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La France et le monde maritime face aux pollutions par hydrocarbures Marine Esvelin 2012-2013 Faculté de droit et des sciences politiques Master 2 Droit et sécurité des activités maritimes et océaniques Sous la direction des professeurs Martin Ndendé et Raphaël Romi F. ELSNER/ 20 minutes

La France et le monde maritime face aux pollutions …...La France et le monde maritime face aux pollutions par hydrocarbures Marine Esvelin 2012-2013 Faculté de droit et des sciences

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La France et le monde maritime face aux pollutions par hydrocarbures

Marine Esvelin

2012-2013

Faculté de droit et des sciences politiques

Master 2 Droit et sécurité des activités maritimes et océaniques

Sous la direction des professeurs Martin Ndendé et Raphaël Romi

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« À un problème, il y a toujours un tas de solutions. S’il n’y a pas de solution, c’est

qu’il n’y a pas de problème ».

Hannah, Paul-Loup Sulitzer

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier messieurs les Professeurs Martin Ndendé et Raphaël

Romi qui ont accepté d’être mes directeurs. Ils ont toujours été disponibles et m’ont apporté leur

soutien. Merci aux enseignants chercheurs, professeurs, doctorants et professionnels de la

Faculté de droit et de l’Ecole Nationale Supérieure Maritime de Nantes pour la richesse de leurs

enseignements.

Un grand merci également aux professionnels et aux associations que j’ai rencontrés, en

particulier Romain Ecorchard de l’association Bretagne Vivante, Vincent Denamur directeur du

CROSS d’Etel, et le service consignation de Sea Invest Nantes qui m’ont fourni de précieux

renseignements.

Merci à tous les marins ayant fait escale à Nantes pendant la préparation de ce mémoire ;

ils m’ont ouvert les portes de leur navire avec gentillesse.

Enfin, merci infiniment à Pierre-André Hervé et Fabienne Morice pour leurs relectures

attentives, et à Gautier Leduc et toute ma famille pour leurs encouragements.

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Liste des abréviations

AICS Association internationale des sociétés de classification

APNE Association de protection de la nature et de l’environnement

BIT Bureau international du travail

CA Conseil d’administration

CEDRE Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les

pollutions accidentelles des eaux

CEL Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres

CESE Conseil économique et social européen

CMB Convention de Montego Bay

CLC Civil liability convention on oil pollution

CPMM Comité de la protection du milieu marin

CROSS Centre régional d’opération de sécurité et de sauvetage

CSM Comité de la sécurité maritime

CTM Convention du travail maritime

DST Dispositif de séparation du trafic

ECDIS Electronic chart display and information system

EMSA Agence européenne de la sécurité maritime

FNE France nature environnement

GLONASS Global navigation satellite system

GPS Global positioning system

IAPH International association of ports and harbors

IFREMER Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer

IOPP International oil pollution prevention

ISM International safety management code

ISNPRPM Inspecteur de la sécurité des navires et de la prévention des risques

professionnels maritimes

ISO Organisation internationale de normalisation

LPO Ligue de protection des oiseaux

MLC Maritime labour convention

MOU Memorandum of understanding

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MRCC Maritime rescue coordination centre

(centre de recherche et de sauvetage en mer)

OIT Organisation internationale du travail

OMI Organisation maritime internationale

ONG Organisation non gouvernementale

OPA, 1990 Oil pollution act, 1990

OPCR Convention de 1990 sur la préparation, la lutte et la coopération en

matière de pollution par hydrocarbures

ORSEC Organisation de la réponse de sécurité civile

PNUE Programme des Nations unies pour l'environnement

POLMAR (plan) Pollution maritime

PSCO Port state control officer

SAR Search and rescue

SOLAS Safety of life at sea (convention)

SOPEP Shipboard oil pollution emergency plans

STM Service de trafic maritime

TFUE Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne

TGB Tonnes de jauge brute

TGI Tribunal de grande instance

TPL Tonnes de port en lourd

UAIS Système d’identification automatique universel

UE Union Européenne

UNEP United Nations environment programme

UMS Universal measurement system (unité de tonnage)

ZEE Zone économique exclusive

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Sommaire

REMERCIEMENTS......................................................................................................................... 1

LISTE DES ABREVIATIONS............................................................................................................ 2

SOMMAIRE .................................................................................................................................. 4

INTRODUCTION............................................................................................................................ 5

PARTIE I. Le transport maritime des hydrocarbures : une activité dangereuse ....... 10

Chapitre 1. La prévention des accidents, préalable nécessaire à la prévention de la pollution........................................................................................... 10

Section 1. Encadrement normatif du risque « défaillance technique »........... 11 Section 2. La prévention des comportements à risque ou l’irréductible

facteur humain ................................................................................ 20

Chapitre 2. Les systèmes de lutte contre la pollution par hydrocarbures ................... 33

Section 1. Une coopération nécessaire de tous les acteurs du monde maritime.......................................................................................... 33

Section 2. Contribution de la sécurité civile à la protection du milieu marin en cas de pollution par hydrocarbures ................................ 43

PARTIE II. Une activité à haut risque dont il faut assumer le caractère dangereux ... 55

Chapitre 1. Responsabilité des acteurs du monde maritime en cas de dommage de pollution.............................................................................. 55

Section 1. Une obligation de réparation mise en place par l’OMI................. 56 Section 2. Le droit pénal français, alternative au système international........ 63

Chapitre 2. L’indemnisation des personnes morales en France en cas de dommage de pollution.............................................................................. 69

Section 1. L’action des associations de protection de la nature et de l’environnement ......................................................................... 69

Section 2. L’indemnisation des collectivités territoriales en cas de dommage de pollution..................................................................... 79

CONCLUSION............................................................................................................................. 86

ANNEXES .................................................................................................................................. 87

BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................... 123

TABLE DES MATIERES.............................................................................................................. 127

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Introduction

« Une fois de plus la pollution par le pétrole est en première page. Une fois de plus des

côtes de Bretagne sont souillées par les langues noires violacées du mazout. Des hommes ont

péris englués. Images de cauchemar. Après le Torrey-Canyon, l’Olympic-Bravery, l’Urquiola

en Espagne… le Bohlen. Et l’homme, après toutes ces catastrophes et les enseignements tirés,

malgré le déclanchement rapide du plan POLMAR, les bonnes volontés et les efforts, l’homme

est désarmé »1.

Le journal Le Marin de 1976, par cet extrait, nous plonge à sa façon au cœur de ce sujet

maintes fois mis sous presse. En matière de littérature, les journalistes ont usé de la plume, les

juristes de leur esprit de synthèse. Le sujet a été balayé, dépoussiéré et rangé à de nombreuses

reprises. Aussi pouvons-nous nous demander de quelle façon il est encore possible de discuter

de ce sujet ? Est-ce une histoire de conjugaison où nous ne savons pas s’il faut parler au passé,

au présent ou au futur ? Martine Rémond-Gouilloud nous dit très justement ceci : « Parce que le

pétrole se voit et parce que des oiseaux s’y engluent, les marées noires constituent un

phénomène remarquablement médiatique. C’est pourquoi l’irruption de l’environnement dans

les préoccupations contemporaines peut très largement être attribuée au naufrage du Torrey

Canyon, en mars 1967. Jusque là, la pollution des mers n’avait jamais suscité grand intérêt2 ».

Deux catégories de pollution peuvent affecter les eaux de la mer. La première, qui

représente 80%, a pour origine la terre : c’est la pollution tellurique. Minoritaire, la pollution

pélagique est quant à elle beaucoup plus visible et donc davantage médiatisée. Il s’agit de la

pollution venant de la mer, et en grande partie du transport maritime : déchets alimentaires des

navires, eaux usées, huiles, mais aussi hydrocarbures. Ces derniers sont définis par la

Convention de 1990 sur la préparation, la lutte et la coopération en matière de pollution par

hydrocarbures comme « le pétrole sous toutes ses formes, y compris le pétrole brut, le fuel-oil,

les boues, les résidus d’hydrocarbures et les produits raffinés »3. Rejetés en mer, ils sont

considérés comme des déchets. La Cour de Justice de l’Union Européenne, dans un arrêt du 7

septembre 2004, considère en effet que « le détenteur d’hydrocarbures qui se déversent

1 LE SOLLEU B., « Encore une marée noire ! et toujours le désarroi », Le marin, 22 octobre 1976. 2 REMOND-GOUILLOUD M., Du droit de détruire, essai sur le droit de l’environnement, Première édition, Paris, PUF, 1989, 304 pages, p. 101. 3 Article 2.1 de la Convention de 1990.

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accidentellement et qui polluent les terres et les eaux souterraines ‘’se défait’’ de ces

substances, lesquelles doivent, par voie de conséquence, être qualifiées de déchets au sens de la

directive 75/442 ».

La pollution qui va nous intéresser dans ce mémoire est la pollution accidentelle par

hydrocarbures causée par un navire. Le navire est défini par M. du Pontavice comme « un engin

flottant de nature mobilière affecté à une navigation qui l'expose habituellement aux risques de

la mer »4. En effet, par deux arrêts5, la Cour de cassation a considéré qu'un navire est un

bâtiment affecté à la navigation maritime et apte à affronter les périples de la mer. Selon l'article

L5000-2 du Code des transports, « sauf dispositions contraires sont dénommés navires pour

l'application du présent code, 1° tout engin flottant construit et équipé pour la navigation

maritime de commerce de pêche ou de plaisance et affecté à celle-ci, 2° les engins flottants

construits et équipés pour la navigation maritime affectés à un service public à caractère

administratif ou industriel et commercial […] ». Le navire est entendu dans un sens plus large

par de nombreux textes internationaux6. Nous nous arrêterons à la définition qu’en donne M. du

Pontavice.

La pollution opérationnelle, qui est une pollution générée volontairement, est à

différencier de la pollution accidentelle. Nous sommes ici en présence d’un navire transportant

du pétrole7 et se trouvant face à un accident de mer. Un tel accident est défini par la Convention

internationale sur l’intervention en haute mer de 1969 comme « un abordage, échouement ou

autre incident de navigation ou autre évènement survenu à bord ou à l’extérieur du navire qui

aurait pour conséquence soit des dommages matériels, soit une menace immédiate de

dommages matériels, dont pourrait être victime un navire ou sa cargaison »8. Il est ici essentiel

de comprendre la différence entre la pollution accidentelle et la pollution opérationnelle. Si

certaines règles leur sont communes, elles affirment chacune une identité juridique propre.

4 DU PONTAVICE E., Droit maritime, 11ème éd., Paris, Précis Dalloz, 1991, p. 32. 5 Cour de cassation 4 janvier 1898 et Cour de cassation 13 janvier 1919. 6 L'article 2 de la Convention de Hong Kong sur les navires en fin de vie dispose par exemple que « "navire" désigne un bâtiment, de quelque type que ce soit, exploité ou ayant été exploité en milieu marin et englobe les engins submersibles, les engins flottants, les plates-formes flottantes, les plates-formes auto-élévatrices, les unités flottantes de stockage (FSU) et les unités flottantes de production, de stockage et de déchargement (FPSO), y compris un navire qui a été désarmé ou est remorqué ». 7 En vertu de la directive n°2001/58/CE de la Commission du 27 juillet 2001, « le responsable de la mise sur le marché d’une substance ou d’une préparation chimique, qu’il soit le fabricant, l’importateur ou le distributeur, doit fournir au destinataire qui en est un utilisateur professionnel une fiche de données de sécurité comportant [certaines] informations […] si la substance ou préparation est classée dangereuse […] ». Cette fiche, lorsqu’elle est présente à bord des navires, peut aider l’équipage en cas de dispersion accidentelle de la matière. Confere Annexe 1 : Safety Data Sheet. 8 Article 2.1 de la Convention internationale sur l’intervention en haute mer en cas d’accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures, conclue à Bruxelles le 29 novembre 1969.

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7

L’actualité de la construction navale nous pousse également à confirmer que les pétroliers ne

sont plus les seuls à risquer de causer une pollution par hydrocarbures de grande ampleur. Les

nouveaux porte-conteneurs tels que le CMA CGM Marco Polo ont, caché dans leur structure

chromée, un volume de soute comparable à celui d’un petit pétrolier.

Nous nous sommes donc armés pour pouvoir lutter contre la pollution de la mer et de la

côte par les hydrocarbures. Ce qui a été mis en place apparaît comme une force de dissuasion :

ayant les armes en mains, plus aucun danger grave ne pourrait plus être imaginé. Reprenons le

thème d’un colloque qui s’est tenu à Nantes en juin 2013 : « Erika, Prestige : et demain ? »9.

Nous sommes sur la même pente dangereuse que celle des armes de dissuasion militaires. Nous

pensons que puisque tout a été mis en place, une pollution accidentelle ne pourra plus être

catastrophique. A chaque nouvelle pollution, des améliorations sont apportées, et nous pensons

que cette fois-ci nous sommes protégés. Optimisme français ? Insouciance ? Nous ne pourrons

sans doute jamais être épargnés par ce type de pollution ; nous ne pouvons qu’analyser ce qui

continue d’arriver, partager les connaissances résultant de cette analyse et surtout ne plus

reproduire les erreurs déjà commises. Pour cela, une coopération entière de tous les acteurs du

monde maritime est indispensable. Briser les frontières entre métiers, les limites que l’on se fixe

à soi-même et qui nous pousse à travailler seul. Des acteurs aussi divers que les administrateurs,

les consignataires, les gens de mer, les inspecteurs, les préfets, doivent communiquer entre eux

directement, nouer des liens et ainsi partager leur expérience autour de la pollution et des risques

qui existent sur les navires.

Il ne s’agira pas dans ce mémoire de jeter la pierre aux pavillons de complaisance, aux

armateurs indélicats ou aux courtiers assoiffés. Nous allons voir que les acteurs impliqués dans

l’accident et la pollution qui en résulte sont bien trop nombreux pour que l’on puisse désigner

une responsabilité suffisamment fiable.

M. Pierre Valois, en nous montrant son amour des pétroliers, nous fait remarquer la

dichotomie qui existe entre l’impact médiatique des marées noires et le peu d’intérêt que nous

avons pour les pétroliers en tant que tels. Peu avant l’Erika, il écrit : « Ces navires constituent la

plus grosse flotte au monde, et pourtant, on ignore qu’ils sont là. […] Sans eux, on se gèlerait

dans l’obscurité, et pourtant il ne se trouve personne pour en dire quelque bien, personne pour

faire montre de la moindre gratitude envers ces navires pétroliers qui ravitaillent notre

9 « Erika, Prestige et demain ? Prévention et traitement des pollutions marines », Journées scientifiques de l’Université de Nantes, 7 juin 2013, La Cité – Le centre des congrès de Nantes.

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civilisation de fin du XXe siècle […]. C’est quand les choses tournent mal que la pétrolier surgit

dans notre conscient. Avec la marée noire, les oiseaux morts et les plages mazoutées, le public

ne voit plus les pétroliers qu’en termes de pollution de l’environnement. Cela fait trente ans que

la perte de Torrey Canyon nous a fait entrer dans l’époque des marées noires et on peut

regretter que l’homme et la femme de la rue aient appris à regarder aussi négativement cette

catégorie de navires tellement essentiels par ailleurs. On ignore superbement les milliers de

voyages de pétroliers effectués sans incident ou sans qu’un litre de pétrole n’ait été répandu.

Par contre, c’est l’image du Braer qui se brise sur les récifs des Shetlands ou du Sea Empress

qui s’échoue sous les caméras de télévision devant Milford Haven qui s’imprime dans notre

esprit. Pétroliers… nous frémissons… choses dégoûtantes et puantes… tous ces pauvres oiseaux

morts. Et si, malheureusement, un accident peut se produire, le risque zéro n’existant pas, ce

n’est certainement pas une catastrophe écologique : on oublie trop souvent que le pétrole est un

produit naturel biodégradable »10.

Cette citation peut prêter à sourire, lorsque l’on sait que quelques mois plus tard, ce sont

l’Erika et le Prestige qui causaient des dégâts sans pareille sur le littoral français, espagnol et

portugais. Mais elle peut également faire peur, en nous révélant une quasi insouciance de la

dégradation de l’environnement. Cet extrait nous rappelle que le monde de la pollution par

hydrocarbures englobe des intérêts extrêmement divergents, qui doivent nécessairement tous

être pris en compte. Mais n’oublions pas que les navires ne sont que les usagers de la mer.

Même si le régime de cette mer reste en grande partie empreint de liberté, les navires et tous les

acteurs du monde maritime ont le devoir de la protéger. Pour cela, les règles de droit qui s’y

rattachent doivent être respectées.

Qu’est-il mis en place en France et dans le monde pour faire face aux pollutions par

hydrocarbures ? Si nous pouvons nous permettre de nous poser cette question, c’est parce que la

France a connu un destin tout particulier en la matière. Les questions nous viennent car à un

moment donné nous avons eu à y répondre. Nous adopterons donc une logique qui se veut

simple, mais qui permet d’entourer ce sujet si vaste. Nous ne prétendrons pas à l’exhaustivité,

mais tâcherons de présenter le panel de couleurs se rapportant à la pollution accidentelle par

hydrocarbures pour en peindre le tableau. C’est pourquoi, après avoir analysé les efforts de

prévention et de lutte qui sont ou peuvent être réalisés (I), nous nous concentrerons sur les

mécanismes d’indemnisation mis en place pour essayer de compenser la pollution (II). Nous

allons parler de navires, de tempêtes, d’hommes à la mer, de machines à bout de souffle et d’une 10 VALOIS P., Le transport du pétrole par mer, Paris, CELSE, 1999, 239 pages, p. 5-7.

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mer capable de passer du bleu au noir. Sauf qu’il ne s’agira pas d’un roman et que nous allons

essayer de rendre toutes ces péripéties juridiques. Nous allons parler d’une histoire qui pour

l’instant ne s’est pas encore bien finie, sans super-héros ni héroïne mystérieuse. Voici l’histoire

de la France et du monde maritime confrontés à la pollution par hydrocarbures.

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PARTIE I. Le transport maritime des hydrocarbures : une activité dangereuse

Nombreux sont les risques sur la route du transport maritime des hydrocarbures.

Acheminer cette marchandise jusqu'à son port de déchargement peut relever de l’aventure, du

hasard. Il est apparu nécessaire de maîtriser les risques résultant de cette activité, avant qu’elle

ne commence à devenir catastrophique. De multiples travaux ont donc été entrepris et réalisés

sur la prévention des accidents (Chapitre 1). En complément, ont été créés des systèmes de lutte

contre la pollution (Chapitre 2).

Chapitre 1. La prévention des accidents, préalable nécessaire à la prévention de la pollution

Il convient dans ce premier chapitre de s’intéresser aux évènements qui ont lieu avant

que la pollution accidentelle ne survienne. Cette dernière est une pollution non intentionnelle :

elle intervient à la suite d’un accident. Si nous souhaitons la supprimer il s’agit donc de faire

disparaître son fait générateur. Pour cela, les deux acteurs à prendre en compte sont la

mécanique et l’homme ; en agissant sur eux, nous devrions donc supprimer l’accident. Si ce

syllogisme paraît simple, nous allons voir qu’une part de fatalité est toujours présente et fausse

l’équation.

Les risques d’accidents et leurs conséquences sont connus : de nombreux exemples

historiques sont à notre disposition pour en témoigner. Pour que ces risques ne se réalisent pas,

nous nous trouvons donc dans une démarche de prévention ; il ne s’agit pas ici de parler de

précaution. Mme Agathe Van Lang considère toutefois « qu’une démarche de précaution prend

le relais de la logique préventive. Elle s’inspire de l’envers du progrès scientifique, des menaces

de l’irréversibilité et de la volonté de promouvoir un développement durable pour assurer

l’avenir des générations futures »11. Revenons un instant à cet extrait du journal Le Marin de

11 VAN LANG A., Droit de l’environnement, 3ème édition, Paris, PUF, 2011, page 296.

« Le progrès et la catastrophe sont l’avers et le

revers d’une même médaille »

Hannah Arendt

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1978 dont nous avons déjà cité quelques lignes. Il va nous permettre, une fois de plus, de nous

montrer l’importance de la prévention des accidents au regard de l’étendue d’une pollution.

« Une nouvelle agression. La quatrième en onze ans. Mais cette fois il s’agit d’une

véritable catastrophe. 230 000 tonnes de pétrole sont jetées à la mer. Les marins-pêcheurs sont

ulcérés, écœurés. Quand on leur parle du plan POLMAR, ils haussent les épaules. La

prévention : des mots, rien que des mots. Dès vendredi, c’est-à-dire quelques heures après la

mise au sec du « Amoco-Cadiz », leur religion était faite. Quels que soient les moyens employés,

c’était cuit. Les côtes seraient une nouvelle fois souillées, elles le sont. Certes, ils estiment que si

l’on peut pomper ne serait-ce que les dernières gouttes, il faut essayer, mais rien ne sert de

guérir, il faut prévenir. Onze ans après le naufrage du « Torrey-Canyon » on n’a pas avancé

d’un pas en la matière. […] La prévention, c’est une affaire d’Etat et puisque l’Etat est

déficient, eh bien ! Qu’il prenne en charge les frais occasionnés par cette marée noire ! […] Il

est fini le temps des « il faut » ou des « nous envisageons de faire »12.

Afin de porter haut le drapeau de la prévention, et ainsi de recouvrer l’espoir d’un

transport maritime par hydrocarbures sécurisé, une volonté s’est affirmée : réduire au niveau

international les risques de défaillances techniques dont peuvent souffrir les navires (Section 1).

Néanmoins, aussi bien en matière maritime qu’en matière terrestre ou aérienne, la part du

facteur humain dans les accidents reste très importante. Il a donc été nécessaire de comprendre

les gens de mer et de les aider à être, non plus un facteur négatif, mais un facteur positif dans la

prévention de la pollution (Section 2).

Section 1. Encadrement normatif du risque « défaillance technique »

Aux côtés de l’homme, nous venons de voir que les deux acteurs impliqués dans les

accidents sont l’homme et le navire. Intéressons nous d’abord à ce dernier. Le transport étant

une matière particulièrement internationalisée, notamment s’il s’agit d’un transport

d’hydrocarbures, il a fallu mettre en place des normes techniques internationales pour que tous

les navires respectent les mêmes normes de construction et d’entretien (§1). En parallèle, un

contrôle de ces normes est devenu indispensable (§2). Philippe Boisson nous rappelle qu’ « il est

bien certain que les moyens de prévention mis en œuvre lors de la construction du navire

influent directement sur ses conditions d’exploitation et de navigation et réciproquement. Seule

12 TARIN C., « Amoco-cadiz La colère noire », Le Marin, 24 mars 1978.

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12

une approche globale permet d’apprécier l’efficacité et la performance du système tout

entier »13.

§1. La mise en place de normes techniques : nécessité d’une approche internationale unifiée

Le transport des hydrocarbures fait partie de la grande famille du transport maritime. Il

doit donc respecter les normes de sécurité qui sont applicables à tous les navires (A), et les

règles spécialement créées pour les pétroliers (B).

A/ Normes de sécurité générales

La Convention de Montego Bay (CMB), entrée en vigueur en 1994, est la convention-

cadre du droit de la mer. Elle nous aide à comprendre le régime juridique de chacune des zones

maritimes. Parmi ses dispositions relatives à la protection de l’environnement, des fragments de

règlementation technique sont présents. Dans la partie XIV relative au développement et au

transfert des techniques marines, l’article 268 dispose que « les Etats, directement ou par

l’intermédiaire des organisations internationales compétentes, doivent promouvoir : a)

L’acquisition, l’évaluation et la diffusion des connaissances dans le domaine des techniques

marines ; ils facilitent l’accès à l’information et aux données pertinentes […] ». Ces techniques

marines sont par exemple les techniques navales : ces dernières doivent être partagées,

notamment si elles contribuent à une meilleure protection du milieu marin. L’article 266 de la

convention insiste en effet sur l’augmentation des connaissances des Etats en développement

dans le domaine des sciences et techniques marines, plus précisément sur « la protection et la

préservation du milieu marin ». L’amélioration de la technique navale, qui permet de construire

des navires plus performants et résistants, contribue à cette protection. Une coopération très

forte entre Etats est donc nécessaire ; celle-ci résulte du régionalisme, conception

particulièrement présente dans la Convention de Montego Bay.

La convention souhaite également créer, en supplément des centres nationaux de

recherche scientifique et de technique marine, des centres régionaux qui seront chargés d’assurer

des programmes d’études ayant trait à la protection et à la préservation du milieu marin, la

réduction et la maîtrise de la pollution14. Toutes ces dispositions sont reprises à l’article 202 de

la convention, dans la partie XII relative à la protection et à la préservation du milieu marin.

Cette partie, considérée comme l’avancée la plus significative de la convention, dispose à

13 Boisson P., Politiques et Droit de la Sécurité Maritime, Paris, Bureau Veritas, 1998, p. 233. 14 Articles 275 à 277 de la Convention de Montego Bay de 1982.

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l’article 192 que « tous les Etats ont l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin ».

Conformément à l’article 194, des mesures visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution du

milieu marin doivent être prises, « notamment les mesures tendant à limiter autant que

possible : […] b) la pollution par les navires, en particulier les mesures visant à prévenir les

accidents et à faire face aux cas d’urgence, à assurer la sécurité des opérations en mer, à

prévenir les rejets, qu’ils soient intentionnels ou non, et à règlementer la conception, la

construction, l’armement et l’exploitation des navires ». La technique navale est donc abordée

ici par la Convention de Montego Bay.

De nombreux textes internationaux viennent affiner ces dispositions. Ils sont les règles et

les normes internationales généralement acceptées dont nous parle l’article 211 de la CMB, et

dont les Etats doivent tenir compte pour adopter leurs lois et règlements. La Convention de

Montego Bay ne cite pas directement ces textes internationaux, et ce pour deux raisons : tous les

Etats membres de la convention ne les ont pas ratifiés, et ces textes sont amenés à évoluer voire

à disparaître. En réalité, la CMB se réfère aux grandes conventions, dont certains auteurs disent

qu’elles sont coutumières15 : c’est le cas des conventions SOLAS16 et LC17. Elles viennent en

complément des normes de solidité, de flottabilité et de protection contre l’incendie.

La Convention SOLAS, initialement adoptée en 1914 puis maintes fois modifiée, nous

informe sur les différentes règles de construction et d’équipement. Elle insiste également sur les

règles de stabilité18. L’objet de la convention LC est quant à lui « d’établir des principes et des

règles uniformes en ce qui concerne les limites autorisées pour l’immersion des navires

effectuant des voyages internationaux, en raison de la nécessité d’assurer la sécurité de la vie

humaine et des biens en mer »19. Le navire doit être apte à affronter les périls de la mer, mais il

doit également être capable d’assurer le transport des marchandises sans prendre de risque20. Les

navires entrant dans le champ d’application de cette convention doivent avoir leur certificat à

jour. Il s’agit par exemple pour la Convention LC du certificat international de franc-bord21. Par

15 Ce qui semble extrêmement critiquable, certaines conventions comme MARPOL étant très techniques. 16 Convention de Londres du 17 juin 1960 sur la sauvegarde de la vie humaine en mer, dite Convention SOLAS – Safety of life at sea. 17 Convention internationale de 1966 sur les lignes de charge, conclue à Londres le 5 avril 1966 et entrée en vigueur en France le 21 juillet 1968. 18 Règles qui restent, selon Philippe Boisson, très mathématiques. Confere BOISSON P., Politiques et Droit de la Sécurité Maritime, Paris, Bureau Veritas, 1998, p.240. 19 Considérant de la Convention LC. 20 Ce qui peut néanmoins sembler antinomique : comment peut-on prendre la mer sans risque ? 21 International load line certificate. Ce certificat doit être valide : pour qu’un navire puisse rentrer dans un port, la date de fin de validité du certificat est renseignée dans l’Inward declaration. Confere Annexe 2.

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ces deux conventions, la construction et l’exploitation du navire sont donc strictement

encadrées.

L’Union européenne, à côté de l’OMI, contribue elle aussi à l’amélioration de la sécurité

du transport maritime. Le titre VI du Traité sur le fonctionnement de l’UE, dans son article 91,

dispose que « le Parlement européen et le Conseil […] établissent : a) des règles communes

applicables aux transports internationaux exécutés au départ ou à destination du territoire d'un

État membre, ou traversant le territoire d'un ou de plusieurs États membres ; […] c) les

mesures permettant d’améliorer la sécurité des transports ». Ces dispositions s’appliquent aux

voies navigables22. L’UE permet ainsi d’harmoniser l’interprétation du droit international dans

le droit interne de chacun des Etats membres. Elle dispose d’un véritable pouvoir normatif en

matière de transport maritime, qui s’est notamment illustré au travers de l’élaboration des

« paquets » Erika. Ces derniers ont eu un impact large, touchant aussi bien les obligations de

l’Etat du pavillon ou de l’Etat du port que le système de localisation des navires. Nous les

étudierons tout au long de ce mémoire.

B/ Normes spécifiques aux pétroliers

À la suite de la catastrophe de l'Exxon Valdez survenue en 1989, les Etats-Unis ont

adopté en 1990 l'Oil Pollution Act23. Cette loi impose aux pétroliers d'un port en lourd24 égal ou

supérieur à 600 tonnes un système de double-coque intégrale. De la même façon, en 1992, la

Convention MARPOL25 est modifiée et prévoit l'obligation pour les pétroliers à simple coque

existants, lorsqu'ils atteignent un certain âge, de se voir appliquer les prescriptions en matière de

double coque ou de normes de conception équivalentes. Cette mesure assurerait un degré plus

élevé de protection contre la pollution accidentelle par les hydrocarbures en cas d'abordage ou

d'échouement. Bien que faisant l'objet d'une forte opposition26, le système de la double coque

tend donc à se généraliser.

22 Article 100 du TFUE. 23 Confere Annexe 3 : L'OPA90 est contraignant pour tout navire entrant dans les eaux étasuniennes. Il a pour but notamment d'imposer aux navires transportant des hydrocarbures la double-coque. 24 « Le port en lourd ou portée en lourd est une indication purement commerciale destinée à exprimer ce que le navire peut porter en tonnes. Elle est utilisée particulièrement pour les pétroliers, les minéraliers et les vraquiers ». LE BAYON A., Dictionnaire de droit maritime, Rennes, Presse universitaire de Rennes, 2004, 280 pages. 25 La Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires a été adoptée par la Conférence internationale sur la pollution des mers convoquée par l’OMI du 8 octobre au 2 novembre 1973. La convention, modifiée par la suite par le Protocole de 1978, est connue sous le nom de MARPOL 73/78. 26 Bernard Furic, président du SIRENA (Syndicat des industries de réparation navale), dresse une liste des inconvénients de la double coque sur un pétrolier : augmentation du poids, augmentation de la taille du navire pour la même quantité transportée, augmentation de la surface à protéger de la corrosion (d'où la nécessité d'une meilleure qualité d'application, ainsi que d'inspections plus étendues), augmentation de la surface à inspecter, augmentation des difficultés d'accès et augmentation du risque hydrocarbures. Sur ce dernier point, il explique que

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La conjugaison des diverses pollutions occasionnées par le naufrage de pétroliers en

Europe - Erika, Prestige - et la volonté de se conformer aux dispositions de la Convention

MARPOL a conduit les institutions européennes à élaborer deux règlements. Le premier, qui

date du 18 février 2002, est établi par le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne

afin d'instituer un calendrier spécifique d'élimination des pétroliers à simple coque entrant dans

les ports des Etats membres de l'UE ou battant pavillon de ces mêmes Etats27. En 2003 et par un

nouveau règlement28, la Commission accélère ce calendrier en interdisant de surcroit le transport

du pétrole et du fuel par les pétroliers à simple coque de plus de 600 tonnes de port en lourd et

leur escale dans les ports des Etats membres de l'UE. Ainsi, le retrait des navires à simple coque

transportant des hydrocarbures lourds29 devait s'effectuer entre 2003 et 200830.

La portée de l'Oil Pollution Act s'étant considérablement étendue, nombre de pétroliers à

simple coque vont devoir être démantelés. 2015 est aujourd'hui la date butoir avancée. Le retrait

d'exploitation de ces navires est une des raisons qui ont poussé l'OMI à intervenir dans le

domaine de la déconstruction navale avec la Convention de Hong Kong de 2009.

