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Cahier d’exploration Mai 2016

Softplace : cahier d'exploration - Mai16

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Page 1: Softplace : cahier d'exploration - Mai16

Cahier d’exploration Mai 2016

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L’équipe Softplace

Marine AlbarèdeChristelle DériThierry Marcou

En collaboration avec

La fabrique des territoires innovants

Softplace a le soutien de

La Ville de ParisEuroméditerranéeRégion PACALozère développementInnovill’âgeBouygues ImmobilierOrangeRenaultSociété GénéraleLe groupe La PosteCaisse des Dépôts et Consignations

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Cahier d’exploration Mai 2016

Ce cahier vise à donner de premières clés de compréhension du sujet et pistes de questionnements. Il repose sur plusieurs éléments, dont : ◊ une veille menée au fil de l’eau ; ◊ un travail sur des « scénarios extrêmes » conduit lors d’un atelier en novembre 2015, visant à tirer certains fils de notre veille ; ◊ les travaux menés à ce jour sur les deux territoires urbains et un territoire rural.

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1

2

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4Pages 08 à 31

Sommaire

PARTIE 1 : Transformations des lieux, de nouvelles dynamiques

Les lieux ouverts au

public dos au mur

Le numérique facteur

d’émergence de nouveaux lieux

Des lieux brouillés

Entre réseaux et écosystèmes

Pages 09 à 13

Pages 14 à 20

Pages 21 à 26

Pages 27 à 31

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PARTIE 2 : Des stratégies territoriales autour des lieux

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Pages 32 à 39

Pages 40 à 58

Des stratégies volontaristes et incitatrices de

l’action publique

S’appuyer sur des stratégies bottom-up

PARTIE 3 : lieux et systèmes territoriaux, quelques pistes

Les territoires pilotes de Softplace

Les pistes issues des scénarios territoriaux

Pages 33 à 37 Pages 38 à 39

Pages 42 à 45 Pages 46 à 58

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Softplace Cahier d’exploration

P ◊ 6

INtroduction

“Les lieux de vie, de travail, de commerce, de service, d’éducation, de culture, de convivialité, de loisirs… sont en mutation, bousculés par le numérique, qui transforme et hybride leurs fonctions, formes et usages.”

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Introduction

Les lieux de vie, de travail, de commerce, de service, d’éducation, de culture, de convivialité, de loisirs… sont en mutation, bousculés par le numérique, qui transforme et hybride leurs fonctions, formes et usages. L’expédition Softplace situe sa réflexion au croisement d’un double processus à l’oeuvre : d’une part la menace d’obsolescence pesant sur certains lieux suite à la dématérialisation croissante de services ; d’autre part l’émergence de nouveaux lieux plus hybrides et partagés (Fab labs, coworking, commerces multiservices…) sur les territoires.

La Fing s’intéresse au sujet des transformations des lieux par les usages du numérique depuis 2007, date à laquelle elle explorait pour la première fois la couche numérique de la ville avec son programme Villes 2.0. Elle a depuis conduit d’autres programmes sur les transformations de lieux spécifiques : ◊ Habitants Connectés (2011) : habitat et manières d’habiter ; ◊ “Tour d’horizon des Fab Labs” (2010-2011) : Fab labs et lieux de fabrication numérique ◊ Digiwork (2013-2014) - Repenser la place des individus au travail dans une société numérique : entreprise et lieux de travail ; ◊Alléger la Ville (2013) - Pour une innovation urbaine verte, ouverte et désirable : une approche alternative et concrète de la “ville intelligente” : lieux urbains et lieux partagés.

Softplace , méthodologie Softplace est une expédition menée, pendant 12 mois, par la Fing et ses partenaires. Ce qui nous intéresse dans Softplace ? Les mutations des lieux à l’ère du numérique sous leurs formes diverses ; les hybridations ou les collaborations nouvelles qui voient le jour, les différents maillages territoriaux et systèmes de lieux qui émergent… L’expédition s’est notamment fixée pour objectif de donner des clés de lecture mais aussi d’outiller un certain nombre d’acteurs qui font face à ces évolutions, ou y sont directement impliqués : collectivités et autres acteurs territoriaux, porteurs de lieux, entreprises à réseau, promoteurs et opérateurs immobiliers…. Quelle stratégie adopter, et comment la ou les penser ?Pour explorer ce sujet, nous nous nourrissons d’un travail qui croise veille, regards d’acteurs de la recherche et de terrain, appui sur des territoires «pilotes» divers. Deux territoires urbains, le 19e arrondissement de Paris et le territoire d’Euroméditerranée sur Marseille, ont fait l’objet de nos premiers ateliers «territoriaux». Dans le cadre d’une collaboration avec La Fabrique des Territoires Innovants, deux territoires ruraux se proposent également comme terrain d’étude et de travail : le département de la Lozère, et le Pays de Guéret (Creuse).Ce cahier «intermédiaire» vise à donner de premières clés de compréhension du sujet et pistes de questionnements. Il repose sur plusieurs éléments, dont : ◊ Une veille menée au fil de l’eau ◊ Un travail sur des «scénarios extrêmes»1 conduit lors d’un atelier en novembre 2015, visant à tirer certains fils de notre veille (exemples, tendances, signaux faibles…) pour identifier des situations et des tensions nouvelles, décrire de nouveaux jeux d’acteurs, etc. (Partie I et 2) ◊ Les travaux menés à ce jour sur les trois territoires (entretiens avec des acteurs du territoire, porteurs de lieux ou de projets, « diagnostic » territorial et ateliers) (Partie III).

1 Retrouvez l'ensemble des scénarios extrêmes sur : http://reseau.fing.org/file/view/165306/softplace-scenarios-extremes-version-initiale

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Softplace Cahier d’exploration

Partie 1 Transformation des

lieux :DE nouvelles dynamiques

“Le numérique bouscule un grand nombre de lieux : lieux publics ou privés, lieux de travail, de loisir, d’enseignement, de production, d’accès à des services…

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Les facteurs de ces fermetures massives sont divers, bien que le numérique et la dématérialisation des services tiennent une place importante dans ce processus. Raréfaction des fonds publics, augmentation des prix de l’immobilier et du foncier, désengagement de l’Etat sur certains services publics mais aussi mouvements de population (départs vers le péri-urbain, exodes ruraux) sont également des facteurs de mutation pour les lieux d’accueil et de services au public.

Dans ce contexte, les porteurs de lieux et les organisations en réseau adoptent différentes stratégies ou positions autour de leurs points de contact.

Les lieux ouverts au public dos au mur

1

PARTIE 1 1

Dans ce paysage, Softplace a surtout “zoomé” sur les lieux accueillant du public : agences bancaires, bureaux de Poste, lieu de service publics, petits commerces... Nombre de ces lieux qui accueillent du public au quotidien sont bouleversés par le numérique et se voient désormais “menacés” à plus ou moins long terme.

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Softplace Cahier d’exploration

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Temps d'accès médian routier aux principaux services de la vie courante INSEE “Accéder aux services de la vie courante : de forts écarts entre les territoires”

◊ Fermeture totale ou partielle ◊Face aux difficultés de maintien de leur patrimoine immobilier ou de leurs activités, certains lieux accueillant du public sont contraints à la fermeture, si ce n’est totale, du moins partielle. Ainsi plusieurs banques prévoient depuis quelques années la fermeture de points de contacts : le Crédit Agricole annonçait en 2014 la fermeture d'1/5 de ses agences, la Société Générale lui emboitait le pas en annonçant fin 2015 la fermeture probable de 400 agences soit 20% de ses guichets sur l’ensemble du territoire national, à l’horizon 2020.

Les commerces sont également impactés par ces dynamiques : un sondage de 2014 de IFOP1 révélait qu’une ville sur quatre avait vu la fermeture de son dernier café notamment au sein de zones rurales, tandis que la vacance commerciale augmente chaque année en centre-ville passant en moyenne de 7,2% du parc commercial des villes en 2012 à 7,8% en 2013.

Une formule moins radicale de fermeture consiste à ouvrir le point de contact seulement sur des créneaux précis. C’est le cas notamment pour de nombreux guichets de poste en milieu rural, ouverts seulement certains jours afin d’assurer un service minimum auprès des habitants.

Cette fermeture progressive des lieux n’est pas sans conséquence sur l’égalité des territoires et les conditions d’accès aux services de la vie courante. Selon les Atlas régionaux de la démographie médicale publiés en novembre 2015 par le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), la France métropolitaine compte aujourd’hui 192 déserts médicaux dans lesquels vivent près de 2,5 millions de personnes, tandis que sur des territoires l’accès à certains services de la vie courante nécessité plus de 14 minutes de trajet automobile aux usagers. La carte de l’INSEE ci-contre est révélatrice de ces inégalités territoriales. Les territoires ruraux sont les premiers impactés par cette dynamique à l’oeuvre. Par exemple la ville de Joigny, dans l’Yonne, a perdu deux tribunaux, un régiment ainsi que 30% de ses commerces en seulement quelques années.

1 IFOP, "Les maires ruraux et la revitalisation économiques des territoires", Novembre 2014, sur http://www.ifop.com/media/poll/2860-1-study_file.pdf

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PARTIE 1 1

Les acteurs des MSAP / Source : http://collectivites.laposte.fr

Wasbar : faire sa lessive à l’heure de l’apéro - source : http://helloinnov.tumblr.com/ © Wasbar Gent

◊ Mutualisation ◊Plutôt que de fermer, certains lieux en mutation, privés ou publics, tendent à se renouveler en proposant des mix serviciels inédits, grâce à une mutualisation des locaux, équipements voire agents entre prestataires, ou en s’inspirant des caractériques des tiers-lieux et de leur logique d’hybridation.

En mars 2015, le Comité Interministériel aux ruralités mettait à l’honneur le développement de lieu de services mutualisés dans un souci d’égalité dans l’accès aux services publics mais aussi de modération de la dépense publique. Les Maisons de services au public (MSAP) sont une des réponses à ces enjeux, concernant des territoires ruraux, périurbains ou urbains. Fruit d’un partenariat entre l’Etat, les collectivités et des opérateurs de services publics (CAF, Pôle Emploi, etc.), elles réunissent au sein d’un même lieu des services proposés par ces différents acteurs afin de faciliter les démarches des usagers et d’améliorer la proximité de services publics ou privés sur le territoire. D’ici à 2017, l’objectif affiché est le développement de 1000 de ces espaces mutualisés sur l’ensemble du territoire national. La Poste s’est d’ailleurs engagée à en accueillir un certain nombre dans ses points de contact.

Sur certains territoires ruraux ou de montagne, l’Etat et le FISAC (Fond d’Intervention pour les Services, l’Artisanat et le Commerce) portent également un projet favorisant l’hybridation entre ces MSAP et des commerces de proximité sous forme d’aides financières pour la modernisation et l’amélioration de l’accessibilité des locaux commerciaux. Une telle démarche s’inscrit en continuité d’une double volonté de redynamisation des commerces mais aussi d’égalité d’accès aux services. Néanmoins, elle pose la question de l’accueil de services publics au sein de lieux privés et fait craindre à certains un recul toujours plus grand de l’action publique et de l’Etat sur les territoires péri-urbains et ruraux, voire une privatisation du service public.

Dans ces deux stratégies, comment assurer une égalité d’accès aux services pour tous au sein des territoires ? Comment maintenir également la qualité de l’offre de ces services ?

Pour échapper aux vagues de fermeture, certains commerces se tournent vers des modèles plus hybrides, proposant des services parfois très éloignés mais complémentaires et surtout diversifiant les modèles de revenus (accueil de Repair Cafés au sein de cafés, laveries-cafés, etc.)

◊ Hybridation ◊

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Softplace Cahier d’exploration

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L’AMI (Atelier Mobile d’Informatique) des villagesL’AMI est une sorte d'EPN nomade à destination des territoires ruraux. Il prend la forme d’une camionnette équipée d’une sal-le informatique afin de proposer des actions de solidarités numériques, c’est à dire des formations aux outils numériques, des accompagnements aux démarches administratives en ligne, voir des dépannages et réparation de proximité. L’AMI représente surtout un outil d’aide à l’insertion et à la formation des publics en difficultés

Salle informatique de l’AMI des villages- Photo : Photo TRIRA/Emmaüs

◊ Mobilité des services ◊Les services à domicile ou en mobilité ne sont pas vraiment une nouveauté. Sur certains territoires, déserts serviciels ou médicaux, ils sont de première nécessité. C’est majoritairement au sein de ces territoires, contraints à l’innovation en matière d’accès aux services, que se réinventent progressivement des services publics ou privés en mobilité. Au sein de bus ou de camionnettes aménagés, réinventant le modèle du bibliobus, ils sillonent les places de villages et les marchés pour se rendre au plus près des usagers, proposant accès aux service, médiation, formation...

