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Master 2 Droit du Marché 2010-2011
LA FORMATION DU CONTRAT
MEDICAL DROIT COMMUN DES CONTRATS OU DROIT
SPECIAL ?
Alexandra Guillemain
2
Table des matières
TITRE PREMIER L’exigence d’une volonté certaine du patient : la complémentarité du
consentement au contrat et de l’assentiment à l’acte médical .................................................... 6
CHAPITRE PREMIER L’existence d’un libre consentement au contrat médical et ses
exceptions
spécifiques……………………………………………………………………………….…..6
SECTION PREMIERE Le consentement libre des parties, principe justifié par les
droits
fondamentaux……………………………………………………………………………..7
SECTION DEUXIEME Les exceptions encadrées au principe du libre consentement :
une rupture marquée d’avec le droit commun des contrats .............................................. 11
CHAPITRE DEUXIEME L’assentiment à l’acte médical : la nécessité d’un accord
réitéré du patient……………………………………………………………………………14
SECTION PREMIERE Une originalité du droit médical ............................................ 14
SECTION DEUXIEME Les exceptions controversées à l’assentiment du patient ...... 17
TITRE DEUXIEME L’assurance d’une volonté éclairée du malade : l’obligation
d’information spécifique au droit médical ............................................................................... 19
CHAPITRE PREMIER L’obligation d’information du patient, garantie d’une décision
médicale éclairée…………………………………………………………………………...20
SECTION PREMIERE La délivrance de l’information, obligation pesant sur tous les
professionnels de santé et sur le patient ........................................................................... 21
SECTION DEUXIEME Le contenu spécifique de l’information fondé sur le critère de
la gravité…………………………………………………………………………………22
CHAPITRE DEUXIEME La spécificité du contrat médical à travers la portée de
l’obligation d’information………………………………………………………………….25
SECTION PREMIERE L’originalité du système probatoire de la transmission de
l’information…………………………………………………………………………….25
SECTION DEUXIEME Les limites circonstanciées de l’obligation d’information en
droit médical…………………………………………………………………………….28
3
Dès l’origine, le droit commun des contrats s’est imposé comme une base solide
applicable à tout contrat. Il avait vocation à régir toutes les conventions tant ses dispositions
étaient rédigées de manière générale.
Mais face à certaines situations, le droit commun a commencé à montrer ses limites,
de par des textes à vocation trop larges et mal adaptés à diverses situations précises. Le
contrat de vente s’est vu reconnaitre le statut de contrat spécial et a impliqué l’instauration de
règles spécifiques dans le code civil en raison de la spécificité de son contenu, ne pouvant pas
se limiter aux seules règles de droit commun. L’intérêt était de jongler entre des règles
spécifiques et communes complémentaires.
Le problème ne s’est pas posé uniquement pour le contrat de vente. Avec la
progression d’un véritable droit médical, la question s’est vite posée de savoir si la relation
entre un médecin et son patient était un contrat. La raison était simple, il fallait qualifier cette
relation pour trouver un fondement à l’engagement de la responsabilité du médecin qui serait
en faute. Le contrat paraissait être la solution assurant le plus de sécurité pour le patient. Mais
l’implantation en droit français du droit médical a été longue et fastidieuse, et c’est finalement
les juges qui ont qualifié la relation médicale.
La Cour de cassation a reconnu pour la première fois l’existence du contrat médical
dans l’arrêt « Mercier »1, considérant « qu’il se forme entre le médecin et son client, un
véritable contrat ». Déjà en 18392, les juges de la Haute Cour sous entendaient l’existence
d’un rapport contractuel sans pour autant donner plus de précision. Cette affirmation n’était
pas isolée, en droit espagnol, suisse, belge ou encore québécois, les juges avaient également
1 Cass, civ., 20 mai 1936, DP 1936, I, p. 88
2 Cass, req., 21 août 1839, in Juris. Gén., Dalloz, « Louage d’ouvrage et d’industrie », t. XXX, 1853, p. 548
4
identifié un contrat médical « présentant les mêmes traits fondamentaux qu’en droit
français 3».
Si toutefois elle admet l’existence d’un contrat médical, la jurisprudence n’en a pas
donnée de définition. C’est donc à la doctrine qu’est revenue la tâche, particulièrement
complexe, de tracer les contours de la notion.
« Le contrat médical à proprement parler est celui qui se conclut entre le médecin
exerçant à titre libéral et son client, en vue d'un diagnostic et, le cas échéant, d'exploration,
de soins, d'un traitement ou d'une intervention chirurgicale 4». Dès lors il faut le distinguer du
contrat d’hospitalisation qui est conclu entre l’établissement de soins personne morale et le
patient, alors que le contrat médical concerne le malade et un médecin personne physique. Le
contrat d’hospitalisation est complémentaire au contrat médical dès lors que le patient doit
être admis dans un établissement hospitalier pour se faire soigner. Ce contrat est soumis au
droit commun et ne comporte pas les mêmes obligations ni les mêmes conditions de
formation que le contrat médical. La confusion entre les deux est aussi fréquente
qu’inopportune.
Le contrat médical est également un contrat civil en ce sens que l’activité médicale
n’est pas considérée comme commerciale. Ce serait particulièrement contraire à la
déontologie et à la philosophie de confiance entre les parties existante en droit médical. Pour
autant, il reste un contrat onéreux puisque le patient a l’obligation de rémunérer le médecin
pour sa prestation. Cette dualité des obligations, certaines incombant au médecin et d’autres
au patient permet d’affirmer que le contrat médical est également synallagmatique.
Si la notion de contrat médical est acquise en jurisprudence et soutenue par une
majeure partie de la doctrine5, une partie minoritaire se place dans une toute autre optique.
Selon eux, il faut parler d’une « relation de soins » car la notion de contrat n’est pas adéquate
au regard de la philosophie de la relation médicale. Cette théorie apparait pourtant erronée,
puisque la formation du contrat médical répond à des règles de base civilistes.
3 G. Méméteau, « Cours de droit médical », Les études hospitalières, 3ème éd., 2006, p. 301
4 Lamy Droit de la santé, Partie 3, Titre 1, étude 305-1
5 En ce sens l’ouvrage de G. Méméteau, « Cours de droit médical », Les études hospitalières, 3ème éd., 2006,
p. 312
5
Les contradictions doctrinales se comprennent aisément, en ce sens que la
qualification de la relation entre le médecin et le patient est particulièrement essentielle. En
effet cette qualification détermine le régime applicable à la relation médicale, que ce soit les
conditions de formation, le contenu des obligations relatives à celle-ci et la sanction de leur
inexécution. Cette tâche est donc incontournable car l’acte médical est étroitement lié à des
principes fondamentaux comme le respect du corps humain et implique parfois la mort qui
n’est pas sans conséquences juridiques. La responsabilité du médecin peut être engagée, mais
encore faut-il que la relation qui l’unit à son patient soit clairement identifiée.
La loi du 4 mars 2002 instaurant des dispositions sur la relation médicale dans le code
de la santé publique, un texte phare en droit médical, a clarifié et codifié diverses règles
relatives au contrat médical, sans pour autant reconnaitre son existence explicitement et se
prononcer sur la question de la qualification de ce dernier.
Il ressort de ces constatations que le droit médical implique une philosophie
particulière dans la relation qui unie le patient à son médecin. La confrontation entre cette
spécificité dans la formation du contrat médical et les règles de droit commun des contrats
suppose une réflexion sur la qualification de ce dernier, à savoir un contrat de droit commun
ou un contrat spécial. Dans un sens, le contrat serait donc interprété à la lueur des dispositions
communes, dans l’autre il serait un contrat spécifique à part entière pour lequel des règles
particulières devraient être appliquées. L’enjeu de cette qualification repose essentiellement
sur l’interprétation des règles qui régissent le contrat : si c’est un contrat de droit commun, les
juges interprèteront les textes au regard des principes classiques de droit des contrats. Or si
c’est un contrat spécial, il sera admis une interprétation particulière des règles juridiques
tenant compte de la spécificité de la relation médicale.