§2. Le contrôle des normes techniques

Plusieurs Etats ont la possibilité de contrôler les navires et d’assurer le respect des

normes techniques internationales. L’Etat du pavillon a longtemps bénéficié du pouvoir de

contrôle sur les navires qui avait choisi de s’abriter sous l’aile de son registre

d’immatriculation31. Parfois excessivement protecteur, le pouvoir de cette aile a été comprimé à

mesure que les Etats du port ont pris possession de leur rôle d’inspecteur. Aujourd’hui, le port

de destination du navire régit donc en grande partie son contrôle et une répartition géographique « plus la structure du navire est complexe, plus l'apparition de cassures est certaine. Du fait de ces cassures la contamination des ballasts par les hydrocarbures est probable. Dans la structure resserrée de ces ballasts nous savons par expérience que l'atmosphère ne peut être uniforme. L'état de 'gas free' du navire n'est obtenu que par échantillonnage et même une ventilation efficace ne peut garantir qu'il n'existera pas de poches de gaz. C'est un risque majeur en réparation navale ». Bernard Furic considère de surcroît que la double coque est une réponse technique (car elle répond à certains impératifs en laissant de côté certains points) et médiatique (car elle est grand public). 27 Règlement CE n°417-2002 du Parlement européen et du Conseil du 18 février 2002 relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque. Ce règlement fait partie de ce que l’on appelle le Paquet Erika I. 28 Règlement 1726/2003 de la Commission européenne entré en vigueur le 22 octobre 2003. 29 Pétrole brut lourd, fuel oil lourd, goudron, bitume, émulsions. 30 La Commission a fait une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque (refonte) le 23 septembre 2009. 31 Le mot « pavillon » vient du latin papilio, c’est-à-dire « papillon ». Il est ici très intrigant de noter la similitude entre cette étymologie et l’expression « pavillons de libre immatriculation » qu’utilise le professeur Patrick Chaumette lorsqu’il souhaite parler des pavillons de complaisance. En choisissant de parler d’une « aile », nous retrouvons cette notion de liberté. Nous pouvons également utiliser ce terme au regard du choix presque infini de registres d’immatriculation auxquels ont accès les armateurs et les propriétaires de navires.

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des inspections s’est mise en place. Les navires dits sous-normes32 ont tentés, au fil des

inspections, d’éviter les ports dont le contrôle ne leur était pas favorable. Non réprimés par

certains Etats du pavillon, la communauté internationale blâme les navires qui se sont enfuis

vers ces zones où l’Etat du port est synonyme de laxisme. A long terme, le souhait reste présent

que les Etats du port éliminent, par un contrôle coordonné, les navires qui ne satisfont plus aux

normes internationales. En attendant, le contrôle des normes techniques reste en premier lieu

aux mains de l’Etat du pavillon (A). Selon les circonstances, l’Etat du port vient jouer son rôle

de remplaçant ou d’équipier (B). L’Etat côtier est également compétant pour ajouter un peu de

couleur sur le terrain panaché de l’inspection des navires (C).

A/ Contrôle primaire de l’Etat du pavillon

C’est l’article 94 de la Convention de Montego Bay qui rappelle de façon claire les

pouvoirs de l’Etat du pavillon en matière de contrôle des navires :

« 3. Tout Etat prend à l’égard des navires battant son pavillon les mesures nécessaires

pour assurer la sécurité en mer, notamment en ce qui concerne : a) La construction et

l’équipement du navire et sa navigabilité ; b) La composition, les conditions de travail et la

formation des équipages […] ; c) L’emploi des signaux, le bon fonctionnement des

communications et la prévention des abordages ».

Nous retrouvons dans cet article les deux éléments à prendre en compte dans la

prévention des accidents : la mécanique et l’homme. La convention appuie, dans sa partie XII

relative à la protection et à la préservation du milieu marin, sur les pouvoirs de l’Etat du pavillon

afin de prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin par les navires. L’article 217.1

dispose :

« Les Etats veillent à ce que les navires battant leur pavillon ou immatriculés par eux

respectent les règles et normes internationales applicables établies par l’intermédiaire de

l’organisation internationale compétente ou d’une diplomatique générale, ainsi que les lois et

règlements qu’ils ont adoptés conformément à la Convention afin de prévenir, réduire et

maîtriser la pollution du milieu marin par les navires, et ils adoptent les lois et règlements et

prennent les mesures nécessaires pour leur donner effet. L’Etat du pavillon veille à ce que ces

32 Attention : ne pas confondre navire sous-normes et navire sous pavillon de complaisance. BEURIER J.-P. (dir.), Droits maritimes, 2ème édition, Paris, Dalloz, 2008 : « Les pavillons de complaisance notamment constituent un système pervers et dangereux, car basé sur le laxisme des Etats qui offrent leur pavillon et leur registre d'immatriculation aux armateurs étrangers, et acceptent de fermer les yeux sur les conditions sociales des marins ou sur les violations délibérées et répétées des exigences de sécurité ».

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règles, normes, lois et règlements soient effectivement appliqués, quel que soit le lieu de

l’infraction ».

Le contrôle des normes de sécurité que doit effectuer l’Etat du pavillon peut, par

délégation spéciale de pouvoir, être confié à des sociétés de classification. Celles-ci peuvent

alors contrôler les navires et leur délivrer des certificats de sécurité. Afin de lutter contre les

sociétés de classification complaisantes, l’Association internationale des sociétés de

classification (AISC) a été créée et leur impose une déontologie professionnelle, des normes et

des standards élevés et uniformes.

Les lacunes des Etats du pavillon ont maintes fois été montrées du doigt. Alors que les

« pavillons de libre immatriculation » ont vu le jour, il n’était plus possible que l’Etat du

pavillon soit le seul à détenir le pouvoir de contrôler et de sanctionner. Plus un navire

s’approche des côtes d’un Etat tiers à son pavillon, et plus les Etats côtiers et les Etats du port

vont pouvoir critiquer son état. C’est ce contrôle qui va venir compléter celui de l’Etat du

pavillon et rendre les inspections plus performantes. Ainsi, la possibilité d’un contrôle

homogène des navires est apparue, et une véritable coopération, maître mot de la Convention de

Montego Bay, est née.

B/ Contrôle complémentaire de l’Etat du port

L’Etat du port est l’Etat dans lequel un navire va choisir de larguer ses amarres, que ce

soit pour effectuer un chargement, un déchargement, s’approvisionner en combustible ou en eau.

Par ce choix, le navire laisse la possibilité à l’Etat du port de le contrôler. L’article 219 de la

CMB permet ainsi à l’Etat du port d’effectuer des mesures de contrôle de la navigabilité visant à

éviter la pollution et à interdire l’appareillage du navire si ce dernier risque de causer des

dommages au milieu marin.

Signé en 1982, le Memorandum d’entente de Paris (MOU) est le premier accord régional

inter-administrations sur le contrôle de l’Etat du port. Fondé à l’origine par 14 Etats, il vise à

coordonner l’action des inspecteurs nationaux. Le contrôle est plus ciblé, plus régulier et donc

plus efficace. L’aire géographique du MOU s’est aujourd’hui considérablement élargie. Sont par

exemple venus s’ajouter à la sphère européenne le Canada et la Russie. C’est la directive

95/21/CE du Conseil du 19 juin 1995 qui communautarise le MOU, nouvellement refondée par

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la directive 2009/16/CE33. Désormais, 100% des navires faisant escale dans un port de l’UE

doivent être inspectés.

En France, les inspecteurs de la sécurité des navires et de la prévention des risques

professionnels maritimes (ISNPRPM) sont les port state control officers (PSCO). Pour

comprendre comment est menée une inspection, prenons l’exemple d’un navire qui vient faire

escale à Nantes.

Le Rays, navire battant pavillon panaméen, souhaite venir charger du blé au quai de

Roche Maurice à Nantes. L’agence de consignation nommée par l’armateur du navire réalise

une « demande de mise à quai » auprès de la capitainerie du Grand port maritime de Nantes

Saint Nazaire. Les ISNPRPM des affaires maritimes de Montoir peuvent ainsi voir que le navire

Rays, long de 177 mètres, est prévu d’amarrer à Nantes. Les inspecteurs regardent sur la base de

données Thetis34 quels ont été les derniers contrôles effectués sur le navire au titre du MOU. Le

navire est classé en fonction de son risque : low risk, medium risk, et high risk. Ce classement

est réalisé en combinant des critères techniques et des critères historiques. Sont pris en compte

l’âge du navire, son pavillon35, sa société de classification, ses défaillances, détentions et

contrôles durant les 36 derniers mois et la performance de sa compagnie36. Une fois que le

système connaît le niveau de risque du navire, est ouverte une fenêtre d’inspection37 : un navire

high risk peut être inspecté le 5ème mois suivant sa précédente inspection (priorité 2), et doit

impérativement être contrôlé au 6ème mois (priorité 1). Pour un navire medium risk, ces chiffres

sont reportés à 10 et 12 mois, pour un navire low risk à 24 et 36 mois. Reprenons notre exemple.

Arrivé sur rade le 5 août 2013 et amarré le 6, deux ISNPRPM viennent contrôler le Rays le 7

août. Ils relèvent plusieurs anomalies contraires aux normes internationales dont une concerne le

séparateur des huiles usées. Cette défaillance est considérée comme suffisamment grave pour

33 Directive 2009/16/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 sur le contrôle par l’Etat du port. 34 Confere site internet du MOU, www.parismou.org. L’accès à la base de données Thetis (The Hebrid European Targeting and Inspection System) est libre. Tous les navires qui ont été contrôlés y sont recensés, ainsi que leurs déficiences. Cette base de données est commune à tous les Etats membres du MOU et gérée par l’Agence européenne de la sécurité maritime (EMSA). Entre les Etats membres de l’UE, le système SafeSeaNet (système européen d’information et de surveillance du trafic maritime) est également disponible. Selon le décret n°2011-2108 du 30 décembre 2011 portant organisation de la surveillance de la navigation maritime, l’officier de permanence renseigne le système SafeSeaNet dès qu’il a connaissance d’un incident ou accident portant atteinte à la sécurité du navire ou compromettant la sécurité de la navigation, d’une situation susceptible de conduire à une pollution des eaux ou du littoral, ou de la dérive d’une nappe de produit polluant ou d’un conteneur. 35 Une black/grey/white list des pavillons est disponible sur le site du MOU : www.parismou.org. 36 La performance de la compagnie est calculée sur le ratio des déficiences (nombre de déficiences de tous les navires de la compagnie ses 36 derniers mois divisé par le nombre d’inspections), des détentions (nombre de détentions de tous les navires de la compagnie ses 36 derniers mois divisé par le nombre d’inspections). La performance est ensuite considérée comme very low, low, medium ou high. 37 Confere Annexe 4 : Fenêtre d’inspection du contrôle par l’Etat du port.

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immobiliser le navire. Les inspecteurs le soupçonnent en effet d’avoir pollué alors qu’il

naviguait dans l’Océan Indien et en Méditerranée. Ils avertissent le capitaine, puis le

consignataire agent du navire : ce dernier doit les informer sur sa volonté ou non de représenter

le propriétaire ou l’exploitant du navire pour le paiement des frais d’inspection38. Le navire, qui

doit continuer son chargement de blé à Montoir, est autorisé à déhaler39. Les inspecteurs

contrôleront à nouveau le navire à Montoir : si la défaillance qui a provoqué l’immobilisation est

réparée, le Rays sera autorisé à repartir.

Bien que cet exemple ne traite pas directement du respect des normes techniques en

prévention d’une pollution par hydrocarbures accidentelle, nous pouvons comprendre de quelle

façon l’Etat du port agit sur le navire afin que ce dernier respecte les règles internationales qui

lui sont applicables. Un navire sera donc traité de la même façon s’il contrevient aux normes

techniques destinées à éviter qu’une pollution par hydrocarbures ne soit causée. Nous allons voir

que dans ce domaine, l’Etat riverain a nettement moins de pouvoir que l’Etat du port. Il faut

néanmoins temporiser cette affirmation car dans de très nombreux cas, l’Etat riverain se trouve

également être l’Etat du port.

C/ Compétence de l’Etat riverain

Lorsqu’un navire navigue dans la zone économique exclusive (ZEE) ou dans la mer

territoriale d’un Etat, ce dernier est alors appelé l’Etat côtier ou l’Etat riverain. Les compétences

de cet Etat sont nées des grandes catastrophes maritimes. L’article 21 de la Convention de

Montego Bay en témoigne : il dispose que « l’Etat côtier peut adopter […] des lois et

règlements relatifs au passage inoffensif dans sa mer territoriale, qui peuvent porter sur les

questions suivantes : […] Préservation de l’environnement de l’Etat côtier et prévention,

réduction et maîtrise de sa pollution […] ». La partie V de la convention, qui est relative à la

ZEE, donne quant à elle juridiction à l’Etat côtier dans cette zone pour les questions de

protection et de préservation du milieu marin. Si un navire étranger commet, dans l’une de ces

deux zones maritimes, une infraction aux lois de l’Etat côtier, ce dernier peut inspecter le navire,

établir la matérialité de l’infraction et poursuivre le contrevenant. Dans la majorité des cas, nous

ne nous trouvons donc plus ici dans le champ de la prévention par les règles techniques. L’Etat

côtier interviendra davantage quand la pollution, intentionnelle ou accidentelle, s’est produite. Il

peut également organiser la navigation dans sa ZEE à titre préventif. Ces aspects seront traités

dans la deuxième section.

38 Confere Annexe 5 : Notification d’immobilisation au consignataire du navire. 39 A se déplacer.

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Section 2. La prévention des comportements à risque ou l’irréductible facteur humain

De la même façon que les Gaulois ne sont pas encore tombés aux mains des Romains,

les défauts de l’homme restent l’ennemi irréductible de la sécurité maritime. Selon le professeur

Christine Chauvin40, dans le contexte des événements catastrophiques que l’Europe a connu, la

part du facteur humain dans le risque d’accident constitue une question centrale. Nous pouvons

citer à titre d’exemples les pétroliers Exxon Valdez41 et Braer42.

Derrière le stratus formé par les expressions « facteur humain », « erreur humaine » ou

bien encore « risque humain » se cache un arc-en-ciel de personnalités, d’humeurs, de peurs et

d’automatismes. Ces traits de caractère propres à l’homme nourrissent des comportements

dangereux qui, en mer, nuisent à la sécurité. Si le risque « défaillance technique » peut être

calculé et encadré, ce travail est nettement plus difficile quand l’issue d’une situation dépend en

grande partie de l’action de l’homme ou de la femme marin. N’oublions pas qu’il est nécessaire,

face à un accident, d’avoir une approche globale. Brian Toft et Simon Reynolds considèrent

ainsi que l’accident est la défaillance d’un système complexe43 ; rares sont les cas où seul la

machine ou l’homme est en tort. Ces deux facteurs interagissent entre eux, avec la mer, les

autres navires et plus largement toute la communauté maritime.

Nous allons donc, grâce à différentes théories, tenter de comprendre et d'analyser ce

comportement humain pour savoir s'il est possible de prévenir les comportements à risque (§1).

Nous verrons ensuite que des moyens techniques sont mis en place afin de lutter contre ces

comportements (§2). Tout cela en vue d'une meilleure sécurité en mer, sécurité qui contribue à

la lutte contre les pollutions accidentelles par hydrocarbures.

§1. Comprendre et analyser le comportement humain

Il est difficile de donner un chiffre capable de représenter correctement la part du facteur

humain dans les accidents : ces derniers sont souvent dus à une multiplicité de causes. Les

différentes études et statistiques nous montrent toutefois, et de manière assez uniforme, que trois

40 CHAUVIN C., « Le facteur humain et la sécurité maritime », La Revue Maritime n°489, Septembre 2010, p. 14. 41 Négligences du capitaine et de la compagnie Exxon. 42 Défaillance de compte rendu dans la chaîne de commandement et incapacité à hiérarchiser l’information disponible ou à examiner les conséquences de l’évènement. Confer Republic of Liberia, Bureau of Maritime Affairs, Report of Investigation into the Master of Loss by Grounding of the Motor Tanker Braer on the South Coast of Shetlands. Cité in Boisson P., Politiques et Droit de la Sécurité Maritime, Paris, Bureau Veritas, 1998, p. 256. 43 TOFT B., REYNOLDS S., Learning from disasters, Butterworth-Heinemann, UK, 1994. Cité in BOISSON P., Politiques et Droit de la Sécurité Maritime, Paris, Bureau Veritas, 1998, p. 19.

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accidents sur quatre ont pour origine principale une erreur humaine. Comme le souligne

Christine Chauvin en reprenant une étude de James Reason44, « il n’est pas surprenant que les

décisions et les actions humaines soient impliquées dans les accidents puisque ce sont des

hommes qui conçoivent, construisent, conduisent, maintiennent et gèrent les systèmes

technologiques complexes »45. Afin de réduire au minimum le rôle néfaste que joue le facteur

humain dans la concrétisation des accidents, il va donc falloir mettre en place des actions

préventives (A). Nous verrons que la prévention passe également par l’élaboration de nouvelles

normes juridiques (B).

A/ Diversité des techniques de prévention

Les auteurs ont essayé d’interpréter, chacun selon ses croyances, le lien entre facteur

humain et accident. Certains considéraient que l’erreur humaine était la mesure de la fiabilité

humaine. Depuis les années 1970, la plupart d’entre eux estiment que l’homme est un élément

de fiabilité et non plus d’infiabilité46 ; sur un navire par exemple, le marin est le seul élément

capable de s’adapter aux variations. Lorsque ces variations sont importantes et que la situation

n’est plus optimale, des erreurs peuvent être commises par un membre de l’équipage – erreur

active –, ou par une personne plus éloignée du navire – erreur latente47. Ces erreurs peuvent être

liées tant à des problèmes personnels (fatigue, stress, compétences professionnelles

insuffisantes, non maîtrise de l’anglais) qu’à des aspects organisationnels (management,

formation48). Il est donc très important lors d’un accident d’analyser l’erreur de manière globale

afin de prendre en compte le comportement de tous les acteurs, que ces derniers soient

directement liés ou non à l’accident. Dans le domaine de l’aéronautique, Christophe Brunelière49

nous explique ceci :

« Afin de véritablement améliorer la sécurité, vous devez d’abord être convaincu que les

personnes se présentent pour voler avec l’intention d’accomplir du bon travail. Ces personnes

ne s’écraseront pas volontairement sur le flanc d’une montagne, elles n’endommageront pas

sciemment le matériel […] Si vous voulez comprendre l’erreur humaine, votre travail consiste à

découvrir pourquoi l’action en question était logique aux yeux de ceux qui l’ont commise. Car si

44 James Reason est un expert mondial en facteurs humains membre de la British Psychological Society, de la Royal Aeronautical Society, de la British Academy et membre honoraire du Royal College of General Practitioners. 45 CHAUVIN C., « Le facteur humain et la sécurité maritime », La Revue Maritime n°489, septembre 2010, p. 15. 46 CHAUVIN C., « Le facteur humain et la sécurité maritime », La Revue Maritime n°489, septembre 2010, p. 14. 47 Confere les travaux de James Reason. 48 Hetherington, Flin & Mearns, 2006. Cité in CHAUVIN C., « Le facteur humain et la sécurité maritime », La Revue Maritime n°489, septembre 2010, p. 14. 49 Pilote dans l’aéronavale, Christophe Brunelière est entré en compagnie il y a une vingtaine d’années. Commandant de Bord et instructeur contrôleur, il est le correspondant Facteurs Humains de sa division de vol.

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cette action était logique pour ces personnes, elle pourrait l’être aussi pour d’autres personnes

en présence des mêmes circonstances, ce qui signifie que le problème risque de se répéter

encore et encore »50.

Pour comprendre la survenance d’un accident et son lien avec l’homme, prenons le

modèle Swiss Cheese51 établi par James Reason. En face d’un danger, plusieurs défenses,

représentées par des tranches de gruyère, sont déployées. Chacune de ces défenses – alarmes,

réactions de l’équipage – a ses propres défaillances représentées par les vides du gruyère.

Lorsque tous ces vides sont alignés, le danger se transforme en accident : une fenêtre

d’opportunité s’est ouverte. Ce n’est que lorsque l’on comprend toutes ces défaillances que l’on

est en mesure de les prévenir. De la même façon, Anne-Marie Feyer et Ann Williamson, auteurs

d’une étude sur les facteurs humains dans la modélisation des accidents, nous expliquent qu’il

faut comprendre l’erreur, le moment où elle intervient et ses causes.

Plusieurs méthodes de prévention se sont développées. Nous allons ici, sans chercher

l’exhaustivité, présenter les plus importantes.

Le retour d’expérience est une méthode simple à mettre en place : un rapport est établi lorsqu’un

accident, même mineur, a lieu. Il fait l’objet d’une communication aux personnes intéressées. En

principe, ces dernières ne doivent plus reproduire le comportement qui a conduit à l’accident.

Avec cette méthode, le risque de doublon d’erreur est faible. Le retour d’expérience peut non

seulement se faire à l’intérieur d’un même secteur, mais entre secteurs à risques – aéronautique,

maritime, nucléaire… Christophe Brunelière considère ainsi que « tout secteur où la sécurité est

un facteur déterminant devrait avoir pour objectif d’apprendre de ses erreurs plutôt que de

punir ceux qui les commettent »52. Les accidents peuvent également être simulés afin de

développer des attitudes sécuritaires.

La culture de sécurité tend à prendre de l’ampleur tellement elle apparaît fondamentale. A

l’intérieur d’un système – l’équipage, l’entreprise d’armement… – serait institué de manière

implicite un code de comportement. Ce code contribuerait à donner certains automatismes qui,

face à une situation à risque, empêcheraient l’arrivée de l’accident ou diminueraient ses

conséquences.

50 BRUNELIERE C., « La nouvelle conception de l’erreur humaine », 3 juin 2011, www.mentalpilote.fr. 51 Confere Annexe 6. 52 BRUNELIERE C., « La nouvelle conception de l’erreur humaine », 3 juin 2011, www.mentalpilote.fr.

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Enfin, il convient également de s’appuyer sur l’équipe synergique53 : la démarche de prévention

et de sécurité ne peut pas s’arrêter à l’équipage. Elle doit couvrir tous les acteurs de l’industrie

maritime. La synergie est définie comme étant la « mise en commun de plusieurs actions

concourant à un effet unique avec une économie de moyens »54. Elle se rapproche en cela de la

culture de sécurité.

A ces méthodes de prévention, qui doivent prendre racine à l’intérieur des entreprises

maritimes, doivent s’ajouter des règles générales de bien-être des gens de mer. En effet, si le

comportement d’un équipage peut varier en fonction notamment de la culture de sécurité qu’il a

reçue, ces efforts auront été vains s’il n’est pas en bonne forme physique et psychique. Pour

éviter les accidents et leurs conséquences – dans notre cas les pollutions par hydrocarbures –, il

est donc nécessaire que le droit combatte lui aussi au côté de la prévention (B).

B/ Vers une évolution nécessaire du droit social maritime ?

L’OMI a considéré l’année 2010 comme étant l’année des gens de mer. A cette occasion,

le Secrétaire général de l’OMI en fonction, M. Efthymios Mithropoulos nous a rappelé ceci :

« Le métier de marin, difficile et exigeant, s'accompagne de tensions et de risques

particuliers. À la fin d'une longue journée éprouvante, impossible de rentrer chez soi pour

retrouver sa famille ou bien aller boire un verre avec des amis ; impossible de changer de

cadre, de se distraire, de se détendre ou de décompresser comme il faut. Juste le

bourdonnement incessant des machines et le mouvement perpétuel du navire, lequel est à la fois

lieu de travail et lieu de vie, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, pendant plusieurs semaines,

voire plusieurs mois d'affilée ; et toujours présente dans un recoin de l'esprit, l'idée qu'un revers

de la nature ou autre – une attaque de pirates, l'immobilisation injustifiée du navire ou

l'abandon dans un port étranger – est possible ».

A Saint-Nazaire, l’exposition Seamen’s club qui se tient du 24 mai au 8 septembre 2013

conforte ces propos du Secrétaire général de l’OMI. Dans un des cours-métrages que nous

propose l’auteur réalisateur Marc Picavez, nous voyons des bénévoles français accompagner des

marins étrangers vers le foyer d’accueil, qui est situé loin du port (afin notamment qu’ils aient

un accès à internet pour contacter leurs familles). Ces marins sont filmés le temps du trajet et

53 Intervention de Jean-Pierre Clostermass, professeur à l’ENSM, lors du colloque sur le thème « Facteur humain et sécurité maritime » organisé au Havre les 26 et 27 janvier 2011. 54 Dictionnaire Le Larousse.

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nous pouvons entendre l’un d’entre eux dire à ses collègues : « J’espère qu’ils ne vont pas nous

abandonner ici, je ne saurais même pas retrouver la route pour rejoindre le navire ».

Le travail en mer sera toujours particulier, en comparaison avec le travail terrestre. Il

reste toutefois accompli par des hommes qui, même s’ils sont marins, ont les mêmes attitudes

que des travailleurs terrestres. Arrêtons nous ici afin d’observer ce jugement de bon sens : un

travailleur qui aime son métier ne prendra plaisir à le faire consciencieusement qu’à la seule

condition qu’on lui donne les outils pour accomplir correctement ce travail. Si les marins se

sentent en confiance vis-à-vis de leur employeur, s’il y a une bonne ambiance sur le pont55, s’ils

sont reposés, s’ils ont pu parler à leur famille – voir le rôle fondamental de Skype dans ce

domaine –, ils seront plus aptes à agir efficacement contre une situation de crise que des marins

qui n’ont aucun de ces éléments. Le bien-être des marins contribue donc à renforcer la sécurité à

bord du navire.

L’Organisation internationale du travail (OIT), institution spécialisée des Nations Unies,

est l’un des acteurs fondamentaux de l’amélioration de ce bien-être. En élaborant en 2006 la

Convention sur le travail maritime56, quatrième pilier international maritime aux côtés des

conventions SOLAS, MARPOL et STCW, l’OIT a confirmé sa volonté d’instituer un instrument

juridiquement contraignant permettant d’instaurer des conditions de vie et de travail décentes

pour tous les gens de mer57. Cela en vue d’établir des conditions de concurrence équitables dans

le secteur maritime au niveau mondial. Après que l’Union européenne ait autorisé les Etats

membres à ratifier la convention58, la France a sauté le pas avec une loi du 29 novembre 201259.

De cette convention qui est entrée en vigueur le 22 août 2013, nous pouvons citer la Règle 2.3

sur la durée du travail ou du repos. Elle dispose que « pour définir les normes nationales, tout

Membre prend en compte les dangers qu’entraîne une fatigue excessive des gens de mer,

notamment de ceux dont les taches ont une incidence sur la sécurité de la navigation […] ». De

même, à la règle 2.7 sur les effectifs, « tout navire doit avoir à bord un équipage suffisant, en

55 Sur le navire Rays, que nous avons déjà pris en exemple dans la première section, un philippin critiquait le second capitaine, grec : « Blah blah blah, after work : this is grec people », nous faisant comprendre qu’il n’aimait pas la façon de travailler de son collègue de travail. Ces tensions peuvent être décuplées dans les moments de crise. 56 Dite MLC (maritime labour convention) ou CTM. 57 L’article L 5511-1 du Code des transports définit les gens de mer comme suit : « Tout marin ou toute autre personne exerçant, à bord d’un navire, une activité professionnelle liée à son exploitation ». 58 Décision 2007/431/CE du 7 juin 2007 du Conseil autorisant les Etats membres à ratifier, dans l’intérêt de la Communauté européenne, la Convention du travail maritime, 2006, de l’Organisation internationale du travail. 59 Loi n°2012-1320 du 29 novembre 2012 autorisant la ratification de la Convention du travail maritime de l’Organisation internationale du travail. Son article unique dispose : « Est autorisée la ratification de la Convention du travail maritime 2006 (ensemble quatre annexes), adoptée à Genève, le 7 février 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi ».

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nombre et en qualité, pour assurer la sécurité et la sûreté du navire et de son personnel […] ».

Les quatre premiers titres de cette convention fixent les règles concernant les conditions

minimales d’accès à la profession, les conditions d’emploi, le logement, les loisirs et le service

de table, la protection de la santé, les soins médicaux, la protection sociale et le bien-être. Le

professeur Patrick Chaumette estime sur ce dernier point que « la prise en compte du bien-être

au travail et de la protection de la santé et de la sécurité apparaît excessivement moderne, vis-

à-vis de l’évolution des conditions de travail, de développement du stress »60. Un des apports les

plus importants reste l’instauration de la procédure de plainte à terre. Un rapport du Bureau

international du travail (BIT) 61, secrétariat permanent de l’OIT à Genève, nous indique que « la

convention devrait aboutir à la mise en place de règles du jeu équitables ». Il ajoute que, « par

suite [des] orientations tripartites et de la forte participation des gouvernements, les

dispositions du fonds de la convention sont conçues pour protéger les droits des marins tels

qu’ils sont énoncés dans les conventions existantes mais d’une façon qui les rend acceptables

par tous les gouvernements et tous les armateurs soucieux d’assurer des conditions de travail

décentes aux gens de mer ».

Les différentes modifications apportées à la Convention STCW, notamment en 2010 à

Manille, ont elles aussi contribué à établir un meilleur ordre juridique du bien-être des marins.

Une directive du 21 novembre 201262 tient compte de ces modifications. Elle dispose

notamment qu’ « en vue de prévenir la fatigue, les Etats membres établissent des périodes de

repos en ce qui concerne les membres du personnel chargés du quart et ceux qui effectuent des

tâches liées à la sécurité, à la sûreté et à la prévention de la pollution […] . En vue de prévenir

l’abus d’alcool, les Etats membres établissent […] une concentration maximale dans l’haleine

de 0,25 mg/l […] pour les capitaines, les officiers et d’autres gens de mer auxquels sont

confiées certaines taches liées à la sécurité, à la sûreté et à la protection du milieu marin ». La

revue Droit maritime français nous rappelle à juste titre qu’aucun texte précis dans le même

sens n’existe en droit aérien, et que le droit français fixe l’alcoolémie maximale pour les

conducteurs de véhicules automobiles à 0,5 mg/l63.

60 CHAUMETTE P., « La Convention OIT du travail maritime en mouvement », Neptunus, Centre de droit maritime et océanique, Université de Nantes, Vol. 17, 2011/3. 61 Rapport I (1A) de la Conférence internationale du travail, 94ème session, « Adoption d’un instrument consolidé regroupant les normes du travail maritime », 2006. 62 Directive 2012/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 modifiant la directive 2008/106/CE concernant le niveau minimal de formation des gens de mer. 63 Le Droit Maritime Français, juin 2013, hors série, n°17, page 14.

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L’importance du Code ISM (International safety management code) est également à

rappeler. Il est né des suites de l’accident du Herald of free entreprise64. Amaury Meullenaere,

professeur à l’ENSM, considère qu’« il s’agit sans nul doute de l’avancée la plus importante en

matière de prévention de l’accident maritime si son intérêt est bien compris et son application

judicieuse ».

Les inspecteurs de l’Etat du port et ceux du travail maritime coopèrent pour que toutes

ces normes soient respectées. Dans son avis du 13 septembre 2006 sur le troisième paquet de

mesures relatives à la sécurité maritime65, le Conseil économique et social européen (CESE) se

félicitait « que la directive66 introduise l'inspection des conditions de travail à bord, car le

facteur humain joue souvent un rôle important dans les accidents maritimes ». Il appuie sur le

fait que « l'inspection des conditions de vie et de travail des marins à bord et de leurs

qualifications exige un renforcement des effectifs d'inspecteurs ayant des compétences

particulières en la matière ». Le CESE, à nouveau consulté le 11 juillet 201267, ajoute qu’ « une

formation adéquate des inspecteurs sera donc nécessaire afin qu’ils disposent des capacités leur

permettant de procéder au contrôle de l’application de la CTM lorsque celle-ci entrera en

vigueur ».

§2. Etablir des moyens techniques pour limiter les erreurs

Nous allons voir qu’en matière de bonne conduite des navires en mer, les centres

régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage – les CROSS – jouent un rôle très

important de prévention des comportements à risque (B). Ce rôle vient compléter les dispositifs

d’aide à la navigation, éléments essentiels de la prévention des événements de mer (A).

A/ Les aides à la navigation, un moyen précieux pour les marins d’éviter les accidents

Dans son ouvrage sur la sécurité maritime, Philippe Boisson nous rappelle qu’il existe

deux types d’aide à la navigation : les aides à la navigation, qui sont des dispositifs extérieurs

64 Ferry qui a chaviré le 6 mars 1987 au large du port de Zeebruges. 65 JO C 318 du 23 décembre 2006, p. 195-201. 66 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au contrôle par l’Etat du port, COM(2005) 588 final - 2005/0238 (COD). 67 Avis du CESE sur la « Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 2009/16/CE relative au contrôle par l'État du port », COM(2012) 129 final - 2012/62 (COD), sur la « Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux responsabilités de l'État du pavillon en ce qui concerne le respect de la directive 2009/13/CE du Conseil du 16 février 2009 portant mise en œuvre de l’accord conclu par les Associations des armateurs de la Communauté européenne (ECSA) et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) concernant la Convention du travail maritime, 2006, et modifiant la directive 1999/63/CE», COM(2012) 134 final - 2012/65 (COD).

