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La France de l'an Mil

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Ont participé à ce volume

Christian Amalvi, conservateur à la Bibliothèque nationale, Paris.

Michel Banniard, professeur à l'université Toulouse-Le Mirail.

Xavier Barrai i Altet, professeur à l'université de Rennes II.

Dominique Barthélemy, maître de conférence à l'université de Paris IV- Sorbonne.

Pierre Bonnassie, professeur à l'université de Toulouse-Le Mirail.

Éric Bournazel, professeur à l'université de Paris X-Nanterre.

Jean-Pierre Caillet, conservateur au musée de Cluny, Paris.

Robert Delort, professeur à l'université de Paris VIII puis de Genève, président de la Commission du CNRS et du comité scientifique organi- sateurs des colloques Hugues Capet 987-1987. La France de l'an Mil.

Claudie Duhamel-Amado, ingénieur de recherche au Centre national de la recherche scientifique, Aix-en-Provence.

Nathalie Ensergueix, étudiante à l'université de Rennes II.

Robert Fossier, professeur à l'université de Paris I-Sorbonne.

Dominique logna-Prat, chargé de recherche au Centre national de la recherche scientifique (ARTEM), Nancy.

Christian Lauranson-Rosaz, maître de conférence à l'université de Saint- Étienne.

Jacqueline Leuridan, ingénieur au Centre national de la recherche scien- tifique (Imageo), Paris.

Michel Parisse, professeur à l'université de Nancy II, directeur de la Mis- sion historique française en Allemagne (Gôttingen).

Jean-Pierre Poly, professeur à l'université de Paris X-Nanterre.

Mireille Schmidt-Chazan, maître de conférence à l'université de Metz.

Jean-Yves Tilliette, chargé de recherche au Centre national de la recherche scientifique, directeur des études médiévales à l'École française de Rome.

Karl Ferdinand Werner, directeur honoraire de l'Institut historique alle- mand de Paris.

Michel Zimmermann, maître de conférence à l'université de Paris I- Sorbonne.

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L a F r a n c e d e l ' a n M i l

sous la direction de Robert Delort

Études rassemblées par Dominique Iogna-Prat

Éditions du Seuil

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EN COUVERTURE

« La Citadelle assiégée », Commentaire d'Ezéchiel, Haymon d'Auxerre, Bibliothèque Nationale

(manuscrit latin 12302, f. lr).

ISBN 2-02-011524-7

@ ÉDITIONS DU SEUIL, MARS 1990.

La loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reprofjjirtjçnt^égrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consenterpwtâfplTâ!feiu\pu de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanct ic j iu^fèr les aruplês 425 et suivants du Code pénal.

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Remerciements

Ce petit livre (et de beaucoup plus grands, en cours d'édition ou déjà édités) est né de la rencontre en différents lieux (Paris, Senlis, Auxerre, Barcelone, Metz) de la plupart des savants qui, dans le monde, étudient la « charnière » de l'an Mil ; et ce, à l'occasion du millénaire d'Hugues Capet (1987) et de l'arrivée aux commandes en France, puis en divers pays d'Europe, de l'active et foisonnante dynastie capétienne. Les rencontres et les débats qui s'en sont sui- vis, les résultats auxquels est parvenue la communauté scientifique n'auraient évidemment pas été possibles sans des organisations et des organisateurs auxquels je voudrais rapidement rendre hommage.

Ce sont les membres de la commission du Centre national de la recherche scientifique (CNRS : Protohistoire, Mondes gallo-romain et médiévaux) qui, dès 1983, ont eu l'idée d'une éventuelle célébra- tion du millénaire capétien et pendant près de deux ans ont œuvré collectivement pour convaincre les grands médiévistes extérieurs à la commission, pour se faire conforter par la Direction générale du CNRS, pour renforcer les rapports avec les Célébrations Nationa- les et le ministère de la Culture et établir les premiers contacts avec la communauté scientifique internationale en lui proposant un pre- mier canevas et les principaux thèmes à aborder. C'est cette com- mission qui a proposé les crédits nécessaires pour le lancement des colloques et l'aide à la publication des Actes. Que tous ses mem- bres reçoivent ici nos plus chaleureux remerciements.

Sans jamais se désintéresser du projet, cette commission a laissé le soin de le poursuivre et de le développer à un comité d'organisa- tion constitué, avec son plein accord, par des membres tous recru- tés en dehors d'elle et ayant l'avantage de former une équipe à la fois cohérente et particulièrement compétente : X. Barrai i Altet (Univ. de Rennes), M. Parisse (Univ. de Nancy et Mission histori- que française à Gôttingen), J.-C. Picard (Univ. de Metz), M. Zim- mermann (Univ. de Paris I), équipe animée par le dynamisme exceptionnel de D. Iogna-Prat (CNRS) qui assurait, avec

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Mme A.-M. Richoux (ARTEM), liaison et secrétariat. Ce sont eux qui ont élaboré le programme définitif et atteint la plupart des per- sonnalités et organisations qui ont pu aider généreusement à la réa- lisation de ces rencontres dans la France actuelle ou en Catalogne, où l'accueil fut particulièrement chaleureux.

Nous ne pouvons remercier nommément toutes ces personnalités non plus que tous nos collègues et amis de la direction du CNRS, de la direction des Archives de France, de MM. les ministres compé- tents, des organisations municipales et culturelles qui nous ont ainsi aidés. Que tous reçoivent ici l'expression de notre profonde grati- tude. Ajoutons enfin que l'acceptation immédiate de ce manuscrit par les Éditions du Seuil permet de rendre public, dans un délai rela- tivement court, l'essentiel des acquis de ces rencontres internatio- nales, sous la forme très accessible qu'ont adoptée leurs auteurs.

Enfin, nous tenons à exprimer notre gratitude aux Éditions Picard — éditeur des Actes — qui ont accepté que certains textes parais- sent ici sous une forme remaniée, ainsi qu'à Mme A.-M. Richoux (ARTEM) qui s'est acquittée avec diligence de la tâche ingrate de dactylographier les textes et Mme N. Weil qui a composé l'index.

Robert DELORT

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Introduction

France, Occident, monde à la charnière de l'an Mil

ROBERT DELORT

Le titre de ce recueil — celui d'ailleurs de ce colloque mul- tiforme étiré de juin (Paris, Senlis, Auxerre) à septembre 1987 (Metz), en passant par Barcelone (juillet), dont sont dérivés les chapitres qui suivent — est certes exact puisqu'il s 'occupe principalement du royaume de France aux alentours de l 'an Mil. Mais le comté de Barcelone, qui en faisait partie, per- met naturellement de pousser des recherches comparatives vers l 'Aragon, la Navarre, les petits États chrétiens du Nord de l 'Espagne, tandis que son attitude et ses rapports vis-à- vis du califat de Cordoue, le sac de la même Barcelone par Al-Mansur (985), l 'étude des communautés juives en Espa- gne, voire le voyage de Jean de Gorze, évoquent aussi les contacts avec AI-Andalus et le monde musulman.

L'étude poussée de la Lotharingie, qui ne faisait pas (ou plus) partie du royaume, montre l ' importance considérable qu'elle gardait comme centre culturel, nourri de ce monde carolingien dont elle restait la survivance exemplaire et le cen- tre actif de référence ; comme également le pont solide jeté entre les royaumes frères de France et de Germanie, vers l 'Empire, futur « saint » et « germanique », fondé en cet ins- tant (962) par Otton le Grand.

Enfin Cluny, les moines, le clergé, la culture religieuse, artistique, littéraire... concernent bien évidemment tout l 'Occident ; on en a de nombreuses illustrations dans la conversion, l'évangélisation et même la liturgie de la Hon- grie, dans les rapports incessants avec l'Italie, la papauté, l'Église romaine dont clercs et papes lotharingiens entrepren- nent la réforme.

Ainsi la France de l 'an Mil ne représente certes pas tout

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l 'Occident, mais elle permet d 'en étudier un exemple, vaste et saisissant, enfin point de convergence d'études précises et nombreuses, en un endroit central et à une époque charnière pour l 'histoire du monde.

Les historiens, par-delà leurs querelles sur les causes, rai- sons, modalités, développement, premières conséquences..., semblent en effet d 'accord pour dater de la période précé- dant ou suivant immédiatement l 'an Mil l'essor peu à peu irrésistible de l 'Occident qui, en quelques siècles, a imposé au monde le modèle original de société dans lequel nous vivons.

R. Fossier, P. Bonnassie, K.F. Werner, entre autres, ont participé à ce colloque, de même que P. Toubert ou d'excel- lents disciples de G. Duby, et les débuts de cette « croissance » ont été abordés par le biais d'études locales ou d'exposés thé- matiques. Nous aurons le plaisir de donner la parole à A. Verhulst qui nous a très aimablement communiqué le texte de sa remarquable intervention à Flaran (1988) et dont on ne peut passer sous silence l 'opinion ; et nous aimerions ajou- ter également l ' interprétation nouvelle de G. Bois, à propos de la genèse du féodalisme sur la fin du Xe siècle.

France, Occident, monde... Une dernière question ne sau- rait être éludée, même s'il s'agit de la grande absente de ces colloques et de ce volume, la Nature. Personne certes n'était capable, dans l'état actuel de la recherche, de faire le point ou même de dresser un modeste bilan de ces problèmes, à proprement parler fondamentaux, concernant le « milieu » « français » ou « occidental » autour de l'an Mil, et de les situer par rapport aux écosystèmes contemporains. Mais il est indispensable, dès les premières pages d'un ouvrage très accessible aux jeunes chercheurs et aux nombreux lecteurs non spécialistes, de signaler au moins cette question et d'évo- quer les principales pistes qui s'ébauchent, grâce à l'inter- disciplinarité en cours d'organisation, et qui coordonnent enfin sciences de l'homme et de la société, sciences de la nature et de la vie, sciences des structures et de la matière, dans une recherche commune consacrée au devenir de l'espace dans le temps, ce qui est bien le fondement même de l'histoire.

Je ne désire évidemment pas m'étendre sur la plupart des

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thèmes abordés, spécifiques à la France de l'an Mil, dont la problématique et la connaissance ont été renouvelées au cours de ces colloques, et ce, quelles que soient les résonances qu'ils ont pu avoir en dehors des frontières de l'époque : il est inu- tile de refaire en encore plus bref l'excellent résumé publié dans la Revue historique (janv.-mars 1988, p. 278-285) ni a fortiori de se faire l'écho des discussions sur les exposés ici présentés (et qui seront édités dans les Actes, en instance de publication par les soins des Éditions Picard et de la Gene- ralitat de Catalunya).

J'attirerai simplement l'attention sur quelques points. Hugues Capet, d'abord, dont au moins trois aspects peuvent être retenus.

C'est le fondateur d'une dynastie exceptionnelle dans l'his- toire de l'Europe, voire du monde : les ducs capétiens de Bourgogne (issus de Robert le Vieux) ont créé le comté puis le royaume de Portugal sur le trône duquel ils sont restés aussi longtemps Uusqu'en 1910) que leurs cousins de France sur le leur : d'eux procèdent également les empereurs du Brésil.