Classiquement en droit français, les conditions de formation du contrat tracent les
contours de son régime et explicitent sa qualification. Le consentement des parties en
particulier est une condition sine qua non de la formation du contrat. En droit médical, celui-ci
a une place bien particulière et se traduit par la volonté certaine du patient à consentir au
contrat. Ainsi pour catégoriser le contrat médical, il convient d’analyser la volonté certaine du
patient à travers le principe sacré du consentement, limité par la notion d’assentiment à l’acte
6
médical (Chapitre premier). Une volonté qui ne pourra être certaine que si elle est éclairée par
le biais de l’obligation d’information incombant au médecin (Chapitre second).
TITRE PREMIER L’exigence d’une volonté
certaine du patient : la complémentarité du
consentement au contrat et de l’assentiment à l’acte
médical
En droit commun, il n’y a pas de contrat sans consentement. C’est encore plus vrai en
droit médical. En effet pour qu’un contrat médical soit formé, il suffit que les consentements
soient échangés entre les parties. Le consentement du patient a été sacralisé par la loi du 4
mars 2002, alors qu’il n’avait qu’un statut doctrinal et jurisprudentiel auparavant. Une
reconnaissance de sa place centrale dans le droit médical qui s’explique par l’exigence de
respect du corps humain et de dignité du patient. Pour autant, cette consécration multiple est
limitée (Titre premier) par des exceptions justifiées tantôt par l’ordre public, tantôt par la
raison.
La portée du consentement du patient est également limitée car le malade doit réitérer sa
volonté à travers l’assentiment à l’acte médical à chaque fois qu’une nouvelle intervention
sera nécessaire. En ce sens, le consentement au contrat médical ne vaut donc pas
définitivement, il sera renouvelé à chaque acte médical. Sa portée est donc limitée mais pour
autant cet assentiment renforce l’exigence d’une volonté certaine du patient (Titre deuxième).
CHAPITRE PREMIER L’existence d’un libre
consentement au contrat médical et ses exceptions spécifiques
Le consentement est une « manifestation de volonté par laquelle une personne s’engage
7
dans un acte juridique.6 ». En droit commun des contrats, il est une condition de formation et
de validité de la convention. Il ressort des articles 1108 et 1109 du code civil que les parties
doivent consentir au contrat pour que celui-ci soit valablement formé, un consentement
exempt de vices.
En droit médical comme en droit commun, le consentement doit être libre et éclairé
pour chacune des parties. Mais en droit médical, le consentement connait quelques
spécificités par rapport au droit commun du fait qu’il découle du respect de principes
fondamentaux relatifs aux droits de l’Homme (Section première). La plus importante de ses
particularités réside dans le fait que contrairement au droit commun, le principe de la volonté
certaine du patient connait des exceptions circonstanciées (Section deuxième).
SECTION PREMIERE Le consentement libre des
parties, principe justifié par les droits fondamentaux
L’article 1108 du code civil érige le consentement des parties comme condition de
formation du contrat. Sans celui-ci, le contrat est nul. L’arrêt « Mercier »7 ayant relevé que la
relation entre le médecin et son patient était un « véritable contrat », le respect des
dispositions de droit commun des contrats s’impose aux parties pour la formation du contrat
médical, y compris le recueil du consentement. La réciprocité du consentement (Paragraphe
premier) n’est pas si évidente en médecine. Par ailleurs elle repose sur des principes
fondamentaux qui justifient la spécificité du consentement au contrat médical (Paragraphe
deuxième).
PARAGRAPHE PREMIER Le consentement réciproques des parties
Le médecin doit consentir au contrat en premier lieu. En effet les articles 47 alinéa 2 et 32
du code de déontologie médicale laisse apparaitre que le médecin peut « refuser ses soins »
6 « Dictionnaire de vocabulaire juridique », sous la direction de R. Cabrillac, Litec, 2ème éd., 2004, p. 99
7 Cass, civ., 20 mai 1936, DP 1936, I, p. 88
8
s’il n’accepte pas la demande du patient. Ce n’est que l’expression naturelle du libre choix
prévu en droit commun. Mais ce principe de liberté de refus d’un malade est largement limité
par des textes inspirés de la philosophie humaniste.
En premier lieu, l’article 47 du code de déontologie médicale doublé de l’article 4127-47
du code de la santé publique prévoit qu’il doit assurer la continuité des soins en cas de refus
de sa part. En d’autres termes, il doit renvoyer le patient vers un autre praticien.
Ensuite il ne doit pas se rendre coupable de non assistance à personne en danger et
ainsi violer l’article 223-6 du code pénal.
Enfin son refus de prendre en charge le malade ne doit pas comporter un caractère
discriminatoire au regard de l’article L1110-3 du code la santé publique. Ces limites au
principe du libre consentement particulières à la situation du médecin pourraient dans un
premier temps venir au soutien de la théorie soutenue par certains auteurs8 selon laquelle le
contrat médical est un contrat spécial et non de droit commun.
Quant au consentement du patient, il est par principe obligatoire. En droit commun, la
source de l’obligation de consentir se limite au libre choix et à la liberté de contracter. Plus
que cela encore, c’est un principe essentiel du droit de la santé en ce sens que le consentement
au contrat médical se fonde sur de nombreux principes fondamentaux.
Son importance se manifeste d’ailleurs par l’abondance de textes sur le sujet. Par
exemple l’article 16-3 du code civil, issu de la loi du 29 juillet 1994 relative à la bioéthique
prohibe toute intervention du médecin sans le consentement du malade, ce que certains
auteurs proposent d’élargir au contrat de soins9. Cette entrée dans le code civil témoigne
d’une véritable reconnaissance du statut juridique du consentement, notamment en droit
médical, qui n’était avant qu’un statut jurisprudentiel et déontologique. Tout aussi parlant,
l’article L1111-4 alinéa 3 du code de la santé publique dispose qu’« aucun acte médical ni
aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et
ce consentement peut être retiré à tout moment ». L’article 36 alinéa 2 du code de déontologie
8 Notamment C. Labrusse-Riou, « Code civil et code de la santé publique », Revue de droit sanitaire et social,
2008, p. 427 9 J.M. Clément, « Les grands principes du droit de la santé », Etudes hospitalières, 2005, p. 114
9
médicale énonce également ce principe, ainsi que l’article 4 de la Charte du patient
hospitalisé.
PARAGRAPHE DEUXIEME La spécificité du consentement médical justifiée par les droits fondamentaux
La première justification de l’expression libre du patient par le consentement est le
libre choix : les deux sont toujours liés10
, en droit commun comme dans la formation du
contrat médical. Mais en droit médical le libre choix par le patient de son médecin est
particulièrement fondamental. Ainsi après avoir été proclamé principe d’ordre public par la
jurisprudence11
, il a été consacré en tant que droit de la personne par la loi du 4 mars 2002 à
travers l’article L1110-8. Il fait d’ailleurs du contrat médical un contrat intuitu personae : il
est conclu pour son contenu particulier mais surtout pour la personne avec qui le patient
contracte. Ce libre choix se rapproche du principe civiliste de l’autonomie de la volonté, mais
ne concerne que le consentement stricto sensu et non le contenu du contrat, à la différence de
la théorie civiliste12
.
Le consentement constitue d’autre part une garantie contre le « pouvoir médical »13
,
pour éviter les abus de la part de médecins peu scrupuleux. En droit commun des contrats, le
consentement est également garant d’une protection des parties, de sorte que s’il est vicié le
contrat est nul. En ce sens, le contrat médical n’a donc rien de spécial.
Mais surtout, le consentement est la meilleure protection de l’intégrité physique de
l’individu et son importance se comprend en droit médical par la nécessité de protéger le
corps humain. S’il est un principe fondamental en France, et dans une majeure partie du
monde, c’est bien celui du droit à la protection de son intégrité physique. Tout acte médical
qui porte donc en principe atteinte au corps humain, même si le but est de soigner le patient,
doit donc être accepté par le malade.
10
J.M. Clément, « Les grands principes du droit de la santé », Etudes hospitalières, 2005, p. 111 11
Cass, 1ère
civ., 31 décembre 1989, n°88-15352 12
C. Clément, « Le médecin, son obligation de soins, et la volonté du malade », Petites affiches, 15 janvier 2002
n° 11, p. 18 13 C. Clément, « Quelques propos sur le principe du consentement en droit médical et hospitalier », Petites affiches, 24 juin 1996, n° 76, p. 6
10
S’il doit librement consentir, il peut tout aussi librement refuser les soins (article
L1111-4 du code de la santé publique). Mais pour autant, le médecin devra quand même tout
mettre en œuvre pour le convaincre et l’informer des risques qu’il encourt. S’est donc posé le
problème de savoir si l’obligation de soins médecin prévaut sur le refus du patient de
consentir à l’acte. Le Conseil d’Etat14
a pu juger que c’était le cas en ne retenant pas la faute
d’un médecin qui avait outrepassé le refus de son patient, divisant la doctrine et l’opinion
publique. En droit commun des contrats, il n’est pas possible de surmonter le refus du
consentement. Dès lors le contrat médical constituerait un contrat spécial.