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aux navires, et les aides de navigation, qui sont des matériels ou équipements qui se trouvent à

bord des navires68. L'invention des aides de navigation ne date pas du XXIème siècle. Les marins

eux-mêmes n'ont pas la mémoire assez longue pour se souvenir de leur apparition. Les astres, en

l'absence de nuage, ont toujours été de fidèles amis et continuent de l'être en cas de black-out sur

le navire. L'estime, « méthode traditionnelle de navigation qui consiste à positionner le navire à

partir du dernier point fiable connu »69, reste également utilisée en cas de mauvaise visibilité ou

en l'absence d'autres aides de navigation. Toutes ces techniques « ancestrales » ont été

complétées par des dispositifs plus techniques. Certains auteurs vont alors jusqu'à parler de

coopération entre l'homme et la machine (2°). Ces dispositifs ne sauraient profiter pleinement à

la sécurité en mer sans les aides à la navigation (1°).

1° De l’importance de la signalisation maritime

La signalisation maritime est l’un des piliers de la prévention des accidents en mer, les

navires ayant peu de repères visuels naturels lorsqu’ils naviguent. Elle permet à l’équipage de se

situer ou de repérer les dangers à la navigation et n’a pas un caractère obligatoire : le navigateur

l’interprète en fonction de ses propres contraintes70. Dès 1960, la première des conventions

SOLAS prévoit que « les gouvernements contractants conviennent d’assurer l’installation et

l’entretien d’aides à la navigation […] dans la mesure où, à leur avis, ces aides se justifient par

l’intensité de la navigation et par le degré de risque »71. Il n’est pas étonnant que cette

disposition se trouve dans la Convention SOLAS, la signalisation maritime permettant en

premier lieu, avant d’éviter les pollutions, d’assurer la sécurité des gens de mer. L’article 24 de

la Convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer dispose quant à lui que « l’Etat

côtier signale par une publicité adéquate tout danger pour la navigation dans sa mer

territoriale dont il a connaissance ». La France dispose ainsi de 6400 aides à la navigation, dont

120 phares72. Le bureau des phares et balises est chargé de les tenir en bon état et de les mettre à

jour. Il participe également aux travaux de l’Association internationale de signalisation maritime

(AISM)73. L’AISM a notamment contribué, avec l’OMI, à unifier les législations nationales en

matière de signalisation. De trente systèmes de balisage après guerre, nous sommes ainsi passé à

68 BOISSON P., Politiques et Droit de la Sécurité Maritime, Paris, Bureau Veritas, 1998, p. 401. 69 Centre d'études techniques maritimes et fluviales, « Signalisation maritime, Documentation technique, Principes de base des dispositifs d'aide à la navigation maritime », janvier 2002, p. 3. 70 Centre d'études techniques maritimes et fluviales, « Signalisation maritime, Documentation technique, Principes de base des dispositifs d'aide à la navigation maritime », janvier 2002, p. 7. 71 Convention SOLAS de 1960, règle 14 du chapitre V sur la sécurité de la navigation. 72 Mer et littoral, « La signalisation maritime », 14 décembre 2009, www.développement-durable.gouv.fr. 73 L’AISM est une association non gouvernementale fondée en 1957. Elle regroupe les services chargés dans le monde de l’installation et de l’exploitation d’aides à la navigation visuelles, sonores et radioélectriques. Elle bénéficie du statut consultatif auprès de l’OMI et émet des recommandations.

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deux systèmes, A et B74, qui s’appliquent chacun dans des zones géographiques bien

déterminées. Cette simplification évite les erreurs d’appréciation et surtout réduit les

contradictions qui existaient auparavant.

Les aides à la navigation sont extrêmement diverses, et les établissements de

signalisation maritime (ESM) en constituent le réseau. Ces établissements sont dits actifs

lorsqu’ils sont sur un support fixe ou flottant émettant un signal lumineux, sonore,

radioélectrique ou provenant d’un UAIS75. Ils sont passifs lorsqu’ils sont identifiables par leur

couleur, leur forme, leur hauteur, leur inscription ou bien encore un voyant. Les ESM sont

établis après une procédure de mise en place et indiqués sur les documents nautiques. Ils doivent

ensuite être entretenus ; la responsabilité du propriétaire ou du gestionnaire peut être engagée en

cas de défaut d’entretien normal.

Dans le prolongement de la signalisation maritime, les Etats Parties à la Convention

SOLAS doivent assurer un service météorologique. Elles s’engagent notamment à « avertir les

navires des coups de vent, tempêtes […], tant par la transmission de messages par voie radio-

électrique que par l’usage de signaux appropriés sur des points de côte » et à transmettre

quotidiennement des bulletins météorologiques à l’usage de la navigation76. Ce service, assuré

en grande partie par les Etats côtiers, est indispensable : une étude de l’OMI nous rappelle qu’un

tiers des accidents maritimes s’est produit par grosse mer et vents forts77. L’article 18 de la

directive 2002/59/CE du 27 juin 200278 ajoute que « si les autorités compétentes désignées par

les Etats membres estiment, lorsque des conditions météorologiques ou l’état de la mer sont

exceptionnellement défavorables, qu’il existe un risque grave de pollution de leurs zones

maritimes ou côtières ou des zones maritimes ou côtières d’autres Etats ou que la vie humaine

est menacée […] elles peuvent prendre […] toutes les autres mesures appropriées, qui peuvent

inclure une recommandation ou une interdiction, visant soit un navire particulier soit les

navires en général, d’entrer dans le port ou d’en sortir dans les zones touchées, jusqu’à ce qu’il

ait été établi qu’il n’existe plus de risque pour la vie humaine et/ ou l’environnement ».

74 Le système B concerne le Japon, la Corée, les Philippines et le continent américain (Antilles-Guyane compris). 75 Système d’identification automatique universel. 76 Convention SOLAS de 1960, règle 4 du chapitre V sur la sécurité de la navigation. 77 BOISSON P., Politiques et Droit de la Sécurité Maritime, Paris, Bureau Veritas, 1998, p. 412. 78 Directive 2002/59/C3 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002 relative à la mise en place d’un système communautaire de suivi du trafic des navires et d’information, et abrogeant la directive 93/75/CEE du Conseil.

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2° De l'importance de la coopération homme-machine

En complément de la signalisation maritime, se trouvent à bord des navires des systèmes

de radionavigation. Ils sont composés du positionnement par satellites – GPS, GLONASS – et

des systèmes à base terrestre – Loran C79, radiogoniométrie80. Les cartes marines sont également

utilisées, qu’elles soient en papier ou électroniques. L’ECDIS81, base de données officielle

régulièrement tenue à jour, permet de s’affranchir de l’utilisation de la carte papier dans les

grands ports et sur les grandes routes maritimes. Selon Gabriele Mocci82, l’AIS 83 – Automatic

Identification System – permet lui aussi d’augmenter la sécurité en mer. Il s’agit d’un appareil

d’échange qui utilise les ondes radio très haute fréquence (VHF). Il est connecté aux autres

appareils de navigation du navire et envoie automatiquement, à intervalle régulier, une série

d’informations permettant aux autres navires et aux systèmes de surveillance basés sur les côtes

de le localiser précisément. Il renseigne également sur sa cargaison, sa destination…84 A travers

la directive 2002/59/CE précitée85, l’Union européenne souhaite « instituer dans la

Communauté un système de suivi du trafic des navires et d’information en vue d’accroitre la

sécurité et l’efficacité du trafic maritime » pour les navires d’une jauge brute égale ou

supérieure à 300. Pour cela, son article 6 dispose que « tout navire faisant escale dans un port

d’un Etat membre doit être équipé [selon un calendrier] de l’AIS répondant aux normes de

performance mises au point par l’OMI ».

L’équipage doit savoir utiliser correctement les instruments de navigation dont il

dispose car leur efficacité dépendra de la qualité de son intervention. Certains auteurs ont donc

été jusqu’à parler de coopération homme-machine. Les auteurs Woods et Hollnagel avancent

ainsi que de bonnes interactions aident à bien formuler le problème, à générer des plans, à

79 ENMM Marseille : Le Loran (long range navigation system) C est un système hyperbolique à grande portée composé d’une chaîne d’émetteurs terrestres travaillant dans la gamme LF (100Khz). Le système permet une mesure automatique continue du signal délivrant une position en latitude et longitude. Créé par l’US Coast Guard en 1950, le réseau couvre l’Atlantique et le Pacifique Nord. Transférée aux nations hôtes en janvier 1995, les chaînes de l’Atlantique Nord font l’objet d’une modernisation : Nels (Northwest european Loran-C system). Ce système tend à être abandonné au profit du GPS et ne se trouve pratiquement plus sur les navires. 80 Méthode qui consiste à déterminer la direction d'arrivée d'une onde électromagnétique. Dans le domaine maritime, elle permet de déterminer une position. 81 Electronic Chart Diplay and Information System. 82 M. Mocci est responsable des études sur les télécommunications maritimes à haut débit au centre Telespazio. 83 Le site www.marinetraffic.com/ais/fr permet de découvrir de façon très interactive le système, et de localiser les navires pourvus de ce type de technologique. 84 Research*eu Numéro spécial mer, « Politique maritime, l’océan dans tous ses états », décembre 2007, p. 41. 85 Directive 2002/59/C3 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002 relative à la mise en place d’un système communautaire de suivi du trafic des navires et d’information, et abrogeant la directive 93/75/CEE du Conseil.

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déterminer la bonne question à poser et à chercher et évaluer les réponses possibles86.

L’équipage ne doit donc pas seulement être une interface entre ces instruments et son

environnement : il doit coopérer avec eux.

B/ Les CROSS, élément clé de la prévention des comportements à risque

Grâce à leurs prérogatives de surveillance de la navigation (1°) et de notification des

quasi-accidents, incidents et accidents (2°), les CROSS contribuent à la sécurité maritime et

donc à la lutte contre les pollutions par hydrocarbures. Ils sont un acteur important dans la

prévention des comportements à risque, comportements que nous avons étudiés dans le premier

paragraphe de cette section consacrée au facteur humain.

1° De l’importance de la bonne conduite en mer

En France, cinq CROSS sont actifs en métropole – Gris-Nez, Jobourg, Corsen, Etel et

Méditerranée –, deux le sont outre-mer – Antique-Guyane et RU (océan Indien). Ils doivent

conduire des missions de sécurité maritime, notamment coordonner les opérations de sauvetage

en mer (mission SAR87) et surveiller le trafic maritime (mission SURNAV). C’est cette dernière

mission qui va, dans le cadre de ces développements, nous intéresser.

Les CROSS sont, au sens de la Convention SOLAS, des services de trafic maritime

(STM). Ils doivent s’assurer que les navires respectent les règles de navigation des dispositifs de

séparation du trafic (DST)88. Par leur mission de sécurisation de la navigation, ils contribuent à

prévenir les comportements à risque, les évènements de mer et par là même les pollutions ; ils

complètent l’attention de l’équipage. Les DST sont considérés comme de véritables autoroutes

maritimes et mettent en place, dans les zones où le trafic maritime est particulièrement dense,

des voies de navigation. Les navires, en fonction de leur sens de circulation ou des marchandises

qu’ils transportent, devront emprunter une voie montante ou une voie descendante. Des voies à

double sens existent également. Tous les navires qui pénètrent dans la zone d’applicabilité d’un

service de trafic maritime doivent se conformer aux règles de ce STM. C’est ce qui ressort de

l’article 8 de la directive 2002/59/CE précitée89, avec toutefois une nuance : « les navires battant

86 Confere l’étude de Woods réalisée en 1990 sur l’expression Joint cognitive systems. 87 Confere Convention sur la recherche et le sauvetage maritime de 1979 (SAR), chap.2.1.10 : les Etats doivent être en mesure de fournir asssistance à toute personne en détresse. 88 Le Président Valéry Giscard d’Estaing, le 8 février 1977 à Vannes, déclarait que « la circulation maritime dans les zones vulnérables (notamment au large d’Ouessant) serait canalisée dans des parcours obligatoires ». 89 Directive 2002/59/C3 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002 relative à la mise en place d’un système communautaire de suivi du trafic des navires et d’information, et abrogeant la directive 93/75/CEE du Conseil.

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pavillon d’un Etat tiers et ne faisant pas route vers un port d’un Etat membre qui pénètrent dans

une zone couverte par un STM en dehors des eaux territoriales d’un Etat membre suivent, pour

autant que possible (souligné par nous), les règles de ce STM ».

En France90, les DST d’Ouessant, des Casquets et du Pas-de-Calais ont été adoptés par

l’OMI conformément aux dispositions de la Convention COREG91 et à la règle 10 du chapitre V

de la Convention SOLAS. Le CROSS Corsen est chargé de la surveillance du DST d’Ouessant,

où plus de 47 000 navires d’une jauge supérieure à 300 ont navigué en 2011. Trois pour cent de

ces navires transportaient du brut, dont le pétrolier Al Jabriyah II de 333 mètres de long. Le

bilan d’activités 2011 du CROSS Corsen nous apprend que les situations rapprochées ou

potentiellement dangereuses dans le DST d’Ouessant ont pour source une mauvaise appréciation

de la situation nautique (par exemple un manque d’anticipation dans la manœuvre des navires)

ou une absence de veille de l’équipage. A cela peut s’ajouter le manque de communication entre

hommes de quart aux passerelles des navires, notamment lorsqu’une situation rapprochée

nécessite des échanges en anglais. Le CROSS regrette ainsi le manque de communication

directe entre navire de pêche et navire de commerce : il sert trop souvent d’intermédiaire afin de

s’assurer que la situation nautique est bien comprise et que le risque de collision est bien

anticipé par chacun. Les CROSS Jobourg et Griz-Nez surveillent quant à eux les DST Casquets

et Pas-de-Calais. Pour les aider dans leur mission, quatorze sémaphores de la Marine nationale

assurent une veille visuelle et VHF.

2° De l’importance de la notification des quasi-accidents, incidents et accidents

Conformément au Code ISM92, toutes les situations dangereuses donnent lieu à des

notifications de quasi-accidents qui sont transmises par le CROSS aux armateurs des navires

concernés. Ces derniers pourront alors analyser les causes de ces situations et y apporter les

actions coercitives nécessaires. Le CROSS Corsen distingue deux types de situations

dangereuses93 :

- Les situations rapprochées, dans lesquelles l’évolution de deux ou plusieurs navires

peut engendrer un risque d’abordage. Elles déclenchent une procédure de notification de la

situation à l’armateur du navire, à la société de classification qui suit le navire au titre du Code

90 Arrêté du 8 mars 1985 relatif aux dispositifs de séparation du trafic visés à la Convention sur le règlement international de 1972 pour prévenir les abordages en mer. 91 Règle 1d de la Partie A de la Convention COLREG de 1972 : L’organisation peut adopter les dispositifs de séparation du trafic aux fins des présentes règles. 92 Recommandation OMI concernant la notification des quasi-accidents MSC-MEPC.7/Circ.7 annexée au Code ISM depuis le 1er janvier 2010. 93 Bilan d’activités CROSS Corsen 2011.

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ISM et à l’Etat du pavillon ou à la délégation à la mer et au littoral d’immatriculation du navire

si celui-ci est français. En 2011, 22 situations rapprochées ont été constatées dans la zone

d’intervention du CROSS Corsen.

- Les situations potentiellement dangereuses, dans lesquelles un navire du fait de son

comportement peut mettre en danger sa propre sécurité ou celle des navires situés alentours.

Elles peuvent également faire l’objet de notification. Sur 69 situations potentiellement

dangereuses en 2011 sur la zone du CROSS Corsen, 54 impliquaient un navire de commerce et

un navire de pêche, 12 deux navires de commerce.

De la même façon, conformément à l’article 17 de la directive 2002/59/CE, « les Etats

membres assurent un suivi et prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que le

capitaine d’un navire naviguant dans leur zone de recherche et de sauvetage, leur zone

économique exclusive ou une zone équivalente signale immédiatement au centre

géographiquement compétent : a) tout incident ou accident portant atteinte à la sécurité du

navire […], b) tout incident ou accident qui compromet la sécurité de la navigation […], c)

toute situation susceptible de conduire à une pollution des eaux ou du littoral d’un Etat membre,

telle qu’un rejet ou un risque de rejet de produits polluants à la mer […] ».

Par ces missions de réception des notifications dont le CROSS est chargé, la sécurité de

la navigation maritime est par là aussi renforcée.

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Chapitre 2. Les systèmes de lutte contre la pollution par hydrocarbures

La pollution par hydrocarbures peut être d’une ampleur considérable, si bien que l’action

d’un seul acteur ne peut suffire à y faire face. Tout comme en matière de prévention des

accidents, le monde maritime a dû apprendre à coordonner son action pour agir efficacement sur

la pollution : il s’agit ici de « prévenir les dommages »94. La partie XII de la Convention de

Montego Bay dispose dans son article 194 : « Les Etats prennent, séparément ou conjointement

selon qu’il convient, toutes les mesures compatibles avec la Convention qui sont nécessaires

pour […] maîtriser la pollution du milieu marin, quelle qu’en soit la source ; ils mettent en

œuvre à cette fin les moyens les mieux adaptés dont ils disposent, en fonction de leurs capacités,

et ils s’efforcent d’harmoniser leurs politiques à cet égard […]. Les mesures prises […]

comprennent notamment les mesures tendant à limiter autant que possible […] la pollution par

les navires, en particulier les mesures visant […] à faire face aux cas d’urgence […] ».

Avant que ces grandes lignes ne soient tracées, les traditions maritimes organisaient déjà

la réponse aux cas d’urgence. Ces pratiques se sont « conventionnalisées » et la coopération

entre les acteurs du monde maritime s’est organisée (Section 1). Nous verrons qu’en droit

interne français, le rôle de la sécurité civile est primordial en cas de lutte contre la pollution par

hydrocarbures (Section 2).

Section 1. Une coopération nécessaire de tous les acteurs du monde maritime

Si nous devions comparer l’accident maritime à une fleur, le bouton floral regrouperait

les marins, le navire et sa marchandise. Chaque acteur influençant ce bouton serait un pétale.

Faire face un cas d’urgence, c’est réussir à conserver la fleur intacte. Pour cela, la coopération

entre tous les acteurs du monde maritime se révèle particulièrement fructueuse. Elle commence

le plus souvent à petite échelle : l’équipage tente de sauver le navire et les marchandises, et un

autre navire lui vient en aide. Ces premières actions de secours sont fondamentales (§1). Autour

d’elles, de nombreux acteurs vont se greffer pour en venir parfois, en cas de menace grave, à

une coopération internationale (§2). Quelque soit le cas, l’enseignement tiré de la Convention

internationale de 1990 sur la préparation, la lutte et la coopération en matière de pollution par

hydrocarbures est à garder à l’esprit tout au long des actions de secours : « des mesures

94 REMOND-GOUILLOUD M., Droit maritime, 2ème édition, Paris, Pedone, Etudes internationales, 1993, p.223.

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promptes et efficaces sont essentielles pour limiter les dommages qui pourraient résulter » d’un

évènement de pollution par hydrocarbures95.

§1. L’importance des premières actions de secours

Lorsqu’un navire contient des hydrocarbures (marchandises ou soutes), il doit pouvoir

réagir en autonomie face à un accident. L’obligation d’avoir à bord un plan SOPEP a donc été

créée (A). L’ancienne obligation d’assistance ancrée dans les traditions maritimes a quant à elle

été encadrée en vue d’une action plus efficace (B).

A/ SOPEP : plans d’urgence sur la pollution par hydrocarbures à bord des navires

La Convention MARPOL96 oblige les navires de plus de 400 tonnes de jauge brute

(TGB97) et les pétroliers de plus de 150 TJB à se munir d’un plan d’urgence dans le cas où des

hydrocarbures seraient rejetés à la mer. La Convention de 1990 précitée rappelle cette obligation

dans son article 398. Les propriétaires de ces navires99 sont chargés d’élaborer le SOPEP –

shipboard oil pollution emergency plan. Il est ensuite transmis au capitaine et à toutes les

personnes intéressées par la direction du navire. Chaque plan est créé conformément aux lignes

directrices fixées par l’OMI100. Ces guidelines visent à assister les propriétaires de navires dans

la préparation de leur plan. Ils aident également les gouvernements dans la transposition de ces

recommandations en droit interne. Le plan doit ainsi être réaliste, pratique et facile à utiliser. Il

95 Convention internationale de 1990 sur la prévention, la lutte et la coopération en matière de pollution par hydrocarbures. Convention conclue à Londres le 30 novembre 1990, ratifiée par la France le 6 novembre 1992. Le 13 mai 1995, la convention entre en vigueur pour la France et 18 autres Etats dont les Etats-Unis. Elle a connu un véritable succès puisque près de 100 Etats en font partie. 96 Règle 26 de l’Annexe 1 de Marpol 73/78. 97 Gross tonnage : tonnage brut du navire. C’est le volume total du navire. 98 Article 3.1 de la Convention de 1990 sur la préparation, la lutte et la coopération en matière de pollution par hydrocarbures : « a) Chaque Partie exige que les navires autorisés à battre son pavillon aient à bord un plan d’urgence de bord contre la pollution par les hydrocarbures selon les prescriptions et conformément aux dispositions adoptées à cette fin par l’Organisation [l’OMI] . b) Un navire tenu d’avoir à bord un plan d’urgence de bord contre la pollution par les hydrocarbures conformément à l’al. a), lorsqu’il se trouve dans un port ou un terminal au large relevant de la juridiction d’une Partie, est soumis à une inspection par les agents dûment autorisés de cette Partie, conformément aux pratiques prévues par les accords internationaux existants ou dans sa législation nationale ». Les Parties exigent également qu’aient un tel plan les exploitants d’unité au large et les autorités ou exploitants ayant la charge des ports maritimes et installations de manutention d’hydrocarbures relevant de sa juridiction. 99 En anglais shipowner. Nous entendrons ici ce terme par la personne chargée de s’occuper des intérêts du navire. Il peut s’agir du propriétaire, de l’armateur ou de l’affréteur du navire. 100 Ces lignes sont précisées dans différentes résolutions. Guidelines for the development of shipboard oil pollution emergency plan est créé par la résolution MEPC.54(32) amendée par la résolution MEPC.86(44). Guidelines for the development of shipboard marine pollution emergency plans of oil and/or noxious liquid substances est créé par la résolution MEPC.85(44).

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doit être compris par le personnel encadrant du navire, que ce personnel soit embarqué ou à

terre. Enfin, il doit être évalué et mis à jour régulièrement101.

Le plan conseille le capitaine sur la façon de réagir aux cas de pollution par

hydrocarbures afin de prévenir ou d’en minorer les effets négatifs. A bord, il se trouve sous

forme d’un classeur comportant, outre les dispositions légales, une feuille récapitulative du rôle

de chaque membre d’équipage en cas de pollution. Cette feuille, très importante, est souvent

affichée dans plusieurs endroits du navire102. C’est le capitaine qui a la charge de communiquer

à l’Etat côtier une éventuelle fuite d’hydrocarbures, comme le rappelle la Cour de cassation

dans l’affaire Erika. L’annexe 2 du plan, également d’une grande importance, liste les personnes

à contacter en cas de problème (CROSS ou MRCC)103. Les consignataires, représentant de

l’armateur au port, peuvent être chargés de communiquer les mises à jour de cette annexe au

capitaine quand le navire fait escale104. Le SOPEP fait partie intégrante du certificat

MARPOL105 : ce dernier doit nécessairement être valable pour qu’un navire ait l’autorisation de

rentrer dans un port. Au grand port maritime de Nantes Saint Nazaire, la date de fin de validité

de ce certificat est indiquée par le capitaine sur la déclaration d’entrée du navire106.

Les navires de moins de 150 TGB doivent également, toujours selon la Convention

MARPOL107, détenir un plan d’urgence en cas de pollution marine par des substances liquides

toxiques108. Il peut être combiné avec le plan SOPEP, ce que recommande d’ailleurs l’OMI.

B/ L’obligation d’assistance

Extérieur au navire en détresse, le navire dit « sur zone » est le deuxième acteur principal

du navire en détresse. Autrefois exclusivement régi par la solidarité des gens de mer, son régime

s’est conventionnalisé et son indemnisation a été encadrée (1°). Nous verrons que le rôle positif

sur l’environnement joué par le navire sur zone a été particulièrement pris en compte (2°).

101 Point 1.4.3 de la résolution MEPC.54 (32). 102 Confere Annexe 8 : Plan SOPEP. Cette annexe est composée de la Spill response team (navire Emscarrier : les noms des marins ont été anonymés) et de différents documents faisant partie du plan SOPEP du navire Florence B. 103 Confere Annexe 9 : Annexe 2 du SOPEP (points de contact français pour les navires en cas de pollution par hydrocarbures). 104 Car la connexion internet des navires pour avoir accès aux mises à jour de l’Annexe 2 peut être inexistante (notamment pour les navires battant pavillon chinois) ou chère (dans le cas d’une connexion par satellite par exemple). 105 Certificat IOPP : International oil pollution prévention. Confere Annexe 10 : Date de fin de validité du certificat IOPP du navire Stadum (site internet du MOU, www.parismou.org). 106 Confere Annexe 2 : Inward declaration. Cette déclaration est envoyée au consignataire puis transmise à la capitainerie pour l’autorisation d’entrée. 107 Règle 17 de l’Annexe 2 de MARPOL. 108 Marine pollution emergency plan for noxious liquid substances.

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1° Le rôle décisif du navire sur zone et son indemnisation

La Convention sur l’assistance et le sauvetage maritimes de 1910 a été la première à

régir les relations entre le navire assisté et le navire assistant. A la suite de la catastrophe de

l’Amoco Cadiz, une nouvelle convention a été adoptée afin de prendre en compte les nouvelles

préoccupations environnementales : la Convention internationale de 1989 sur l’assistance109.

Elle s’applique lorsque « des actions judiciaires ou arbitrales relatives aux questions traitées

dans la […] convention sont introduites dans un Etat Partie »110, c’est-à-dire a posteriori de

l’opération d’assistance. Deux objectifs sont mis en valeur dans cette convention : inciter de

façon adéquate « les personnes qui entreprennent des opérations d’assistance à l’égard de

navires et d’autres biens en danger »111, et permettre à l’Etat côtier de donner des

instructions112. Nonobstant son application a posteriori, les objectifs de la convention se

concrétisent en amont de l’opération d’assistance : la convention, qui règle une grande partie des

questions relatives aux obligations de chacune des Parties concernées, encadre l’assistance113.

Elle réaffirme d’obligation qu’ont les capitaines de navire de prêter assistance à toute personne

en danger de disparaître en mer. Nous regretterons ici que cette obligation ne soit rappelée qu’à

l’article 10, alors qu’il s’agit du point de départ de l’assistance.

L’opération d’assistance est définie par la convention comme « tout acte ou activité

entrepris pour assister un navire ou tout autre bien en danger dans les eaux navigables ou dans

n’importe quelles autres eaux »114. Entre l’assistant et l’assisté, une relation naît, tantôt

considérée selon les auteurs comme un contrat115, un quasi-contrat116, un consortium

d’intérêts117 ou une obligation légale bien rémunérée118. La convention précise ainsi les

obligations de chacune des Parties. L’assistant doit notamment « effectuer les opérations

d’assistance avec le soin voulu » et « accepter l’intervention d’autres assistants lorsqu’il est

raisonnablement prié de le faire par le capitaine ou le propriétaire du navire ». L’assisté doit

quant à lui « coopérer pleinement avec [l’assistant] pendant les opérations d’assistance »119.

109 Convention de Londres du 28 avril 1989, dite Salvage 1989. 110 Article 2 de la Convention internationale de 1989 sur l’assistance. 111 Dispositions préliminaires de la Convention internationale de 1989 sur l’assistance. 112 Article 9 de la Convention internationale de 1989 sur l’assistance. 113 L’article 6 de la Convention internationale de 1989 sur l’assistance dispose toutefois que « la présente Convention s’applique à toute opération d’assistance sauf dans la mesure où un contrat en dispose autrement, soit expressément, soit implicitement ». 114 Article premier (a) de la Convention internationale de 1989 sur l’assistance. 115 DEMOGUE, Traité des obligations III, n°69. 116 DANJON, Tome IV, n°1377, p.99. 117 RIPERt, Traité Tome III, n°2177. 118 RODIERE, Traité, Evènements de mer, n°208, p.234. 119 Article 8 de la Convention internationale de 1989 sur l’assistance.

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Comme nous l’avons déjà rappelé, la convention souhaite promouvoir l’assistance de

façon adéquate. Deux types d’assistance sont ici à distinguer. Alors que le sauvetage des

personnes est bénévole, l’incitation à prêter assistance aux biens (navire ou marchandise) prend

la forme d’une rémunération, strictement encadrée dans ses conditions par les articles 12 et

suivants de la convention. Le principe est qu’une opération d’assistance qui a un résultat utile

donne droit à rémunération. Dans le cas contraire, aucun paiement n’est dû : c’est l’application

du principe no cure no pay.

Une convention d’assistance peut être formée tacitement, ou un contrat d’assistance

signé. Des contrats-types ont été créés afin d’en faciliter la conclusion, tel le « Lloyd’s open

form 2000 » 120. Il est défini par Jean-François Rebora comme « un contrat d’assistance régi par

le droit anglais et soumis à l’arbitrage du Comité spécialisé au Lloyd’s à Londres »121. En tête

de ce contrat est encadré, en grande majuscule, le principe No cure no pay, tel le garant

imprescriptible des contrats d’assistance. Ce contrat a par exemple été utilisé lors de

l’échouement de l’Artemis entre les armateurs du navire et la société d’assistance « Les Abeilles

International ».

2° L’importance donnée à la prévention des dommages liés à l’environnement

No cure no pay reste le principe fondamental de l’assistance. La Convention de 1989 a

cependant innové sur ce point afin de rendre l’assistance plus attractive : son article 14 prévoit

l’abandon de ce grand principe en offrant une indemnité spéciale à l’assistant lorsqu’il a effectué

des opérations d’assistance à l’égard d’un navire qui par lui-même ou par sa cargaison menaçait

de causer des dommages à l’environnement, même si l’opération d’assistance ne permet pas de

sauver le navire. Comme le souligne Pierre Bonassies dans son commentaire de la convention,

ce sont les professionnels qui, dès 1980 dans la Lloyd’s open form, « ont reconnu à l’assistant

portant secours à un pétrolier le droit, malgré l’échec de ses efforts, à une indemnité spéciale

égale au montant des dépenses par lui encourues »122.

Cette nouvelle importance donnée à la prévention des dommages liés à l’environnement

est également visible au travers des obligations de l’assistant et de l’assisté. Ces derniers doivent

« agir avec le soin voulu pour prévenir ou limiter les dommages à l’environnement »123.

120 Confere Annexe 11 : Lloyd’s standard form of salvage agreement. 121 Gazette de la chambre arbitrale de Paris, n°17, Automne 2008, p.7. 122 P. BONASSIES, in « Vingt ans de conventions internationales importantes », Institut méditerranéen des transports maritimes, Dossier, 1996, Marseille, Annales 1996, pp. 111-127. 123 Article 8 de la Convention internationale de 1989 sur l’assistance.

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§2. Une entraide tournée vers la protection de l’environnement

L’importance donnée à l’environnement dans le cadre de l’assistance est également

présente lors de l’accueil d’un navire en difficulté. La décision d’autoriser ce navire à rejoindre

un lieu de refuge est en effet prise au regard des différents enjeux environnementaux : risque-t-

on davantage à accueillir le navire ou à le laisser en mer (A) ? Quant aux accords de coopération

internationale, les prêts de matériels et de main d’œuvre qualifiée contribuent eux-aussi à une

meilleure protection de l’environnement (B).

A/ L’accueil des navires en difficulté

1° L’accueil des navires en difficulté au niveau international

La Convention de Genève du 9 décembre 1923 sur le régime international des ports

maritimes permet aux navires d’un Etat Partie, lorsqu’ils sont dans le port d’un autre Etat Partie

et sous condition de réciprocité, de se voir appliquer le même accès au port que les navires

nationaux. Néanmoins, cet accès n’est pas automatique : le Prestige est le témoin le plus

révélateur124. Le problème majeur auquel on se confronte reste cette peur inépuisable des ports

de voir leur domaine pollué sans personne pour les indemniser. Or se trouver en difficulté pour

un navire équivaut à terre à être paralysé. Les problèmes s’enchaînent sans que l’on ait le temps

d’y faire face.

Quand le navire a la chance de se trouver à proximité d’une façade maritime, il a la

possibilité de demander à ce qu’un abri lui soit indiqué et autorisé. Jusqu’ici ce lieu était le plus

souvent synonyme de port. Aujourd’hui, les conventions internationales parlent plus largement

de lieu de refuge. Il est clairement accepté par tous qu’il existe un droit coutumier : le navire en

détresse a toujours accès à un lieu de refuge si la vie humaine est en danger. Les marins pouvant

être aujourd’hui hélitreuillés, quid de l’accès à un lieu de refuge pour sauver le navire et sa

cargaison, et donc protéger l’environnement marin ?

