visé par l’expérience.

COMMENTAIRE : C’est ce domaine derecherches médicales et vétérinaires que

le décret du 19 octobre 1987 (pris en appli-cation de la directive de 1986) a cité en têtede liste des domaines où l’utilisation expé-rimentale de l’animale était déclarée« licite ».

La directive de 1986 avait fixé une listelimitative d’espèces, reprise en droit fran-çais par un arrêté d’avril 1988. Mais ni cettedirective ni les textes réglementaires fran-çais qui en découlent ne mentionnent expli-citement la nécessité de réduire le nombredes animaux ; il n’y est fait aucune réfé-rence à la règle des 3 R. C’est la dernièredirective de septembre 2010 qui mentionned’avoir à respecter cette triple règle deréduction du nombre des animaux, de raffi-nement des procédures expérimentales etde remplacement de l’animal. La réglemen-tation française traduisant cette directiveen droit français sera publiée en fin 2012,et applicable au 1er janvier 2013.

Le contrôle objectif de l’expérimentationapparaît dans la directive de septem-bre 2010 (et les textes français qui endécouleront) sous forme d’une « autorisa-tion de projet » expérimental, qui seraaccordée (ou non) au vu de la descriptionprécise de tous les composants de l’expé-rimentation prévue, but et objectifs com-pris.

3 - La LFDA demande que soit favori-

sés la recherche, l’application et l’ensei-

gnement des méthodes pouvant alors

se substituer au modèle biologique ani-

mal.

COMMENTAIRE : Le décret de 1987 consi-dérait « les expériences ou recherches »sur l’animal comme « licites » à la condition« que ne puissent utilement y être substi-tuées d’autres méthodes expérimentales ».Cette disposition n’est restée que d’inten-tion : en 25 ans, seules une vingtaine de

méthodes de remplacement ont été vali-dées et rendues réglementairement appli-cables au niveau européen. En sorte qu’àtoutes les réclamations, justifiées ou non,concernant l’expérimentation sur l’animal, ilétait opposé assez hypocritement que l’ani-mal n’était utilisé que s’il n’existait pas d’au-tre modèle expérimental, alors que chacunsavait bien qu’il en existait très peu ! Ladirective de 2010 insiste sur le devoir de laCommission et des États de favoriser larecherche et la mise en œuvre de cesméthodes (considérants 46 et 47). Par ail-leurs, cette directive mentionne clairementque l’objectif final est « le remplacementtotal des procédures appliquées à des ani-maux vivants […] dès que ce sera possiblesur un plan scientifique ».

4 - Enfin, la Ligue française des droits

de l’animal ne peut admettre que les 4

textes en préparation prévoient de pro-

téger les animaux vertébrés, mais écar-

tent les animaux invertébrés, ainsi que

les fœtus et les embryons, aux dépens

desquels n’importe qui pourrait faire

n’importe quoi. Elle rappelle l’unité du

monde vivant, l’absence de toute hiérar-

chie naturelle, et l’égalité de toutes les

espèces au droit à l’existence dans le

cadre de l’équilibre de la nature.

COMMENTAIRE : Pour appuyer sesdemandes concernant la protection desinvertébrés, la LFDA a organisé le 11 mars2000 le colloque « Éthique et invertébrés »,dont les actes ont fait l’objet en 2002 d’unnuméro hors-série de la revue Sciences ettechniques de l’animal de laboratoire(STAL), mentionné et analysé dans le n° dejanvier 2003 de la revue Pour la Science.Les conclusions de ce colloque première-ment soulignaient l’obligation d’assurer laprotection des animaux invertébrés que les

Réformer les textes réglementant l’utilisation expérimentale de l’animal a été et continue d’être un objectif majeurde la LFDA.Donner un coup d’œil dans le rétroviseur en feuilletant nos archives permet de retrouver les traces de nosactions passées et de constater qu’elles n’ont pas été vaines. Les textes récents montrent que nos demandeset propositions étaient justifiées : ils donnent (enfin) satisfaction à la plupart de nos demandes et propositions.Le texte ci-dessous – en italique gras – est celui de la dépêche AFP du 9 décembre 1982, publiée après que lePr Nouët avait participé à la réunion parlementaire européenne, lors de laquelle il avait demandé et scientifique-ment justifié que la directive en projet prenne en compte les invertébrés.210064 / AFP A 210064F / 343 1408* / Sergane 201135F

La Ligue française des droits de l’animal vient de participer les 8 et 9 décembre à l’audition parlementaire européenne consa-

crée à l’expérimentation sur l’animal, organisée à Strasbourg. Elle tient à réaffirmer sa position sur la question.

u

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DROIT ANIMAL

10 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012

Le Parc national des Calanques :un envol avec du plomb dans l’aile ?

Après douze ans de préparation et tergi-versations diverses, et trois ans après l’ar-rêté de prise en considération du projet decréation, voici que, par décret du Premierministre du 18 avril, le Parc national desCalanques est enfin créé aux portes deMarseille et de La Ciotat, sur plus de150 000 ha dont 43 500 en cœur de parcmarin et 8300 en cœur de parc terrestre.Cette création s’est faite au prix de nom-breuses dérogations dites « exception-nelles », qui auraient été considéréescomme proprement inimaginables et scan-daleuses dans les autres parcs nationaux.Ainsi, dans le Parc des Calanques, mêmesi certaines zones en cœur de parc sontstrictement interdites à la chasse (zones detranquillité) et à la pêche (zones de non-prélèvements), il sera toujours possible dechasser et de pêcher partout ailleurs dansle parc y compris en son cœur. On pourrapar exemple chasser au gluau, (cf. article 3III et article 28 du décret), pratique quiconsiste à attirer, avec des oiseaux captifs« appelants », les petits oiseaux de pas-sage pour qu’ils se posent sur desbaguettes enduites de glu. On pourra aussichasser à tir certaines espèces autoriséespar la réglementation nationale figurant surune liste établie, selon des modalités, despériodes et des horaires établis par leConseil d’administration après avis duComité scientifique et du Conseil écono-mique, social et environnemental (cf. arti-cle 9). Ainsi encore, dans le Parc desCalanques, même dans les zones de pro-tection renforcée, on pourra toujourspêcher en barque de façon artisanale, parexemple les seiches et les calamars « à laturlutte », une ligne armée de plusieursleurres bardés d’hameçons et imitant pois-sons ou crevettes. En effet, les petitsmétiers de la pêche maritime rattachés à laprud’homie de Marseille, Cassis, la Ciotat,Bandol, Le Brusc ou Sanary-sur-Mer au1er janvier 2012 (articles 11-II et 30) sontautorisés. L’emploi des filets traînants etdes chaluts sont également autorisés auxpêcheurs professionnels rattachés à laprud’homie de Marseille, Cassis, la Ciotat àcette même date (articles 11-III-1 et 29). LeParc des Calanques est donc le premier oùchasseurs et pêcheurs conserveront desactivités importantes, du moins pendantplusieurs années. Heureusement, cesdérogations, ne sont ni transmissibles etrenouvelables et doivent disparaître enprincipe avec la cessation d’activité desbateaux de pêche et au plus tard le20 avril 2027 ainsi qu’à la disparition despropriétaires de droit de chasse.

On espère en tous les cas que côtéfalaises de calcaire blanc l’aigle de Bonelli

et la chauve-souris colosse de Cestoniseront sauvés, et que côté mer dans lescalanques, le mérou, l’oursin diadème etles peuplements de poissons et d’inverté-brés dans les herbiers de posidonie serontpréservés.

Cependant, de nombreux opposants auparc, tels que représentants des pêcheurs,des sociétés de chasse, des propriétairesde cabanons, des organisations de plon-gée ou d’escalade, de sociétés nautiqueset de navigation de plaisance, craignentque les contraintes menacent leurs activi-tés ou leurs prérogatives ; ils ont déjàdécidé d’attaquer le décret en Conseild’État.

Avec l’afflux touristique, gageons quel’été va être chaud pour le directeur de cepremier parc naturel national en périphériede ville, car le décret prévoit que de nom-breuses activités sont soumises à sonautorisation ou à celle de son conseil d’ad-ministration (composé de 51 membres).Espérons qu’il ait d’emblée les moyens (etla volonté) de contrôler l’application de tousles règlements et d’en sanctionner ferme-ment les infractions.

Ces dérogations à l’interdiction dechasse et de pêche constituent un précé-dent fâcheux qui encouragera les réclama-tions de dérogations dans les autres parcsnationaux. Ainsi, moins de trois semainesaprès la publication de ce décret, un nou-veau décret du 4 mai vient modifier ledécret du 22 avril 2009 pris pour l’adapta-tion de la délimitation et la réglementationdu Parc national de Port-Cros, en appor-tant notamment (cf. article 5) des déroga-tions à l’interdiction totale de chasse quifigurait à l’article 9 de l’ancien décret. Lestitulaires de permis de chasse qui justifient,dans le cadre de leur société de chasse,d’une autorisation des propriétairesconcernés pourront désormais chasser lelapin de garenne et 8 espèces d’oiseaux(faisan commun, pigeon ramier, bécasse,merle noir et 4 grives – litorne, draine, mau-vis, musicienne), dans le cœur de cet autreparc national du Midi de la France, créé il ya près de vingt ans !

Le nouveau ministre de l’Écologie devraêtre vigilant pour éviter que ce type dedérogations ne « plombe » rapidement laréglementation de tous les autres parcsnationaux.

TAVDK

Source :- Texte du décret n°2012-507 publié au J. O. du 19 avril.- Remi Barroux, Les Calanques, parc national « à lamarseillaise », Le Figaro, 20 avril.- Texte du décret n°2012-649 publié au J. O. du 6 mai.

Dans le rétroviseur (suite)

travaux scientifiques démontrent aptes àressentir douleur et souffrance, au premierrang desquels les invertébrés dotés d’unsystème nerveux central, et deuxièmementsuggéraient d’instaurer une sorte de« présomption de sensibilité », destinée àpréserver des animaux dont il y a tout lieu,scientifiquement, d’estimer qu’ils sontcapables d’un ressenti douloureux. Dès lafin de 2002 et au début de 2003, le dossier« Éthique et invertébrés » a été présenté etremis à la Commission européenne, et dif-fusé auprès des instances ministérielles etscientifiques françaises. La directive de2010 a étendu aux céphalopodes les dis-positions protectrices jusque-là réservéesaux animaux vertébrés, mais n’est pasallée au-delà : il aurait été logique et justifiéqu’elle prenne également en compte les« crustacés marcheurs », dont la « sensibi-lité » a été démontrée en 2009.*

La directive 2010 étend la protection desanimaux aux « formes larvaires autonomeset aux formes fœtales de mammifères àpartir du dernier tiers de leur développe-ment normal ». Mais, pour répondre aux« demandes » des firmes de fabricationdes vaccins (laquelle utilise des œufsembryonnés), elle a écarté les embryonsd’oiseaux arrivés à un stade de développe-ment avancé, ce qui correspond au derniertiers du développement fœtal de mammi-fère. Pourtant ces embryons d’oiseaux sontincontestablement des êtres « sensibles ».C’est là un choix scientifiquement et éthi-quement inacceptable qui entache la direc-tive, ce que nous avons vigoureusementdénoncé.

Ce coup de rétroviseur a fait revivre lesactions de la LFDA durant trois décennies,et montre qu’elles visaient juste. Il montreque l’attitude éthique (ou non éthique) del’homme à l’égard de l’animal est effective-ment liée au degré des connaissancesscientifiques (ou de l’ignorance) que nousavons de lui. Il illustre aussi, concrètement,que même avec la caution du savoir, chan-ger l’attitude de la société des hommesenvers l’animal nécessite du temps, celuid’une génération. La LFDA a toujoursœuvré dans la perspective de résultats àmoyen ou à long terme.

JCN

* Cf. Réflexions à propos d’une expérience encorepeu médiatisée : « Le ressenti de la douleur chez lescrustacés ». Thierry Auffret van der Kemp, Supplémentau Bulletin d’informations de la LFDA n° 63, octobre2009.

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ÉTHIQUE

DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012 - 11

Un zoo plus vrai que nature ?

Fermé depuis novembre 2008, le zoo deVincennes a vu la première pierre des tra-vaux de restructuration posée le 7 décem-bre 2011.

Le chantier va bon train depuis, et sonouverture au public est prévue pour le prin-temps 2014, le retour des animaux étant pro-grammé pour l'été 2013.

Ce projet est présenté comme « le zoo duxxIe siècle où l'animal sera regardé commeun ambassadeur de la biodiversité » vis-à-vis d'un visiteur qui devrait être immergé,selon ses promoteurs, dans un voyage des-tiné à le sensibiliser à la fragilité des écosys-tèmes et ce, grâce à six biozones.

Un millier d'animaux représentés par 170espèces différentes sera réparti sur la par-celle de 14,5 hectares sur lesquels se dérou-lent actuellement les travaux et dont lemontant estimé à 167 millions d'euros n'a pasdécouragé les promoteurs ni les pouvoirspublics. Ces derniers estiment en effet que le

projet de restructuration du zoo est plébiscitéau travers de l'enquête publique qui a recueilliplus de 70 % d'avis favorables. (1)

Près d'1,5 million de visiteurs chaqueannée sera nécessaire après sa réouverturepour atteindre l'équilibre budgétaire. 300000visiteurs/an en moyenne étaient comptabili-sés avant sa fermeture. On mesure l'am-pleur du pari commercial. (2)

Ce qui est présenté comme la future vitrinedu bien-être animal tiendra-t-il ses pro-messes sur un plan financier? L'avenir ledira. Est-il une vitrine technologique? Sansdoute.

Mais ce projet reconduit en fait le mythe du« zoo idéal » pérennisé depuis le xIxe sièclepar de nombreux zoos ou parcs en Europe,en Amérique ou dans d’autres pays où lesavoir faire technique et les avancées archi-tecturales et paysagères cachent en réalitél’illusoire désir de maîtriser la nature sau-vage. (3)

Au-delà de l'illusion d'une nature reconsti-tuée et des enjeux financiers, se pose laquestion de savoir si ces travaux sont com-patibles avec la rigueur financière qui s'im-pose dans ces temps de crise et avec lamisère humaine qui s'étale jusqu'aux portesdu zoo. Les campements et tentes de sansdomiciles fixes se multiplient toujours un peuplus dans le bois de Vincennes.

Parions que ces derniers auront été« déplacés » avant la réouverture du zoo afinde ne pas troubler les visiteurs avides dedépaysement. Et faisons un souhait, à savoirqu'après avoir trouvé le financement pourenfermer des animaux qui ne demandaientqu'à vivre libres, qu’il soit trouvé 167 millionsd’euros pour reloger des citoyens qui nedemandaient eux qu'à retrouver un toit.

PV(1) Le Figaro, 7/12/11(2) Le Parisien, 9/1/12(3) Cf. Éric Baratay et Élisabeth Hardouin-Fugier, Zoos,histoire des jardins zoologiques en occident (xVIe-xxe siè-cle), éditions La Découverte, 1998.

Des inconnus dans la maison

Il ne s’agit ni du roman de GeorgesSimenon, ni du film fameux d’Henri Decoin.Mais des nouveaux titulaires des ministèresconcernés par l’animal. Des inconnus? Plusou moins; il est intéressant de chercher à lesconnaître mieux en partant à la quête de telleou telle déclaration de l’un ou de l’autre à cesujet.

La liste des ministères qui nous concer-nent comprend principalement l’Agriculture,l’Enseignement supérieur et la Recherche,l’Écologie, et moins directement la Justice,l’Éducation nationale, et l’Intérieur.

Stéphane Le Foll est le nouveau ministrede l’Agriculture et de l’Agroalimentaire.Député européen depuis 2004, membre dela commission agriculture et développementrural du Parlement européen, proche colla-borateur d’Edgar Pisani, il a montré son inté-rêt pour une mise en cause du« productivisme qui détériore le milieu natu-rel », pour une approche économique duproblème agricole en tenant compte de sesaspects culturels et écologiques, pour unerépartition plus juste des aides directes etpour un soutien accru aux petits agriculteurs,qui vise à compenser les fonctions de jardi-nier du paysage, de conservateur de la cam-pagne et de ses paysages, et d'éleveurattentif au bien-être des animaux. Il paraîtainsi être partisan d’une rupture avec l'agri-culture polluante et standardisée, à la condi-tion de travailler davantage la terre,déclarant: « Il faudra aussi davantage de tra-vailleurs dans les champs. » L’impressiongénérale est plutôt rassurante. Deux pointsparticuliers le sont moins: il est un ami per-sonnel du président de la FNSEA, laquelles’est dite satisfaite de la nomination de ce

ministre et deux, il a nommé directeur decabinet, M. Mauguin, ingénieur agronome,lequel était directeur des pêches maritimeset de l'aquaculture depuis mai 2009, alorsque la pêche a été transférée au ministèrede l’Écologie, sous le titre d’économie mari-time…

Geneviève Fioraso, à l’Enseignementsupérieur et à la Recherche, était députée del’Isère depuis 2007, membre de l'Office par-lementaire d'évaluation des choix scienti-fiques et technologiques; elle s’était chargéeà l'Assemblée nationale des questions rele-vant de la recherche et de l'innovation, saspécialité étant la haute technologie, lesmicro et nanotechnologies. Il ne semble pasqu’elle se soit jamais exprimée sur la biologieet l’expérimentation sur l’animal. Réputéesavoir monter les dossiers, mettre lesacteurs en contact, trouver des finance-ments, on pourrait espérer qu’elle appliqueces qualités à la recherche et au développe-ment des méthodes substitutives, dont laFrance scientifique et économique pourraitbénéficier au travers de brevets.

Nicole Bricq*, ministre de l’Écologie, duDéveloppement durable et de l’Énergie, spé-cialisée en droit économique et fiscal, séna-trice depuis 2004, était rapporteur général dela commission des finances du Sénat. Elle afait partie du cabinet de Ségolène Royale,alors ministre de l’Écologie, comme chargéedes relations avec le Parlement et les élus.On en déduit qu’à l’époque, elle a nécessai-rement été en contacts répétés avec lesdéputés et sénateurs s’occupant de lachasse et des chasseurs ! Mais on ignoreson opinion à ce sujet, et l’on ne trouveaucun signe de son intérêt personnel pour

l’écologie, au sens réel du terme. Notonsqu’un ministre délégué auprès de la ministrede l’Écologie se trouve chargé de « l’écono-mie maritime »*, ce qui inclut la pêche.

La nomination de N. Bricq a d’ailleurs crééla surprise ; elle était attendue au budget.L’explication probable pourrait bien être unpossible transfert à l’Élysée du groupe d’ex-perts en écologie constitué autour du candi-dat François Hollande, afin de ne pas laisserce sujet « central » à l’allié écologiste, appa-remment jugé brouillon et peu fiable… Cegroupe (source: Le Monde, 16 mai), dirigépar Marie-Hélène Aubert, ancienne députéeVert à Strasbourg, comprenait GéraudGuilbert (responsable du pôle écologie auPS), François Brottes (du groupe énergie àl’Assemblée nationale, Manuel Flam ( spé-cialiste de l’économie verte), Diane Szynkler(Ancien x et ingénieur des Ponts), MaudLelièvre juriste de l’environnement, ainsiqu’une sénatrice chargée de l’environne-ment au PS, Laurence Rossignol, et troisdéputés PS, Philippe Martin (opposant auxOGM et aux gaz de schiste), PhilippeTourtelier, et Geneviève Gaillard, qui a déjàmontré son intérêt pour la cause animale. Sice pôle écologique rejoignait l’Élysée, il estprobable que le ministère de l’Écologiedeviendrait alors purement exécutif, chargéde mettre en œuvre les options et décisionspolitiques prises Faubourg-Saint-Honoré.Notons que réserver une place particulière àl’écologie au sommet de l’État, s’approche-rait de la grande idée politique, lancée par laLFDA en 1981, de faire du président de laRépublique, non pas seulement « le garantde l’intégrité du territoire » au seul sens deses frontières selon la Constitution, mais u

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ÉTHIQUE

12 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012

Des inconnus… (suite)

aussi « le garant de l’intégrité biologique duterritoire national », le contenu étant aussirespectable que le contenant. Le temps estpeut-être venu de relancer cette proposition.

JCN* Au moment où cettre revue est mise sous presse

nous apprenons que, par suite du remaniement gouver-mental du 21 juin, Mme Delphine Batho a été nomméeministre de l'Écologie, du Développement durable et del'Énergie, en remplacement de Mme Nicole Bricq, nomméeministre du Commerce extérieur, et que MonsieurFrédéric Cuvillier a été nommé ministre délégué auprèsde la ministre de l'Écologie, chargé des Transports, de laMer et de la Pêche.

Télégrenouille

Les prévisions météorologiques présen-tées par les chaînes de télévision françaises,publiques comme privées, semblent neconcerner que des citadins, avides devacances ou de week-end agréables. Toutedépression barométrique, annonciatrice deprécipitation, est régulièrement qualifiée de« perturbation »; et un anticyclone, surtoutcelui des Açores, est un bienfaiteur de l’hu-manité, qui apporte soleil et ciel sansnuages, et permettra à tous d’aller lézardersur les plages ou les pelouses. Le tempsmaussade donne le bourdon, la pluie vagâcher la fin de semaine, et devient unecatastrophe si elle dure plus d’une journée.Mais on doute que les agriculteurs seréjouissent d’entendre vanter les délicesd’une température estivale, ou annoncer unepleine semaine de « beau temps », alors queles rivières maigrissent, que l’eau souter-raine s’assèche, et que certains d’entre euxont dû envisager de faire abattre leurs bêtes,faute d’herbage raréfié par la sécheresse.Mais nos télé-pseudo-météorologues agi-tent des bras de sémaphore en moulinetsdevant la carte de France et semblent n’avoird’intérêt que pour l’homme des villes et sesloisirs, sans jamais citer la nature et sesbesoins. Il faudrait inaugurer, en contre-poids, une météo-télé-grenouille, dont lesbulletins pourraient être de ce genre:

Après plusieurs journées d’une perturba-tion due aux hautes pressions stagnant surle pays, et entraînant un ensoleillementcontinu et excessif, des températures anor-malement élevées pour la saison et unesécheresse inquiétante, enfin une bonnenouvelle. Un front froid va aborder nos côteset gagner toutes nos régions, apportant uneépaisse couverture nuageuse qui va cacherprogressivement la fournaise solaire, etamener une large zone d’humidité. Ce beautemps sera caractérisé par des ondéesabondantes et répétées, qui vont emplir lesmares et les ruisseaux, baigner les feuil-lages, imbiber les racines, emplir les nappesphréatiques, et favoriser les éclosions d’in-sectes. À tous, télé-grenouille souhaite unexcellent week-end de pluie!

JCN

Les chiens, victimes oubliées du Titanic

Il y a cent ans le Titanic, orgueil de laWhite Star Line, navire présenté commeinsubmersible, achevait son voyage aularge de Terre-Neuve dans la nuit du 14 au15 avril 1912, après avoir heurté un ice-berg. 1517 personnes sur les 2223 (y com-pris le personnel de bord) que transportaitle navire devaient périr lors du naufragedemeuré le plus célèbre et le plus média-tisé de l’histoire maritime. Si l’histoire duTitanic est connue de tous, l’on connaîtmoins en revanche le sort qui fut réservéaux chiens qui se trouvaient à bord.