SCENARIO EXTREME : Supermarché servicielEt si l’on “poussait le bouchon” de ces dynamiques de mutualisation…

Les organisations à réseau, banques, assurances, acteurs de la téléphonie mais aussi des acteurs publics (CAF, etc)… ont suivi la marche des usages du numérique, en prenant massivement le parti de dématérialiser leurs services et de délaisser leurs lieux propres, coûteux et peu utilisés. Leurs services sont désormais accessibles parmi d’autres, au sein de supermarchés serviciels : s’y mêlent services aux particuliers et services aux professionnels (avocats, notariat, etc.). Les clients et usagers font leur choix, et peuvent, s’ils le souhaitent, souscrire à des services complémentaires ou prendre des rendez-vous. Les agents des organisations ne sont plus les premiers points de contact avec les clients et sous-traitent une partie de la relation avec ces derniers. Il faut alors passer par les supermarchés afin de les rencontrer. Certains acteurs privés vont même plus loin et proposent de véritables “bouquets serviciels” à des prix préférenciels par des collaborations avec d’autres prestataires de services. Les lieux de contact d’hier, délaissés, sont devenus de véritables friches servicielles.

Quelle(s) formation(s) pour les médiateurs ? Ne risque-t-on pas une privatisation croissante du service public ? Que faire des espaces laissés vacants ? Quelle part du physique ? du numérique dans ces lieux? Quelle architecture ?

Ce scénario extrême, ainsi que les suivants, a été imaginé en s'appuyant sur des exemples, tendances ou signaux faibles issus de notre veille.

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PARTIE 1 1

◊ Vers une réinvention des modèles : nouveaux services, nouvelles collaborations, nouvelles approches ◊ Dans un contexte de massification des usages du numérique, qui n’a pas provoqué la fin des interactions physiques - bien au con-traire ! - les lieux “traditionnels” innovent dans les services qu’ils proposent, leurs modes de fonctionnement ou de gouvernance et même dans leurs modèles économiques.

Les bibliothèques, un modèle en mutation

L’exemple des bibliothèques publiques est révélateur de cette tendance au renouvellement. Lieu de partage de savoir et de connaissance, leur mission se tourne désormais également souvent vers la médiation numérique culturelle, scientifique mais aussi sociale. Dans le monde anglo-saxon, cette mutation va beaucoup plus loin, couplant parfois le concept de Labs à celui de biblio-thèque. C’est le cas des NY Public Library Lab1 qui visent à stimuler l’implication et collaboration entre les usagers, via des initiatives participatives ou par l’intermédiaire de formation, d’ateliers. Les labs s’introduisent même parfois de manière physique au sein des bibliothèques, comme à la Fayetteville Free Library2 aux Etats-Unis qui est équipée d’un laboratoire dédié à la création numérique, d’un fablab visant à la création d’objets physiques et d’une aire dédiée aux enfants. 1 http://www.nypl.org/blog/2015/11/04/emigrant-city 2 https://www.fflib.org/

Les transformations qui ont été énoncées tout au long de ce chapitre (mutualisation, mise en mobilité, renouvellement des modèles) mon-trent bien qu’il serait réducteur - et faux ! - de considérer le dével-oppement des usages du numérique seulement comme un facteur d’obsolescence des lieux. Les lieux menacés de fermeture sont déjà en mutation, ou en recherche de stratégies nouvelles pour se trans-former. Et ils sont attentifs à une autre dynamique reposant sur le numérique : celle de l’émergence de lieux d’un nouveau genre, des lieux conçus dès le départ comme étant plus partagés, source potentielle d’in-spirations dans une réflexion sur le renouvellement des lieux.

L’aménagement intérieur des édifices est également impacté par ces mutations vers toujours plus de convivialité (chaises longues, fauteuils cocons, salle de “réunion”, wifi, jeux vidéos etc.), pour se sentir chez soi à la bibliothèque. On n’est ici pas loin du tiers-lieu !

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Le numérique est un moteur de l’émergence de nouveaux lieux aux modèles parfois inédits, tant sur les territoires urbains que ruraux. Fab labs, espaces de coworking, “labs” divers et variés essaiment…

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Le numérique facteur d’émergence de nouveaux lieux et nouveaux usages

Ces “tiers-lieux”, nouveaux lieux hors entreprise et hors domicile, prennent des formes diverses et conjuguent toute une palette de services et de fonctions selon leurs porteurs, leur territoire d’implantation, leurs communautés, leurs enjeux… Les espaces réunis sous cette bannière de “tiers-lieux” (fab labs, food labs, espaces de coworking, recyclerie, accorderie etc.) ont chacun leurs spécificités. Mais ces derniers présentent néanmoins des caractéristiques et des objectifs affichés communs. La plupart visent à permettre à des personnes aux pratiques diverses de se rencontrer, à stimuler et accompagner des projets personnels ou collectifs ou encore à développer des pratiques collectives.

◊ Quelques caractéristiques communes des “tiers-lieux” et “lieux partagés” ◊

Des lieux de mutualisation ou des lieux de partage

L’expédition Softplace s’intéresse notamment aux lieux “hybrides et partagés”, déjà explorés dans le programme "Alléger la ville"1. Les tiers-lieux sont de bons candidats pour cette étude, si ce n’est que les logiques de partage diffèrent grandement selon les lieux. Dans certains cas, le partage est une valeur centrale du lieu : entre différents usagers (différentes communautés professionnelles, entrepreneurs, artisans, bricoleurs, citoyens…), il s’agit de partager des projets, des compétences, des idées, une expérience, des infrastructures… Les Fab labs, certains espaces de coworking s’inscrivent dans cette logique. Dans d’autres cas, la logique de “partage” est surtout celle de la mutualisation : on partage surtout

1 http://fing.org/?Les-premieres-pistes-d-innovation

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PARTIE 1

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Alléger la Ville - Expédition FING / Graphisme : Collectif BAMhttp://fing.org/?Les-premieres-pistes-d-innovation

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un lieu et ses m2, on mutualise moyens, équipements et certains services, notamment afin de réduire les coûts. Nombre d’espaces de coworking créés récemment fonctionnent selon ce dernier modèle, à mi-chemin entre le “co” et le télécentre.

Des lieux appuyés sur des communautés et du bottom-up

La communauté est souvent un élément central de ces nouveaux lieux. Les utilisateurs du lieu ne sont pas que des usagers accédant à des services, mais ont un rôle plus actif : membres de la communauté du lieu, ils y contribuent en amenant leurs compétences, projets, idées voire en proposant des services... L’animation et les temps événementiels, assurés par les porteurs du lieu, sont essentiels dans ces espaces, afin de stimuler rencontres et frictions entre les utilisateurs, qui peuvent eux-mêmes contribuer à

l’animation et au fonctionnement de ces lieux.Tous ces lieux revendiquent une communauté, mais celle-ci recouvre différentes réalités : plus ou moins animée, encourageant plus ou moins de partage, etc. Les limites des communautés sont aussi parfois questionnées : elles se bâtissent ainsi souvent en jonglant habilement entre inclusion et exclusion : ouvrir suffisamment à une diversité de profils, mais batir des codes et des valeurs - mêmes implicites - qui en exclueront d’autres, au risque de favoriser “l’entre-soi”.

La notion de communauté est-elle essentielle au portage d’un lieu dit “partagé” ? est-elle favorable à ce portage ? Comment éviter la constitution d’un nouveau type de “gated communities"2 ? Comment assurer l’égalité d’accès aux lieux pour les usagers ?

Les tiers-lieux, des lieux d’innovation ?

De nombreux tiers-lieux se vivent également comme des “lieux de l’innovation” que ce soit dans leur démarche, leurs modes de fonctionnement ou parce qu’ils favorisent l’émergence de projets et d’idées en réunissant des profils similaires ou complémentaires, dans une logique d’émulation et de frictions. Cette dernière ambition est au coeur des espaces de coworking ; elle l’est aussi au sein des “labs”. Fab labs, “living labs”, bioHackerspaces, xLabs, visent à offrir des espaces et des conditions d’expérimentation, de prototypage, de mise en oeuvre de projets, à des publics divers (entrepreneurs, bricoleurs, étudiants, chercheurs).

2 "recouvre, non sans une certaine ambiguïté sémantique sur le sens de «communauté», des formes variées d’enclosure résidentielle soumise à des règles contractuelles de gouvernance territoriale privée". - source : http://www.hypergeo.eu/spip.php?article299

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Softplace Cahier d’exploration

La Paillasse : laboratoire interdisciplinaires pour projet éthique et collabortaifsCrédits : la Paillasse Saôn

Les biohackerspaces

Les biohackerspaces, “laboratoires communautaires pour les biotechnologies citoyennes” sont ouverts à tout innovateur, designer, étudiant, curieux… intéressé par les sciences du vi-vant, souhaitant mener un projet spécifique, individuel ou col-lectif, abaissant les barrières traditionnelles entre experts et amateurs, d’ordinaire fortes sur un tel sujet. On y conçoit alors des projets éthiques, collaboratifs et open-source.

Le fonctionnement, la gouvernance et l’équilibre financier des tiers-lieux nécessitent aussi de trouver des modèles propres. C’est en cela que de nouvelles combinatoires émergent ; certains lieux proposent ainsi toute une gamme de services mais accueillent également des services tiers (livraisons de paniers, cours de sophrologie…), d’autres diversifient leurs activités comme autant de sources de revenus différentes. Ainsi, plusieurs Fab labs ouvrent-ils des cafés ou se transforment-ils en Fab Cafés. Les modèles de ces derniers sont d’ailleurs souvent hybrides :

“Plusieurs «archétypes» de modèles économiques peuvent être identifiés : location de machines, privatisations et production à la demande, formations, aide apportée à des entreprises pour le démarrage de projets, incubation d’entreprises, utilisation du réseau Fab Labs et ses compétences distribuées pour répondre à des appels à projets, utilisation des membres des Fabs Labs comme des consultants qui vont apporter leur expertise. « La majorité des Fab Labs hybrident ces différentes sources de revenus. Des financements publics (territoires, collectivités locales, Europe, universités etc.) ainsi que des financements privés (sponsoring, projets collaboratifs, etc.) complètent les budgets des Fab Labs. »”

Alléger la ville, Piste Systèmes de lieux partagés

Si les espaces de coworking et leurs proches parents sont encore dédiés avant tout à un usage professionnel, l’évolution de l’entreprise et du travail contribue à faire émerger d’autres types de lieux qui ne sont plus consacrés au travail, mais à l’activité, productive ou non.

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PARTIE 1

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La Ruche, espace de coworking marseillais et micro-crèche pour les 0-6 ansCrédits : la Ruche

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Un brouillage des frontières entre vie professionnelle et vie personnelle

Les espaces de coworking ont fleuri sur l’ensemble du territoire national (plus de 230 tiers-lieux en octobre 20141) et particulièrement en Île-de-France. Leur nouveau mode de vie collaboratif s’est peu à peu étendu à la sphère privée et certains tiers-lieux proposent désormais des services annexes tels qu’une crèche, comme c’est le cas de la Ruche à Marseille, des salles de sport etc. D’autres vont encore plus loin en proposant des espaces de travail et des espaces de nuit pour vivre et travailler au sein d’un même espace. Progressivement, au sein de ces lieux, les frontières entre vie professionnelle et vie personnelle s’estompent, les coworkers deviennent colocataires, loisirs et travail s’entrecroisent. Des exemples de “co-living” (voir l’exemple de la hackerhouse p.20) commencent à voir le jour, permettant de vivre et travailler au sein d’un même lieu.

1 Groupe Caisse des Dépôts "Guide à usage des collectivités locales : télécentres et tiers-lieux" , Numérique et territoires, Guide janvier 2015.

SCENARIO EXTREME : Le néo-phalanstèreEt si l’on “poussait le bouchon” de ce nouveau mode de vie où la sphère privée et professionnelle se mèlent totalement ?

Le succès des tiers-lieux et des nouveaux modes de travail n’a pas impacté que la sphère professionnelle. Brouillant les frontières entre vie professionnelle et personnelle, le développement des pratiques collaboratives a aussi permis l’essor d’un nouveau mode de vie, le co-living. La dynamique du partage des espaces et la diversification de leurs fonctions s’étendent même aux lieux qui hier n’étaient pas ouverts : on peut désormais vivre, travailler, se divertir au sein d’un même lieu : les “néo-phalanstères”. Ces derniers reposent sur une communauté de vie et de travail et s’accompagnent d’une couche servicielle, pour que “vous n’ayez plus à vous inquiéter de rien”. Des “gated communities” apparaissent au sein de lieux qui se referment sur eux-mêmes ou sur leur communauté. C’est désormais dans ces espaces privatisés que se trouve la palette la plus variée de services destinés aux individus ou aux professionnels: santé, services bancaires, formations, etc. Ceux qui ne font partie d’aucune communauté peinent désormais à y entrer, à accéder aux lieux et à leurs services.

Quel place pour la vie privée ? Comment éviter que ceux qui ne sont pas membre d’une communauté déjà active ne soient pas exclus des services et aménités destinés aux communautés ? Comment favoriser la mixité sociale au sein de ces espaes ? Est-elle désirable ? Comment rentre-t-on dans les communautés, comment en sort-on? Quelle architecture/urbanisme pour ces nouveaux lieux ?

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Softplace Cahier d’exploration

Les établis du TechShop Leroy MerlinPhoto : http://www.journaldunet.com/

◊ L’arrivée des grands acteurs ◊

Ces nouveaux lieux, au départ le fait d’initiatives entrepreneuriales ou citoyennes, voient désormais l’arrivée de grands acteurs, qui s’en saisissent de différentes façons.