La notion de lieux de refuge a été avancée par l’OMI en 2001. Le secrétaire général de

l’époque M. O’Neil nous rappelait ceci :

« Pour ce qui est des navires ayant besoin d’assistance, il s’agit de leur trouver un

endroit d’eaux abritées où la situation pourrait être stabilisée, la cargaison sauvée, les autorités

et les assistants pouvant ainsi évaluer quelles autres mesures sont à mettre en œuvre sans que la

124 L’accès au port de la Corogne lui avait été refusé.

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crise ainsi survenue ne puisse constituer une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes. Que les

autorités portuaires expriment leur souci de ne pas être exposées à des risques de pollution,

d’incendie ou d’explosion est tout à fait légitime et ne fait l’objet d’aucune contestation. Mais

en même temps, nous sommes en présence d’une situation qui ne disparaîtra pas d’elle-même et

qui doit, donc, être traitée. On ne saurait laisser une situation dégénérer et dans laquelle les

assistants, intervenant sur un navire accidenté portant une cargaison potentiellement

dangereuse, n’auraient nulle part où aller »125.

Le 5 décembre 2003, l’OMI adopte deux résolutions : la résolution A.949(23) sur les

directives sur les lieux de refuge pour les navires ayant besoin d’assistance, et la résolution

A.950(23)126 sur les services d’assistance maritime. L’Union européenne a complété ces

dispositions par une directive 2002/59/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002.

Relative à la mise en place d’un système communautaire de suivi du trafic des navires et

d’information, son article 20 nous livre ses prescriptions en matière de lieux de refuge. Les Etats

membres doivent ainsi établir « des plans en vue d’accueillir des navires en détresse dans les

eaux relevant de leur juridiction ». Ces plans doivent permettre de garantir que les navires en

détresse pourront se rendre immédiatement dans un lieu de refuge, l’autorisation de l’autorité

compétente étant toujours nécessaire127.

Si nous examinons la question de l’accueil des navires en difficulté au regard de la

Convention de Montego Bay, la question de l’accès des navires à un port est gouvernée selon le

régime des différentes zones maritimes : aucune exception relative aux navires en détresse n’est

prévue. Si un navire souhaite se rendre dans un port pour se mettre à l’abri, il rentre dans les

eaux intérieures de l’Etat côtier. Le droit de passage inoffensif n’est pas applicable à cette zone :

ici, l’Etat côtier jouit d’une souveraineté absolue et le navire a donc besoin d’une autorisation. Si

l’on se trouve en mer territoriale, les navires ont un droit de passage inoffensif. C’est-à-dire

qu’ils peuvent traverser cette zone si leur passage est continu et rapide. La CMB considère

qu’un navire qui cause une pollution délibérée et grave n’effectue pas un passage inoffensif : le

navire ayant besoin d’assistance ne relèverait pas de cette exception. Théoriquement, il pourrait

donc traverser une mer territoriale sans avoir à en demander l’autorisation. Rappelons ici le

devoir et le droit qu’a l’Etat côtier de protéger l’environnement. Aucune hiérarchie entre cette

protection et le passage inoffensif n’est établie par la CMB. Les Etats côtiers ont toutefois

125 O’Neil M. W., Secrétaire général de l’OMI, discours d’ouverture de la 22ème Conférence mondiale des ports de l’IAPH, Montréal, mai 2001. 126 C’est le décret n°2010-189 du 23 février 2010 qui porte publication de cette résolution en France. 127 En droit interne français, l’instruction du 29 juillet 2004 fait partie de ce plan.

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tendance à dire que le principe de protection est plus important. Dans la zone économique

exclusive, la liberté de navigation est similaire à celle de la haute mer. Elle peut éventuellement

être limitée pour préserver les intérêts de l’Etat côtier.

Certains navires se sont vu refuser l’accès à un port. C’est le cas de l’Altican Unity, qui a

pris feu alors qu’il souhaitait se rendre à Anvers (1977). L’entrée du Long Lin dans la mer

territoriale néerlandaise a quant à elle été interdite. Nous pouvons également citer le Stella Riga,

le Malacca et le Vicky. Parfois, les Etats souhaitent que le navire s’éloigne davantage. Le

Castor, suite à un problème technique, a cherché un accès à un port pendant 21 jours. Certains

Etats autorisent parfois l’échouement d’un navire en vue de prévenir les dommages qu’il

pourrait causer. Le Royaume Uni a choisi cette option lors de l’avarie du porte-conteneurs MSC

Napoli.

2° L’accueil des navires en difficulté au niveau interne

Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE128) aide les Etats, par sa

décision IG.17/10, à autoriser ou non l’accès à un lieu de refuge pour un navire ayant besoin

d’assistance. L’annexe V de cette décision invite les Etats côtiers méditerranéens à conférer à un

organe national le pouvoir de décider sur toute demande d’accès à un lieu de refuge. Il considère

que cet organe doit en premier lieu explorer la possibilité de traiter la situation d’urgence

pendant que le navire est en mer, et non pas accorder automatiquement l’accès à un lieu de

refuge. Si la décision est prise d’agir en mer, cet organe tient compte des conditions

météorologiques, de la flottabilité du navire, de la possibilité de transporter du matériel

d’assistance, de ses garanties ou cautions financières… Pour ce qui est de l’accueil du navire, ce

dernier doit fournir un certain nombre de renseignements qui influent sur la prise de décision

finale : fiche d’identité du navire, position, coordonnées des assureurs P&I du navire, éventuel

sinistre à bord ou dans le voisinage du navire.

En France, c’est l’article R.304-12 du Code des ports maritimes129 qui donne compétence

au préfet maritime (outre-mer, le délégué du gouvernement pour l’action de l’Etat en mer), pour

décider de l’accueil d’un navire en difficulté. Le préfet de département veille à l’exécution de

cette décision. Une instruction du 24 avril 2012 complète cet article en précisant les rôles de

128 Son acronyme anglais est l’UNEP, United Nations Environment Programme. 129 Article créé par le décret n°2012-166 du 2 février 2012 portant désignation des autorités administratives compétentes en matière d’accueil dans les ports des navires ayant besoin d’assistance.

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chaque autorité administrative compétente130. L’instruction du 29 juillet 2004 relative à l’accueil

des navires en difficulté dans des lieux de refuge oblige à ce qu’un inventaire complet de ces

lieux soit dressé. Les autorités maritimes et portuaires doivent également analyser de manière

objective les avantages et les inconvénients de l’accueil d’un navire. C’est-à-dire qu’il faut

pouvoir comparer les risques encourus si le navire reste en mer et ceux qu’il fera peser sur le

lieu de refuge et son environnement. Sont notamment pris en compte la facilité d’accès, les

capacités de réparation et la présence de zones sensibles. Cette comparaison est effectuée par

une cellule d’évaluation composée des affaires maritimes, des autres services compétents et du

représentant du préfet maritime.

B/ Accords de coopération internationale

C’est l’article 194 de la Convention de Montego Bay qui oblige les Etats à prendre toutes

les mesures nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin. Ils

peuvent prendre ces mesures conjointement et s’efforcent d’harmoniser leurs politiques à cet

égard. C’est ainsi que des accords de coopération internationale se sont mis en place,

comprenant de nombreuses procédures de notification et d’échange d’informations. La

Convention de 1990 sur la préparation, la lutte et la coopération en matière de pollution par

hydrocarbures en est un exemple significatif et peut être considérée comme une convention

cadre en la matière. Les Parties à la convention reconnaissent « l’importance d’une assistance

mutuelle et d’une coopération internationale » et, de la même façon que la Convention de

Montego Bay, s’engagent à prendre toutes les mesures appropriées pour se préparer à la lutte et

lutter contre un évènement de pollution par hydrocarbures. Cet évènement est défini

comme « un fait ou un ensemble de faits ayant la même origine, dont résulte ou peut résulter un

rejet d’hydrocarbures et qui présente ou peut présenter une menace pour le milieu marin, ou

pour le littoral ou les intérêts connexes d’un ou de plusieurs Etats, et qui requiert une action

urgente ou d’autres mesures de lutte immédiates »131.

Afin de combattre efficacement toute pollution par hydrocarbures survenue en mer, la

Convention de 1990 exige des capitaines de navires qu’ils « signalent sans retard tout

évènement survenu à bord de leur navire […] qui entraîne ou risque d’entraîner un rejet

130 Confere Annexe 15 : Autorités administratives compétentes et acteurs clés en matière en matière d’accueil dans les lieux de refuges des navires ayant besoin d’assistance. Organigramme tiré de l’instruction du 24 avril 2012 relative à l’établissement des dispositions spécifiques à l’accueil dans un lieu de refuge d’un navire ayant besoin d’assistance de l’ORSEC maritime, de l’ORSEC zonal et de l’ORSEC départemental. 131 Article 2.2 de la Convention internationale de 1990 sur la préparation, la lutte et la coopération en matière de pollution par hydrocarbures.

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d’hydrocarbures […] à l’Etat côtier le plus proche »132. S’il s’agit d’un évènement de pollution

par hydrocarbures, l’Etat côtier en évalue l’importance et doit aviser rapidement les Etats

intéressés. Leur sont communiquées les actions entreprises ou prévues pour faire face à

l’évènement jusqu’à ce que les Etats aient décidé d’une action commune. Enfin, lorsque

l’évènement est particulièrement grave, l’OMI doit être informée. Les Parties à la convention

s’engagent à se fournir mutuellement un appui en ce qui concerne la formation du personnel et

le matériel de lutte133.

Aux cotés de cette convention cadre, de multiples accords par zone géographique ont été

créés. Les Parties à la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique Nord-Est

(Convention OSPAR 1992) reconnaissent ainsi « qu’il est souhaitable d’adopter au niveau

régional […] des mesures plus rigoureuses que celles prévues par les conventions ou accords

internationaux de portée mondiale ». La Convention sur la protection du milieu marin et du

littoral de la Méditerranée134 dispose, dans son article 6, que « les Parties contractantes

prennent toutes mesures conformes au droit international pour prévenir, réduire, combattre et

dans toute la mesure du possible éliminer la pollution dans la zone de la mer Méditerranée

causée par les rejets des navires […] ». Elle appuie notamment sur la nécessité d’une

coopération en cas de pollution résultant d’une situation critique135 et sur l’instauration de

programme de surveillance continue de la pollution136. L’Accord de Bonn du 9 juin 1969137

instaure une coopération en matière de lutte contre la pollution des eaux de la mer du Nord par

les hydrocarbures. Il s’applique « quand la présence ou la menace d’hydrocarbures polluant les

eaux dans la région de la mer du Nord […] constitue un danger grave et imminent pour les

côtes ou les intérêts connexes d’une ou plusieurs Parties contractantes »138. Une Partie touchée

par une pollution par hydrocarbures peut demander le concours des autres Parties contractantes,

celles-ci devant alors faire tous les efforts possibles pour apporter ce concours139. Une obligation

de moyen est ainsi insérée dans l’accord.

132 Article 4.1.i de la Convention internationale de 1990 sur la préparation, la lutte et la coopération en matière de pollution par hydrocarbures. 133 Article 9 de la Convention internationale de 1990 sur la préparation, la lutte et la coopération en matière de pollution par hydrocarbures. 134 Convention dite de Barcelone, adoptée le 16 février 1976. Elle est entrée en vigueur le 12 février 1978. 135 Article 9 de la Convention de Barcelone. 136 Article 12 de la Convention de Barcelone. 137 Cet accord a été refondu le 13 septembre 1983. Son approbation a été autorisée en France par la loi n°85-1476 du 31 décembre 1985. 138 Article 1er de la Convention de Bonn. 139 Article 7 de la Convention de Bonn.

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De nombreux autres accords de coopération existent. Nous pouvons citer l’Accord de

Copenhague de coopération, d’information et d’assistance adopté par les pays scandinaves en

1967. De même, les accords Manche Plan, Biscaye Plan et Lion Plan sont des accords bilatéraux

sur la lutte antipollution. Le plan d’intervention RAMOGEPOL a quant à lui été signé entre la

France, l’Italie et Monaco.

La Convention internationale sur l’intervention en haute mer en cas d’accident entrainant

ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures, signée en 1969 à la suite de la

catastrophe du Torrey Canyon, est également considérée comme une avancée considérable en

matière de coopération. Son article premier prévoit que « les Parties à la […] convention

peuvent prendre en haute mer les mesures nécessaires pour prévenir, atténuer ou éliminer les

dangers graves et imminentes que présentent pour leurs côtes ou intérêts connexes une pollution

ou une menace de pollution des eaux de la mer par les hydrocarbures à la suite d’un accident

de mer […] ».

Cet esprit d’équipe entre Etats côtiers est présent au niveau international aussi bien qu’au

niveau national (Section 2).

Section 2. Contribution de la sécurité civile à la protection du milieu marin en cas de pollution par hydrocarbures

En règle générale, lorsque des accidents, sinistres ou catastrophes se produisent, les

professionnels (demander s’ils sont en grande majorité) présents pour y faire face sont

nombreux et d’une grande diversité. Ces acteurs doivent être préparés afin que leur action de

secours soit utile. Pour cela, l’Etat français a souhaité développer la notion de « culture de la

sécurité civile » et mettre en place « une organisation opérationnelle permanente et unique de

gestion des évènements touchant gravement la population ». Le but final étant « d’aboutir à une

maîtrise partagée et pérenne d’un savoir-faire opérationnel »140. Le système de sécurité civile a

donc subi une petite révolution grâce à la loi du 13 août 2004141. Une grande partie de ses

articles est abrogée par l’ordonnance du 12 mars 2012142 qui créée le Code de la sécurité

intérieure. Ce Code reprend la loi de 2004 dans son Livre VII.

Le Code de la sécurité civile organise un système cohérent de prévention, de préparation

et de lutte contre les sinistres, accidents et catastrophes, notamment à travers l’établissement des

140 Direction de la défense et de la sécurité civiles, Guide Orsec départemental, Tome G.1, décembre 2006. 141 Loi n°2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile. 142 Ordonnance n°2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du Code de la sécurité intérieure.

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plans Orsec – organisation de la réponse de sécurité civile – (§1). Il offre la possibilité de mettre

en place des plans particuliers d’intervention pour faire face à des risques de nature particulière.

En matière de pollution par hydrocarbures, les plans Polmar – pollution maritime – (§2) sont

ainsi les dispositifs spécifiques des plans Orsec.

§1. Un système cohérent de prévention, de préparation et de lutte

A/ L’obligation générale de sécurité civile

L’article L112-1 du Code de la sécurité intérieure dispose que « la sécurité civile a pour

objet la prévention des risques de toute nature, l'information et l'alerte des populations ainsi

que la protection des personnes, des biens et de l'environnement contre les accidents, les

sinistres et les catastrophes par la préparation et la mise en œuvre de mesures et de moyens

appropriés relevant de l'Etat, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou

privées ». La pollution par hydrocarbures, lorsqu’elle n’est pas volontaire, est sans conteste un

risque du transport maritime ; par conséquent, la sécurité civile a pour objet de la prévenir. Cette

pollution résulte le plus souvent d’un accident – on parlera de pollution accidentelle – et peut

être qualifiée de catastrophe lorsqu’elle occasionne une grave atteinte au milieu naturel. La

sécurité civile doit donc également protéger l’environnement de ces accidents et catastrophes.

Pour cela, l’article propose deux moyens : la préparation et la mise en œuvre de mesures et de

moyens appropriés.

Le Code de la sécurité intérieure nous rappelle que « toute personne concourt par son

comportement à la sécurité civile »143. Il en va ainsi de l’Etat, des collectivités territoriales et de

toutes les personnes publiques et privées. Principalement, il s’agit des sapeurs-pompiers, des

personnels des services de l’Etat et des militaires144.

L’Etat est le garant au plan national de la cohérence de la sécurité civile. Il est chargé

d’évaluer en permanence l’état de préparation aux risques et doit veiller à la mise en œuvre des

mesures d’information et d’alerte des populations.

143 Article L721-1 du Code de la sécurité intérieure. 144 Article L721-2 du Code de la sécurité intérieure.

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B/ Les plans Orsec : organisation des secours et gestion des crises145 146

Le chapitre III de la loi du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile

était consacré à l’organisation des secours et à l’établissement des plans Orsec. Le Code de la

sécurité intérieure reprend ses dispositions à droit constant. Notons toutefois une subtilité : au

titre Organisation des secours s’est ajoutée la Gestion des crises. Il est ainsi rappelé que

« l’organisation de la réponse de sécurité civile ne se réduit pas au volet opérationnel »147. De

la même façon, Orsec ne veut plus seulement dire Organisation des secours, mais Organisation

de la réponse de sécurité civile.

L’organisation des secours est l’un des volets de la sécurité civile. Nous nous trouvons

ici sur le plan de la lutte contre la catastrophe. Les plans Orsec sont définis aux articles L741-1

et suivants du Code de la sécurité intérieure : lorsque l’organisation des secours revêt une

ampleur ou une nature particulière, une planification opérationnelle doit être mise en place. En

fonction de la zone géographique atteinte par un accident, un sinistre ou une catastrophe, un plan

particulier est établi. Trois zones sont définies – le département, la zone de défense148 et la zone

maritime – et chacune fait l’objet d’un plan Orsec149. Ces plans sont élaborés et révisés au moins

tous les cinq ans150. Ils ont tous pour objet d’organiser les secours et de recenser l’ensemble des

moyens publics et privés susceptibles d’être mis en œuvre. Ils fixent également les conditions de

l’emploi de ces moyens par l’autorité compétente pour diriger les secours151. Lorsqu’un

département est touché par la catastrophe, le plan Orsec départemental152 est arrêté par le

145 Confere Annexe 12 : organigramme sur les plans Orsec reprenant le décret n°2005/1157 du 13 septembre 2005 relatif au plan ORSEC et pris pour application de l’article 14 de la loi n°2004-811 de modernisation de la sécurité civile. 146 Le célèbre écrivain Paul-Loup Sulitzer, dans une des péripéties de son héroïne Hannah (L’Impératrice), nous offre un clin d’œil de ce plan ORSEC : « Elle [Hannah] ne s’est pas attardée sur la Croisette. « D’abord, c’est plein de vieilles, et puis la Diabolique Piani a sans aucun doute déclenché les recherches, elle aura lancé le Plan ORSEC ». Et c’est le premier endroit où l’on ira voir, on sait bien qu’elle adore le bar du Carlton ». 147 M. Vincent Denamur, directeur du CROSS d’Etel, nous livre ceci lors d’un entretien : « L’intérêt d’une codification est pluriel : réorganiser et intégrer, mais également contextualiser et indiquer des axes forts : depuis maintenant plus de dix ans, les pouvoirs publics se sont appropriés les concepts et les notions qui relèvent de la gestion de crise que le secteur privé avait peu à peu façonné. Ce titre [« organisation des secours et gestion des crises »] est typique du distinguo désormais opéré entre la gestion de l’intervention (coordination des moyens opérationnels) et la gestion de crise qui englobe cette dernière et comprend en outre trois autres domaines : les choix stratégiques de l’action, la gestion des ressources logistiques et la communication de crise ». 148 La zone de défense et de sécurité est un échelon administratif. Il en existe sept en France. L’une de ses missions est la coordination des moyens de sécurité civile dans la zone. 149 Article L741-1 du Code de la sécurité intérieure. 150 Article L741-5 du Code de la sécurité intérieure. 151 Article L742-1 du Code de la sécurité intérieure : la direction des opérations de secours relève de l’autorité de police compétente. 152 Article L741-2 du Code de la sécurité intérieure.

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représentant de l’Etat dans le département153. Si deux départements au moins d’une zone de

défense sont touchés ou que la catastrophe nécessite des moyens qui dépassent le cadre

départemental, le plan Orsec de zone est arrêté par le représentant du département du siège de la

zone de défense154. En ce qui nous concerne plus particulièrement, et compte tenu des risques

qui existent en mer, le plan Orsec maritime155 peut être arrêté par le représentant de l’Etat en

mer156. En métropole ce représentant est le préfet maritime, outre-mer il s’agit du délégué du

gouvernement pour l’action de l’Etat en mer.

Les plans Orsec ne sont pas arrêtés dans le seul but de lutter contre la catastrophe qui se

présente. En plus de comprendre un dispositif opérationnel organisant dans la continuité la

réaction des pouvoirs publics face à l’évènement, les plans inventorient et analysent les risques

et effets potentiels des menaces de toute nature pour la protection de l’environnement157. Dans le

plan Orsec maritime, cet inventaire et cette analyse doivent prendre en compte, notamment, tous

les documents de nature à apporter des informations sur les risques majeurs et les menaces

graves auxquels la façade maritime peut être exposée158. Les plans définissent également les

modalités de préparation et d’entraînement de l’ensemble des personnes publiques et privées à

leur mission de sécurité civile. En lien avec le plan Polmar, des exercices de lutte antipollution

sont ainsi effectués. En 2012, la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord a

organisé un exercice de mise en œuvre de son équipe de gestion de crise. Au large de

Cherbourg, les moyens de lutte contre la pollution ont été déployés (étaient présents le bâtiment

de soutien, d’assistance et de dépollution Argonaute, le remorqueur d’intervention, d’assistance

et de sauvetage Abeille Liberté et le patrouilleur Cormoran), afin de s’entraîner à la

coopération159. Toujours dans un objectif de prévention, le préfet maritime dispose des CROSS

et des centres opérationnels des autres administrations qui interviennent en mer afin d’assurer la

veille permanente des risques et des menaces160.

153 Article L742-7 du Code de la sécurité intérieure : à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, c’est le préfet de police qui détient les compétences attribuées au représentant de l’Etat pour arrêter le plan Orsec. Après avis du représentant de l’Etat, il peut également assurer la direction des opérations de secours. 154 Article L741-3 du Code de la sécurité intérieure. 155 Article L741-4 du Code de la sécurité intérieure. 156 Confere Annexe 13 : organigramme sur l’action de l’Etat en mer reprenant le décret n°2004-112 du 6 février 2004. 157 Article 2 du décret n°2005-1157 du 13 septembre 2005 relatif au plan Orsec et pris pour application de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile. 158 Article 14 du décret n°2005-1157 du 13 septembre 2005 relatif au plan Orsec. 159 Mer et Marine, « Exercice de lutte antipollution au large de Cherbourg », 19/10/2012. 160 Article 16 du décret n°2005-1157 du 13 septembre 2005 relatif au plan ORSEC.

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Selon le Guide Orsec départemental établi par la Direction de la défense et de la sécurité

civiles161, l’approche de l’Orsec « post loi de modernisation » pourrait se résumer en quatre

éléments : un réseau de sécurité civile, une doctrine opérationnelle avec une organisation

rénovée, des exercices et des retours d’expériences.

Les plans Orsec comportent, comme nous venons de le voir, des dispositions générales.

Des dispositions spécifiques peuvent intervenir en vue de prévoir les mesures à prendre et les

moyens de secours à mettre en œuvre pour faire face à des risques de nature particulière ou liés

à l'existence et au fonctionnement d'installations ou d'ouvrages déterminés162. En matière de

pollution par hydrocarbures, ces dispositions spécifiques sont matérialisées par les plans Polmar

(§2).

§2. La particularité des plans Polmar

La pollution causée par le Torrey Canyon en 1967 est à la source de la première

instruction relative à la lutte contre les pollutions accidentelles des côtes françaises par les

hydrocarbures. Elaborée le 23 décembre 1970, l’instruction caractérise ce type de pollution en

« sinistre » au sens du plan Orsec163 et définit les responsabilités des départements ministériels

concernés. La coopération et la coordination entre ces différents acteurs apparaissent d’ores et

déjà (ou enfin ?) indissociables de la lutte. A la suite de la catastrophe de l’Amoco Cadiz en

1978, cette instruction est abrogée par une circulaire du Premier ministre en date du 12 octobre

1978164. Elle est remplacée par une instruction du même jour165 qui fixe les conditions générales

de la lutte contre les pollutions marines accidentelles. Cette lutte, nous dit la circulaire, « doit

être complétée dans chaque département littoral et dans chaque région maritime par des plans

locaux adaptés aux circonstances particulières du département ou de la région considérés ».

C’est l’établissement officiel des plans Polmar. Tandis que l’instruction de 1970 traite

uniquement de la lutte contre les pollutions marines accidentelles, l’instruction de 1978 met en

place une véritable trilogie de mesures : les mesures de prévention, de préparation et de lutte.

161 Direction de la défense et de la sécurité civiles, Guide Orsec départemental, Tome G.1, décembre 2006. 162 Article L741-6 du Code de la sécurité intérieure. 163 A l’époque encadré par une instruction ministérielle du 5 février 1952 sur l’organisation des secours dans le cadre départemental en cas de sinistre important. 164 Circulaire du 12 octobre 1978 relative à la préparation des plans locaux de lutte contre les pollutions marines accidentelles (plan Polmar). 165 Instruction du 12 octobre 1978 relative à la lute contre les pollutions marines accidentelles (plan Polmar), complétée par l’instruction du 8 septembre 1980 relative à la lutte contre les pollutions marines accidentelles dans les départements et territoires d’outre-mer (elle-même ensuite abrogée par l’instruction du 4 mars 2002 dite documentation nationale Polmar).

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Aujourd’hui, le dispositif relatif à la lutte contre la pollution du milieu marin est

principalement composé de deux instructions. A la suite des naufrages de l’Erika et du Prestige

d’une part, et de la loi de modernisation de la sécurité civile166 d’autre part, ces instructions ont

été adaptées167. Elles constituent le cadre juridique des plans Polmar et sont à la source des

développements qui vont suivre. La première à prendre en compte est celle du 2 avril 2001 : elle

organise les principes d’organisation des pouvoirs publics en cas d’accidents maritimes majeurs

et établit les grandes lignes des plans de secours à naufragés et des plans Polmar. L’instruction

du 4 mars 2002 relative à la lutte contre la pollution du milieu marin, dite documentation

nationale Polmar168, reprend l’instruction de 2001 et la précise. Rentre dans son champ de mise

en œuvre la lutte contre la pollution du milieu marin résultant d’un accident ou d’une avarie

maritime qui entraîne ou risque d’entraîner le déversement en mer d’hydrocarbures169.

Au vu de la nature des hydrocarbures, nous comprenons que l’intervention visant à

protéger l’environnement ne se situe pas uniquement en mer. Le littoral est, dans un certain

nombre de cas, lui aussi touché par la pollution. Qu’il s’agisse donc de plans Polmar maritimes

ou terrestres, nous allons voir qu’ils doivent suivre la même logique (A), les deux catégories

devant bien entendu coopérer pour pouvoir être réellement et promptement efficaces (B).

A/ L’établissement des plans Polmar

Les plans Polmar ont pour objet principal la lutte contre la pollution accidentelle du

milieu marin. Cette lutte concerne, selon la documentation nationale Polmar, « toutes les

opérations pouvant être engagées en mer et sur les cotes, depuis l’instant où survient un

accident ou une avarie pouvant entraîner une pollution, jusqu’au stade final du traitement des

matériaux polluants et pollués récupérés »170. Le déclanchement d’un plan Polmar, qui fait

l’objet d’un arrêté, n’est pas automatique ; la menace de pollution ou la pollution doit présenter

un caractère avéré de gravité et de complexité171. Le plan Polmar doit préexister à son

déclanchement et comporte un certain nombre de dispositions obligatoires.

166 Loi n°2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile. 167 Notamment, en ce qui concerne la loi de modernisation de la sécurité civile, par une instruction du 11 janvier 2006 portant adaptation de la règlementation relative à la lutte contre la pollution du milieu marin. 168 Cette instruction est adaptée, pour certaines collectivités d’outre mer, par une instruction du 15 juillet 2002. 169 Elle traite également de la lutte contre le milieu marin résultant d’un accident terrestre ou aérien qui entraîne ou risque d’entraîner le déversement en mer d’hydrocarbures ou de tout autre produit. 170 Documentation nationale Polmar, point 1.2. 171 Documentation nationale Polmar, point 2.2.

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1° Dispositions communes et obligatoires des plans Polmar

Les dispositions communes à tous les plans sont établies dans l’Annexe de l’instruction

du 2 avril 2001 relative à l’intervention des pouvoirs publics en cas d’accidents maritimes

majeurs. Doivent notamment figurer dans tous les plans, les procédures de mise en œuvre de

veille opérationnelle et de déclanchement de plan, les procédures d’alerte et les missions des

états-majors de lutte. L’Annexe met particulièrement l’accent sur les notions d’organisation, de

coordination, de concertation et de communication. De la même façon, la documentation

nationale Polmar précise que le plan doit rechercher, par la déconcentration, la rapidité des

interventions.

Un plan Polmar – qu’il s’agisse du volet maritime ou terrestre – doit traiter des

différentes catégories d’accidents pouvant survenir en mer, par exemple l’abordage,

l’échouement, le naufrage et la pollution par hydrocarbures. Si l’on prend la catégorie des

pollutions par hydrocarbures, le plan doit désigner les moyens d’intervention à mettre en

œuvre172 en précisant les conditions de leur disponibilité. Un inventaire des moyens des

entreprises privées auxquels il peut être recouru en cas de nécessité et une liste des laboratoires

d’analyse spécialisés doivent être tenus à jour173. Le plan doit également prévoir les mesures

permettant d’intégrer dans le dispositif opérationnel les ONG et les bénévoles. Les sites du

littoral et les zones d’activités sensibles qui nécessitent des mesures de précaution adaptées sont

recensés et les priorités doivent être hiérarchisées en fonction des intérêts économiques et

écologiques174. Le stockage et le traitement des produits récupérés en mer et sur le littoral

doivent faire l’objet d’un développement complet. L’emplacement des stockages est confirmé

lors des opérations de lutte en fonction de la nature du produit ramassé, de la facilité d’accès et

de l’impact environnemental minimum175. Enfin, les plans mentionnent les accords

d’intervention établis avec les Etats voisins176.

Les plans doivent prendre en compte le fait que la crise peut durer longtemps177. Afin de

gérer au mieux cette crise et de mettre en place les plans, les préfets concernés réalisent une

large concertation avec les collectivités territoriales, les organisations socioprofessionnelles et

172 Il s’agit des moyens de l’Etat ou des collectivités territoriales, des moyens fournis par convention ou disponibles sur réquisition, ainsi que des moyens étrangers dans le cadre d’accords internationaux. Ce sont par exemple les moyens de pompage spécialisés, les produits de lutte, les barrages. 173 Documentation nationale Polmar, point 3.1. 174 Instruction du 2 avril 2001 relative à l’intervention des pouvoirs publics en cas d’accidents maritimes majeurs, point 5.2. 175 Documentation nationale Polmar, point 2.6. 176 Documentation nationale Polmar, point 3.1. 177 Instruction du 2 avril 2001, point 5.1.

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de protection de la nature. Cette concertation porte notamment sur la définition des zones

sensibles à protéger et des priorités à fixer au niveau de la zone de défense178.

Concernant le financement des moyens de lutte contre la pollution, des cellules

financières sont mises en place auprès des préfets maritimes et de département : elles dressent le

bilan des dépenses supportées par les services de l’Etat et par les collectivités territoriales179.

Lorsqu’il apparaît nécessaire de mettre en œuvre des moyens importants qui dépassent les

capacités d’intervention courantes des services de l’Etat, et que les dépenses engagées ont un

caractère exceptionnel, il est fait appel au fonds Polmar180. L’intervention de ce fonds doit être

demandée par le préfet maritime ou le préfet de département au ministre chargé de

l’environnement. Cette demande doit être assortie d’un état précis de la situation, d’une

évaluation des crédits nécessaires et d’une programmation de leur emploi. Le fonds permet par

exemple de prendre en charge les frais de réquisition des matériels et équipements ainsi que les

vacations181 des sapeurs-pompiers volontaires.

2° Particularités

De la même façon que pour les plans Orsec, ont été mis en place des plans Polmar mer

(a) et des plans Polmar terre (b) afin de lutter concomitamment contre la pollution en mer et

contre celle touchant le littoral.

a/ Polmar/Mer

En cas de pollution du milieu marin, le préfet maritime peut établir le volet maritime

d’un plan Polmar. Il s’agit donc ici d’une possibilité offerte au préfet maritime, et laissée à sa

libre appréciation. Pour cela, il doit regarder l’ampleur de l’accident et les moyens disponibles

pour y faire face182. Afin que la lutte soit efficace, le préfet maritime et le préfet de département

doivent réagir rapidement. Ces deux acteurs seront donc respectivement responsables des

interventions contre la pollution accidentelle du milieu marin et du littoral183.

Le plan Polmar/Mer doit comporter un inventaire des moyens navals et aériens civils et

militaires disponibles pour faire face à la menace de pollution, à la pollution elle-même et à la

178 Instruction du 2 avril 2001, point 7. 179 Instruction du 2 avril 2001, point 9.1. 180 Instruction du 4 mars 2002 relative au fonds d’intervention contre les pollutions marines accidentelles. Elle abroge l’instruction du Premier ministre du 7 décembre 1977 portant sur le même objet. Aucune comparaison entre les deux instructions n’est possible ici, l’instruction de 1977 n’ayant pas été publiée au JO. 181 Rémunérations du temps consacré à une activité. 182 Instruction du 2 avril 2001, point 2.1.1. 183 Documentation nationale Polmar, point 2.2.

