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La galacto-IRM: une nouvelle technique d'exploration des écoulements mamelonnaires H. Berment, A. Genevois, M. Dolores, N. Marouteau-Pasquier, JN. Dacher Service d’imagerie médicale, CHU de Rouen

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La galacto-IRM: une nouvelle technique d'exploration des écoulements mamelonnaires

H. Berment, A. Genevois, M. Dolores, N. Marouteau-Pasquier, JN. Dacher

Service d’imagerie médicale, CHU de Rouen

Contexte• L’écoulement mamelonnaire est un motif de consultation fréquent en sénologie (3ème plainte mammaire après les mastodynies et les masses)

• L’écoulement mamelonnaire pathologique se définit par un écoulement spontané, unilatéral, habituellement unipore et non latescent

• Bien que d’étiologie bénigne dans la majorité des cas, il peut également être un signe révélateur de cancer du sein

• Il est donc nécessaire de réaliser un bilan d’imagerie complémentaire afin d’identifier et de localiser la lésion à l’origine de l’écoulement

• La prise en charge radiologique habituelle d’un écoulement mamelonnaire comprend un bilan sénologique classique avec mammographie +/- échographie suivi d’une galactographie

• La galactographie est actuellement l’examen de référence pour la recherche et la caractérisation de lésions à l’origine d’un écoulement mamelonnaire

• La galactographie comporte toutefoiscertains inconvénients:

‒ C’est une technique invasive qui nécessite l’insertion d’un petit cathéter au niveau d’un pore mamelonnaire et l’injection de produit de contraste intra-galactophorique. Elle expose donc aux risques d’échec de cathétérisme et d’extravasation de produit de contraste

‒ Elle nécessite que l’écoulement soit présent le jour de l’examen (problème des écoulements intermittents)

‒ Elle ne permet pas de différencier lésions bénignes et malignes

• Les faibles sensibilité et spécificité de ces différents examens ainsi que les contraintes techniques de la galactographie ont conduit récemment à la recherche de nouvelles méthodes d’exploration des écoulements mamelonnaires

• Plusieurs techniques font l’objet de publications, parmi celles-ci on trouve:‒ l’échographie (galactographie échoguidée, cytoaspiration échoguidée, macrobiopsies sous échographie…)

‒ la galactoscopie‒ l’IRM mammaire seule ou couplée à des séquences de galacto-IRM

• La galacto-IRM utilise une séquence à forte pondération T2 (séquence galactographique) qui permet une étude non invasive des canaux galactophores dilatés qui sont visibles sous forme de structures tubulées en hypersignal. Comme pour la galactographie, les lésions intra-galactophoriques apparaissent sous forme d’un défect de signal, d’une irrégularité de paroi ou d’une obstruction canalaire (arrêt brusque)

• L’intérêt de l’examen réside dans le couplage de la séquence galactographique avec des séquences « classiques » d’IRM mammaire - dont l’injection dynamique de Gadolinium - qui permettent la caractérisation de la lésion responsable de l’écoulement mamelonnaire (critères de bénignité/malignité, extension…)

La galacto-IRM: notre protocole

• Indication‒ Écoulement mamelonnaire pathologique

• Technique‒ IRM 1.5 Tesla Philips Medical Systems‒ Antenne sein 4 canaux‒ Réalisation d’une séquence galactographiquesuivie de séquences « classiques » d’IRM mammaire avec injection de Gadolinium‒ Durée d’examen ~ 40 min‒ Fusion des images grâce à un logiciel dédié

La séquence galactographique

• Séquence non invasive: pas d’injection de produit de contraste intra-galactophorique

• Séquence hydrographique = forte pondération T2 permettant l’étude des fluides statiques et à circulation lente (idem à la bili-IRM)

• Paramètres techniques:‒ Séquence T2 TSE Fat Sat sagittale sur le sein pathologique‒ Coupes jointives de 3 mm‒ FOV 16 cm‒ Matrice 236 x 275 ‒ TR 7000 TE 121 ‒ Durée ~ 6 min

Les séquences mammographiques

• Axial T2 bilatéral‒ Séquence morphologique‒ Bonne visualisation des structures liquidiennes (kystes et canaux galactophores dilatés si leur contenu est de signal liquidien)

Kyste

Galactophore dilaté

• Sagittal T1 unilatéral avec injection dynamique de Gadolinium (1+8 temps)

‒ Même plan que la séquence galactographique pour pouvoir fusionner les 2 séries

‒ Recherche et caractérisation d’une éventuelle prise de contraste (critères morphologiques et de cinétique de rehaussement)

• 3D T1 Echo de Gradient Fat Sat (THRIVE) après injection tardive de Gadolinium

‒ Séquence isotropique ‒ Permet de localiser la lésion dans les 3 plans

Fusion des images

• Un logiciel dédié permet la fusion de la séquence galactographique avec la séquence injectée afin de mettre en évidence le rapport direct entre la lésion responsable de l’écoulement et le canal galactophore dilaté