La Widener Art Gallery de la WidenerUniversity à Chester (près de Philadelphieen Pennsylvanie) a organisé du 10 avril au12 mai (1) une exposition pour commémo-rer le centième anniversaire du naufrage.Cette exposition intitulée «RMS Titanic :100 Years », évoque l’histoire des habitantsde Philadelphie (100 personnes dont 78survécurent au naufrage) qui avaient effec-tué la traversée fatale à bord du Titanic.

L’originalité de cette exposition estd’avoir, pour la première fois, abordé le sortdes chiens qui étaient montés à bord duTitanic à Southampton, au travers detémoignages, d’objets divers et de photo-graphies. Tous appartenaient à des voya-geurs de 1re classe. En effet, les gensriches ou célèbres avaient pris, dès cetteépoque, l’habitude d’emmener leurs ani-maux de compagnie lors de leurs voyages.

Il n’existait pas à bord du Titanic de listeofficielle des animaux transportés car cesderniers étaient considérés comme de sim-ples marchandises.

Le commissaire de l’exposition, lePr Edgette de la Widener University (2), anéanmoins réussi, à l’issue des recherchesqu’il mène sur le Titanic depuis environ 20ans, à établir, grâce à des témoignages etaux documents de bord, que 12 chiens (3)étaient à bord lors du naufrage dont seuls 3ont miraculeusement survécu au drame. LePr Edgette n’exclut cependant pas qu’il aitpu y avoir encore d’autres chiens à bordvoire même d’autres animaux (des chatspar exemple) mais rien ne l’atteste.

Il y aurait eu à bord :1 fox-terrier, 1 Cavalier King-Charles, 2

airedales, 1 bouledogue français, 1 granddanois, 1 chow-chow, 1 caniche nain, 2 lou-lous de Poméranie, 1 terre-neuve? (incerti-tude sur la race ; certains témoins affirmentavoir vu un terre-neuve à bord) et 1 péki-nois.

Les trois survivants étaient ceux quiétaient les plus petits (les 2 loulous dePoméranie et le pékinois). Ces derniersétaient restés avec leurs maîtres et purentêtre emmenés discrètement, dissimuléssous la veste de sauvetage, dans lescanots de sauvetage. Les autres chiensétaient restés dans le chenil (certains

témoignages affirment cependant qu’ilsauraient été, à un moment donné – lorsquele naufrage devint inéluctable – libérés del’enclos, mais ils n’avaient pu prendre placedans les canots de sauvetage) et ne purentêtre sauvés malgré les tentatives parfoisdésespérées de leurs propriétaires tellecelle de l’une des passagères, AnnElizabeth Isham. Cette dernière auraitrefusé de quitter le navire sans son chien(un grand danois) qui ne pouvait embar-quer dans un canot de sauvetage comptetenu de sa taille.

La famille Carter qui avait assuré sesdeux chiens (un airedale et 1 épagneulKing-Charles), tous deux disparus lors dunaufrage, fut indemnisée par la compagnied’assurance à hauteur de $ 100 pour leCavalier King-Charles et 200 $ pour l’aire-dale (ces indemnités correspondent à lavaleur déclarée par William Carter à lacompagnie d’assurance pour chacun deses deux chiens).

Le chien du capitaine du navire, EdwardSmith, dénommé Ben n’était pas à bordlors du naufrage. Il se trouvait certes à bordla veille du départ et y passa la nuit dans lacabine de son maître. Mais comme Benavait été donné récemment en cadeau à lafille du capitaine Smith par le milliardaireaméricain Benjamin Guggenheim, il étaitretourné au domicile des Smith avant quele navire ne lève l’ancre.

Félicitons la Widener University pour soninitiative qui rend hommage aux chiens quiont partagé le sort des 1 517 personnesdisparues lors du naufrage le plus célèbrede l’histoire.

JMN

1. http://www.widener.edu/newsevents/newsde-

tails.asp?Channel=%2FChannels%2FAdmissions+and

+Campus+Wide&WorkflowItemID=df9f6a6b-e140-

4d19-b191-3fa14200b32e

2. http://news.yahoo.com/dogs-titanic-untold-story-

163100569.html

3. Selon Mme Janice Servais, chercheuse au Titanic

Museum Attraction à Branson (État du Missouri, USA),

seule la présence de 10 chiens à bord a pu être docu-

mentée dont 3 survécurent.

http://www.petside.com/article/dogs-lost-sea-facts-

or-titanic-tales

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ÉTHIQUE

DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012 - 13

Le New York Times dans son édition du4 janvier consacre un article d’une page àl’expansion des « Animal Studies » (enfrançais : « études animales ») aux États-Unis, domaine aux contours indéfinis quiattire de plus en plus d’universitaires ensciences sociales.

L’article rappelle que par le passé,l’étude des animaux relevait exclusivementdes sciences biologiques. L’histoire, la phi-losophie et les sciences sociales quant àelles, ne s’intéressaient qu’aux seulshumains. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

L’auteur de l’article montre, à l’exemplede programmes qui ont été lancés récem-ment par de grandes universités améri-caines telles que, par exemple, Harvard(« Humains, animaux et cyborgs »),Darmouth (« Les animaux et les femmesdans la littérature occidentale ») ou la NewYork University (« Les animaux, les per-sonnes et leurs relations »), que lessciences sociales s’intéressent désormaisaux animaux.

Ces programmes se développent dansde nombreuses universités aux États-Uniset font partie d’un domaine nouveau,appelé « Animal Studies », en pleineexpansion mais dont les contours restentencore indéfinis.

Mark Bekoff, professeur d’écologie et debiologie évolutionniste à l’université duColorado précise que ce domaine incluttout ce qui traite de la façon dont leshumains et les animaux interagissent. Lesarts, la littérature, la sociologie, l’anthropo-logie, le cinéma, théâtre, la philosophie, lareligion en font partie ; on parle d’animauxdans toutes ces matières.

Comment expliquer l’émergence de cenouveau domaine? L’article du New YorkTimes avance plusieurs explications.

Ce domaine reposerait, en partie, surl’évolution de la recherche scientifique quia gommé la séparation très nette qui exis-tait par le passé entre humains et autresanimaux. En effet, grâce aux progrès de lascience, nous savons désormais que d’au-tres espèces ont également développé desformes de langage, utilisent des outils etont même une certaine forme de morale.

Les « Animal Studies » auraient aussipour origine les études dites « culturelles »,qui, au fil du temps, se sont intéressées àdes êtres humains jusque-là ignorés etmarginalisés. C’est ainsi que certains uni-versitaires se sont alors demandés pour-quoi nous devrions en rester là et pourquoiil faudrait maintenir la frontière incertaine etinvisible qui sépare notre espèce de toutesles autres (1).

Le Animals and Society Institute, créé il ya six ans, recense à ce jour plus de 100cours dans les collèges et universités auxÉtats-Unis qui peuvent être classés dans la

catégorie très hétéroclite des « AnimalStudies ». Au cours des dernières années,instituts, livres, séries et conférences ontproliféré. Des programmes académiquesofficiels sont même apparus.

L’article cite notamment, à titre d’exem-ple, les universités Wesleyan et deMichigan State qui, pour cette dernière,permet à des étudiants en master et endoctorat de se focaliser sur des « AnimalStudies ».

L’auteur de l’article rappelle que les ani-maux n’ont en réalité jamais été oubliés parles scientifiques. De tout temps penseurset écrivains se sont intéressés à ce qui dis-tingue « les humains des autres animaux »et à la façon dont nous devrions traiter noscousins plus ou moins éloignés.

Cependant, cet intérêt accru pour les ani-maux est nouveau et les scientifiques yvoient plusieurs raisons.

Kari Weil, un professeur de philosophie àl’université Weslegan considère que lascience comportementale et environne-mentale a jeté les bases de cet intérêt enfaisant prendre conscience aux humainsque nous sommes une espèce parmi d’au-tres espèces, que nous sommes, commeles autres animaux, soumis aux forces dela nature.

L’article évoque en particulier l’exemplede Jane Goodall et de l’effet qu’elle a pro-voqué en montrant la première, la viesociale et émotionnelle des chimpanzés.

L’article cite également à titre d’exemple lavidéo très connue qui peut être visionnéesur le site internet de partage You tubemontrant une corneille de Nouvelle-Calédonie se servir d’un fil de fer pour enfaire un outil lui permettant de récupérer dela nourriture au fond d’un bocal étroit (2).

L’auteur de l’article estime cependantque c’est probablement la philosophie qui aexercé l’influence la plus directe sur ledéveloppement de ce domaine.

Le livre de Peter Singer, AnimalLiberation, publié en 1975 constitua sansnul doute une étape décisive en plaidantcontre la mise à mort, la consommation etl’expérimentation animale. Peter Singer sedemandait comment les humains pou-vaient exclure les animaux de toute consi-dération morale, comment ils pouvaientjustifier les souffrances causées aux ani-maux. Selon Lori Gruen, responsable dudépartement de philosophie à l’universitéWesleyan, l’une des questions majeuresen philosophie est celle-ci : « Vers quidevrions-nous diriger notre intérêtmoral? ». Elle précise qu’il y a trente ans,les animaux étaient à la périphérie des dis-cussions philosophiques sur l’éthique ;aujourd’hui, l’animal est au cœur de toutediscussion en matière d’éthique.

Jane Desmond de l’université de l’Illinoisestime que l’attitude du grand public a éga-lement joué un rôle déterminant en s’inter-rogeant sur la sécurité de la chaînealimentaire comme en témoignent les nom-breux ouvrages à grand succès consacrésau refus de tuer et de consommer des ani-maux.

Selon le New York Times, l’intérêt pourles « Animal Studies » tire également sonorigine du courant philosophique dont lechef de file était Jacques Derrida. Dans sonouvrage L’animal que donc, je suis (2), lephilosophe évoquait non seulement ce qu’ilpense de son chat mais s’interrogeait aussisur ce que son chat pense de lui (« Un ani-mal me regarde. Que dois-je penser decette phrase ? »). Ce à quoi pensent lesanimaux ou plus exactement ce qu’ils ont ànous dire, intéresse désormais les scienti-fiques. Il existe cependant, selon le profes-seur Weil de l’université Wesleyan qui faitallusion au fossé séparant les animaux desautres oubliés du passé tels que les noirset les femmes, une différence fondamen-tale : l’impossibilité des animaux à commu-niquer dans un langage reconnu parl’académie.

En conclusion, le New York Times estimeque la difficulté à laquelle se heurtent les« Animal Studies » tient à leur grande diver-sité. Comment apporter de la cohérence àcet ensemble hétéroclite aux contoursjusqu’à présent indéfinis ? L’article n’ap-porte aucune réponse à cette questionu

L’expansion des « Animal Studies » aux États-Unis

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ÉTHIQUE

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« Animal Studies (suite)

mais considère qu’il faudra encore attendrelongtemps avant que les « AnimalStudies » ne puissent un jour être recon-nues comme un domaine académique àpart entière. Selon le Pr Desmond de l’uni-versité de l’Illinois, ce n’est pas encore undomaine en soi, c’est une « communautéscientifique émergente ».

Il est à regretter que l’article du New YorkTimes ne soit pas un article de fond etn’aborde que de manière superficielle lescauses à l’origine de la formidable expan-sion aux États-Unis des programmesd’études et de recherche consacrés auxanimaux. Gageons cependant que le formi-dable engouement observé pour cedomaine nouveau donnera lieu prochaine-ment à des analyses et réflexions plusapprofondies.

JMN

1. NDDR: Cet important problème des « frontières » afait l’objet des trois colloques « Humanité, animalité :quelles frontières? » organisés par la Fondation LFDAen 2003 et 2004 (à l’Institut de France), et 2005 (à lafaculté de médecine Pitié-Salpêtrière), dont les actesont été publiés en 2006 sous la direction de J.-C. Nouëtet G. Chapouthier aux éditions Connaissances etSavoirs.

2. http://youtu.be/UDg0AKfM8EYLa vidéo montre une expérience réalisée dans le

cadre d’une étude « Shaping of Hooks in NewCaledonian Crows A. A. S. Weir, J. Chappell, A.Kacelnik » publiée dans la revue Science 297, 981(2002). L’étude portait sur les aptitudes des corneillesde Nouvelle-Calédonie à fabriquer des outils. Danscette expérience, une corneille femelle captive confron-tée à une situation particulière (il lui fallait récupérer dela nourriture au fond d’un bocal étroit et profond) néces-sitant un outil de forme courbe, s’est spontanément ser-vie d’un morceau de fil de fer droit pour le courber detelle façon qu’il prenne la forme d’un hameçon. La cor-neille a reproduit un tel comportement à neuf reprisessur dix tentatives. Il convient de noter que la corneilleobjet de l’expérience n’avait acquis par le passé aucuneexpérience dans l’utilisation de matériaux non naturelset en particulier n’avait jamais utilisé de fil de fer.

2. « À poil devant un chat » in L’animal que donc jesuis, édition établie par Marie-Louise Mallet, Paris,Galilée, 2006, pages 18-28.

L’ONU et le bien-être animal

futures » (§ 8), et que « les gouvernementsdevraient fixer des objectifs du Millénairepour la consommation pour la période 2012-2020, en créant un droit intergénérationnel etinternational à la consommation équitable et[...] en respectant les animaux » (§ 15). Ainsifigurent les objectifs de protection et de res-pect des animaux dans le sens de « bien-être animal » si l'on se réfère à la versionoriginale en anglais qui mentionne explicite-ment cette notion à travers l'expression« animal welfare » (1).

De manière générale, certains modes deproduction et de consommation apparais-sent comme n’étant pas ou plus durables.Citons notamment le cas de l’élevage inten-sif qui n’est « durable » ni pour l’environne-ment, étant l'un des principaux responsablesdu réchauffement climatique (2), ni pour lesanimaux du point de vue éthique, en vertu dela quantité de souffrances engendrées quis'avère toute aussi industrielle que ce moded’exploitation (3). En outre, cet élevage nesemble pas non plus durable du point de vuehumanitaire sachant que la réduction de laconsommation de produits carnés par lespays industrialisés permettrait aussi demieux nourrir les populations du tiers-monde. En effet, les céréales, pour pasmoins du tiers de leur production mondiale,servent « à l'alimentation du bétail des paysriches alors que, consommés directement,elles pourraient nourrir 1 milliard et demid'êtres humains de plus » (4).

Après son apparition au sein des normesde l’Organisation mondiale de la santé ani-male (OIE) au début des années 2000 (5), lebien-être animal commence à être pris enconsidération par l'ensemble des États dansle cadre de l’Organisation des Nations unies,au moins à travers l’impératif prioritaire sur lascène mondiale qu'est le développementdurable. En ce sens, la prise en compte dubien-être animal peut être considéréecomme une manière de « répondre auxbesoins et aspirations » des « générationsprésentes et futures » afin de garantir unmonde plus « durable » pour les animaux dupoint de vue éthique ou moral (6). Plus géné-ralement et afin d'aller au-devant de cettenouvelle prise en compte, une Déclarationuniverselle sur le bien-être animal est propo-sée en vue de son adoption par l’Assembléegénérale des Nations unies comme « moyenpour améliorer le bien-être des animaux » àl'échelle mondiale (7). Bénéficiant du soutiencroissant de nombreux États et organismesde protection (8), cette courte déclarationsans valeur juridique obligatoire présentenéanmoins l'intérêt de poser les bases d’uneprotection globale du bien-être animal. Toutd’abord, elle pose le principe selon lequel :« Les animaux sont des êtres sensibles etleur bien-être doit être respecté » (Art.1).Ensuite, elle définit le bien-être animal

comme un « état positif de bien-être » à lafois « physique et psychologique » (Art.2).Puis, elle précise que les « animaux sensi-bles » concernent « tous les vertébrés » et« certains invertébrés » (Art.3). Enfin, elleformule comme recommandation généralepour l'ensemble des États de « prévenir lacruauté envers les animaux et de réduireleurs souffrances » (Art.4), à travers « toutesles mesures nécessaires » les plus « appro-priées » (Art. 5,67).

Si cette déclaration en venait à être adop-tée par l'Assemblée générale des Nationsunies, la protection du bien-être animal pour-rait être reconnue comme un nouvel objectifcommun à tous les États. De plus, cettedéclaration pourrait permettre d'ouvrir la voievers une protection positive en droit interna-tional, par exemple à travers l'adoption d'uneconvention internationale sur le bien-êtreanimal, laquelle fait encore cruellementdéfaut.

SB

1. Declaration A/66/750 of the United Nations GeneralAssembly, 20 March 2012, en ligne :http://www.un.org/wcm/webdav/site/dpingorelations/shared/Final %20Declaration/BonnEng.pdf2. Selon le Programme des Nations unies pour l'environ-nement: Le secteur agricole et plus particulièrement l'éle-vage contribue de manière importante au changementclimatique sachant que le volume des gaz à effet de serreémis est comparable à celui du secteur des transports.Voir en ligne: UNEP/AGRI-FOOD: http://www.unep.org/climateneutral/Topics/Agrifood/tabid/139/Default.aspx3. Voir David Fraser, Le bien-être des animaux et l'inten-sification de la production animale: une autre interpréta-tion, Organisations des Nations unies pour l'alimentationet l'agriculture (FAO), 2006.4. Voir Alfred Kastler, « Quelques mots sur l'une descauses de la faim dans le monde: l'élevage en batterie »et « Les incidences de l'élevage en batterie sur lesenfants pauvres du tiers-monde », Bulletin d'informationsde la Fondation Ligue française des droits de l'animal,Supplément au n°59, Octobre 2008, p. I.5. Voir sur le site de l'OIE, « Objectifs et actions de l'OIEen matière de bien-être animal », en ligne :http://www.oie.int/fr/bien-etre-animal/themes-principaux/6. Voir le rapport de la Commission modiale sur l’environ-nement et le développement, Notre avenir à tous,Montréal, les publications du Québec, Éditions du Fleuve,1988, p.52. Le développement durable y est définicomme un « développement qui répond aux besoins duprésent sans compromettre la capacité des générationsfutures à répondre aux leurs ».

7. Voir en ligne la dernière version de la proposition deDéclaration universelle sur le bien-être animal de 2011 enanglais : http://s3.amazonaws.com/media.animalsmat-ter.org/files/resource_files/original/Latest %20draft %20UDAW %20Text %20- %202011.pdf?131417748

8. Plus de 330 groupes de protection des animaux,près de 2 millions de personnes et de nombreux gouver-nements appuient ce projet – y compris le Cambodge,Fiji, la Nouvelle-Zélande, Palau, les îles Seychelles, laSuisse et les 27 états membres de l'Union européenne.Voir en ligne sur le site de la Société mondiale pour la pro-tection des animaux (WSPA) :http://fr.wspa.ca/travail/DUBEA/.

À l'image du concept de « développementdurable » apparu à la fin du siècle dernier, leconcept de « bien-être animal » commenceà apparaître au sein de l’Organisation desNations unies en ce début de xxIe siècle. Eneffet, le bien-être animal figure parmi lesnouveaux « Objectifs du Millénaire pour laconsommation » dans le cadre de laConférence des Nations unies sur le déve-loppement durable (Rio, 20-22 juin).

La Déclaration A/66/750 adoptée parl’Assemblée générale des Nations unies le20 mars 2012 prévoit en ce sens que « leséconomies vertes, dans le contexte du déve-loppement durable [...] protègent les ani-maux et la biodiversité pour les générations

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ÉTHIQUE

DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012 - 15

Massacres d’éléphants en Afrique

De nombreux médias se sont récemmentfait l’écho de l’abattage d’au moins 200 élé-phants dans le parc national de BoubaN’Djida, au Cameroun. Ces actes de bra-connage se répètent malheureusementchaque année et ne sont pas limités à ceseul pays. Des survols aériens réguliers duparc de Zakouma, au Tchad, ont ainsi révéléun déclin des effectifs, passés de 3885 élé-phants en mars 2005 à 617 en octo-bre 2009! Persuadée qu’elle avait commisune erreur de comptage, l’équipe améri-caine spécialisée dans ces dénombrementsdécida de les reprendre à zéro, et retrouvaexactement les 617 éléphants vivants, maisaussi et surtout, découvrit des centaines decadavres dispersés dans la savane etamputés de leurs défenses!

Le braconnage n’épargne même pas despays considérés comme modèles de ges-tions des parcs et des réserves, comme leKenya, où les gardes ont compté 278 élé-phants abattus illégalement en 2011, contre177 en 2010. Le tourisme de faune est pour-tant la deuxième ressource du pays,employant 160000 personnes et rapportantplus d’un milliard de US $ par an ! Afin deperfectionner leurs méthodes de lutte contrele braconnage, les Kenyans ont même missur pied, depuis dix ans, des équipes dechiens détecteurs – « sniffer dogs » - utilisésaussi bien pour le pistage des braconniers

en brousse que pour la fouilledes bagages à la sortie dupays. Comme par hasard,90 % de l’ivoire confisqué àl’aéroport de Nairobi a jusqu’àprésent été trouvé dans lesbagages de voyageurs chi-nois! La présence actuelle deplus de deux millions de tra-vailleurs et d’hommes d’affairechinois représente d’ailleursune menace de premier planpour la faune africaine, etnotamment pour les éléphantscomme pour les rhinocérosdont les cornes sont recher-chées par la pharmacopéechinoise.

Équipés d’armes moderneset notamment des fameuseskalachnikovs qui prolifèrentdans les villages africains, lesbraconniers représentent éga-lement une menace perma-nente pour les forces del’ordre et pour les touristes.Depuis 1990, année où l’inter-diction du commerce del’ivoire est officiellemententrée en vigueur, des cen-taines de gardes des parcsnationaux ont trouvé la mort,dans différents pays d’Afrique:

Kenya, Tanzanie, Tchad, République cen-trafricaine, Tanzanie, Congo, Zimbabwe etmême Afrique du Sud. Les pertes semblentencore plus importantes parmi les bracon-niers, mais de toute évidence pas réelle-ment dissuasives, compte tenu du coursactuel de l’ivoire au départ de l’Afrique :entre 40 et 50 US $ le kilo, suivant son ori-gine et surtout sa qualité, l’ivoire des élé-phants de forêt étant nettement plusapprécié que celui de leurs congénères despays de savane, plus fragile et difficile à tra-vailler.