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restauration du milieu marin. Le plan comporte de surcroit et notamment l’évaluation des

risques et des conditions de météorologie, le suivi de la dérive des polluants, un plan de secours

pour la faune touchée (tout comme le plan Polmar/Terre) et l’alerte et l’information des autorités

à terre dans tous les cas de menace pour le littoral184. Les directions régionales et

départementales des affaires maritimes placent leurs moyens opérationnels disponibles à la

disposition du préfet maritime et l’assistent pour identifier les navires locaux, notamment de

pêche, susceptibles de faire l’objet d’une réquisition ou d’un affrètement185.

Annuellement, un exercice Polmar/Mer186 doit avoir lieu sur chacune des trois façades

maritimes en métropole et, outre-mer, dans chaque zone relevant d’un préfet délégué du

gouvernement pour l’action de l’Etat en mer187.

A côté du plan Polmar lui-même, les relations avec les médias et l’information destinée

au grand public sont du ressort, au niveau local, du préfet maritime (avec le préfet de zone de

défense). Au niveau central, cette information relève du ministre chargé de la coordination

centrale des moyens188.

b/ Polmar/Terre

Lorsqu’un seul département est concerné par la pollution, le volet terrestre d’un plan

Polmar est établi par le préfet de département189. Ce dernier accède alors directement aux

matériels du stock interdépartemental Polmar/Terre dont il relève, après en avoir avisé le préfet

de zone de défense compétent190. Si la pollution n’est pas limitée à un seul département, le

préfet de zone de défense assure la cohérence entre les plans Polmar/Terre et le Premier ministre

peut placer l’ensemble des opérations de secours sous la direction de l’un des préfets de

départements concernés191. Le plan Polmar/Terre doit comporter un inventaire des zones à

protéger, des matériels publics et privés de lutte, des sites possibles de stockage temporaire des

déchets récupérés, des experts locaux et des organismes locaux possédant une compétence en

matière de lutte contre les pollutions. Y sont également présents les plans de pose des barrages

et de transport des cultures et élevages marins. Concernant plus particulièrement les intervenants

184 Annexe de l’instruction du 2 avril 2001, point 3.1. 185 Annexe de la documentation nationale Polmar, point 5.2. 186 Voir l’article précité Mer et Marine, « Exercice de lutte antipollution au large de Cherbourg », 19/10/ 2012. 187 Instruction du 2 avril 2001 précitée, point 10. 188 Instruction du 2 avril 2001 précitée, point 8. 189 Instruction du 2 avril 2001 précitée, point 2.1.2. 190 Instruction du 11 janvier 2006 portant adaptation de la règlementation relative à la lutte contre la pollution du milieu marin, 1.1.2. 191 Instruction du 2 avril 2001, point 2.1.2.

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et personnels de lutte, leurs possibilités d’hébergement et leur suivi médical doivent être assurés.

Obligation est également posée de prévoir l’accueil des bénévoles192. Tout comme pour les

plans Polmar/Mer, des exercices Polmar/Terre sont organisés afin d’évaluer l’efficacité du

dispositif, d’entraîner les personnels et de mesurer la disponibilité du matériel. Ils doivent avoir

lieu tous les trois ans dans chaque département en métropole mais aussi outre-mer. Un exercice

majeur supplémentaire est annuellement organisé : il permet d’associer, par façade maritime en

métropole, plusieurs départements193.

Un plan Polmar/terre peut être arrêté sans qu’il n’y ait de plan Polmar/mer. En matière

de pollution par hydrocarbures, cela concernera par exemple la situation où une cuve de

stockage côtière ou d’oléoduc se rompt. Mais en cas de pollution due à un accident ou une

avarie maritime, on conçoit facilement que les deux volets du plan Polmar devront être mis en

place.

La lutte contre les pollutions terrestres de faible ou de moyenne ampleur, qui ne fait pas

l’objet du déclanchement du plan Polmar/terre, incombe à la commune et est dirigée par le

maire dans le cadre de ses attributions de police générale. Ce dernier peut demander les conseils

et l’assistance technique des services départementaux compétents, des services déconcentrés de

l’Etat, du CEDRE ou de tout autre organisme compétent194.

B/ Nécessaire coordination entre les plans Polmar

Les différents textes ayant trait au plan Polmar insistent tous sur la notion de

coordination. On comprend en effet que, lorsqu’un grave accident a lieu, les différents acteurs

concernés doivent coordonner leur action en vue de la réussite des plans mis en place. La

documentation nationale Polmar précise d’ailleurs que la lutte en mer et la lutte à terre « font

appel à des méthodes et à des moyens différents qu’il sera souvent nécessaire d’engager

simultanément et donc de coordonner »195.

Deux niveaux de coordination sont incontournables en cas de déclanchement d’un plan

Polmar : le niveau zonal196 et, en cas de pollution de grande ampleur comme l’Erika, le niveau

national197.

192 Annexe de l’instruction du 2 avril 2001, point 3.1. 193 Instruction du 2 avril 2001, point 10. 194 Documentation nationale Polmar, point 4.2.1. 195Documentation nationale Polmar, point 2.1. 196 Instruction du 2 avril 2001, point 2.2. M. Vincent Denamur, directeur du CROSS d’Etel, nous rappelle lors d’un entretien qu’« il faut bien avoir en tête le principe de graduation de l’ORSEC, et donc du plan POLMAR, en

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Au niveau de la zone, en plus de s’informer mutuellement du déclanchement de leur

volet Polmar respectif, le préfet maritime et le préfet de département ont l’obligation de prévenir

le (ou les) préfet(s) de zone de défense concerné(s). Que l’accident ayant provoqué une pollution

ait son origine dans la zone de responsabilité du préfet maritime ou du préfet de département, le

préfet de zone de défense coordonne l’ensemble du dispositif – suivi et cohérence des actions

terrestre, maritime et aéronautique, synthèse des informations... Lorsque plusieurs zones de

défense sont concernées par la pollution, le Premier ministre peut désigner un préfet de zone

comme coordinateur unique. Pour l’ensemble des questions qui ne relèvent pas de la

compétence du préfet maritime, le préfet de zone de défense assure la liaison entre l’échelon

zonal et l’échelon national198.

Au niveau national, les ministres compétents ne sont pas les mêmes selon que l’accident

concerne uniquement la mer ou la mer et le littoral. Lorsque seul le plan Polmar/Mer est activé,

la coordination interministérielle est assurée par le ministre chargé de la mer. Quand le plan

Polmar/Terre est déclenché seul ou que les plans Polmar/Terre et Polmar/Mer sont mis en place

simultanément, c’est le ministre chargé de la sécurité civile qui coordonne l’action des différents

ministères. Une cellule de crise regroupant les représentants des départements ministériels199

concernés est alors mise en place. Elle porte notamment sur l’organisation de la remontée, du

traitement et de la diffusion des informations, et sur l’analyse et le suivi de la crise.

A côté des plans Polmar et en relation directe avec eux, une expertise compétente et

indépendante doit permettre de connaître les caractéristiques des polluants en cause et d’édicter

des normes et consignes de protection précises concernant la sécurité sanitaire, alimentaire et

environnementale. Cette capacité d’expertise est mise en place au niveau national par le ministre

chargé de l’environnement et au niveau local par une cellule d’experts200. Ces experts

fonction de l’ampleur de l’évènement. L’autorité première de sécurité civile est le maire. L’exemple du cargo TK Bremen est éloquent : le préfet du Morbihan a activé le plan POLMAR TERRE quelques heures après l’échouement ; la nature et l’ampleur de la pollution ont pu être géré par le niveau départemental, avec il est vrai l’organisation d’une chaîne logistique qui intégrait l’ensemble de la zone Ouest. Cependant, le directeur des opérations est resté le préfet de département. Disons que le niveau zonal est certainement aujourd’hui stratégique car les moyens communaux et départementaux sont rapidement dépassés ; donc pour le volet logistique, la zone est incontournable, à mon sens. Mais cela n’est qu’un des quatre piliers de la crise ». 197 Instruction du 2 avril 2001, point 2.3. 198 Il s’agit notamment du soutien logistique, de la définition de la communication, du suivi financier et des questions juridiques. 199 Confere Annexe 14 : Organigramme sur la coopération interministérielle Polmar reprenant l’instruction du 2 avril 2001. 200 Instruction du 2 avril 2001, point 6.

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proviennent notamment du CEDRE201, de Météo-France202 et de l’IFREMER203. Ils doivent être

informés par les préfets concernés de la mise en place des plans Polmar204.

La cessation des plans Polmar se fait par arrêté. Lorsque plusieurs plans Polmar/Mer et

Polmar/Terre sont en vigueur simultanément, il doit y avoir concertation des autorités

administratives responsables sous la coordination du préfet de zone de défense205.

201Les missions du centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux sont au point 12.1 de la documentation nationale Polmar. 202 Les missions de Météo-France sont au point 12.2 de la documentation nationale Polmar. 203Les missions de l’institut français de recherche pour l’exploitation de la mer sont au point 12.3 de la documentation nationale Polmar. 204 Documentation nationale Polmar, points 3.2 et 4.2.2. 205 Documentation nationale Polmar, point 2.2.

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PARTIE II. Une activité à haut risque dont il faut assumer le caractère dangereux

Quand les risques qui se trouvent sur la route du transport maritime des hydrocarbures

prennent vie et que la marchandise ne pourra jamais plus être déchargée à son port de

destination, l’heure n’est plus à l’aventure. Le droit, présent de façon extrêmement forte lors de

la prévention et de la lutte contre la pollution par les hydrocarbures, prend ici davantage la place

du roi que celle du conseiller. C’est lui qui, toujours au travers des faits d’espèce qu’il a su faire

siens, règlemente ce qui vient a posteriori de la prise de risque et de l’accumulation du gain : la

charge. En toute logique, une activité suppose une responsabilité, quel que soit le degré de

dangerosité qu’elle représente. Dans le cadre de la pollution par hydrocarbures nous allons voir

que pour répondre à la détresse dans laquelle se trouvent les victimes des dommages, des voies

de droit parfois sui generis ou du moins uniques ont été créés (Chapitre 1). Chacune de ces

victimes peut alors demander réparation de ses préjudices (Chapitre 2).

Chapitre 1. Responsabilité des acteurs du monde maritime en cas de dommage de pollution

Les personnes souhaitant faire réparer leur préjudice doivent choisir entre deux

mécanismes de responsabilité : la responsabilité sans faute et la responsabilité pour faute. Deux

procédures d’indemnisation différentes sont donc proposées aux victimes. L’une d’entre elles

peut être engagée devant les juridictions civiles. Les acteurs du monde maritime se sont mis

d’accord sur ce point au niveau international, et une série de conventions est applicable en la

matière dans tous les Etats Parties. Objectif : indemniser les victimes des pollutions de façon

raisonnable en mettant à contribution les principaux acteurs pétroliers (Section 1). Ces victimes

peuvent également choisir de se tourner vers les juridictions pénales internes (Section 2). Ce

choix est définitif et gravé dans l’expression « Electa una via, non datur recursus ad alteram » :

une voie ayant été choisie, on ne peut en adopter une autre206.

206 Article 5 du Code de procédure pénale.

Ubi emulumentum, ibi onus

Là où est le gain, il y a aussi la charge

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Section 1. Une obligation de réparation mise en place par l’OMI

Le naufrage du Torrey Canyon en 1967 a eu pour seul effet positif de pousser les acteurs

du monde maritime à élaborer, en plus de la Convention de 1969 sur l’intervention en haute

mer, une convention sur l’indemnisation des dommages qu’occasionne une pollution par les

hydrocarbures. C’est ainsi qu’est signée le 29 novembre 1969 la Convention CLC (Civil

Liability Convention on oil pollution) sur la responsabilité civile des propriétaires de navires

pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures, les assureurs de ces propriétaires étant

les garants de l’indemnisation des victimes (§1). En parallèle est créé le FIPOL, ce fonds

international permettant d’indemniser les victimes au-delà du plafond fixé par la CLC (§2).

§1. Mise en œuvre de la Convention CLC

La Convention CLC est entrée en vigueur six années après son adoption, en 1975. Elle

met en place une responsabilité sans faute du propriétaire du navire (A). Modifiée par un

protocole du 27 novembre 1992 (Convention de 1992 sur la responsabilité civile)207, les Etats

Parties à la convention sont « convaincus de la nécessité de garantir une indemnisation

équitable des personnes qui subissent des dommages du fait de pollution résultant de fuites ou

de rejets d’hydrocarbures provenant de navires »208. Nous verrons que cette convention soulève

encore de nombreux problèmes (B).

A/ Responsabilité du propriétaire du navire

La responsabilité du propriétaire du navire peut être soulevée devant le tribunal d’un Etat

Partie à la convention sous certaines conditions : le dommage doit être causé sur son territoire,

dans sa mer territoriale ou sa zone économique exclusive209. L’Etat est également compétent si,

sur ces zones, des mesures de sauvegarde210 ont été prises pour prévenir ou atténuer le

dommage. Les tribunaux de cet Etat peuvent alors statuer sur les questions de répartition et de

distribution du fonds211 et le jugement rendu est reconnu dans tous les Etats contractants212.

207 Convention internationale de 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures. 208 Propos introductifs de la Convention internationale de 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures. 209 Ou dans un espace de 200 milles calculé à partir des lignes de base pour les Etats riverains de la pollution qui n’ont pas de ZEE. 210 Article 1.7 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile : « ‘’Mesures de sauvegarde’’ signifie toutes mesures raisonnables prises par toute personne après la survenance d’un évènement pour prévenir ou limiter la pollution ». 211 Article 9 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile. 212 Article 10 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile, sauf « si le jugement a été obtenu frauduleusement » ou que « le défendeur n’a pas été averti dans des délais raisonnables et mis en mesure de présenter sa défense ».

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L’action de la victime doit être intentée dans les trois ans suivant le dommage et avant que six

ans ne se soient écoulés depuis qu’est survenu l’évènement générateur213. Nous allons voir que

la responsabilité du propriétaire est canalisée (1°) et limitée (2°).

1° Responsabilité canalisée sur le propriétaire du navire

La Convention de 1992 sur la responsabilité civile considère le propriétaire du navire

comme « la personne ou les personnes au nom de laquelle ou desquelles le navire est

immatriculé ou, à défaut d’immatriculation, la personnes ou les personnes dont le navire est la

propriété ». Elle ajoute que « dans le cas de navires qui sont propriété d’un Etat et exploités par

une compagnie qui, dans cet Etat, est enregistrée comme étant l’exploitant des navires,

l’expression « propriétaire » désigne cette compagnie »214. Nous pouvons remarquer que

l’exception traditionnelle en droit international que sont les navires d’Etat joue également ici :

les navires de guerre ou les navires appartenant à un Etat ou exploités par lui et affectés

exclusivement à un service non commercial d’Etat n’entrent pas dans le champ de la

convention215.

Le propriétaire du navire au moment où intervient l’accident ayant provoqué la pollution

est responsable des dommages de pollution causés par le navire s’ils résultent de l’accident.

Dans le cas où plus d’un navire est à l’origine de la pollution, les propriétaires des navires sont

solidairement responsables de la totalité du dommage216. Puisque le propriétaire est directement

considéré comme responsable, il pourra ensuite se retourner contre les personnes à l’origine du

fait de pollution. Cette possibilité est posée par l’article 3.5 de la Convention de 1992. Le

propriétaire peut également s’exonérer de sa responsabilité dans plusieurs cas de figure prévus

par la convention. Il en va ainsi s’il prouve que le dommage par pollution « résulte d’un acte de

guerre, d’hostilités, d’une guerre civile, d’une insurrection, ou d’un phénomène naturel de

caractère exceptionnel, inévitable et irrésistible », « résulte en totalité du fait qu’un tiers a

délibérément agi ou omis d’agir dans l’intention de causer un dommage », ou « résulte en

totalité de la négligence ou d’une autre action préjudiciable d’un gouvernement ou autre

autorité responsable de l’entretien des feux ou autres aides à la navigation dans l’exercice de

cette fonction »217. De la même façon, le propriétaire atténue sa responsabilité si le dommage est

au moins dû en partie à la victime qui a agi ou omis d’agir dans l’intention de causer un

213 Article 8 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile. 214 Article 1.5 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile. 215 Article 11 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile. 216 Article 4 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile. 217 Article 3.2 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile.

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dommage, ou qui a été négligente218. Dans tous ces cas, la charge de la preuve repose sur le

propriétaire.

L’action en réparation du dommage de pollution peut être formée contre d’autres

personnes que le propriétaire. Cette action est possible uniquement dans le cas où le dommage

résulte du fait de ces personnes ou de leur omission, « commis avec l’intention de provoquer un

tel dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait

probablement »219. M. Martin Ndendé considère que ces personnes ont donc « une sorte

d’immunité ‘’relative’’ »220. Elles peuvent être poursuivies devant les juridictions pénales.

2° Les compagnies pétrolières à l’abri des recours

Ce sont les professeurs Jean-Pierre Beurier et Martin Ndendé qui nous font remarquer

que les compagnies pétrolières, laissant aux fréteurs le soin de s’engager dans le transport

d’hydrocarbures par mer, « ont fait négocier une modification du texte les mettant en grande

partie à l’abri des recours ». Dans la Convention de 1992, « tout affréteur, y compris affréteur

coque-nue, armateur ou armateur gérant du navire »221 est ainsi exclu des recours possibles. Or

ce sont les compagnies pétrolières qui sont devenues ces affréteurs.

3° Responsabilité limitée du propriétaire du navire

Dans le cadre de sa responsabilité, le propriétaire du navire ayant causé un dommage de

pollution doit constituer un fonds auprès du tribunal compétent222 afin d’indemniser les

victimes. Le fonds sera ensuite distribué proportionnellement au montant des créances admises.

Ce fonds peut également être constitué par l’assureur ou une autre personne dont émane la

garantie financière, avec les mêmes effets. Ce fonds est un fonds de limitation, c’est-à-dire qu’il

ne peut dépasser une certaine somme. La responsabilité du propriétaire se trouve donc limitée

par ce plafond. Dans l’affaire de l’Amoco Cadiz, ce plafond a été fixé à 78 millions de francs.

Par une ordonnance du 14 mars 2000, le plafond pour l’Erika était quant à lui de 84 millions de

francs. C’est l’article 5 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile qui fixe la limite de

218 Article 3.3 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile. 219 Article 3.4 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile. 220 NDENDE M., « Procédures d’indemnisation des victimes et enjeux judiciaires autour d’une catastrophe pétrolière », Revue de droit des transports n°1, février 2007, étude 2, p. 4-15. 221 NDENDE M., BEURIER J.-P. « Le Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL) », Jurisclasseur Environnement, février 2007. 222 Article 5.3 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile : « le propriétaire doit constituer un fonds s’élevant à la limite de sa responsabilité auprès du tribunal ou de toute autre autorité compétente de ‘un quelconque des Etas contractants où une action est engagée en vertu de l’article IX ou, à défaut d’une telle action, après d’un tribunal ou de toute autre autorité compétente de l’un quelconque des Etats contractants om une action peut être engagée en vertu de l’article IX ».

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la responsabilité du propriétaire du navire en fonction de la jauge brute223 de ce navire. Cette

limite se calcule en unité de compte. Cette unité est un droit de tirage spécial défini par le Fonds

monétaire international, et elle est convertible en monnaie nationale224. Le montant total du

fonds ne peut ainsi pas excéder 89 770 000 unités de compte. Ces limites de responsabilité

peuvent être modifiées à la demande d’un quart au moins des Etats contractants.

Lorsque le propriétaire a pu limiter sa responsabilité du fait que le dommage ne résultait

pas de son fait ou de son omission personnelle, « aucun droit à indemnisation pour dommages

de pollution résultant de l’évènement ne peut être exercé sur d’autres biens du propriétaire » et

le tribunal ou autre autorité compétente de tout Etat contractant doit ordonner « la libération du

navire ou autre bien appartenant au propriétaire, saisi à la suite d’une demande en réparations

pour les dommages par pollution causés par le même évènement, et agit de même à l’égard de

toute caution ou autre garantie déposée en vue d’éviter une telle saisie »225.

B/ Un mécanisme qui reste inachevé

La Convention de 1992 ne fait pas exception : comme dans tous les textes juridiques

écrits dans la précipitation suite à un grave accident, elle donne l’impression d’être restée

inachevée. De plus l’affaire Erika a considérablement réussi malgré elle à mettre en exergue les

défauts de cette convention226.

1° Une définition incohérente du « navire » et des « hydrocarbures »

Lorsqu’une pollution par hydrocarbures survient, nous nous sommes déjà posé la

question de la nature des hydrocarbures : est-ce des hydrocarbures de soutes ou de cargaison ?

Dans l’introduction de ce mémoire, nous avons décidé de prendre en compte ces deux types

d’hydrocarbures, notamment car les mêmes règles de prévention et d’action peuvent s’appliquer.

La Convention de 1992 sur la responsabilité civile va dans le sens de cette affirmation en

définissant les hydrocarbures comme « tous les hydrocarbures minéraux persistants, notamment

le pétrole brut, le fuel-oil, l’huile diesel lourde et l’huile de graissage, qu’ils soient transportés

223 Article 5.1à de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile : « […] la jauge du navire est la jauge brute calculée conformément aux règles de jaugeage prévues à l’Annexe 1 de la Convention internationale de 1969 sur le jaugeage des navires ». 224 Pour davantage de détails, se référer à l’article 5.9 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile. 225 Article 6.1 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile. 226 « L’affaire [Erika] a mis en lumière certaines faiblesses de la CLC. Les plafonds de réparation ont du reste été entretemps réévalues. Quant au système même de la canalisation de la responsabilité sur la tête du propriétaire du navire, il est permis de se demander s’il répond encore aux données économiques et sociologiques actuelles ? La réponse appartient avant tout à la communauté maritime internationale. Espérons qu’elle nous parvienne ‘’avant qu’il ne soit trop tard’’ ». Confere Droit Maritime Français, juin 2013 Hors série n°17, page 48.

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à bord d’un navire en tant que cargaison ou dans les soutes de ce navire »227 (souligné par

nous). Mais cette définition est réduite à néant par la celle du navire : « tout bâtiment de mer ou

engin marin, quel qu’il soit, construit ou adapté pour le transport des hydrocarbures en vrac en

tant que cargaison, à condition qu’un navire capable de transporter des hydrocarbures et

d’autres cargaisons ne soit considéré comme un navire que lorsque qu’il transporte

effectivement des hydrocarbures en vrac en tant que cargaison et pour tout voyage faisant suite

à un tel transport à moins qu’il ne soit établi qu’il ne reste à bord aucun résidu de ce transport

d’hydrocarbures en vrac (souligné par nous) ». Seuls les hydrocarbures de cargaison des

pétroliers seraient donc pris en compte par la convention. Quid de l’utilité de mentionner les

soutes dans la définition des hydrocarbures ? De nombreux débats ont eu lieu sur la prise en

compte ou non des hydrocarbures de soute, un groupe de travail ayant proposé que la

convention s’applique pour les navires-citernes spécialisés ayant ou non à bord des résidus

d’hydrocarbures. La même ambigüité subsiste dans la convention créant le fonds international

d’indemnisation.

Enfin, la convention ne serait pas applicable aux dommages survenus en haute mer

puisqu’elle s’applique « exclusivement » aux dommages de pollution survenus sur le territoire,

la mer territoriale ou la zone économique exclusive d’un Etat. Seul l’Etat du pavillon serait alors

en mesure d’agir pour sanctionner l’auteur de l’infraction.

2° Une obligation d’assurance réservée aux navires transportant plus de 2000 tonnes d’hydrocarbures

L’article 7 de la Convention CLC 1969/1992 rend obligatoire, pour les navires de plus de

2000 tonnes, la souscription à une assurance ou garantie financière. Il peut s’agir d’un

cautionnement bancaire ou d’un certificat délivré par un fonds international d’indemnisation. Le

propriétaire couvre ainsi sa responsabilité pour dommage par pollution. La convention fournit en

annexe un exemple de ce certificat d’assurance, certificat obligatoirement présent à bord228. Il

contient notamment le nom du navire et son port d’immatriculation, le type de garantie

souscrite, le nom de la personne accordant la garantie ainsi que la période de validité du

certificat. C’est l’Etat d’immatriculation du navire qui détermine les conditions de délivrance et

de validité du certificat. Nous pouvons nous demander pourquoi cette assurance n’est pas rendue

obligatoire pour les navires dont la capacité de chargement d’hydrocarbures ne dépasse pas les

2000 tonnes : si un accident a lieu près des côtes, il causera également de grands dommages.

227 Article 1.5 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile. 228 Confere Annexe 16 : Certificat d’assurance du navire Mühlenau.

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Cette exemption de certificat n’est pas unique, car nombre de petits navires ne sont pas soumis à

l’ensemble des prescriptions administratives. Mais un régime uniforme aurait dû être mis en

place pour tous les pétroliers, ce qui éviterait les effets de paliers. Chaque Etat contractant doit

vérifier que les navires qui entrent dans ses ports ou qui les quittent ait ce certificat. La date de

fin de validité est de ce fait à mentionner dans l’Inward declaration que nous avons déjà

mentionnée229, pour tout navire souhaitant se rendre dans le port de Nantes Saint Nazaire.

§2. Intervention du FIPOL : responsabilité du propriétaire de la cargaison

Les conséquences d’une marée noire pouvant facilement dépasser les limites fixées par

la Convention internationale du 29 novembre 1969, un Fonds international d’indemnisation a

été mis en place afin d’indemniser les victimes au-delà de ce que prévoit la convention (A).

Nous allons voir que la nécessité de créer un troisième niveau d’indemnisation s’est ensuite fait

ressentir (B).

A/ Création du Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures

A l’origine créé par la Convention de 1971 portant création d’un Fonds international

d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, le fonds a été

modifié par un protocole de 1992 : la Convention internationale de 1992 portant création d’un

Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les

hydrocarbures. Les Etats Parties à cette convention considèrent en effet que la convention CLC,

« tout en imposant au propriétaire du navire une obligation financière supplémentaire,

n’accorde pas dans tous les cas une indemnisation satisfaisante aux victimes de dommages dus

à la pollution par les hydrocarbures ». La procédure d’indemnisation devant le FIPOL n’est

cependant possible que lorsque la victime n’a pas été totalement indemnisée en application de la

convention CLC. Plusieurs raisons peuvent tenir à cela : le propriétaire n’est pas capable

financièrement de s’acquitter de ses obligations ou les dommages dépassent la limite de

responsabilité du propriétaire. Deux fonds coexistent aujourd’hui. Le premier, celui de 1971, est

amené à disparaître lorsqu’il aura liquidé toutes les demandes affiliées aux accidents survenus

lors de son application.

Le Fonds s’organise de la même façon qu’une compagnie d’assurance : les importateurs

et réceptionnaires d’hydrocarbures y cotisent et, lorsqu’un accident survient pour l’un d’entre

eux, le fonds indemnise. Le fonds est donc alimenté par des contributions initiales et des 229 Confere Annexe 2 : Inward declaration.

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contributions annuelles. Les contributions initiales proviennent des personnes ayant reçu au

cours de l’année civile plus de 150 000 tonnes d’hydrocarbures. La contribution annuelle du

fonds est quant à elle fixée par l’assemblée du Fonds composée des Etats Parties. Cela est

rendu possible car le Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution

par hydrocarbures est une organisation intergouvernementale.

B/ Nécessité d’un troisième niveau d’indemnisation : le fonds complémentaire

Face à l’ampleur des pollutions de l’Erika et du Prestige, un troisième fonds

d’indemnisation a été créé suite à une conférence diplomatique de l’OMI en 2003. Est alors

adopté le Protocole à la Convention internationale de 1992 portant création d‘un fonds

complémentaire, entré en vigueur le 3 mars 2005. Le Fonds complémentaire international

d’indemnisation de 2003 est né : y participe les Etats ayant reçu en une année plus d’un million

de tonnes d’hydrocarbures. Ce fonds permet de compléter l’indemnisation du fonds de 1992 de

547 millions de DTS. Au total, les montants d’indemnisation peuvent donc s’élever à 750

millions de DTS230. L’adhésion à ce fonds est facultative, mais ouverte à tous les Etats membres

du Fonds de 1992.

Dans le cadre de ce régime gouverné par la CLC 1969/1992 et par des différents fonds,

un déséquilibre s’est créé pour les petits pétroliers. Les fonds STOPIA et TOPIA 2006 ont été

créés pour y remédier.

Malgré tous les efforts fournis pour mettre en place un véritable mécanisme international

de responsabilité civile, les victimes restent insatisfaites. En plus de l’existence de plafonds

d’indemnisation, de nombreux dommages ne peuvent être indemnisés par ce biais. Nous

pouvons citer le préjudice écologique pur et l’atteinte à l’image de marque et à la réputation. Les

dommages réparés sont les opérations de nettoyage et les mesures de sauvegarde, les dommages

aux biens et les pertes dans le domaine de la pêche, de l’aquaculture et du tourisme (préjudice

économique dit pur). Enfin, les dommages à l’environnement sont limités au coût des mesures

de remise en état raisonnables effectivement prises ou qui doivent être prises.

Nombre de victime préfèrent alors se constituer partie civile et opte pour un procès

pénal. Dans un article paru dans l’Annuaire de droit maritime et océanique, il nous est rappelé

que « les poursuites devant les juridictions répressives et les condamnations pénales

apparaissent seules comme pouvant désigner le coupable et exprimer le blâme social le plus fort

230 Ce qui équivaut à près de 872 millions d’euros.

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à son encontre. Comme en matière de crime contre l’humanité, de génocide ou de crimes de

guerre, le droit pénal révèle sa fonction expressive et symboliquement puissante, quant à la

reconnaissance de responsabilités et au prononcé des peines »231.

Section 2. Le droit pénal français, alternative au système international

Les juridictions judiciaires sont divisées en deux : juridictions civiles et juridictions

pénales. Elles sont toutes les deux tenues, en matière de pollution par hydrocarbures, par le

régime international de la responsabilité civile. Si une victime souhaite se constituer partie civile

afin de faire condamner les prévenus à réparer les dommages qu’ils ont causés, les limitations

que pose la Convention 1969/1992 sont donc applicables. La Convention, en plus de canaliser la

responsabilité du propriétaire du navire, posent des immunités en faveur de certaines personnes,

comme nous l’avons déjà remarqué. Afin d’agir en réparation devant les juridictions pénales, il

sera donc nécessaire de prouver que le dommage résulte du fait de ces personnes disposant

d’une immunité.

Mais pourquoi une victime agirait-elle devant les juridictions pénales au lieu des

juridictions civiles ? Comme nous le rappelle M. Martin Ndendé, « même si le procès pénal, à

travers la mise en œuvre de l’action publique, vise principalement à sanctionner pénalement le

coupable, il est également permis aux victimes de saisir les juridictions répressives appelées à

statuer sur l’action publiques pour obtenir réparation des dommages (corporels, matériels ou

moraux) causés par l’infraction pénale »232. La majorité des victimes dans l’affaire Erika s’est

ainsi tournée vers le procès pénal qui leur offrait une chance, en plus de l’indemnisation, de voir

condamner pénalement les auteurs de leur dommage. Pour cela, les juridictions pénales

françaises doivent être compétentes (§1) et il doit y avoir atteinte à une loi ou à un règlement

(§2).

§1. Compétence des juridictions pénales françaises au titre de la Convention de Montego Bay

La loi pénale française est applicable aux navires battant pavillon français, où qu’ils se

trouvent233. Elle est également applicable dans les eaux intérieures de la France et dans la mer

231 GRUNVALD S., SAAS C., « Regards croisés sur les catastrophes pétrolières : de l’Amoco-Cadiz à l’Erika, le regard du pénaliste », ADMO, 2009, p. 380. 232 NDENDE M., « Procédures d’indemnisation des victimes et enjeux judiciaires autour d’une catastrophe pétrolière », Revue de droit des transports n°1, février 2007, étude 2, p. 4-15. 233 Article 113-3 du Code pénal.

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territoriale, puisque dans ces zones l’Etat côtier exerce sa souveraineté234. Quant aux navires

étrangers, la loi pénale française leur est applicable s’ils commettent une infraction au-delà de la

mer territoriale dès lors que les conventions internationales et la loi le prévoient. De toutes ces

dispositions du Code pénal, nous pouvons conclure que la question de la compétence des

juridictions françaises en cas d’infraction commises par des navires étrangers se résout au regard

de la Convention de Montego Bay, en croisant deux éléments géographiques : le lieu de

survenance de l’accident ayant provoqué le dommage et le lieu où se trouve le navire. Dans les

trois cas que nous analyserons, nous entendrons par le terme « infraction » celle aux lois et

règlements que l’Etat du port ou l’Etat côtier a adoptés conformément à la CMB ou aux règles et

normes internationales applicables visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution par les

navires.