Soulignons tout de même que la compétence du Conseil d’Etat en matière médicale
justifierait que le contrat médical soit qualifié de spécial, puisqu’en droit commun des contrats
seuls le juge judiciaire est compétent. Certains auteurs ont d’ailleurs souligné cet argument15
.
Un autre élément éloigne profondément le contrat médical du droit commun contrats.
L’article L1111-4 du code de la santé publique prévoit que le consentement peut être retiré à
tout moment par le patient (notamment dans le cadre de thérapies qui nécessitent plusieurs
interventions16
). Ici encore, le code de la santé publique fait du contrat médical un contrat
spécial, puisque en droit commun des contrats l’acceptation de l’offre est généralement
irréversible. Ce principe de retrait se justifie également par le libre choix du patient et le
respect de son intégrité physique.
La spécificité du consentement en droit médical a été mise à jour par différents
auteurs. François Vialla17
a d’ailleurs fait valoir, qu’en droit commun des contrats seul le
majeur capable ou le mineur émancipé peut consentir à un contrat. Or en droit médical, la loi
du 4 mars 2002 a précisé que le consentement du mineur seul et du majeur incapable seul était
valable dans certains cas. Pour n’en citer que quelques uns, le mineur peut consentir seul à
l’IVG ou lorsque les titulaires de l’autorité parentale refusent qu’il soit soigné alors que la
14
CE, 26 octobre 2001, AJDA, mars 2002, 259 15
Notamment F. Vialla, « Les grandes décisions du droit médical », LGDJ, éd. Lextenso, 2009, p. 131 16
J.M. Clément, « Les grands principes du droit de la santé », Etudes hospitalières, 2005, p. 112 17
F. Vialla, « Les grandes décisions du droit médical », LGDJ, éd. Lextenso, 2009, p. 131
11
pathologie est dangereuse pour sa vie18
. Le majeur peut quant à lui consentir à des actes qui le
concernent expressément. Mais ces hypothèses sont encadrées par la loi. Dès lors le contrat
médical s’émancipe du droit commun des contrats.
La forme du consentement n’est en revanche pas aussi importante qu’en droit
commun. Aucun écrit n’est exigé, un simple consentement oral entre le médecin et le patient
suffit à conclure le contrat (dans un contrat d’hospitalisation en revanche, l’écrit est
obligatoire). Il est donc évident que le contrat médical est un contrat consensuel. En droit
commun, l’écrit permet la validité du contrat et est ad probationem, mais en droit de la santé
il n’est pas ad validatem. C’est un argument de poids qui pèse alors dans la balance, soutenant
la théorie du contrat médical comme un contrat spécial.
En définitive, on peut qualifier le contrat médical de consensuel au regard de
l’importance du consentement et du fait qu’il suffit à former le contrat, et d’intuitu personae
car le patient est libre du choix de son médecin. Cette place du consentement est d’ailleurs
beaucoup plus importante que celle accordée par le code civil aux contrats de droit commun,
surtout car elle repose sur la libre disposition du patient sur son corps. La sacralisation légale
du consentement du patient est pourtant limitée par des exceptions.
SECTION DEUXIEME Les exceptions encadrées au
principe du libre consentement : une rupture marquée d’avec le droit
commun des contrats
Le consentement en droit médical est un principe bien affirmé mais pour autant, dans la
pratique, il n’est pas toujours exigé. Pour des raisons d’ordre public ou des motifs attachés à
la situation factuelle, le contrat médical sera parfois formé en l’absence du consentement du
18
En ce sens, J.M. Budet et F. Blondel, « L’hospitalisation publique et privée, des ordonnances de 1996 au plan
hôpital 2007 », Berger Levrault, 3ème
éd. , p.152
12
patient. Dès lors, le droit médical s’affranchit du droit commun des contrats qui n’admet pas
l’existence d’un contrat sans le consentement d’une partie, conformément à l’article 1108 du
code civil.
L’urgence est, en toute logique, la première justification du défaut de consentement. S’il y
a danger immédiat19
pour la vie du patient, le médecin n’aura pas besoin de recueillir son
consentement, ni celui d’un proche (article L1111-4 du code de la santé publique). L’article
16-3 du code civil confirme cette affirmation. Dès lors, un contrat est-il formé ? En droit civil,
le silence ne vaut pas acceptation. Mais la particularité de la situation en droit médical ne
permet pas de juxtaposer la solution civiliste. Ainsi certains auteurs20
ont émis l’idée originale
que dans ce cas un quasi contrat serait formé, permettant la rémunération du médecin (au
même titre que celle du gérant d’affaire) et l’engagement de sa responsabilité en cas de faute
(conformément à l’article 1374 du code civil). Bien que l’on reste dans le droit civil, il faut
admettre que dans une situation d’urgence le droit médical est particulier.
L’urgence va souvent de paire avec l’inconscience du patient. Le malade est capable
mais dans l’impossibilité de manifester sa volonté. Dès 195521
, la Chambre civile de la Cour
de cassation a émis l’idée qu’il fallait dans un tel cas recueillir l’assentiment des « protecteurs
naturels ». La doctrine et la jurisprudence, à la lueur du code civil, ont précisé qu’il s’agissait
du conjoint, des ascendants et descendants ou encore des voisins. Mais tantôt interprétée
comme une stipulation pour autrui22
, tantôt comme une gestion d’affaire, l’interprétation
civiliste a vite démontré ses limites, incompatibles avec la réalité médicale.
La loi du 4 mars 2002 s’est donc particulièrement affranchie du droit commun des
contrats sur ce point en créant la « personne de confiance », soutenant la théorie d’un contrat
médical en tant que contrat spécial. D’ailleurs le texte parait se rapprocher du régime du
mandat23
, ou du régime de l’incapable plus que de a gestion d’affaire ou de la stipulation pour
autrui. L’article 1111-6 du code de la santé publique prévoit donc que cette personne désignée
19
Cass, 1ère
civ., 19 mai 1984, D. 1985, IR, p. 368 20
D. Berthiau, « Droit de la santé », Gualino, coll. Mémentos LMD, 2007, p. 158 21
Cass, civ., 8 novembre 1955, JCP G., 1955, II, 9014 22
Cass, civ., 17 mai 1939, 2 arrêts, JCP 1939, 1214 23
F.J. Pansier et C. Charbonneau, Petites affiches, 13 mars 2002 n° 52, « Commentaire de la loi du 4 mars 2002
relative aux droits des malades (1ère partie) », p. 5 et s.
13
par une personne majeure antérieurement à sa situation d’inconscience pourra prendre les
décisions médicales à la place du patient. Ce n’est pas un consentement personnel, mais une
décision médicale. Ce n’est donc pas, à cet égard, un contrat de droit commun.
Dans le même sens, le malade incapable, majeur sous tutelle ou mineur, ne donnera
pas toujours son consentement personnel. Certaines situations nécessitent l’accord des
titulaires de l’autorité parentale ou du conseil de famille. Dans ce cas, il faut rapprocher ce
régime de celui de la personne inconsciente avec malgré tout une limite : ici, la personne qui
va donner son accord au médecin pour le patient consent au contrat. C’est un véritable
consentement car à la différence de l’inconscient, l’incapable ne peut pas toujours consentir
seul, même conscient. Parallèlement, ce n’est pas une particularité médicale, c’est une simple
application circonstanciée du droit commun des contrats.
Il existe une autre situation où le malade ne consent pas expressément. Souvent, le
médecin avec qui le patient a contracté se fait assister par des spécialistes différents lors
d’interventions, comme les anesthésistes. Le patient n’a pas contracté avec eux, pourrait-il
alors engager leur responsabilité ? Quel régime de responsabilité appliquer ? La
jurisprudence, notamment dans un arrêt du 27 mai 197024
, a préconisé l’existence possible
d’un mandat du médecin initial, consistant à s’entourer de personnes qualifiées pour mener à
bien son obligation de soins. C’est une solution logique, puisqu’il en va de l’intérêt du patient.