L’expérience a montré que seul l’arrêttotal des exportations d’ivoire des paysd’Afrique ou d’Asie pouvait mettre fin au bra-connage des éléphants, en coupant toutsimplement les pays utilisateurs de leurssources. La démonstration en avait été faitelorsque les pays signataires de laConvention de Washington ou CITES quiréglemente le commerce international desespèces menacées de la faune et de laflore, décidèrent lors de leur réunion d’octo-bre 1989, à Lausanne (Suisse), d’inscriretoutes les populations d’éléphants enAnnexe I de la Convention, c’est-à-direparmi les espèces dont tout commerce inter-national est formellement interdit. Le résultatfut proprement miraculeux : les paysd’Extrême Orient, tous signataires de laCITES, ont alors suspendu leurs importa-

tions d’ivoire, mettant ainsi fin au bracon-nage généralisé ! Et à l’inverse, le bracon-nage a repris de plus belle sur l’ensemble ducontinent africain, lorsqu’en 1997 et en2000, la CITES a accepté de rétrograder enannexe II (commerce autorisé) les popula-tions d’éléphants du Botswana, de laNamibie, du Zimbabwe et de l’Afrique duSud, cédant à la pression politique del’Afrique du Sud et de la Grande-Bretagne,étrangement soutenues par le World WildLife Found (WWF) et l’Union internationalepour la conservation de la nature (UICN),tout l’ivoire s’écoulant par la filière d’Afriqueaustrale!

C’est donc aux États signataires de laCITES, et notamment aux États d’Europe,d’Amérique du Nord et d’Asie, de respecterla volonté de la majorité des pays africains,et de prendre maintenant conscience deleurs responsabilités dans la survie des élé-phants en mettant fin à ce trafic morbide parle reclassement de toutes leurs populationsen Annexe I de cette Convention à l’occa-sion de sa prochaine conférence, enmars 2013. Le temps nous est compté.Nous n’étions pas là pour sauver les mam-mouths, mais nous pouvons encore et nousdevons sauver les éléphants!

La SNPN - Société nationale de protec-tion de la nature appelle à un arrêt total ducommerce international de l’ivoire. LaFondation LFDA se joint pleinement à cetappel solennel.

PP

N.D.L.R. - En octobre 2002, la Fondation LFDA avaitpréparé et publié son rapport « Pour les éléphants » quifaisait le bilan des massacres qui se multipliaient depuisle déclassement en annexe II de l’éléphant en 1997,rapport sur lequel s’est appuyée une campagne d’infor-mation internationale, notamment auprès des déléga-tions des pays membres de la CITES.

Le même sujet a fait l’objet d’un article paru dans len° 60 p. 10 du Bulletin d’informations de la LFDA dejanvier 2009 signé de Pierre Pfeffer et J.-C. Nouëtsous le titre « Ivoire et défense d’y voir », qui soulignaitd’une part le succès de la décision de la CITES de1989 (classement en Annexe I et interdiction du com-merce de l’ivoire) suivie d’une augmentation très nota-ble des effectifs des éléphants, et d’autre part lareprise des braconnages et la chute de ces effectifssuivant le déclassement de 1997. Cet article dénonçaitdéjà le rôle de l’Afrique du Sud, par laquelle transitaittout l’ivoire braconné et en quelque sorte « blanchi »au passage pour être soit vendu officiellement, soitécoulé par diverses filières comme en témoignaientles nombreuses saisies effectuées un peu partout parles douanes. Rien n’a été fait depuis, et la situation deconservation de l’éléphant s’est dramatiquementaggravée. Ainsi, par exemple, en réponse au massa-cre de plus de 200 éléphants dans le parc national deBoubandjida, dans le nord du Cameroun, ce pays adécidé de réagir, avec l’entrée en action d’une cen-taine de militaires lancés à l’assaut des braconniers.Le tribunal de Douala a condamné en deuxième ins-tance le 17 avril des trafiquants pris en possession de44 défenses d’éléphants à un an de prison ferme,alors qu'ils n’avaient été condamnés qu’à un mois enpremière instance. Pour la loi camerounaise tuer unéléphant est passible de 3 ans de prison (Sciences etAvenir, avril et juin).

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Tourisme de mort

Le « Salon de la chasse et de faune sau-vage » s’est ouvert le 30 mars à Mantes-la-Jolie (78), dans le Parc des expositions de8 ha de L’île Aumône. Le choix inhabituelde cet endroit n’est pas innocent : cette îlede la Seine comporte également uneréserve ornithologique de 24 ha de prairieshumides et de vasières ainsi qu’un étangd’1 ha, un biotope où les oiseaux peuventvivre et se reproduire en paix. Le lieumême et sa vocation ont donc illustré lerôle de la chasse officiellement attribué parla loi : protéger la nature ! Astucieux !

Ce Salon international a accueilli 400exposants présentant 10 000 marquescommerciales, ainsi que des voyagistesspécialisés dans l’organisation de chasses« de prestige ». On note, par exemple dansune pleine page du Figaro du 28 mars,diverses offres de chasse, aux grouses enÉcosse, au mouflon au Kirghistan, au cerfen Argentine, à l’élan en Alaska. D’autresagences proposent l’Afrique, une destina-tion qui continue de fasciner « les grands »amateurs de chasse à l’éléphant, au buffleou au léopard.

Parmi ces amateurs se compte SaMajesté Juan Carlos, roi d’Espagne, dontla récente actualité a révélé cette passion,pour ne pas dire cette « addiction ». Son« voyage privé » au Botswana et le motif dece déplacement seraient une fois de pluspassés inaperçus si le roi n’avait pas étérapatrié d’urgence par avion à Madrid dansla nuit du 13 avril pour être hospitalisé àl'hôpital USP San Jose de Madrid, où uneprothèse de hanche lui a été posée dès lelendemain. Sa Majesté avait fait une chutedans le campement où elle s’était renduepour y séjourner durant deux semaines,consacrées à satisfaire ses goûts pour lachasse. Ce voyage tenait plutôt d’uneescapade, puisqu’il ne figurait pas àl'agenda officiel du palais. La presse espa-gnole, à l’exception d’ABC, a vertementdénoncé la conduite du souverain, enopposant d’une part l’apparente insou-ciance du roi face aux souffrances du peu-ple espagnol soumis au sévère régimed’austérité appliqué depuis deux ans etdéfendu par Juan Carlos (« le chômagedes jeunes m'empêche de dormir » avait-ildéclaré en mars), et d’autre part les tarifsexorbitants des safaris de chasse auxquelsil se rend. L’agence Rann Safaris sembleêtre l’organisatrice habituelle des chassesafricaines du roi au Botswana, un paysd'Afrique australe dont les vastes réservesanimalières sont l’une des destinations pré-férées des fusilleurs. Elle facture 45496 €un safari de 14 jours pour la chasse à l’élé-phant, 35800 € pour le léopard et 22200 €pour le buffle, à quoi s’ajoute le « prix del’animal » abattu, de 7000 à 20000 € paranimal ! Mais ces dépenses royales n’ont

pas été seules à soulever le scandale. LesEspagnols ont été également choqués parles photos du roi, Président d’honneur duWWF (1) espagnol, posant virilementdevant le cadavre d’un éléphant en compa-gnie de son guide de chasse, et devantdeux cadavres de buffles ; les clichésdataient de 2006, mais ils ont été reprispour faire la une de la presse espagnole du14 avril et être immédiatement diffusésmondialement par le net. Le 18 avril, dansune intervention télévisée de 29 secondes,le roi a fait une déclaration contrite etmesurée conformément aux règles de lacommunication : « Je suis vraiment désolé,j’ai commis une erreur, et cela ne se pro-duira plus. » Non, ce n’est pas une erreur,sire, c’est une faute ! Pour un peu, on s’at-tendait à l‘entendre regretter une« conduite inappropriée », selon la formuleusuelle. Il aurait raison, d’ailleurs, de veillerà ce que ça ne se reproduise plus, neserait-ce qu’en pensant à son arthroplastiedu genou droit de juin 2011, et à la répara-tion d’un tendon d’Achille qui lui a été prati-quée en septembre dernier, des accidentsde l’appareil locomoteur qui en général doi-vent inciter à la modération. Pour lemoment, il doit se déplacer avec deuxbéquilles ; parions que cela ne l’empêcherapas d’aller applaudir à des corridas, uneautre de ses passions.

Mais se priver de chasser lui sera peut-être difficile. Dans la famille, la chasse et legoût des armes doivent être dans le sang,comme l’on dit. C’est un penchant dange-reux, qui lui a déjà coûté très cher : rappe-lons qu’en 1956, Juan Carlos âgé de 18ans a tué accidentellement son jeune frèreAlfonso (14 ans) d'une balle en plein fronten manipulant un revolver. Et tout récem-ment son petit-fils, Felipe Juan FroilanMarichalar y Bourbon, âgé de 13 ans, s'estblessé en se tirant une balle dans le pieddroit alors qu'il s'entraînait au tir (avec « unpetit fusil » a expliqué la famille) alors qu’enEspagne il faut avoir 14 ans pour utiliserune arme à feu.

L’affaire de la chasse à l’éléphant est arri-vée à un bien mauvais moment, alors quela famille royale est empêtrée dans l’affairede corruption et d’escroquerie mettant encause son gendre Iñaki Urdangarin (ex-handballeur et duc consort de Palma deMajorque) et sa fille l’infante Cristina. Bienque bénéficiant du respect et de la recon-naissance du pays pour avoir réussi dansla paix le passage à l’ère post-franquiste,Juan Carlos a été jugé sévèrement, et lesvoix se multiplient réclamant sa démission :un ancien directeur du journal ABC, le plusouvertement royaliste, a même déclaré« Le roi a fait déborder le vase de nospatiences. » En un mot bien trouvé par un

commentateur, la chasse au roi estouverte…

Elle l’a été, chez nous, il y a une trentained’années, contre le président Giscardd’Estaing, tout autant passionné de chasse(une fois par semaine au moins), et surtoutde chasses africaines dont il ne pouvait sepasser, quitte à y partir sans prévenir, cequi semble avoir provoqué quelques vivesréactions de son Premier ministre. En1977, notre collaborateur et ami Jean-Jacques Barloy, co-rédacteur de cetteRevue, avait publié, avec la journalisteFrançoise Gaujour, l’ouvrage Un chasseurnommé Giscard, qui révélait en détail l’ob-session cynégétique du président, presquedu domaine de la « pulsion », le conduisantà participer à des massacres de milliersd’oiseaux à Rambouillet, à traquer l’anti-

lope et l’éléphant en Centre-Afrique, à fusil-ler l’ours en Roumanie ou en URSS. Endévoilant une sorte de secret d’État,aggravé par l’affaire des diamants quiéclata en 1979, cet ouvrage courageux aprobablement contribué à la défaite électo-rale de Giscard d’Estaing de 1981, endétournant les voix des militants de la« protection de la nature », nombreux etconvaincus à l’époque. Il n’est pas impossi-ble que les cadeaux faits aux chasseursfrançais depuis cinq ans coûtent cher auxparlementaires autant de droite que degauche qui les ont votés, ou aux ministresqui les ont signés (2).

JCN(1) World Wildlife Fund ou fonds pour la préservation

de la vie sauvage.(2) L’association Rassemblement pour l’abolition de

la chasse (RAC) a établi une liste de cinquante mesureslégislatives, réglementaires ou conventionnelles favora-bles à la chasse et aux chasseurs, visant à permettre dechasser plus d’espèces, dans davantage de lieux etplus longtemps, à disposer de nouveaux droits, privi-lèges et avantages, à réduire les droits des non-chas-seurs et des opposants à la chasse. Cette liste ne figurepas sur le site du RAC, mais elle peut lui être demandéepar mail : [email protected]

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012 - 17

Le Bruant, ou Bruant ortolan (Emberizahortulana) est un petit oiseau de la familledes embérizidés. Malgré sa petite taille,une quinzaine de centimètres, et son poidsd’un peu plus de 20 grammes, c’est ungrand migrateur, que son voyage d’au-tomne conduit jusqu’au sud du Sahara, duSénégal à l’Éthiopie.

Le truand, en langage courant, est unindividu qui se conduit malhonnêtement,fait fi des lois, et trompe autrui.

Le bruant ortolan, autrefois et pour sonmalheur fréquemment observé dans le sudde la France, de l’Aquitaine à la Provence,a vu ses effectifs s’amenuiser si gravementqu’en 1999, faute de le voir disparaître, il aété classé parmi les espèces protégées,avec interdiction formelle de le chasser dequelque manière que ce soit. Dans leschamps, les fourrés et les vignes, l’ortolanaurait dû ne plus être dérangé, et encoreinvolontairement, que par des promeneursattentifs et bienveillants. Mais cette protec-tion n’a été appréciée ni des chasseurs, nides gourmands dont il faisait le régaldepuis des siècles, surtout dans le Sud-Ouest.

En sorte qu’aujourd’hui, et depuis 1999,l’ortolan est la victime de truands, les unsde l’espèce truand des champs, qui le piè-gent à la glu, en l’attirant avec des oiseauxtenus en captivité (ce qui est égalementinterdit), les autres de l’espèce truand desvilles dont les armes sont la fourchette etles molaires. Les premiers, encore appelés« braconniers » vendent les oiseaux auxseconds aussi appelés « gastronomes »(qui souvent passent commande) au prixsinon de l’or, du moins à celui du caviar. Ilse braconne ainsi près de 30000 ortolanspar an. Et la loi, là-dedans? Une interdic-tion n’a de sens que si elle est appliquée, etd’abord contrôlée. Pour cela il faudrait quegardes et gendarmes puissent intervenir ; ilsemble qu’ils soient régulièrement priésd’aller « voir ailleurs s’il pleut ». Pis encore,par illusion du « tout permis » que donnesouvent la moindre once de pouvoir, ledéputé de la 3e circonscription des Landeset président du Conseil général, a osédemander en août dernier à la ministre del’Écologie une levée de l’interdiction decapture de l’ortolan, du pinson des arbreset du pinson du Nord ; cette initiative a étésaluée comme il se doit par les quelque2000 braco locaux, au nom de la traditionlocale de chasse. Il n’a pas obtenu satisfac-tion (Le Canard enchaîné, 16 novembre2011)

Le temps est heureusement passé, oùjadis en période de chasse, arrivaientchaque jour au Pavillon des volailles etgibiers des Halles Centrales de Paris dessacs emplis à ras bord de « petitsoiseaux », en majorité des ortolans, et

aussi des pinsons. Et il est probable qu’au-jourd’hui M. Alain Juppé ne répéterait pasce qu’il avait confié il y a 15 ans à une jour-naliste : au cours d’un repas : « On nous aservi des petits pinsons à l’ail et au persil ;ensuite nous avons continué avec unepalombe grillée, des alouettes et enfin desortolans », ajoutant : « Ce qui est amusantau sujet des ortolans, c’est qu’il est interditde les chasser, mais dans les bonsendroits, on en trouve toujours. » On nemanquera pas de rappeler que le présidentMitterrand en était un amateur gourmand,jusqu’aux derniers temps de sa vie.

Face à la chasse, qui réclame sanscesse des privilèges supplémentaires etfinasse pour contourner la loi, il faut êtrevigilant. En juin 1999, nous avons faitconstater par huissier que les vitrines d’uncélèbre restaurant parisien du IIIe arrondis-sement de Paris (le restaurant préféré deBill Clinton) portaient en lettres émailléesblanches « de tailles importantes pour êtreremarquées des passants » collées sur leverre, l’une le bandeau « Foie gras.Ortolans », l’autre le bandeau « Foie grasà la mode des Landes. Ortolans ». Cet affi-chage, bien qu’aussi ancien que la vitrineelle-même, nous a semblé pouvoir êtreévoqué comme justifiant une double tradi-tion, gastronomique et cynégétique, etappuyer une contestation de l’interdictionde chasse à l’ortolan. Munie de ce constat,la LFDA a pris contact par avocat avec ladirection du restaurant, en vue de l’enlève-ment de ces bandeaux. Après quelqueséchanges de courriers et sous la menaced’une procédure, le restaurant a capitulé eta accepté de retirer les références à l’orto-lan, espèce protégée depuis l’arrêté du5 mars 1999 et ce « bien que n’en propo-sant plus ni à la vente, ni à la consomma-tion depuis plus de quinze ans ». Cettedécision a été rapportée par quelquesorganes de presse, dont La Charente libredu vendredi 14 juillet 2000, ce qui montraitassez bien l’intérêt local pour ce quiconcerne l’ortolan…

JCN

Bruants et truands Paroles de chasseurs

Les piégeurs s’enferrent

« Le piégeage est une nécessité », titre unarticle de L’Est Républicain du 22 avril. Lespiégeurs agréés de la Meuse « pointent » dudoigt deux associations qui leur mènent lavie dure. Ce sont l’ Association pour la pro-tection des animaux sauvages (ASPAS) etMeuse-Nature-Environnement, lesquelles –se plaignent les piégeurs – « attaquent sys-tématiquement nos arrêtés départementauxdevant le tribunal administratif ». Aussi lespiégeurs sont-ils appelés à multiplier lesenvois à leur association de « fiches de pré-dations », détaillant les dégâts dus aux pré-dateurs.

La Fédération départementale desSyndicats d’exploitants agricoles opère demême. Son questionnaire cherche à justifierune « nuisibilité » de certaines espèces afind’obtenir qu’elles soient maintenues sur laliste des « nuisibles » à détruire. La ficelleest si grossière que le questionnaire faitcroire que le raton laveur et le chien viverrinsont nuisibles aux cultures ! C’est leur étatd’« espèce invasive » qui pose la questionde leur élimination éventuelle, mais pascelui de ravageurs de betteraves ou d’ama-teurs de maïs ! Il y a là une collusion entreles mondes agricole et cynégétique, quin’est pas pour étonner. Cette FDSEA de laMeuse appartient à la fameuse FNSEA(Fédération nationale), laquelle a quelquesennuis judiciaires: elle est jugée à Toulouse,à la suite d’une plainte de la Confédérationpaysanne qui l’accuse d’avoir institué unsystème de cotisations forcées, ce qui estillégal. La FNSEA tire 30 % de ses res-sources globales (évaluées à 6,16 millionsd’euros) de ses cotisations (Le Monde,11 mars).

Dans l’Aube, le Comité départemental dela chasse et de la faune sauvage ne compteplus qu’un « scientifique », et encore c’estun chasseur ! Une motion finale de cettecommission demande d'ajouter à la liste desnuisibles le blaireau, voire les busards !Fermez le ban ! (Le Journal de Saône-et-Loire, 16 mai).

JJB/JCN

Des chasseurs protecteursdes hommes!

« Notre but est de protéger les habi-tants », affirme sans rire le maître d’équi-page d’une chasse à courre. Pour laseconde fois en trois mois, un cerf s’étaitréfugié dans des habitations, à Pont-Sainte-Maxence (Oise). En réalité, ce sont surtoutles chiens qui ont effrayé ces habitants.Mais les chasseurs ont été obligés de lais-ser repartir le cerf (Oise-Matin, 1er février).

« Un bon chasseur se doit d’abattre desrenards, car ils sont vecteurs de maladies. »Eh oui, les chasseurs sont là pour défendre u

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ÉTHIQUE

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Paroles de chasseur (suite)

aussi notre santé! « La nature nous importe,renchérit un autre, et c’est pour ça qu’on estchasseur. On ne peut pas laisser toutes lesespèces proliférer sans rien faire, car si on lefaisait, cela serait nocif pour les bois, maisaussi pour l’homme. » (Oise-Hebdo,16 novembre 2011).

Nous l’avons échappé belle ! Ah, merciMessieurs de transformer nos bois et noschamps en déserts!

JJB

Cornes de rhinocéros

Incroyable: en Afrique du Sud se pratiquele décornage volontaire et légal des rhinocé-ros, consistant à scier leurs cornes pourdécourager les trafiquants. Appâtées par lesgains fabuleux (une corne se vend entre25000 et 200000 €), de véritables mafiasrecherchent les cornes de rhino. Zoos etmême musées ont appris à se méfier : leMuséum de Paris a dû exposer de faussescornes afin de déjouer les trafiquants. Le tra-fic est destiné à fournir les marchés asia-tiques: les médecines traditionnelles localesattribuent des vertus médicinales et aphrodi-siaques à la corne de rhinocéros, qui n’estpourtant constituée que de kératine, à l’instarde nos cheveux et de nos ongles…

Les espèces menacées sont surtout lesrhinocéros africains, le « noir » et le« blanc », tous deux bicornes. La situation dedeux des trois espèces asiatiques n’estguère plus brillante: le dernier rhinocéros deJava qui survivait au Vietnam a été retrouvémort. Sa corne avait été coupée (Vingtminutes, 26 octobre 2011; Le Monde,6 avril).

Les rhinocéros asiatiques sont devenusaussi très rares, mais il reste encore un peud’espoir de les préserver. Ainsi, 35 rhinocé-ros de Java ont été filmés par des camérascachées dans la jungle de Java. On peuts’en réjouir, car cette espèce (Rhinocerossondaicus) est l’une des plus menacées quisoit. Elle est, rappelons-le, unicorne. Lesdeux autres espèces asiatiques sont le rhi-nocéros de Sumatra, bicorne, égalementtrès raréfié, et le rhinocéros indien, unicornelui aussi, et un peu plus prospère, grâce à laprotection (Le Courrier picard, 3 janvier).

JJB

La protection de la faune sauvage: quelques succès et beaucoup d’échecs

Chèvres férales

Une initiative originale consiste à recen-ser en France les troupeaux de chèvresférales, c’est-à-dire redevenues sauvages.Il en existe en Ardèche, en Ariège, etc.Celles du « désert des Agriates », dans lenord de la Corse, ont de longue dateconquis la célébrité. Celles du Nez deJobourg (Manche) ont disparu. Ces chè-vres sont accusées de tous les maux :dégâts aux cultures, épidémies, hybridation(exceptionnelle) avec le bouquetin… N’y a-t-il pas à leur égard d’autres solutionsqu’une élimination pure et dure? (PhilippeCharlier, [email protected])

Oursons sauvés

Un beau succès pour l’organisationArcturos qui protège l’ours dans lesBalkans. Deux oursons orphelins ont étérelâchés dans le nord-ouest de la Grèce,après un séjour de neuf mois dans un cen-tre de réadaptation de l‘organisation(Maxisciences, 15 février).

L’avancée du loup: une menace?

Proche de Genève, la Salève est un mor-ceau du Jura : le loup y est arrivé, comme ilfallait s’y attendre. Un spécimen y a étéphotographié par des appareils à déclen-chement automatique, installé au départpour repérer des lynx… (LeDauphiné.com,16 avril).

Un peu plus au sud, en Vaucluse, lesautorités s’émeuvent d’une « présencepotentielle » du loup, plus précisément aumont Ventoux. Dans le cadre d‘une « déli-mitation des zones d’éligibilité à la mesurede protection des troupeaux contre la pré-dation », une carte détaille le « zonage descommunes éligibles au dispositif 323C1 ».Deux arrêtés ministériels du 7 mai fixent àonze maxima le nombre de loups qui pour-ront être tués sur autorisation préfectoralepour l’ensemble des unités d’actions délimi-tées dans douze départements monta-gneux (Alpes de Haute-Provence, AlpesMaritimes, Isère, Savoie, Haute-Savoie,Drôme, Var, Haut-Rhin, Haute-Saône,Vosges, Pyrénées-Orientales). À croire que

le loup serait-il plus redoutable qu‘ unearmée de terroristes !