Les Capétiens « angevins » ont donné, sur la fin du Moyen Age, des rois à la Sicile (ou à Naples), à la Hongrie, à la Polo- gne... Les Capétiens « bourbons », implantés en Espagne au début du XVIIIe siècle par Philippe V, petit-fils de Louis XIV, puis dans le bassin occidental de la Méditerranée (Parme, encore Naples et Sicile), représentent actuellement la bran- che aînée de la famille, par les descendants mâles d'Alfonse XIII, dont l'actuel roi d'Espagne. Quant aux Capétiens-Valois-Bourbons de France, ils sont indissociables de notre histoire jusqu'au milieu du XIXe siècle et, même si depuis la mort du duc de Chambord (« Henri V ») ils ne sont plus que la branche cadette issue de « Monsieur », duc d'Orléans et frère de Louis XIV, du moins sont-ils toujours français, vivant en France, et très attentifs, en tout temps, au destin de la France que leurs ancêtres ou leurs parents ont contribué à gérer durant près d'un millénaire, depuis Hugues Capet.

L'histoire des Capétiens ne doit pas occulter, même si elle l'a modelée au gré des siècles, celle de son fondateur et par- ticulièrement la manière dont Hugues Capet a été présenté

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dans l 'historiographie française, y compris à notre époque et dans le présent livre. Il est intéressant de le voir campé dans les actes de Saint-Denis, au XIIe siècle, dans les généa- logies royales du XIVe siècle, dans les chroniques universel- les de la fin du Moyen Age jusqu'aux manuels du XIXe siècle et à ceux de l'« instituteur général » qu'était E. Lavisse, arrivé jusqu 'à nos enfants et à la conscience nationale qu'en ont aujourd 'hui nos condisciples de l'école publique, laïque et obligatoire.

Hugues lui-même, et tout autant Robert, associé et cou- ronné peu après son père, la même année 987 (à Noël, à Orléans), n'étaient en tout cas pas des médiocres. Il faut bien insister, avec K.F. Werner, sur l ' importance et la fortune de la famille robertienne avant Capet et, avec J. Ehlers, sur les relations extrêmement étroites tissées avec les Carolingiens et les Ottoniens.

L 'une des questions les plus intéressantes posées par ces rois associés, héritant de la puissance robertienne et d 'un cer- tain nombre des pouvoirs régaliens qu'exerçait leur prédé- cesseur carolingien, est de savoir jusqu 'où leur autorité ou leur influence pouvaient être reconnues. La réponse peut être cherchée à partir de cas précis, concernant les puissants, pro- ches de l 'entourage royal (comte de Vendôme, évêques de Beauvais, de Noyon, etc.), et encore plus du devenir (auto- nome ?) des principautés plus éloignées, méridionales, par exemple, comme Gascogne ou Catalogne ; cette étude peut être menée en comparaison avec d 'autres principautés hors de France (comme l 'Aragon, la Navarre, la Provence.. .) et se concentrer sur des caractères propres, dus en partie à l'éloi- gnement de l 'Ile-de-France et du roi, mais aussi à la puis- sance des évêques, à l'établissement de langues proches mais différentes de la langue d'oil (catalan, langues d'oc, influences wisigothiques...) et à l 'épanouissement d 'une culture et d 'un art, eux aussi distincts sans être forcément différents.

La comparaison peut être faite également avec les structu- res de pouvoir en Lotharingie, cristallisées surtout autour des évêques et des villes où ils résident. Un tel parallélisme n'est pas tellement artificiel entre deux régions fort éloignées cer- tes mais qui ont gardé, outre de très vivants foyers culturels,

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le souvenir ou l'empreinte carolingienne et dont les Capétiens se sont immédiatement désintéressés.

L'influence politique réelle des nouveaux rois peut être éga- lement soulignée par la représentation cartographique des palais, résidences royales, abbayes, chapitres, villes, points forts, mottes, châteaux, sites défensifs ou fortifiés..., et de leur signification. On voit combien ces questions sont liées avec celles du paysage monumental autour de l 'an Mil : aspect et état des villes romaines, anciennes ou plus récemment réno- vées ; architecture de leurs églises, de leurs formes, influen- cées par l 'art carolingien ou romain ; églises-porches de l'Est, monastères et « blanc manteau » des églises rurales, parfois en rapport avec le développement clunisien, mais déjà en cours de construction dès la fin du xe siècle...

Religion, monachisme, art, culture, leurs centres et leur influence au sein de la France de l 'an Mil sont des problè- mes qui abandonnent toute référence à Hugues Capet, dont la personnalité devient bien pâle, replacée dans les grands cou- rants de la fin du Xe siècle.

Cluny, par exemple, fondée en 910 et rattachée directement à Rome, devient seigneurie vers l 'an Mil et, sous l 'abbatiat d 'Odi lon de Mercœur, constitue autour d'elle un réseau de dépendances, embryon de la grande famille clunisienne ; ce qui n'était pas le cas au temps d 'Odon ou de Maieul et encore moins pour d 'autres réformateurs comme Guillaume de Dijon, agissant à titre personnel sur certains établissements dont il devenait abbé sans que ces établissements ne contrac- tent entre eux le moindre lien organique ou juridique (Saint- Bénigne, Berney, Saint-Arnoul de Metz.. .) ; par ailleurs, il ne faut pas oublier et l 'organisation ottonienne du Reichs- kirchensystem et les exemples d 'autres types de réseaux monastiques, comme celui, fourni par P. Gaussin, groupant dans le seul Velay, autour de Saint-Chaffre, une centaine d'établissements.

Réforme monastique et érection de nouveaux édifices vont de pair ; non seulement Cluny ou les réformations de Guil- laume de Dijon mais aussi Fleury, Saint-Martin du Canigou ou Saint-Michel de Cuxa. Les cryptes de chevet hors œuvre se multiplient, et peut-être le chevet complexe de Cluny II

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et sa Galilée ont-ils contribué à la diffusion de la liturgie clu- nisienne et de l 'image d 'un idéal monastique.

L'influence du clergé séculier, évêques bâtisseurs appuyés sur leurs chanoines, se marque particulièrement en Lotha- ringie (Metz ou Verdun) mais il existe d 'autres exemples contemporains à Saint-Étienne d 'Auxerre, voire à Orléans ou à Chartres, et, qu'ils soient séculiers ou réguliers, les créa- teurs des nombreux édifices lorrains, datant des alentours de l 'an Mil, semblent avoir eu de nombreux rapports avec les mondes rhénan ou champenois.

C'est principalement grâce aux moines que se diffusent à cette époque la gestion de la mémoire des morts (déjà exis- tant à la période carolingienne) puis l 'aide aux pauvres, qui se répandait surtout en suivant les réseaux fraternels et cari- tatifs des différents monastères ; au plus tard en 1031 s'impose, depuis Cluny, la fête de la Commémoration de tous les défunts, le 2 novembre.

C'est également à cette époque que les clercs, en contact évidemment avec leurs frères d 'en dehors du royaume, ont pris en charge le système scolaire et participé au mouvement intellectuel, dont l 'un des principaux centres était celui de Fleury ; mais en ce qui concerne la production littéraire, force est de constater que, si le latin employé est d 'une grande cor- rection, l'éventail des genres, ouvert chez les Carolingiens, s'est progressivement restreint : la tendance est à négliger quelque peu la poésie et à œuvrer de plus en plus dans l'hagio- graphie et la poésie théologique, dont le type est la Vie de saint Germain par Héric d 'Auxerre.

Une place de choix doit être réservée dans ce domaine à la Lotharingie, aux grands évêques, aux échanges permanents entre écoles épiscopales et grands monastères (Lobbes ou Gorze) et à l 'influence exercée sur Reims ou la France du Nord. La production littéraire abonde ici en Gestes de grands abbés ou évêques ou encore en Vies de saints ou de person- nages contemporains, souvent exemptes de miracles, comme celle, célèbre, de Jean de Gorze.

La culture du moine moyen peut même être étudiée non seulement dans les catalogues de bibliothèques, comme celui de Gorze (où se trouvaient de nombreux manuels, mais aussi

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des ouvrages classiques) ou de Fleury (dont près de six cents manuscrits, subsistant des mille environ conservés à l 'épo- que, sont patiemment relevés et identifiés), mais aussi dans les gloses marginales qu 'on t rédigées de nombreux lecteurs ou dans la diffusion de la production des scriptoria messins.

Le monastère est également domaine privilégié de la musi- que : c'est autour de l 'an Mil qu'est née la révolution des tro- pes, petites pièces d'ornementation et d'interpolation, greffées sur le répertoire grégorien et apparues fugitivement dès la fin du IXe siècle ; l 'un deux, lotharingien, donne naissance au drame liturgique.

Nous ne pouvons terminer cet important bilan sans évo- quer l'histoire aux Xe-XIe siècles, conçue comme une oc- cupation de grands en compagnie de grands, destinée à faire réfléchir et à interpréter les manifestations de Dieu dans la vie des hommes. D'où l'importance des commentaires ou glo- ses de la Bible chez les clercs, la manière d'envisager l'héré- dité royale et le pouvoir sacré, et aussi, à la racine de la thaumaturgie royale, les miracles ou autres faits entourant la guérison des écrouelles.

On voit tout ce que ces études apportent à l'histoire bio- graphique, prosopographique, politique, monumentale, artis- tique, religieuse, culturelle, littéraire, musicale. Il s'agit là, à proprement parler, d'un tout nouveau faisceau, nourri et convergent, qui éclaire enfin tant de points, jusque-là restés obscurs, de ces dark ages.

Par choix personnel, peut-être, mais aussi parce que la période autour de l'an Mil connaît une mutation fondamen- tale, l'apparition de la féodalité, je serai amené à privilégier d'autres thèmes, que l'on pourrait appeler plus précisément d'histoire économique et sociale, même si les précédents n'en sont guère dissociables.

Un vif regret pour commencer : les échanges, l'activité des villes, des ateliers, des artisans (où qu'ils se trouvent), les moyens de locomotion, les marchands, les objets de commerce, l'existence (ou non) d'un commerce internatio- nal, les routes de communication véhiculant techniques,

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culture, civilisation..., ont été peu abordés. Heureusement, outre l'étude sur les droits de foire et de marché, l'allusion au monnayage normand à travers le trésor de Fécamp et l'importance des villes de Lotharingie, a pu être précisée l'existence de cette grande voie d'échanges passant par la Lotharingie et, de là, à travers la France en direction de l'Espagne, et évoquée la formation intellectuelle des mar- chands qui la dominaient ; l'essor économique de la Catalo- gne à cette époque a également pu être retracé.

Resterait évidemment à évaluer à l'échelle de la France ou même de l'Occident l'ampleur, à cette époque, de tels échan- ges, l'impact des villes sur la «campagne» et la « produc- tion » ou les « moyens de paiement » permettant de solder les marchandises qui ne seraient pas simplement transitées. Ne s'agit-il, au total, que du simple « frémissement » dont parle M. Parisse ? Ou déjà d'autre chose ?