L’ordre public sanitaire et la sécurité justifient parfois également que le consentement
ne soit pas nécessaire. Des textes restreints prévoient donc la possibilité de contraindre un
patient à se faire soigner, s’il est atteint de troubles mentaux, de toxicomanie ou autre cas
précis. L’article L3131-1 du code de la santé publique prévoit aussi qu’en cas de risque
épidémique grave, un patient contaminé peut être contraint à sa faire soigner, peu importe
qu’il y consente. En droit des contrats, il est impossible qu’une partie soit obligée de
contracter pour des raisons d’ordre public.
24
Cass, 1ère
civ., 27 mai 1970, JCP 1971, 6833
14
Si les exceptions légales au principe du libre consentement du patient viennent limiter
sa consécration textuelle abondante, elles marquent également une rupture par rapport au droit
commun des contrats. En effet la particularité des situations en droit médical (l’urgence,
l’inconscience, l’ordre public sanitaire) laisse à penser qu’il devrait être qualifié de contrat
spécial, puisque certaines solutions applicables ne se retrouvent pas en droit commun des
contrats.
Mais la portée du consentement est limitée en ce sens qu’elle est restreinte par
l’assentiment à l’acte médical, une forme de renouvellement du consentement qui reste
particulièrement atypique. Cet assentiment est surtout signe d’une double exigence de
consentement, initial puis à chaque acte médical, qui renforce la volonté certaine du patient.
CHAPITRE DEUXIEME L’assentiment à l’acte
médical : la nécessité d’un accord réitéré du patient
En droit commun des contrats, le consentement est donné une fois pour toutes. En droit
médical, ce n’est pas le cas. Il existe une sorte de renouvellement du consentement, bien que
l’objet de l’assentiment ne soit pas de former le contrat mais plutôt d’assurer son exécution et
sa continuité, créant une originalité par rapport au droit commun (Section première). La
portée du consentement se voit donc limitée tout autant que la volonté certaine du patient se
trouve assurée par le renouvellement de son accord pour un acte précis. Cet assentiment
comporte tout de même des exceptions controversées qui, elles aussi, sont spécifiques au droit
médical (Section deuxième).
SECTION PREMIERE Une originalité du droit médical
L’assentiment à l’acte médical est une notion bien particulière, calquée sur les
principes fondamentaux justifiant le consentement au contrat médical. Même si la philosophie
est la même, c'est-à-dire garantir au patient que chaque acte médical qu’il subira sera
préalablement accepté par lui, l’objet n’est pas le même. Le consentement a pour but de
former le contrat médical. L’assentiment à l’acte médical vise à l’exécuter, il doit être donné
15
pour chaque acte subi par le patient : « la volonté de contracter, qui se manifeste par le choix
du médecin, est antérieure à l'acceptation du traitement ou de l'opération, laquelle intervient
dans l'exécution du contrat légalement formé »25
. C’est une particularité du droit médical, qui
l’émancipe du droit commun des contrats.
En quelque sorte, le contrat médical serait un contrat cadre et unitaire, comprenant
divers actes médicaux qui ne sont pas toujours déterminés au départ et qui vont dépendre de
l’évolution de la santé du patient. Consentir au contrat n’est pas consentir à tous les actes : un
patient qui contracte peut refuser une intervention pour préférer une autre solution. L’intérêt
de l’assentiment est donc qu’à chaque étape du traitement, surtout dans une thérapie, le
patient accepte ou non l’acte à venir, qu’il n’avait pas forcément connu lorsqu’il a conclu le
contrat. L’explication est simple, le patient ne peut pas formuler une « acceptation préalable,
générale, et imprécise »26
au moment de la formation du contrat, l’assentiment doit être donné
à chaque nouvel acte, en connaissance de cause.
Cette philosophie se rapproche des contrats d’affaires dans lesquels un contrat cadre
est conclu, suivi de contrats d’application. Mais la différence est notoire, en droit commun des
contrats, un nouveau consentement est exigé par la signature du contrat d’application, le
consentement vise un nouvel objet. Alors qu’en droit médical il n’y a pas de nouveau contrat,
donc pas de nouveau consentement, et l’objet de l’assentiment n’est pas le contrat mais l’acte
médical. C’est un acte compris dans la relation contractuelle initiale qui nécessite
l’assentiment du patient, de sorte que le contrat médical est unitaire selon certains auteurs27
.
Le malade consent au contrat, il accepte ensuite l’intervention.
Un autre courant de pensée s’évertue à dire que plusieurs conventions successives sont
conclues, concernant divers actes médicaux. Le contrat médical serait successif. La vision
civiliste de ses auteurs n’adhère pourtant pas à la réalité médicale. D’une part car le
consentement peut être révoqué à tout moment excluant la nécessité de conclure différents
contrats pour s’assurer à chaque fois que le patient consent. Mais surtout, les divers actes
médicaux entrent dans le cadre du contrat médical : il est le contenant alors que les actes
médicaux forment le contenu.
25
R. Nerson, Le respect par le médecin de la volonté du malade, in Mélanges Marty, Université des sciences
sociales de Toulouse, 1978, p. 870 26
G. Méméteau, « Cours de droit médical », Les études hospitalières, 3ème éd., 2006, p. 306 27
Pascal Lokiec, « La décision médicale », RTD Civ. 2004 p. 641 et s.
16
Le fondement de l’assentiment serait l’article 16-3 paragraphe 2 du code civil. Comme
le souligne François Vialla28
, le consentement est rattaché au contrat, l’assentiment à la
dignité humaine. Il faut donc comprendre que l’assentiment à l’acte médical est justifié par un
impératif d’inviolabilité du corps humain, et que chaque personne qui veut être soignée peut
refuser un acte médical en raison de ce principe fondamental.
La jurisprudence s’était bien avant penchée sur la question et avait déjà jugée, avant
une nouvelle consécration par la loi du 4 mars 2002, que l’assentiment préalable du malade à
un acte médical était impératif29
.
Mais il ne faut pas s’y tromper, cette obligation dépasse le cadre contractuel. L’arrêt
« Teyssier »30
de la Cour de cassation préconisait une obligation générale imposée par le
respect de la personne humaine. L’assentiment a donc une portée bien plus large que celle
d’exécuter le contrat.
L’assentiment à l’acte médical s’oppose doublement à la théorie du contrat médical
comme contrat de droit commun. D’une part parce qu’il limite la portée du consentement, qui
n’est pas donné une fois contrairement au droit commun. Ensuite car il comporte en soi une
originalité qui lui est propre et que l’on ne retrouve pas en droit commun des contrats, fondée
essentiellement sur l’inviolabilité du corps humain. Enfin car il renforce la certitude quant à la
volonté du patient, en s’assurant qu’il consent à chaque acte médical, ce qui n’a pas d’égal en
droit commun.
Mais à l’image du consentement, l’assentiment à l’acte médical aussi original qu’il
soit comporte des limites largement inspirées de celles du consentement.
28
F. Vialla, « Les grandes décisions du droit médical », LGDJ, éd. Lextenso, 2009, p. 134 29
Par exemple, Cass. Civ., 29 mai 1951, D. 1952, 43 30
Cass, req., 28 janvier 1942, « Teyssier », D. 1942, p. 63
17
SECTION DEUXIEME Les exceptions controversées à
l’assentiment du patient
Si les notions de consentement et d’assentiment sont différentes, leurs exceptions sont
quasiment identiques.
Un patient doit donner son assentiment préalablement à tout acte médical. Le principe
est clair, mais en pratique il est va tout autrement. Deux situations majeures, souvent
concomitantes, sont à analyser : l’urgence et l’inconscience du patient. La question est la
même que pour le consentement du patient au contrat médical : si le contrat est conclu mais
que le médecin ne peut recueillir l’assentiment à l’acte médical en raison de l’urgence ou de
l’inconscience du malade, peut il outrepasser ce défaut d’accord du patient sans commettre de
faute ?
La solution ne se trouve pas dans les textes mais dans la jurisprudence. Ainsi la Cour
administrative d’appel de Paris a pu juger en 1998, à travers deux arrêts de principe31
, que le
médecin accomplissant un acte indispensable à la survie dans une situation extrême n’était pas
en faute. Le Conseil d’Etat a confirmé cette solution en 200132
. Puis en 200233
, la Haute
Juridiction souligne les conditions de l’accomplissement d’un tel acte par le médecin : la
situation doit être extrême, les soins indispensables à la survie et surtout proportionnés.