Koalas assiégés

Le koala est déjà menacé par les chiens,les voitures, les variations climatiques, ladisparition de son habitat… Ce marsupialaustralien est en plus victime d’une épidé-mie de chlamydiose (due à une bactérie, lachlamydia), à l’origine de diverses patholo-gies (notamment oculaires), et égalementd’un rétrovirus qui compromet la protectionimmunitaire naturelle contre cette bactérie.Des chercheurs tentent de mettre au pointun vaccin (Le New York Times/Le Figaro,2 mars).

Hécatombe de makis

Nous avons plus d’une fois évoqué danscette revue les problèmes posés par leseffectifs excessifs des lémuriens introduits,soignés et nourris par l’association Terred’Asile dans l’îlot M‘Bouzi à Mayotte.Aujourd’hui considérés en surpopulation,ces makis menaceraient la biodiversitévégétale de la réserve naturelle. Plutôt quede voir une partie de la population tuée, l’as-sociation MK2 avait procédé à l’injection deproduits contraceptifs aux makis femelles,mais voici qu‘une incompréhensible héca-tombe a frappé les lémuriens de l’îlotM’bouzi.

Qui a fait le coup? A-t-on employé de lamort-aux-rats? Plusieurs associations ontporté plainte. Un véritable imbroglio, surtoutsi l’on se souvient que l’îlot est envahi parles rats (France-Mayotte matin, 21 mai).

Porte-clés vivants de Chine

Petits lézards, tortues et poissons, enfer-més dans des sacs en plastiques hermé-tiques montés en porte-clés, sont vendusdans les stations de métro de Pékin. Desvendeurs ambulants les proposent commedes porte-bonheur ou des jouets à offrir auxenfants : au grand malheur de ces animauxqui finissent par mourir asphyxiés aprèsplusieurs jours de calvaire. Si unprojet de loi de protection des animaux esten cours d’étude en Chine, (depuis troisans…), les lois chinoises pour l’instant neprotègent que les animaux d’espècesmenacées de disparation (Aufeminin.com,7 mars).

Crapauducs bâclés

Pour les amphibiens (ou batraciens), leprintemps signifie à la fois ponte et migra-tion. Ce dernier terme peut paraître exa-géré. Pourtant les crapauds doivent tous lesans parcourir plusieurs kilomètres pourretrouver la mare où ils sont nés et où ils u

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vont pondre – la même chaque année.Cette migration de ponte implique des tra-versées de routes fort dangereuses ;diverses mesures (crapauducs souterrains,fermetures de routes) tentent de limiter cesdangers, et donc l’hécatombe qu’ellesentraînent (Le Journal d’Abbeville, 28 mars)

Installer des crapauducs sous les routesproches de Beauvais pour permettre lesmigrations des amphibiens vers les pointsd’eau au moment de la ponte était donc unebonne initiative : hélas, les « buses » enquestion sont trop étroites (50 cm), les filetsdestinés à guider les animaux sont malimplantés, et des herbes obstruent les pas-sages… 30 des 32 « batracoducs » ne sontpas utilisables. Bref, une copie à revoir. Cequ’admet la Direction régionale de l’envi-ronnement (Oise-Hebdo, 16 novembre2011). Déjà victimes des voitures sur lesroutes les crapauds le sont aussi, de sur-croît, d’un champignon parasite ! Le cham-pignon Batrachochytrium dendrobatidis apar exemple en 2006 provoqué une morta-lité massive chez les crapauds accou-cheurs des Pyrénées. (Le Monde, 19 mai).

Éoliennes tueuses

Le vautour fauve est souvent victime deséoliennes. On sait désormais pourquoi : cetoiseau ne voit rien de face ou au-dessus desa tête, alors que sa vision latérale estexcellente (Sciences et Avenir, mai).

La clôture qui sauve

Les îles Hawaï ont été envahies par nom-bre d’animaux étrangers (chiens, chats,rats, etc.) qui y ont détruit ou fait régresser,les populations d‘oiseaux. Aussi a-t-onrécemment installé une « clôture antipréda-teurs » longue de plus de 600 mètres desti-née à protéger les albatros, dont lespoussins étaient victimes de ces préda-teurs. Le résultat a été convaincant : le nom-bre d’albatros a alors augmenté de 25 %.Encore fallait-il prendre la décision dedépenser les 220000 € qu’a coûté la clô-ture… (Le Figaro/New York Times, 27 avril).

Protéger les hirondelles endénombrant les nids

Les nids d’hirondelles de fenêtre sontfaciles à observer : globuleux, avec un petitorifice, par où pénètrent les oiseaux, sou-vent situés en pleine ville, sous un balcon.L’hirondelle de fenêtre s’identifie facilementgrâce à son croupion blanc bien visible.L’espèce a considérablement régressé enFrance: de 41 % depuis 1989. Même si leschiffres sont peu précis, leur populationnicheuse dans notre pays est évaluée de400000 à 1 million de couples. À Paris, l’es-pèce a reconquis de nombreux quartiers,

depuis les années 1960. Pour préciser cettesituation, la LPO (Ligue pour la protectiondes oiseaux) lance une enquête de« Science participative » à la fois éthique etpédagogique : chacun est invité à signalerles nids d’hirondelle de fenêtre qu’il décou-vrira. Les autres espèces d’hirondelles sontégalement concernées (Le Monde, 20 mai).

Papillons à sauver

Sur 257 espèces de lépidoptères(papillons) habitant la France, 16 sontmenacées de disparition, selon l’UICN(Union internationale pour la conservationde la nature). Ce sont surtout des espècesméridionales ou alpestres (Sciences etAvenir, mai).

Chauves-souris amiénoisespréservées

La citadelle d’Amiens a été abandonnéeet doit laisser place à l’université. Le pro-blème est qu’elle héberge une colonied’une rare espèce de chauve-souris, lemurin à oreilles échancrées (Myotis emargi-natus). En principe, toutes les précautionssont prises pour éviter de déloger les chi-roptères. Des corridors interdits d’accèsseront aménagés tandis que les cavitésseront protégées de grilles laissant passerles chauves-souris mais interdisant auxhumains curieux d’aller s’y promener. Uneconvention a été signée par Amiens-Métropole, l’association Picardie-Nature etle Conservatoire des espaces naturels dePicardie (Le Courrier Picard, 13 février)

Stratégie française conte l‘« éro-sion de la biodiversité »

« L’érosion de la biodiversité » est leterme « soft » à la mode pour désigneraujourd’hui ce qui s’appelait plus clairement« menace de disparition des espèces », ani-males comme végétales. 62 projets ont étéprésentés le 7 février par le ministère del’Écologie : c’est là le coup d’envoi de laStratégie nationale de la biodiversité pourles années 2011 à 2020. Cela coûtera25 millions d’euros. On espère seulement

que le retard pris par la fameuse « Trameverte et bleue » sera résorbé. Cependant,les autres ministères concernés ne sem-blent guère mobilisés. Or, le travail estimmense : il faut restaurer des milieuxdétruits, lutter contre les espèces invasives,et rétablir des continuités écologiques (LeMonde, 11 février).

Un bain de nature

Le Journal d’Abbeville (30 novembre2011), publié au cœur d’une région où lachasse est reine, comporte une rubriqueNature, qui conseille de se munir dejumelles plutôt que d’un fusil. Quelle bonnesurprise ! On y apprend, par exemple, quede 10 000 à 20 000 couples de bécassesnichent en France, et qu’en Europe centrales’observent des rassemblements de 200chevreuils. Sans être aussi abondants cheznous, les chevreuils y sont favorisés par larotation des cultures, qui leur apporte de lanourriture toute l’année.

Place aux tigres

D‘importantes compensations finan-cières et l’attribution de nouvelles terres cul-tivables ont convaincu 85 familles du villaged’Umri, en Inde, de partir et de laisser laplace aux tigres… C’est le deuxième dépla-cement de ce type; d’autres sont prévus.

L’Inde n’abrite plus que 1700 tigres, sur100000, il y a un siècle : ils constituent lamoitié de la population mondiale de l’es-pèce. Leur nombre est quelque peu en aug-mentation : les félins – comme la plupartdes carnivores – présentent d’ailleurs unebelle « vitalité » : dès qu’on les protège, leurdémographie « redémarre ». Il est en toutcas réconfortant de voir les autorités degrands pays – comme l’Inde – se préoccu-per vraiment et efficacement de la survie deleur faune (Le Monde, 2 mars).

JJB

La protection de la faune sauvage: quelques succès et beaucoup d’échecs (suite)

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Les ravages des insecticides

« De véritables archives écologiques… »:il s’agit de l’accumulation de déjections de« martinets ramoneurs » (Chaetura pela-gica) à Kingston (Ontario, Canada). Situéesau fond d’une cheminée, elles ont permis àdes chercheurs d’y mesurer les concentra-tions de DDT. Celui-ci a fait régresser lescoléoptères dans le menu des oiseaux; soninterdiction en 1970 a été suivie d’une aug-mentation spectaculaire du nombre de cesinsectes, avant de chuter à nouveau. Lesmartinets furent alors obligés de remplacerdans leur menu les scarabées par despunaises, beaucoup moins nourrissantes.Ce changement d’alimentation aurait conduità un effondrement de 90 % de la populationde martinets (1). Des constatations à inter-préter plus finement, mais qui confirmentl’impact de l’insecticide, principal responsa-ble du fameux « printemps silencieux »

Produite par le maïs transgénique Mon810, la toxine Bt (originaire de la bactérie

Bacillus thuringensis) est non seulementnocive pour la chenille parasite du maïs maisaussi pour la coccinelle Adalia bipunctata.Cette affaire a fait l’objet d’une polémiquepassionnée, peu appréciée de l’entrepriseMonsanto. Reste à savoir si les effets de latoxine Bt sont aussi importants en pleinchamp qu’en laboratoire (2).

Le pesticide Cruiser est effectivementnocif pour les abeilles: telle et la conclusiond’une étude publiée en ligne dans Science(3). Des abeilles touchées par le thiamé-thoxame, molécule active de ce produit, ontdu mal à s’orienter et à retrouver leur ruche.Ce résultat pourrait amener le ministère del’Agriculture sur avis de l’Agence de sécuritésanitaire de l’alimentation, de l’environne-ment et du travail et à retirer l’autorisation demise sur le marché de ce pesticide, au moinspour son usage dans la culture du colza,plante nectarifère butinée par les abeilles. Lefabricant suisse a évidemment contestécette conclusion, bien accueillie en revanchepar les apiculteurs et les écologistes (4).

Comme les abeilles, les bourdons sontaffectés par les pesticides. Les colonies deBombus terrestris, nourries de pollen conte-nant de l’imidaclopride, molécule contenuedans des pesticides de même type que leCruiser, sont de 12 % plus petites que lescolonies normales, et engendrent 10 foismoins de reines, nécessaires à la fondationde nouvelles colonies (5).

JJB(1) Le Figaro, 18 avril, Sciences et Avenir, juin; d’après

Historical pesticide applications coincided with an altereddiet of aerially foraging insectivorous chimney swifts,Joseph J. Nocera, Proceedings of the Royal Society B,april 18.

(2) Le Monde, 20 mars.(3) Mickaël Henry et al., A Common Pesticide

Decreases Foraging Success and Survival in HoneyBees, Published Online March 29 2012, Science 20 April2012, 336 no. 6079 pp. 348-350

(4) Le Courrier Picard, 31 mars ; Laurence Girard,L’autorisation du pesticide Cruiser pourrait être retirée, LeMonde, 2 juin

(5) Sciences et Avenir, mai, d’après Penelope R.Whitehorn et al., Neonicotinoid Pesticide ReducesBumble Bee Colony Growth and Queen Production,Science, Published Online March 29 2012, Science 20April 2012: Vol. 336 no. 6079 pp. 351-352.

Espèces invasives :tuer pour protéger lesespèces indigènes ?

Encombrante perruche

Observée en liberté en périphérie deParis, au Bois de Vincennes, au parcMontsouris, au parc de Sceaux, la perrucheà collier, originaire d’Asie, a envahi l’Île-de-France, où sa population serait de 1500 spé-cimens. Elle est encore plus abondante enBelgique et en Angleterre. Or, la perruche àcollier se révèle plutôt encombrante, en s’at-taquant aux arbres fruitiers, aux autresoiseaux, et aussi aux écureuils. Son expan-sion ne fait probablement que commencer…Il semble peut-être est pittoresque de voirdes perruches en liberté dans les parcs,mais ce n’est pas leur place… (Le Figaro,4 avril).

L’écureuil venu d’ailleursC’est aussi l’une des nombreuses

espèces invasives. Nous l’avons déjà évo-qué (notre revue n° 69, p. 24), l’écureuil àventre rouge, une espèce asiatique, a étéintroduit au Cap d’Antibes à la fin des années1960. Et aujourd’hui, 5000 à 15000 individuscommettent des dégâts et concurrencent lafaune autochtone. Aussi, même en absencede consensus total sur l’opération, a-t-il étédécidé de les éradiquer, avec l’accord despropriétaires des terrains où ces écureuilssont observés. Décidément les problèmesengendrés par les espèces invasives s’accu-mulent. C’était à prévoir, avant de les lâchervolontairement, ou de ne pas avoir empêchéleur évasion (Nice-Matin, 17 avril).

JJB

Douanes bien intentionnées

Voilà qui n’est pas rassurant. « Le traficdes espèces menacées, nous dit-on, estplus que jamais florissant. » Depuis lescaméléons vivants jusqu‘à l’ours blancnaturalisé, en passant par les défensesd’ivoire ou les colibris, tous ces animaux ouces spécimens franchissent les frontières,aériennes, maritimes ou routières, à moinsqu’ils ne soient saisis par les douanes, enraison du risque sanitaire ou de la menacepour la biodiversité (Le Figaro, 23 avril).

Mais, voilà qui est encourageant : un« concours externe pour l’emploi de contrô-leur des douanes et droits indirects » endate des 27 et 28 février, a porté sur les« droits des animaux », avec les trois ques-tions suivantes :

1. Quel est l’état du droit des animaux enFrance?

2. Quelles sont les idées avancées dansle texte pour une meilleure considérationdes animaux?

3. D’après vous, la législation françaiserelative au statut des animaux est-elle suf-fisante?

Un texte accompagnant ces questions,extrait du Monde Magazine et dû à HubertProlongeau, évoquait surtout l’élevage enbatteries et citait Jean-Marie Coulon,Dominique Lestel, Jocelyne Porcher etJean-Baptiste Jeangène Vilmer, respecti-vement juriste, éthologue, sociologue, etphilosophe éthicien, proches de la fonda-tion LFDA. Un tel sujet montre que, malgrétout, les idées de la LFDA diffusent.

Quand le mieux est l’en-nemi du bien

Les énergies vertes ne sont pas inno-centes, elles non plus. L’installation d’éo-liennes et de fermes solaires dans le désertde Californie n’est pas appréciée de tout lemonde. Des tortues sont délogées, desaigles sont tués par les hélices, les cactussont élagués… Les renards sont éloignéspar le dépôt d’urine de coyote (leur préda-teur) à l’entrée de leur terrier, et finissentpar mourir. Et pour couronner le tout, desIndiens protestent : ce territoire leur appar-tient et des restes de leurs ancêtres doiventy reposer. « C’est un viol spirituel, déclarel’un d’eux, d’installer tant de laideur dansun désert magique. » L’énergie verte doit-elle obligatoirement détruire la nature pourla protéger ? Un dilemme que nousconnaissons aussi en France (Le Monde,22 avril).

JJB

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012 - 21

Animaux et œuvresculturelles

L’intérêt pour les animaux s’étend, notam-ment dans le domaine culturel. Il ne faut pass’en plaindre. Un article du Monde(23 février) tente de faire l’inventaire de cetteexpansion, du cinéma (Cheval de guerre,Bovines, Le Projet Kim, Félins) à lamusique, de la littérature (avec notammentdes ouvrages de Pascal Picq et de JocelynePorcher) à la peinture et la sculpture illus-trées par les expositions Bêtes off à laConciergerie et Beauté animale au GrandPalais. Cette dernière, ouverte jusqu’au16 juillet, est une exposition à voir absolu-ment ne serait-ce que pour une saisissantetoile peu connue de Courbet, où une truitehameçonnée et perdant son sang nousinterpelle du regard.

Autant d’œuvres qui magnifient la vie ani-male et invitent à son respect. Mais il ne fau-drait pas en conclure que l’art estnécessairement respectueux de la vie. Parexemple, il s’est tenu une drôle d‘expositionau Crédac d‘Ivry-sur-Seine! Un artiste expo-sant, Mathieu Mercier, a cru bon y présenterdes axolotls en aquarium. L’axolotl, est leplus célèbre exemple d’animal néoténique,c’est-à-dire capable de se reproduire à l’étatlarvaire. Cet amphibien urodèle a été décou-vert lors de l’expédition du Mexique, sousNapoléon III. Or, l’artiste a laissé ses axo-lotls sans algues nourricières, ce qui auraitentraîné la mort de l’un des deux. Cetteaffaire inspire à Olivier Cena les réflexionssuivantes: « Il conviendrait aussi de réfléchirà l’utilisation d’éléments vivants dans uneœuvre d’art, à la pertinence de l’assimilationd’un animal à un objet, aux questionséthiques et esthétiques que cela pose –celle-ci, par exemple: une œuvre suscepti-ble de tuer est-elle toujours une œuvred’art? » (Télérama, 15 février).

Des vétérinaires tropintéressés

Les soins vétérinaires coûtent cher.« Soigner son animal à moindre coût » estpossible, affirme Le Monde (31 janvier) quiconseille de s’adresser aux dispensairesde la Société protectrice des animaux ou àceux de la Fondation Assistance aux ani-maux. Mais le Syndicat national des vétéri-naires d’exercice libéral et l’Ordre desvétérinaires veillent au grain. D’où une vio-lente réaction du Dr Gilbert Mouthon,conseiller de la Fondation Assistance auxanimaux, qui ne craint pas d’affirmer : « LeSyndicat préfère les sous aux animaux. »

Chiens d’Ukraine

Nous avons déjà évoqué (notre Revuen° 72, p. 18) le sort des chiens errants

d’Ukraine condamnés à disparaître pourfaire place nette à l’occasion de la Couped’Europe de football 2012. Les chiens sontempoisonnés ou battus à mort, et àLysychaunsk, incinérés dans un fourmobile, sans contrôle préalable de leurmort effective. Les défenseurs des ani-maux réagissent et plusieurs émissions detélévision ont dénoncé ce carnage. Lachaîne allemande Vox a également évoquéle sort des chiens errants de Roumanie, quipréoccupe depuis longtemps les défen-seurs des animaux (Ouest-France,12 mars).

La viande au cœur desdébats

Toujours des polémiques – de diversordres – autour de la viande. « Faut-il deve-nir végétarien ? » se demande Ouest-France (31 mars). Certes, laconsommation de viande baisse depuisune dizaine d’années. Et un nutritionnisteparisien insiste sur sa richesse en fer.Cependant qu’Arte, le 21 mars, programmeun film intitulé L’Adieu au steak?

Relancée par Marine Le Pen, la polé-mique sur la viande halal a envahi médiaset confrontations politiques. Il apparaît quedes motivations économiques poussent lesabattoirs à abuser du halal : mais il s’agitsurtout de petits abattoirs. Le problème del’étiquetage du mode d’abattage demeureposé. À propos de la souffrance animale,un professionnel breton avoue : « La pro-fession s’honorerait à ne plus pratiquer cegenre de choses, mais on se priverait dansce cas de débouchés très importants. »

Autre polémique : rappelons qu‘un décreten date du 10 février décide de confier,dans douze abattoirs de volailles et à titreexpérimental, l’inspection des viandes auxexploitants eux-mêmes ; les vétérinairesseront donc exclus, ce qui provoque devives réactions, dont un préavis de grève(Le Télégramme, 22 février ; Ouest-France21 février et 31 mars ; Droit animal, Éthiqueet Sciences n° 73, p. 5, note 5).

Constat tardif

Point de Vue s’intéresse plutôt auxaltesses qu’aux animaux. Il est donc récon-fortant de voir un éditorial de cette revue

proclamer que « le vrai scandale, ce sontles millions d’animaux élevés en batteriedans des compartiments si exigus qu’ils nepeuvent même pas se retourner ».L’auteur, Adélaïde de Clermont-Tonnerre,poursuit en dénonçant la mutilation desbecs des poulets… C’est bien d’en parler,mais voilà plus de trente ans que lesméfaits de cette production industrielled’animaux, encore improprement qualifiéed‘ «élevage», sont dénoncés par la LFDA*(Point de Vue, 29 février).

* Le Grand Massacre, A. Kastler, M. Damien et J.-C.Nouët. Fayard, 1981.

Zozoos

Il y avait déjà les tigres blancs. Voici lesalligators albinos présentés dans un parcspécialisé. De telles anomalies ne présen-tent guère d’intérêt. Ce ne sont en effet pasdes raretés, mais de simples anomalies.Hélas, ces parcs sont prêts à tout pour atti-rer le chaland. Ils sont encouragés par lapresse qui affirme par exemple qu’il n’est« pas besoin de prendre l’avion pour allerles voir ! Les animaux sauvages sont là àportée de train ou de voiture, pour le plusgrand plaisir de tous ». Mais pas pour leleur !

Ou bien alors, on invoque l’argument« culturel ». Ainsi, au château de Bienassis(Côtes-d’Armor), des loups vont participerà une « animation » médiévale (LeTélégramme, 14 avril ; Femina.fr ; LePenthièvre, 29 mars).

JJB

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Comptes-rendus de lecture

L’animal que je ne suis plusEtienne Bimbenet, Gallimard, 2011

Le titre, bien sûr, répond à celui de DerridaL’animal que donc je suis. Il donne en mêmetemps le programme du livre : cerner lesspécificités de notre espèce. Pourquoi peut-il alors intéresser ceux qui, comme notreFondation, se préoccupent des animaux etde leur bien-être éventuel? Pour deux rai-sons. D’abord, parce que la définition del’animalité et de ses droits n’empêche pasde vouloir situer l’être humain, bien aucontraire, puisque c’est bien lui, être de res-ponsabilité, qui énonce les droits et peutdonc en attribuer aux animaux. Le respectde l’animalité résulte directement de la res-ponsabilité, donc de la singularité humaine.Une deuxième raison rend ce livre très inté-ressant pour l’ami des animaux: le fait quel’auteur, contrairement à de nombreux cou-rants philosophiques traditionnels, ne veutpas ignorer l’apport de la science. Pour lui,sur le plan biologique, l’origine animale del’homme ne fait plus aucun doute. Il y a là unacquis philosophique, résultant notammentde la théorie de l’évolution, suffisammentimportant pour qu’on le souligne.