● En développant de nouveaux réseaux de lieux “partagés”: Bouygues Immobilier a ainsi récemment créé une filiale, Nextdoor, visant à développer un réseau de lieux alliant hôtel d’entreprises, espace de coworking et service de conciergerie : ces espaces se distinguent par une identité visuelle et un bouquet serviciel propre. Nexity aussi, puise dans la réthorique et l’esprit du coworking pour développer son réseau Blue Office.

● En créant, finançant ou “co-marquant” des lieux “partagés”: dans ce cas, les “tiers-lieux” créés peuvent venir soutenir une démarche d’open innovation de l’entreprise, appuyée sur tout un écosystème d’innovateurs voire sur les contributions des clients : ainsi, en réponse à l’émergence des fablabs, le géant Ikea ouvre à Copenhague son “future-living lab”, Space 10, afin de “réinventer les modes de vie de demain”.

◊ Au-delà des tiers-lieux… vers le partage de l’usage de TOUS les lieux ? ◊

Aux-côtés de ces nouveaux lieux appuyés sur la culture et les usages du numérique, le développement de plateformes ouvrent de nouvelles possibilités en matière d’usage et de partage de lieux “classiques”. A l’image d’AirBnB, ces dispositifs de matching

L’atelier “partagé” de Leroy Merlin

Accolé à son magasin d’Ivry-sur-Seine, Leroy Merlin propose désormais, moyennant une offre d’abonnements au mois, l’accès à un atelier de conception et de fabrication d’objets mais aussi à un espace de coworking. Créé en partenariat avec le géant américain Techshop, cet atelier réunit plusieurs espaces thématiques permettant le travail de divers matériaux (textile, bois, etc.) et l’usage de différentes machines de type semi-industriel (fraiseuse, imprimante 3D, etc.). Afin d’assurer la prise en charge et l’accompagnement à l’utilisation des machines, l’enseigne a mis en place une équipe permanente de 18 salariés, complétée par des intervenants. A l’image des fablabs, l’accent est ainsi mis sur la formation et la création mais aussi sur l’esprit communautaire.

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entre l’offre et la demande/les besoins permettent de se saisir de lieux ou d’espaces sous-utilisés, appartenant à des particuliers ou des entreprises, par exemple pour les mettre à disposition d’entrepreneurs, de télétravailleurs, pour une durée plus ou moins longue.

Des modalités de partage et de location entre les entreprises

Le numérique a un double impact sur l’immobilier de bureau : d’une part, l’augmentation progressive du télétravail et l’existence d’un immobilier d’entreprise conséquent en milieu urbain, entraine une certaine vacance des bureaux qui sont désormais sous-occupés. D’une autre part, l’essor du télétravail et un certain nomadisme numérique suscite une demande croissante pour la location provisoire d’espaces de travail. Saisissant l’opportunité représentée par ce marché, des plateformes, tel que Bird Office ou Bureaux à partager, proposent désormais aux entreprises de louer, à l’heure, à la journée ou plus, une partie de leurs bureaux ou leur salle de réunion à des travailleurs indépendants ou petites entreprises en quête d’espaces. Ce concept s’étend également aux locaux commerciaux pour des évènements éphémères ou des locations saisonnières grâce à des sites comme My Pop Up Store.

Des modèles entre particuliers

Les usages du numérique bouleversent les lieux de travail mais aussi les lieux d’habitat, traditionnellement sphère de l’intime, qui voient leurs frontières avec l’exterieur et d’autres lieux devenir

plus poreuse, notamment avec le développement des pratiques collaboratives (l’habitat devenant l’objet des échanges). Les habitants accueillent des inconnus sur leur canapé grâce à Couchsurfing, louent une pièce ou leur domicile entier sur Airbnb, accueillent des inconnus pour des dîners qu’ils cuisinent eux-mêmes via des plateformes de co-lunching, louent leur machine à laver, donnent accès à leur jardin. Désormais, le partage d’un espace pour travailler, d’une connection wifi et de quelques capsules de café peut aussi se faire entre particuliers. Office Riders, ou encore Cohome (voir encadré), proposent des plateformes facilitant la rencontre entre le propriétaire d’un lieu et des personnes à la recherche d’un lieu de travail. Le concept de ces plateformes ne repose pas spécialement sur la création d’un profit pour le propriétaire mais plutôt sur le regroupement de télétravailleurs désirant sortir de leur isolement, le coworking se déplace désormais à domicile.

Cohome : “Viens chez moi je bosse à la maison”

Faire du coworking à domicile c’est désormais possible grâce à CoHome, un site mettant en relation des travailleurs Freelance disposant d’un bout de bureau à partagé chez eux et désireux d’un peu de compagnie. Les “hôtes” disposant d’un espace à partager sont libres d’accueillir gratuitement d’autres travailleurs indépendant ou de négocier un défraiement n’excédant pas 5 euros pour l’utilisation du wifi ou encore la consommation de café. Sans engagement, à l’image de AirBnB, CoHome laisse ainsi une grande flexibilité à ses utilisateurs qui peuvent ainsi alterner des séances de travail isolées, pour les phases de réflexion, et des séances de groupées, plus conviviales.

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SCENARIO EXTREME : Tiers-lieuisation totale Et si l’on “poussait le bouchon” de cette dynamique en faisant de tous les lieux des tiers-lieux ?

Le succès des tiers-lieux pousse les commerces et espaces de services privés et publics à adopter de nouvelles stratégies. D’abord un coup marketing de la part de quelques guichets d’assurance, cette tendance à la “tiers-lieuisation” s’étend parmi les organisations en réseau, privées comme publiques. Elles décident de renouveler leurs lieux et points de contact vers des espaces conviviaux d’échanges et de partage, qu’elles animent sur le modèle des tiers-lieux. Certaines mettent en place des médiathèques, d'autres des lieux de partage d’objets et de services entre leurs clients. De cette façon, elles cherchent à créer autour d’elles une véritable communauté. Ce sont bientôt des centaines de “tiers-lieux de services” qui maillent les territoires.Certaines démarches prennent le contre-pied de cette tendance en s’extrayant de la “tyrannie du partage” : ce n’est plus l’expérience qui y prime mais bien l’accès à une connexion, des m2, des équipements ou des services plus ou moins personnalisés. Chaque lieu a sa couche servicielle et en assure aussi une gestion fluide : affectation et réservation des espaces, gestion de l’agenda, des droits des usagers, etc.

Qu’arrive-t-il à ceux qui ne parviennent pas à se transformer? Comment faire la différence entre un «tiers-lieu washing» et les tiers-lieux d'origine ?Cohérence du maillage territorial: concurrences ou complémentarités ? Qui assure la lisibilité du paysage des lieux ?

Des modèles C2B1

Enfin, ces plateformes permettent également de mettre en lien les particuliers possédant un bien et des entreprises ou entrepreneurs demandeurs d’espaces. Elles s’inscrivent sur un créneau laissé libre par AirBnB pour proposer aux propriétaires de nouvelles solutions pour la location provisoire de leur appartement avec ou sans échange avec les locataires.1 customer to business

HackerhouseHackerHouse propose à des propriétaires de louer leur appartement pour une durée moyenne de 3 à 4 mois à des entrepreneurs désireux de coworker et de vivre au sein d’un même lieu le temps d’un projet ou d’une collaboration. En s’inscrivant dans la communauté, les propriétaires sont mis en contact avec les “locataires” pré-sélectionnés par le site. Après acceptation, leur bien est laissé en gestion à l’un des colocataires qui se porte garant du bon déroulement de la location. Du point de vue des usagers/locataires, “HackerHouse” s'adresse aux entrepreneurs désireux de collaborer et de cohabiter au sein d’un même espace.

Dans quelles mesures et sur quels points ces lieux peuvent-ils inspirer les transformations et les évolution des lieux “classiques”? (lieux de services publics ou privés, commerce, etc.) Que pourraient-ils leur apporter ? Dans quelles mesures peut-on réellement imaginer des “tiers-lieux” de services, combinant des logiques servicielles, de flux, et des logiques d’ancrage, de convivialité ?

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Des lieux brouillés

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◊ Despécialisation : découplage des fonctions et des m2 ◊Ces mutations se manifestent notamment par une déspécialisation des lieux (on n’apprend et on ne se forme plus seulement à l’école, on ne produit plus uniquement à l’usine, on ne travaille plus toujours en entreprise pour caricaturer quelque peu), ainsi qu’un découplage des “fonctions” et des “m2”. Ainsi, certains services vont se trouver dans des lieux qui ne leur étaient pas originalement dédiés (à l’image de permanences assurées par certains services publics “hors les murs”). Cela ne sera pas sans conséquence sur l’urbanisme, car c’était notamment sur ce couple fonctions/m2 que reposaient certaines pratiques d’urbanisme, de conception de la ville et de l’architecture !

Ce détachement des fonctions “uniques” s’illustre notamment dans l’exemple des bibliothèques, bâtiments emblématiques correspondant à une fonction urbaine donnée. Tout bâtiment peut désormais avoir vocation à accueillir du public, tandis que le cadre réglementaire (règle de sécurité concernant les Etablissements Recevant du Public ou des Travailleurs ) freine toujours fortement les changements de vocation de lieux, les mutations et les hybridations.

D’autres espaces sont désormais presque conçus comme des “lieux plateformes” permettant l’accueil de différents programmes selon des temporalités différentes (des lieux “plug-in” en somme !). Les m2 ne sont alors plus destinés à l’accueil d’une fonction ou d’un service unique. En opposition à ce processus, la pratique de l’architecture et les lois qui la régissent reposent actuellement sur des programmations plus ou moins figées fixées avant même la conception du bâtiment, au cours de l’appel d’offre.

En somme, le numérique est un facteur de mutation des lieux, qu’il soit le moteur d’obsolescence ou un levier d’émergence. L’offre et le paysage en matière de lieux et de services qui découlent de ces mutations se multiplie, se complexifie, fonctions et usages se découplent…. Les lieux “classiques” qui accueillent du public s’intéressent aux caractéristiques des “nouveaux lieux” appuyés sur le numérique, pour s’en inspirer, pour proposer de nouvelles offres... Presque tout peut devenir tiers-lieu. En bref, les lieux s’étendent et se brouillent !

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Répartition des espaces de Volumes Coworkingsource : http://volumesparis.org/a-propos/

Comment réinterroger les pratiques d’urbanisme et d’architecture à l’heure des lieux déspécialisés ? Comment repenser les pratiques habituelles de production de la ville, sortir des logiques de zonage et de bâtiments monofonctionnels ? Comment également repenser une architecture plus malléable, plus réversible et pouvant s’adapter à l’accueil de programmations aussi diverses que variées ? Quelles réglementations pour accompagner ces nouvelles pratiques ?

◊ Les lieux hybrides s’hybrident ou se respécialisent ◊Si certains lieux, parmi ces nouveaux acteurs, incarnent parfaitement une déspécialisation poussée en hybridant plusieurs fonctions, d’autres, du côté des tiers-lieux, se respécialisent. Ainsi, la plupart des espaces de coworking restent avant tout dédiés au travail (alors même que le tiers-lieu qualifiait au départ le lieu entre l’entreprise et le domicile !), alors que d’autres lieux se recentrent autour d’une thématique donnée : hackerspaces textile, biohackerspaces, hub d’agriculture urbaine, etc. Ce sont finalement deux stratégies pour se “démarquer” au sein d’un paysage de “tiers lieux” de plus en plus dense.

Hybridons l’hybride : l’exemple de Volumes Coworking Volumes Coworking, dans le 19ème arrondissement de Paris, se définit comme “une plateforme de travail collaborative et flexible qui s’adapte à vos besoins”. Pour cela le modèle propose, au sein d’un même lieu, un espace de coworking, un makerspace s’inspirant des fablabs, un foodlab et un bistrôt wifi. Bien que ces quatres types d’espaces puissent fonctionner de manière autonome sans lien les uns avec les autres, les porosités sont importantes au sein de la “communauté” du lieu. Des synergies sont d’ailleurs trouvées dans l’offre : on peut ainsi envisager une opération team-building gastronomique au sein du foodlab lorsque l’on travaille dans l’espace de coworking, ou encore concevoir soit-même ses emballages de livraison personnalisés au sein du makerspace lorsque l’on est un jeune chef du foodlab.

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SCENARIO EXTREME : La respécialisation des lieux partagés

Et si l’on “poussait le bouchon” de la respécialisation des lieux ?

Les années 2010 étaient celles de l’émergence de tiers-lieux agiles, déspécialisés… la promesse de beaucoup de ces lieux : l’occasion de partager compétences, idées, projets et d’innover ensemble. Acteurs du numérique et de l’innovation, du design et de l’architecture, entrepreneurs divers et variés ont fait partie des premiers usagers de ces lieux et ont été suivis par d’autres profils et professions : artisans, acteurs de la santé, de l’alimentaire etc… Néanmoins, ces derniers ne se satisfont pas toujours de l’équipement “standard” des espaces de coworking et des fablabs classiques, et sont à l’origine de nouveaux “tiers lieux” correspondant à leurs pratiques comprenant de l’équipement dédié. Les tiers-lieux pionniers se respécialisent : c’est désormais définitivement une communauté professionnelle plutôt qu’une diversité que l’on va chercher. Peu à peu, chaque écosystème, métier a ses propres tiers-lieux avec des chaines intégrées, qui vont de la formation à des possibilités d’expérimentation (living lab) ou de prototypage pour les innovations du secteur, tout en gardant des espaces de vie et de travail partagés.