Cette jurisprudence a suscité un débat au sein de la doctrine, autant sur l’assentiment à
l’acte médical que sur le consentement. Deux difficultés sont soulevées par cette
jurisprudence. La première, c’est le principe de l’inviolabilité du corps humain et le droit
consacré par les textes du patient à disposer de son corps. Le médecin, qui se fonde sur sa
conscience pour soigner un patient dans un état grave et dans l’impossibilité de manifester sa
volonté, va dès lors porter atteinte aux droits fondamentaux du patient. En pratique, le
praticien est confronté à la possibilité d’être accusé de non assistance à personne en danger
s’il n’intervient pas, ou à l’inverse de faute médicale dès lors que le patient n’a pas consenti à
l’intervention ou au traitement. Il faut donc comprendre que pour concilier ses intérêts et ceux
du patient, il puisse soigner le patient inconscient sans son consentement mais en respectant
les exigences jurisprudentielles de proportionnalité et de nécessité de l’acte. Le médecin est
31
CAA Paris, 9 juin 1998, RFDA 1998, 1231 32
CE, 26 octobre 2001, AJDA, mars 2002, 259 33
CE, 16 aout 2002, JCP 2002, 1132, n°1
18
donc investi d’un pouvoir sur le corps humain, dénoncé par certains auteurs. Cette difficulté
n’est d’ailleurs pas sans rappeler le refus de soins auquel le médecin peut faire face et sur
lequel la jurisprudence est souvent amenée à statuer.
Le second problème, c’est que la majorité de la doctrine et la loi ont tendance à
considérer la relation médicale comme un contrat. Or, ce pouvoir octroyé au médecin est bien
étranger au droit commun des contrats. Aucun cocontractant ne peut outrepasser l’accord de
l’autre. Dès lors le contrat médical est un contrat spécial, qui est justifié par des situations qui
en pratique ne peuvent se voir appliquer strictement le droit commun des contrats.
A la lueur de ces démonstrations, nous pouvons dire que le contrat médical suppose un
régime de volonté tempérée34
, entre respect des principes fondamentaux relatifs au corps
humain et exceptions au consentement justifiées par la pratique. Cette spécificité suppose que
le contrat médical serait un contrat spécial et non de droit commun, manifestement
consensuel. Intuitu personae également, en raison de l’importance du choix de son
cocontractant (le médecin). Mais aussi unitaire puisque le contrat médical englobe toute une
série d’actes médicaux qui doivent être acceptés à chaque fois par le patient.
Le consentement est limité dans sa portée par l’exigence de l’assentiment, et connait
des limites que l’on retrouve au stade de l’assentiment. Paradoxalement, l’assurance que le
patient donne son accord pour chaque acte médical, grâce à l’assentiment, renforce la
certitude quant à la volonté du malade. En ce sens, cette dualité entre consentement et
assentiment est la meilleure garantie d’un accord sans équivoque du patient qui n’a pas d’égal
en droit commun des contrats.
Mais il n’y a pas de consentement au contrat médical sans information préalable du
malade par son praticien, particulièrement au regard des conséquences d’un tel contrat.
L’obligation d’information du médecin est la garantie d’une volonté éclairée du patient, qui
s’engage en connaissance de cause.
34
G. Méméteau, « Cours de droit médical », Les études hospitalières, 3ème
éd., 2006, p. 352
19
TITRE DEUXIEME L’assurance d’une
volonté éclairée du malade : l’obligation d’information
spécifique au droit médical
« En tant que sujet, le droit essentiel (du malade) est le libre choix qui suppose en
corollaire l’information et le consentement […] Il ne peut pas y avoir libre choix sans
consentement qui suppose l’information »35
. Jean Marie Clément ne s’y trompais pas,
l’assurance d’un consentement éclairé est la transmission d’une information circonstanciée
par le médecin. Définie comme l’« obligation contractuelle ou précontractuelle mise à la
charge de certaines personnes, généralement professionnelles, de renseigner leur partenaire
sur l’objet du contrat ou l’opération envisagée afin de leur permettre de se décider en pleine
connaissance de cause et de disposer ensuite de toutes informations utiles36
», elle s’applique
au droit des contrats, spéciaux ou communs, mais en droit médical elle n’a pas toujours eu la
place qu’elle occupe aujourd’hui.
Initialement, les médecins avaient les connaissances médicales que les patients ne
détenaient pas. Ces derniers n’étaient donc pas aptes à comprendre le langage technique des
médecins quelque peu paternalistes. Mais l’avènement d’associations de malades et de sites
de santé, ainsi que l’accroissement des actions en responsabilité ont poussé le législateur et la
jurisprudence à intervenir.
Dans un premier temps, la Cour de cassation a reconnu une obligation de
renseignement37
. Mais c’est surtout l’arrêt du 29 mai 196138
qui a consacré l’obligation
d’information du médecin. Bien sûr, de nombreuses précisions ont été apportées par la suite
de sorte que l’obligation d’information est devenue un pilier en droit médical. Dans la théorie
civiliste, l’obligation générale d’information n’en est pas moins essentielle, particulièrement
35
J.M. Clément, « Droits des malades », Les études hospitalières, coll. « Essentiel », 2002, p. 7 36
« Dictionnaire de vocabulaire juridique », sous la direction de R. Cabrillac, Litec, 2ème
éd., 2004, p. 273 37
Cass, req., 28 janvier 1942, « Teyssier », D. 1942, p. 63 38
Cass. civ., 29 mai 1951, D. 1952, p. 53
20
dans le contrat de vente, qui, rappelons-le, est un contrat spécial. Très généralement, elle
s’impose aux professionnels.
Le législateur est venu ensuite consacrer légalement cette obligation d’information
avec la loi du 4 mars 2002, au travers de l’article L1111-2 du code de la santé publique,
énonçant « un droit du patient d’être informé »39
. Il en a fait une garantie d’un droit général à
l’information. La charte du patient hospitalisé reprend cette obligation dans son article 3, ainsi
que l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, tout comme la loi du 20
décembre 1988 sur la recherche biomédicale.
L’obligation d’information est particulièrement encadrée afin que le malade puisse
prendre une décision éclairée (Chapitre premier), autant au regard des personnes qui y sont
tenues qu’à l’égard de son contenu spécifique. Une particularité du droit médical qui se
ressent par ailleurs au travers de l’étude de la portée de l’obligation d’information (Chapitre
deuxième).
CHAPITRE PREMIER L’obligation
d’information du patient, garantie d’une décision médicale
éclairée
La jurisprudence, appuyée ensuite par la loi du 4 mars 2002, est venue délimiter les
contours de l’obligation d’information. Bien qu’existante en droit civil, elle diffère lorsqu’il
s’agit de l’information médicale en raison de la technicité et de la spécificité des informations
à donner au patient. Son importance n’est pas anodine. La vie et le corps humain sont en jeu
dans la relation médicale, d’où la consécration par toutes les sources du droit de l’obligation
d’information du médecin à son patient, afin que ce dernier puisse consentir à être soigné ou
non en connaissance de cause.
L’explication sous jacente de l’ampleur de cette obligation, grande papesse du contrat
médical, n’est pas sans rappeler celle du contrat de consommation, l’exigence du respect du
corps humain en moins. En effet, il est clair que cette obligation, due par un professionnel à
une partie dite « faible » et généralement ignorante de toutes les subtilités du métier, permet
39
D. Berthiau, « Droit de la santé », Gualino, coll. Mémentos LMD, 2007, p. 166
21
que ce cocontractant en situation de faiblesse ait connaissance de tous les éléments relatifs au
contrat. C’est d’ailleurs le seul trait qui rapproche les deux domaines, la relation médicale
impliquant la confiance entre le patient et son médecin alors que dès le départ, le droit de la
consommation est né d’une méfiance envers le professionnel40
.
Les arrêts abondent dans le domaine et se succèdent sans toujours se ressembler. Une
évolution transparait au travers de ceux-ci : d’abord sur la délivrance de l’information
(Section première), ensuite sur le contenu de cette information (Section deuxième).