Il est vrai que ce thème de l'échange ou de la « produc- tion » peut être abordé d'une autre manière, par l'étude des paysans, de leur rassemblement en village, de leur travail indi- viduel ou collectif, et des débuts de la transformation du pay- sage. Je ne me permettrai pas d'ajouter un mot aux articles reproduits ci-dessous, rédigés par les deux grands spécialis- tes que sont R. Fossier et P. Bonnassie, auteurs des deux thè- ses les plus saisissantes du demi-siècle, concernant de larges espaces territoriaux et traitant soit de la longue durée pour les hommes et la terre en Picardie, soit de la globalité d'une principauté exemplaire sur un espace de temps plus restreint : la Catalogne du XIe siècle. Plusieurs de ces aspects ont été par ailleurs précisés au niveau des principautés méridiona- les, de l'habitat qui se présente parfois fort dispersé, parfois au contraire en voie de concentration, des solidarités pay- sannes en Languedoc et en Catalogne.

Qu'il me soit en outre permis de donner la parole à un autre très grand historien, que je remercie à nouveau très chaleu- reusement pour la libéralité avec laquelle il nous a commu- niqué le texte par lui présenté à Flaran, sur la fin de 1988, et traitant du régime domanial classique à l'est et à l'ouest du Rhin à l'époque carolingienne.

C'est en effet un problème aussi fondamental de parler non

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plus du Xe, mais plutôt des VIIIe et IXe siècles, pour savoir si, à cette époque, le monde rural n'a pas déjà connu la « croissance agricole » et l'« augmentation démographique » qui soit auraient connu un épanouissement final, soit auraient en partie porté celles de l'an Mil.

D'où l'importance du texte de A. Verhulst, dont j'ai pris la responsabilité de choisir, sans évidemment en rien chan- ger, les derniers paragraphes, espérant que, privés de toutes les démonstrations qui les précèdent et des notes qui les confortent, ils ne trahiront ni n'affaibliront la ferme pensée de l'auteur.

Le phénomène fondamental [...] c'est la transition d'un régime d'exploitation directe, à l'aide d'esclaves non chasés* ', d'un domaine aux dimensions modestes, à un régime d'exploitation bipartite d'un domaine beaucoup plus étendu, par la voie du chasement d'esclaves, l'incor- poration des paysans libres et l'imposition à ces deux caté- gories de services agricoles. Il faut croire que les conditions générales favorables à un tel changement ont été à l'œuvre à l'ouest du Rhin, à une époque plus précoce qu'à l'est du Rhin. Parmi ces condi- tions, le pouvoir et les besoins de la royauté — caro- lingienne surtout, après le délabrement du fisc mérovingien — ainsi que de l'Église franque ont joué un rôle primordial, à notre avis. Or, la chronologie dépha- sée de leur implantation à l'ouest puis à l'est du Rhin est bien connue. Nous ne voulons pas pour autant dénier un rôle impor- tant à d'autres conditions générales. Puisque la place nous manque pour les analyser en détail, nous nous permet- tons de renvoyer à l'aperçu récent et très neuf de Pierre Bonnassie sur l'évolution du régime esclavagiste en Occi- dent au Haut Moyen Age. Ses arguments en faveur d'une croissance économique du secteur rural, et plus parti- culièrement en faveur du rôle de l'esclavage dans cette évo- lution, s'accordent bien, nous semble-t-il, avec tout ce que nous venons de dire : il y a un lien, en effet, entre la reprise

1. Les termes suivis d'un astérique sont définis dans le Glossaire, en fin de volume. (NdE.)

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économique à partir de l'an 700 environ, l'excédent d'esclaves en Germanie au VIIIe siècle et la « restaura- tion » du régime esclavagiste sous Charlemagne. Le cha- sement d'esclaves n'est plus, comme le pensait Marc Bloch, la conséquence de leur tarissement ni du coût trop élevé de leur utilisation comme non chasés dans la pro- duction agricole de la réserve. Bonnassie souligne à juste titre la contradiction de cette hypothèse avec l'idée d'une croissance agricole au Haut Moyen Age. Le chasement d'esclaves est, au contraire, une preuve de leur recrute- ment amplifié, qui est la conséquence, croyons-nous, d'une augmentation démographique naturelle, tandis que le chasement lui-même est une des causes de ce mouve- ment démographique. Le seul point important sur lequel nous différons d'avis avec Bonnassie concerne le cadre dans lequel se situe l'essor économique auquel nous croyons avec lui. Bonnassie est convaincu, à cet égard, du rôle de la petite exploitation paysanne. Nous le som- mes également, mais nous espérons avoir démontré que le destin de celle-ci n'est pas indépendant de l'expansion de la grande exploitation seigneuriale et plus particuliè- rement de sa « réserve ».

G. Bois, à propos d 'une micro-étude sur un village mâcon- nais, Lournand, reprend lui aussi l'idée de cette société fran- que, où les esclaves, encore nombreux, commencent à être chasés et où domine la petite propriété libre ; c'est la produc- tivité accrue de la petite exploitation qui aurait assuré la crois- sance agricole. Prenant appui sur le renforcement de la cellule conjugale, sur les solidarités villageoises et le poids croissant de la paysannerie, en liaison dialectique avec le relâchement de l 'emprise urbaine et fiscale, l 'élaboration d 'un nouveau rapport (de réciprocité) entre villes et campagnes, la réacti- vation pour les raisons intérieures de l 'échange et l ' introduc- tion du mécanisme du marché, cette croissance aurait fragilisé les structures d 'encadrement du monde carolingien. Comme dans la société antique, la classe sociale dominante, bien que déjà militaire et cléricale, se fondait toujours sur la posses- sion des esclaves et les profits (sans cesse amenuisés) que dis- pensait le pouvoir.

Privé d ' impôts , coupé de racines plongées dans la campa-

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gne, au sein d 'un espace où s'étiolent villes dominatrices et grand commerce manquant du numéraire redistribué par sol- dats ou fonctionnaires, l 'État s 'a t rophie; et la très lente destructuration de la société antique aboutit à une rupture très rapide autour des années 970-980.

Mutat ion politique, sociale, économique, mentale, idéo- logique... Avènement d ' un nouveau rapport d 'exploitation et d 'une nouvelle « Weltwirtschaft» (<< économie-monde ») autour de l 'an Mil.

Insistons sur le fait que, dans ce modèle, tout est dialecti- quement lié et qu'il serait vain de vouloir privilégier ou criti- quer un à un chacun des phénomènes envisagés puisque c'est leur globalité et leur inextricable liaison qui a valeur démons- trative. Considérés à tort ou à raison comme les plus pro- fonds, ils porteraient donc nombre de ceux privilégiés par d 'autres recherches : vassalité, bénéfice, immunité, fief, pil- lages carolingiens, invasions normandes ou hongroises, fluc- tuations climatiques, changements de la couverture végétale, santé voire (partiellement) nombre des hommes qui, de fait, ne provoque pas forcément hausse de la production, a fo r - tiori hausse de la productivité.. .

Reste à savoir si le modèle élaboré autour de Lournand s'applique ailleurs que dans une partie du Mâconnais ; la seule France semble, nous allons le voir, proposer diverses nuan- ces, de la Normandie aux féodalités « méridionales » ; que penser d'éventuels modèles qui proviendraient de la terre des Angles, des bords actifs de la mer du Nord, des profondeurs de la Germanie transrhénane ou de l'Italie cispadane... sauf à les considérer comme périphériques dans une « Weltwirt- schaf t» centrée non loin de Cluny?

Nous ne manquons d'ailleurs pas d'autres théories qui sont exposées non plus à partir d 'une micro-étude mais à partir de nombreux exemples, cueillis et sélectionnés à travers tout l 'Occident, et qui, privilégiant tel ou tel phénomène, essaient d'arriver eux aussi à une « explication globale » incorporant croissance agricole, essor démographique, renouveau des échanges et des villes dans un cadre d'affaiblissement de l 'État, de morcellement des pouvoirs, de changement des rap- ports entre les hommes et d 'avènement d 'une nouvelle aris-

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tocratie... entre Charlemagne et Hugues Capet. Certains ont mis en avant l ' importance fondamentale des échanges et des marchés qui, patiemment étudiée du IXe au XIe siècle par T. Endemann, est mise en liaison soit avec une incitation interne, si a cessé le « grand commerce » antique brisé par « Mahomet » (Pirenne), soit avec une incitation externe si le commerce musulman a aidé « Charlemagne » à « décoller » (Lombard) fût-ce avec l'aide postérieure de « Rurik » (S. Bolin)... Les adversaires de cette théorie ne se privent pas de contester cette primauté de l'échange et de ne voir, dans le grand commerce, qu'un phénomène de surface ou même d'encerclement par les mers d'un massif continent, que le commerce n'effleure qu'à son extrême périphérie : Méditer- ranée, mer Noire, fleuves russes, Baltique, mer du Nord ?

D'autres ont insisté sur des conditions qui ne font que re- culer la question d'un cran : l'essor démographique continu et l'utilisation de nouvelles techniques (force hydraulique des moulins, force motrice des attelages en file et avec collier d'épaule, lourde charrue à versoir dissymétrique et à roues...) ont certes contribué à l'expansion occidentale : mais pour- quoi, et à cette époque précisément ? Les lentilles aussi ont fourni en abondance le huitième acide aminé si nécessaire à l'homme : mais pourquoi pas avant ? ou après ?

On peut aussi évoquer les pillages carolingiens qui auraient remis en circulation, fût-ce partiellement, des biens et des tré- sors venus des Avars ou d'autres vaincus, et amené des convois de vivres (ou de biens) à animer les routes de l'Empire, à reprendre les chemins de son cœur austrasien, à faire timidement renaître un certain commerce. Auraient également joué un rôle important le modèle de gestion qu'offre l'Église sur ses domaines, ses ateliers, ses terres, avec les surplus de production transférables ou négociables, la recherche d'une rentabilité au moins théorique au sein d'une « immunité » dont le chef (abbé, évêque) détient le droit de protéger et de juger.

Il faut également parler des « conditions » qui ont pu faci- liter le passage à la féodalité* sinon au féodalisme* : comme la désagrégation (politique) de l'Empire carolingien, l'essor de la vassalité, de la fidélité en échange de la protection, la

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fixation des caractères du fief, viager puis héréditaire, complé- ment indissociable de la vassalité, source de revenus et d'entretien en échange de services surtout militaires ; l'influence des invasions normandes ou hongroises, voire sar- rasines ; l'effondrement des pouvoirs traditionnels ; leur usurpation à tous les niveaux ; l'érection du château (qui pro- tège, juge et domine) ; l'organisation du travail paysan sous une autorité nouvelle et ces mille autres composantes de ce qui a longtemps été appelé la « crise du Xe siècle ». Cette crise peut être considérée de manière négative ou au contraire comme creuset permettant le départ d'un monde nouveau.