Mais alors où situer la différence anthro-pologique, où exercer une quête des spéci-ficités de notre espèce? « Parce quelle sesitue sur un plan qui n’est pas celui de lascience, la phénoménologie peut alors faireapercevoir ce qui, par principe, échappe auregard du scientifique » (p. 31). C’est doncsur ce plan phénoménologique que l’auteurva faire porter sa réflexion. Elle nousconduit, au travers des grands récits de l’an-thropogenèse (station verticale, « manque »naturel d’un être mal armé, explosion dansl’univers culturel…) à un récit plus propre-ment phénoménologique, qui opposeraitl’animal, privé de monde, à « l’invention dumonde » par notre espèce. À cette vision qui

n’insiste pas suffisamment sur l’existenced’une « phénoménologie de l’animalité »(p. 122), l’auteur préfère la dichotomie de« l’être-au-milieu » de l’animal et de « l’être-au-monde » de l’humain. Ce qui, personnel-lement, nous paraît être une manièreélégante de rapporter, dans le domaine duvécu existentiel, le fait que, par rapport aux(autres) animaux, l’être humain possède uncerveau surpuissant. Si « la phénoménolo-gie fait saillir la visée du monde, l’acte sub-jectif par lequel le monde nous apparaît »(p. 137), une telle affirmation ne nous paraîtnullement contradictoire, mais au contrairecomplémentaire, avec le constat objectif dela supériorité considérable du cerveauhumain. « On peut être absolument réaliste(croire que le monde existe indépendam-ment de ce que nous en pensons) et consi-dérer pourtant que l’apparaître au monde[…] est contingent » (pp. 141-142). Danscette perspective « la transcendance dumonde est une structure spécifiquementhumaine de l’expérience, advenue une foisseulement dans l’histoire de la vie » (p. 146),même si elle reste adossée au vivre animal.

Dans les chapitres qui suivent, l’auteuranalyse dans le détail cette dichotomie, enconfrontant, entre l’animal et l’humain, lesinnombrables approches qui visent à les dis-tinguer : psychologie cognitive, psychologiede la forme, psychologie des aspects… Àchaque étape, l’auteur montre les intérêts,mais aussi les limites de l’approche considé-rée. Finalement le caractère spécifique de laperception humaine apparaît, comme le ditl’auteur avec Merleau-Ponty, dans « la mul-tiplicité perspective » (p. 186), une extrêmediversité des facettes existentielles, quicomprend, outre la connaissance, « uneanticipation ou un pré savoir comme le poseHusserl » (p. 213), un accès privilégié auxconcepts, la capacité de langage, surlaquelle ont généralement insisté les philo-sophes. Ce langage humain, l’auteur l’op-pose à ce qu’il appelle « les langagesanimaux » (p. 273), et se plaît à montrer l’ex-trême pauvreté de la danse des abeilles, etmême des proto-langages que l’on peutenseigner aux anthropoïdes. Nul ne lecontredira sérieusement sur ce point, mêmesi ces proto-langages témoignent (aussi)d’une plus grande continuité entre animauxet humains, malgré leurs différences fonda-mentales. (Autres) animaux et êtreshumains sont, à la fois, en continuité et enrupture, une situation qu’il n’est pas toujoursfacile d’appréhender. Il reste que le langagehumain constitue « une essentielle conjonc-tion de l’information véhiculée et del’adresse à autrui » (p. 306) qui permet àl’humanité, grâce à l’attention conjointe, un« faire en commun » (p. 310) qui fait quel’enfant civilisé (à la différence de l’enfantsauvage) bénéficie de tout l’apport concep-

tuel des générations qui l’ont précédé.L’homme aurait ainsi un comportement trèsmajoritairement déterminé par sa relation àautrui et à la société, alors que, selon l’au-teur, « l’animal ne va jamais très loin dans ladirection d’un autre que soi » (p. 341). Dansl’espèce humaine en revanche, « l’avène-ment de l’altérité de l’autre, dans l’attentionconjointe, ne saurait laisser indemne lemonde lui-même, tel que j’en fais l’expé-rience » (p. 369). Une expérience qui peutfinalement aboutir à la contemplation de lachose avec « une attention métaphysique etdésintéressée » (p. 387).

Je suis de ceux qui, parmi les biologistes,croient, et dans la pertinence, et dans legrand intérêt, de l’approche phénoménolo-gique. Mais, biologiste de profession, je lacrois aussi complémentaire de l’approchepurement scientifique. L’auteur voudra doncbien me pardonner ici une lecture davan-tage naturaliste de son remarquableouvrage. Un ouvrage qui intéressera tousceux, philosophes, scientifiques ou pen-seurs de l’animalité, qui se préoccupent decerner les facettes nombreuses de l’existanthumain.

manifeste pour les grands singesChristophe Boesch, EmmanuelleGrundmann, Blaise Mulhauser, PressesPolytechniques et Universitaires Romandes,2011.

La question des grands singes est parti-culièrement importante. Non pas qu’il faille,bien entendu, négliger les autres animauxde haut niveau intellectuel et dont, par suite,les espèces manifestent des besoins sou-vent comparables à ceux des grandssinges, comme, entre autres, les cétacés,les éléphants ou les perroquets. Maiscomme les grands singes sont nos plusproches parents, extrêmement prochesmême, si l’on en croit leur génétique (98 %de gènes communs avec nous, humains) etleur comportement, qui ressemble tellementau nôtre, ils occupent, dans le discourséthique, une place particulière. On sait quecertains courants utilitaristes modernes (leprojet « grand singes ») ont même proposéde leur accorder… des droits de l’homme.

Or les grands singes figurent parmi lesanimaux les plus menacés de la planète,principalement à cause de la destructionsystématique des forêts tropicales qu’ilshabitent, soit pour y prélever du bois, soitpour remplacer les forêts, comme à Bornéo,par la culture intensive du palmier à huile,soit, comme pour les gorilles, pour permet-tre le développement d’exploitationsminières, soit, comme pour les chimpanzés,pour la production de café ou de cacao.« Singes de l’Ancien ou du Nouveaumonde… ont un lien absolu avec la forêt » u

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Comptes-rendus de lecture

(p. 13). Or la disparition des forêts, qui a,pour nous, un impact très négatif sur la régu-lation du climat ou sur la biodiversité est,tout simplement, mortelle pour les grandssinges, comme elle l’est souvent aussi pourles populations autochtones. « Chaque jourplus de 140 km2 de forêt disparaissent »(p. 20). Les auteurs analysent, avec unegrande précision et chiffres à l’appui, la des-truction des forêts tropicales dans différentsendroits du monde et le constat est acca-blant. Les intérêts économiques de respon-sables locaux et de « grandes institutionsfinancières internationales » (p. 64) s’ac-compagnent de feux de forêts d’origine cri-minelle (p. 62) et, pour le cas deschimpanzés, de leur consommation directeen tant que « viande de brousse » (qui, d’ail-leurs, « contribue à la propagation de mala-dies graves » (p. 111) pour l’homme, commele fameux virus Ebola). Les grands singesne sont pas seulement menacés par leboom des pays émergents, la« Chinafrique » (p. 80), mais aussi, indirec-tement, par la consommation effrénée despays occidentaux. Ce sont nous les princi-paux utilisateurs d’huile de palme, de mine-rais, de cacao…

L’avenir des grands singes, on le com-prend, n’est pas particulièrement rose. Maisles auteurs montrent que tout espoir de sur-vie n’est pas interdit. D’abord à cause desnombreux efforts de conservation qui sesont manifestés ces dernières années, par-tout dans le monde, et qui ont abouti à lacréation de parcs-sanctuaires, où certainespopulations de grands singes sont proté-gées par des gardes, voire par la présencede chercheurs : « Plus il y a d’actions

humaines sur le terrain favorisant la nature,plus les parcs et les grands singes ont deschances de survivre » (p. 118). Ensuite, etc’est un appel essentiel de ce « manifeste »,parce que nous pouvons encore, tous, nousmobiliser. En choisissant des produits label-lisés : « FSC » pour le bois ou le papier,« UTZ certified » pour le café, « Fairtrade »pour le chocolat… « En bonne logique, lesassociations de défense des consomma-teurs se placent en tête de ces efforts »(p. 122). « L’huile de palme est… commer-cialisée sous le terme général d’huile végé-tale ou même de graisse végétale » (p. 61).Les auteurs en conseillent vivement le boy-cott chaque fois que c’est possible. Mêmesi, d’autre part « le trafic d’animaux rapportede sommes colossales » (p. 124), même si« plus de deux mille gardes de parcs natio-naux…ont été assassinés ces dix dernièresannées » (pp 123-124), le développementdes « bienfaits de l’écotourisme » (p. 125),une certaine conscience internationale dansla mouvance du protocole de Kyoto, la com-préhension de l’utilité des forêts tropicales,notamment comme « puits de carbone »(p. 129) pour lutter contre les excès de gazcarbonique, pourraient contribuer à sérieu-sement enrayer cette mécanique infernale,qui lie la disparition des forêts à la mort desgrandes singes. Mais surtout, les auteurscroient dans l’action « des ONG, des fonda-tions et des sponsors du secteur privé(p. 132), comme le GRASP (Great ApesSurvival Project ». Puissent-ils avoir raisondans cette conviction modérément opti-miste!

DardouillaJean-Louis Cahen, Editions Persée, 2012

« Comment peut-on établir une relationsur un pied d’égalité avec des êtres qui nesont manifestement pas de notre espèce etqui ont un développement inférieur aunôtre » (p. 83) « Comment pouvons-nousmettre sur un pied d’égalité des espèces dif-férentes? » (p. 197).

C’est, bien sûr, la question que se posenttous les amis des animaux, appelés à s’in-terroger sur leur relation avec des êtres quine peuvent leur manifester verbalement leurbien-être ou leur douleur. Mais ici ce ne sontpas des hommes qui posent cette question.Ce sont des extraterrestres, car Dardouillaest le titre d’un roman d’inspiration fantas-tique, très agréable à lire, mais donc une fic-tion et non un exposé philosophique commenos lecteurs ont coutume d’en rencontrer.

La Terre est envahie par une peupladegalactique à la technologie infiniment plusévoluée que la nôtre, des êtres auxquelsl’auteur a donné, non sans un certainhumour, le nom de « Dardouilleux ». Ces

derniers ont besoin des minéraux de la Terreet constatent qu’elle est peuplée par uneespèce, certes douée d’une certaine intelli-gence (l’espèce humaine), mais caractéri-sée aussi par des comportementsirrationnels et dangereux comme la surpo-pulation, la pollution de l’environnement,l’épuisement de ressources non renouvela-bles… « Seules les espèces animales peu-vent se conduire de cette façon, en étantincapables de prévoir un tant soit peu l’ave-nir » (p. 77). Mieux que cela, sur leur pla-nète, les Dardouilleux exploitent déjà uneespèce animale de morphologie très com-parable aux humains, même si leur intelli-gence ne dépasse pas celle des Bonobos.Car, contrairement aux « Androus » domes-tiqués de Dardouilla qui, morphologique-ment, nous ressemblent beaucoup, leshommes de la Terre s’habillent et « ont unsystème de communication beaucoup plusdéveloppé » (p. 64). Malgré ces différences,la tentation est grande pour les Dardouilleuxde traiter simplement notre espèce commeune espèce animale parmi d’autres. C’est cequi d’ailleurs se réalise, malgré l’oppositionde quelques Dardouilleux éclairés, dont cer-tains cherchent à comprendre les humainset à les protéger. Pour cela, pour obtenir

l’accord de leurs concitoyens de Dardouilla,il leur faut prouver que l’intelligence deshommes de la Terre, malgré leur comporte-ment souvent décevant et irrationnel, estbien du niveau de celle des Dardouilleux.C’est là la passionnante trame du livre, queje ne vous raconterai pas ici.

Les Dardouilleux utilisent les humainscomme esclaves dans leurs mines. Ils prati-quent, sur les populations humaines, deschasses, que la majorité d’entre eux consi-dère comme « éthiques », puisque sont pré- u

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ÉTHIQUE

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servés les jeunes de moins de douze ans etles femelles enceintes. Comme ils adorentles paris, ils développent, chez les humains,des compétitions sportives avec ou sansdopage, sans guère de souci pour l’intégritédes « athlètes », voire des combats à mort.Comme l’explique un Dardouilleux, dévelop-per ces activités n’a pas été difficile car leshommes eux-mêmes « pratiquaient beau-coup ce genre d’activités… mais unique-ment sur animaux » (p. 165). « Nousn’avons fait qu’étendre cette activité à eux-mêmes. Il est vrai que pour nous leshommes sont des animaux » (p. 165). LesDardouilleux sont particulièrement friandsd’un karaté modifié, où les coups peuventêtre mortels. « Ceci augmente ainsi grande-ment le suspense et permet d’effectuer desparis fous » (p. 166). Pour l’expérimentationanimale, les hommes de la Terre, abondantset sans risque de disparition, constituaientune aubaine, car sur Dardouilla « lesAndrous étaient peu nombreux et étaientmaintenant protégés » (p. 169). Pour desraisons éthiques, les Dardouilleux n’effec-tuent les expériences sur les humains quesur des délinquants graves: « Ou ils accep-tent de participer aux expériences que nousmenons, ou ils sont exécutés immédiate-ment » (p. 171). Les expériences conduitessur les êtres humains, que l’auteur décritdans le détail en transposant ce que nousfaisons subir aux animaux, sont proprementeffrayantes.

Cette espèce animale douée d’une cer-taine intelligence, l’espèce humaine, occupedonc dans le nouveau rapport, une positionanalogue à celles de nos animaux, domes-tiques ou non, vis-à-vis de nous. C’est l’oc-casion pour l’auteur de décrire, au nom desdébats démocratiques qui ont lieu entre lesDardouilleux, les arguments pour ou contreun traitement décent des êtres humains. Laparabole se place donc ici à l’inverse de laposition philosophique traditionnelle, où cesont des humains qui discutent pour attri-buer ou non un traitement décent aux ani-maux qui les entourent. Certes ce n’est pasla première fois, dans la littérature fantas-tique, que la Terre est envahie par des extra-terrestres disposant d’une civilisation plusavancée. Les moyens techniques dont cesextraterrestres disposent (maîtrise d’autresdimensions de l’espace que les troisusuelles, télépathie, nutrition par injectionsintraveineuses de liquides alimentaires…)ne sont pas nouvelles non plus. Mais l’angleécologique et protecteur des animaux quisous-tend tout l’ouvrage est, quant à lui, toutà fait original et mérite d’être souligné.Même les techniques avancées desDardouilleux sont soumises à cetteapproche. Ainsi, pour des raisons « écolo-giques » sur Dardouilla, un certain nombre

de penseurs éclairés veulent remplacer l’ali-mentation intraveineuse par un retour à l’ali-mentation traditionnelle. Ce qui est asseznouveau également, c’est que lesDardouilleux ne sont pas décrits comme desêtres froids et sans cœur, mais comme desdémocrates férus de réflexion et qui seposent les mêmes problèmes moraux quenous. « Oui, les Dardouilleux sont un peuplepacifique, démocratique et respectueux deslibertés d’autrui » (p. 217).

Bref il s’agit là d’un livre absolumentremarquable (et je pèse bien mes mots), quiparvient à glisser de grandes questions phi-losophiques et morales au creux d’uneintrigue passionnante et qui se lit d’un trait.On ne peut que vivement conseiller cetouvrage à tous les publics.

GC

La Peau de l’ours – Le livre noir du trafic d’animauxSylvain Auffret et Stéphane Quéré, collec-tion Les enquêteurs associés, NouveauMonde éditions, 2012.

Deux spécialistes des affaires criminellesnous brossent un vaste panorama des tra-fics d’animaux – sauvages etdomestiques – ou de leursproduits. Ils nous font décou-vrir les filières en cause –souvent de véritables mafias– mais aussi les opérations« coup-de-poing » qui enviennent à bout. Car de nom-breux États réagissent effica-cement.

Certains trafics sont peuconnus : par exemple, celuides ormeaux sud-africains,ou abalones, exportés versl’Extrême-Orient par de véri-tables sociétés secrètes chi-noises. Peu connus non plus,les « bitumeurs irlandais »,ouvriers escrocs proposantégalement leur service pourrepérer les cornes de rhino-céros dans les musées.

L’ouvrage se montre parailleurs assez critique sur leszoos. S’ils ne sont pluscomme autrefois des « épi-centres de trafic » (p. 53), ilsrestent très peu efficacesdans la préservation desespèces sauvages mena-cées et leur respect de laréglementation est très insuf-fisamment contrôlé, surtoutlorsqu’ils contribuent à l’éco-nomie locale. Nous appre-nons incidemment à ce sujet

que le zoo de Beauval est le premieremployeur du Loir-et-Cher (p. 50).

Les lecteurs de notre revue retrouverontde nombreuses affaires dont nous avonsparlé. Certes, la variété et l’intensité de cestrafics donnent le vertige, mais les conven-tions internationales, la fermeté de certainsÉtats, la détermination des douaniers, despoliciers, des militants associatifs, limitentles dégâts.

Un seul homme peut, à lui seul, êtreredoutable : un trafiquant indien, SansarChand, a tué à lui seul, à fins dites « médici-nales », 250 tigres, 2 000 panthères, 5 000loutres, 20 000 chats sauvages, 20 000renards. Il a acquis la richesse mais s’estretrouvé en prison (p. 174).

Il faut dire que les animaux exotiques ouleurs produits atteignent des prix astrono-miques: ainsi, la corne de rhinocéros peutcoter jusqu’à 200000 €.

Les auteurs parviennent à la conclusionque, néanmoins, la pollution et la déforesta-tion sont, pour la biodiversité, pis que les tra-fics d’animaux.

JJB

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D’une violence à l’autre, que disent les études ? *

Présentation

C'est depuis l'Antiquité que le lien entre lesviolences faites aux animaux et la violenceenvers les humains est évoqué (citonsThéophraste, élève d'Aristote, Plutarque ouPorphyre).

Effectuons un grand bond dans le temps:on sait que c'est au cours du xxIe siècle queles mouvements de protection animale ontvu le jour dans le monde occidental. Et làaussi, ce lien était mis en avant.

C'est historiquement aux États-Unis quece lien s'est constitué de façon particulière-ment nette, puisque dans les années 1870,la création des associations de défense desenfants s'est inspirée des associations dedéfense des animaux. D'ailleurs, en 1877était créée l'American Humane Association,dédiée aux deux.

Faisons un nouveau saut dans le temps,c'est cette même organisation, l'AmericanHumane Association, qui a remis au goût dujour, dans les années 1990, le « lien » entreviolence envers les animaux et violenceenvers les humains, notamment en promou-vant des études auprès des femmes maltrai-tées, en sponsorisant des publications, et enmettant en place ce qu'elle a appelé le pro-gramme « Link® », « lien » en anglais.

Cette préoccupation liée aux femmes etaux enfants constitue ce qu'on pourraitappeler la branche « humanitaire », ou « pro-tectrice », du lien entre les violences faitesaux animaux et les violences faites auxhumains. À côté de cela, il existe uneseconde branche, qu'on pourrait qualifier debranche « criminologique et psychopatholo-gique », et qui s'intéresse aux violences surles animaux en tant qu'indicateur d'infra-ctions, notamment d'infractions violentes.Elle vise même plus particulièrement à étu-dier la valeur prédictive des violences suranimaux, non seulement au sens statistiqued'indicateur, mais au sens chronologique deprécurseur.

C'est dans les années soixante que cettebranche est née, également en Amérique.Elle a contribué à l'inclusion à partir de 1987du symptôme « cruauté envers les ani-maux » dans la catégorie « Trouble desconduites » du DSM (la classification améri-caine des maladies mentales). Cette catégo-rie est l'équivalent, chez l'enfant etl'adolescent, des personnalités dites « anti-sociales » chez l'adulte, et consiste en desconduites agressives envers les autres (pou-vant inclure les animaux), des destructionsde biens, des vols, des mensonges, desfugues, des transgressions des règles…Cette catégorie a été reprise par laClassification internationale des maladies del'OMS. Nous y reviendrons plus bas.

En France, le sujet que nous traitonsaujourd'hui reste méconnu. Signalons toute-

fois une contribution (1) en 2007 du Pr Jean-Claude Nouët, médecin et président de LaFondation Droit animal, éthique & sciences(LFDA), pour un colloque international àOxford sur ce thème. Et signalons aussi unarticle en février 2011 d'Anne-ClaireGagnon, vétérinaire qui s'intéresse delongue date au lien homme-animal, dans LaDépêche Vétérinaire.

Il y a donc, pour en venir à notre sujet,deux sortes d'études:

- d'une part celles de la branche que j'aiappelée « protectrice », qui s'intéressent auxfemmes et aux enfants victimes de maltrai-tance;

- d'autre part celles de la branche que j'aiappelée « criminologique et psychopatholo-gique », qui s'intéressent aux troubles ducomportement, notamment agressifs, et auxinfractions, notamment violentes.

Nous avons identifié une quarantained'études dans chaque branche. Ce sontdeux champs assez distincts, puisqueseules six études se retrouvent dans lesdeux listes à la fois. Nous nous en sommestenus aux études publiées dans des revuesà comité de lecture, ou dans des ouvragesde maisons d'édition universitaires (anglo-phones pour les unes comme pour lesautres). Nous n’avons pas répertorié la litté-rature dite « grise », c'est-à-dire les étudesparues dans des actes de colloques, dansdes revues associatives, dans des thèsesetc.

La plupart des études proviennent desÉtats-Unis, plusieurs d'Australie, une deNouvelle-Zélande, une du Canada, une duJapon et, en ce qui concerne l’Europe,d'Italie, de Grande-Bretagne, d'Irlande, deFinlande et de Suisse. Quitte à décevoir,nous ne donnerons pas de chiffres concer-nant les résultats, ni même de fourchette, carils sont trop dépendants des caractéristiquesméthodologiques.

Quels sont les résultats des étudesde la première liste (femmes etenfants en famille ou à l'école)?

1 - La maltraitance d'une femme par sonpartenaire est souvent associée à la maltrai-tance d'animaux familiers par le partenaire.« Souvent » ne signifie pas nécessairement« le plus souvent », il s'agit d'une relation sta-tistiquement significative.

2 - La maltraitance d'une femme par sonpartenaire est souvent associée à la maltrai-tance d'animaux familiers par les enfants.

3 - La maltraitance d'un enfant est souventassociée à la maltraitance d'animaux par lesadultes dans le foyer.

4 - La maltraitance d'un enfant, dont lesabus sexuels, est souvent associée à la mal-traitance d'animaux par les enfants eux-mêmes. Et certaines études laissent

entendre que même une simple éducationpunitive, avec par exemple des fessées,peut favoriser la maltraitance d'animaux parl'enfant.

Ces données sur l'enfant sont difficiles àdébrouiller : quel est le facteur principal,entre les trois ci-dessus, qui pousse l'enfantà maltraiter des animaux: le fait de voir sonpère maltraiter sa mère, le fait d'être tapé lui-même, ou encore le fait de voir des adultesmaltraiter des animaux? Pour chaque casde figure on peut faire des hypothèses expli-catives différentes…

5 - Enfin, signalons 4 études réaliséesauprès d'enfants, d'adolescents ou d'étu-diants, en Italie, en Australie et aux États-Unis, qui rapportent des corrélations entre lefait de maltraiter des animaux, et le fait d'êtresoit victime, soit surtout auteur, de harcèle-ment envers d'autres enfants ou d'autresadolescents.