SECTION PREMIERE La délivrance de l’information,
obligation pesant sur tous les professionnels de santé et sur le patient
L’article L1111-2 du code de la santé publique dispose que l’obligation d’information
incombe « à tous professionnels de santé dans le cadre de sa compétence ». Ceci implique
deux choses : chaque professionnel est tenu d’informer selon ses compétences dans le
domaine (au regard d’une appréciation tenant compte de la fonction de chacun), et tous les
professionnels supportent cette obligation. Concrètement, le texte inclut le personnel
paramédical, mais dans la limite de leur compétence. La jurisprudence41
a également précisé
que tous les médecins sont tenus in solidum de cette obligation dès lors qu’ils traitent le
patient, même s’ils sont plusieurs. Il ressort de ces constatations que l’obligation a une portée
particulièrement large quant aux responsables de cette information.
Quant au destinataire de l’information, c’est bien évidemment le patient. Deux
difficultés existent en pratique. La première est le malade dans l’impossibilité de recevoir
l’information (du fait de l’inconscience notamment). Par analogie, certains auteurs42
prétendent que l’information doit être donnée à la personne de confiance puisque l’article
L1111-4 prévoit qu’elle doit prendre la décision médicale pour le patient inconscient. Il serait
donc logique qu’elle reçoive l’information à sa place. En ce qui concerne le patient incapable,
l’information doit être transmise aux représentants légaux (article L1111-5). Cette
particularité n’existe d’ailleurs pas en droit commun des contrats.
40
G. Méméteau, « Cours de droit médical », Les études hospitalières, 3ème
éd., 2006, p. 305 41
Cass, 1ère
civ., 29 mai 1984, JCP G., 1984, II, 20259 42
D. Berthiau, « Droit de la santé », Gualino, coll. Mémentos LMD, 2007, p. 166
22
Il faut noter que la délivrance de l’information ne se fait pas à sens unique. Le patient
est lui aussi tenu d’informer le médecin de tous les éléments qui pourraient influencer le
traitement de sa pathologie. Cette obligation n’est d’ailleurs pas à négliger car les juges ont
déjà relaxé un médecin accusé de faute professionnelle en raison d’un défaut de transmission
de telles indications43
.
La délivrance de l’information ne pose donc pas de réel problème en soi. En revanche,
le contenu de celle-ci a beaucoup évolué jusqu’à la loi du 4 mars 2002.
SECTION DEUXIEME Le contenu spécifique de
l’information fondé sur le critère de la gravité
La jurisprudence a progressivement apporté des précisions sur le contenu de
l’obligation d’information jusqu’à ce que la loi du 4 mars 2002 entérine cette évolution au
travers de l’article L1111-2 du code de la santé publique (Paragraphe premier).
La spécificité du contenu de l’information, issu de cette évolution jurisprudentielle et
textuelle, soutient la théorie selon laquelle le contrat médical est un contrat spécial
(Paragraphe deuxième).
PARAGRAPHE PREMIER L’évolution jurisprudentielle de la notion d’information entérinée par la loi du 4 mars 2002
Avant la loi du 4 mars 2002, la jurisprudence avait particulièrement évolué sur le sujet.
En 188944
, les juges considéraient que le médecin n’était tenu que d’une présentation générale
de l’acte médical ou du traitement. Puis la Cour de cassation a imposé aux médecins
d’informer le patient sur les risques normaux et prévisibles, excluant ceux qui étaient
exceptionnels ou imprévisibles45
.
43
CA, Paris, 23 juin 1995, « Médecine et Droit », n°16, 1996, p. 24 44
Trib. Civ. Lièges, 27 novembre 1889, DP 1891, II, p. 28 45
Cass, 1ère
civ., 6 mars 1979, D. 1980, IR, p. 170
23
Un revirement majeur a été opéré par la Cour de cassation le 27 mai 199846
en ce sens
que les juges ont émis un nouveau critère fondé sur la gravité du risque. Dès lors, un risque
grave même exceptionnel devait être signalé par le médecin à son patient. Ce critère est bien
mieux adapté que le précédent, car le patient sera plus à même de prendre une décision en
comparant les solutions au regard de tous les risques potentiellement graves pouvant se
produire, et surtout le médecin se protègera d’une action en responsabilité pour faute dans la
transmission de l’information. Le Conseil d’Etat s’était d’ailleurs rallié à cette position dès
200047
et la Cour de cassation n’a cessé de réitérer sa position.
L’article R4127-35 du code de la santé publique énonçait quant à lui que l’information
devait être « loyale, claire et appropriée ». La Charte du patient hospitalisé imposait une
information « simple, accessible, intelligible et loyale », appuyée par la jurisprudence48
.
C’est au regard de la longue construction jurisprudentielle que le législateur a élaboré
l’article L1111-2 du code de la santé publique issue de la réforme du 4 mars 2002, sans pour
autant se conformer strictement à la jurisprudence antérieure49
. Selon l’article, les risques
graves fréquents ou exceptionnels doivent être signalés au patient, concernant les traitements,
les interventions et même les actes de prévention. En revanche, le risque imprévisible n’a pas
à être porté à la connaissance du patient sinon l’information pour le médecin serait
interminable et fastidieuse. Mais le texte va plus loin que la jurisprudence car il impose la
divulgation par le médecin de l’utilité de l’acte, son urgence, ses alternatives et les
conséquences de chaque solution.
PARAGRAPHE DEUXIEME La spécificité de
l’information en droit médical à l’appui de la théorie d’un contrat spécial
Cette démonstration permet-elle de qualifier le contrat médical de contrat spécial ?
46
Cass, 1ère
civ., 27 mai 1998, D. 1998, p. 530 47
CE, 5 janvier 2000, JCP 2000, 10271 48
Cass, 1ère
civ., 21 février 1961, Bull. civ. I, n°115, p. 92, S. 1961, 2296 49
En ce sens, D. Berthiau, « Droit de la santé », Gualino, coll. Mémentos LMD, 2007, p. 167 et 168
Pour une appréciation contraire, G. Méméteau, « Cours de droit médical », Les études hospitalières, 3ème
éd.,
2006, p. 357 et s.
24
D’une part, la compétence du Conseil d’Etat en matière d’hospitalisation publique va à
l’encontre de la théorie d’un contrat de droit commun. En effet, en droit commun des contrats,
ce sont les juridictions judiciaires qui sont compétentes. D’autre part, l’obligation
d’information n’est pas exclusive au droit médical. Elle n’est d’ailleurs pas sans rappeler
l’obligation d’information du professionnel envers le consommateur. Mais elle va bien au-
delà de l’information du consommateur qui ne vise qu’à le protéger de la malveillance de
certains professionnels.
Elle se place dans le sillage de l’obligation générale d’information50
instaurée par la
théorie civiliste, incombant aux professionnels. Dans tous les cas, l’information vise à corriger
un déséquilibre entre les parties.
Même si en droit de la consommation comme en droit médical il y a une asymétrie de
l’information profitant au professionnel, la finalité des deux relations n’est pas la même. En
droit de la consommation, la relation est commerciale et la loi veut protéger le consommateur
des escroqueries faites par un professionnel. En droit médical, le cadre n’est pas commercial,
et c’est là toute la différence. D’un coté la méfiance du professionnel a imposé l’information
du consommateur, de l’autre l’instauration d’une relation confiance a inspiré l’avènement
d’une obligation d’information médicale. Cette différence se comprend par l’enjeu de
l’information pour le client. En droit médical, sa vie est en jeu ainsi que l’intégrité de son
corps, c’est ce qui lui confère un caractère si particulier. Concrètement, l’obligation est
inspirée du droit de la consommation mais s’en détache sur divers points.
On pourrait alors penser à l’obligation de sécurité incombant au professionnel, prévue
par les articles 1386-1 et suivants du code civil, qui vise aussi à protéger l’intégrité physique
du client. Il est vrai que cette obligation va plus loin que l’information, en pratique l’objet ne
doit pas être dangereux pour le consommateur et pour cela il faut l’informer. Une
ressemblance qui n’empêche pas la spécificité de l’obligation d’information du médecin.
L’obligation d’information du médecin, qui bien évidemment est une obligation de
résultat en ce sens qu’il doit tout mettre en œuvre pour informer au mieux le patient au regard
des données actuelles de la science, repose donc sur des bases civilistes, de droit commun,
auxquelles s’ajoutent des particularités inspirées pour certaines du droit de la consommation
et de la vente. La violation de cette obligation a également des conséquences civiles, la
50
En ce sens, G. Méméteau, « Cours de droit médical », Les études hospitalières, 3ème
éd., 2006, p. 355.