• Le logiciel de fusion que nous utilisons (Fusion by Mike®) a été spécialement conçu par un ingénieur informaticien attaché au service d’imagerie médicale ce qui a permis de répondre à nos besoins spécifiques (recalage spatial des séquences, MIP et affichage en couleurs de la séquence galactographique…)

Exemples de cas

Cas 1

• Femme de 40 ans• Écoulement unipore séreux du sein gauche depuis 18 mois• Antécédent d’adénome hypophysaire àprolactine opéré il y a 13 ans• Mammographie et échographie normales il y a 1 an

• Galacto-IRM‒ Séquence galactographique

Canal galactophorique dilaté dans le quadrant inféro-externe du sein gauche Arrêt brusque de l’hypersignal canalaire(flèche)

Prise de contraste nodulaire de 6 mm, à contours lobulés, dans le quadrant inféro-externe du sein gauche (flèche)

‒ Séquences T1 avec injection dynamique

1 min 3 min 6 min 9 min

Séquence de soustraction à 3 min Courbe de rehaussement dynamique (intensité(sélection de la région d’intérêt) de signal/temps)

Rehaussement rapide et intense de la lésion suivi d’un lavage (wash-out)

‒ Séquences T1 avec injection dynamique

‒ Fusion des 2 séquences

Mise en évidence du rapport direct entre la prise de contraste nodulaire et le canal dilaté (représentéen rouge)

• Échographie ciblée

Une échographie complémentaire centrée sur la lésion retrouve une masse intragalactophorique bien limitée contenant quelques microcalcifications rondes

Canal dilaté

masse microcalcification

masse

La patiente bénéficie d’un traitement par pyramidectomie (exérèse du canal galactophoriquedilaté)L’histologie conclut à un papillome intra-galactophorique

• Diagnostic

Papillome

Lumière du canal galactophorique

Cas 2

• Femme de 55 ans• Écoulement mamelonnaire uniporesanglant intermittent du sein droit• Antécédent de pyramidectomie du sein gauche en 2006 pour écoulement mamelonnaire (histologie concluant àun papillome)

Agrandissements de la région para-aréolaire supérieure du sein droit

• Mammographies

Mai 2006

Majoration d’un foyer de microcalcificationsirrégulières para-aréolaires supéro-externe

Opacité ovalaire centimétrique rétro-aréolaire visible uniquement sur l’incidence de face

Face Face

Oblique externe Oblique externe

Mai 2006 Mai 2008

Masse ovalaire hypoéchogène bien limitée de 10 par 5 mm, en para-aréolaire supéro-externe droit

• Échographie

Lacune au sein du canal galactophore dilaté (flèche)

MIP et agrandissement du canal dilaté

• Galacto-IRM‒ Séquence galactographique sur le sein droit

Sein droit ‒ axial T2

Masse lobulée de 12 mm de contours irréguliers, située dans le quadrant supéro-externe du sein droit (flèches rouges)

‒ Séquences morphologiques

Sein droit ‒ sagittal T1

Canal dilaté

Soustraction à 4 minChoix de la ROI

Prise de contraste hétérogène de la masse avec cinétique de rehaussement très suspecte (prise de contraste intense et rapide suivie d’un wash-outprécoce)

‒ Séquences avec injection

Courbe de rehaussement dynamique (intensité signal/temps)

3D T1 EG tardiveaprès injection

Au terme de l’IRM la lésion est classée ACR 5

Visualisation du rapport direct entre la prise de contraste et le canal dilaté

‒ Fusion des séquences galactographique et injectée

• DiagnosticTraitement par tumorectomie après repérage échographique et technique du ganglion sentinelle Histologie retrouvant un papillome intra-galactophorique bénin

Cet exemple illustre les aspects trompeurs possibles du papillome en IRM

Le papillome

• Le papillome solitaire ou papillome central est une tumeur papillaire bénigne rattachée à la paroi d’un canal galactophore par un pédicule fibrovasculaire

• Il est le plus souvent situé dans la région rétroaréolaire

• Il peut survenir à tout âge mais est plus fréquent en période de périménopause

• Il est responsable d’environ 50% des cas d’écoulement mamelonnaire pathologique

• 3 aspects sont possibles en IRM (Daniel et al.):‒ Petite masse intracanalaire bien limitée prenant le contraste

‒ Masse irrégulière avec prise de contraste rapide et intense (« tumor-like »)

‒ Lésion occulte

Cas 3

• Femme de 51 ans• Écoulement mamelonnaire uniporeséreux du sein droit depuis 1 an• Cytologie de l’écoulement négative• Mammographie réalisée il y a 1 an interprétée normale (stabilité de microcalcifications mastosiques éparses)

Galactophore très dilaté dans le quadrant inféro-internedu sein droitDoute sur une lacune intracanalaire (flèche rouge)Aspect irrégulier du canal en distalité (flèche bleue)Nombreux kystes épars