A/ Navire se trouvant volontairement dans un port ou dans une installation terminale au large

Nous nous trouvons ici dans l’hypothèse la plus simple et la plus pratique pour l’Etat qui

intente l’action : le navire est à quai dans un port ou dans une installation terminale au large

(nous utiliserons le terme « port » pour les deux expressions). Comme nous l’avons déjà

souligné concernant le contrôle par l’Etat du port, le navire qui se trouve volontairement dans un

port est soumis aux lois et règlements de l’Etat de ce port. Si une infraction a été commise « au-

delà de ses eaux intérieures, de sa mer territoriale ou de sa zone économique exclusive »235,

l’Etat du port peut intenter une action contre le navire. C’est l’article 218 de la CMB. Quand un

navire est dans un port, il peut donc être poursuivi pour une infraction même si elle est

intervenue en haute mer (ce qui prouve que la haute mer n’est plus une zone de liberté).

B/ Navire naviguant ou ayant navigué dans la mer territoriale

Deuxième hypothèse : un navire navigue ou a navigué dans la mer territoriale. Si le

navire y a commis une infraction pénale et que ses conséquences s’étendent à l’Etat côtier, ce

dernier peut procéder à une arrestation ou à l’exécution d’actes d’instruction. Il en va de même

si l’infraction est de nature à troubler la paix du pays ou l’ordre dans la mer territoriale. C’est ce

que prévoit l’article 27 de la Convention de Montego Bay. L’Etat côtier dispose donc, sur les

navires traversant sa mer territoriale, de la juridiction pénale à bord des navires étrangers.

Concernant les actes de pollution plus particulièrement, il faut nous tourner vers la partie XII de 234 Confere article 2 de la Convention de Montego Bay. 235 Article 218 de la CMB. Le terme « au-delà » porte à confusion : le texte signifie-t-il que l’Etat du port ne peut intenter une action pour un rejet effectué dans ses eaux intérieures ? Il doit s’agir d’une erreur de formulation. Dans tous les cas, l’Etat du port, qui est aussi l’Etat côtier, dispose d’une souveraineté absolue sur ses eaux intérieures.

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la convention relative à la protection et à la préservation du milieu marin. Son article 220.2

dispose : « lorsqu’un Etat a de sérieuses raisons de penser qu’un navire naviguant dans sa mer

territoriale a enfreint, lors de son passage, des lois et règlements qu’il a adoptés en conformité

avec la Convention ou des règles et normes internationales applicables visant à prévenir,

réduire et maîtriser la pollution par les navires, il peut procéder, sans préjudice de l’application

des dispositions pertinentes de la section III de la Partie II, à l’inspection matérielle du navire

pour établir l’infraction et, lorsque les éléments de preuve le justifient, intenter une action et

notamment ordonner l’immobilisation du navire conformément à son droit interne, sous réserve

de la section VII ». Là non plus, pas de difficulté particulière.

C/ Navire naviguant ou ayant navigué dans la ZEE

Nous sommes dans le cas où un navire a commis une infraction dans la zone économique

exclusive d’un Etat. Cette infraction a entrainé des rejets qui causent ou risque de causer des

dommages importants au littoral, aux intérêts connexes de l’Etat côtier ou à toutes les ressources

de sa mer territoriale ou de sa ZEE. Dans ce cas, l’Etat côtier peut intenter une action,

notamment ordonner l’immobilisation du navire. Il doit pour cela avoir des éléments de preuve

qui justifient l’infraction et satisfaire aux obligations de la section VII de la partie XII de la

CMB. L’article 228 de cette section régi les conditions de poursuite de l’Etat côtier ou de l’Etat

du port : si l’Etat du pavillon engage des poursuites du chef de la même infraction six mois

maximum après ces Etats, ou qu’un autre Etat a déjà entamé une procédure, les premières

poursuites sont suspendues. Cette disposition n’est toutefois pas applicable si l’Etat du pavillon

a auparavant fait preuve de laxisme dans l’application des règles et normes internationales à la

suite d’infractions commises par ses navires, ou si l’infraction a causé un dommage grave à

l’Etat côtier.

La compétence de l’Etat du port ou de l’Etat côtier par rapport à cet Etat qui navigue ou

qui a navigué dans la ZEE semble donc elle aussi relativement facile à déterminer. On en

oublierait presque que pour certains cette compétence ne semblait pas aller d’elle-même. L’arrêt

de la Cour de cassation en date du 25 septembre 2012 met fin à toute tergiversation : « par

application combinée des articles 220 point 6 et 228 de [la Convention de Montego Bay],

lorsque des poursuites ont été engagées par l’Etat côtier en vue de réprimer une infraction aux

lois et règlements applicables ou aux règles et normes internationales visant à prévenir, réduire

et maîtriser la pollution par les navires, commise au-delà de sa mer territoriale par un navire

étranger, la compétence de cet Etat est admise lorsqu’elle porte sur un cas de dommage

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grave ». Un regret : celui de voir accolé à cette décision la condition du dommage grave. Nous

ne savons pas si cet ajout a été placé pour appuyer le fait que la pollution occasionnée par

l’Erika était particulièrement inadmissible, ou s’il s’agit là d’une véritable condition. Dans ce

dernier cas, elle constituerait l’un des bémols que les musiciens du droit aiment à ajouter à la clé

de cet arrêt de la Cour de cassation. Toutefois, M. Martin Ndendé en citant M. Pierre Bonassies

nous rappelle que « cette solution ne peut que satisfaire le monde du Droit car, comma l’a

souligné la doctrine la plus autorisée : ‘nier cette compétence serait (…) nier cinquante années

de progrès du droit international, comme du droit français ou du droit européen dans la lutte

contre la pollution marine’ »236.

§2. L’infraction de pollution par hydrocarbures et la procédure pénale

L’Etat côtier ou l’Etat du port compétent agit pour réprimer une infraction. Au pénal, ces

infractions sont qualifiées selon leur gravité en crime, délit et peine237. Pour qu’une personne

soit punie de son crime ou de son délit, ces derniers doivent être prévus et leurs éléments définis

par la loi. La contravention doit quant à elle être définie par un règlement238 (A). Une fois ces

éléments constitués, la procédure pénale peut enfin s’ouvrir (B).

A/ Eléments nécessaires à l’action pénale

Dans un premier temps, une infraction doit être constituée. La Convention de Montego

Bay exige qu’une atteinte soit faite aux lois et règlements de l’Etat. Selon l’article 112-1 du

Code pénal, « sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils

ont été commis ». Dans le cas de l’affaire Erika, les infractions qui étaient invoquées par les

victimes étaient : pollution marine, mise en danger de la vie d’autrui, abstention volontaire de

combattre un sinistre. Les victimes se fondaient sur les articles 121-2, 121-3, 223-1 et 223-2 du

Code pénal et 1, 7, 8 et suivants de la loi n°83-583 du 5 juillet 1983, alors applicables à l’époque

des faits.

La preuve de cette infraction doit, en France, être apportée par la victime. Dans le procès

de l’Amoco-Cadiz, les victimes agissant aux Etats-Unis bénéficiaient quant à elles du fait que la

charge de la preuve appartenait au prévenu239. La preuve de la pollution et de l’infraction de

236 NDENDE M., « Pollution marine par hydrocarbures (Affaire de l’Erika) », Revue Droit des transports n°4, octobre 2012, comm.52. M. Ndendé cite l’article de M. Bonassies « Sur l’Erika, ou avant qu’il ne soit trop tard », Le Droit Maritime Français 2012, p. 403 et s. 237 Article 111-1 du Code pénal. 238 Article 111-3 du Code pénal 239 Confere NDENDE M., « L’affaire de l’Amoco-Cadiz… Quatorze ans de bataille juridique », Espaces et Ressources Maritimes, janvier 1992, n° 6.

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pollution n’apporte pas de difficultés particulières en matière de pollution accidentelle, celle-ci

étant souvent d’une grande ampleur. Pour les pollutions opérationnelles, Mme Martine Rémond-

Gouilloud estime que « faute de preuve l’infraction ne pouvait être établie ; tout marin sait bien

que pour dégazer en mer, il faut procéder de nuit, dans le sillage d’un autre navire, et dans une

zone fréquentée où les traces se brouillent ».240

En second lieu, l’auteur de l’infraction doit être identifié pour qu’une réparation du

préjudice soit possible. La responsabilité civile des personnes peut être engagée sans limite de

responsabilité. Dans l’affaire de l’Erika, ont été condamnés : M. X en sa qualité d’ayant droit

économique assurant la gestion de la société propriétaire du navire, M. Y chargé de sa gestion

technique, en sa qualité de dirigeant de Panship management, la société Rina ainsi que de Total

SA, celle-ci ayant exercé un pouvoir de contrôle dans la gestion du navire241.

B/ La procédure pénale

Il y a trois phases dans un procès pénal : la poursuite (ministère public), l’instruction

(juridictions d’instruction) et le jugement. Lorsqu’une pollution par hydrocarbures de grande

ampleur survient et qu’une pollution est constatée, est ouverte une information judiciaire. Les

personnes soupçonnées d’avoir participé à la commission de l’infraction sont renvoyées devant

le tribunal correctionnel, comme l’ont été pour l’Erika les différents intervenants dans la chaîne

du transport maritime et certains de leurs mandataires pour « pollution des eaux ou voies

navigables françaises le long du littoral atlantique à la suite d’un accident de mer survenu en

ZEE […] par un navire citerne étranger d’une jauge brute égale ou supérieure à 150 tonneaux,

délit ou la complicité du délit de mise en danger d’autrui et délit d’abstention volontaire de

combattre un sinistre ».

C’est le Code de procédure pénale qui régit la procédure applicable en cas de pollution

des eaux maritimes par rejets des navires. L’article D47-31-1 nous donne la liste des tribunaux

compétents pour connaître de ces infractions. Sont compétents en première instance et dans leur

circonscription respective les tribunaux de grande instance et d’instance de Brest, Le Havre,

Marseille, Fort-de-France, Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Denis-la-Réunion. Selon l’article

706-107 du même code, « pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et, s'il s'agit de délits, le

jugement des infractions en matière de pollution des eaux marines et des voies ouvertes à la

navigation maritime prévues et réprimées par la sous-section 2 de la section 1 du chapitre VIII 240 REMOND-GOUILLOUD M., Du droit de détruire, essai sur le droit de l’environnement, Première édition, Paris, PUF, 1989, 304 pages, pages 101 et 102. 241 Confere Annexe 7 : Principaux acteurs de l’Erika.

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du titre Ier du livre II du code de l'environnement, qui sont commises dans les eaux territoriales,

les eaux intérieures et les voies navigables, la compétence d'un tribunal de grande instance peut

être étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel ». Ces dispositions sont également

applicables si les infractions sont commises en ZEE ou dans une zone de protection écologique.

Pour les affaires d'une grande complexité, le procureur de la République près le tribunal de

grande instance peut demander au juge d'instruction de se dessaisir au profit du tribunal de

grande instance de Paris. C’est ainsi que ce dernier connaît principalement des grandes affaires

de pollution par hydrocarbures. De plus, les infractions commises hors des espaces maritimes

sous juridiction française sont également de sa compétence242.

Le jugement rendu par le tribunal d’instance ou le tribunal de grande instance peut faire

l’objet d’un recours devant une Cour d’appel. Cette dernière est la seule juridiction du second

degré qui « statue souverainement sur le fond des affaires »243. Enfin, l’arrêt rendu par la Cour

d’appel peut faire l’objet d’un pourvoi devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Dans l’affaire Erika, la Cour de cassation par son arrêt du 25 septembre 2012 casse et annule

l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, mais uniquement sur deux points : la recevabilité de la

constitution de partie civile de l’association Robin des bois et la non responsabilité de Total SA.

Cette dernière est tenue solidairement avec les autres prévenus de payer aux parties civiles les

dommages-intérêts alloués par la Cour d’appel.

242 Article 706-108 du Code de procédure pénale. 243 Article L311-1 a2 du Code de l’organisation judiciaire.

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Chapitre 2. L’indemnisation des personnes morales en France en cas de dommage de pollution

Lorsqu’une pollution par hydrocarbures survient en France, plusieurs personnes sont

susceptibles d’utiliser les procédures que nous venons de voir pour faire réparer leur préjudice.

Après la marée noire occasionnée par l’Erika, des personnes privées (commerçants, pêcheurs),

des entreprises (agence maritime, société ostréicole), communautés d’agglomération, régions,

départements, communes, associations et syndicats se sont vu octroyer des dommages-intérêts.

Nous allons nous intéresser plus particulièrement, dans le dernier chapitre de ce mémoire, aux

demandes d’indemnisation des associations de protection de la nature et de l’environnement

(Section 1) et des collectivités territoriales (Section 2) en cas de dommage de pollution par

hydrocarbures. Ces deux catégories de personnes morales conservent leur spécificité, ce qui

permet de mieux comprendre l’action de chacune d’entre elles en faveur notamment de la lutte

contre la pollution.

Section 1. L’action des associations de protection de la nature et de l’environnement

Les associations de protection de la nature et de l’environnement (APNE) sont encadrées

par les articles L141-1 et suivants du Code de l’environnement. Cachée dernière la condition

d’attribution de leur agrément, une définition des APNE semble justement apparaître à l’article

L141-1 : elles peuvent exercer « leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de

la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l'amélioration du cadre de vie, de la

protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, de l'urbanisme ou avoir pour objet

la lutte contre les pollutions et les nuisances ». Agathe Van Lang considère ainsi que ces

associations « constituent un précieux relais entre l’individu et les pouvoirs publics »244.

Au vu de cette définition, il est apparu nécessaire que les APNE soient dotées de moyens

leur permettant d’agir contre les atteintes portées à l’environnement. Et nous allons, dans la

dernière partie de ce mémoire, tenter de démêler le nœud juridique qui enserre ces associations.

Ce nœud, construit autour de leurs activités et de leur rôle, s’est en grande partie desserré grâce

à l’affaire Erika. Nous allons donc pouvoir analyser, près d’un an après que l’arrêt du 25

septembre 2012 ait été rendu, les préjudices dont les APNE peuvent souffrir (§1). Nous

244 VAN LANG A., Droit de l’environnement, 3ème édition, Paris, PUF, 2011, pages 241 à 247.

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regarderons ensuite les possibilités qui leurs sont ouvertes afin qu’elles puissent réclamer leur

droit à réparation (§2).

§1. De la diversité des préjudices dont les APNE peuvent demander réparation

Lorsque des dommages résultant d’une pollution accidentelle par hydrocarbures viennent

à être constatés et que cela leur cause une atteinte préjudiciable245, les associations de protection

de la nature et de l’environnement peuvent en demander réparation. Ces dommages

environnementaux246 sont considérés par certains auteurs comme étant l’atteinte portée à

l’intégrité et/ou à la qualité de l’environnement naturel247. Nous classerons les préjudices

résultant de ces dommages en deux grandes catégories : les préjudices dont les associations

souffrent personnellement (A) et les préjudices causés à l’environnement en tant que tel (B).

A/ Les préjudices personnels aux associations

Une APNE peut demander réparation de l’atteinte qu’elle a eu à supporter

personnellement (victime précise248) du fait d’un dommage environnemental. Pour que cela soit

possible, le préjudice doit être certain et direct249 ; on doit en apporter la preuve et il doit être

causé directement par le dommage. Le préjudice peut être matériel (1°), moral (2°), plus

rarement économique (3°). Ces trois préjudices peuvent être concomitants d’un même dommage

– en l’espèce une pollution par hydrocarbures. Une association de protection de la nature et de

l’environnement est donc susceptible d’être indemnisée simultanément de ces différents chefs de

245 NEYRET L., MARTIN G. J. (dir.), Nomenclature des préjudices environnementaux, Paris, L.G.D.J., 2012, p. 15 : « L’atteinte est préjudiciable lorsqu’elle est qualifiée, selon les cas, de « mesurable », « suffisante », « quantifiable », « non négligeable » « notable » « significative », « substantielle », « grave », ou « irréversible » ». 246 Pour plus de détails sur la définition du dommage environnemental, Confere Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux : les préjudices environnementaux sont « a) les dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés, à savoir tout dommage qui affecte gravement la constitution ou le maintien d'un état de conservation favorable de tels habitats ou espèces […], b) les dommages affectant les eaux, à savoir tout dommage qui affecte de manière grave et négative l'état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux concernées […], c) les dommages affectant les sols, à savoir toute contamination des sols qui engendre un risque d'incidence négative grave sur la santé humaine du fait de l'introduction directe ou indirecte en surface ou dans le sol de substances, préparations, organismes ou micro-organismes ». Confere également Loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement (loi qui crée le Titre VI du Livre I du Code de l’environnement). Le dommage écologique pur est défini par Martine Rémond-Gouilloud comme l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement et découlant de l’infraction (Rémond-Gouilloud M., « Sur le préjudice écologique », DMF 2012, 1020). 247 NEYRET L., MARTIN G. J. (dir.), Nomenclature des préjudices environnementaux, Paris, L.G.D.J., 2012, p. 15. 248 NEYRET L., MARTIN G. J. (dir.), Nomenclature des préjudices environnementaux, Paris, L.G.D.J., 2012, p. 393. 249 LE TOURNEAU P. (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action 2008/09, n°1309.

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préjudices. La Ligue de protection des oiseaux (LPO) dans l’affaire de l’Erika a été indemnisée

à la fois pour son préjudice matériel et pour son préjudice moral250.

1° Préjudice matériel

A propos du déversement accidentel de 500 m3 de fioul lourd dans l’estuaire de la

Loire251, le Tribunal de grande instance de Saint Nazaire considère par un jugement du 17

janvier 2012 que le préjudice matériel « est lié aux activités de dépollution, lequel s’entend des

frais de remise en état, tels les frais liés au nettoyage des sites, au sauvetage de la faune

sauvage ou à la restauration des infrastructures ou encore des atteintes à l’outil de travail ».

Dans le cadre d’une pollution des côtes par les hydrocarbures, une association qui

participe au nettoyage va devoir acheter du matériel et affecter certains de ses salariés à cette

tache. Le dispositif Polmar, que nous avons étudié en première partie de ce mémoire, prend en

charge les coûts matériels engendrés par les marées noires, mais ne prend pas en compte les

coûts de fonctionnement des structures. A l’occasion du naufrage de l’Erika, l’association

Bretagne vivante a ainsi dû supporter le coût de ses salariés jusqu’aux 35 heures, les heures

supplémentaires ayant été prises en charge par le plan Polmar. Toujours dans l’affaire Erika,

nous pouvons remarquer que seule une association de protection de la nature et de

l’environnement, la LPO, a été indemnisée au titre du préjudice matériel : la Cour d’appel de

Paris a fixé le montant de ses dommages-intérêts à hauteur de 303 167,13 euros252.

2° Préjudice moral

Toujours selon le jugement du TGI de Saint Nazaire précité, le préjudice moral

« recouvre aussi bien le trouble de jouissance que l’atteinte à la réputation, à l’image de

marque et à des valeurs fondant l’identité de la victime ». Le préjudice moral est une atteinte

portée à l’état d’esprit de l’association, à sa disposition à supporter en l’espèce la pollution par

hydrocarbures253. Plus l’association aura œuvré au bénéfice de l’environnement pollué, plus elle

sera à même de se prévaloir de ce préjudice. Concernant l’Erika, la Cour d’appel a considéré

que la marée noire avait contrarié considérablement les objectifs de l’association Robin des bois,

à savoir la protection de l’environnement et des espèces menacées et la sauvegarde des milieux

naturels. La Cour, en rappelant les activités et les implications de cette association sur la scène

250 Confere Annexe 17 : Dommages-intérêts alloués à la suite de l’Erika. 251 Déversement provoqué par suite de la rupture d’un tuyau d’approvisionnement d’un navire au sein de la raffinerie de Donges exploitée par la société Total. TGI Saint Nazaire, 17 janvier 2012, RG 08/04388. 252 Confere Annexe 17 : Dommages-intérêts alloués à la suite de l’Erika. 253 Dictionnaire Le Larousse. Définition de moral : Etat d’esprit, disposition à supporter quelque chose.

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internationale (participation à la commission baleinière internationale, expert de la commission

d’enquête sur les déchets toxiques déversés dans les districts d’Abidjan, membre du conseil

supérieur des installations classées) considère ainsi qu’il y a lieu de lui allouer la somme de

50 000 euros en réparation de son préjudice moral254.

Le préjudice moral qui résulte d’une atteinte forte à l’action d’une association sur le plan

de la protection de l’environnement se révèle très difficile à calculer ; nous sommes en présence

d’un préjudice quasiment fantomatique, dans tous les cas immatériel. Bretagne vivante a étudié

le budget qu’elle avait consacré à la conservation des sites accueillant des oiseaux marins de

1983 à 2006. Sur ce budget de plus de 31 millions d’euros, 22% ont été consacrés aux oiseaux

marins. Ce pourcentage peut servir de base au calcul du préjudice moral car il prend en compte

les investissements et les efforts qui ont été réalisés par l’association. Dans le même temps, il

permet de mesurer leur anéantissement par la pollution. Il apparaît toutefois nécessaire qu’une

véritable méthode de calcul des préjudices « affectifs » soit mise en place, même si les

mathématiques ne peuvent en être que les transcripteurs infidèles.

3° Préjudice économique

Enfin, et en reprenant les propos du TGI de Saint Nazaire, le préjudice économique

« s’entend de l’ensemble des pertes de revenus et des gains manqués » résultant de la pollution.

L’association Bretagne vivante a considéré, dans le cadre de la catastrophe de l’Erika, qu’elle

avait subi un préjudice économique. Elle a en effet dû affecter une partie de son personnel

permanent à l’encadrement des bénévoles sur les centres de soins. Ce personnel qui travaillait

habituellement à des actions rémunérées (telles que des études) a donc accumulé du retard dans

les actions programmées et les travaux n’ont pas été facturés255. Il en résulte donc ici une perte

de revenus pour l’association, ce qui engendre un préjudice économique.

Dans la nomenclature des préjudices environnementaux proposée par la doctrine256, la

notion de préjudice économique – qui est plus large que celle que nous avons retenue pour cette

partie – comprend le préjudice matériel. Elle estime ainsi que « les préjudices économiques

résultant d’un dommage environnemental regroupent l’ensemble des atteintes aux intérêts

collectifs individuels d’ordre patrimonial qui peuvent être répartis en trois catégories : les coûts

254 La Cour de cassation a déclaré que Robin des bois n’était pas recevable à se constituer partie civile, ce qui n’enlève aucun intérêt aux critères retenus par la Cour d’appel et dont nous nous servons pour expliquer le préjudice moral. 255 Bretagne vivante, « Evaluation des sommes consacrées par Bretagne vivante à la conservation des oiseaux marins », août 2006, p.4. 256 NEYRET L., MARTIN G. J. (dir.), Nomenclature des préjudices environnementaux, Paris, L.G.D.J., 2012, p.19-21.

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exposés et à venir résultant des préjudices causés à l’environnement, les atteintes aux biens

ainsi que les pertes de profit ou de gain espéré ». La Cour de cassation, dans son arrêt du 25

septembre 2012 sur l’Erika, distingue le préjudice économique du préjudice matériel, tout

comme cet arrêt du TGI de Saint Nazaire. C’est pourquoi nous avons choisi de garder cette

distinction.

B/ Les préjudices causés à l’environnement

Certaines associations agissent dans un but d’intérêt général, d’intérêt de « l’humanité ».

Cet intérêt qualifié de collectif par la jurisprudence257 peut permettre aux APNE d’être

indemnisées pour les préjudices causés à l’environnement en tant que tel, c’est-à-dire pour le

préjudice écologique pur. Ce préjudice résulte du dommage environnemental, comme nous

l’avons vu en introduction de ce paragraphe. Toute la complexité du dommage environnemental

ou écologique258 apparaît dans la définition qu’en donne Michel Prieur : les dommages

écologiques proprement dits sont « subis par le milieu naturel dans ses éléments inappropriés et

inappropriables et affectant l’équilibre écologique en tant que patrimoine collectif »259. Nous

nous sommes donc demandés pendant longtemps de quelle façon l’environnement pouvait-il

voir son préjudice réparé ; n’étant pas un sujet de droit, une personne morale ou physique

pouvait-elle demander la réparation de ce préjudice ? Comme en matière de représentation ou de

tutelle, les APNE se sont retrouvées être les mieux à même de demander cette réparation (avec

les collectivités territoriales, que nous analyserons dans une seconde section). Les APNE

semblent alors agir pour le compte de l’environnement qu’elles représentent, cette

représentation dans l’intérêt collectif permettant sa protection.

Il s’agit ici d’établir la distinction qui doit être faite entre le préjudice écologique pur et

les autres préjudices écologiques. Cette distinction fonde les propos que nous tenons dans ce

paragraphe. Il n’y a aucune différence entre les termes « préjudice écologique », « préjudice

environnemental », « préjudice causé à l’environnement », « préjudice résultant de l’atteinte à

l’environnement ». Dans l’affaire de l’Erika, la Cour d’appel de Paris semble d’ailleurs utiliser

ces termes de façon équivalente260. Mais il y a une différence fondamentale entre ces préjudices

et le préjudice écologique pur, qui selon la même Cour résulte « d’une atteinte aux actifs

environnementaux non marchands, réparables par équivalant monétaire, visant toute atteinte

non négligeable à l’environnement naturel, à savoir, notamment, à l’air, l’atmosphère, l’eau, 257 Confere notamment Cour d’appel de Paris, n° RG 98/02278, 30 mars 2010, dit affaire Erika. 258 Les deux termes sont utilisés de façon équivalente. 259 PRIEUR M., Droit de l’environnement, Dalloz, Précis, 5e édition, 2004, p. 917. 260 Confere Annexe 17 : Dommages-intérêts alloués à la suite de l’Erika.

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les sols, les terres, les paysages, les sites naturels, la biodiversité et l’interaction entre ces

éléments, qui est sans répercutions sur un intérêt humain particulier mais affecte un intérêt

collectif légitime ».

Dès lors, de quelle façon une association peut-elle demander réparation du préjudice

écologique pur ? Nous allons voir que cette demande reste une nouveauté destinée à un certain

type d’association (1°), nouveauté difficile à chiffrer, comme nous le verrons à travers l’affaire

Erika (2°).

1° De la nécessité d’être une APNE agréée

C’est l’article L 142-2 du Code de l’environnement qui dispose que les associations de

protection de l’environnement agréées « peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en

ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles

ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à

la protection de la nature et de l'environnement, à l'amélioration du cadre de vie, à la

protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, à l'urbanisme, ou ayant pour objet la

lutte contre les pollutions […] ainsi qu'aux textes pris pour leur application ». Trois conditions

cumulatives sont posées par cet article :

-Pour pouvoir agir en justice afin de demander réparation du préjudice écologique pur,

les associations doivent dans un premier temps être des associations de protection de

l’environnement agréées261 ou des associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq

ans à la date des faits (sous certaines conditions262). Selon Raymond Leost, cet « agrément

confère une légitimité aux associations qui inscrivent leurs actions dans le champ d’une

participation au service public de la nature et de l’environnement »263.

-Les faits en cause doivent ensuite constituer une atteinte aux intérêts collectifs que les

APNE sont en charge de défendre. Pour cela, une analyse des statuts de l’association est

nécessaire. Dans l’affaire Erika, la LPO avait ainsi demandé la réparation du préjudice 261 Article L141-1 du Code de l’environnement : « Lorsqu'elles exercent leurs activités depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l'amélioration du cadre de vie, de la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, de l'urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d'une manière générale, œuvrant principalement pour la protection de l'environnement, peuvent faire l'objet d'un agrément motivé de l'autorité administrative […] ». Les agréments des associations se trouvent en préfecture. Les plus récents sont en ligne sur le recueil des actes administratifs. Confere Annexe 19 : Agrément de l’association Bretagne vivante. 262 Article L142-2 al.2 du Code de l’environnement : « Ce droit est également reconnu, sous les mêmes conditions, aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits et qui se proposent, par leurs statuts, la sauvegarde de tout ou partie des intérêts visés à l'article L. 211-1, en ce qui concerne les faits constituant une infraction aux dispositions relatives à l'eau […] ». 263 LEOSt R., L’agrément des associations de protection de la nature, rje, 1995, n°2.

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écologique pur eu égard à son objet statutaire264. L’arrêt de la Cour d’appel de Paris nous dit

que « l’atteinte portée à la préservation du milieu naturel […] a touché, en l’espèce, les oiseaux

marins dans tous les aspects de leur vie, intérêt collectif que la LPO s’est donnée pour mission

de protéger ; qu’atteinte dans son « animus societatis » qui compose et caractérise sa

personnalité propre, elle a subi un préjudice personnel et son intérêt à agir est par conséquent

établi ». C’est ainsi que la LPO obtient de la Cour d’appel, au titre du préjudice écologique pur,

300 000 euros. L’association Bretagne vivante, qui a décidé de se dessaisir de son action dans

l’affaire Erika, précise dans ses statuts qu’elle a pour objet de « sauvegarder dans les

départements des Côtes d’Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Morbihan et

éventuellement les départements limitrophes faisant biogéograhiquement partie de la même

région naturelle de la Bretagne, la faune et la flore naturelles en même temps que les milieux

dont elles dépendent (roches, paysages, sols et eaux) lorsque leur conservation s’impose par

suite d’un intérêt scientifique, économique ou esthétique caractérisé »265.

-Enfin, il est nécessaire qu’une infraction aux dispositions législatives citées par l’article

142-2 soit établie.

2° Une nouveauté relativement difficile à chiffrer : l’exemple de l’affaire Erika

La proposition de loi sur le préjudice écologique266 souhaite insérer un nouvel article

1386-20 dans le Code civil, article qui disposerait : « lorsque la réparation en nature du

dommage [à l’environnement] n’est pas possible, la réparation se traduit par une compensation

financière ». La Cour d’appel de Paris concernant l’Erika nous dit ainsi « que le préjudice

écologique « pur » consécutif à [l’atteinte portée à la préservation du milieu naturel] ne peut

faire l’objet de mesures de réparation […] et ne peut faire l’objet que d’une mesure de

compensation pécuniaire ».

Afin de calculer cette compensation, plusieurs méthodes peuvent être utilisées. La LPO

en a proposé trois dans l’affaire de l’Erika. La première méthode consiste à prendre en compte

la valeur unitaire fixée pour chaque espèce déterminée conformément à une décision du conseil

d’administration de l’Office national de la chasse fixant les valeurs de référence des principales

espèces de gibier devant les tribunaux. Ce tarif serait appliqué, suivant l’espèce concernée, aux

oiseaux morts des suites de la pollution par hydrocarbures. La deuxième méthode repose sur

l’affectation d’un coefficient de « rareté-menace » à une valeur de référence unique pour toutes 264 TGI Paris, 16 janvier 2008, p. 236. 265 Confere Annexe 18 : Statut de l’APNE Bretagne vivante (extrait). 266 Confere BELLORD C., « Proposition de loi sur le préjudice écologique », Le Droit Maritime Français 748, juin 2013, p. 574-576.

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les espèces d’oiseaux touchées. Cette valeur serait elle aussi appliquée, suivant l’espèce

concernée, au nombre d’oiseaux secourus par la LPO. Enfin, la troisième méthode, « méthode

contingente », est fondée sur le consentement à payer pour « réparer » la perte des oiseaux

mazoutés. Cette méthode a été particulièrement étudiée et mise en place lors des grandes

catastrophes pétrolières. Lors de la pollution occasionnée par l’Exxon Valdez, la compagnie

Exxon a financé des travaux qui ont réuni des panels d’experts. Lorsque le Prestige a pollué les

côtes de l’Espagne, les espagnols ont été consultés. Une question leur était notamment posée :

Combien êtes-vous prêts à payer pour éviter qu’une pollution ne se reproduise ? Les galiciens

étaient prêts à payer chacun 228 euros. Dans les autres provinces espagnoles, cette somme

tombait à 28 euros267.

Dans le cadre de la demande en réparation de la Ligue de protection des oiseaux, la Cour

d’appel de Paris nous dit qu’elle « doit tenir compte du coût des mesures raisonnables de

réparation que l’objet de cette association pourrait la conduire à mettre en œuvre ; qu’eu égard

au nombre d’oiseaux de chaque espèce victimes de la marée noire, mais aussi à la capacité de

la nature à se régénérer et, en l’occurrence, de la capacité des espèces d’oiseaux relativement

communes à compenser par reproduction leurs pertes accidentelles et, à l’inverse, de la

difficulté à rétablir des populations d’oiseaux plus rares ou dont les capacités d’adaptation sont

moins grandes, compte-tenu encore de la nécessité, pour que les mesures de réparation soient

les plus efficaces possibles, de mener des études sur le suivi temporel des oiseaux marins et

d’étudier la réintroduction des espèces disparues ou gravement menacées, la cour d’appel

possède les éléments d’appréciation lui permettant de fixer à 300 000 euros la compensation

pécuniaire du préjudice écologique « pur » de la LPO ». LPO estimait, dans son troisième

moyen de cassation, que la Cour d’appel s’était bornée « à évaluer forfaitairement le préjudice

écologique […] sans autrement s’expliquer sur les méthodes d’évaluation proposées par la

LPO ».