Comment éviter un système en vase clos et une trop grand “entre-soi” dans ces lieux ? Si les lieux se respécialisent autour de filières, quelles nouvelles questions cela pose-t-il en terme de mobilités des utilisateurs des lieux ? Comment maintenir les possibilités offertes par des “frictions” avec d’autres communautés professionnelles ? Schéma classique de la place de village

source :https://cinematice.com/2013/05/09/les-villages-de-france-exercices/

◊ Le grand brouillage des frontières ◊

Ces dynamiques de déspécialisation, respécialisation, hybridations, allant de pair avec l’arrivée de nouveaux acteurs, de nouveaux lieux et la transformation des lieux existants, brouillent un certain nombre de frontières.

L’identité des lieux

Les modèles “classiques” que nous connaissons (ex. de la bibliothèque) voient leurs identités modifiées, brouillées. Le schéma même de la place de village avec son église, sa mairie, son café et ses commerces, premier embryon d’urbanité, est remis en cause. Un tel processus d’hybridation des lieux laisse envisager l’apparition future de programmes inhabituels pour certains villages ou villes péri-urbaines, en permettant de s’émanciper des effets de seuil, dans la corrélation entre nombres d’habitants et apparition d’équipements publics sur un territoire donné.

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Le portage des espaces de coworkingsource : Silicon Sentier “Etude d’opportunités Innov’labs, Phase 1 : Benchmark des

espaces de coworking en France”

Face à ce brouillage des identités, de nouveaux modèles de lieux émergent qui se cherchent un nom. Le danger, pour un certain nombre, serait justement que la déspécialisation signifie la perte totale de l’identité : si tous les lieux sont déspécialisés, qu’est-ce qui peut encore garantir leur spécificité, leur identité, leur démarcation ? Nombreux sont ceux qui se réunissent sous l’appellation tiers-lieux, concept désormais devenu flou, malgré leurs différences ; mais en réalité, ces lieux ne sont pas tous des lieux couteaux-suisses. Ils se distinguent les uns des autres par les cocktails serviciels qu’ils choisissent de proposer, leur “couleur” professionnelle, leur ambiance, leur communauté…

Comment éviter que multifonctionnalité des lieux ne signifie la dilution de leur identité ? Comment repenser la nomenclature des espaces en tenant compte de ces brouillages, comment aider les lieux à se décrire ? Et comment rendre cette nomenclature accessible au plus grand nombre ? Quelles conséquences éventuelles de tel changements dans les processus de conception et de réglementation de la ville ?

Les offres : Offre “citoyenne”/ offre “institutionnalisée” / offre “industrialisée”

Le développement des tiers-lieux pousse des acteurs variés (parfois loin de logiques citoyennes ou entrepreneuriales !) à s’approprier ce concept, ou tout du moins quelques unes de ses caractéristiques. L’exemple des coworkings est parfaitement représentatif de cet intêret croissant pour les lieux partagés. Les pionniers du mouvement et les petits entrepreneurs restent des acteurs clés du paysage. A leurs côtés, d’autres émergent. Peu de lieux de coworking sont

portés à ce jour par l’action publique dans les espaces urbains ; néanmoins les collectivités, en particulier dans les territoires ruraux ou péri-urbains, sont désormais nombreuses à formuler des Appels d’Offre ou des Appels à Manifestation d’Intérêts pour la création de tels lieux sur leur périmètre. En découlent des lieux basés sur des partenariats public/privé (ex: la Bo@te à Marseille) ou reposant sur des associations. Dans d’autres territoires, les Maisons de l’Emploi peuvent être particulièrement actives pour faire émerger des espaces de coworking et faciliter leur mise en réseau, comme c’est le cas sur le territoire du Pays de Redon (à l’initiative de la Medefi) ou sur celui de la Lozere avec le réseau SoLozère. Dans un esprit bien différent, comme il a été exposé précédemment (voir p.18), les grands groupes proposent également leurs propres modèles, comme Bouygues Immobilier avec Nextdoor.

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Lorsque l’on s’intéresse plus en détail à l’offre de services proposés dans les lieux partagés et les gammes de prix qui y correspondent, les différences ne sautent pas toujours aux yeux (en termes d’esprit, de valeurs, de services…). Pourtant, il y a sans doute un véritable enjeu de compréhension de ces lieux : comment permettre aux usagers potentiels de trouver le lieu qui leur conviendra dans un paysage de l’offre complexe, portée par des acteurs très différents ? Comment comprendre au sein d’un lieu qui porte celui-ci, qui fournit tel ou tel service ?

Les métiers : Animateur / médiateur / manager...

La déspécialisation des lieux a aussi des conséquences pour les personnes qui y travaillent. Tandis que des métiers particuliers aux compétences multiples sont créés pour animer certain lieux partagés (Fab Manager, “concierge”) d’autres se déspécialisent, ou tout du moins se diversifient en matière de compétences afin de répondre aux attentes et besoins des usagers. Dans le cas des MSAP, il est prévu que les animateurs soient formés par les opérateurs partenaires pour délivrer des services en leur nom. Les Bureaux de Poste qui accueilleront des MSAP (au-delà de leur fonction première) évolueront donc également dans ce sens, accueillant un certain nombre de services publics ou privés. Bien sûr, ces services ne seront pas toujours assurés par des agents “multifonctions”, certains étant assurés par des agents exterieurs, sur des permanences ; mais ces mutations impliquent globalement pour les agents d’être plus agiles. Enfin, certains métiers des services, privés ou publics, sont amenés à être plus mobiles, pour répondre à certains enjeux territoriaux et sociaux. Le “grand découplage” touche aussi les agents et le lieu

dans lequel ils opéraient jusqu’alors, dans un contexte plus global d’évolution du rapport au lieu de travail !

Comment accompagner les travailleurs dans la mutation de leur métier ? Va-t-on voir émerger des “agents itinérants” ? Quelles formations et quels outils pour ces agents “multicompétences”, en particulier ceux sont qui sont amenés à se déplacer ?

La médiation et le numérique (et vice-versa)Les différents domaines de la médiation se retrouvent également bouleversés par l’hybridation des lieux mais aussi, voir surtout, la dématérialisation croissante de certains services et démarches. Ainsi, au sein des MSAP (Maisons de Services Aux Publics) l’orientation et la médiation sociale se doublent d’une médiation numérique pour accompagner les usagers dans leurs démarches en ligne (Pôle emploi, impôts, CAF, etc.), tandis que les porteurs d’EPN (Espaces Publics Numériques) doivent répondre à des besoins sociaux de plus en plus complexes. Enfin, au sein de certains lieux de médiation culturelle tel que les bibliothèques ou les ludothèques la médiation numérique s’installe progressivement pour venir compléter l’offre présente. On y trouve même parfois, dans des contextes de populations fragilisées, une véritable médiation sociale au travers de la culture. L’importance d’une médiation numérique élargie était déjà en 2013 au coeur du rapport “Citoyens d’une société numérique”1 du Conseil National du Numérique. Celui-ci y plaidait notamment pour la reconnaissance de médiations durables appuyées sur le numérique et de différents métiers de médiateurs souvent mal identifiés. 1 http://www.cnnumerique.fr/wp-content/uploads/2013/12/Rapport-CNNum-10.12-1.pdf

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Services publics / privés / P2P

De plus en plus, des services portés par des acteurs différents se retrouvent au sein de mêmes lieux dont les statuts diffèrent. On ne trouve plus uniquement des lieux publics de services publics et des lieux privés de services privés, mais des lieux de services AUX publics (MSAP), dans lesquels cohabitent des services publics et privés. Ces MSAP peuvent être des lieux portés par l’acteur public ou privé (voir p.11) … et l’on pourrait encore étendre ce périmètre. Les accorderies sont un exemple de lieux associatifs dédiés aux services entre particuliers, qui pourraient également être proposés au sein de lieux publics ou privés en levant quelques obstacles. Enfin, certains lieux, publics ou privés, mettent en place des créneaux d’échanges de services B2C1 et/ou P2P.2 C’est le cas des ressourceries, des cafés des pratiques ou encore des conciergeries de quartier comme “Lulu dans ma rue” à Paris, qui s’accompagne également d’une plateforme numérique.

Jusqu’où va-t-on dans les mix serviciels qui peuvent être proposés dans un même lieu ? Y a-t-il des services inconciliables? Comment donner à voir la diversité des services proposés au sein d’un lieu et en faciliter la compréhension ?

L’hybridation des services et des usages au sein d’un même espace brouille les lieux. Ce brouillage semble fertile sur de nombreux points. Il permet la mutualisation de moyens et d’espaces notamment dans un contexte de crise économique et urbaine où l’injonction est la lutte contre l’étalement du bâti. Il pose néanmoins de nouvelles questions en termes de complexité, de lisibilité de l’offre et de 1 business to consumer2 pair à pair

complémentarités des services proposés. Les lieux ne réfléchissent pas à ces questions de façon isolée. Ils n’ont pas attendu Softplace, bien entendu, pour songer à ces questions. Pour s’y retrouver, pour construire ensemble de nouveaux modèles et des collaborations, ils se croisent, se maillent, se rencontrent, font réseau, construisent et entretiennent des écosystèmes.

Quelques définitions :

Accorderies : il s'agit d'un système d'échanges de services solidaire entre habitants. Il peut prendre place au sein d'un lieu existant sous la forme par exemple d'un panneau de petites annonces.

Ressourceries : dans ces lieux sont collectés les objets et matériaux, dont les propriétaires n'ont plus besoin, en vu de les valoriser par réemploi, réutilisation, réparation ou par recyclage.

Conciergeries : lieux qui réunissent un ensemble de prestations de services du quotidien. Il existe des conciergeries d'entreprises (qui mettent des services à disposition des salariés sur leur lieu de travail) et d'autres à disposition des habitants d'un territoire.

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Réseaux et écosystèmes

◊ Les réseaux de lieux ◊

Organisation “Bottom-up”

Les lieux issus d’initiatives citoyennes ou entrepreneuriales, en particulier les pionniers des espaces de coworking ou des fablabs, sont déjà souvent engagés dans des pratiques de partage avec d’autres lieux ou projets semblables, au sein de réseaux plus ou moins formels à des échelles très variées (ex : le réseau Français des FabLabs). Plusieurs raisons sous-tendent cette mise en réseau :

● Le partage et mutualisation de moyens et de pratiques : - Partage de pratiques, d’expériences, de réflexions de fond (veille, etc.), de principes par des documents cadres propres à chaque lieu (par exemple, selon ce que l’on retrouve dans le Manifeste des tiers-lieux) ; - Mutualisation de moyens (matériels, humains, financiers, juridiques…) ; - Organisation d’événements, de temps de rencontre ;● Une volonté de gagner en visibilité/lisibilité, en cohérence, voire dans l’optique de développer de nouveaux partenariats publics ou privés ;● Une stratégie visant à se positionner face à la concurrence des grands acteurs économiques ou d’autres acteurs ;● Faciliter la mobilité des utilisateurs des lieux (ex : Copass, qui permet à ses membres de payer un seul abonnement leur permettant d’accéder à de nombreux espaces de coworking dans le monde )

Dans certains cas, les réseaux créés visent à répondre à l’ensemble de ces enjeux.

Les lieux “brouillés” et leurs porteurs se réunissent sous forme de réseaux voire d’écosystèmes pour des raisons diverses. L’émergence de ces réseaux oscille entre des logiques top-down et bottom-up qui répondent à des problématiques souvent similaires de partage d’expérience, de facilitation de la circulation des usagers ou encore de mise en visibilité.

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Exemples de collectifs :

Le collectif LIP :

“Sous l’impulsion de différents espaces de coworking et d’innovation marseillais, le collectif LIP (Lieux d’Innovations Partagés) est en train de se constituer afin de “démystifier le coworking” en affirmant la volonté d’être évangélisateurs d’un certain modèle de coworking. En effet, selon eux, le coworking est désormais récupéré par les institutions et des acteurs économiques de grande dimension qui ne partagent pas les mêmes valeurs que les porteurs de lieux de longue date. L’objectif du collectif est donc de mettre en relation et en réseau des espaces et des projets qui portent les mêmes valeurs autour des notions d’économie sociale et solidaire, de travail collaboratif, de solidarités et d’animation territoriales.” Le collectif traduit le besoin pour ces lieux de se structurer face à un marché qui est sur le point de se tendre. Bien que le collectif ne soit pas encore officiellement lancé, il commence déjà à recevoir des demandes d’adhésion de lieux d’innovation extérieurs au territoire marseillais mais également de porteurs de projets de lieux qui n’ont pas encore vu le jour.

L’Association des Tiers-Lieux

En Ile-de-France, un autre collectif se constitue : l’Association des Tiers-Lieux1. Cette association, portée par les lieux eux-mêmes et soutenue par des acteurs publics et privés, préfigure la constitution d’une Société Coopérative d’Intérêt collectif qui reposera sur la signature d’un accord d’engagement 1 http://collectif-des-tiers-lieux.fr/

réciproque. La volonté première de ce regroupement est la constitution d’un réseau d’échange d’expériences et de pratiques. Elle semble s’inscrire en continuité de la stratégie de développement territorial de la région autour des tiers-lieux.