Résumons-en les éléments profonds : aucune preuve de désastre démographique ; au contraire croissance paysanne et, de plus, christianisation et incorporation à l'Occident des peuples jeunes et vigoureux que sont les Normands et les Hon- grois, par centaines de milliers — ; aucune preuve de révo- lution technique autre que l'évolution de certains moyens de production ; déthésaurisation, remise en circulation de cer- tains biens, assurément : accumulation primitive chez les maî- tres du sol, peut-être. Nouvelles structures sociales, certes. Paix intérieure à peu près assurée, voire paix « extérieure », oui, don de Dieu ou de hasard et, entre le Xe siècle hongrois et le XIIIe siècle mongol ; c'est l'une des profondes idées de M. Bloch.

Mais au total il n'y a là que des éléments de réponse, constatant plus que n'expliquant les débuts du féodalisme. Le faisceau des conditions n'est évidemment pas complet ; il est surtout trop incomplet pour être convaincant. On en revient sans cesse à l'interrogation fondamentale : l'an Mil a-t-il été porté par le monde carolingien ? est-il le début d'une séparation radicale, d'une révolution qui clorait définitive- ment le monde antique et établirait la naissance du monde moderne ? et, encore plus profondément, pourquoi ?

Un autre type de recherche, ici absent, peut être mené à la base même de l'histoire humaine, dans le milieu qui la porte et la voit se dérouler, en particulier dans le milieu naturel qui peut l'influencer plus qu'il n'en est influencé.

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Les débuts de l'organisation de l'espace par l'homme, la mise en place des éléments d'un nouvel écosystème, l'« agrosystème occidental », et d'un paysage nouveau sont certes signalés. Mais les phénomènes naturels en eux-mêmes et leur histoire ne sont pas envisagés. Or, il en existe des exem- ples frappants, même s'ils peuvent paraître mineurs dans leurs conséquences immédiates. Au xe siècle, le tracé des côtes de France était bien différent de celui d'aujourd'hui. Le cordon des dunes de Gascogne était déjà formé (mais que de por- tions au péril de la mer !) ; en revanche, le dessin du bassin d'Arcachon était en pleine évolution, sans parler des autres « étangs » accumulés derrière les dunes et n'ayant entre eux et avec la mer que des communications difficiles voire pério- diques ; sans parler non plus des vagabondages de l'Adour entre Bayonne, Hossegor, Capbreton et Vieux-Boucau, échancrant ou non la barrière dunaire.

A partir de la Gironde, les changements sont encore plus importants : à son embouchure, l'île d'Antros, en constante diminution depuis que Strabon l'a signalée et dont ne demeure à l'heure actuelle que le misérable reste de Cordouan ; la Gironde émet en plus de nombreux bras est-ouest qui ne peu- vent traverser le récent cordon de dunes mais couvrent le Médoc de marécages. Aux embouchures de la Seuldre et de la Charente, la côte ferme est loin à l'intérieur des terres actuelles, précédées d'immenses vasières, fréquemment enva- hies par la mer. Que dire du « golfe picton », énorme échan- crure de vingt kilomètres de large sur près de soixante de profondeur (soit plus que l'estuaire de la Gironde ou de la Loire), à l'emplacement de l'actuel marais poitevin. Il est vrai que la Loire était alors flanquée d'autres golfes : au sud la baie de Bourgneuf (et même, dans les profondeurs de la terre, l'immense lac de Grand-Lieu), au nord la Grande Brière, sans compter les formes différentes de la baie du Croisic et de la presqu'île de Rhuys. Côté Manche, la baie du Mont-Saint- Michel existe (depuis 709 ?) et, de même, les marais de Dol qui n'ont été colmatés que lors de l'installation de la digue, au XIe siècle. La baie de Seine, celle de Somme, les estuaires de la Canche ou de l'Authie auraient un dessin différent et le Marquenterre n'existait pas. Quant à la côte de la mer du

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Nord, son tracé était profondément pénétré par les golfes de l'Aa ou de l'Yser en retrait de dix à vingt kilomètres par rap- port au littoral actuel.

La France allait, avec le comté de Flandre, jusqu'à l'Escaut dont les bouches continuent toujours à varier. Et, si nous pous- sions plus loin, nous ne rencontrerions pas l'immense Zuider- zee, né au XIIIe siècle, mais le beaucoup plus modeste lac Flevo. Nous pourrions faire la même quête en Méditerranée, du Llo- bregat au Rhône, côte alors « française », de la Catalogne au Languedoc (Gothie et Septimanie*). Colmatage de la côte ampurdane, dont la vieille capitale éponyme (Ampurias, Empu- ries) et l'îlot phare de San Marti sont peu à peu ensablés et livrés aux moustiques. Côte du Roussillon dont Ruscino s'éloigne peu à peu de la mer sous l'effet conjugué des alluvions de la Têt et des courants littoraux. Le Bas-Languedoc voit se com- bler en partie ses lagunes et Narbonne assure de plus en plus difficilement ses fonctions de port au fil de l'Aude.

Faire l'histoire du seul littoral en dehors de la France, à l'est du Rhône, revient non seulement à envisager les che- vauchements de la plaque Europe et de la plaque Afrique, mais également le « basculement byzantin » récemment étu- dié qui, au Haut Moyen Age, a fait rapidement monter, par- fois de sept à dix mètres au-dessus du précédent niveau de la mer, le bloc de Méditerranée orientale.

L'étude des eaux continentales, largement lancée pour les grands lacs alpins (tous en dehors de la France d'alors), a été également menée sur les fleuves de Loire, Seine, Rhône (et Rhin, devenu, depuis, partiellement français). Grâce à des foraminifères repérables dans les alluvions, il est possible d'étudier, par exemple, l'histoire du Rhône, de dater les pério- des où il érode et celles où il tresse, de dessiner son cours sui- vant les siècles et de fixer ainsi les modifications considérables de son coude à, ou plutôt non loin de Lyon, bien connue pour avoir été jusqu'à la fin du Moyen Age une ville de la Saône. Il y aurait à évoquer aussi l'immensité des marécages (dans les Landes par exemple), des espaces mal drainés, des méan- dres mal recoupés... qui peuplaient la France de l'an Mil et que travail des hommes ou nouvelles variations naturelles n'ont modifiés qu'après les XIe ou XIIe siècles.

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Une étude récente et sans cesse plus précise se consacre aux variations du champ magnétique terrestre, de ses anomalies et du plus ou moins grand filtrage des particules cosmiques ou solaires : des fluctuations en hauteur et en épaisseur de la ceinture d'ozone (avec les conséquences que l'on sait pour les ultraviolets), de la proportion de gaz carbonique dans l'atmosphère et de l'éventuel « effet de serre » qu'il produit, de la nébulosité et de l'humidité qui augmentent cet effet de serre mais qui, peut-être, augmentant aussi l'albédo terres- tre, contribuent à mieux réguler la température résultante. Les conséquences sur la végétation, la faune et les hommes peuvent être étudiées localement (France de l'an Mil) comme au niveau planétaire.

Il serait indispensable de localiser sur une carte les princi- pales essences d'arbres, voire les principales plantes ou ani- maux, vivant autour de l'an Mil dans les diverses parties de la France, y compris les rats supposés porteurs de peste et les « bons » lombrics, si utiles au paysan dont ils retournent le champ plus profondément et plus fréquemment que l'araire et même que la lourde charrue. Il faudrait évidemment essayer de préciser l'anthropologie physique des « Français » du xe siècle : squelette, taille, poids, groupes sanguins ou tissulai- res, physiologie..., aborder les maladies héréditaires, congé- nitales, épidémiques, endémiques qui sévissaient à l'époque, y compris celles dues à des parasites ou à la consommation de végétaux toxiques, en liaison avec les modifications du lit- toral ou des eaux continentales, mais aussi des concentrations humaines, du travail des collectivités paysannes, de l'élevage des bovins (malaria) ou de la diffusion du seigle ergoté, cause probable du mal des ardents ; c'est l'un des rythmes fonda- mentaux d'un des multiples facteurs démographiques, par- ticulièrement importants dans ces décennies où débute (ou s'accélère ?) la « croissance occidentale ».

Rappelons qu'il n'est pas encore possible de dresser un tableau précis du « milieu » français au xe siècle tant que ne sont pas synthétisées les milliers d'études en cours exécutées par des équipes interdisciplinaires unissant historiens, archéo- logues, géographes, anthropologues à des spécialistes des sciences de la nature et de la vie, et tant que ne sont pas coor-

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données les dizaines de milliers d'études concernant la pla- nète entière, permettant de mieux cerner des phénomènes « naturels » et généraux dont les manifestations et aussi les conséquences varient suivant les époques et les endroits.

Une chose est de définir comme but ultime de l'histoire le devenir des groupes humains dans la durée et de s'atta- cher surtout à étudier le cadre de cette histoire en fonction d'un milieu repéré, subi ou aménagé par les hommes ; mais il n'est pas exclu d'étudier aussi l'histoire du milieu lui-même, de la nature non ou peu humaine, surtout aux époques ou dans les espaces où le poids de cette nature était particulière- ment sensible.

Prenons l'histoire du climat, sans cesse affinée et reconsi- dérée depuis les travaux pionniers de Bogolepov (Moscou, 1908 à 1911), ceux de l'école anglo-scandinave (1955 sq.) et la thèse fondamentale de P. Pédelaborde sur le climat du Bas- sin parisien (1957). Les rares historiens français alors au cou- rant de ces travaux auraient pu en déduire une influence exagérée du climat sur l'histoire humaine : dois-je avouer que dans ma thèse de l'École des hautes études, en 1959, j'avais cru bon de mettre en relation directe coup de froid et usage accru des fourrures dans la société occidentale, méconnais- sant totalement les conditions sociales, économiques, psycho- logiques particulières de cette société !

Les articles, et surtout le grand livre d'Emmanuel Le Roy Ladurie (1967) sur l'histoire du climat, précisément depuis l'an Mil, ont amené à plus de prudence, d'harmonie et de sagesse et mis en évidence que l'influence sur les hommes pou- vait certes s'exercer par le biais des mauvaises croissances de plantes alimentaires, décalages de saison végétative, pullule- ment de parasites, végétaux ou animaux, etc., mais bien rare- ment de manière directe. En tout état de cause, la communauté scientifique a quasi unanimement rejeté le cli- mat comme cause profonde ou principale des grands événe- ments de l'histoire humaine. La question, sans cesse reprise, vient, à propos du récent livre de P. Alexandre sur le climat au Moyen Age, de focaliser le dernier numéro de la revue Histoire et Mesure, publiée par le département des Sciences de l'homme et de la société du CNRS (1988, n° 3), sur la cli-

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matologie. Par ailleurs, le numéro spécial du Courrier du CNRS (1989), consacré à l'environnement, met enfin à la dis- position des lecteurs l'apport considérable du même CNRS grâce aux sciences de la nature et de la vie, des structures et de la matière.