Raphaël Romi considère que l’on peut envisager cinq techniques268, chacune ayant ses

atouts et ses faiblesses :

-L’évaluation des espaces par les prix de leurs usages : « déterminer la valeur des sites en

fonction de leur prix sur les marchés ».

-L’évaluation par les coûts évités : « évaluer des valeurs d’usage indirectes d’un espace ».

-L’évaluation contingente : « monétariser la valeur écologique d’un site ».

267 Colloque, « Erika, Prestige, et demain ? », Nantes, 7 juin 2013, organisé par l’Université de Nantes. 268 ROMI R., Droit de l’environnement, 7ème édition, Paris, Montchrestien, 2010, p. 155-157.

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-La méthode des prix hédonistes (méthode de l’économie non marchande) : « dégager le surplus

de valeur d’un marché propre qui peut être attribué à un écosystème ».

-L’analyse coûts/avantages : « dresser un tableau des avantages et inconvénients d’une attitude,

d’un projet, d’une abstention, d’une action ».

M. Romi ajoute ici qu’ « en matière écologique, ni compensation parfaite ni réparation

parfaite ne sont possibles, car tout dommage est par nature irréversible ».

§2. De la diversité des scénarios juridiques imaginables

Afin de faire réparer leur préjudice, plusieurs voies s’ouvrent aux associations. A côté de

la traditionnelle action en justice (A), nous verrons que les associations ont également la

possibilité de recourir à la transaction (B).

A/ Les actions en justice ouvertes aux APNE

Une association est une personne morale, c’est-à-dire un groupement doté de la

personnalité juridique. Elle est donc titulaire de droits et d’obligations. Parmi ses droits se

trouve la capacité d’ester en justice269. Les associations de protection de la nature et de

l’environnement peuvent donc engager une action en justice « pour obtenir le respect de leurs

droits ou de leurs intérêts légitimes »270.

Quand une association de protection de la nature et de l’environnement doit faire face à

un fait qui lui porte préjudice, elle va devoir choisir les juridictions les plus pertinentes afin que

le fait dommageable soit stoppé ou réparé. Si ce fait provient d’une décision administrative,

l’association peut saisir le juge administratif afin qu’il annule cette décision si elle est illégale.

Selon l’article L142-1 du Code de l’environnement, « toute association ayant pour objet la

protection de la nature et de l’environnement peut engager des instances devant les juridictions

administratives pour tout grief se rapportant à » cette protection, les associations agréées de

protection de l’environnement bénéficiant d’une présomption de leur intérêt à agir. En matière

de pollution par hydrocarbures accidentelles, cette voie de droit n’est pas pertinente271. L’autre

solution possible est de se tourner vers les juridictions de l’ordre judiciaire : les juridictions

269 Article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association : Toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice […]. 270 Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 16ème édition, 2007. 271 Il faudrait ici établir une responsabilité de l’administration : une exécution incomplète du Plan POLMAR par exemple. Le cas ne sait encore jamais présenté. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le mémoire de X, « Les associations de protection de l’environnement et le droit : quelles actions juridiques pour garantir un plus grand respect de l’environnement dans la décision ? », 2005, pp. 31-38.

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civiles ou les juridictions pénales. On se rapportera ici à ce qui a été dit dans la précédente

section.

B/ La transaction, l’autre solution de règlement des différends

Dans le cadre des pollutions marines par hydrocarbures, une association de protection de

la nature et de l’environnement peut choisir de recourir à la transaction afin d’obtenir réparation

du fait qui lui a causé préjudice. Son cocontractant sera la personne qu’elle estime responsable

de ce fait dommageable. Cette personne, par exemple un transporteur d’hydrocarbures, refusant

expressément dans le contrat de se voir reconnaître une quelconque responsabilité, malgré le

versement d’une somme remplissant l’association de l’intégralité de ses droits.

La transaction est régie par les articles 2044 et suivants du Code civil. C’est un contrat

écrit « par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à

naître ». Pour que deux parties puissent prendre part à un tel contrat, elles doivent transiger,

c’est-à-dire conclure un arrangement par des concessions réciproques272. Chacune des parties

prend en considération les avantages et inconvénients qu’offre la transaction, et s’engage si le

résultat lui semble positif. Dans ce dernier cas, les cocontractants considèrent que la transaction

est le meilleur choix qui leur soit offert afin de mener à bonne fin (transigere, origine latine du

verbe transiger) leurs intentions.

La transaction doit être écrite, mais elle ne comporte pas de clause obligatoire.

Néanmoins, nous ne pouvons ici que fortement recommander d’y rappeler les dispositions du

Code civil273 ; la transaction comporte en effet la renonciation à certains droits, renonciation qui

« ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu »274. A titre d’exemple,

l’article 2052 du Code civil dispose que « les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la

chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni

pour cause de lésion ».

Peu d’informations existent concernant les transactions concluent entre les APNE et

leurs cocontractants : une clause de confidentialité est le plus souvent insérée dans le contrat et

son inobservation entraîne le versement de dommages-intérêts. La transaction est donc enfermée

dans le secret des indemnisés et des indemnisateurs. Nous pouvons penser que cette

confidentialité est, pour l’une ou moins des parties, à la source de son engagement. Il s’agit du

272 Dictionnaire Le Larousse. 273 Confere Annexe 20 : Exemplaire d’une transaction. 274 Article 2048 du Code civil.

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cocontractant de l’association : par la transaction tenue secrète, l’opinion publique n’est pas

tenue au courant de l’action en indemnisation de l’association, ce qui résorbe l’intérêt du litige.

Si l’association avait intenté une action en réparation de son préjudice, outre le fait d’obtenir une

indemnisation, elle aurait montré publiquement que la pollution lui a causé un dommage et

tenté de démontrer que la personne qu’elle estime être à l’origine de ce dommage est

responsable. Mais l’association a elle aussi un intérêt à conclure la transaction : être indemnisée

rapidement et éviter de nombreux frais de procédure. L’association souhaite donc obtenir de la

transaction l’équivalent de qu’elle pourrait espérer avoir par une action en justice. Notons ici

que, suivant l’article 2058 du Code civil, « l'erreur de calcul dans une transaction doit être

réparée ». La décision de conclure une transaction relève dans la majeure partie des cas du

Conseil d’administration de l’association. Le président est alors mandaté pour exécuter la

décision du CA.

Si l’on sort du plan strictement juridique, nous pouvons remarquer que la transaction

peut être à l’origine de frustrations du côté de l’association de protection de la nature et de

l’environnement. Plusieurs années après une transaction, quand les procédures qu’ont engagées

d’autres associations s’achèvent, les associations ayant conclu une transaction peuvent avoir

l’impression d’avoir négocié une somme trop peu élevée. Finalement cela équivaut à jouer à la

belotte : même si nous pouvons être satisfait d’avoir pu poser le 10 de der, ce n’est pas

nécessairement suffisant pour gagner la partie.

Section 2. L’indemnisation des collectivités territoriales en cas de dommage de pollution

Nous allons parler dans cette dernière section des collectivités territoriales de droit

commun : les communes, les départements et les régions. Celles-ci sont des personnes morales

de droit public distinctes de l’Etat et bénéficient d’une autonomie juridique et patrimoniale275.

L’article 2 du Code de procédure civile leur est applicable. Il dispose : « l’action civile en

réparation du dommage causé par […] un délit […] appartient à tous ceux qui ont

personnellement souffert du dommage causé par l’infraction ». La Cour de cassation, dans

l’affaire Erika, confirme que cet article n’exclu pas les personnes morales de droit public. Le

Code de l’environnement les met particulièrement en valeur, puisque le Titre IV du Livre Ier

installe ces collectivités aux côtés des associations de protection de la nature. Les premières

loges naturalistes leur sont ouvertes et elles acquièrent ainsi la possibilité de demander

275 Confere www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/

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réparation du préjudice écologique (§1). Cette capacité, qui ne s’est pas imposée d’elle-même,

est venue s’ajouter à trois autres postes de préjudices : les préjudices matériel, économique et

moral. Nous observerons ici, toujours dans le cadre huileux de la pollution par hydrocarbures, la

prédominance de l’invocation du préjudice à l’image de marque et à la réputation (§2).

§1. Prédominance du préjudice à l’image de marque et à la réputation

Lorsque l’on efface les sommes accordées aux collectivités territoriales en réparation du

préjudice écologique dans l’affaire de l’Erika276, nous constatons que leur indemnisation se

concentre sur le préjudice matériel et le préjudice à l’image de marque et à la réputation. Le

préjudice matériel, que nous avons déjà évoqué à propos des associations de protection de la

nature, ne sera pas repris ici. Son invocation par les collectivités territoriales ne soulève pas de

problème particulier. L’arrivée du préjudice à l’image de marque et à la réputation est quant à

elle plus ambiguë car plus éclectique. Le Tribunal de grande instance de Saint Nazaire le 17

janvier 2012 considère ce préjudice comme un préjudice moral. Si la Cour de d’appel de Paris et

la Cour de cassation n’utilisent pas l’expression « préjudice moral », c’est donc qu’il faut

s’intéresser au préjudice à l’image de marque. Saisissons son utilité (A) et discutons une fois

encore mathématiques pour démontrer son importance (B).

A/ Un préjudice taillé sur mesure pour les collectivités territoriales

Bien qu’il frôle le préjudice économique et qu’il salue au loin le préjudice écologique, le

préjudice à l’image de marque et à la réputation est à considérer comme un préjudice

fondamentalement moral. Les véritables questions se posent lorsque nous regardons les sommes

attribuées en réparation de ce préjudice dans l’affaire de l’Erika. Un demi-million pour la

commune de Pornic, 1 million entier pour le département du Morbihan, et 3 millions pour la

région Pays de la Loire. Comment est-il possible qu’une atteinte immatérielle aux collectivités

territoriales soit indemnisée plus encore que leur préjudice écologique ? Car cette atteinte est

issue de leur image de marque et de leur réputation. Qu’une pollution par hydrocarbures puisse

peser sur la façon qu’ont les individus de se représenter une commune, un département ou une

région peut en effet se révéler catastrophique. Il est difficile de se représenter l’impact temporel

d’un tel évènement dans les consciences : une lune, une année, plusieurs hivers ?

276 Confere Annexe 17 : Dommages-intérêts alloués à la suite de l’Erika.

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Les communes sont considérées comme les « garantes de l’image du territoire »277. La

perception que nous avons d’un département ou d’une région se réalise en effet à travers l’angle

des communes. Ce sont elles qui leur donnent une couleur distincte de celle des autres. La

presqu’ile de Crozon et Ouessant pour le Finistère, Belle-Ile et la vieille ville de Vannes pour le

Morbihan, Guérande et La Baule pour la Loire Atlantique … Du reflet de leur image, les

communes peuvent tirer leur notoriété et donc leur attrait touristique, véritable perle

économique. Si tout attrait est perdu, même momentanément, c’est cette perle qui disparaît, et

avec elle l’image du territoire départemental et régional. Bien plus qu’une perte économique, ce

qui est primordial ici est la déchéance d’une réputation. Celle-ci peut avoir mis des décennies à

être valorisée, aussi bien par les communes que par les départements et les régions. C’est en

janvier 2002, lors de sa constitution de partie civile, que la région Pays de la Loire a demandé

réparation des atteintes portées à l’image de marque de la région.

L’indemnisation des collectivités territoriales au titre de ce préjudice ne date pas de

l’ Erika. Dans l’affaire des boues rouges de Montedison278, 500 000 francs de dommages-intérêts

ont été attribués à la Corse pour atteinte à son image de marque. La mer Méditerranée avait à ce

moment subi une pollution par des produits chimiques. M. Christian Huglo, convoqué le 5 avril

2000 devant la commission d’enquête de l’affaire Erika, conseille l’invocation de ce préjudice :

« Je peux vous dire rapidement tout ce que l’on peut essayer de réclamer intelligemment pour

les personnes publiques : rémunération du personnel communal, rémunération des volontaires

et du travail des élus, travaux sur les ports et les ouvrages public correspondant, routes faites,

routes à faire […] , perte d’image de marque »279.

Pour obtenir réparation du préjudice à l’image de marque et à la réputation, M. Maurice

Nussenbaum nous dit qu’« une démonstration rigoureuse est d’autant plus nécessaire qu’elle

concerne un domaine incorporel difficile à appréhender pour le magistrat »280. Le préjudice

subi va donc devoir se couvrir d’économique pour pouvoir être évalué et indemnisé. Mme

Corinne Lepage considère que le préjudice à l’image de marque est à la fois un préjudice

277 GIRARD J., « L’image engluée des collectivités territoriales », Droit de l’environnement n°156, mars 2008, p.20-22. 278 TGI Bastia 4 juillet 1985, Département de la Corse contre Société Montedison. 279 Audition de Maître Christian Huglo, avocat, extrait du procès-verbal de la séance du 5 avril 2000, commission d’enquête sous la présidence de M. Daniel Paul. 280 NUSSENBAUM M., « Evaluation du préjudice de marque. Le cas particulier de l’atteinte à l’image de marque », La Semaine Juridique (JPC) Ed. E, n°50, Etudes et chroniques, 1993, pp. 567-570.

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économique et un préjudice moral281. Cette réflexion se retrouve dans les méthodes utilisées

pour son calcul : la technique du faisceau d’indices et de critères est particulièrement appropriée.

B/ La technique du faisceau d’indices, mode de calcul caméléon

Le préjudice à l’image de marque et à la réputation est traditionnellement invoqué dans

les actes de concurrence déloyale. Les diverses méthodes d’évaluation qui se sont intéressées à

ce préjudice sont donc fortement tournées vers le monde de l’entreprise. Alors que des aspects

économiques rentrent en jeu – ventes perdues, baisses de prix, coût de publicité supplémentaire

–, sont également pris en compte la banalisation de la marque, la dégradation de la qualité

perçue, l’impact de l’imitation sur l’image du produit… M. Maurice Nussenbaum, dans une

étude parue dans La Semaine Juridique, considère qu’ « il est indispensable de comparer

l’image avant et l’image après d’où la nécessité, pour les entreprises ayant des marques fortes,

de suivre l’évolution de leur image de marque à l’aide de bilans d’image »282.

Les collectivités territoriales, parties civiles lors de l’affaire de l’Erika, ont souhaité

appuyer sur leur situation géographique, leurs caractéristiques naturelles, leur fréquentation et

leur renommée. Le TGI de Paris s’est appuyé sur la technique du faisceau d’indices, que nous

qualifions ici de mode de calcul caméléon. Il permet en effet de s’adapter à tous les types de

préjudice et de réussir à rendre mathématiques ce qui ne l’est pas : le moral des collectivités. Le

tribunal a tenu compte des conséquences de la marée noire, de la situation géographique

objective de la collectivité, de sa renommée et de sa vocation touristique. Deux critères

composent ce que le tribunal nomme les conséquences de la marée noire : l’étendue de plages

souillées et la distance séparant la collectivité du lieu du naufrage. M. Julien Girard, que nous

avons déjà cité, considère cette dernière condition comme contestable tout en lui attribuant un

« intérêt majeur ». Contestable car « une commune située à 30 milles d’un naufrage » n’est pas

forcément plus affectée par la pollution qu’une commune située à 50 milles (nous pouvons

notamment penser aux courants marins). Intéressante car elle « évite les réclamations de

communes qui n’auraient pas été touchées directement par la pollution et qui se situeraient à

une distance déraisonnable »283. La situation géographique de la collectivité permet quant à elle

de déterminer l’influence de la mer sur le territoire. La renommée de la collectivité s’appuie sur

le tourisme, l’histoire et l’écologie. La renommée écologique n’est pas détaillée par le Tribunal

281 Chronique juridique du 24 janvier 2008, www.actu-environnement.com 282 NUSSENBAUM M., « Evaluation du préjudice de marque. Le cas particulier de l’atteinte à l’image de marque », La Semaine Juridique (JPC) Ed. E, n°50, Etudes et chroniques, 1993, pp. 567-570. 283 GIRARD J., « L’image engluée des collectivités territoriales », Droit de l’environnement N°156, mars 2008, p.20-22.

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de grande instance, mais nous pouvons rappeler ici les remarques que nous avons faites au début

de ce paragraphe : le préjudice à l’image de marque et à la réputation est décidément un

préjudice particulièrement coloré, car touchant tous les aspects du territoire de la collectivité

territoriale. Il paraît donc lui être particulièrement adapté face à une pollution par

hydrocarbures284.

§2. Nouveauté 2012 pour toutes les collectivités territoriales : l’indemnisation du préjudice écologique

Le rapport entre préjudice écologique et collectivités territoriales, contrairement au

préjudice à l’image de marque et à la réputation, a été traité différemment du Tribunal de grande

instance à la Cour de cassation dans l’affaire de l’Erika. Alors que le tribunal exigeait une

compétence spéciale en matière d’environnement (A), la Cour de cassation s’est davantage

appuyée sur le territoire sur lequel les collectivités territoriales exercent leurs compétences (B).

A/ Abandon de la compétence particulière en matière d’environnement

1° Une reconnaissance difficile des compétences spéciales pour les régions et les communes

La région est, selon Raphaël Romi, le niveau le plus adapté à une saine gestion des

écosystèmes, et à une conciliation entre le rural et l’urbain, la protection et le développement285.

Le TGI considère que les régions ont une « mission d’intérêt général relative au classement des

réserves naturelles régionales, à la gestion adaptée des milieux naturels et des paysages, à

l’exercice de leurs compétences en matière touristique »286. Ce rôle, soutenu par la loi du 27

février 2002 relative à la démocratie de proximité, a été pris en compte par le TGI. Mais ce

dernier considère que cette compétence est générale, et non spéciale. Une région ne peut donc

demander réparation du préjudice écologique. De la même façon, le tribunal considère que les

communes n’ont pas une compétence spéciale en matière d’environnement287, bien qu’elles

aient acquis un nouveau rôle en la matière à la suite des lois Grenelle 1 (3 août 2009) et 2 (12

284 M. Julien Girard considère que « la réparation du préjudice de réputation et d’image de marque des collectivités publiques et surtout des communes, est un enseignement fondamental du jugement et s’impose comme la ‘’voie royale’’ d’indemnisation du dommage moral en cas de pollution de grande envergure ». Il y voit « un signe fort » envoyé par le tribunal aux collectivités. Mme Corinne Lepage considère également que « pour les collectivités locales, la mise en exergue de leur droit à voir réparer le préjudice écologique, d’une part, et l’importance reconnue à leur image de marque d’autre part, devraient les conduire à aller beaucoup plus loin qu’elles ne le font pour un certain nombre d’entre elles aujourd’hui dans la gestion de l’un et l’autre de ces intérêts généraux » (chronique juridique du 24 janvier 2008, www.actu-environnement.com). 285 ROMI R., « La place du département en matière de protection de l’environnement, vers une revalorisation ? », Ipa, 22 juin 1990. 286 TGI Paris, 16 janvier 2008, p.236. 287 TGI Paris, 16 janvier 2008, p.239.

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juillet 2010)288. Mme Agathe Van Lang nous indique qu’ « elles peuvent notamment gérer les

terrains acquis par le CEL289 ou par le département dans le cadre de sa politique des espaces

naturels sensibles, ou des réserves naturelles par convention avec l’Etat, et permettre la

création de périmètre de protection autour des réserves naturelles »290.

2° L’établissement de deux critères cumulatifs pour les départements

Par l’article L.142-1 du Code de l’urbanisme, le TGI de Paris a considéré que le

département était recevable à intenter une action au titre du préjudice écologique. Cet article lui

donne compétence « pour élaborer et mettre en œuvre une politique de protection, de gestion et

d’ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non ». Mme Van Lang considère

que, « disposant de services techniques nécessaires tout en étant assez proches des administrés,

le département semblait être la circonscription administrative d’avenir pour traiter les

questions d’environnement »291. Après avoir considéré que le département avait une compétence

spéciale en matière d’environnement, Le TGI instaure une deuxième condition : le département

doit faire « la démonstration d’une atteinte effective des espaces naturels sensibles »292. En

première instance, le Morbihan a été indemnisé au titre du préjudice écologique car il avait

indiqué avec précision les espaces concernés par la pollution.

B/ Prise en compte de la compétence exercée sur le territoire

L’article L.142-4 du Code de l’environnement dispose : « Les collectivités territoriales

et leurs groupements peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne

les faits portant un préjudice direct ou indirect au territoire sur lequel ils exercent leurs

compétences et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection

de la nature et de l'environnement ainsi qu'aux textes pris pour leur application ». Ce texte, issu

de la loi n°2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale, constitue

une clé d’accès. La Cour d’appel de Paris se l’est appropriée dans l’affaire Erika pour ouvrir la

porte du préjudice écologique à toutes les collectivités territoriales. L’article L.142-2 du Code de

l’environnement, auquel est assimilé l’article L.142-4, a été considéré applicable dans les

instances pénales au moment de sa promulgation et comme revêtant le caractère d’une loi de

288 Voir les articles L. 1321-7, L.2224-7-1, L.2224-8, L 2224-9 et 2333-97 du CGCT en matière de lutte contre la pollution des eaux. 289 Conservatoire du littoral et des rivages lacustres. 290 VAN LANG A., Droit de l’environnement, 3e édition, Paris, PUF, 2011, 517 pages, pages 229 à 231. 291 VAN LANG A., Droit de l’environnement, 3e édition, Paris, PUF, 2011, pp. 232-234. Mme Van Lang réfère ici aux travaux de M. Romi : La place du département en matière de protection de l’environnement, vers une revalorisation ?, Ipa, 22 juin 1990. 292 TGI Paris, 16 janvier 2008, p.239.

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procédure car elle reconnaît à une association les droits reconnus à une partie civile. La

jurisprudence établie à propos de la loi du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste,

antisémite ou xénophobe permet en effet à l’article L.142-2 de ne pas être soumis à l’article

L.161-5 qui aurait pu restreindre son application dans le temps. L’article L.142-4 qui institue

une disposition comparable pour les collectivités territoriales est donc elle aussi immédiatement

applicable aux instances en cours.

Cette clé est différence de celle des associations de protection de la nature. Alors que ces

dernières ont besoin d’un agrément pour agir et relèvent de l’article L.142-2, la compétence

d’une collectivité est rattachée au territoire sur lequel elle exerce sa compétence. Elle n’a donc

pas besoin de disposer d’une compétence spéciale en matière d’environnement lui conférant une

responsabilité particulière pour la protection, la gestion et la conservation d’un territoire pour

demander réparation des atteintes à l’environnement. La Cour d’appel ayant ajouté que « toutes

les collectivités concernées ont eu leur territoire atteint par les conséquences de la marée noire

et qu’elles ont été victimes, au moins indirectement, des agissements poursuivis », les

communes, départements et régions peuvent donc se constituer partie civile pour demander la

réparation de leur préjudice écologique.

De cette façon, le département du Finistère s’est vu attribuer la somme de 1 million

d’euros par la Cour d’appel pour son préjudice moral né de l’atteinte à l’intégrité du patrimoine

naturel. La même somme est attribuée au Morbihan pour son préjudice né de l’atteinte à

l’environnement. La région Bretagne a quant à elle reçu 3 millions pour son préjudice

écologique. De nombreuses communes comme Le Pouliguen, Préfailles, Mesquer et Houat ont

également été indemnisées au titre de leur préjudice écologique, ces sommes allant de 100 000

euros à 500 000 euros.

En définitif, les communes, les départements et les régions, qui concourent avec l’Etat à

la protection de l’environnement ont, depuis l’Erika, une grande chance d’être indemnisée de

leur préjudice écologique. Le dommage résultant de l’atteinte à l’environnement leur étant

personnel car il ne se confond pas avec l’intérêt de la Nation293, elles peuvent agir pour défendre

l’intérêt collectif. Quelle que soit la collectivité concernée, elles ont toutes le même objectif :

maintenir voire améliorer le mieux être de la collectivité de leurs habitants.

293 Confere l’arrêt de la Cour de cassation du 25 septembre 2012.

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Conclusion

La bonne foi, le sérieux et la vigilance forment la sainte trinité de la sécurisation du

transport maritime des hydrocarbures. Comme dans tous les domaines, l’expérience et la

réactivité des hommes sont le pilier de la réussite de cette activité à haut risque. En matière de

sécurité, l’habitude n’est pas la bonne alliée sur qui il faille compter : seuls les réflexes sont

utiles.

Nous pouvons avoir l’impression que tout est mis en place. Nous préférons dire que tout

reste à construire ; les équipes se renouvellent sans cesse et les acquis de chacun doivent être

tenus à jour. Resté informé, éveillé face aux nouvelles normes et à tous les retours d’expérience

pourrait être la clé du succès. Pour cela, il est nécessaire que tous les acteurs du monde

maritime, en France et ailleurs, sachent qu’ils participent à la sécurisation du transport. Qu’ils ne

sont pas seulement des intermédiaires mais un maillon de la lutte contre la pollution par

hydrocarbures.

Ces propos sont évidemment valables pour tous les autres types de transports, que ces

derniers aient le pied marin ou préfèrent la chaleur de la terre. La prévention reste le soleil qui

fait s’évaporer le risque.

Restons vigilants, ne cessons jamais de communiquer, et formons mieux encore à la

sécurité. Faisons-nous confiance, imprégnions nous des erreurs commises, et veillons à ce que le

transport maritime reste un transport sûr. Le navire étant le point de rencontre de tous les

maritimistes, il faut apprendre à le fréquenter davantage.

Surtout, continuons à aimer la mer.

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Annexes

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ANNEXE 1 Safety Data sheet

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ANNEXE 2 Inward declaration

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ANNEXE 3 Extrait de l’Oil Pollution Act de 1990

SEC. 4115. ESTABLISHMENT OF DOUBLE HULL REQUIREMENT FOR TANK

VESSELS.

[...]

(b) RULEMAKING.—The Secretary shall, within 12 months after the date of the

enactment of this Act, complete a rulemaking proceeding and issue a final rule to require that

tank vessels over 5,000 gross tons affected by section 3703a of title 46, United States Code, as

added by this section, comply until January 1, 2015, with determines will provide as substantial

protection to the environment as is economically and technologically feasible.

* * * * * * *

(e) SECRETARIAL STUDIES.—

(1) OTHER REQUIREMENTS.—Not later than 6 months after the date of enactment of

this Act, the Secretary shall determine, based on recommendations from the National Academy

of Sciences or other qualified organizations, whether other structural and operational tank vessel

requirements will provide protection to the marine environment equal to or greater than that

provided by double hulls, and shall report to the Congress that determination and

recommendations for legislative action.

(2) REVIEW AND ASSESSMENT.—The Secretary shall—

(A) periodically review recommendations from the National Academy of Sciences and

other qualified organizations on methods for further increasing the environmental and

operational safety of tank vessels ;

(B) not later than 5 years after the date of enactment of this Act, assess the impact of this

section on the safety of the marine environment and the economic viability and operational

makeup of the maritime oil transportation industry ;and

(C) report the results of the review and assessment to the Congress with

recommendations for legislative or other action.

(3)(A) The Secretary of Transportation shall coordinate with the Marine Board of the

National Research Council to conduct the necessary research and development of a rationally

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based equivalency assessment approach, which accounts for the overall environmental

performance of alternative tank vessel designs. Notwithstanding the Coast Guard opinion of the

application of sections 101 and 311 of the Clean Water Act (33 U.S.C. 1251 and 1321), the

intent of this study is to establish an equivalency evaluation procedure that maintains a high

standard of environmental protection, while encouraging innovative ship design. The study shall

include :

(i) development of a generalized cost spill data base, which includes all relevant costs

such as clean-up costs and environmental impact costs as a function of spill size ;

(ii) refinement of the probability density functions used to establish the extent of vessel

damage, based on the latest available historical damage statistics, and current research on the

crash worthiness of tank vessel structures ;

(iii) development of a rationally based approach for calculating an environmental index,

to assess overall outflow performance due to collisions and groundings ; and

(iv) application of the proposed index to double hull tank vessels and alternative designs

currently under consideration.

(B) A Marine Board committee shall be established not later that 2 months after the date

of the enactment of the Coast Guard Authorization Act of 1998. The Secretary of Transportation

shall submit to the Committee on Commerce, Science, and Transportation of the Senate and the

Committee on Transportation and Infrastructure in the House of Representatives a report on the

results of the study not later than 12 months after the date of the enactment of the Coast Guard

Authorization Act of 1998.

(C) Of the amounts authorized by section 1012(a)(5)(A) of this Act, $500,000 is

authorized to carry out the activities under subparagraphs (A) and (B) of this paragraph.

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ANNEXE 4 Fenêtre d’inspection du contrôle par l’Etat du port

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ANNEXE 5 Notification d’immobilisation au consignataire du navire

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ANNEXE 6 Swiss Cheese

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Tevere Shipping Company Limited ♦ Immatriculation : Malte ♦ Gestion nautique de l’Erika ♦ Cour d’appel : M. X , ayant droit économique

de l’Erika, est le propriétaire ultime de l’Erika. Il dispose d’un pouvoir de contrôle et de gestion, prend en personne les décisions et reste responsable des conséquences d’une mauvaise gestion technique.

Autre société spécialisée ♦ S’est engagée à trouver à la société

Selmont International de la marchandise à charger

Société Selmont International ♦ Immatriculation : Bahamas ♦ Gestion commerciale de l’Erika

Société Panship Management ♦ Maintenance de l’Erika ♦ Vérification de l’état de l’Erika ♦ Obtention de la classe et des certificats ♦ Recrutement de l’équipage ♦ Direction : M. Y ♦ Cour d’appel : la société agit au nom de

M. X

Total SA ♦ S’est engagée à livrer avant

le 31/12/99 jusqu’à 280 000 t. de fioul, l’Erika étant la dernière livraison

♦ Propriétaire du fioul jusqu’à la livraison

Société Rina ♦ Intervient en qualité de société de

classification italienne ♦ Intervient comme instance de

contrôle par délégation de l’administration maltaise

Armé par

Confie la gestion commerciale à

Conclusion d’un contrat le 15/09/99

Délègue la gestion technique de l’Erika à

Société ENEL ♦ Réceptionnaire de la

cargaison

21/05/99 Conclusion d’un contrat de vente « à l’arrivée »

Contrat de transport conclu par l’intermédiaire de courtiers maritimes

Erika

Fiche d’identité de l’Erika Construction : 1975 Navire-citerne étranger JB égale ou sup. à 150 tonneaux Immatriculation à Malte au nom de Tevere Shipping Capitaine : M. Karum Sunder G.