Des stratégies Top-Down

Les collectivités ont souvent leurs propres stratégies concernant les lieux. Que ce soit dans une logique de maillage du territoire ou de développement économique, elles impulsent également des réseaux de lieux et d’acteurs. A l’échelle nationale, le réseau des Maisons de services au public repose sur une double volonté de maillage territorial (ouverture depuis la constitution de ce réseau de 53 sites sur l’ensemble du territoire et objectif d’ouverture de 1000 nouvelles MSAP) et d’homogénéisation de la démarche (conception d’une identité visuelle commune, échange d’expériences entre les acteurs, création d’outils partagés etc.). Ce réseau s’articule notamment autour de journées de rencontres et d’ateliers, d’une publication bulletin des MSAP, mais aussi d’une cellule d’animation nationale.Les réseaux territoriaux sont plus courants encore à l’image des réseaux de coworking en Lozère ou sur le Pays de Redon, évoqués précédemment. Autre exemple, dans l’ancienne région d’Aquitaine : un réseau a vu le jour, sous l’impulsion de la collectivité territoriale, en lien avec un espace de coworking, l’Arrêt Minute : la Coopérative des Tiers-Lieux d’Aquitaine. Elle recense et connecte désormais les espaces partagés du territoire tout en valorisant les différents projets et démarches. La Région voit dans cette initiative un levier d’augmentation de l’attractivité et de développement économique de son territoire.

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Un écosystème local : Autour du Canal de l’Ourq

Dans le 19 ème arrondissement de Paris, Autour du Canal de L’Ourq (ATCO) s’est constitué dans une volonté d’animation du quartier et d’accompagnement des initiatives et des projets citoyens. Il réunit différent lieux du territoire aux caractéristiques variées ( bibliothèques, Espace 19, cafézoïde etc.), des acteurs associatifs (association Entr ’Aide, Contes en chemin) et publics (la mairie de Paris, la mairie du 19ème arrondissement) mais aussi les habitants du quartiers. Ces acteurs se réunissent tous les mois, partagent leurs lieux pour l’organisation d’évènements ou la création de projets, et bénéficient des réseaux propres à chacun.

SCENARIO EXTREME : Vous serez chez vous partout ! Et si l’on “poussait le bouchon” d’une mise en réseau des lieux et de l’augmentation des mobilités des usager ?

Les lieux partagés ont identifié la nécessité de construire des réseaux, afin de partager des bonnes pratiques et d’améliorer la lisibilité de l’offre des lieux existants auprès des usagers (et du grand public). Tout lieu partagé est désormais inscrit dans un ou plusieurs réseaux : réseaux thématiques (Fab labs, coworking, bibliothèques)... réseaux métropolitains, régionaux voire internationaux, thématiques et transverses. L’explosion des réseaux de lieux a plusieurs conséquences : elle facilite grandement la mobilité des usagers, qui peuvent désormais trouver un pied-à-terre et un lieu de travail partout où ils se trouvent, alors que des réseaux semblables à Copass se multiplient, avec comme mot d’ordre “Tous mobiles, chez soi partout !” Selon leurs missions et objectifs, ces “slashers” peuvent ainsi travailler en centre urbain le lundi, dans le périurbain le mardi et le rural la suite de la semaine. Les modèles économiques de ces lieux se transforment totalement. Certains utilisateurs se perdent devant la multitude de réseaux, entre ceux qui visent à encourager la collaboration et la mobilité des usagers, ceux visant à améliorer la lisibilité de l’offre, ceux visant à partager des pratiques.

Comment faciliter et outiller les mobilités, au-delà d’un simple pass ? Dans quelles mesures cela dessine-t-il un nouveau tourisme d’affaire ? Comment évite-t-on un désancrage total des usagers ? Qu’advient-il des communautés dans ces cas ?

Bien sûr, celles que nous appelons “les grandes organisations à réseaux” (Poste, banques et autres organisations dont la délivrance des services se fait au sein de points de contact) organisent déjà leurs lieux selon une logique de réseaux ; mais cela reste alors des réseaux mono-entreprises.

◊ Du réseau aux écosystèmes des lieux ◊Les exemples cités précedemment, qu’ils s’inscrivent dans une dynamique top-down ou bottom-up, reposent sur la mise en réseau de lieux aux caractéristiques et aux principes, si ce n’est similaires, tout du moins très proches, et portés par les mêmes types d’acteurs. D’autres lieux dépassent cette logique de réseau pour intégrer de véritables écosystèmes. L’avantage de ces écosystèmes ? Partager idées, projets, ressources, afin de de monter des projets et programmes communs, de déployer une offre cohérente ou encore de faciliter les parcours pour les usagers.

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source : http://lesgrandsvoisins.org/

Un lieu peut devenir lui-même un support d’écosystème de lieux et d’acteurs, en s’appuyant sur la proximité physique et la complémentarité pour faire émerger des projets communs, favoriser l’innovation sociale ou encore l’intégration de populations fragilisées. La Fabrique Numérique de Gonesse travaille ainsi avec tout un écosystème local afin de faciliter la formation et la “remobilisation personnelle, citoyenne et professionnelle” de jeunes en difficultés, à travers la réalisation de projets utiles au territoire.

Quand un lieu fait écosystème : l’exemple des Grands Voisins

Au sein du site de l’ancien hôpital Saint-Vincent de Paul, désormais en attente de reconversion en un futur écoquartier, trois associations se sont regroupées pour assurer l’animation et le maintien du lieu durant les démarches, longues, d’acquisition du foncier par la municipalité. L’association Aurore, spécialisée dans l’hébergement d’urgence, s’est vu confier en 2012 la gestion du site. Elle a alors fait appel à l’association Plateau Urbain afin d’assurer la coordination des lieux et l’accompagnement des structures pendant leurs installations. Enfin, L’association Yes We Camp est en charge de l’animation du lieu afin de favoriser les rencontres entre les différents Grands Voisins mais aussi le public. Des appels à candidatures sont régulièrement organisés afin d’accueillir de nouvelles structures et associations au sein du lieu. Ces dernières doivent proposer un projet en accord avec les principes du lieu, favorisant les échanges et l’animation voire l’insertion des personnes en difficultés présentes sur le site. On y retrouve désormais, en plus des résidents, des centres

d’hébergement, des agences d’architectures, des locaux associatifs, un espace de coworking, une recyclerie, un bar bénévole, des ateliers d’artistes et d’artisans, des salles en location pour des occupations plus temporaires, une serre aquaponique et une école de formation pour sage-femme etc. un véritable lieu hybride donc, une ville dans la ville ouverte à tous.

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Ce fonctionnement en écosystème est aussi essentiel pour un autre type de lieux : les FabLabs. Selon Raphaël Suire, "ceux-ci tirent une partie de leur performance économique d'un positionnement en tant que plateforme d'intermédiation dans un écosytème intégré et dans la capacité de répondre à des besoins locaux, mais dans le même temps leur créativité et leur capacité à explorer des terrains d'application nouveaux reposent sur une interaction avec des acteurs foisonnants et plus périphérique aux écosystèmes".1

Ces exemples montrent qu’au-delà des lieux “physiques”, l’organisation en réseaux et en écosystèmes a aussi un véritable impact sur le/les territoire(s) dans lequel ces acteurs agissent, permettant souvent de valoriser leur environnement auprès d’un public plus large. Ainsi ces nouveaux lieux sont souvent au coeur de véritables stratégies visant à favoriser le développement territorial, selon des enjeux économiques ou sociaux, et l’aménagement du territoire.

Les ateliers territoriaux organisés durant Softplace avaient notamment pour objectif de travailler ce lien entre un territoire donné, ses enjeux spécifiques (le 19ème arrondissement de Paris, le quartier Euroméditerranée à Marseille, la Lozère) et ses différents acteurs (publics, privés, associatifs, porteur de lieux ou hybrides ou d’entreprises en réseaux etc.). L’enjeu ? Favoriser l’émergence de pistes nouvelles en termes de lieux et de systèmes de lieux (réseaux d’acteurs, mise en mobilité de services, projets prenant place sur des friches etc.), qui apporteraient des réponses aux populations du territoire (accès aux services, animation et médiation à

1 SUIRE, Raphaël, " La performance des lieux de cocréation de connaissances : Le cas des FabLabs" dans " Lieux et création ", Revue Réseaux, Editions La découverte, Paris 2016

destination de la jeunesse et/ou de populations fragilisées etc.) et permettraient le dévelopement de celui-ci.

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Partie 2 des stratégies

territoriales autour des lieux

“Les mutations des lieux et leurs impacts sur les modes de vies, de travail, de collaboration etc. interrogent progressivement les acteurs publics, notamment ceux en charge de l ’aménagement du territoire, qui voient ces dynamiques comme de potentiels leviers de développement. Les enjeux territoriaux et les stratégies qui en découlent diffèrent alors selon le contexte géographique (urbain, péri-urbain, rural), social et économique mais peuvent également être impactés par des actions citoyennes, entrepreneuriales ou associatives.”

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Des stratégies volontaristes et incitatrices de l'action publique

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L’action publique, qu’elle soit locale ou nationale, dispose d’outils (financiers, fiscaux, labels etc.) et de stratégies permettant la définition et la mise en place d’actions pour le développement de son territoire. Dans une optique de développement économique, de marketing territorial, ou pour répondre à des enjeux sociaux, les collectivités territoriales s’emparent des lieux partagés et des systèmes de lieux comme de potentiels outils de l’action publique.

◊ Une nouvelle composante des stratégies de marketing territorial ◊L’émulation autour des tiers-lieux et de l’image qu’ils véhiculent pousse un nombre croissant de collectivités à adopter une démarche de marketing territorial s’appuyant sur de nouveaux espaces hybrides et partagés dans l’idée d’accroitre leur attractivité vis-à-vis de populations ciblées mais aussi d’entreprises.

Des stratégies fondées sur des “pôles”, vitrines du dynamisme local : l’exemple de la French Tech et de ses lieux totems

En 2013 est lancée, par Fleur Pellerin au sein du Ministère de l’Innovation et de l’Economie Numérique, l’initiative « French-Tech » qui vise à favoriser la croissance et le rayonnement international des entreprises numériques françaises, notamment des start-ups. Cette action politique d’échelle nationale, voit sa concrétisation par la création du label « Métropole French Tech » attribué aux territoires les plus propices au développement d’entreprises du numérique, et la mise en réseau de ces derniers. Sur certains de ces territoires, l’accompagnement au développement de start-ups et d’entreprises du numérique prend forme au sein de “bâtiments totems”, lieux hybrides comprenant des fab labs, des espaces de coworking, des ateliers de résidents, des salles de réunion etc.

L’Alsace décline cette stratégie avec deux grands lieux, le Shadok à Strasbourg et le KM0 à Mulhouse, “destinés à accueillir les acteurs de l’écosystème de la start-up et du numérique ainsi que

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Softplace Cahier d’exploration

Le Shadok à Strasbourg

Le KM0 à Mulhouse

l’ensemble des entreprises, notamment industrielles dans le cadre du processus de fertilisation croisée ainsi que le grand public”. Les deux espaces présentent des animations et des services complémentaires aux entreprises, le Shadok proposant “une approche créative particulièrement orientée sur l’expérimentation et le développement des usages numériques en lien avec les entreprises, les artistes et les habitants” tandis que celle du KM0 privilégie “formation et collaborations professionnelles axée sur le développement de nouvelles activités et de nouvelles entreprises”. Cette complémentarité s’accompagne d’un fonctionnement en réseau, les deux lieux communiquant sur les évènements prenant place chez l’un ou chez l’autre, et favorisant les actions communes. Ils constituent les premières pierres d’un plus vaste réseau de lieux dédiés à l’échelle du territoire.

Des stratégies fondées sur des approches écosystémiques

D’autres approches reposent moins sur de “grands lieux totémiques” et davantage sur des maillages de lieux et des écosystèmes. Ainsi, Paris “ambitionne(-t-elle) de devenir une capitale mondiale de la culture maker, à l’instar de San Francisco ou de New York”1 ; Jean-Louis Missika, adjoint de la maire de Paris annonce début 2016 une volonté d’“accompagner ce mouvement et l'accélérer. Nous allons faciliter son essor, fédérer, créer une vraie communauté parisienne".2 A ce jour, la capitale et ses communes limitrophes comptent déjà une cinquantaine de labs (voir carte ci-dessous) notamment au sein de “l’arc de l’innovation”. Cette annonce n’est d’ailleurs pas du 1 http://www.lejdd.fr/JDD-Paris/Le-mouvement-des-makers-a-l-assaut-de-la-capi-tale-7740272 idem

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PARTIE 2 1

Ateliers de fabrication numérique d'IDFsource : http://www.makery.info/map-labs, www.arcinnovation.fr, APUR

goût de tous les porteurs de lieux du territoire, ainsi Nicolas Bard d’Ici Montreuil critique-t-il une action peu soucieuse de l’existant :

“Il y a des acteurs parisiens qui sont là depuis des années, qui soutiennent des entrepreneurs, et essaient avec leurs petits moyens de développer ce mouvement dans Paris, comme Woma ou Draft Ateliers, entre autres. Mais la mairie lance sa « cité des makers » en mettant en avant Techshop, un truc qui existe seulement depuis trois mois… à Ivry-sur-Seine ! (...) Et annonce qu’elle va financer 20 fablabs ! Il faut leur rappeler que des fablabs parisiens existent déjà, que certains se portent bien, d’autres mal. En en créant 20 autres, la mairie crée 20 concurrents.”3

Entre action de communication et stratégie de développement économique et social, une telle stratégie s’appuie véritablement sur les lieux et leurs communauté.De nombreux exemples de stratégies territoriales fondées sur les lieux hybrides ou despécialisés commencent ainsi à voir le jour sur les territoires urbains ; qu’en est-il du côté des territoires moins denses, quelles peuvent être les objectifs et les modalités de telles stratégies ?