Quels sont les résultats des étudesde la seconde liste, qui s'intéressentaux troubles du comportement,notamment agressifs, et aux infra-ctions, notamment violentes?

1 - Le premier résultat, qui ressortait déjàclairement des données de la première listed'études, c'est l'influence de sexe (genre): lamaltraitance animale est, de loin, beaucoupplus souvent le fait des hommes ou des gar-çons, que des femmes ou des filles.Inversement, on notera en passant l'impor-tante proportion de femmes dans les organi-sations de protection animale.

2 - La maltraitance d'animaux fait partiedes critères fiables du diagnostic d’un« Trouble des conduites » chez l'enfant etl'adolescent, tel qu'on l'a défini tout à l'heure;elle pourrait être selon certains le marqueurd'un sous-type particulier, soit le sous-typedit « destructif », soit le sous-type dit « froidet inaffectif ».

3 - La maltraitance d'animaux est associéeavec une plus grande fréquence d'infractions(actes illégaux de toute gravité), que ce soitchez les adultes, ou les adolescents.

4 - La maltraitance d'animaux pourrait êtreassociée à une plus grande fréquence deconduites agressives ou d'infractions vio-lentes, là aussi chez les adultes ou chez lesadolescents.

5 - La maltraitance d'animaux durant l’en-fance pourrait être un facteur prédictif, nonplus au sens statistique, mais au sens chro-nologique, de conduites agressives ulté-rieures envers les personnes ou d'infractionsviolentes.

6 - Quelques études font état de lien entremaltraitance animale et actes d'agressionsexuelle.

7 - Enfin, qu'en est-il de la question deshomicides? Quelques études font état d'une u

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particulière fréquence des antécédents decruauté sur animal chez les auteurs d'homi-cides, notamment les homicides de naturesexuelle, et les homicides en série; et aussice qu'on appelle les homicides « demasse »: il y a eu ainsi une étude sur les« school shootings », comme le tristementcélèbre massacre du lycée Columbine, dansle Colorado. De toutes ces études, la plusremarquée reste évidemment celle signéepar les agents du FBI chargés de la section« profiling », qui concernait des meurtrierssexuels en série.

Mais on s'accorde à dire que, pour quedes maltraitances animales puissent être enrapport avec des homicides, il faut qu'ils'agisse de maltraitances physiquessévères, répétées, intentionnelles, visant àfaire souffrir, et concernant des mammifères,notamment des chats et des chiens. Doncnous sommes heureusement loin de la pra-tique quotidienne.

Sur le plan psychiatrique

La cruauté envers les animaux est peuprise en compte dans les systèmes classifi-catoires descriptifs couramment utilisés (lesystème américain pour les maladies men-tales : le DSM-IV, et le système officiel del'OMS: la CIM-10). Elle n'est explicitementmentionnée, si on met à part la zoophilie,que dans le chapitre « Trouble des conduitesdurant l’enfance et l’adolescence », men-tionné plus haut.

Il est vrai que la maltraitance d'animauxn'est que, dans quelques rares cas, unsymptôme parmi d'autres d'une psychose,d'un trouble de l'humeur, d'un retard mentalou d'une démence. Plus souvent peut-être,elle pourra être le symptôme d'une consom-mation abusive d'alcool, de drogues ou depsychotropes. Ou encore le symptôme d'untrouble de la personnalité, lorsqu'il y impulsi-vité ou irritabilité.

On voit bien qu'on est déjà là à la frontièredu psychiatrique et du judiciaire: à partir dequand une consommation de substancespsychotropes excuse-t-elle tout ou partied'une infraction, à partir de quand des traitsde personnalité relèvent-ils de la psychiatrieplutôt que de la justice? Les réponsesdépendent des époques et des lieux…

Et je ne parle pas de la perversité, c'est-à-dire de la jouissance au détriment de l'autre,humain ou animal, qui ressortit si on veut à lapsychopathologie ou à la psychanalyse,mais pas à la nosographie psychiatrique.

ConclusionQue retenir de tout ceci?En ce qui concerne la branche « protec-

tion », il y a incontestablement des donnéesà prendre en compte. La maltraitance d’ani-maux en milieu familial n’est bien entendu

pas forcément indicative d’une maltraitancede femmes ou d’enfants; mais elle doit attirerl’attention, surtout s’il existe d’autres facteursde risque (alcoolisme, conflit de couple…),ou encore si cette maltraitance est sérieuseou répétée. Et là, les vétérinaires peuventavoir un rôle à jouer.

En ce qui concerne la branche « crimino-logie et psychopathologie », la maltraitanced’animaux est chez l’enfant un des indica-teurs de ce qu’on appelle un « Trouble desconduites », qui comprend donc égalementdes comportements agressifs à l'égard desautres. Elle est chez l’adolescent et l’adulteun des indicateurs de conduites agressiveset d’infractions, notamment violentes.

Elle peut être un des prédicteurs de futurshomicides, mais à condition, comme on l'adit, d’être infligée avec le but de faire souffrir,d'être sévère, intentionnelle, répétée, et des'exercer notamment sur des chats ou deschiens.

Enfin, sur le sujet particulier de la maltrai-tance d’animaux par l’enfant comme pou-vant être un des prédicteurs de futuresconduites agressives ou délinquantes, il fautêtre triplement prudent. À la fois sur le plande la méthodologie des études, où unerigueur toute particulière doit être exigée; surle plan déontologique, où l’intérêt des per-sonnes qu’on a en charge doit primer sur lesautres considérations ; et sur le plan poli-tique, où il faut éviter le mélange des genresmédicaux et sociaux avec les genres poli-ciers et judiciaires.

Pour conclure, nous avons pris en compteici les violences sur animaux désapprouvéespar la société. Mais qu'en est-il des violencessur animaux admises par la société?

En ce qui concerne la chasse, il existe enFrance une similitude frappante, du point devue sociodémographique et du point de vuegéographique, entre le taux de morts pararmes à feu et le taux de chasseurs. Mais ilpeut ne s'agir que d'une question de disponi-bilité des armes.

En ce qui concerne l'abattage industriel,signalons une étude fort intéressante publiéeen 2009 dans une revue académique derecherche écosociale. Cette étude trèsdocumentée met en évidence, aux États-Unis, une relation statistique entre la pré-sence d'un abattoir de mammifères dansune zone, et le nombre d'arrestations,notamment pour infractions violentes, pourviols, et pour autres agressions sexuelles. Àapprofondir…

En ce qui concerne la corrida, il n'y a pasencore eu d'études.

JPR

*Texte de la communication prononcée aux conférencesde Vetagrosup de Lyon « L’animal peut-il être une senti-nelle des maltraitances humaines? ».(1) http://www.fondation-droit-animal.org/rubriques/archives/archives_conf.htm#p3

Homo sapiens maxi-predator

Il y a 70 000 ans, la faune du continentaustralien comportait encore des animauxvégétariens géants, tels une cinquantained’espèces de grands marsupiaux commeDiptotodon de la taille d’un rhinocéros, ouSthenurus, un kangourou de 3 m, et demonotrèmes de grande taille (l’actuel orni-thorinque est un monotrème). Ces espècesont disparu dans les millénaires suivants,pour des causes incertaines et discutéesdepuis quarante ans ; s’est-il agi d’un chan-gement climatique, d’un long épisode desécheresse? Cette disparition est-elle dueà l’arrivée d’Homo sapiens sur cette île-continent, vers 60 000 ou 50 000 ans ? Ilsemble que les doutes soient levés par lestravaux de Susan Rule, publiés dansScience du 23 mars. Cette scientifique a pusuivre l’évolution de la flore au cours desderniers 130000 ans sur deux carottagessédimentaires. Elle y a notamment recher-ché la présence de petits champignonsspécifiquement associés aux déjectionsdes grands herbivores. L’abondance deces champignons reflète ainsi l’abondancedes effectifs de ces animaux. Or les cham-pignons se raréfient brusquement vers40 000 ans pour presque disparaître. Cequi signifie une raréfaction puis une extinc-tion de la grande faune herbivore. Par ail-leurs, les travaux ont relevé uneabondance concomitante de charbons,vestiges de vastes incendies. Or aucunépisode climatique particulier ne peut expli-quer ces derniers. Par conséquent, cesincendies semblent avoir été provoquéspar l’homme, en tant que technique dechasse pour rabattre les proies. Les ana-lyses de pollens ont montré que les terri-toires forestiers brûlés ont étéprogressivement remplacés par la savanede prairies sèches et d’eucalyptus. Pour lechercheur néo-zélandais Matt McGlone, ilest clair « que la chasse à elle seule […] aété suffisante pour éliminer les méga-herbi-vores d’Australie ». Les travaux de S. Rulevont certainement renforcer les hypo-thèses déjà bien établies selon lesquellesen Amérique et en Eurasie, les excès de lachasse sont directement responsables dela disparition totale, il y a une dizaine demilliers d’années, du mammouth, du pares-seux géant, et du rhinocéros laineux. Etaujourd’hui, qui donc est principal respon-sable de la quasi-disparition de la faunesauvage, sur tous les continents, et danstoutes les mers ? (Source : Le Monde,24 mars)

JCN

D’une violence à l’autre (suite)

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Proximité génétique homme-animal

Plusieurs chercheurs du Wellcome TrustSanger Institute (Royaume-Uni) et de laFaculté de médecine de l’université deGenève ont publié dans la revue Nature du8 mars un article (1) rapportant les résultatsde leurs travaux sur le génome du gorille(le génome est constitué de l’ensemble desgènes). Pour la première fois, l’étudeséquentielle de l’ADN de gorille a été réali-sée sur Kamilah, un gorille femelle du Zoode San Diego, issue d’une lignée desgorilles des plaines de l’ouest. La compa-raison de ce génome aux génomes del’homme, de gorilles, et de chimpanzés apermis de préciser la période à� laquelle cestrois espè�ces é�troitement lié�es ont com-mencé à� s’individualiser. L’équipe de cher-cheurs estime que la divergence génétiqueentre les gorilles d’une part et les humainset chimpanzé�s d’autre part date d’unedizaine de millions d’anné�es, la séparationentre l'espèce humaine et celle des chim-panzés remontant quant à elle à quelque6 millions d'années. La différenciationgé�nomique entre les gorilles des plaines del’est et de l’ouest paraît plus récente etremonte a� 1 million d’années. Elle est com-parable à� celle qui est survenue entre leschimpanzé�s et les bonobos, et à celle quis’est faite entre Homo sapiens et Homonéanderthalis. De plus les résultats indi-quent que le gé�nome humain s’approchedavantage du génome du gorille que decelui du chimpanzé�; sur les quelque 11000gènes analysés, 15 % sont plus proches deceux des gorilles que des chimpanzés. Parailleurs 15 % des gènes du chimpanzé sontplus proches de ceux du gorille que de

ceux de l'homme. La communauté degènes entre espèces aujourd’hui distinctesmontre que les différenciations ont été pro-gressives, et que durant un temps(quelques milliers d’années) les espècesont été interfécondes, avant de se sépareret de devenir mutuellement stériles.

Les parentés génétiques entre les troisespèces, gorille, chimpanzé et homme,avaient déjà été montrées par l’étude detous leurs chromosomes. Lors du Colloque« Droits de l’animal et pensée contempo-raine » organisé à l’Institut de France en1984 par notre LFDA (2), le généticienBernard Dutrillaux, alors jeune maître derecherche au CNRS, avait présenté saconférence « Arguments génétiques de laproximité de l’homme et des autres ani-maux ». Il avait montré qu’entre homme etchimpanzé, chimpanzé et gorille, gorille ethomme, de nombreux aspects chromoso-miques paraissent rigoureusement iden-tiques, ce dont on pouvait conclurel’existence d’un ancêtre commun aux troisespèces, à partir duquel trois branches ontsuivi une évolution qu’il qualifie de « typepopulationnel », incluant l’homme, le gorilleet les deux chimpanzés, pan et bonobo.Aucune séparation brusque n’est surve-nue, mais un mélange de remaniements dechromosomes, certains partagés par gorilleet homme mais étrangers au chimpanzé,d’autres par homme et chimpanzé maisétrangers au gorille. Ces remaniementssont mineurs. La réduction de 48 chromo-somes à 46 ne résulte que de la fusion deschromosomes n° 2 et n° 3 du chimpanzépour donner le chromosome n° 2 de

l'Homme, et les remaniements chromoso-miques les plus fréquents entre les troisespèces sont du type simple « inversion » :un chromosome subit deux cassures, lesegment intermédiaire subit une rotation etse recolle, d’où il résulte une modificationde la séquence des composants successifsdu chromosome.

L’étude de Dutrillaux et celle de Scally etcoll. se rejoignent. Les travaux convergentpour montrer que les phénomènes demutations de gènes et de réorganisationsde chromosomes se sont déroulés defaçon comparable dans les quatreespèces, ce qui montre bien que la lignéehumaine n’a pas évolué différemment deslignées des singes anthropoïdes, et qu’elles’est individualisée en suivant les mêmesrègles générales de l’évolution, communesà toutes les espèces d’animaux, dont lanôtre. Ils convergent également sur l’esti-mation de l’époque de séparation de labranche Homo, que B. Dutrillaux situait à7 millions d’années, pour 6 millions selonl’étude de Scally et coll.

JCN

(1) Scally et al, Insights into hominid evolution fromthe gorilla genome sequence, Nature 483 : 169-75 (08March 2012)). (DOI : 10.1038/nature10842).

(2) « Droits de l’animal et pensée contemporaine »,colloque du 15 octobre 1984, éd. LFDA, p.19-28.

Et de cinq ! La famille s’élargit !

En 2004, des restes squelettiques ontété découverts dans une caverne de l’île deFlorès, en Indonésie. Datés de 13000 ans,ils ont été attribués à une lignée d’homini-dés encore inconnus, utilisant les outils, lesarmes et le feu, et d’une taille très réduite(environ un mètre) due à leur isolementpendant des millénaires (cf. Bulletin d’infor-mations de la LFDA n° 53, mai 2007, p.1).On ignore quand le petit homme de Florèsa disparu, mais il y a une dizaine de milliersd’années, il coexisté avec Homo sapiens.Et, il y a 30 000 ou peut-être 25 000 ansavant que disparaisse l’homme deNéanderthal notre plus proche cousin, troisespèces d’Homo vivaient sur Terre.

En 2010, nouvelle découverte : il y a40000 ans vivait un autre « homme », donton a trouvé la trace dans une grotte desmonts Altaï en Sibérie. Nous voilà doncquatre à avoir constitué ce qu’il faut désor-mais appeler le « genre humain », groupant

quatre espèces d’être humains différentsmais très semblables, de la même façonque le « genre canin » groupe chien, loup,chacal et coyote (cf. Droit animal, éthiqueet sciences, juillet 2010 n° 66 p. 21).

En 2012, une nouvelle espèce vientd’être identifiée. La revue PLoS One demars fait état des travaux de DarrenCurnoe, archéologue à l’université deNouvelle-Galles du Sud à Sydney(Australie) qui a étudié des restes squelet-tiques découverts en Chine, les uns en1979 dans la grotte de Longlin (province duGuangxi), les autres en 1989 sur le site deMaludong (sud-est du Yunnan). Datés de11000 à 14000 ans, ces restes sont attri-bués à une lignée humaine qui aurait évo-lué isolément dans l’est de l’Asie. Certainscaractères très archaïques font en effetpenser que l’homme de Longlin etMaludong n’a aucune parenté avec H.sapiens, mais peut-être en a-t-il avec

l’homme d’Altaï ? Des identifications etcomparaisons d’ADN pourraient répondreà la question : elles sont en cours.

Nous savions déjà que dans les derniers2,5 millions d’années, le genre humain acompté au moins une dizaine d’espècesd’hommes. Nous savons aujourd’hui qu’il ya 40 000 ans, cinq espèces d’Homovivaient en même temps sur Terre. Il est àpeu près assuré que d’autres vestiges vontêtre découverts, agrandissant ainsi lafamille. Progressivement, la sciencedémontre que la lignée humaine, ou plutôtle « genre humain » a constitué un buisson-nement d’espèces apparentées mais diffé-rentes, dont toutes ont disparu sauf une, lanôtre, et certaines il y a seulement une cen-taine de siècles. C’est bien peu, en regardde l’histoire de la Vie.

JCN

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Une archéologie des primates ?

De plus en plus, les outils utilisés par lesprimates sont donnés pour preuves de leurgrande intelligence et de la plasticité deleur comportement. Sans doute est-ce l’oc-casion de revenir sur la proposition quiavait été faite, en 2009, par un grouped’une vingtaine de scientifiques, d’édifierune « archéologie des primates » (1).

Les auteurs faisaient remarquer que l’uti-lisation d’outils par les primates vivants denos jours, comme les chimpanzés, et l’utili-sation d’artefacts par les hominiens préhis-toriques, relèvent de deux domainesd’étude disjoints : la primatologie (plus par-ticulièrement l’éthologie des primates) etl’archéologie. Ils réclamaient, dans leurarticle, une confrontation et une collabora-tion de ces deux domaines. Un tel effortpermettrait, selon eux, de mieux compren-dre l’émergence de l’outil, la manière dontil intervient dans le développement particu-lier d’une espèce, pourquoi, parmi desespèces ou des populations voisines, cer-taines utilisent des outils et pas les autres,en quoi et pourquoi l’espèce humaineactuelle a bénéficié d’un tel développementtechnologique par rapport aux autresespèces. Un tel projet, s’il vise d’abord prin-cipalement les primates (et pas seulementles anthropoïdes, dans la mesure où cer-tains singes, comme les capucins, ontaussi pu développer l’usage d’outils), n’ex-clut pas non plus d’autres espèces d'ani-

maux, comme les corvidés, les dauphinsou les castors, parmi d’autres possibles.

En fait l’article, qui réclame une analyseplus précise des artefacts, animaux ouproto-humains, et la constitution d’unearchéologie intégrée pour les primates,relève davantage de la profession de foique de la revue de question. C’est plus unappel qu’un constat de travaux déjà effec-tués. Et d’ailleurs une large part de l’articleénonce les difficultés que la nouvelle disci-pline devrait vaincre pour s’affirmer.

Parmi celles-ci, la difficulté de savoir,parmi les espèces éteintes de primates,quelles sont exactement celles qui sont lesancêtres de l’espèce humaine, et égale-ment la non-homogénéité, déjà mention-née, des espèces de primates par rapportaux usages d’outils, puisque, de nos jours,par un phénomène de convergence com-portementale, certains singes, comme lescapucins, utilisent des outils, alors que lamajorité des singes non anthropoïdes ne lefont pas. On peut imaginer des diver-gences similaires parmi les populations depréhominiens. À ces difficultés s’ajoute lefait essentiel que la plupart des outils utili-sés par les primates actuels sont végétaux(branches, brindilles, feuilles…) et ne lais-sent donc guère de traces observables etanalysables. Mais les auteurs pensentcependant que des progrès pourraient êtrefaits par la comparaison des traces lais-

sées par le séjour des primates, commedes traces de forage ou d’excréments.Selon les auteurs, en revanche, les objetsen pierre et leur comparaison pourraientpermettre des conclusions très intéres-santes. On sait, par exemple, que certainsanthropoïdes arrivent à « tailler » certainesde leurs pierres destinées à la fracture desnoix, mais plutôt que par le procédé connuchez les humains préhistoriques de « tailleprogressive » d’une pierre par une autre, ilsjettent en général la pierre « à réduire » surun obstacle pour la fracturer. On peut sedemander si des lignées anciennes de pré-hominiens utilisaient ou non cette mêmetechnique.

Le projet d’archéologie des primates estdonc de « placer l’intégralité de l’évolutioncomportementale humaine dans soncontexte plus vaste de biologie compara-tive » (p. 343). Et les auteurs ne cachentpas qu’une telle entreprise permettrait sansdoute aussi « la protection des populationsde primates qui déclinent rapidement »(p. 343).

Un projet scientifique dont on ne peutdonc que se réjouir et dont on attend, sur leplan scientifique comme sur le plan de laprotection animale, des conséquenceséclairantes et bénéfiques.

GC(1) M. Haslam et col., Primate Archaeology, Nature,2009, Vol. 460, pp 339-344.

Nouvelles conceptions écologiques et économiques pour lutter contre la surpêche

Selon une étude menée par un grouped’experts de l’Union internationale pour laconservation de la nature, publiée dans larevue Science (1) et reprise dans Le Figarodu 4 mars, pour préserver les espèces depoissons de la surpêche, il faudrait mieuxpromouvoir une pêche beaucoup moinssélective, capturant une large gamme depoissons, en termes d’espèces et de taille,que celle qui est actuellement pratiquée etrecommandée par les organisations scienti-fiques internationales. Plutôt que de pêcherles seules espèces à haute valeur commer-ciale, celles que veulent manger par habi-tude les consommateurs, et d’éviter depêcher les jeunes poissons, il vaudraitmieux, afin de préserver la structure et laproductivité de l’ensemble de l’écosystèmemarin, capturer des quantités modestes depoissons d’un grand nombre d’espèces àtous les étages, du haut en bas de la chaînealimentaire. Des captures massives surquelques espèces provoquent en effet des« trous » dans cette chaîne avec une cas-cade de conséquences peu prévisibles, parexemple une dérive génétique tendant à

diminuer la taille des poissons. En effet, lapêche massive d’une espèce favorise d’an-née en année chez celle-ci une reproductionet un arrêt de croissance plus précoces. Leschercheurs ont testé une trentaine de modé-lisations numériques simulant des popula-tions de poissons exploitées par despêcheries avec divers types de sélectivité.Les modèles où l’on peut pêcher une largegamme d’espèces et de tailles de poissonssont ceux où la production est favorable etoù la structure de l’écosystème des zones depêche reste comparable à celle des zonesvierges. Mais cette nouvelle conception de lagestion des pêches, quelque peu révolution-naire, n’a que peu de chance d’être appli-quée rapidement, même si l’on constatequ’aucune validation scientifique du systèmeactuel n’a été obtenue au bout de soixante-dix ans. Tant que l’idée selon laquelle il fautépargner les seuls juvéniles reste ancréedans les esprits et qu’un courant de penséedominant prône encore un système de régu-lation s’appuyant exclusivement sur le mar-ché, les déséquilibres dans la structure de

l’écosystème marin ne cesseront de s’ac-croître et de se généraliser.

De plus, selon la coalition Ocean 2012,regroupant 160 ONG, les subventions duFonds européen pour la pêche et les exemp-tions de taxes sur les carburants, pour desmontants de 3 à 4 milliards d’euros par an,ont largement favorisé depuis 2007 la sur-pêche en réduisant artificiellement les coûtsd’exploitation, tout en augmentant la capacitédes captures des flottes. De plus, le finance-ment à 90 % par l’Union européenne desredevances de permis de pêche pour lesbateaux européens dans les eaux des paysétrangers ont notamment favorisé la sur-pêche sur les côtes africaines des océansAtlantiques et Indien. Autre facteur aggra-vant, les opérateurs condamnés pour activi-tés de pêche illégale continuent de toucherles aides publiques européennes, tandis queleurs appels courent devant les tribunaux (2).