Réalisation : Marine Esvelin

ANNEXE 7 Acteurs de l’Erika

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ANNEXE 8 SOPEP

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ANNEXE 9 Annexe 2 du SOPEP

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ANNEXE 10 Site internet du MOU, certificat IOPP du navire Stadum

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ANNEXE 11 Lloyd’s standard form of salvage agreement

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Plan ORSEC Principes communs

Comprend : ♦ Inventaire et analyse des risques et des effets potentiels des menaces de toute nature pour la sécurité des personnes, des biens et de l’environnement ♦ Dispositif opérationnel qui organise dans la continuité la réaction des pouvoirs publics face à l’évènement ♦ Modalités de préparation et d’entraînement de l’ensemble des personnes publiques et privées à leur mission de sécurité civile ♦ Dispositions générales traitant des éléments nécessaires à la gestion de tout type d’évènement (complétées, le cas échéant, par des dispositions spécifiques)

S’inscrit dans le dispositif général de la planification de défense et de sécurité civiles Organise la mobilisation, la mise en œuvre et la coordination des actions de toute personne publique et privée concourant à la protection générale des populations Adapté à la nature, l’ampleur et l’évolution de l’évènement

Personne publique/ privée recensée dans le plan ORSEC Lorsque plusieurs de ces personnes exécutent une même mission, elles peuvent mettre en place une organisation commune de gestion d’évènement

et désigner un responsable commun correspondant du représentant de l’Etat ♦ Assure les missions qui lui sont dévolues dans le cadre du plan par le préfet de département/ de zone/ maritime ♦ Prépare sa propre organisation de gestion de l’évènement et en fournit la description sommaire au représentant de l’Etat ♦ Désigne en son sein un responsable correspondant du représentant de l’Etat ♦ Précise les dispositions internes lui permettant de recevoir ou de transmettre une alerte ♦ Précise les moyens et informations dont elle dispose pouvant être utiles

Plan ORSEC départemental

♦ Organisation de la veille, de la mobilisation, de la coordination et du commandement ♦ Suivi des dispositifs de vigilance ♦ Procédures et moyens permettant d’alerter les collectivités territoriales, les personnes publiques et privées

concernées et les populations ♦ Modes d’action communs à plusieurs types d’évènements ♦ Conditions de mise en œuvre des accords internationaux de coopération opérationnelle ♦ Détermine l’organisation prenant le relais de la phase des secours d’urgence à l’issue de leur intervention

Préfet de département

♦ Peut prendre la direction des opérations de secours (en informe les maires et les personnes publiques/ privées intéressés)

♦ Décide de la mise en œuvre du centre opérationnel départemental et du ou des postes de commandement opérationnel

Plan ORSEC de zone

♦ Appui adapté et gradué que la zone de défense peut apporter au dispositif ORSEC départemental

♦ Mesures de coordination et d’appui adaptées et graduées ♦ Moyens d’intervention et synthèse des dispositifs de vigilance et de surveillance ♦ Relations transfrontalières en matière de mobilisation des secours ♦ Modalités d’organisation, de mobilisation et de fonctionnement de la chaîne de suivi

et de coordination des opérations ♦

Préfet de zone

♦ Arrête le dispositif opérationnel ORSEC de zone ♦ Etablit une analyse des risques et des effets potentiels des menaces qui

excèdent par leur ampleur/ nature les capacités de réponse d’un département ou nécessitent la mise en œuvre de mesures de coordination

Ministre chargé de la sécurité civile

♦ Etablit un cadre d’action définissant les orientations des zones de défense afin d’assurer leurs missions de mobilisation et de coordination lors d’évènements de sécurité et de défense civile de portée nationale ou internationale

Centre opérationnel de zone placé au sein de l’état major de zone

♦ Assure les missions opérationnelles et met en œuvre les mesures de

coordination et d’appui prévues dans le dispositif opérationnel ORSEC

Plan OREC maritime

♦ Modalités de mobilisation et de fonctionnement de la chaîne de direction des opérations ♦ Modes d’action applicables aux évènements majeurs ♦ Modalités de coordination et d’échange d’informations avec le représentant de l’Etat dans les départements et les zones de

défense littoraux ♦ Modalités de mise en œuvre des accords internationaux de coopération opérationnelle ♦ Détermine l’organisation prenant le relais de la phase des secours d’urgence à l’issue de leur intervention

Préfet maritime

♦ Dispose des CROSS pour assurer la veille permanente des risques et menaces ♦ Peut prendre la direction des opérations de secours (en informe le représentant de l’Etat

dans les départements/ zones de défense littoraux + personnes publiques intéressés) ♦ Décide de la mise en œuvre du centre des opérations maritimes et des CROSS

Réalisation : Marine Esvelin

ANNEXE 12 Décret n°2005-1157 du 13 septembre 2005 relatif au plan ORSEC

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Représentant direct

Assistent le préfet dans l’exercice de ses fonctions

Peut déléguer sa signature

Assiste le préfet dans son action de coordination et d’information

Assure sa suppléance en cas d’absence ou d’empêchement

Informent

Donne des directives

Mettent à la disposition du préfet les moyens et informations d’intérêt

maritime dont ils disposent

Anime et coordonne leur action en mer et la mise en

œuvre de leurs moyens Préfet maritime Représentant de l’Etat en mer

Délimitation de la compétence : ♦ Jusqu’à la limite des eaux sur le rivage ♦ En aval des limites transversales de la mer dans les estuaires ♦ Pas de compétence à l’intérieur des ports Domaines de compétence : autorité dans tous les domaines où s’exerce l’action de l’Etat en mer ♦ Défense des droits souverains et des intérêts de la Nation ♦ Maintien de l’ordre public ♦ Sauvegarde des personnes et des biens ♦ Protection de l’environnement ♦ Coordination de la lutte contre les activités illicites

Conférence maritime Constitution

♦ Président : Préfet maritime ♦ Chefs des services des administrations dotées d’attributions en mer et sur le littoral ♦ Préfets de zone de défense/ de région/ de département (en fonction de l’ordre du jour) ♦ Représentants des collectivités territoriales (peuvent y être conviés)

♦ Préfets ♦ Etablissements publics de l’Etat

♦ Services ♦ Administrations de l’Etat

Secrétaire général de la mer

Officier de marine qui assure la suppléance du commandement

de la zone maritime

♦ Adjoint pour l’action de l’Etat en mer ♦ Fonctionnaires et agents, civils et

militaires, désignés par les administrations qui participent de l’action de l’Etat en mer

♦ Adjoint ♦ Chefs des services des administrations civiles de

l’Etat, des régions et des départements littoraux de la zone de compétence

♦ Commandants de la marine

♦ Premier ministre ♦ Membres du gouvernement

Réalisation : Marine Esvelin

ANNEXE 13 Décret n°2004-112 du 6 février 2004 relatif à l’organisation de l’action de l’Etat en mer

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Plan Polmar Coordination interministérielle

Ministre chargé de la sécurité publique ♦ Assure la coordination interministérielle en

cas d’application d’un plan, simultanément en mer et à terre ou seulement à terre

Ministre chargé de la mer ♦ Assure la coordination interministérielle en

cas d’application du seul volet maritime d’un plan

Ministère de l’environnement

♦ Responsable de la mise en œuvre des procédures financières et d’indemnisation

♦ S’assure d’un traitement approprié des déchets ♦ Veille à ce que le nettoyage des sites pollués restaure, autant que

faire se peut, la qualité écologique du littoral touché.

Ministère des finances

♦ Responsable de la mise en œuvre des procédures financières et d’indemnisation

Ministères de la défense, de l’intérieur, de l’équipement, des transports et du logement

♦ Responsables du soutien en personnel et en

logistique des administrations déconcentrées

Ministère des affaires étrangères

♦ Apporte son concours pour l’examen des questions juridiques relatives aux acteurs étrangers, pour la mise en œuvre des accords et conventions de coopération et pour les implications du sinistre au regard du droit international

Ministère de la santé

♦ Assure la coordination de l’expertise sanitaire concernant les risques auxquels sont susceptibles d’être exposées 1. les personnes participant au nettoyage des sites pollués et à la délivrance de soins à la faune touchée 2. la population en général

♦ Coordonne l’expertise sanitaire pour la qualité des produits de la mer

Ministères de l’agriculture et de la pêche, de l’économie et de

l’industrie

♦ Coordonnent l’expertise sanitaire pour la qualité des produits de la mer

Pour plus de précisions sur les missions de chaque ministère, voir Annexe de la documentation nationale Polmar

Il s’appuie sur le centre opérationnel de gestion

interministérielle des crises

Il s’appuie sur le secrétariat général

de la mer

Réalisation : Marine Esvelin

ANNEXE 14 Instruction du 2 avril 2001 relative à l’intervention des pouvoirs publics en cas d’accidents maritimes majeurs

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Préfet maritime = Autorité maritime Outre-mer, le préfet est dénommé « délégué du gouvernement pour l’action de l’Etat en mer »

♦ Décide si le navire ayant besoin d’assistance doit être maintenu en mer ou mis à l’abri ♦ Détermine le lieu d’accueil du navire ♦ Dirige les opérations de secours en mer ♦ Peut imposer des mesures à l’égard du capitaine/ exploitant/ représentant du navire ♦ Informe le(s) préfet(s) de zone/ de département concerné(s) et le gestionnaire de l’aire marine protégée proche du lieu de refuge ♦ Met à jour les mesures d’interface arrêtées dans le cadre des dispositions spécifiques de l’ORSEC maritime applicables à l’assistance à apporter au navire (avec les préfets de zone/ de département) ♦ Sous l’autorité conjointe du préfet de zone, il réalise les réunions techniques annuelles

Préfet de zone de défense et de sécurité dont le ressort est exposé aux conséquences, à terre, du besoin d’assistance du navire en difficulté

♦ Donne son avis au préfet maritime avant que celui-ci ne prenne sa décision de maintenir le navire à la mer ou non

CROSS ♦ Responsable du service d’assistance maritime dans le cadre de la mission de surveillance de la navigation maritime

Capitaine/ propriétaire/ ou exploitant du navire ♦ S’il a besoin d’assistance, il notifie l’évènement au

préfet maritime par l’intermédiaire du CROSS ♦ La charge de la réparation des préjudices

économiques subis par une autorité portuaire/ entreprise portuaire/ ou collectivité territoriale, à la suite d’une décision de l’autorité maritime, lui incombe

Préfet de département dans le ressort duquel est fixé le lieu de refuge du navire ♦ Veille à l’exécution de la décision du préfet maritime ♦ Prend la direction du volet terrestre des opérations de secours ♦ Est responsable de l’accueil du navire à l’intérieur des limites administratives du port ♦ Peut autoriser ou ordonner, dans le cas où le lieu de refuge est un port, le mouvement du navire dans le port ♦ Apporte son concours à l’autorité maritime lorsque le navire se situe sur le domaine public maritime naturel ♦ Signe conjointement avec le préfet maritime, lorsque le lieu de refuge se situe sur le domaine public maritime naturel et qu’il existe

un danger pour l’environnement à terre, la mise en demeure ♦ Adresse au propriétaire/ exploitant/ capitaine du navire une mise en demeure de faire cesser le danger pour l’environnement

portuaire ♦ Informe le(s) maire(s) concerné(s)

Au niveau national Au niveau international

Gestionnaire de l’aire marine protégée

Maire de la commune concernée

Autorité portuaire, entreprise portuaire, collectivité territoriale

♦ Sur le fondement de la responsabilité civile ou des conventions internationales applicables, ils peuvent demander réparation de leur préjudice au capitaine/ propriétaire/ ou exploitant du navire

♦ Sur le fondement de la rupture de l’égalité devant les charges publiques ou du risque spécial de dommage résultant de l’accueil du navire ayant besoin d’assistance, ils peuvent rechercher la responsabilité sans faute de l’Etat

Autorité compétence de l’Etat étranger dans le ressort duquel est envisagé l’accueil du navire ayant besoin

d’assistance

♦ Le rôle de l’Etat étranger dépend des accords de coopération opérationnelle

♦ Si une décision commune de l’accueil à l’étranger d’un navire ayant besoin d’assistance est prise, le préfet maritime transfère la responsabilité générale de l’opération à l’autorité maritime étrangère compétente lorsque le navire quitte les eaux placées sous la juridiction de l’Etat français

Réalisation : Marine Esvelin

ANNEXE 15 Ordonnance du 24 avril 2012 relative à l’établissement des dispositions spécifiques à l’accueil dans un lieu de refuge d’un navire ayant besoin d’assistance de l’ORSEC maritime, de l’ORSEC zonal et de l’ORSEC départemental

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ANNEXE 16 Certificat d’assurance du navire Mülhenau

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ANNEXE 17 Dommages-intérêts alloués à la suite de l’Erika

Dommages-intérêts alloués à la suite de l’Erika

Résumé des arrêts de la Cour d’appel de Paris du 30 mars 2010

et de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation du 25 septembre 2012

Parties civiles Nature du préjudice

Rina, Total, MM. Savarese et Pollara sont tenus

solidairement de payer :

Associations et syndicats

Confédération de la consommation, du

logement et du cadre de vie

Préjudice moral 15 000 €

Préjudice moral 100 000 € Confédération paysanne 44 Préjudice économique 271 700, 20 €

Eaux et rivières de Bretagne

? 30 000 €

France Nature Environnement

Préjudice moral 70 000 €

Greenpeace France ? 50 000 €

Les amis des chemins de ronde 56

Préjudice moral 5 000 €

Préjudice écologique pur 300 000 €

Préjudice moral 100 000 € Ligue de protection des

oiseaux Préjudice matériel 303 167, 13 €

Mouvement 56 Préjudice moral 10 000 €

Mouvement national de lutte pour l’environnement

Préjudice moral 5 000 €

Pour la sauvegarde des animaux sauvages -

ASPAS Préjudice moral 300 000 €

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Syndicat mixte de protection du littoral

breton (Vigipol) Préjudice moral 300 000 €

Préjudice environnemental 20 000 € UFC Que Choisir Brest

Préjudice moral 5 000 €

UFC Que Choisir Saint Brieuc

Préjudice à l’intérêt collectif des consommateurs

5 000 €

WWF Préjudice moral 50 000 €

Communes

Barbatre Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

Préjudice écologique 250 000 €

Préjudice à son image de marque et sa réputation

500 000 € Batz-sur-mer

Préjudice matériel 196 925, 40 €

Beauvoir-sur-Mer Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

Préjudice écologique 350 000 €

Préjudice à son image de marque et sa réputation

500 000 € Bernerie-en-Retz

Préjudice matériel 196 925, 40 €

Bouin Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

Château d’Olonne

Préjudice matériel 4 570, 08 €

Guérande Préjudice à son image de marque et sa réputation

1 000 000 €

Ile d’Hoëdic Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

Ile de Houat Préjudice écologique 500 000 €

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111

Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

Jard-sur-Mer Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

La Baule Préjudice à son image de marque et sa réputation

1 500 000 €

Préjudice écologique 200 000 €

Préjudice à son image de marque et sa réputation

500 000 € La Plaine-sur-Mer

Préjudice matériel 38 055, 72 €

La Turballe Préjudice à son image de marque et sa réputation

100 000 €

Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 € Le Croisic

Préjudice matériel 390 691, 86 €

Préjudice écologique 100 000 €

Préjudice à son image de marque et sa réputation

500 000 € Le Pouliguen

Préjudice matériel 13 539, 54 €

Préjudice écologique 150 000 €

Préjudice à son image de marque et sa réputation

500 000 € Mesquer

Préjudice matériel 65 558, 65 €

Moutiers-en-Retz Préjudice à son image de marque et sa réputation

500 000 €

Noirmoutier Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

Notre-Dame-des-Monts Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

Pénestin Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

Piriac-sur-mer Préjudice à son image de marque et sa réputation

500 000 €

Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 € Ploemeur

Préjudice matériel 1 897, 05 €

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112

Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 € Plouhinec

Préjudice matériel 23 828, 41 €

Préjudice environnemental 120 000 €

Préjudice à son image de marque et sa réputation

500 000 € Pornic

Préjudice matériel 5 508, 45 €

Pornichet Préjudice à son image de marque et sa réputation

500 000 €

Préjudice écologique 120 000 €

Préjudice à son image de marque et sa réputation

500 000 € Préfailles

Préjudice matériel 5 076, 37 €

Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

Quiberon

Préjudice matériel

73 863, 53 € (sous déduction des sommes versées, le cas échéant, par la Région Bretagne et le

département du Morbihan)

Préjudice écologique 500 000 €

Préjudice à son image de marque et sa réputation

500 000 € Saint-Brévin-les-Pins

Préjudice matériel 26 155, 94 €

Saint-Gildas-de-Rhuis Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

Préjudice écologique 250 000 € Saint-Hillaire-de-Reiz

Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

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113

Préjudice matériel 32 526 €

Préjudice écologique 150 000 €

Préjudice à son image de marque et sa réputation

500 000 € Saint-Michel-Chef-Chef

Préjudice matériel 87 661 €

Préjudice moral né de l’atteinte à l’intégrité de son

patrimoine naturel 150 000 €

Saint Nazaire

Préjudice à son image de marque et sa réputation

500 000 €

Saint Pierre Quiberon Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

Sarzeau Préjudice à son image de marque et sa réputation

30 000 €

Talmont Saint Hilaire Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

Régions et départements

Préjudice moral né de l’atteinte à l’intégrité du

patrimoine naturel 1 000 000 €

Préjudice à son image de marque et sa réputation

1 000 000 € Conseil général du

Finistère

Préjudice matériel 3 312, 70 €

Préjudice résultant de l’atteinte à l’environnement

1 000 000 € Conseil général du

Morbihan Préjudice à son image de marque et sa réputation

1 000 000 €

Préjudice moral né de l’atteinte à l’intégrité du

patrimoine naturel 1 000 000 €

Conseil général de Vendée

Préjudice matériel 99 299, 50 €

Préjudice écologique 3 000 000 € Conseil régional de Bretagne

Préjudice à son image de marque et sa réputation

3 000 000 €

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Préjudice écologique 3 000 000 €

Préjudice à son image de marque et sa réputation

3 000 000 € Conseil régional des Pays

de Loire

Préjudice matériel 1 730 098, 10 €

Préjudice écologique 1 000 000 € Conseil régional de Poitou

Charente Préjudice à son image de marque et sa réputation

1 000 000 €

Communauté d’agglomération

Préjudice à l’intégrité du patrimoine naturel

500 000 € Communauté d’agglomération du Pays

de Lorient Préjudice à son image de marque et sa réputation

300 000 €

Communauté d’agglomération Quimper

communauté

Préjudice à son image de marque et sa réputation

100 000 €

Entreprises

Agence maritime Alain Malardé

Préjudice matériel et financier

55 000 €

GIE Cama Yeu Préjudice moral 15 000 €

SARL Acita Préjudice économique 6 768 €

SARL L’Huîtrier Pie Préjudice moral 10 000 €

Personnes privées

M. Jean-Louis Cormier Préjudice économique 9 814, 96 €

M. Xavier Lambion Préjudice moral 1 500 €

Mme Rozenn Le Doridour Préjudice moral 1 500 €

M. Stéphane Le Floch Préjudice moral 1 500 €

M. François Lelong Préjudice moral 1 500 €

Mme Géraldine Le Port Préjudice moral 1 500 €

M. Alain Malardé Préjudice moral 10 000 €

Mme Michelle Richard Préjudice moral 1 500 €

Mme Marie-France Treport Préjudice moral 1 500 €

M. L’Agent Judiciaire du Trésor

Préjudice matériel 153 808 90, 17 €

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Pour être tout à fait complet, il est nécessaire d’ajouter à ces sommes le bénéfice des

articles 475-1 et 618-1 du Code de procédure pénale (frais non payés par l’Etat et exposés par la

partie civile).

Ont été déclarées comme irrecevables les constitutions de parties civiles de :

Amis des Collectifs marées noires Les Amis de la terre Office français de la fondation pour l’éducation à l’environnement en Europe Quimper Robin des bois SARL Auberge les Monards SARL Eurocoquillages SARL Le Grand Rohu Syndicat de la confédération maritime UFC Que Choisir Quimper UFC Rennes

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ANNEXE 18 Statuts de l’APNE Bretagne vivante (extrait)

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ANNEXE 19 Agrément de l’APNE Bretagne vivante

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119

ANNEXE 20 Exemple de protocole d’accord transactionnel

Entre :

La société X d’une part,

L’association de protection de la nature et de l’environnement Y d’autre part,

Ci-après désignées ensemble les Parties.

Préambule :

Le navire pétrolier Z appartenant à la société [•] a fait naufrage le [•], entraînant une pollution

des côtes françaises. Face à cette situation, le Préfet Maritime a déclenché les plans Polmar

mer et Polmar terre.

Dans le cadre de ces plans, l’association Y a été requise pour mobiliser des moyens humains

et matériels pour prévenir et réduire les effets de la pollution. Les frais exposés par cette

association pour mener à bien ces actions lui ont été, à tout le moins en partie, remboursés par

l'Etat Français.

Consécutivement au naufrage, la société X s’est immédiatement mobilisée et a supporté un

certain nombre de frais de lutte contre la pollution pour un montant de [•] euros.

Sous l’égide de leurs Conseils respectifs, les Parties se sont rapprochées et au terme de

concessions réciproques sont convenues du présent accord transactionnel (ci-après « l’Accord

») ayant pour objet de mettre fin, de manière définitive, à tous différends, nés ou à naître, entre

elles liés directement ou indirectement au naufrage du navire Z.

Il a été convenu ce qui suit :

Article 1 Accord

Sans préjudice du bien-fondé des demandes de l’association Y et de leur quantum, la

société X, sans qu'elle reconnaisse une quelconque responsabilité, et dans le souci, tout comme

l’association, de mettre un terme à de nombreuses années de litiges, acceptent de verser à

l’association, à titre transactionnel, la somme prévue à l’article 2 laquelle est expressément

considérée par l’association comme la remplissant de l’intégralité de ses droits à quelque titre que

ce soit.

Article 2 Engagement de la société X

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En application de l’article 1, la société X accepte de verser à titre forfaitaire,

transactionnel et définitif et pour solde de tout compte à l’association Y, qui l’accepte, sans

aucune exception ni réserve, la somme de [•] euros au titre de l'ensemble des préjudices, directs

comme indirects, allégués par cette dernière en relation directe ou indirecte avec le naufrage du

navire Z.

Article 3 Modalités d’exécution

En application de l’article 2, et à réception des exemplaires originaux lui revenant dûment

paraphés et signés par l’ensemble des Parties, la société X s’engagent à régler l’indemnité

transactionnelle telle que visée à l’article 2, suivant chèque libellé à l'ordre de [•] dans un délai

raisonnable. Le chèque sera remis au Conseil désigné par l’association Y par le Conseil de la

société X, cette remise valant bonne et valable quittance de l’indemnité transactionnelle réglée.

Article 4 Renonciation à recours et désistement d’instance et d’action de l’association Y

En contrepartie du règlement de l’indemnité transactionnelle stipulée à l’article 2,

l’association Y :

- d’une part, se déclare intégralement et irrévocablement remplie de tous ses droits en relation

directe ou indirecte avec la pollution maritime résultant du naufrage du navire Z et ce à quelque

titre que ce soit, tant à l'encontre de la société X qu'à l'encontre de ses préposés, dirigeants et

administrateurs passés, présents ou futurs ainsi qu'à l'encontre des assureurs de l'ensemble des

personnes physiques et/ou morales auxquelles profite le présent Accord. En fait de quoi,

l’association Y renonce définitivement et irrévocablement pour l'avenir à tout recours ou action

judiciaire contre toutes les personnes physiques et/ou morales listées ci-dessus au titre des faits et

causes visés au présent Accord et son préambule.

- d’autre part, l’association Y s'engage irrévocablement à se désister de ses instances et actions

actuellement pendantes devant le Tribunal de Grande Instance de [•] et enregistrées sous les

numéros de rôle [•] et [•], par conséquent, à régulariser devant le Tribunal de grande instance de

[•] des conclusions de désistement d’instance et d’action, à la première audience utile.

La société X s’engage en retour à faire signifier, également devant ce même Tribunal, des

conclusions d’acceptation de ces désistements d'action et d'instance.

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121

Article 5 Sort des frais de procédure et de Conseils

Il est expressément prévu que les Parties conserveront à leur charge leurs frais de

procédure et de Conseils, l’association Y conservant cependant à sa charge l’intégralité des

dépens des instances engagées contre la société X.

Article 6 Autorité de la chose jugée

Les Parties reconnaissent que le présent Accord, auquel elles ont abouti au prix de

concessions réciproques, et pour lequel elles ont bénéficié d’un délai de réflexion suffisant,

constitue une transaction au sens des articles 2044 et suivants du Code civil.

Le présent Accord transactionnel a pour effet de remplir les Parties dans leurs droits et de

mettre fin à tous différends nés ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant donné lieu au

litige rappelé dans le présent Accord et son préambule.

Le présent Accord aura entre les Parties le même effet juridique qu'une décision judiciaire

passée en force de chose jugée. Il ne pourra être attaqué ni pour cause d'erreur de droit, ni pour

cause de lésion et devra être exécuté de bonne foi.

Article 7 Confidentialité

A peine de dommages-intérêts, les Parties s'engagent, sans limitation de durée, à

conserver au présent Accord un caractère strictement confidentiel et à ne pas en divulguer

l'existence ni le contenu à des tiers sauf (i) pour les besoins de son exécution forcée ou (ii) en cas

d'obligation impérative dûment établie résultant du commandement d'une autorité légitime, et

sous réserve de pouvoir le communiquer et/ou d’en divulguer l’existence aux organes de

contrôles de la société X et/ou leurs assureurs.

Article 8 Droit applicable et attribution de compétence

Le présent protocole est soumis à la loi française. Tout conflit ou différend entre les

Parties relatif à la validité, l’interprétation ou l’exécution du présent Accord sera soumis à la

compétence exclusive du Tribunal de Grande Instance de [•].

Article 9 Miscellanées

Fait à [•], le [•] en [•] exemplaires originaux, dont un pour chaque partie.

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Faire précéder la signature de la mention manuscrite "lu et approuvé, bon pour transaction".

L’association de protection de la nature La société X et de l’environnement Y

Nom et qualité du signataire Nom et qualité du signataire [•] [•]

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Table des matières

REMERCIEMENTS........................................................................................................................ 1

LISTE DES ABREVIATIONS............................................................................................................ 2

SOMMAIRE .................................................................................................................................. 4

INTRODUCTION............................................................................................................................ 5

PARTIE I. Le transport maritime des hydrocarbures : une activité dangereuse ....... 10

Chapitre 1. La prévention des accidents, préalable nécessaire à la prévention de la pollution........................................................................................... 10

Section 1. Encadrement normatif du risque « défaillance technique »........... 11 §1. La mise en place de normes techniques : nécessité d’une approche

internationale unifiée.......................................................................................... 12 A/ Normes de sécurité générales......................................................................... 12 B/ Normes spécifiques aux pétroliers ..................................................................... 14

§2. Le contrôle des normes techniques .................................................................... 15 A/ Contrôle primaire de l’Etat du pavillon ......................................................... 16 B/ Contrôle complémentaire de l’Etat du port........................................................ 17 C/ Compétence de l’Etat riverain............................................................................ 19

Section 2. La prévention des comportements à risque ou l’irréductible facteur humain.......................................................... 20

§1. Comprendre et analyser le comportement humain............................................. 20 A/ Diversité des techniques de prévention.......................................................... 21 B/ Vers une évolution nécessaire du droit social maritime ?.................................. 23

§2. Etablir des moyens techniques pour limiter les erreurs ..................................... 26 A/ Les aides à la navigation, un moyen précieux pour les marins d’éviter

les accidents ................................................................................................... 26 1° De l’importance de la signalisation maritime ................................................ 27 2° De l'importance de la coopération homme-machine...................................... 29

B/ Les CROSS, élément clé de la prévention des comportements à risque............ 30 1° De l’importance de la bonne conduite en mer ............................................... 30 2° De l’importance de la notification des quasi-accidents,

incidents et accidents...................................................................................... 31

Chapitre 2. Les systèmes de lutte contre la pollution par hydrocarbures ................... 33

Section 1. Une coopération nécessaire de tous les acteurs du monde maritime33 §1. L’importance des premières actions de secours................................................. 34

A/ SOPEP : plans d’urgence sur la pollution par hydrocarbures à bord des navires 34 B/ L’obligation d’assistance ................................................................................... 35

1° Le rôle décisif du navire sur zone et son indemnisation ................................ 36 2° L’importance donnée à la prévention des dommages liés à

l’environnement ............................................................................................. 37 §2. Une entraide tournée vers la protection de l’environnement ............................. 38

A/ L’accueil des navires en difficulté ................................................................. 38 1° L’accueil des navires en difficulté au niveau international............................ 38

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2° L’accueil des navires en difficulté au niveau interne..................................... 40 B/ Accords de coopération internationale............................................................... 41

Section 2. Contribution de la sécurité civile à la protection du milieu marin en cas de pollution par hydrocarbures ...................................................... 43

§1. Un système cohérent de prévention, de préparation et de lutte.......................... 44 A/ L’obligation générale de sécurité civile ......................................................... 44 B/ Les plans Orsec : organisation des secours et gestion des crises ...................... 45

§2. La particularité des plans Polmar....................................................................... 47 A/ L’établissement des plans Polmar.................................................................. 48

1° Dispositions communes et obligatoires des plans Polmar ............................. 49 2° Particularités................................................................................................... 50

a/ Polmar/Mer.................................................................................................. 50 b/ Polmar/Terre ............................................................................................... 51

B/ Nécessaire coordination entre les plans Polmar................................................. 52

PARTIE II. Une activité à haut risque dont il faut assumer le caractère dangereux ... 55

Chapitre 1. Responsabilité des acteurs du monde maritime en cas de dommage de pollution.............................................................................. 55

Section 1. Une obligation de réparation mise en place par l’OMI................. 56 §1. Mise en œuvre de la Convention CLC............................................................... 56

A/ Responsabilité du propriétaire du navire........................................................ 56 1° Responsabilité canalisée sur le propriétaire du navire ................................... 57 2° Les compagnies pétrolières à l’abri des recours ............................................ 58 3° Responsabilité limitée du propriétaire du navire........................................... 58

B/ Un mécanisme qui reste inachevé...................................................................... 59 1° Une définition incohérente du « navire » et des « hydrocarbures »............... 59 2° Une obligation d’assurance réservée aux navires transportant plus de

2000 tonnes d’hydrocarbures ......................................................................... 60 §2. Intervention du FIPOL : responsabilité du propriétaire de la cargaison ............ 61

A/ Création du Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures .............................................................. 61

B/ Nécessité d’un troisième niveau d’indemnisation : le fonds complémentaire... 62 Section 2. Le droit interne, complément du système international ................. 63

§1. Compétence des juridictions pénales françaises au titre de la Convention de Montego Bay ................................................................................................. 63

A/ Navire se trouvant volontairement dans un port ou dans une installation terminale au large........................................................................................... 64

B/ Navire naviguant ou ayant navigué dans la mer territoriale .............................. 64 C/ Navire naviguant ou ayant navigué dans la ZEE ............................................... 65

§2. L’infraction de pollution par hydrocarbures et la procédure pénale .................. 66 A/ Eléments nécessaires à l’action pénale .......................................................... 66 B/ La procédure pénale ........................................................................................... 67

Chapitre 2. L’indemnisation des personnes morales en France en cas de dommage de pollution .............................................................................................. 69

Section 1. L’action des associations de protection de la nature et de l’environnement..................................................................................................... 69

§1. De la diversité des préjudices dont les APNE peuvent demander réparation .... 70 A/ Les préjudices personnels aux associations ................................................... 70

1° Préjudice matériel........................................................................................... 71 2° Préjudice moral .............................................................................................. 71

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3° Préjudice économique .................................................................................... 72 B/ Les préjudices causés à l’environnement........................................................... 73

1° De la nécessité d’être une APNE agréée........................................................ 74 2° Une nouveauté relativement difficile à chiffrer : l’exemple de

l’affaire Erika ................................................................................................. 75 §2. De la diversité des scénarios juridiques imaginables......................................... 77

A/ Les actions en justice ouvertes aux APNE..................................................... 77 B/ La transaction, l’autre solution de règlement des différends ............................. 78

Section 2. L’indemnisation des collectivités territoriales en cas de dommage de pollution 79

§1. Prédominance du préjudice à l’image de marque et à la réputation .................. 80 A/ Un préjudice taillé sur mesure pour les collectivités territoriales .................. 80 B/ La technique du faisceau d’indices, mode de calcul caméléon.......................... 82

§2. Nouveauté 2012 pour toutes les collectivités territoriales : l’indemnisation du préjudice écologique ...................................................................................................... 83

A/ Abandon de la compétence particulière en matière d’environnement ........... 83 1° Une reconnaissance difficile des compétences spéciales pour les régions et les communes .............................................................................................................. 83 2° L’établissement de deux critères cumulatifs pour les départements.............. 84

B/ Prise en compte de la compétence exercée sur le territoire ............................... 84

CONCLUSION............................................................................................................................. 86

ANNEXES.................................................................................................................................. 87 ANNEXE 1 Safety Data sheet.................................................................... 88 ANNEXE 2 Inward declaration.................................................................. 89 ANNEXE 3 Extrait de l’Oil Pollution Act de 1990 ................................... 91 ANNEXE 4 Fenêtre d’inspection du contrôle par l’Etat du port................ 93 ANNEXE 5 Notification d’immobilisation au consignataire du navire..... 94 ANNEXE 6 Swiss Cheese.......................................................................... 95 ANNEXE 7 Acteurs de l’Erika.................................................................. 96 ANNEXE 8 SOPEP.................................................................................... 97 ANNEXE 9 Annexe 2 du SOPEP .............................................................. 98 ANNEXE 10 Site internet du MOU, certificat IOPP du navire Stadum..101 ANNEXE 11 Lloyd’s standard form of salvage agreement ..................... 102 ANNEXE 12 Décret n°2005-1157 du 13 septembre 2005 relatif

au plan ORSEC .................................................................. 104 ANNEXE 13 Décret n°2004-112 du 6 février 2004 relatif à l’organisation

de l’action de l’Etat en mer ................................................ 105 ANNEXE 14 Instruction du 2 avril 2001 relative à l’intervention des

pouvoirs publics en cas d’accidents maritimes majeurs..... 106 ANNEXE 15 Ordonnance du 24 avril 2012 relative à l’établissement des

dispositions spécifiques à l’accueil dans un lieu de refuge d’un navire ayant besoin d’assistance de l’ORSEC maritime, de l’ORSEC zonal et de l’ORSEC départemental ............. 107

ANNEXE 16 Certificat d’assurance du navire Mülhenau........................ 108 ANNEXE 17 Dommages-intérêts alloués à la suite de l’Erika ................ 109 ANNEXE 18 Statuts de l’APNE Bretagne vivante (extrait) .................... 116 ANNEXE 19 Agrément de l’APNE Bretagne vivante ............................. 117 ANNEXE 20 Exemple de protocole d’accord transactionnel .................. 119

BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................... 123

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TABLE DES MATIERES.............................................................................................................. 127