3 http://www.makery.info/2016/03/01/nicolas-bard-paris-cite-des-makers-un-manque-de-respect-total/

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Softplace Cahier d’exploration

◊ Un outil de développement économique pour les territoires peu denses ◊

Les stratégies territoriales autour des lieux répondent à des enjeux supplémentaires sur les territoires ruraux : développement économique, accompagnement de l’entrepreneuriat et des mobilités d’une part, accessibilité des services d’autre part… Le déploiement de Maisons de services au public en réseau est une réponse apportée à ce dernier enjeu. Le développement et le maintien de l’emploi est un enjeu plus spécifique, rendu difficile par le contexte géographique : territoire peu dense tant en matière de populations que d'infrastructures, services aux entreprises comme aux entrepreneurs relativement limités, isolement des travailleurs indépendants... peuvent être, autant d’obstacles à surmonter pour les acteurs territoriaux en charge de l’emploi. Le sujet des nouveaux lieux a ainsi souvent été pris à bras le corps par des acteurs publics ou para-publics ; pensons encore une fois aux exemples du Pays de Redon et de la Lozère. Dans ce dernier cas, les lieux partagés qui émergent autour de la thématique du travail et de l’innovation sont perçus comme des solutions possibles à cette problématique du développement économique en milieu rural, d’où une action proactive de Lozère Développement en faveur de la création d’un réseau de lieux sur le territoire.

Les anciennes régions du Limousin et de l’Aquitaine disposent de réseaux de tiers-lieux sur leur territoire : Aliptic en Limousin et la Coopérative des Tiers-lieux d’Aquitaine. La réforme territoriale ayant fait fusionner ces deux régions ainsi que Poitou-Charentes, différents types d’acteurs (publics, associatifs, porteurs de lieux,

Barcelone, Fab City : d’une initiative “maker” à un projet officiel ?

L’exemple souvent cité de la Fab City de Barcelone est révélateur de l’intérêt désormais porté par les acteurs publics territoriaux aux nouveaux lieux. Lancée en 2011 par l’Institute for Advanced Architecture de Catalogne, le MIT’s Center for Bits and Atoms and la Fab Foundation, le projet de Barcelona Fab City visait à faire émerger un réseau de fab labs, micro-unités de production et de prototypage sur le territoire de la ville, chacune ancré dans son quartier.

Si un des objectifs initiaux, visant à construire les fondements de villes auto-suffisantes, est encore loin d’être atteint, le Conseil Municipal de Barcelone a depuis soutenu la création des Ateneus de Fabricacio1, des “fab labs de service publics”, alors que le Conseil Municipal affirmait en 2015 vouloir devenir la capitale du prototypage. Cette vision stratégique autour du développement d’une Fab City concilie ainsi des enjeux territoriaux, venant des acteurs publics comme des entrepreneurs et citoyens du territoire.

1 http://ateneusdefabricacio.barcelona.cat/en/fab-ateneus/

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PARTIE 2 1

chercheurs etc.) se sont réunis pour réfléchir durant deux jours à la pertinence de la mise en place d’un réseau régional unique ainsi qu’aux modalités (gouvernance, charte etc.) et aux outils nécessaires (plateforme de réservation en ligne). Ce réseau aurait vocation à réunir des initiatives très variées telles que des espaces de coworking favorisant l’entreprenariat dans ces territoires à dominance rurale qui luttent contre la désertification, mais aussi des espaces d’initiation à la permaculture ou à la réparation d’objets du quotidien (recyclerie).

Il est encore tôt pour dire si ces stratégies permettront de générer des dynamiques sur le long terme, mais elles portent déjà leurs fruits en apportant des solutions nouvelles aux problématiques des territoires et de leurs habitants.

◊ Une réponses à des problématiques sociales ◊

Les lieux sont également perçus comme pouvant apporter des réponses à des enjeux sociaux sur les territoires, qu’ils soient publics ou privés : renforcement de l’accessibilité des services de première necessité, intégration et cohésion sociale… outre les lieux “classiques” de l’action sociale (Centres sociaux et structures affiliées, points d’accueils associatifs, souvent déjà multifonctions), d’autres lieux deviennent des acteurs incontournables de ce champ ; les EPN, notamment, accueillent de nombreuses personnes dont les besoins croisent l’accompagnement numérique et social

(rédaction d’un cv en ligne, inscriptions en ligne à des services par exemple). Le rapport du Conseil National du Numérique “Citoyens d’une société numérique“ (2013) rappelait la nécessité des lieux physiques, en soutenant “que la quasi-totalité des services, que ceux-ci soient fournis par des acteurs publics ou par le secteur privé, va dans l’avenir avoir de plus en plus besoin de médiations humaines avec les usagers.” “Pour que la société numérique ne soit pas celle de la solitude, la médiation de proximité demeure un besoin essentiel et durable.” disait encore ce rapport. Penser ces lieux comme parties prenantes de réseaux et d’écosystèmes peut être plus fertile encore, permettant de faciliter l’échange de pratiques, la mutualisation de moyens, la cohérence des parcours usagers, etc.

Sur les territoires pilotes de Softplace, les lieux pourraient être l’occasion de réinventer les politiques jeunesse ou d’offrir de nouvelles solutions pour les populations fragiles comme les primo-arrivants (un bureau de Poste du 19e arrondissement accueille ainsi déjà des ateliers socio-linguistiques à l’intention de ces populations… dans quelle mesure est-ce réplicable, et quel peut être le rôle de la collectivité dans le développement de tels lieux ?) ; à Marseille, sur le territoire d’Euroméditerranée, penser des lieux déspécialisés et partagés pourrait permettre de construire une opération de renouvellement urbain plus inclusive, à condition que ces lieux soient ouverts à tous les habitants du territoire (et si l’on imaginait des “tiers-lieux” inclusifs ?) et facilitent leur participation à des activités diverses, en leur permettant de sortir d’une seule position de “consommateurs de services”.

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Dans d’autres cas, ce ne sont pas les collectivités qui sont à l’origine du développement de systèmes de lieux en réseaux. Dans certains contextes urbains, sociaux et économiques difficiles comme dans les villes en décroissance, l’action publique reste parfois impuissante face à des problématiques telles que la vacance commerciale ou la dégradation du tissu urbain, ou peine à proposer les réponses adéquates à certains besoins des territoires et de leur population.

2

S'appuyer sur des stratégies bottom-up

Souvent, des habitants, militants, artistes, entrepreneurs... se mobilisent pour trouver eux-mêmes des réponses et sauver leur quartier, leur rue de la désertification progressive. Ils se réunissent en associations ou coopératives, trouvent des solutions alternatives voire solidaires pour le retour de l’activité.

L’exemple des Laboratoires citoyens de Madrid (laboradores ciudadanos), étudiés notamment par Raphaël Besson1, illustre bien ces dynamiques plus ascendantes. Ces “laboratoires” ont émergé sans aucune action municipale, répondant plutôt à une situation de crise économique ayant laissé de nombreux bâtiments vacants. Les habitants (habitants, collectifs associatifs, artistes, innovateurs…) se les sont appropriés pour inventer de nouvelles solutions et de nouvelles activités ; dans ces cas-là, les occupations ont souvent été temporaires, avant de consacrer de nouveaux lieux durables. C’est ainsi qu’une vingtaine d’espaces qui ont des thématiques propres (ESS, agriculture urbaine, etc.) ont vu le jour, se proposant comme des réponses à des problématiques sociales.

Le développement de ces lieux portés par les citoyens pose aujourd’hui plusieurs questions aux acteurs publics, notamment quant à la politique urbaine à mener avec ces espaces qui ont naturellement émergé sans eux. Plus globalement, l’action publique peut se placer en accompagnatrice de ces démarches citoyennes ou prôner le laisser faire ; la question de l’institutionnalisation ou de la récupération de ces démarches se pose, le juste milieu n’étant pas toujours évident à trouver.

1 https://www.urbanews.fr/2016/01/11/50396-laboratoires-citoyens-madrilenes-fabri-que-communs-urbains/

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PARTIE 2

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2

L’exemple de “Rues du Développement Durable”

A Saint-Etienne, l’association Rues du Développement Durable (RDD) lutte contre la fermeture massive des commerces en rez-de-chaussée du quartier du Crêt de Roc, à proximité imédiate du centre-ville. Couplée à une foncière “Crêt de Liens”, RDD rachète progressivement les locaux laissés vacants et accompagne des porteurs de projet pour l’implantation de leurs activités. Contre toute attente, ces projets basés sur des modèles économiques solidaires et sociaux, ou tout du moins collaboratifs, ont su trouver leur stabilité au sein du quartier à l’inverse des modèles de commerces et d’activités plus classiques.

Le quartier accueille désormais un fab lab, un réfectoire associatif, un espace de coworking porté par l’association, une accorderie, un café parents/enfants, et bientôt une école du Colibri.

La municipalité, jusqu’alors impuissante face à a la dégradation de l’offre commerciale en centre-ville, laisse libre champs à RDD et limite son intervention à des subventions en faveur de l’association. Les élus encouragent néanmoins cette dernière à mettre en place des formations pour permettre l’émergence d’actions similaires dans les autres quartiers de la ville.

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Partie 3 Lieux et systèmes

territoriaux :quelques pistes

“Peut-on imaginer de nouvelles stratégies autour des lieux, qui prennent en compte les différentes évolutions et dynamiques décrites dans ce cahier d’exploration et permettent de répondre à différents enjeux des territoires et de leurs populations ?”

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PARTIE 3

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1

Softplace s’est intéressé à plusieurs territoires pilotes : le 19e arrondissement de Paris, le territoire d’Euroméditerranée et le département de la Lozère.

Nous y avons organisé plusieurs ateliers rassemblant partenaires de l’expédition, acteurs du territoire (représentants d’associations, porteurs de « 1/3 lieux » ou d’autres lieux – centres sociaux, etc.), acteurs “urbains“, etc.

Ces ateliers se sont déroulés en deux temps :

● Le premier atelier visait à partager et enrichir un rapport d’étonnement sur le territoire, ainsi qu’à imaginer de premières hybridations « extrêmes » de lieux , dans un premier temps en s’abstrayant de la faisabilité immédiate.

● Le second a ensuite permis d’approfondir et de consolider ces hybridations, en se penchant notamment sur leur pertinence pour le territoire, sur le rôle du numérique et les caractéristiques du lieu ainsi que sur les parcours usagers qui pourraient y prendre place.

Cette dernière partie présente les enseignements de ces ateliers.

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Quelques étonnements :

● D’un point de vue de l’urbanisme :

- Deux grandes emprises « vertes » : Parc de la Villette et Buttes-Chaumont - Le canal, à la fois centralité et coupure urbaine - Une périphérie en transformation : le quartier Rosa Parks-MacDonald (futur hub de transport, lien avec le Grand Paris, nouvelle zone d’activité…) - Quelques quartiers enclavés voire isolés : Place des Fêtes, l’Est du 19e…

● “Patchwork urbain” et social : des quartiers très divers…

● Une hybridation des lieux engagée :

- Quelques lieux « partagés » voient le jour (coworking/fablabs… : WOMA, Volumes, Mutinerie, etc.) - Une dynamique autour de lieux d’agriculture urbaine (nombreux jardins partagés, projet Le cube, etc. )

● Des sites avec un enjeu de renouvellement urbain (friches, bâtiments vides, mais aussi quartiers, etc.)

Les territoires pilotes de Softplace

1

◊ Paris - 19ème arrondissement ◊Le 19e arrondissement de Paris se situe au Nord-Est. Sa localisation périphérique, la construction du canal de l’Ourcq et son vaste foncier disponible ont fait de lui un arrondissement historiquement industriel et ouvrier. Son tissu urbain est représentatif des différentes mutations urbaines parisiennes et il concentre une variété de typologies : industrielle, haussmanienne, grands ensembles, pavillonnaires… Les besoins en main-d’oeuvre des activités industrielles ont historiquement attiré une population immigrée et peu qualifiée qui lui confère aujourd'hui son caractère accueillant et populaire.

On y remarque également des quartiers moins populaires tel que le Canal de l’Ourcq ou la Butte Chaumont.

L’arrondissement bénéficie des dispositifs de la Politique de la Ville sur les quartiers : Flandre, Danube-Solidarité. Il présente un patrimoine industriel important qui ces dernières années a fait l’objet d’une mise en valeur avec des réhabilitations.