Une autre étude, économique celle-là,portant sur 43 espèces de poissons deseaux européennes, a été menée par ungroupe d’experts indépendants et publiéepar La New Economics Foundation en u

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février (3) reprise par Le Monde (4). Elleaffirme qu’en retardant la reconstitution despopulations de poissons, surexploitées pour82 % d’entre elles en Méditerranée et pour63 % en Atlantique, les pays « surpêcheurs »européens perdent 3 milliards d’euros etcent mille emplois par an du fait du manqueà pêcher. Pour la seule Union européenne,cette perte est évaluée à 1,8 milliards d’eu-ros soit trois fois le montant des aidespubliques annuelles que les États distribuentaux professionnels de la pêche pour com-penser leur baisse de revenus! De toute évi-dence, la surpêche est non seulement uneaberration écologique mais aussi une aber-ration économique.

L’étude prend en compte le rendementmaximal durable de chaque espèce. C’est leseuil de captures à atteindre pour une exploi-tation économique, environnementale etsociale durable. L’étude permet de chiffrercomparativement le tonnage débarqué dechaque espèce, et le potentiel des popula-tions de poissons si celles-ci étaient restau-rées à leur niveau le plus productif, ainsi queles valeurs économiques correspondantes.

Ainsi, l’Europe a débarqué 6,23 millions detonnes de poissons en 2010 pour une valeureffective de 3, 94 millions d’euros, au lieudes 9,7 millions de tonnes potentiels quiauraient représenté un revenu de 7,13 mil-liards d’euros, ce qui de surcroît auraitentraîné la création de 108800 emplois sup-plémentaires dans le secteur de la pêche, ducommerce et de l’industrie de transformationdes poissons!

Rien qu’en France, si 408300 tonnes sonteffectivement débarquées, une gestion sanssurpêche autoriserait un potentiel de631900 t et 6200 emplois supplémentairesdans un secteur d’activités qui compte13000 pêcheurs et 14000 emplois du com-merce et de l’industrie de transformation despoissons.

Espérons que ces nouvelles conceptionsqui vont à l’encontre de bien des habitudesde pensée et de pratique, s’imposeront rapi-dement pour ralentir à la fois la disparitiondes espèces et celle des professions quivivent de la pêche.

TAVDK

(1) S. M. Garcia et al. Reconsidering theConsequences of Selective Fisheries. Science, 2 March2012; 335; (6072): 1045-1047.

(2) Martine Valo, Les aides publiques européennesencouragent la surpêche, selon des ONG, Le Monde,13-14 mai 2012

(3) Jobs Lost at the Sea, Nef report, 2012, February10. Traduction française téléchargeable à l’adresse inter-net : http://www.neweconomics.org/sites/newecono-mics.org/files/jobs_lost_at_sea_French.pdf

(4) Martine Valo, Lutter contre la surpêche créerait àterme des emplois, Le Monde, 11 février 2012.

Surpêche (suite) Zoologie marine insolite

Des champions de l’imitation

On connaissait la pieuvre indonésienne,à zébrures noires (Thaumoctopus mimi-cus), comme la championne du déguise-ment sous marin. En changeant à la fois ladisposition de ses tentacules, sa couleur etsa manière de se déplacer, ce mollusquecéphalopode est capable d’imiter un ser-pent marin, une rascasse volante, une raie,un crabe, une méduse. Luiz Rocha, unchercheur de l’Académie californienne, etses collaborateurs ont découvert (1) qu’unpetit poisson, faible nageur (Stalix histrio),strié comme cette pieuvre, se protège deses prédateurs en imitant la pieuvre mimé-tique, le long des tentacules de laquelle ilarrive à se camoufler à merveille, commeon peut le voir, à condition de beaucoupd’attention, sur une vidéo de G. Kopp (2)

(1) Luiz A.Rocha et al., Opportunistic Mimicry by aJawfish, Coral Reeefs, volume 31, 1, 285, on line 10December 2011 ;repris par Loïc Mangin, Le poisson quiimite la pieuvre imitatrice, Pour la Science, mars.

(2) http//www.youtube.com/watch?v=u4kZAgny5eg

Caresses antistress chezles poissons

Des chercheurs (1) ont montré au moyend’un automate qui caresse les flancs d’unpoisson chirurgien (Ctenochaetus striatus)en imitant les mouvements des nageoiresd’un poisson nettoyeur (Labroides dimidia-tus) que plus ce contact physique est pro-longé, plus le taux de cortisol, l’hormone dustress, s’abaisse dans le sang du poissonchirurgien. C’est la première démonstrationdu pouvoir relaxant des stimulations tac-tiles chez les animaux. Dans la nature lespoissons nettoyeurs se nourrissent desparasites externes d’autres poissons quis’en trouvent ainsi débarrassés. Les pois-sons nettoyeurs se font reconnaître deleurs « clients potentiels » par une livréecolorée et un comportement natatoire par-ticuliers. Les poissons nettoyeurs influen-cent la décision de leurs « clients » de selaisser épouiller en les touchant avec leursnageoires pectorales et pelviennes.

(1) Marta C. Soares et al.,Tactile stimulation lowersstress in fish, Nature Communications 2, 534, 15November 2011 ; repris par Le Télégramme, 15 avril.

Pêche à la «scie électrique »

Une équipe australienne (1) a montréque le poisson-scie (Pristis microdon) nese servait pas – comme on le pensaitjusqu’à présent – de son rostre denticulé,évoquant une scie, pour fouiller les fondssablonneux pour y déloger ses proies. Cerostre est recouvert d’électrorécepteurs,sensibles aux microvariations de champsélectriques produits par les animaux, àl’aide desquels le poisson-scie repère sesproies, constituées de poissons de petite

taille (2). Puis à l’aide de sa « scie », il lesfrappe à grands coups avant de les retour-ner pour les avaler, la tête la première.

(1) Barbara E. Wueringer et al.,The function of thesawfish's saw, Current Biology, Volume 22, Issue 5,R150-R151, 6 March.

(2) cf. video http://download.cell.com/current-bio-logy/mmcs/journals/09609822/PIIS0960982212000851.mmc3.mov

Des animaux marins déjà il y a ¾de milliard d’années

Des chercheurs sud-africains et écossais(1) viennent de monter que les microfos-siles ovoïdes de 5 mm (Otavia antiqua)trouvés en 1995 dans des roches datant de760 millions d’années en Namibie,n’étaient pas des algues comme on le pen-sait mais des animaux : les ancêtres deséponges. Cette découverte fait remonterl’apparition du règne animal plus de100 millions d’années plus tôt que l’on lecroyait car jusqu’à présent les plus anciensfossiles connus étaient des éponges datantde 650 millions d’années.

De son côté, une équipe de paléonto-logues canadiens (2) a analysé le fossiled’un petit animal marin de 5 cm, (Pikia gra-cilens), trouvé en 1911 au Canada dans lesschistes de Burgess, datant de 500 millionsd’années et que l’on classait jusqu’à pré-sent dans les vers. Après avoir examinétrès minutieusement le fossile, lesCanadiens ont pu démonter qu’il n’en étaitrien. L’animal est un « chordé » : il possèdeune structure cartilagineuse dorsale (lachorde) et un tube nerveux dorsal qui fontde lui l’ancêtre des vertébrés, dont les pre-miers furent les poissons cartilagineuxsans mâchoire. La bouche de cet animalest entourée de deux petits tentacules quidevaient probablement servir à palper lesédiment marin pour détecter sa nourriture.Les 9 paires d’appendices visibles derrièrela tête pourraient avoir assuré la fonctionde branchies.

TAVDK

(1) C.K « Bob » Brain, Anthony R. Prave, Karl-HeinzHoffmann et al., The first animal : ca, 770 million yearsold sponge like fossils, from Namibia, South AfricanJournal of Science, 108, n° 1/2, 18 January ;

repris par C. Hancock, La vie animale est apparueplus tôt que prévue, Science et Vie, mai

(2) Simon Conway Morris,,Jean-Bernard Caron,Pikaia gracilens Walcott, a stem-group chordate fromthe Middle Cambrian of British Columbia, BiologicalReviews, Volume 87, Issue 2, pages 480-512, May ;

repris par Emilie Rauscher, Ce petit « ver » marin estl’ancêtre des vertébrés, Science et Vie, mai 2012

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Hécatombes chez les mammifères marins

Si la santé des mammifères marins estconnue pour être menacée par les pollu-tions chimiques d’origine terrestre, les pol-lutions biologiques d’origine terrestres etsonores d’origine humaine étaient jusqu’àprésent moins connues pour causer defortes mortalités dans les populations decétacés et de pinnipèdes.

Mais il s’avère que de nombreux micro-parasites unicellulaires (protozoaires etlevures) présents chez des bovins, deschiens et des félins, voire des moisissuresde feuilles d’eucalyptus, diffusent ample-ment en mer et contaminent otaries,phoques et marsouins et causent desmaladies musculaires et neurologiques,responsables de 40 % de leur mortalité.

C’est du moins ce qu’ont révélé, lors dela rencontre à Vancouver du 21 février del’American Association for theAdvancement of Science (1), les servicesvétérinaires des côtes occidentales cana-diennes et nord américaines en autopsiant5 000 cadavres de mammifères marinséchoués sur les plages entre 1998 et 2010.

Par ailleurs, plus au sud, sur les côtes duPérou, trois milliers de cétacés des deuxsexes et de tous âges, majoritairement dedeux espèces, le dauphin côtier sud améri-cain commun (Delphinus capensis) et lemarsouin noir épineux (Phocoena spinipin-nis), ont été retrouvés morts depuis 2011sur 3 plages du Pérou. Depuis mars c’est900 cadavres de dauphins qui se sontéchoués sur les plages péruviennes.L’organisation péruvienne scientifique pourla conservation des animaux aquatiques(ORCA), révèle que les autopsies réaliséessur ces cétacés montrent qu’ils ont souffertd’un syndrome de décompression aiguë,comme en témoignent « les fractures desos périotiques de l’oreille moyenne, l’em-physème pulmonaire disséminé ainsi queles bulles d’air dans le foie, les reins et lesvaisseaux sanguins ». Cette décompres-sion aiguë pourrait avoir été causée par« une cavité acoustique qui peut se formerlors de l’utilisation en haute mer d’équipe-ments de sismique 3D », « pour rechercherdu pétrole ou du gaz ». Ces techniques desondages géologiques utilisent des ondesacoustiques produites par des explosifs oudes canons à air comprimé. Celles-ci en sepropageant dans des milieux compressi-bles comme celui des organismes vivantspeuvent entrer en résonance dans les cavi-tés et y augmenter subitement la pressionet en briser les parois lors qu’elles sontrigides ; la pression en s’abaissant brutale-ment après le passage des ondes pro-voque le dégazage du sang et la formationde bulles qui interrompent la circulationsanguine. Au nord du Pérou, l’entrepriseBPZ qui utilise cette technique d’explora-tion géologique a été mise en cause. Si elle

nie être responsable de la mort des céta-cés elle reconnaît dans son rapport d’im-pact environnemental que la sismique 3Dest une technologie qui peut perturber lesanimaux marins. Les ministres péruviensde l’Environnement et de la Pêche ont étéconvoqués le 10 avril par le président duCongrès pour fournir des informations surle lien éventuel entre la mort des dauphinset la technologie sismique d’explorationpétrolière et les mesures préventives pourpréserver la faune marine d’un plus graveimpact environnemental. C’est l’Institut derecherche marine du Pérou (IMARPE), quidevrait finalement présenter un rapport offi-ciel à ce sujet. Comme le gouvernement, lebiologiste allemand Stefan Austermühle,directeur d’une autre ONG péruvienne,« Monde bleu », estime l’hypothèse de l’im-pact acoustique comme très peu plausibleet considère que la cause la plus probableest une maladie due à un virus activé par leréchauffement des eaux. De plus, ceréchauffement des eaux, de plus de 6 °Cdepuis février par rapport à la moyenne sai-sonnière, a conduit les anchois et les sar-dines, à la base de la nourriture desoiseaux marins, à nager plus en profondeuret à migrer vers le pôle sud. Cette pénuried’aliments pour les plus jeunes oiseaux quipêchent en surface, a provoqué la mort deplus de 5000 oiseaux, majoritairement despélicans, sur les côtes péruviennes et deplus 2000 sur les côtes chiliennes. (3)

Il est reconnu aujourd’hui que les ondessonores émises par différentes activitéshumaines en mer (hélices des navires,explosions, forages, sonars de sous-marins) perturbent le comportement desbaleines. Une équipe américaine (4) del’université de Californie a découvert queles baleines bleues (Balaenoptera muscu-lus) diminuent de moitié ses appels « chan-tés » sur une fréquence de 100 hertz,lorsqu’elles sont exposées aux ondessonores des sonars des navires et dessous marins, émettant à des fréquencessupérieures à 1 000 hertz, même si ellessont de faible intensité. Ce type de chantsde communication étant émis lorsque lesbaleines sont en recherche de nourriture, la

perturbation engendrée par les sonarspourrait nuire à leur survie.

Les mammifères marins vivant dans lesaires marines protégées, à l’abri de tellespollutions, devraient en principe prospérer.Mais une Américaine de l’universitéd’Arizona (5) vient de montrer que, contretoute attente, la réserve marine d’Hawaï,avec 360000 km2, la plus vaste du monde,n’a pas réussi à éviter le déclin des popula-tions du phoque moine (Monachusschauinslandi) endémique à cette île.L’effectif de l’espèce s’est tellement réduitque ce phoque est au bord de l’extinction,alors que paradoxalement les populationsde phoques présentes au voisinage de laréserve sont en accroissement. Unerecherche doit être entreprise pour mieuxcomprendre la structure et le fonctionne-ment de l’écosystème de la réserve marineet déterminer la cause du déclin du phoquemoine, qui semble est très spécifique àcette réserve. Heureusement, il est mainte-nant démontré qu’une réserve marine peutréussir à endiguer le déclin d’autresespèces de mammifères marins. Ainsi uneaire marine protégée en Nouvelle-Zélande,créée il y a 21 ans sur une surface bien plusmodeste que celle d’Hawaï, a réussi à arrê-ter la baisse des effectifs des populationsdu dauphin d’Hector, une espèce de trèspetite taille, endémique aux côtes néozé-landaises, qui déclinaient jusqu’à lors de6 % par an (cf. Sciences et Avenir, mai)

TAVDK

(1) Loïc Chauveau, Les maux de terre frappent lesmammifères marins, Sciences et Avenir, avril.(2) Uso de sismica 3D en el mar si atenta contra la vidade delfines, La Republica, 10 de Abril ; Juan Arellano,traduit par Noele Belluard-Blonde, Pérou 3 000 dau-phins retrouvés morts, l’exploration pétrolière mise encause, on line Global Voices France, 13 avril et TeraEco, 16 avril.(3) Chrystelle Barbier, Des milliers de pélicans meurentdu réchauffement des eux côtières au Pérou, LeMonde, 15 mai.(4) Mariana L. Melcon et al., Blue Whales Respond toAnthropogenic Noise, Plos One, 29 February ; reprispar Le Monde, 3 mars.(5) Leah R. Gerber et al., Managing for extinction?Conflicting conservation objectives in a large marinereserve, Conservation Letters, Volume 4, Issue 6,pages 417–422, December 2011 ; repris par E. Bonnet-Vidal, Les réserves n’enrayent pas le déclin de certainsphoques, Science et Vie, mai.

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012 - 31

Curiosités zoologiques

Un escargot breton

La Bretagne a une espèce d’escargotbien à elle (même si on la retrouve au PaysBasque) : l’escargot de Quimper (ElonaQuinperiana). Décrit en 1822, il est élégam-ment moucheté: c’est l’un des rares inverté-brés protégés par la loi. On le trouve (enprincipe) à l’ouest d’une ligne Saint-Brieuc-Vannes (Le Télégramme, 4 avril).

Puces géantes préhistoriques

On vient de découvrir, en Chine, despuces fossiles géantes (jusqu’à 20 cm) qui,semble-t-il, suçaient le sang des dinosauresà plumes, que l’on peut plaindre d’avoir dûsupporter de tels parasites… (LeTélégramme, 4 avril).

La mouche qui aime l‘alcool

La drosophile est la petite mouche duvinaigre, très étudiée en génétique. Ellepeut être amateur d’alcool éthylique, grâce àune enzyme qui le dégrade. Sa larve sembleavoir une préférence pour une nourriturealcoolisée : l’éthanol résiduel du sang(hémolymphe) de la larve semble constituerune protection contre les parasites, desguêpes de deux espèces, qui pondent leursœufs dans l’asticot de drosophile. (LeMonde, 18 février – d’après Current Biology,Feb. 16).

Caméléon pygmée

Nouveau record : avec une longueur deseulement 3 cm, le caméléon Brookesiamicra, propre à une île malgache, est le pluspetit reptile du monde (Pour la Science,avril).

Animaux artilleurs

Cracheurs, artilleurs, ou même bombar-diers (c’est le nom de certains insectes), ilsprojettent sécrétions ou autres substancessur leurs ennemis.

Le comportement est parfois plus raffiné.Les sajous capucins s’enduisent le corps desubstances provenant de fourmis ou demille-pattes, qui les protègent contre lesparasites. Un comportement qui abolit lahiérarchie : ces singes s’enduisent les unsles autres dans une sorte de fête sauvage.

Les mammifères et les insectes dange-reux pour leurs prédateurs éventuels les« avertissent » cependant, par exemplegrâce à un pelage noir et blanc pour les pre-miers, ou à des couleurs vives pour lesseconds (The New York Times/Le Figaro,10 février).

Comportements insolites chez lesmammifères

Les rates sont capables de prendre des« décisions » en fonction de stimulations

sensorielles variées, un mécanisme compa-rable à celui qui existe dans l’espècehumaine.

L‘ours brun doit être ajouté à la liste desanimaux utilisateurs d’outils. L’éthologistebritannique, Volker Deecke, a en effetobservé, en Alaska, un ours brun qui grattaitson cou et son dos à l’aide de pierresrugueuses tenues entre ses pattes, proba-blement pour soulager des démangeaisonsou nettoyer le pelage. Et cela malgré l’ab-sence de mains…

L’accent existe chez les chèvres : desbiquets élevés ensemble poussent des crissimilaires : un véritable accent égalementconnu chez quelques autres animaux(baleines, perroquets, pinson) (Sources: LeTélégramme, 4 avril ; Le Point.fr, 9 mars –d’après Animal Cognition ; Pour la Science,avril – d’après Animal Behaviour, feb. 16).

Étrange rongeur nu

Le rat-taupe, ou hétérocéphale glabre, estun rongeur des déserts de Somalie, vérita-blement hors normes à plus d’un titre.D’abord, il n’a pas de poils. Ensuite, sa lon-gévité est extraordinaire : il peut vivre unetrentaine d’années. Enfin, il est pœcilo-therme, c’est-à-dire que sa températureinterne dépend de la température ambiante,et peut tomber à 12 °C. Son vieillissementest très tardif, et il résiste étonnamment aucancer. Il parvient à vivre dans un milieusouterrain pauvre en oxygène, notammenten retardant l’entrée des ions de calciumdans les neurones cérébraux sous l’effet dela rareté de l’oxygène.

La vie sociale de l’hétérocéphale n’estpas moins étonnante. Elle évoque en effetcelle des insectes sociaux. La colonie mêleplusieurs générations, une « reine » assureà elle seule le renouvellement de la colonieen s’accouplant avec quelques rares mâles.

(Le Monde, 28 avril ; voir aussi notre revue n° 73,p. 34, et Jean-Louis Hartenberger in Humanité et anima-lité : quelles frontières?, colloque LFDA 2003, p. 34.Éditions Connaissances et Savoirs, 2006.)

Guenon prévoyante

Le gélada est un cynocéphale des mon-tagnes d’Éthiopie. On vient de découvrir queles femelles de cette espèce avortent lors del’arrivée d’un nouveau mâle dominant.Pourquoi? Parce que celui-ci tuerait lesjeunes nés de son prédécesseur. Donc,autant ne pas les mettre au monde. Baptisé« effet Bruce », ce comportement avait déjàété observé chez les souris (Sciences etAvenir, mai).

L’ancienneté de l’ours blanc

L’ours blanc, ou ours polaire, est plusancien qu’on ne le pensait. Selon une étudeparue dans Science (20 avril), l’espèce est

apparue voici environ 600000 ans: un résul-tat dû à de nouvelles recherches géné-tiques. Autrement dit, l’ours blanc a eu letemps de s’adapter à des variations clima-tiques : il a notamment dû traverser despériodes de réchauffement. Maisaujourd’hui sa survie semble être grave-ment compromise par l’addition desmenaces accélérées venant des activitéshumaines.

Exploits canins

Au Bangladesh on a observé une chienneallaitant un jeune singe. Nouvelle preuve del’universalité de l’instinct maternel, qui expli-querait l’existence des enfants-loups… AuJapon, un chien « bâtard » de 26 ans et 9mois est mort récemment: un record de lon-gévité (Le Courrier Picard, 9 et 22 décembre2011).

Généalogie bovine

Toutes nos vaches domestiques sontissues d’aurochs iraniens. Mais l’on vient dedécouvrir que toutes descendent d’un seulet même troupeau de quatre-vingts têtes.Des séquences génétiques d’ADN mito-chondrial (exclusivement transmises parlignée maternelle), recueillies dans les osse-ments des aurochs, ont prouvé cette filiation(Sciences et Avenir, mai, d’après MolecularBiology and Evolution).

Une odeur qui avertit

Les oiseaux n’ont qu’un très faible odorat.Pourtant, un de nos plus beaux oiseaux, lerollier, est alerté par l’odeur nauséabondedu liquide orange que ses poussins régurgi-tent en cas d’attaque d’un prédateur: l’odeurfait également fuir celui-ci (Sciences etAvenir, mai).

Les leçons du cormoran

Hôte typique du littoral breton, le cormo-ran huppé fait l’objet d’une étude écologiquepoussée, destinée à mettre en lumière lesinteractions entre l’oiseau et l’environne-ment marin : il se situe en effet au sommetde la chaîne alimentaire (Le Télégramme,11 avril).

Champ magnétique

L’orientation des animaux sur le champmagnétique terrestre semble enfin expli-quée. C’est la protéine cytochrome présentedans la rétine qui en est responsable, maisuniquement en présence d’une lumièrebleue, qui induit au sein de la protéine desréactions électroniques sensibles au champmagnétique (Sciences et Avenir, mai,d’après les Comptes-rendus de l’Académiedes sciences américaine).

JJB

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Requins-poisons

Selon une étude menée par des neuro-logues américains de l’université de Miami,une neurotoxine (la bN-méthylamino-L-ala-nine) produite par des cyanobactériesaquatiques, s’accumule tout au long de lachaîne alimentaire marine et se retrouve àde fortes concentrations chez les grandsprédateurs, notamment les requins et prin-cipalement dans leurs ailerons. Les taux deneurotoxine mesurés chez 7 espèces derequins vivant au sud de la Floride sontcomparables à ceux retrouvés chez deschauves-souris du Pacifique, puis dans lescerveaux d’habitants de l’île de Guam qui,après les avoir consommées, avaientdéveloppé une pathologie cérébrale dégé-

nérative se manifestant par un syndromeassociant les symptômes de la maladie deCharcot, de la maladie de Parkinson et unedémence !