On sait depuis deux, voire trois décennies, l'importance des rapports entre oxygène lourd e80) et oxygène « nor- mal » e60) et de la variation des proportions entre eux (0180) pour cerner les variations de température et on sait de mieux en mieux la mesurer, de même que celle entre deu- térium (hydrogène lourd : 2H) et hydrogène, oxygène et hydrogène étant les composants de l'eau (H20). Or, les étu- des des carottes tirées des calottes glaciaires des hémisphères Nord (Groenland) et Sud (Antarctique) viennent d'être cou- ronnées par les examens menés en particulier à Grenoble (1988) sur l'extraordinaire carotte obtenue par la station soviétique Vostok, portant sur des centaines de siècles. Les premiers résultats peuvent être comparés avec ceux obtenus à partir de résidus animaux ou végétaux et non seulement ceux d'arbres, restes de charbon, pollens fossiles, etc., mais encore tests de foraminifères, ces espèces de carapaces dont les sels calcaires ou autres comportent au moins de l'oxygène (d'où de précis ôlsO) fixé durant la brève vie de l'animal.

Et pour la première fois et de manière convaincante a pu être esquissée, voire chiffrée, la relation entre augmentation de température et croissance biologique. Cette relation, depuis longtemps supposée, était jusqu'à présent indémontrable, d'autant que les variations d'humidité et la croissance bio- logique qui leur est tout autant associée ne semblaient pas aussi étroitement calquées sur celles de température.

Plusieurs lectures de cette gerbe d'articles nous ramènent au cas précis de l'an Mil (c'est-à-dire du Xe et du XIe siècle), par application de ce principe : « la croissance biologique est fonction des variations de température ». Or, la variation de température est ici bien connue (au plus tard depuis les carot- tes groenlandaises publiées par W. Dansgard au début des années 1970) : entre + 1° et +2°. Tout l'hémisphère Nord a pu en « profiter », en particulier les pays de latitude égale, de la Chine à l'Occident ; mais ceux de l'Occident ont, en

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plus, « profité » des pluies tièdes (et pas forcément accrues) venant de l 'Océan et portées par la fameuse force de Corio- lis. Ce que l 'on ne se privait pas de supposer semble donc maintenant établi (et, craignons-le, chiffrable).

L'Occident a connu (et subi) une forte croissance biologi- que, à dater du viiie siècle, s 'accélérant dans le courant du xe siècle et durant jusqu 'à la fin du XIIe siècle. Nous ne pour- rons donc plus, comme nous l 'avons (presque) tous fait, méconnaître le « doigt de Dieu » dont seul R. Fossier avait souligné l ' importance, la « chiquenaude initiale » tombée d 'un ciel plus favorable, prolongeant le cycle des récoltes un peu meilleures, permettant de nourrir plus de bouches, donc d'utiliser plus de bras, donc d'accroître les superficies en céréales, donc de produire plus..., donc (?) de provoquer l'irrésistible démarrage de l 'Occident.

Il est dur pour des historiens, convaincus de la pluralité des causes et des faisceaux de conditions, de devoir admet- tre au moins une cause non humaine à la base même de la

grande mutat ion occidentale. On peut certes — et à juste titre — s'en tenir aux multiples conditions « historiques » de cette mutation et à son développement au sein d 'une société patiemment analysée et à nulle autre pareille, qui a donc subi et interprété cette chiquenaude de manière tout à fait ori- ginale.

Reste que le retour en force de la cause climatique, et de la « cause » chère aux sciences des structures et de la matière, voire aux médecins « pastoriens », à certains biologistes et aux nombreux non-historiens qui croient faire de l 'histoire en fixant des chronologies et en repérant des enchaînements de « causes » décrétées uniques ou « principales », risque de réduire quelque peu le rôle joué par les hommes dans leur propre histoire. Par ailleurs, le climat — via la croissance biologique — devra, dorénavant, être toujours pris en compte dans les économies d'ancien régime et relativisera quelque peu l 'ensemble des conditions jusqu'alors étudiées et admi- ses. Le problème ne peut maintenant être dépassé que s'il n'est plus nié.

L 'an Mil n ' a pas livré tous ses secrets ni au niveau du monde ni en Occident ni en France. Du moins les constata-

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tions nouvelles faites dans les études qui vont suivre ont-elles été immédiatement insérées par leurs auteurs dans le dense réseau de conditions, d'explications, d'hypothèses ou d'inter- rogations qui est le fondement même de l 'histoire humaine, objet véritable et intérêt principal de ce petit volume.

Que les jeunes historiens, qui vont lire ces très éclairants chapitres, gardent simplement en eux, toujours présentes, les deux interrogations fondamentales de leur futur métier : com- ment ? Et encore plus : pourquoi ?

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I. Études

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Qu'est-ce que la France de l'an Mil ? (Esquisse de bilan des recherches actuelles)

MICHEL PARISSE

R o b e r t i e n s e t C a p é t i e n s

« Hugues Capet, roi de France », « Hugues Capet, le Fon- dateur », « l 'avènement d 'Hugues Capet », « Hugues Capet, naissance d 'une dynastie », quel que soit l 'auteur, tout livre sur le premier Capétien met l 'accent sur la rupture de l'his- toire de France, le passage des Carolingiens aux Capétiens, comme l 'avaient fait, il y a près d 'un siècle, les auteurs d 'ouvrages sur Les Derniers Carolingiens (1891 et 1903) et Les Premiers Capétiens (1901). Au vrai, K.F. Werner nous invite à regretter que l 'on ne parle que du premier Capétien et jamais du quatrième Robertien. Le surnom de « Capet » est venu tard pour désigner le roi Hugues Ier de France ; bien plus, il a été attribué parfois à Hugues le Grand, tandis qu 'à l 'inverse le roi de 987 était dit marquis, comme le fut sou- vent son père. L'histoire a donc consacré l'expression de « capétien » ; ce d 'au tan t plus qu 'Hugues Capet apparaît comme le fondateur d 'une dynastie qui a duré jusqu'à la révo- lution de 1789, laquelle a ressorti le surnom de Capet pour l ' infortunée veuve de Louis XVI, et même au-delà, en oubliant Valois et Bourbons. Avec les Capétiens, ce sont donc huit siècles d'histoire de France qui sont en cause. Un groupe d 'auteurs a même publié des mélanges sous le titre suivant : Le Miracle capétien, ce qui est peut-être un peu forcé ; c'est qu'il s'agissait, en effet, de mettre l 'accent sur la chance qui a accompagné une famille, au sein de laquelle la succession a pu être assurée sans heurt, de mâle en mâle, pendant plu- sieurs siècles, chance dont avait fait état autrefois R. Faw-

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tier dans son livre admirable et non remplacé sur Les Capé- tiens et la France (1942), curieusement absent de nombreu- ses bibliographies.

Miracle capétien, soit, mais robertien surtout dirait K.F. Werner qui a consacré une partie de ses recherches à l'aris- tocratie des IXe et Xe siècles, en focalisant son attention sur les maisons d'Anjou, de Blois et de France. On lui doit une précision importante concernant l'origine d'Hugues Capet : il coulait dans ses veines un peu de sang carolingien apporté par sa grand-mère, la mère d'Hugues le Grand. C'est dire la brillante origine du roi de 987 ! Ses ancêtres masculins loin- tains venaient de Germanie, la chose est assurée, peut-être pas de Saxe, certainement pas de la lignée du roi Widukind comme il fut écrit plus tard, mais sûrement de la région rhé- nane, comme l'a démontré autrefois K. Glôckner, qui connaissait bien les sources de la région de Lorsch et a parlé de Rupertinger à citer avant les Robertiens. Un Rupert- Robert, entré au service de Charles le Chauve et mort vail- lamment au combat de Brissarthe en 866, venait donc d'Aus- trasie *, comme Matfrid d'Orléans originaire de Metz, et avait migré comme le firent aussi les Guis (Widonen) d'Aus- trasie, présents en Bretagne et en Italie, comme beaucoup d'autres membres d'une aristocratie carolingienne qui refu- sait de se tenir à quelque duché voire à un royaume.

Pour K.F. Werner, et on est bien tenté de le suivre, la véri- table césure dans l'histoire de France, la véritable fin des Carolingiens, intervint en 888, quand le danger normand détourna les grands de Francie occidentale de porter sur le trône un Charles, fils posthume de Louis le Bègue, et que fut élu roi le comte de Paris Eudes avec la tâche de résister mieux aux envahisseurs que ne l'avait fait Charles le Gros. Avant même la mort de ce dernier, les aristocrates de Ger- manie (Francie orientale) l'avaient remplacé en élisant un bâtard, neveu de l'empereur en place, mais plus capable de régner que son oncle (Tribur, 887). Eudes, le Robertien, fut un roi actif, mais modeste, qui laissa le Carolingien Charles (III) venir au pouvoir (893, 898). Cependant un pli était pris, et, quand ce roi eut un comportement déplaisant aux yeux des princes, ils lui opposèrent un adversaire, en 922, en se

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choisissant pour chef et en donnant au royaume pour souve- rain, cette même année, le frère d'Eudes, le chef de la maison robertienne, Robert, alors âgé d'au moins soixante ans. Char- les le Simple fut vaincu à Soissons en 923, puis emprisonné ; Raoul de Bourgogne devint roi. Ce gendre du roi Robert, qui n'était donc robertien que par alliance, appartenait à la lignée des Bosonides, dont d'illustres membres avaient régné ou régnaient encore en Bourgogne ; avec lui commençait l'his- toire d'une liaison étroite entre Bourgogne et Francie.

Pourtant les Robertiens n'osaient pas encore sauter le pas ; ils manquaient d'audace. Ainsi en 936, à la mort de Raoul, le chef de famille, Hugues, soutint le rappel du Carolingien Louis, fils du défunt roi déchu Charles le Simple ; l'on ne conce- vait pas encore de rompre définitivement avec les Carolingiens, tant qu'il en existait de vivants. De 936 à 987, cinquante années d'attente et de querelles séparent le renoncement d'Hugues le Grand de l'acceptation de son fils Hugues Capet. Durant ce temps, les faits ont milité de plus en plus en faveur des princes et ont joué contre les rois. Les deux lignées, carolingienne et robertienne, ont suivi un chemin parallèle : Louis IV et Hugues le Grand, morts l'un en 954, l'autre en 956, puis Lothaire, Louis V et Hugues Capet. Plus que cela, ils ont mêlé leurs familles avec celle des Ottoniens, créant ainsi un bloc familial et politi- que unique en son genre : le roi Charles le Simple, le futur duc Hugues et le roi Otton avaient épousé les sœurs du roi anglais Aethelstan ; le roi Louis IV et le duc Hugues épousèrent deux sœurs du roi Otton. Et c'est ainsi que le jeune frère d'Otton, Brunon, archevêque de Cologne et duc de Lotharingie, devint quasiment régent du royaume de France, vers 954-960, quand ses deux sœurs Gerberge et Hadwige, la reine et la duchesse, n'avaient à leurs côtés que des enfants mineurs. Curieux des- tin que celui de ces frères ennemis, avec la superposition d'une lignée qui s'éteint et d'une qui se développe. L'achèvement de ce demi-siècle d'histoire de France, c'est l'élection, le couron- nement, le sacre du duc et marquis Hugues, l'avènement d'Hugues Capet, le retour d'un Robertien sur le trône, alors même qu'un Carolingien, un autre Charles, était encore vivant et prétendait régner.