C’est aussi un arrondissement qui dispose de nombreux espaces verts : Parc de la Villette, Buttes Chaumont… Le 19ème est largement doté en équipements culturels de grande envergure : Zénith, Philarmonie, Cité de la Sciences, 104… pour la

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PARTIE 3

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Pistes d'hybridations sur le territoire du 19ème arrondissement

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◊ Marseille - Euromediterranée ◊Euroméditerranée est une opération de rénovation urbaine d'intérêt national lancée en 1995 par le maire de Marseille de l’époque, Robert Vigouroux. C’est aujourd’hui le plus grand chantier européen de rénovation urbaine en centre-ville. Le projet d’Euroméditerranée est né avec le double objectif de diversifier les activités du port en créant un pôle tertiaire et de faire revenir des habitants par la construction d’équipements structurels, écoles, transports, espaces publiques et culturels.

sur 10 comptant 1 actif •40% de jeunes couples sans enfant •50% de Néo-Marseillais

Du point de vue de l’urbanisme :

● Un quartier en mutation voire en totale construction - Des tissus urbains très variés (petit pavillonnaire, tours, friches industrielles, faubourgs portuaires…) - Des polarités particulières : Port et Terrasses du Port, Joliette, Gare… - Beaucoup de petites surfaces commerciales ou servicielles dans le Sud du territoire ; un quasi “désert serviciel et commercial” au Nord, sur Euroméditerranée 2 - Des emprises ferroviaires, routières et portuaires importantes et des zones enclavées

● Des lieux encore assez peu hybrides : - Peu de lieux partagés dans le périmètre, mais plusieurs à proximité - Un certain nombre de lieux de travail partagés sur Marseille, mais aussi de Fab labs et autres lieux hybrides - De nombreux lieux qui pourraient le devenir : garages et concessions, agences bancaires, bureaux de Poste… - Des lieux partagés, informels, de convivialité, de sociabilité : les cafés, taxiphones, les Puces, les garages etc.

● Un front de mer peu accessible

● Gentrification VS Quartiers Populaires

Le territoire d’Euroméditerranée en chiffres

● Le périmètre de l’OIN : 480 ha - Phase 1: 310 ha / Phase 2: 170 ha - Logements : Neufs + 18000 / Réhabilités + 6000 - Habitants : + 40 000

● La population : - Habitants d’origine, issus des classes populaires : • 35,88 % d’employés et 28,47% d’ouvriers •16,21% de familles monoparentales • un taux de pauvreté estimé à 55% pour le 3ème arrondissement (un des territoires les plus pauvres de France) • Joliette, en 2008 : 41% de demandeurs d’emplois (29% sur Grands Carmes)

- Et nouveaux arrivants : • 36% de cadres et de professions libérales • 54% des ménages comptant deux actifs et 9 ménages

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1

Pistes d'hybridation sur le territoire d'Euroméditerranée

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Les pistes issues des scénarios territoriaux

2

Nous vous livrons ici les quelques pistes imaginées, telles qu’elles sont sorties des ateliers. Avec leurs limites et leurs spécificités, elles nous amènent néanmoins à prendre un peu de hauteur quant aux besoins des acteurs du territoire et aux différents systèmes de lieux qui peuvent y répondre.

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2

◊Répondre aux enjeux sociaux des territoires ◊

●Un tiers-lieu inclusif

●Un tiers-lieu de la formation : l'atelier des mobilités

●Si l'usager ne va pas au service, le service ira à l'usager : les bars/tabacs serviciels

◊Accompagner les mutations urbaines ◊

●Mixer les services : un réseau de services Mairie / Poste / EPN

●Multiplier les points de contact : le tiers-bus de service public

● Maintenir et faire évoluer les lieux emblématiques : Les puces d'Euroméditerranée

◊Constituer un écosystème pour mailler le territoire : le scénario lozérien ◊

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Softplace Cahier d’exploration

◊ Un tiers-lieu inclusif ◊

Comment ça marche ? ● Accompagner et associer les habitants du quartier de la friche à la transformation de leur quartier, et à l’accueil des futurs habitants● Accélérer l'innovation sociale, avec la complicité active des innovateurs, makers et hackers du numérique et de l’entrepreunariat● Faciliter l'accès à des services "de base" publics et privés, et à des formes de médiation, pour des publics variés

Quels problèmes répond-on ? Pourquoi cette piste a du sens ? Ce tiers-lieu totem innovera dans son positionnement, en étant un laboratoire de l’innovation sociale, urbaine et entrepreneuriale. Sa première mission sera d’attirer à lui toutes les catégories

d’innovateurs pour qu’ils s’intéressent aux thématiques de l’inclusion et inventent les nouveaux dispositifs de médiation. Il accueillera également tous les habitants du territoire

Les acteurs du lieu

Cet espace partagé inclusif s’organiserait autour d’un collectif d’acteurs avec différents porteurs de tiers-lieux, d’espaces de co-working, d’incubateurs, mais aussi des acteurs sociaux, des artistes, des habitants etc.

Ce portage collectif présente plusieurs avantages :

En premier lieu, il permet de profiter de l’expérience des acteurs déjà engagés dans l’expérience du pavillon Marseille 2013.

En second lieu il donne les moyens de couvrir un large spectre de services et d’offrir au tiers-lieu une programmation permettant de répondre à de multiples besoins exprimés par la population ou les nouveaux habitants : cuisine, recyclage/réparation, mécanique automobile solidaire, conciergerie de quartier..

Enfin en dernier lieu il offre un cadre de gestion et d’animation partagées, chacun des acteurs du collectif de gestion assurant à son tour une présence et une animation sur le lieu.

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PARTIE 3

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2Répondre aux enjeux sociaux des territoires

Comment ça marche ? L’atelier des mobilités propose des formations à la réparation automobile, pour les élèves du CFA, mais aussi pour les habitants du quartier, à l'image des garages solidaires. Un espace FabLab permet à la fois d’apprendre et de faire.A l’extérieur, un espace est aménagé pour accueillir les voitures des personnes travaillant à Marseille. Ce dernier propose également des stations de recharge pour les voitures électriques.

Quels problèmes répond-on ? Pourquoi cette piste a du sens ? La thématique de la formation des habitants et des jeunes est ici une réponse possible aux problèmes d’emplois sur le territoire. Dans cette idée, un guichet Pôle Emploi pourrait compléter l’offre. Les stationnements en extérieur permettent la mise en visibilité du lieu aux autres habitants de Marseille.

◊ Un tiers-lieu de formation : l'atelier des mobilités ◊

D’autres pistes similaires ?

Un atelier de la restauration"Et si un lieu était dédié à la restauration ?"

Le CFA Hôtellerie / Restauration poursuit son activité principale, formant des étudiants. Néanmoins, il n’est plus uniquement dédié aux étudiants, et devient un véritable pôle d’activités autour de la restauration. Le lien avec le monde professionnel (y compris de l’entrepreneuriat) en est renforcé.

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Softplace Cahier d’exploration

◊ Si l'usager ne va pas au service, le service ira à l'usager : les bars/tabacs

serviciels ◊

Comment ça marche ? Les bar-tabacs serviciels visent à amener les services “là où sont les gens au sein de lieux de convivialité”. Ils seront de différents types, auront probablement différentes “colorations” : Des bars-tabac MSAP (services aux publics de proximité) Des bars-tabac de quartier/d’ancrage, qui proposent des services destinés aux habitants du quartier (consigne, conciergerie…)Des bars-tabacs tiers-lieux, qui renforcent leur caractère convivial, en proposant quelques services supplémentaires.

A quels enjeux la piste répond ? Pourquoi cette piste a du sens ? Un besoin d’ancrage, de lieux de convivialité et de sociabilité, d’intergénérationnel sur le territoireBesoin d’un meilleur maillage du territoire en termes de services publics et de services de bases.

Les agents du lieux

Ils sont surtout des professionnels, mais selon les caractéristiques du bar-tabac, des bénévoles pourront également y être actifs. On peut y trouver plusieurs métiers/profils, essentiellement liés à de l’orientation ou de la médiation : ● Le gérant, qui conserve son activité principale, mais est également en mesure de délivrer une médiation “de premier niveau” (orientation vers d’autres personnes ressources ou services dans le lieu et hors-les-murs, délivrance d’informations touristiques sur le territoire, etc.) ● Des agents externes, “agents volants” spécialisés, qui peuvent assurer des permanences au sein du lieu, ou s’y rendre pour délivrer des services ou des formations ● Des bénévoles et contributeurs, viennent proposer cours et formations, conseils, ou autres services (conciergerie, par ex.) de façon plus ou moins formalisée.

Chacun de ces acteurs devra probablement être formé : le gérant, afin de proposer un premier niveau de médiation ; les agents externes, afin d’être capables de délivrer un service dans un lieu non dédié, et d’apporter une réponse de premier niveau aux usagers du bar-tabac (remplissage ou constitution d’un dossier, ouverture d’un compte, aiguillage vers des services, etc.).

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2Répondre aux enjeux sociaux des territoires

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Marcel, retraité habitant depuis longtemps le quartier, a des usages du numérique relativement peu développés, mais prêt à donner un peu de sont temps pour la vie de quartier. C'est un habitué du bar-tabac situé dans sa rue.

Que fait-il dans ce lieu ? Il y est écrivain public. Lui-même profite de certaines permanences assurées par d’autres acteurs, notamment celles proposées régulièrement par un médiateur de l’EPN, ou un agent de la "Sécu", afin de réaliser les démarches qui nécessitent une maîtrise du numérique. En dehors de ces créneaux formalisés, le bar-tabac reste avant tout pour Marcel un lieu de sociabilité !

Sevak, primo-arrivant, a un parcours administratif qui s’avère complexe : besoin d’information sur ses droits, recherche d’emploi, besoin d’accéder à un équipement numérique de base. Il a été orienté vers le bar-tabac par une association d’accompagnement des migrants.

Que fait-il dans ce lieu ? Il a peu à peu pu découvrir la programmation du lieu, notamment les permanences d’écrivain public. C’est au sein de ce lieu qui associe convivialité et sociabilités que Sevak a pu entamer certaines démarches administratives, notamment son inscription à Pole Emploi ; après avoir pris rdv avec un agent auprès du tenancier du bar, il a pu bénéficier d’un rdv dédié, assuré par un agent de Pole Emploi.

Le(s) lieu(x) et le numérique :

La place du numérique est relativement modeste, puisque l’informel et les sociabilités physiques continuent d’y occuper une place essentielle :

● Le Wifi est une brique essentielle de ces nouveauxlieux afin que les différents services (services publics/privés,consultation de compte, formations, accompagnement desusages) puissent voir le jour.

● Quelques postes pour des formations et de lamédiation aux usages du numérique.

● De l’équipement physique (bornes pour recharge,paiement sans contact…)

● Des dispositifs de visio-consultation avec des agentsde services publics ou privés peuvent y être installés.

● Dans le cas des bars-tabac / conciergerie, unsystème associant casiers et plateforme ou création decompte en ligne peut être imaginé.

● En dehors de leur implantation physique, les cafés etbar-tabacs, qui disposent aujourd’hui surtout d’une visibilitéphysique, devraient être visibles également en ligne, parexemple sur une carte des cafés et des bar-tabacs serviciels

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Softplace Cahier d’exploration

◊ Mixer les services : un réseau de services Mairie / Poste / EPN ◊

Comment ça marche ? Il ne s’agit pas d’un lieu mais un réseau de lieux, un système de lieux où des services s’hybrident.Les agents de ces services bénéficie d’une formation croisée, et sont en mobilité (“agents volants”) entre différents lieux.Un carnet de correspondance facilite leur travail et le parcours de l’usager.

A quels enjeux la piste répond ? Pourquoi cette piste a du sens ? Elle permet aux différents acteurs de passer d’une logique administrative à des logiques ludique, éducative, et économique.La médiation hybride permet de sortir des parcours imposés par chacune des institutions, et de traiter d’une manière cohérente les questions de médiation numérique, linguistique, culturelle et citoyenne, questions qui sont primordiales sur le 19ème arrondissement

Les agents du lieu

Les agents ne relèvent pas du lieu mais des services qui y sont proposés. Pour cela, ils sont des agents dits volants, se déplaçant d’un guichet de poste vers un EPN ou une Mairie, et bénéficient d’une formation croisée entre les différents services proposés par chacun des établissements. Leur mobilité peut-être envisagée selon différentes temporalités : des résidences d’une semaine, différents créneaux au cours de la journée etc.

Des compétences linguistiques variées peuvent être attendues selon les différents agents afin de répondre aux besoins des primos-arrivants de manière optimale.

Le(s) lieu(x) et le numérique :

Il y prend plusieurs formes spécifiques ● Le carnet de correspondance sera numérique. Il a vocation d’accompagner l’usager dans son parcours au sein du réseau de lieux. Il pourrait emprunter certaines de ses fonctionnalités à l’offre numérique de la Poste (adresse email, coffre-fort numérique). ● Une plateforme de type CRM, (Gestion de la relation citoyen), qui fournirait la base technique du carnet de correspondance et l’endroit où seraient mutualisées les informations nécessaires au fonctionnement du système de lieux et de ses agents. ● On peut également envisager des dispositifs d’accueil des migrants à l’aide du numérique (cela existe en Allemagne).