25
responsabilité du médecin. Pour autant elle se détache de l’obligation générale pour constituer
une obligation à part entière et spécifique. C’est pourquoi elle est la traduction de
l’appartenance du contrat médical à la catégorie des contrats spéciaux.
Mais c’est au regard de la portée de l’obligation d’information que l’on peut
effectivement prétendre que le contrat médical est un contrat spécial, tout autant que le droit
médical est un droit autonome par rapport au droit civil.
CHAPITRE DEUXIEME La spécificité du
contrat médical à travers la portée de l’obligation
d’information
Une fois l’obligation d’information déterminée quant à son contenu, il s’agit de la
transmettre. En droit médical, cette transmission revêt un caractère particulier, s’éloignant
alors du formalisme de droit commun. Par ailleurs, les modalités de preuve de cette
transmission ont évolué à travers la jurisprudence et la loi (Section première).
Cependant, tout principe connait des exceptions. Il en existe donc qui sont propres au
droit médical (Section deuxième).
SECTION PREMIERE L’originalité du système
probatoire de la transmission de l’information
Dès 1942, la jurisprudence a commencé à se pencher sur le problème de la charge de
la preuve de l’obligation d’information (Paragraphe deuxième), impliquant la recherche de la
forme de sa transmission (Paragraphe premier). Il ressort d’ailleurs de l’arrêt « Teyssier »51
que la charge de la preuve de l’information pèse sur le médecin. Mais le droit a
particulièrement évolué sur la question.
51
Cass, req., 28 janvier 1942, « Teyssier », D. 1942, p. 63
26
PARAGRAPHE PREMIER La transmission orale privilégiée, une rupture d’avec le droit commun des contrats
Concernant le formalisme de la transmission, la loi du 4 mars 2002 a repris le
raisonnement de la Cour de cassation. En effet elle avait jugé en 199552
que l’information
pouvait être transmise de manière verbale sauf en cas de circonstances particulières
nécessitant un écrit. L’article L1111-2 du code de la santé publique privilégie aussi ce mode
de transmission sur tous les autres. Cela amène deux observations.
La première, c’est que la communication prime donc sur toute autre forme de
divulgation. Ce n’est pas un hasard, ce raisonnement s’inscrit dans la philosophie propre au
droit médical qui veut qu’il y ait une relation de confiance entre le médecin et son patient. Un
entretien oral préalable au traitement (article L1111-2 alinéa 3), permet en quelque sorte de
rétablir un « lien humanisé »53
entre le médecin et le malade, et d’assurer au mieux la
compréhension du patient. Cette philosophie ne se retrouve pas en droit commun des contrats.
Deuxièmement, il faut remarquer qu’en droit commun des contrats, la place de la
transmission orale est largement compromise par l’exigence d’un écrit. C’est le mode de
preuve par excellence en droit commun. Ainsi le plus souvent les parties contractent par le
biais d’un écrit et pour prouver que chacune des obligations a été exécutée, elles établissent
des preuves écrites elles aussi. En droit de la consommation par exemple, l’information est
transmise par voie d’étiquette, d’affichage ou de remise préalable de documents. Le droit
médical rompt sur ce point avec les traditions civilistes.
Dès lors, le droit médical constitue donc une particularité par rapport au droit commun
en privilégiant l’entretien oral. Mais la charge de la preuve en est affectée car il est plus
difficile de rapporter la preuve d’une transmission orale, bien évidemment. L’écrit n’est pas
prohibé, mais il n’est admis qu’en complément d’un entretien oral54
(un écrit peut d’ailleurs
servir de preuve dans les domaines spécifiques de la médecin esthétique, la recherche
biomédicale).
52
Cass, 1ère
civ., 4 avril 1995, JCP 1995, IV, n°1407, p. 180 53
F.J. PANSIER et C. CHARBONNEAU, « Commentaire de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des
malades (1ère partie) », Petites affiches, 13 mars 2002 n° 52, p. 5 et s. 54
J.M. Clément, « Les grands principes du droit de la santé », Etudes hospitalières, 2005, p. 113
27
PARAGRAPHE DEUXIEME La charge de la preuve de la transmission de l’information : interprétation classique des principes civilistes
Concernant la charge de la preuve de la transmission, l’article L1111-2 alinéa 7
précise qu’en cas de litige, elle pèse sur le médecin ou l’établissement de santé lorsqu’une
hospitalisation a été nécessaire, reprenant les termes d’une jurisprudence particulièrement
controversée établie en 199755
et admise par la Conseil d’Etat en 200056
. D’ailleurs, la
solution de cet arrêt relatif à l’obligation d’information du médecin s’est imposée comme
solution de principe pour toutes les obligations d’information, quelque soit le domaine en
question : en ce sens, ce n’est pas le droit civil qui influe sur le droit médical, mais plutôt
l’inverse ici. En tout état de cause, c’est au professionnel de prouver la transmission, de
manière très classique.
Cette exigence parait s’imposer puisqu’un patient aura du mal à rapporter la preuve
d’une absence d’information. Cette preuve par le praticien n’étant pas aisée à rapporter, autant
par le caractère spécifique de l’information que par la transmission orale, le législateur a
admis que tous moyens de preuve pouvaient être utilisés : notices d’information, lettre au
médecin traitant, mention dans le dossier. Un arrêt de la Cour de cassation du 14 octobre 1997
l’avait déjà reconnu57
.
Même si les progrès en matière d’information du patient sont conséquents, le
législateur ne sanctionne que le défaut de délivrance de l’information. Cependant, ce n’est pas
parce qu’elle est transmise qu’elle est comprise par le patient, notamment car l’information
est généralement technique. Certains auteurs58
ont donc justement émis l’idée d’une
obligation de clarté et de vérification de l’assimilation de l’information par le malade, ce qui
permettrait de parler réellement de consentement éclairé du patient.
55
Cass, 1ère
civ., 25 février 1997, Gaz. Pal. 1997, p. 22 56
CE, 5 janvier 2000, JCP 2000, 10271 57
Cass, 1ère
civ, 14 octobre 1997, Gaz. Pal. 1998, p. 312 58
En ce sens, D. Berthiau, « Droit de la santé », Gualino, coll. Mémentos LMD, 2007, p. 170
28
Il apparait au regard de ces constatations que l’obligation d’information en droit
médical se place dans un système de transmission de l’information bien particulier fondé sur
la confiance entre les parties et l’humanisation de leur relation. La preuve en est donc affectée
quant à ses modalités et le système probatoire en droit médical ne se fonde pas sur le droit
commun des contrats, qui fait de l’écrit un document sacré. La philosophie sous jacente est
bien différente, et dès lors le contrat médical est bien un contrat spécial.
Le principe de l’obligation d’information connait malgré tout des exceptions en droit
médical qui sont justifiées par les circonstances de l’acte médical.
SECTION DEUXIEME Les limites circonstanciées de
l’obligation d’information en droit médical
Diverses situations justifient d’écarter l’obligation d’information, ou atténuent sa
portée. Ce n’est en rien une violation du principe de consentement éclairé du patient, il
apparait seulement qu’en droit médical, les circonstances d’espèce peuvent justifier une
dérogation au principe.
L’article L1111-2 en son alinéa 2 du code de la santé publique, dans le même sens que
l’article 9 du code de déontologie médicale, dispose que la situation d’urgence impose le soin
immédiat du patient et écarte l’obligation d’information préalable. La particularité des faits
justifie une telle disposition, qui apparait logique.
Ce même texte dispense aussi le médecin d’informer le patient qui, pour une raison ou
une autre, ne serait pas à même de comprendre l’information, en dehors de toute urgence (état
d’inconscience notamment). En revanche s’il existe une personne de confiance (article
L1111-4 alinéa 4), des proches, des titulaires de l’autorité parentale (pour un mineur) ou un
tuteur (pour les majeurs incapables), le médecin sera tenu de les informer au même titre qu’il
l’aurait fait pour le patient. Le destinataire de l’obligation ne fait que se déplacer ici.