Mais les temps avaient changé, et les données aussi. En 936,

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Hugues le Grand pouvait hésiter, il commençait sa carrière et il avait de grands adversaires parmi les princes ; le Caro- lingien disponible était jeune et pur. En 987, Hugues le Rober- tien est puissant, âgé et expérimenté. Depuis plusieurs années, son pouvoir a concurrencé celui du roi, et aucune politique n'était concevable en dehors de lui. Au contraire, le Caro- lingien a failli : Charles, duc de Basse-Lotharingie, est un vas- sal du nouvel empereur Otton III, il a eu un comportement critiquable, quand il a accusé d'adultère sa belle-sœur, la reine de France, quand il a voulu devenir roi en 978 du vivant de son frère. Il est sans doute faux qu'il ait épousé une femme de médiocre condition, mais il est troublant qu'on l'ait dit et répété à ce point. En tout cas, un fort clan robertien et ottonien est parvenu sans trop de peine à l'éliminer.

987

L'année 987 est loin d'avoir livré tous ses secrets et les his- toriens ont encore beaucoup à discuter. Pour l'un, il faut « reconsidérer » Adalbéron, l'archevêque de Reims, instiga- teur de l'élection, prélat très « impérial » ; pour un autre, Hugues Capet a fait reconnaître sa puissance matérielle et son autorité morale. Les dates fournies par les sources pour les différents événements sont admises par tous, mais le désac- cord est profond sur ce qu'il faut mettre derrière chacune. Louis V est mort le 21 ou le 22 mai 987, au cours d'une chasse printanière dans la forêt de Senlis, au milieu d'un véritable imbroglio politique auquel participent la reine de France, la duchesse de Lorraine, les impératrices, les archevêque et évê- que de Reims et de Laon, des comtes et de multiples conseil- lers. Dès le 3 juin, Hugues est élu roi, sur place, à Senlis même, puis il est couronné à Noyon. Quand ? L'historien rémois Richer* fournit la date du 1er juin, difficile à accep- ter selon Y. Sassier qui imagine mal qu'Hugues Capet ait pu être élu et sacré moins de dix jours après la mort de son pré- décesseur. Le couronnement aurait donc eu lieu dans cette

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ville le dimanche 3 juillet 987 seulement. On parle aussi d'une cérémonie à Reims, d'où l'idée émise parfois de deux céré- monies séparées, l'une à Noyon, laïque, l'autre à Reims, reli- gieuse et solennelle. Deux dates pour trois faits : élection, couronnement, sacre. Richer de Reims contre d'autres témoi- gnages, l'historien contemporain contre les interprètes moder- nes, les circonstances de 987 contre la logique du xxe siècle, Senlis et Noyon, inhabituels, contre Reims et la tradition. Où a-t-on consacré Hugues ? A-t-on rejeté Reims au profit de Noyon comme on a accepté Orléans un peu plus tard ? Couronnement et sacre ont-ils eu lieu dans une même céré- monie ? A-t-on mis la couronne sur le front du roi fraîche- ment élu avant de convoquer une assistance plus fournie pour la cérémonie solennelle du sacre ? Et à ce moment-là quel I ordo a été suivi pour organiser cette cérémonie ? On est ! encore réduit aux hypothèses et, à défaut de documentation, !on reconstitue le vêtement, on imagine les symboles, les rega- lia, on choisit les formules du sacre, d'après ce qui s'était fait, d'après ce qui se fera, car on admet d'emblée que le Capétien a suivi la ligne de ses prédécesseurs dans son principe, qu'il est resté très « carolingien ». En 1989, il faut le dire honnêtement, on ne sait toujours pas avec certitude quand, comment et où eurent lieu le couronnement et le sacre du premier Capétien.

Le terrain est plus solide pour le couronnement de Robert, à la Noël 987, à Orléans, où officia l'archevêque de Reims Adalbéron. Tout le monde s'accorde pour admettre que l'association au trône de son fils de dix-sept ans fut une opé- ration politique intelligente, car elle fixait la dynastie et assu- rait la paix : c'est tout ce qu'on reconnaît volontiers de positif au règne d'Hugues Capet. Car la guerre pénible et pitoyable qu'il mena contre Charles de Lorraine pour la domination de Laon et de Reims, telle qu'elle est connue par le récit de Richer et les lettres de Gerbert*, a définitivement entaché ces dix années de règne. Le jugement des historiens est sévère à ce sujet, il accompagne des remarques négatives sur la chan- cellerie et le rayonnement d'Hugues dans le pays. Il faut dire que les diplômes d'Hugues et de ses successeurs attendent encore la publication qu'a programmée l'Institut de France il y a un siècle. Des deux actes originaux qui existent encore

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au nom d'Hugues, la présentation extérieure tranche déjà avec les pratiques somptueuses des Carolingiens. Cette « res- triction » de chancellerie, la présence d'un seul notaire, l'absence de diplômes pour des destinataires hors de la zone d'action immédiate du roi, notamment dans le Sud du pays, le refus des Catalans de reconnaître le Capétien et d'en faire mention, tout cela milite en faveur de la thèse du déclin de la royauté. J.-F. Lemarignier a analysé ce déclin et fait appa- raître combien l'entourage du roi a vite changé de nature, les princes familiers du palais étant remplacés au XIe siècle par des seigneurs et des châtelains de la région parisienne.

Le récit de cet affaiblissement de l' aura royale va habituel- lement de pair avec une explication de la Paix de Dieu *, orga- nisée à cette époque comme une réaction nécessaire à l'inefficacité du pouvoir royal, avec une évocation de l'anar- chie féodale symbolisée par la parole, toujours répétée, du comte de Périgord apostrophant le roi : « Qui t'a fait roi ? » Sur ces différents points, la recherche récente invite à plus de nuances. De nouvelles analyses de la Paix de Dieu y voient une action associant les évêques et les princes laïques dans le but d'assurer la sécurité économique des paysans. Le Midi de la France, l'Aquitaine sont les régions les plus concernées, la Bourgogne est touchée, ainsi que, mais peu, le Nord de la France. Cela pose le problème des rapports entre le roi et ses sujets. Un peu de lumière vient de ce qu'on sait du régime féodo-vassalique. Chaque prince gouverne une région de sa propre initiative tout en maintenant un lien ténu, mais constant, de vassalité à l'égard du roi. Ainsi le souverain est-il totalement maître de son patrimoine familial, du domaine royal, des comtés et des évêchés qui lui sont rattachés ; à l'égard des autres régions de France, il se trouve dans une situation supérieure, celle du souverain dont les pouvoirs sont délégués aux princes. L'existence et le pouvoir du roi sont admis sur toute l'étendue du royaume, mais ce pouvoir est à définir.

Ce n'est pas l'avènement d'un Capétien qui a entraîné une chute du pouvoir royal ; cette chute était depuis longtemps amorcée, au moins depuis les années 840. Au contraire, le changement de dynastie a enrayé ce déclin et offert les moyens

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d'une reprise. La puissance territoriale des Robertiens a per- mis d'engager un processus de restauration à long terme du pouvoir royal, qui aboutit au début du XIIIe siècle. Les vues pessimistes de J.-F. Lemarignier doivent être corrigées à la lumière d'une documentation plus vaste. C'est au reste un leitmotiv que celui de constater la carence de la recherche française pour ce qui est du rassemblement et de la publica- tion des sources. On verra beaucoup plus clair quand sera publiée une histoire approfondie des Robertiens, de leur patri- moine, de la politique des ducs des Francs, quand l'aristo- cratie du xe siècle sera mieux connue, Hugues le Grand par exemple, Charles de Lorraine aussi, quand diplômes royaux, chartes épiscopales et actes privés seront critiqués et publiés. L'année 1987 a, espérons-le, marqué le départ d'une course à la publication des sources ; publication nécessaire pour que les historiens cessent de remuer sans fin les mêmes textes, dont les uns se méfient tandis que les autres leur font confiance.

Le R o y a u m e

Les historiens, français ou étrangers, répugnent à parler de royaume de France, et même de France pour le xe siècle, de roi de France aussi. Laissons de côté l'aspect commode que représente l'emploi du mot « France » pour désigner, quelle que soit la période concernée, le territoire où vivent aujourd'hui les Français ; l'usage a consacré cette façon de voir, qui ne satisfait pas l'historien. Celui-ci constate que, depuis Charles le Simple (896-923), le souverain de l'ex- Francie occidentale, au lieu de se dire seulement « roi », s'inti- tule « roi des Francs ». Hugues Capet, après son père, était duc des Francs. Il n'y aurait alors pas encore de « France » ; c'est saint Louis qui le premier s'est fait appeler effective- ment « roi de France » (« rex Franciae »). B. Schneidmüller, un élève du professeur J. Ehlers de Brunswick à qui l'on doit une récente Histoire de France en allemand et une étude sur la période de départ de l'histoire de notre pays, a écrit un

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gros travail sur l'usage de ce vocable sous le titre : Nomen ! patriae. Interrogé, il déclare que le premier roi de France à ses yeux fut Lothaire (954-986), alors que son père Louis IV était encore plutôt un roi de Francie occidentale ; or cet éru- dit sait parfaitement aussi que tout est dans l'idée qu'on se fait du pays, de la « patrie », et non dans les termes j eux-mêmes.

Le royaume d'Hugues Capet est un ensemble composite où il faut distinguer plusieurs morceaux d'importance fort diverse. Considérons d'abord la partie située au nord de la Loire et à l'est. Elle peut être présentée en premier lieu par son pourtour. La Bretagne, royale puis ducale, du Finistère j à Rennes, de Nantes à Saint-Malo, est un monde mal connu, | pauvre en documentation. Trois personnages y dominent, |j l'archevêque de Dol, les comtes de Rennes et de Nantes. Le j comté de Nantes, qui tient l'estuaire de la Loire, est convoité. ! La Normandie de Rollon et de Richard a une structure cohé- | rente et bénéficie d'une solide gestion, elle avance jusqu'aux j abords de Paris (Vexin). Le duc y mène une politique reli- ! gieuse personnelle en relation avec la Bourgogne et l'Italie. La Flandre, au rivage encore mouvant, porte le royaume d'Hugues jusqu'aux bouches de l'Escaut et à la Zélande ; les comtes y sont puissants et aussi indépendants que leurs voi- sins de Normandie. Les comtes de Champagne n'existent pas encore ; on parle du Vermandois, des comtes de Troyes et de Blois, des archevêques de Reims et de Sens, des évêques de Châlons et de Langres. Un large croissant de terres, de la Picardie à la Loire moyenne, de Lagny aux portes de Paris jusqu'à la Meuse, prend le centre du royaume comme dans un étau. Le roi français s'y introduit par le biais des églises, de Reims, de Châlons, de Langres. Les comtes de Blois affrontent leurs voisins d'Anjou.