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2Accompagner les mutations urbaines

◊ Multiplier les points de contact : le tiers-bus de services publics ◊

Comment ça marche ? Ce tiers lieu mobile va là où les individus en ont besoin, selon le rythme de vie du quartier. Il dispose néanmoins d’horaires et de lieux fixes d’ancrage pour créer du rituel.Il accueille deux types de taches: ● des taches de “service public” et de connaissance des publics du territoire assurées par des médiateurs ● des taches liées à “l'accueil d’initiatives citoyennes”

A quels enjeux la piste répond ? Pourquoi cette piste a du sens ? Dans une logique croissante de dématérialisation, tout ce qui peut être dématérialisé le sera. La création d’un tiers-lieu mobile pour accompagner les publics est une nécessité.Le tiers-bus répond également au besoin d’aller voir les gens là où ils sont et de sortir des espaces classiques, souvent intimidants pour les usagers.

Les agents du lieu ● Le super-agent :Les agents de la mairie peuvent se déclarer volontaires pour prendre en charge le tiers-lieu une journée par semaine. Ils sont responsables point information (questions, prise de rendez-vous), de l’organisation des activités “greffées”, de l’agenda, du déplacement

● Le médiateur :Il est en charge : De l’accueil des usagers, de l’aide ponctuelle aux “bornes” et au guichet culturel, de la mini-médiation numérique et du renvoi vers les bons interlocuteurs (EPN, emmaus connect, etc.)

Le(s) lieu(x) et le numérique :

● L’équipement numérique du lieu (bornes, guichet culturel numérique, un ordinateur par agent, un pour les usagers dans l’espace médiation au numérique, etc. ) ● Le numérique pour déterminer les trajets du lieu (concertation physique accompagnée d'une concertation en ligne pour déterminer les endroits où les habitants désirent trouver le lieu mobile, utilisation des données du quartier pour déterminer les flux importants, application pour le géolocaliser le tiers-bus et visualiser son agenda) ● Le numérique pour animer le lieu (réseaux sociaux pour entretenir la communauté d’usagers, faire venir les curieux, newsletters et autre dispositif pour tenir au courant des activités, suggestion d’activités par les usagers)

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◊ Maintenir et faire évoluer des lieux emblématiques : les puces

D’Euroméditerranée ◊

Comment ça marche ?

Tout en conservant une bonne partie de leurs activités, les Puces vont se spécialiser sur certains segments, dont l’alimentation, la logistique ainsi que la vente/recyclerie/réparation d’objets. Elles proposent par exemple toute une chaine de fonctions autour de l'alimentation : vente de produits frais, préparation et consommation sur place grâce à l'offre de restauration, livraison.... mais aussi possibilité d'utiliser l'équipement par des petits artisans ou les habitants, grâce à des cuisines ouvertes, collaboratives, etc.

Déjà plateforme physique, elles deviennent aussi une plateforme numérique, stimulant la mise à disposition et la réutilisation de données par des acteurs et services divers. En facilitant l'accès à un grand nombre de données autour de leur activité (flux, horaires, etc.), elles permettent ainsi à des services de se greffer au lieu : services de livraison de plats, logistique, récupération de déchets recyclables, etc.

A quels enjeux répond cette piste ? Pourquoi cette piste a du sens ?

Les Puces sont déjà un lieu déjà identifié, associant lieu de sociabilités, de services de proximité et de commerce. Elles seront amenées à devoir évoluer tout en ne se dénaturant pas pour accompagner la transition du quartier.De plus, elles constituent un des rares pôles économiques déjà existant sur Euroméditerranée 2.

D’autres pistes similaires ?

La friche alimentaire (19ème arrondissement):

“Et si une friche devenait un lieu phare du quartier ?”

L’occupation d’une ancienne friche permet la création d’un véritable lieu d’animation pour le quartier. Basée sur une thématique cohérente (alimentation/sport/bien-être) elle devient source de synergie entre différents acteurs du territoire.

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PARTIE 3

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2Accompagner les mutations urbaines

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Jeanne est depuis un certain temps sans activité professionnelle et craint l’isolement du fait de sa situation. Elle habite le quartier à proximité des Puces depuis longtemps. Jeanne a pour particularité d’être une passionnée de cuisine

Que fait-elle dans ce lieu ?

S’approvisionne au marché des PucesSe rend à la permanence de Pôle Emploi.Profite de la cuisine ouverte pour rencontrer du monde et ne pas s’isoler pendant sa période de chômage.

Emmanuel est fonctionnaire de la ville de Marseille. Il travail sur l’îlot Allard et se rend donc régulièrement le midi aux Puces. Récemment arrivé sur Marseille, il ne connaît de la ville que le 9ème arrondissement dans lequel il vit.

Que fait-il dans ce lieu ? S’y rend souvent pour déjeuner car il apprécie le principe des tables partagées sur le toit. Fait quelques courses au marché ou y commande son panier bio qu’il récupère dans une gare à proximité de chez luiFait du sport à la salle de fitness des pucesUtilise les salles en location lors d’importantes réunions ainsi que le service repas qui est proposé en complément de la location.

Le(s) lieu(x) et le numérique :

Le numérique est présent de différentes façons au sein du lieu :

● A minima, un site web ● Un lieu plateforme physique et numérique : Mise à disposition d’un certain nombre de données du terri-toire pour des acteurs souhaitant s’implanter, des startups ou d’autres acteurs qui souhaitent développer des applications et services mais aussi les habitants et usagers, couplée avec un travail de récit du quartier et de ses évolutions● Quelques applications importantes peuvent déjà être imag-inées :● Plateforme logistique● Application de livraison

Les agents du lieuOn peut trouver au moins trois types de postes sur le site :

● Le lieu accueille un ensemble de commerçants et de restaurateurs indépendants, qui peuvent être là soit en permanence, soit sur certains créneaux.● Des emplois “support” : gestion de la sécurité et de l’entretien, de la communication du lieu, etc. ● Un animateur / concierge du lieu, qui assure notamment la location et la mise à disposition des salles et espaces ; de même pour la gestion des cuisines partagés.● Des associations peuvent également proposer des ateliers ou autres activités au sein du site, lorsqu’elles occupent des salles.

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Softplace Cahier d’exploration

Les réflexions conduites sur le territoire de la Lozère ont été pilotées par la Fabrique des Territoires innovants.

La Lozère semble porter avec elle certaines spécificités dans l’approche des lieux partagés, liées notamment à son histoire et ses contraintes géographiques :

- L’importance du maillage territorial : territoire le moins peuplé de France sans véritable centralité (Mende éventuellement), avec par ailleurs des contraintes topographiques variées, la question de la proximité des services et du lien social se pose comme objet fondamental. Plus que les lieux en eux-mêmes, la Lozère interroge leur maillage, ainsi que leurs formes plus souples (mobiles, éphémères, etc).- Un fort portage public des lieux : la Lozère est le seul département en France dans lequel les télécentres ont été adossés aux Maisons de Service Au Public (MSAP) ; un réseau de lieux locaux en est né, élargi aux pépinières et autres formes publiques de lieux partagés, nommé « Solozère » et co-porté par la Maison de l’Emploi et de la Cohésion Sociale et Lozère Développement.

- Néoruraux et nouvelles formes de lieux : avec un solde migratoire positif de 600 personnes par an, la Lozère accueille chaque année de nouveaux habitants, dont certains venus chercher une nouvelle qualité de vie et de travail en milieu rural. Ces acteurs-là impulsent localement des initiatives privées (personnelles ou collectives), qui renouvellent le réseau

Les lieux partagés sont déjà en réseaux sur le territoire, mais selon des réseaux qui ne se parlent pas nécessairement (ex : réseau des MSAP VS réseau des indépendants)

Plus que sur les lieux, l’atelier conduit à Mende s’est focalisé sur les réseaux, les besoins communs de ces lieux, ainsi que sur l’optimisation des infrastructures sous-utilisées. Trois sujets ont été explorés :- La Charte interne du réseau de lieux partagés lozériens (Solozère)- Les besoins et les outils de communication externe de ce réseau de lieux- L’optimisation possible des infrastructures utilisées de manière saisonnière

Une charte pour un réseau de lieux partagés : l’exemple de la Charte Solozère1

Six principes de définition commune des lieux partagés, imaginés en atelier :

- La primauté du lien social et de l’humain : les lieux partagés sont des lieux dans lesquels « on rencontre des gens que l’on ne pourrait pas rencontrer sans y aller », qui permettent à la fois un décloisonnement convivial, et une forme de lutte contre l’«isolement».

1 http://solozere.com/

◊Constituer un écosystème pour mailler le territoire : le scénario lozérien ◊

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PARTIE 3

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2

Le lieu est par ailleurs avant tout humain, n’est pas une plateforme virtuelle et ne pratique pas de « data-kidnapping ».

- La coopération à valeur ajoutée : un lieu partagé, c’est un endroit où 1+1 = 3, un lieu qui regroupe a minima deux fonctions/services différents, mais arrive à les mettre en synergie et en créer quelque chose (versus cloisonnement et rapport de force). Le lieu peut ainsi expérimenter de nouveaux modèles partenariaux.

- La recherche de l’intérêt général voire public : ● réappropriation et réplicabilité de ce qui est mené dans le tiers-lieu ; ● les activités du lieu partagé ne doivent par ailleurs pas court-circuiter les autres activités existantes et permettre leur maintien ou leur transition (vs perte d’emploi) ; ● cet intérêt passe par un ancrage local et territorial important.

- Mais une certaine indépendance vis-à-vis des politiques et financements publics, et une autonomie de gestion : le lieu partagé ne doit pas dépendre d’une hiérarchie « verticale ».

- La recherche d’une forme d’excellence nouvelle et commune: le lieu partagé ne doit pas être simplement un « réseau de la dernière chance, alternative à la réussite standard », ne doit par ailleurs pas être « fourre-tout » mais réussir à avoir sa propre cohérence et visibilité.

- L’évolutivité organique : le lieu partagé d’aujourd’hui n’est pas forcément celui de demain, le lieu partagé doit être capable de s’adapter aux besoins des usagers, nourris par les apports du lieu,

et de se renouveler si besoin.Le réseau de lieux doit également avoir des outils communs, en termes de convivialité, de confort de travail et d’expression citoyenne, ainsi que des dispositifs de régulation (animateur/concierge, outils de programmation, d’expression collective…).

La communication externe des lieux partagés du territoire

Trois enjeux forts pour améliorer la communication des lieux partagés :

● Diffuser de l’information plus claire et plus transversale aux différentes communautés (ex : communautés MSAP et communautés de travailleurs indépendants qui aujourd’hui ne se connaissent que très peu, sans parler des communautés plus éloignées de ces lieux partagés)

● Développer l’attractivité des lieux existants, auprès de publics déjà présents ou de nouveaux publics

● Valoriser ce qui a déjà été réalisé dans les lieux vis-à-vis de certains décideurs (logique d’influence).

Deux pistes pour la communication interne et externe :

- Créer une Charte des lieux et une communication simplifiées sous forme par exemple de pictogrammes communs à tous les lieux, précisant les services et spécificités de chaque lieu. Créer un système de « label » semble a contrario un peu trop contraignant pour les lieux.

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Softplace Cahier d’exploration

- Valoriser l’identité de chaque lieu, au-delà des services que l’on y trouve : donner un nom aux lieux, valoriser l’animation et les animateurs des lieux, etc. Les animateurs pourraient ainsi être formés à la pédagogie et la valorisation des lieux qu’ils animent.

L’optimisation possible des infrastructures utilisées de manière saisonnière

Alors que les différences saisonnières, en termes d’activité, sont particulièrement fortes sur la Lozère, plusieurs pistes de lieux hybrides ont été imaginées pour exploiter la “vacance” saisonnière de certains lieux :

●Et si l’on imaginait des “summerschools” de la bidouille, dans les établissement scolaires ou de formation inoccupés l’été ? Ou des espaces de “greenworking” pour les indépendants ?

● Et si l’on hybridait les hôtels, en y rendant possible le greenworking (équipement, connexion…) ou le travail pour les indépendants ?

● Et si l’on imaginait une réinvention des syndicats d’initiative, en leur conférant un rôle de conciergerie, en y rendant possible le coworking ou en accueillant des associations et des formations,

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Ce cahier d'exploration donne un premier aperçu des enjeux liés aux brouillage et aux despecialisations des lieux ; les lieux s'hybrident, offrent des mix serviciels inédits, présentent de nouvelles caractéristiques. Ils ne sont plus des lieux clos sur eux-mêmes, indépendants, mais deviennent parties prenantes de systèmes et d'écosystèmes territoriaux forts, ce qui pourrait bien bousculer les pratiques d'aménagement et de gestion des territoires. Les modalités de distribution des services et fonctions sur ces territoires évoluent, apportant des réponses nouvelles aux besoins des habitants et usagers... mais posent également des questions nouvelles pour les acteurs qui fréquentent ces lieux : ceux qui y travaillent, ceux qui y accèdent à des services divers et variés.

Les pistes d'innovation de l'expédition Softplace s'intéresseront à tous ces enjeux.

◊Les défis des "lieux brouillés" ◊

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