29
L’article L1111-2 énonce également que le médecin n’est pas tenu d’informer lorsque
le patient refuse de connaitre le diagnostic ou le pronostic, conformément au principe de
liberté individuelle particulièrement présent en droit médical. Bien évidemment, l’ordre
public sanitaire entre en contradiction avec ce texte dès lors qu’il y a des risques de
transmission à des tiers. Dans ce cas là, le médecin devra passer outre ce refus et informer le
patient.
Par ailleurs, l’article R4127-35 du même code prévoit une autre exception, constituée
par la possibilité pour le médecin de ne pas informer le patient dans son « intérêt et pour des
raisons légitimes que le médecin apprécie en conscience ».
Dès lors, le refus de savoir n’appartient pas qu’au patient, le médecin peut aussi ne pas
transmettre l’information dans certains cas explicitement prévus par la loi.
Il convient aussi de prendre en compte le contenu du diagnostic. En effet un diagnostic
critique ne pourra pas être communiqué au patient de la même manière qu’un autre beaucoup
moins sérieux. Un aménagement de l’obligation d’information est nécessaire dans ce cas,
dans un souci d’humanisme59
et de dignité.
Toutes ces limites à l’obligation d’information illustrent bien la spécificité de la
relation médicale. Elles sont propres au droit de la santé, et n’ont de raison que dans le cadre
médical. Leurs justifications puisent leur source dans la situation particulière dans laquelle se
trouve le patient et dans le caractère humanisé de la relation contractuelle médicale. En ce
sens, le contrat médical est un contrat spécial puisqu’il s’émancipe du droit commun qui ne
répond pas à la même philosophie, aux mêmes besoins et ne connait donc pas les mêmes
principes et exceptions.
59
Sur la légitimité d’une information limitée en psychiatrie, Cass, 1ère
civ., 23 mai 2000, JCP 2000, 10342
30
La relation médicale découle d’un contrat entre le malade et le patient. Comme tout
contrat, la convention médicale repose sur des bases de droit commun quant à sa formation : il
ne sera conclu que par l’échange des consentements. L’intérêt de construire le régime du
contrat médical au regard du droit commun des contrats était notamment d’appliquer les
dispositions protectrices du code civil à la relation médicale.
Pour autant, le droit médical s’est peu à peu affranchi du droit commun. L’existence
même d’un code de la santé publique en est la meilleure preuve. Ce dernier intègre une
philosophie de confiance entre les parties, un caractère humaniste dans la relation de soins qui
est la source de toutes les spécificités inhérentes au droit de la santé. Toutes ces particularités
nécessitaient l’existence de règles spécifiques au droit médical, que l’on retrouve dans le code
la santé publique et qui dérogent au droit commun. Elles concernent notamment le
consentement certain et ses exceptions, l’existence inédite d’un assentiment à l’acte médical
impliquant le caractère provisoire du consentement, ou encore les dispositions relatives à
l’obligation d’information qui permet d’assurer un consentement éclairé. Il en ressort que le
consentement et l’obligation d’information sont particulièrement spécifiques en droit médical.
Outre le fait que les dispositions du code de la santé publique s’affranchissent de celles
de droit commun, elles n’ont pas la même finalité que celui-ci. Elles veillent à prendre en
compte la situation particulière du patient dans le contrat médical et s’assurent du respect des
principes fondamentaux reconnus tant au niveau national que communautaire. Dès lors le
code de la santé publique comporte aussi des règles de droit public que le code civil n’intègre
pas : le Conseil d’Etat est compétent pour juger d’un litige relatif à un contrat médical dans le
cadre d’une hospitalisation, ce qui émancipe encore ce contrat du droit commun.
Les dispositions du code de la santé publique explicitent surtout les limites du code
civil quant à l’application du droit médical60
. Malgré les tentatives d’instauration de règles
générales applicables au droit médical dans le code civil, comme par les lois de bioéthique de
1994, il apparait évident que si le droit commun peut parfois s’appliquer au contrat médical,
les règles de droit de la santé ne peuvent à l’inverse pas s’imposer dans le droit commun des
contrats.
60
En ce sens, C. Labrusse-Riou, « Code civil et code de la santé publique », Revue de droit sanitaire et social,
2008, p. 427 et s.
31
A la lueur de ces constatations, une majeure partie de la doctrine61
considère que le contrat
médical est un contrat spécial.
Les bases du contrat médical reposent donc sur les règles du droit commun des
contrats : l’existence d’un consentement certain et éclairé des parties. Mais ces règles de droit
commun sont aménagées au regard de la spécificité de la relation médicale au sein du code de
la santé publique, impliquant un « renouveau du droit commun ». Mais la différence entre le
droit commun et le droit spécial n’exclut pas leur complémentarité, chacun apporte sa pierre à
l’édifice. Catherine Labrusse-Riou résumait particulièrement bien cette idée : « Le droit de la
santé comme le droit de l'environnement, les droits spéciaux plus généralement, peuvent être
les sources d'un renouveau du droit commun, et, dirai-je, sans esprit de chapelle, du droit
civil parce qu'il civilise des technologies et des désirs par nature sauvages, ces droits
spéciaux trouvant en retour dans le droit commun les notions et concepts qui leur manquent
pour être pérennes. »62
Un aménagement des bases communes pour des applications spécifiques à la relation
médicale : tel est la définition d’un contrat spécial.
61 En ce sens, C. Labrusse-Riou disait « Le contrat médical aurait pu trouver place dans le code civil au titre des contrats spéciaux », « Code civil et code de la santé publique », Revue de droit sanitaire et social, 2008, p. 427
et s. 62
C. Labrusse-Riou, « Code civil et code de la santé publique », Revue de droit sanitaire et social, 2008, p. 427
et s.
32
BIBLIOGRAPHIE
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- Cass, civ., 20 mai 1936, « Mercier », DP 1936, I, p. 88
- Cass, req., 21 aout 1839, in Juris. Gén., Dalloz, « Louage d’ouvrage et
d’industrie », t. XXX, 1853, p. 548
34
Sur le consentement au contrat médical
o Sur la reconnaissance du consentement
- Cass, 1ère civ., 31 décembre 1989, n°88-15352
- Cass, civ., 20 mai 1936, « Mercier », DP 1936, I, p. 88
- CE, 26 octobre 2001, AJDA, mars 2002, 259
o Sur les exceptions au principe du consentement personnel
- Cass, 1ère civ., 19 mai 1984, D. 1985, IR, p. 368
- Cass, civ., 8 novembre 1955, JCP G., 1955, II, 9014
- Cass, civ., 17 mai 1939, 2 arrêts, JCP 1939, 1214
- Cass, 1ère
civ., 27 mai 1970, JCP 1971, 6833
Sur l’assentiment à l’acte médical
o Sur l’existence de l’assentiment
- Cass, req., 28 janvier 1942, « Teyssier », D. 1942, p. 63
o Sur les exceptions
- CAA Paris, 9 juin 1998, 2 arrêts, RFDA 1998, 1231
- CE, 26 octobre 2001, AJDA, mars 2002, 259
- CE, 16 aout 2002, JCP 2002, 1132, n°1
Sur l’obligation d’information
o Sur son existence
- Cass. civ., 29 mai 1951, D. 1952, p. 53
- Cass, req., 28 janvier 1942, « Teyssier », D. 1942, p. 63
o Sur la délivrance de l’information
- Cass, 1ère civ., 29 mai 1984, JCP G., 1984, II, 20259
- CA, Paris, 23 juin 1995, « Médecine et Droit », n°16, 1996, p. 24
o Sur le contenu de l’information
- Trib. Civ. Lièges, 27 novembre 1889, DP 1891, II, p. 28
- Cass, 1ère civ., 6 mars 1979, D. 1980, IR, p. 170
35
- Cass, 1ère civ., 27 mai 1998, D. 1998, p. 530
- CE, 5 janvier 2000, JCP 2000, 10271
- Cass, 1ère civ., 21 février 1961, Bull. civ. I, n°115, p. 92, S. 1961, 2296
o Sur la preuve de la transmission de l’information
- Cass, req., 28 janvier 1942, « Teyssier », D. 1942, p. 63
- Cass, 1ère civ., 25 février 1997, Gaz. Pal. 1997, p. 22
- CE, 5 janvier 2000, JCP 2000, 10271
o Sur les limites à l’obligation d’information
- Cass, 1ère civ., 23 mai 2000, JCP 2000, 10342