Au cœur de cet ensemble, se trouve le fameux « domaine » j royal, maigre reste de l'ancien royaume de Neustrie *, un j ensemble qui relève directement du roi seul. La pointe méri- dionale en est Bourges, au-delà d'Orléans ; celles du Nord sont Senlis d'un côté, Noyon et la Picardie de l'autre. C'est un pays riche en blé et en évêchés, densément peuplé, où l'on trouve le plus de palais et de résidences des Carolingiens et

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des Capétiens. Une capitale ne se détache pas encore vrai- ment ; Saint-Denis, nécropole royale, captive plus que Paris, qu'Hugues Capet a confié d'ailleurs au fidèle comte Bou- chard Vers l'est enfin, rive droite de la Saône, s'étend la Bourgogne, dont le prestige est grand ; ce duché n'est qu'une petite partie de la Burgondie mérovingienne, de l'ancien royaume de Bourgogne étendu jusqu'au-delà du Jura. Ce duché est désormais détaché du royaume bourguignon des Conrad et Rodolphe, rive gauche de la Saône ; un lien privi- légié l'unit à la royauté, et c'est là un point à la fois fort et délicat pour le souverain, fort car c'est une richesse, délicat car il faut absolument le maîtriser puis le conserver.

La moitié du royaume est au sud de la Loire et à l'ouest du Rhône. Un nom domine, celui de l'Aquitaine, espace aux formes mouvantes, étiré du Poitou au Béarn, bordé par le Massif central ; l'Aquitaine garde encore, et pour longtemps, des traits originaux qui rendront difficile son intégration com- plète au royaume ; la langue, les coutumes, le climat aussi la démarquent nettement du Nord ; les rois le savent, les Aquitains y tiennent. C'est un pays qu'il a fallu conquérir plusieurs fois, sous Clovis, sous Pépin et Charlemagne ; il a fallu s'y maintenir ; le duc Guillaume se sait bien loin de Paris. L'Auvergne montagneuse est moins à l'écart, bien que ses traits soient aussi profondément romanisés2. La bordure de la Méditerranée n'est pas encore le Languedoc ; il faut plutôt parler de Septimanie * et de Gothie. Ce pays fait le pont entre Italie, Provence et Espagne, communie avec ces régions dans un même esprit économique et institutionnel. Il convient enfin d'ajouter la Catalogne ; il faut même se hâter de le faire avant qu'elle disparaisse du royaume. Cette marche d'Espagne a été arrachée aux musulmans par les Carolingiens pour qui les Catalans, du Roussillon à Mont- serrat, ont une profonde vénération, aveugle même, si bien qu'ils refusent de reconnaître Hugues Capet, et s'attachent à Charles de Lorraine, avant de cesser toute référence au roi français. Cette province se détache ainsi du royaume situé au nord des Pyrénées, et elle en restera détachée, formant une principauté autonome. Quant au Sud dans son ensem- ble, il se sent pour au moins deux générations orphelin d'un

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roi : le Capétien ne lui rend pas visite et les abbayes méri- dionales ne font plus appel à lui pour confirmer leurs biens. Il n'y a pas coupure, il y a éloignement.

Rhône, Saône, Meuse, Escaut, ce sont les quatre rivières qui, dans l'histoire de France, définissent la frontière de l'Empire depuis 843. Mais l'historien ici va plus vite que les faits, et au xe siècle l'on n'a pas encore oublié l'espace lotha- ringien. Qu'on le comprenne bien. La Francie, en latin Fran- cia, s'oppose à la Germania, mais elle dépasse la frontière entre les langues romane et germanique, et avance jusqu'au Rhin, Aix et Cologne. Au-delà même, la Franconie est une ancienne Francie. Au Xe siècle, le duché de Lotharingie est encore pour beaucoup d'auteurs partie de la Francie, partie de la Gallia, dont le roi est à Paris. Nul alors ne considère que le sort de ce pays soit joué. Annexé par les Carolingiens de Germanie à la fin du IXe siècle, il a été repris par le roi de France, Charles le Simple, de 911 à 923, il est ensuite reven- diqué par Louis IV, par Lothaire. C'est Hugues Capet qui, à nos yeux, marque pour longtemps le renoncement français vis-à-vis de ce territoire ; à nos yeux seulement, car, jusqu'au milieu du XIe siècle, il n'est pas dit que la Lotharingie est défi- nitivement allemande, et les souverains ottoniens et saliens sont attentifs à cela. Ils ont joué au Xe siècle de la querelle entre Carolingiens et Robertiens pour tirer leur épingle du jeu. Ils ont triomphé quand l'archevêque de Cologne Bru- non, duc en Lotharingie, est devenu tuteur du roi de France, son neveu. La Lotharingie est, tout au long du Xe siècle, au cœur des relations politiques entre le royaume de Francie occi- dentale, disons tout de même la France, et l'Empire germa- nique, déjà allemand.

C'est dans ce pays que les rois ont pris l'habitude de se retrouver régulièrement pour traiter de leurs relations. Une récapitulation bien venue de ces rencontres de souverains (Herrschertreffen) vient d'être publiée récemment et comble heureusement une lacune historiographique. I. Voss a dressé la liste de quelque cent vingt rencontres, ayant eu lieu réel- lement ou seulement prévues. Dans cette liste, il faut distin- guer plusieurs périodes, qui correspondent à des phases de l'histoire de la Francie. D'abord Charles le Chauve et Louis

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le Germanique, parfois aussi Lothaire Ier, se sont rencontrés très souvent, une fois par an en moyenne, dans un esprit fra- ternel, tel que le souhaitait leur père Louis le Pieux. Le rythme s'est à peine ralenti au temps de Lothaire II (855-869). Ces fréquentations de proches parents ne privilégièrent pas d'abord spécialement une région centrale, mais les pays de la Meuse et de la Moselle furent de plus en plus choisis pour les rencontres. La question prend un tour plus aigu quand la Lotharingie devient une terre disputée, c'est-à-dire à par- tir de 921 (Henri Ier et Charles le Simple se retrouvent à Bonn du 4 au 7 novembre). Tout au long du Xe siècle ensuite, il est clair que les Ottoniens donnent le ton et ont une position dominatrice ; les rencontres tendent à se faire sur la fron- tière commune, un certain nombre ont encore lieu en terre germanique (Aix, Cologne). Enfin, on se fixe de plus en plus à la Meuse, sur la route Trèves-Reims, donc à Margut, Ste- nay, Mouzon. Les trois rencontres d'Ivois, en 1043, 1048, 1056, marquent la fin du processus et confirment le rôle fon- dateur de la Meuse.

Tous les aspects de ces rencontres, auxquelles les Rober- tiens puis les Capétiens ont eu leur part, manifestent l'étroi- tesse des liens familiaux, amicaux, féodaux qui réunissent l'aristocratie et les dynasties de deux pays. Il est particuliè- rement intéressant de signaler que le duc de Haute- Lotharingie, Thierry (978-1032), est à la fois cousin germain du roi de France et de l'empereur. Le rôle médiateur de ce pays central n'est pas seulement d'ordre géographique, mais aussi d'ordre religieux, artistique, économique, institution- nel. Il existe de tout temps un courant commercial entre l'Ita- lie et la mer du Nord, qui utilise l'axe lotharingien, depuis les cols alpestres jusqu'aux ports flamands et anglais en pas- sant par les vallées du Rhône, de la Saône, de la Moselle et de la Meuse. Ce courant est stimulateur et ce n'est pas un hasard si les grands centres de réforme monastique se trou- vent sur cet axe : Brogne, Gorze, Verdun, Dijon, Cluny, Frut- tuaria, Vallombreuse. Le limes romain s'était établi au Rhin ; la Lotharingie avait été fortement romanisée ; plus tard elle fut à demi-germanisée ; ainsi se trouvait-elle appartenir aux deux cultures, et d'ouest en est, on passait d'un pays roman

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à un pays demi-roman et demi-germanique, puis à la Ger- manie. Toutes les nouveautés françaises passèrent par le moule lotharingien pour pénétrer en pays germanique. Ce rôle médiateur a été plus nettement visible au xe siècle quand les rois des deux pays se tournèrent simultanément vers lui pour s'en emparer ou s'y imposer. Après 987 et le renoncement capétien, pour deux siècles la Lotharingie fut totalement ger- manisée avant que l'influence française reprenne sa marche en avant vers l'est. Dans l'histoire de la France capétienne, la Lorraine a une place secondaire ; elle ne l'avait pas dans la période antérieure à 987.

L a socié té « f r a n ç a i s e »

Dans les vingt dernières années, les recherches sur le Moyen Age central (soit les XIe, XIIe et XIIIe siècles) ont été nombreu- ses, et pourtant un sentiment de manque l'emporte encore, surtout quand on veut remonter au Xe siècle. Au premier plan, on mettra naturellement les travaux sur la société dus à G. Duby et à R. Fossier. Le premier a fait un gros effort en donnant sa magistrale synthèse sur L'Économie rurale et la Vie des campagnes avant d'élargir le thème sur une période plus étroite avec Guerriers et Paysans ; le second, après une Histoire sociale de l'Occident médiéval, a concentré son atten- tion sur le paysan médiéval. G. Duby n'a jamais cessé d'inter- roger les textes du xe au XIIe siècle sur ce qu'étaient la noblesse, la chevalerie, le comportement et les mentalités de l'aristocratie. Toutefois, sans négliger le xe siècle, il se laisse entraîner surtout vers le XIIe siècle. On le voit bien encore à la lumière d'une Histoire de France très récente : le tableau initial qu'il dresse rappelle fort un scénario sur l'an Mil pour la télévision et il nous promène dans la campagne, les châ- teaux et les monastères du XIe siècle. Son histoire de France commence avec Hugues Capet en 987 ; ce qui laisse imagi- ner un nouveau découpage de l'histoire, avec un bloc romano- franc qui irait, en un millénaire, de Vercingétorix à Hugues

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Capet, avec un tiers romain, un tiers mérovingien, et un tiers carolingien. Certes, tant de choses ont bougé entre 950 et 1050 qu 'on peut imaginer avoir à faire avec de vrais débuts : G. Duby et R. Fossier ne manifestent-ils pas un intérêt médio- cre pour les Carolingiens ? Ce faisant, ne risque-t-on pas de tomber dans le piège qui consiste à procéder par régression, en se contentant de chercher à la frontière des deux millénai-

res les racines de ce qui est mieux connu au XIIe siècle, temps majeur pour l 'étude de l 'économie, de la société, des institu- tions ? Or, le Xe siècle doit être étudié pour lui-même. L'action d'Hugues Capet est conditionnée par celle de ses pré- décesseurs, la noblesse capétienne est fille de l 'aristocratie carolingienne, et tout à l 'avenant. On attend donc une étude de la France en l 'an Mil, qui soit la conclusion d 'une recher- che sur ce qui précède et qui s 'appuie sur de nombreuses et solides monographies régionales 3.