Les neurologues recommandent de neplus consommer de requins. Mais il sepourrait aussi que d’autres poissons préda-teurs marins comme les thons et les sau-mons concentrent aussi cette neurotoxinequi a aussi été retrouvée à des teneurs éle-vées chez des crustacés à la suite de pro-liférations de ces cyanobactériesplanctoniques toxiques, provoquées pardes effluents industriels et agricoles pol-luants les eaux marines. Si cette toxine, quine semble pas rendre fous les poissons

mais qui fait d’eux des poisons, pouvait dis-suader les humains de les pêcher et d’enconsommer les ailerons, elle pourrait avoirl’heureux résultat de contribuer à préserverdes espèces aujourd’hui très menacéespar la surpêche : une autre folie deshommes qui elle n’est pas causée par uneneurotoxine mais par l’appétit effréné deshommes pour les animaux et l’argent.

TAVDK

(1) Kiyo Mondo et al., Cyanobacterial Neurotoxin

b-N-Methylamino-L-alanine (BMAA) in Shark Fins,Marine Drugs 21 February, 10(2), 509-520; repris parRachel Mulot, Les ailerons de requin sont toxiques,Sciences et Avenir, avril.

Mieux connaître lescomportements desanimaux familiers

Gare aux morsures

En France, sur 100000 enfants, 30 à 50 doivent êtresoignés annuellement pour des morsures de chiens.Une situation due essentiellement à une mauvaiseconnaissance du comportement du chien, que tropd’enfants, aux parents souvent peu vigilants, caressentà tort et à travers, notamment lorsqu’ils se nourrissentou rongent un os (Sciences et Avenir, avril, d’aprèsThe Journal of Pediatrics, février).

Reconnaître à l’œil età l’oreille

Vue et ouïe : le chienreconnaît son maître en« croisant » ces deux infor-mations. Il en est de mêmechez le cheval. Des obser-vations menées récem-ment à l’universitéd’Édimbourg l’attestent.C’est en faisant apparaître,puis parler, une personnedevant le cheval que cette« reconnaissance bimo-dale » a été décelée (LeMonde, 7 avril, d’aprèsAnimal Cognition en ligne12 avril).

JJB

Les chimpanzés casse-noix

Les chimpanzés sauvages sont capa-bles de « pêcher » les termites ou de cas-ser des noix, du moins dans certaines deleurs populations. Des chimpanzés du parcnational Taï de Côte d’Ivoire, appartenant àun même groupe, préfèrent utiliser pourouvrir les noix de Coula, selon les clans,soit des cailloux, notamment quand lesnoix sont dures, soit des branches detailles différentes dures, surtout quand lesnoix sont devenues tendres ou que lespierres ne sont pas en nombre suffisantdans l’environnement. Ces préférences« culturelles » ne sont donc pas le fait decommunautés éloignées géographique-ment, mais de petits groupes au sein de lamême population. Lorsque les femellesadultes, pourtant devenues expertes dansune technique de casser les noix, rejoi-gnent un autre clan, elles adoptent lestechniques de leur nouveau clan : on voit làune forme d’assimilation socioculturelle (LeMonde, 19 mai ; Le Figaro/New YorkTimes, 25 mai ; d’après Lydia Luncz, RogerMundry, Christophe Boesc, Evidence forCultural Differences between NeighboringChimpanzee Communities, CurrentBiology, 22, Issue 10, 922-926, 10 May2012).

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012 - 33

Comptes-rendus de lecture

Kamala, une louve dans ma famillePierre Jouventin, Flammarion, 2012

Il s’agit là d’une aventure en tous pointsextraordinaire et qui « permet une expé-rience humaine qui pose des problèmesanthropologiques fondamentaux », commele rappelle (p. 9) Boris Cyrulnik dans sa pré-face.

D’abord parce que le loup a toujours fas-ciné, par sa structure sociale si proche de lanôtre, au point que, au cours de la préhis-toire, notre premier animal apprivoisé, il y asans doute près de 100000 ans, puisdomestiqué, fut un loup, paisible et joueur, lechien. D’autre part, parce s’il n’est pasrecommandé, dans le cas général, d’adopterun animal sauvage, les conditions de l’adop-tion de Kamala, satisfont à toutes les consi-dérations éthiques, puisque, si elle n’avaitpas été adoptée, la petite louve allait êtretuée. Aussi parce que l’auteur et sa familleavaient le bagage intellectuel, nécessairemais rare, pour permettre à cette expériencetransspécifique de réussir. Pierre Jouventina passé sa vie à étudier, au sein du CNRS,le comportement des oiseaux et des mam-mifères à l’état sauvage. On lui doit notam-ment la découverte de plusieurs espècesd’oiseaux. Il nous conte ici, avec passion,cette relation originale et attachante « Toutema vie j’ai été passionné par les animaux »(p. 14). Quant à sa famille, heureusementpour l’aventure à venir, « depuis sonenfance, Line, mon épouse, rêvait d’éleverun loup » (p. 13).

Le nom, Kamala, est celui d’une filletteindienne, un peu mythique, qui, dans saprime enfance, aurait été adoptée par desloups. La Kamala-louve de l’histoire, quant àelle, est née au zoo de Montpellier où, fauted’un projet de vie pour elle, elle devait êtretuée. La sachant condamnée « j’eus moinsde scrupules à domestiquer un animal sau-vage – ce qui était contre mes principes,même lorsqu’il était comme ici en captivité »(p. 20). Adoptée par la famille de Jouventin àun moment où elle n’avait pas encore ouvertles yeux, la louve adopta en retour cettefamille comme sa meute. Les débuts furentdifficiles pour la famille, car Kamala« demandait beaucoup de soins et nousmordait constamment » (p. 24).

« Le loup est autrement plus fascinant etsociable que le renard, sans doute rusé maissolitaire » (p. 27). Bourré d’anecdotes parfoisamusantes, le livre raconte les faits et gestesde Kamala au sein de sa famille d’accueil, sagrande émotivité, son aptitude à la coopéra-tion, son intelligence (« car si un loup est loind’être un maître de l’intelligence concep-tuelle, il est impossible de le leurrer deux foispar la même ruse », p. 101), sa volontéapparente de « répondre » par des sonsmodulés aux paroles humaines, sans en

avoir, bien sûr, les capaci-tés vocales, ses jeux avecles chiens de la maison-née, son escapadeimprévue en ville, avectoutes les conséquencesque cela aurait pu avoir,comment il fallait protégerles objets précieux dansune pièce à part pour évi-ter leur destruction par lalouve, comment Kamalaa survécu à sa premièremaladie, comment finale-ment « bien intégrée dansla meute Jouventin,Kamala était psychologi-quement équilibrée »(p. 81). L’ouvrage s’étendaussi sur l’histoire natu-relle du loup, à ses straté-gies de chasse dans lanature (« contrairement àce qu’on attend… il a étémontré qu’il rate sa proiedans environ 90 % descas », p. 198), à ses diffé-rences avec le « loup pai-sible » sélectionné parl’homme, le chien, qui« admet beaucoup mieuxla dominance de son maî-tre […], est moins méfiantà l’égard des étrangers »(p. 40). « Si le chien estbeaucoup plus docile etattentif à son maître quele loup, c’est qu’il a étésélectionné pour rester juvénile » (p. 52).C’est ce qu’on appelle, en science, la « néo-ténie » et qui est, sans doute aussi, unecaractéristique de l’espèce humaine.

Au détour des pages, le propos peut deve-nir plus général et l’auteur présenter des élé-ments aussi divers que la manière de secomporter avec un chien, les problèmesposés par la réapparition du loup en France,la corrélation qui peut exister ente la taille decerveau et la complexité des relationssociales, les cultures animales, les expres-sions faciales des loups, le fait qu’ils viventsurtout dans un monde olfactif, différent dumonde visuel qui est le nôtre… Au détourdes pages, l’auteur souligne aussi les inco-hérences de beaucoup de parcs zoolo-giques: « Conserver en captivité les dernierssurvivants d’une espèce en voie de dispari-tion ne suffit pas à protéger leur patrimoinegénétique » (p. 33). Et nos lecteurs serontbien d’accord avec l’affirmation selonlaquelle : « Les animaux sont évidemmenteux aussi des êtres sensibles capablesd’émotions et d’affection » (p. 90).

On ne résume pas un livre d’une telleampleur et d’une telle richesse. On en donne

seulement une petite idée et ce que j’ai tentéde faire ici. « Cette complicité entre hommeset bêtes est-elle naturelle? », se demande(p. 115) Jouventin. Au-delà de l’entraide etde l’altruisme, qui existent dans beaucoupde groupes animaux, et qui peuvent seconcevoir dans des groupes transspéci-fiques, l’empathie dont faisait preuve Kamalapour sa famille est sans doute une desgrandes réponses à cette question. « Il étaitassez émouvant… d’entendre Kamala gémiren me regardant me préparer à sortir »(p. 208). Pour l’auteur, « par adaptation deson comportement social au même mode devie » que l’homme (p. 267), le loup est peut-être « l’animal le plus proche de l’homme »(p. 261). Et même, à l’heure où « l’huma-nisme anthropocentré rencontre… deslimites tant théoriques que pratiques »(p. 294), « notre espèce, si elle veut perdu-rer, pourrait prendre modèle sur le loup et lechien pour la sociabilité » (p. 286).

Un livre, en tous les cas, qui se lit avecpassion et qui intéressera tous les publics.

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Comptes-rendus de lecture

Le Bestiaire cérébralJean-Pierre Ternaux, François Clarac,CNRS Editions, 2012

Il s’agit d’un livre, certes de lecture aiséepar le grand public, mais fondamentalementd’un livre de science, de rigueur irréprocha-ble et pourvu d’une abondante bibliographiede référence. Le sous-titre de l’ouvrage, quifigure en première page, « Des animauxpour comprendre le cerveau humain »,signale explicitement le but: présenter tousles « modèles animaux » qui ont permisl’amélioration de nos connaissances dans ledomaine du cerveau. Le panorama va desvers comme les planaires aux singes, enpassant, entre autres, par les mouches dro-sophiles, vedettes de la génétique, les crus-tacés, les grenouilles et bien, entendu lesrongeurs comme les rats ou les souris« vedettes de la neurobiologie contempo-raine » (p. 235).

Mais alors qu’est-ce qui justifie particuliè-rement la présence d’un compte-rendu de celivre dans les colonnes d’une revue commela nôtre? C’est essentiellement l’esprit danslequel il a été écrit et qui est clairement expli-cité dans la conclusion, qui porte sur les« relations homme-animal » et sur l’« élabo-ration des principes éthiques nécessaires àl’expérimentation animale ». Il paraît à la foisremarquable, et significatif de l’évolution dela pensée de nos jours, que les deux scienti-fiques auteurs de l’ouvrage concluent celui-ci sur un long extrait de la Déclaration

universelle des droits de l’animal, enaffirmant qu’ « elle répond parfaite-ment aux principes que nous avonsvoulu promouvoir dans notreouvrage » (p. 349).

Écoutons encore les auteurs.« Notre philosophie humaniste d’au-jourd’hui nous dicte comme principepremier de respecter non seulementtous les êtres humains, […] maisaussi… le monde animal » (p. 350).Et les auteurs de citer Montaigne, enajoutant que « la place de l’animaldans notre monde contemporain estcertainement à repenser » (p. 351),afin de trouver, dans l’avenir, pourles hommes et les animaux « lacomplicité, la solidarité, le destincommun que nous espérons »(p. 351). On ne peut que constatercombien la position de certainsscientifiques, comme les auteurs decet ouvrage, a pu évoluer, dans unsens favorable à la morale et auxthèses que nous défendons. On nepeut également que souhaiter quel’ensemble des scientifiques, sou-vent encore bien timides en ce quiconcerne les droits des animaux,suivent avec profit cette incitationdes auteurs.

Petite histoire des grands singesChris Herzfeld, Seuil, Paris, 2012

Philosophe et artiste, Chris Herzfeld tra-vaille, depuis de nombreuses années, surles grands singes et a mis en évidence cer-tains de leurs traits culturels et ludiquesimportants, comme la capacité à faire, avecdes cordes, des nœuds complexes. Dans leprésent livre, elle vise à « interroger la fasci-nante histoire des relations entreOccidentaux et primates » (p. 7). Car lesOccidentaux ont toujours été écartelés entredeux volontés : celle de se définir commecomplètement distincts de leurs cousinsanthropoïdes et d’occuper une place « abso-lument singulière dans l’univers » (p. 8) etcelle de retrouver une « pureté originelle, derenouer avec un monde édénique où les dif-férentes espèces vivaient en harmonie »(p. 8). Cette sorte de schizophrénie philoso-phique apparaît en filigrane dans les diffé-rents chapitres de l’ouvrage.

Les premiers chapitres sont un survol del’histoire. Dès l’Antiquité « les hommes sontfascinés par les singes et la facilité aveclaquelle ils imitent leurs comportements »(p. 11). L’auteure nous fait partager les rap-ports des humains et des singes à travers laMésopotamie, l’Égypte ancienne, les écritsde Platon et d’Aristote, les premières dissec-tions de Galien, le « simien apparenté àSatan » (p. 18) du Moyen Âge, les dissec-

tions comparées d’un humain et d’un singepar Vésale à la Renaissance, les premièresménageries, la première classification desprimates par John Ray en 1693, le dévelop-pement des sciences naturelle au xVIIIe siècleavec la description du chimpanzé par Buffonou de l’orang-outan par Vosmaer…

Vint ensuite l’époque coloniale et une plusgrande chance de contacts entreOccidentaux et simiens. En Europe, ce sontsurtout les dépouilles qui arrivent et sont étu-diées: « Réifié et sous contrôle, le primateexiste à travers des tableaux de mesure, descomptes-rendus de dissections et desplanches anatomiques » (p. 35). Enrevanche les débuts du transformisme intè-grent enfin l’homme dans la lignée animalede ses cousins anthropoïdes, avec « la redé-couverte du gorille » (p. 40) au xIxe siècle,puis, au début du xxe, la découverte duBonobo. La science de l’époque colonialedégage aussi des présupposés racistes, quiplacent la « race blanche » au sommet et lesautres races à mi-chemin entre elle et lesanthropoïdes. Les jardins zoologiques pren-nent également leur essor en tant que lieuxde curiosités.

À partir du xxe siècle, les singes accèdentaussi au statut, pas toujours enviable, d’ani-maux d’expérience. Sur le plan de l’intelli-gence et la cognition, cela se traduit par lespremières adoptions « scientifiques » deschimpanzés dans des familles. Mais, enmême temps, le début du xxe siècle voitapparaître des théories réductionnistescomme le béhaviorisme et considérercomme des traits mécaniques les comporte-ments des animaux. Cette dévalorisationthéorique va de pair avec leur utilisation enrecherche physiologique ou médicale. « Lenombre d’expériences médicales menéessur les animaux ne va cesser de croître »(p. 67) et les singes font évidemment part dece mouvement. Ainsi Metchnikoff, à l’InstitutPasteur, qui « utilise notamment des pri-mates anthropoïdes dans le cadre de sesrecherches sur la syphilis » (p. 67).L’utilisation médicale des chimpanzés sepoursuit de nos jours: « En 1980, les chim-panzés ont été considérés comme d’excel-lents modèles pour expérimenter lestraitements contre le Sida » (p 69), jusqu’aumoment où on s’est aperçu qu’ils ne réagis-saient pas du tout au virus VIH comme leshumains. Parallèlement, et sur un mode pluspositif, s’est développée la recherche sur lacognition des grands primates, avec desauteurs comme Köhler, Yerkes ou NadiaKohts, qui, d’une certaine manière, ont misun terme à la triste époque du béhaviorismepur et dur. On en arrive ainsi aux spectacu-laires recherches modernes sur l’intelligencedes grands singes, sur leurs aptitudes àcomprendre les intentions d’autrui (théoriede l’esprit), sur la conscience qu’ils ont u

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 74 - JUILLET 2012 - 35

Comptes-rendus de lecture

d’eux-mêmes, sur leurs aptitudes protomo-rales (nos lecteurs connaissent les travauxde Frans de Waal)…

D’où cette nouvelle place pour les anthro-poïdes, analysée au chapitre IV, fruit de lalogique darwinienne et des résultats sanscesse augmentés de l’éthologie des pri-mates. On découvre que les grands singesmiment beaucoup des comportementshumains, qu’ils sont capables d’aptitudeslangagières et de sens esthétique. Placésdans des structures familiales « les singesparlants ont fait preuve d’une capacitéd’adaptation extraordinaire aux milieuxhumains » (p. 105). Au point que certainsd’entre eux se perçoivent comme deshommes. La chimpanzé Wiki, à qui on pro-posait de mettre sa propre image dans unedes deux piles, « humains » ou « animaux »,la place spontanément chez les humains(p. 109). Les grands singes qui vivent avecles humains, y compris ceux des zoos,entrent « en quelque sorte, dans la maisonde l’homme » (p. 120). Le « devenir-humain » du grand singe « est le lieu le plusfascinant de la ressemblance entre humainset primates » (p. 126).

Si la frontière entre singes poilus et« singes-nus » (que sont les humains, selonl’expression de Desmond Morris) s’estompe,grâce à ce « vivre-ensemble », les observa-tions effectuées sur le terrain, sur des grandssinges entièrement libres, vont dans lemême sens. L’éthologie de terrain révèle desaptitudes intellectuelles et sociales excep-tionnelles chez les singes, de remarquablestraditions culturelles, comme les utilisationsd’outils. Et l’auteure rappelle, avec bonheur,les travaux de Dian Fossey sur les gorilles,ceux de Jane Goodall sur les chimpanzés ouceux de Biruté Galdikas sur les orang-outans. D’une certaine manière, et à l’in-

verse du devenir-homme de grands singes,les primatologues « expérimentent aussi undevenir-singe » (p. 165).

Dans le cadre de ce renouvellementmoderne de la primatologie, Chris Herzfeldsouligne, avec justesse, l’importance desfemmes-chercheurs dans la mise à l’écartdes hypothèses « traditionnelles », qui défi-

nissaient des rôles figéspour les mâles guerriers,nécessairement dominants,et les femelles ménagères,nécessairement dominées,dans les troupes de pri-mates. Des hypothèses quise sont avérées très inadap-tées, du fait de l’extrêmeplasticité du comportementdes grands primates,humains compris. La « natu-ralisation de la dominationmasculine » (p. 183), tellequ’elle figurait dans leshypothèses traditionnellesapparaît, de nos jours,comme une entreprise idéo-logique totalitaire, réfutéepar la biologie des grandsprimates. Les femmes-cher-cheurs ont ainsi bouleversé« les dogmes et modèlesofficiels de la primatologie »(p. 188), mais sans douteaussi l’idée même que notreespèce humaine se faisaitd’elle-même.

Finalement « les grandssinges constituent, parexcellence, les marqueursdes limites et des aporiesde la frontière rigide dres-sée entre hommes et

bêtes » (p. 203). Merci à cet ouvrage étince-lant de nous le rappeler avec force et clarté.Merci à Chris Herzfeld de nous rappelercombien est grande « l’étendue du mondecommun » (p. 205) que nous partageonsavec nos cousins les singes.

GC

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Du nouveau sur les facultés d’abstraction des animaux

Des chercheurs français viennent d’ef-fectuer coup sur coup des découvertesimportantes sur les facultés conceptuellesdans deux classes zoologiques très diffé-rentes, celle des insectes et celle desmammifères

Une équipe CNRS du Centre derecherches sur la cognition animale del’université Paul-Sabatier de Toulouse (1)vient apporter la preuve que les abeillessont capables d’associer deux conceptsabstraits : la position relative et la différencede forme de deux figures géométriques.

Les chercheurs présentent aux abeillesdeux images différentes (des anneauxconcentriques et des losanges rayonnantspar exemple) tantôt l’une au dessus del’autre, tantôt côte à côte. Les abeilles sontentraînées trois heures à privilégier l’uneou l’autre de ces relations de position entreles deux images, par exemple en recevantune goutte d’eau sucrée « récompense »depuis un goulot placé entre les figures dis-posées l’une au dessus de l’autre et aucontraire en recevant une goutte d’eauamère à la quinine « punition » depuis ungoulot placé entre les deux figures dispo-sées l’une à côté de l’autre.

Au terme de l’apprentissage, les abeilleschoisissent toujours la dispositiongagnante, par exemple « deux figures diffé-rentes et alignées l’une au dessus de l’au-tre ». Si deux figures identiques pourtantalignées l’une au dessus de l’autre leursont présentées elles négligent le goulotplacé entre elles pour se diriger vers legoulot placé entre les deux figures diffé-rentes.

Ces insectes font le même choixlorsqu’elles se trouvent confrontées à desimages qu’elles n’avaient jamais vues. Lepetit cerveau d’1 mm3 des abeilles, a beaun’être constitué que d’à peine un million deneurones, est donc capable d’intégrer lesdeux concepts abstraits de position relativeet de différence géométrique, indépendam-ment des objets matériels qui les sous-ten-dent.

Une équipe de chercheurs de l’universitéd’Aix-Marseille, a apporté la preuve que lessinges babouins apprennent à distinguerdes mots écrits de 4 lettres de mots

dépourvus de sens, par reconnaissancevisuelle de l’orthographe et analyse statis-tique.

En pressant une forme ovale ou unecroix sur un écran tactile, le babouinindique respectivement s’il est confronté àun bon mot ou à un pseudo-mot et reçoitune récompense en cas de bonne réponse.

Pour apprendre un nouveau mot aubabouin, le chercheur lui présente partranche de 100 des séquences de 4 lettres :dans 25 cas le nouveau mot, dans 25 casles anciens mots et dans 50 cas lespseudo-mots. Au fur et à mesure desessais, ils distinguent de plus en plus sou-vent un pseudo-mot d’un mot, dès la pre-mière fois où il le voit Sans attribuer unsens aux mots, le singe détecte et analysestatistiquement des régularités dans l’en-chaînement des lettres, telles que lesgroupes de deux lettres apparaissant fré-quemment. Les singes commettent autantd’erreur que des enfants ne sachant pasencore lire lorsque la similarité des motsest proche par exemple « balle et « bolle ».Les babouins ont appris ainsi à reconnaîtrejusqu’à cent mots.

TAVDK

(1) Aurore Avarguès-Weber et al., Simultaneousmastering of two abstract concepts by the miniaturebrain of bees, Proceedings of the National Academy ofSciences, en ligne 19 avril (repris par Sciences etAvenir, juin, et Pour la science, juin)

(2) Jonathan Grainger et al., OrthographicProcessing in Baboons (Papio papio), Science 36, pp245-248, 13 April 2012 (repris par Pour la Science, juinet Sciences et Avenir, juin).