• Galacto-IRM‒ Séquence galactographique sur le sein droit

Soustractions à 3 min

Glande mammaire très dense se rehaussant de manière diffuse et intense après injectionDoute sur un rehaussement nodulaire plus marqué en regard de la lacune décrite sur la séquence galactographique

‒ Séquences injectées

3D T1 EG tardive après injection

‒ Fusion des séquences galactographique et injectée

Nombreuses microcalcifications éparses avec petit foyer de microcalcifications plus groupées en rétroaréolaire (flèches)

• Mammographie complémentaire

Profil FaceAgrandissements sur le sein droit

À 23 mm du mamelon, sur le rayon de 3H, masse intragalactophorique de 5 mm homogène bien limitée, évocatrice d’un papillome

• Échographie complémentaire

Plus en distalité, masse intracanalaire suspecte, hétérogène, à contours mal définis, contenant des microcalcifications

Traitement par pyramidectomie après repérage au bleu de méthylène du canal secrétant et repérage stéréotaxique du foyer de microcalcifications rétroaréolairesHistologie:

- adénose floride diffuse- papillome intra-galactophorique bénin à la partie proximale du canal- plus en distalité présence de foyers d’hyperplasie canalaire atypique avec carcinome in situ cribriforme de bas grade

• Diagnostic

Papillome intracanalaire avec remaniements hémorragiques

Foyers de carcinome canalairein situ cribriforme contenant des microcalcifications (flèche rouge)

Foyers d’hyperplasie canalaire atypique

Le cancer du sein

• 5 à 15% des écoulements mamelonnairespathologiques sont dus à un cancer (taux plus élevé avec l’âge)

• 1 à 5% des cancers du sein sont révélés par un écoulement mamelonnaire isolé

• Les facteurs prédictifs de cancer du sein en cas d’écoulement mamelonnaire sont:‒ Un âge supérieur à 55 ans‒ Un écoulement sanglant‒ L’existence d’une masse palpable

Cas 4

• Femme de 56 ans• Écoulement mamelonnaire uniporejaunâtre et épais du sein droit associé àune douleur périmamelonnaire• Antécédent de plastie mammaire de réduction il y a 30 ans• Mammographie normale

• Échographie

Canaux galactophores dilatés, à parois épaissies (flèches) et à contenu échogène, en rétro-aréolaire bilatéral

• Galacto-IRM‒ Séquence axiale T2

Nombreux canaux très dilatés apparaissant en hyposignal T2 (flèches), de manière bilatérale mais plus marquée àdroite

‒ Séquence galactographique sur le sein droit

Les canaux dilatés n’apparaissent pas en hypersignal sur cette séquence car leur contenu est en hyposignal T2

‒ Séquences T1 avec injection dynamique

Sagittal T1 avant injection

1 min 5 min 9 min

Sagittal T1 après injection dynamique (soustractions)

Les canaux dilatés sont en hypersignal T1

Rehaussement progressif des parois des canaux galactophores

Matériel acidophile

Epithélium canalaire atrophique entouré de manchons scléreux infiltrés de cellules inflammatoires lymphoplasmocytaires

• DiagnosticTraitement par pyramidectomie droite après repérage au bleu de méthylène du canal secrétantHistologie concluant à une galactophorite ectasiante

La galactophorite ectasiante

• La galactophorite ectasiante ou ectasie canalaire correspond à une dilatation des galactophores associée àune fibrose et à une inflammation péricanalaire

• Elle touche principalement les canaux sous-aréolaires mais peut s’étendre aux canaux de moyen et petit calibre

• L’âge moyen de découverte est d’environ 50 ans

• Elle est responsable d’environ 20% des écoulements mamelonnaires. L’écoulement est souvent unilatéral, unipore et son aspect est séreux, hémorragique ou verdâtre

• Elle peut évoluer vers l’inflammation (mastite périductale, mastite à « plasmocytes »)

Autres causes plus rares d’écoulement mamelonnaire pathologique

• Mastopathie fibrokystique

• Hyperplasie canalaire

• Inflammation

• AbcèsAbcès rétromamelonnaireresponsable d’un écoulement mamelonnaire

Conclusion

• La proportion non négligeable de cancer du sein parmi les patientes présentant un écoulement mamelonnaire (~10%) justifie la réalisation d’explorations complémentaires visant à détecter et à caractériser les lésions responsables de ce symptôme

• La galacto-IRM semble pouvoir répondre àces 2 attentes

• Selon notre expérience locale la galacto-IRMsemble présenter plusieurs avantages:

‒ Elle permet une cartographie des anomalies galactophoriques de manière non invasive‒ Elle fournit des éléments de caractérisation des lésions intra-ductales responsables de l'écoulement (critères morphologiques et de cinétique de rehaussement)‒ Elle apporte au clinicien une vision claire et facilement exploitable de l’ensemble des anomalies, grâce à la fusion des séquences galactographiques et des séquences injectées‒ Elle offre une alternative à la galactographie aux patientes pour lesquelles celle-ci n’est pas réalisable (mamelon ombiliqué, écoulement intermittent, échec de cathétérisme…)