Il existe peu d'enquêtes majeures couvrant la totalité du pays. Celle qui touche au travail de la terre et au destin du paysan est sans doute la plus avancée grâce aux travaux de P. Bonnas- sie4. La situation du monde rural — mais ces paysans consti- tuent de 90 à 95 % du peuple de France — s'améliore sensiblement. On parle ainsi avec force des famines que décrit Raoul Glaber*, avec des images brutales et un rappel facile- ment jugé odieux de pratiques anthropophagiques ; mais un simple calcul fait apparaître que le nombre de famines par rap- port au temps de Charlemagne a été divisé par trois. Le paysan vit mieux, est mieux équipé, moins opprimé ; il rejoint ses sem- blables, des communautés paysannes se constituent, certaines se rebellent ou au moins se manifestent. De nombreux indices

trahissent un peu partout un « frémissement » économique dont la Catalogne a donné des preuves avancées. Le paysan cultive mieux, il est un agent du progrès commercial ; les ruraux commencent à se diriger vers la ville. Surtout il n'est plus du tout question d'esclavage, de servitude. La discussion n'est pas près de s'achever, sur la question de savoir si l 'on doit encore parler d'esclaves, aux temps carolingiens, pour traduire servi. Beaucoup d'historiens sont tentés de penser que l 'on a déjà à faire avec des « serfs » bien avant l 'an Mil, des serfs qui accè- dent à la liberté au temps d'Hugues Capet.

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La condition juridique et le niveau social sont bien diffici- les à déterminer pour la France entière, et ce qui se rencontre en Picardie diffère du cas champenois ou auvergnat. Pour- tant l 'orientation générale demeure : libération à l 'égard du maître dans le rapport antique servus-dominus, développe- ment de la liberté de l 'être humain, mais aussitôt ou simul- tanément appesantissement du pouvoir du seigneur, toujours dominus, seigneur du château, autorité agissant sur un ter- ritoire et exigeant des prestations, des redevances, des servi- ces. Ce n'est plus la même chose en théorie, mais dans la pratique cela ne change pas toujours beaucoup. A tout le moins voit-on désormais des paysans faire fortune, devenir maîtres, entrer dans le clergé, témoigner en justice, défendre leurs droits (c'est donc qu'ils en ont !). En France, la « libé- ration » du paysan n'est pas un vain mot ; à qui en doute- rait, il suffirait d'aller examiner ce qu'il en est du rural dans la campagne au-delà du Rhin. Pour des raisons difficiles à élucider, la liberté a là-bas un autre goût, une autre force. En Germanie, il y a des « libres du roi » qui sont des hom- mes privilégiés, soumis à l 'autorité directe du souverain, et ce sont pourtant des paysans. Une telle expression désigne une exception, qui ne doit pas faire oublier que les libres représentent une élite peu nombreuse de la société germani- que. La société, pour l'essentiel, est là encore « dans les fers », comme aurait dit Jean-Jacques Rousseau, et, de la Lorraine à la Bavière, les mancipia, les hommes-objets dominent en nombre. Peu à peu, de la masse servile, vont se détacher les serviteurs, les sergents, en latin servientes, artisans, gens de maison, gardes du corps, paysans enrichis, marchands, dont on dira qu'ils ont un statut favorable, le meilleur statut parmi ceux qui dépendent du maître, et malgré cela, durant des siè- cles, ils ne seront pas tenus pour libres et n ' auront pas les marques de la liberté véritable, juridique, profonde. Sur ce point la différence avec ce qui se passe dans le royaume est fondamentale.

Un second groupe, loin du premier par le nombre, est celui des combattants. C'est toujours à Adalbéron de Laon* que l 'on se réfère dès qu'il est question de la tripartition de la société avec la mention des bellatores. Le sujet n'était alors

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Saint-Étienne de Sens : 187. Saint-Étienne de Vignory : 337. Saint-Étienne de Würtzbourg : 363. Saint-Frambourg de Senlis : 172. Saint-Gall : 195, 227, 232, 289, 344. Saint-Généroux : 337. Saint-Genou : 184. Saint-Genis-des-Fontaines : 204, 399. Saint-Géraud d'Aurillac : 340-341, 383. Saint-Germain d'Auxerre : 190sq.,

193, 207 (n.9), 209(n.29), 254, 340, 344, 346, 422.

Saint-Germain-des-Prés : 171, 180sq., 236, 253, 355-357, 386, 399.

Saint-Germain l'Auxerrois : 171. Saint-Germer de Fly : 300, 302. Saint-Gervais de Rouen : 337. Saint-Guilhem-le-Désert : 358-359, 386. Saint-Hadelin de Celles (Belgique) :

193, 209(n.31). Saint-Irénée de Lyon : 382, 389. Saint-Jacques-de-Compostelle : 197,

203, 210(n.46). Saint-Jean de Maurienne : 337. Saint-Jean-la-Poterie : 347. Saint-Jean-Baptiste d'Argenteuil : 181,

354-356, 375, 386. Saint-Laurent de Grenoble : 380-381,

389, 399. Saint-Léger : 171. Saint-Léger de Werden : 371. Saint-Lô : 286. Saint-Magloire : 172. Saint-Malo : 36. Saint-Marcouf : 285. Saint-Martial de Limoges : 227. Saint-Martin de Divisan : 149. Saint-Martin de Tours : 54, 174, 179,

190sq., 209(n.22), 210(n.39), 235, 287, 398.

Saint-Martin-du-Canigou : 11, 398. Saint-Maur : 236. Saint-Maurice d'Agaune : 210(n.43),

340. Saint-Médard de Soissons : 190, 297,

302. Saint-Michel d'Aiguilhe : 341-343, 384,

396. Saint-Michel-de-Cuxa : 11, 65, 95,

179, 186sq., 341, 359-361, 386, 396, 421.

Saint-Michel de Heiligenberg : 360, 363.

Saint-Michel d'Hildesheim : 204. Saint-Michel de Fulda : 360.

Saint-Michel-de-la-Cluse : 60. Saint-Michel-du-Paradis : 196. Saint-Michel et Sainte-Félicité de Sour-

nia : 361-362, 386. Saint-Nazaire de Béziers : 144. Saint-Pantaléon de Cologne : 365, 371. Saint-Père de Chartres : 180. Saint-Philibert de Grandlieu : 340. Saint-Philibert de Tournus : 337, 398. Saint-Pierre a Pullo : 149 Saint-Pierre-aux-Nonnains de Metz :

173, 180, 364-365, 387. Saint-Pierre de Flavigny : 193, 340,

344, 346. Saint -Pierre de Jumièges : 180,

369-371, 388. Saint-Pierre de Montier-en-Der :

351-353, 371, 385. Saint-Pierre de Rodes : 399. Saint-Pierre-le-Vif de Sens : 194, 340. Saint-Quentin-en- Vermandois: : 174,

287. Saint-Remi de Reims : 286, 288, 292,

398, 422. Saint-Riquier : 185, 192, 227,

308 (n. 13), 338, 371. Saint-Sauveur d'Aniane : 148. Saint-Sauveur de Gellone : 148. Saint-Savin-sur-Gartempe : 346. Saint-Symphorien de Beauvais : 302. Saint-Vaast d'Arras : 208(n. 14). Saint-Victor de Marseille : 178, 376,

378-379, 389, 396. Saint-Vincent de Paris : 356. Saint-Vincent de Soignies : 194. Saint-Vincent d'Orléans : 171. Saint-Vorles de Châtillon-sur-Seine :

179, 337. Saint-Yrieix : 62. Sainte-Croix d'Orléans : 206, 347-349,

384. Sainte-Foy de Conques : 346. Sainte-Marie de Chartres : 109. Sainte-Marie de Clermont-Ferrand :

348. Saintes : 64. Sales : 337. Salluste : 120, 267, 277. Salomon : 288 sq., 290 sq., 301, 306,

417, 424. —, roi de Bretagne : 286, 291. - , (arche de) : 206. Samson de Reims : 353. San Marti (îlot de) : 20. San Nicolo di Lido : 354.

Page 45: La France de l'an Milexcerpts.numilog.com/books/9782020115247.pdfRobert Fossier, professeur à l'université de Paris I-Sorbonne. Dominique logna-Prat, chargé de recherche au Centre

San Satiro de Milan : 342. Sant Benet de Bages : 151. Sant Cugat del Valleis : 80, 397. Sant Feliu de Castellciutat : 197. Pseudo-Saturne : 290, 417, 424. Sauvian : 149. Savignien (saint) : 194. Savigny (C.F. de) : 53. Séguret : 342. Senez : 334(n.7). Seniofred de Cerdagne : 92, 359. Senlis : 33, 77, 98, 17154. Sens : 36, 187, 194, 203, 340. —, (Formules de) : 219, 415. Sénuc : 288. Serge IV, pape : 361. Sérignan : 149sq. Servius : 257. Shakespeare : 308 (n. 15). Sidoine Apollinaire : 51, 60 sq., 63, 65. Siffroi : 119. Sifroi (Siffroi) du Mans : 108. Sigebert de Gembloux : 362. Soest : 374. Soissons : 190, 283, 292, 297, 300,

302. Sophie, abbesse de Gandersheim : 48. Sournia (Saint-Michel et Sainte-

Félicité) : 361-362, 386. Spire : 349. Stenay : 39. Strasbourg (Serments de) : 214, 218sq.,

422. Sue (E.) : 314. Suétone : 267. Suger : 106. Sunyer, comte de Barcelone : 93. Suzanne (sainte) : 188. Swithun de Winchester (saint) : 301. Syagria (sarcophage d', à La Celle) :

377. Sylvestre II (voir Gerbert).

Tacite : 267. Tarragone : 83. Le Tart : 330. Ternand : 337, 343. Terrassa : 93. Tertulle : 119. Théodebert II : 364. Théodose : 57. Théodulphe d'Orléans : 252. Thibaud de Montlhéry : 105. Thibaud de Soissons : 298. Thibaud le Tricheur : 373.

Thierry, duc de Haute-Lotharingie : 39.

Thierry Ier de Metz (saint) : 362. Thierry II, roi : 364. Thierry d'Amorbach (ou de Fleury) :

238, 262(n. 17), 423. Thomas de Marie : 286. Tite-Live : 267, 274. Tolède : 83 sq. Tornow : 362. Toul : 325sq., 333(n.4). Toulouse : 64, 89. Tournai : 210(n.39), 211 (n.56). Tournus : 337, 398. Tours : 54, 102, 172, 174, 179, 190sq.,

193, 209(n.22), 210(n.39), 227, 253, 287, 398.

—, (concile de) : 221, 226, 420. Trêves : 39, 195, 199, 326, 365. Tribur : 30. Trinité de Fécamp : 367. Trinité de Vendôme : 102 sq., 1085*7. Trogue P o m p é e : 266 sq. , 269,

281 (n.3». Troyes : 36, 80. Tulle : 62.

Urgell : 83, 85, 87, 89sq., 196. Ursin (saint) : 118. Ursmer (saint) : 188. Uta (codex d') : 199.

Vabres : 201. Val-les-Dunes (bataille de) : 371. Valens, empereur : 270. Valère Maxime : 274. Valérien (saint) : 192. Vallombreuse : 39. Vannes : 346. Vaucouleurs : 326. Venance Fortunat : 362. Vendôme : 10, 104sq., 1075*7. Vendres (étang de) : 145. Véran : 301. Vercingétorix : 40. Verdun : 12, 325 sq. —, (Traité de) : 245, 324. Vérone : 422. Vie : 89sq., 92, 151, 396, 421. Vienne : 51. Vieux-Boucau : 21. Vignory : 337. —, (sires de) : 119. Villeneuve : 149. Vincent (saint) : 356.