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UNIVERSITÉ PARIS-OUEST-NANTERRE-LA-DÉFENSE UFR, Droit et Science politique École doctorale de Droit et de Science politique LA GARANTIE DES SALAIRES EN CAS D’INSOLVABILITÉ DE L’EMPLOYEUR Thèse de doctorat Mention Droit privé Présentée et soutenue publiquement Le 5 décembre 2012, à Nanterre par Monsieur Stani ONDZE Directeur de thèse : Monsieur Antoine LYON-CAEN Professeur à l’Université Paris-Ouest Nanterre-La-Défense Membres du jury : Madame Corinne SAINT-ALARY-HOUIN Professeur à l’Université Toulouse 1 Capitole, rapporteur Monsieur Gilles AUZERO Professeur à l’Université Montesquieu (Bordeaux IV), rapporteur Monsieur Philippe LANGLOIS Professeur émérite de l’Université Paris-Ouest-Nanterre-La-Défense Monsieur Pascal LOKIEC Professeur à l’Université Paris-Ouest-Nanterre-La-Défense Monsieur Antoine LYON-CAEN Professeur à l’Université Paris-Ouest Nanterre-La-Défense

LA GARANTIE DES SALAIRES EN CAS D’INSOLVABILITÉ DE … · L’université n’entend donner aucune approbation ni réprobation aux opinions émises dans cette thèse. Elles doivent

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UNIVERSIT PARIS-OUEST-NANTERRE-LA-DFENSE UFR, Droit et Science politique

cole doctorale de Droit et de Science politique

LA GARANTIE DES SALAIRES EN CAS

DINSOLVABILIT DE LEMPLOYEUR

Thse de doctorat Mention Droit priv

Prsente et soutenue publiquement

Le 5 dcembre 2012, Nanterre par

Monsieur Stani ONDZE

Directeur de thse : Monsieur Antoine LYON-CAEN Professeur lUniversit Paris-Ouest Nanterre-La-Dfense

Membres du jury : Madame Corinne SAINT-ALARY-HOUIN Professeur lUniversit Toulouse 1 Capitole, rapporteur Monsieur Gilles AUZERO Professeur lUniversit Montesquieu (Bordeaux IV), rapporteur

Monsieur Philippe LANGLOIS Professeur mrite de lUniversit Paris-Ouest-Nanterre-La-Dfense

Monsieur Pascal LOKIEC Professeur lUniversit Paris-Ouest-Nanterre-La-Dfense

Monsieur Antoine LYON-CAEN Professeur lUniversit Paris-Ouest Nanterre-La-Dfense

Luniversit nentend donner aucune approbation ni rprobation aux

opinions mises dans cette thse. Elles doivent tre considres

comme propres leur auteur.

SOMMAIRE (Un plan dtaill figure la fin de la thse)

INTRODUCTION................1 PREMIERE PARTIE : LA NATURE DE LA GARANTIE.......33

Titre 1 : Les rapports de la garantie de lAGS et des privilges de salaires.....36 Chapitre 1 : Les caractristiques des mcanismes de garantie des salaires...38

Section 1 : Les privilges des salaris...39

Section 2 : La garantie de lAGS : un mcanisme collectif original de paiement

des salaires.....85

Chapitre 2 : La complmentarit des mcanismes de garantie.......105

Section 1 : Lobjectif commun de paiement rapide des crances salariales....106

Section 2 : La conception matrielle de la garantie.....153

Titre 2 : Les rapports de la garantie de lAGS et de la scurit sociale......186 Chapitre 1 : La connexit des natures juridiques....188

Section 1 : Des assurances obligatoires...189

Section 2 : Leuropanisation des techniques.....208

Chapitre 2 : Une connexit limite entre les rgimes juridiques.....240

Section 1 : La convergence des finalits.....240

Section 2 : Les limites de la connexit entre les rgimes....272

CONCLUSION DE LA PREMIRE PARTIE.............291

SECONDE PARTIE : LA DYNAMIQUE DE LA GARANTIE.....292

Titre 1 : Lobjet de la garantie................297 Chapitre 1 : Une conception tendue de lobjet de la garantie...300

Section 1 : La nature des crances garanties...301

Section 2 : Une dlimitation temporelle de la garantie...327

Chapitre 2 : La garantie dans ses rapports avec la rupture du contrat de travail.362

Section 1 : Une incitation la rupture du contrat de travail........363

Section 2 : Linfluence de la garantie sur le licenciement pour motif

conomique..387

Titre 2 : La charge de lindemnisation des salaris..........421 Chapitre 1 : la recherche du responsable de lindemnisation.. ...426

Section 1 : La responsabilit principale de lemployeur.427

Section 2 : La substitution du dbiteur principal.477

Chapitre 2 : Les responsabilits alternatives.......494

Section 1 : La responsabilit des personnes assimiles lemployeur...495

Section 2 : La responsabilit civile des mandataires de justice.......516

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE...535

CONCLUSION GENERALE.....538

BIBLIOGRAPHIE...548

INDEX ALPHABTIQUE......624

TABLES DES MATIRES.....629

LISTE DES PRINCIPALES ABRVIATIONS

Act. proc. coll. Actualits des procdures collectives La lettre Juris-Classeur

Adde Ajouter

AGS Association pour la gestion du rgime de garantie des salaires

AJ Actualit jurisprudentielle du Recueil Dalloz

AJDA Actualit juridique de Droit administratif

Al. Alina

Art. Article

Ass. Assemble

Assedic Association pour lemploi dans lindustrie et le commerce

BICC Bulletin dinformation de la Cour de cassation

Bull. Bulletin des arrts de la Cour de cassation

Bull. civ. Bulletin des arrts des chambres civiles de la Cour de cassation

Bull. crim. Bulletin des arrts de la chambre criminelle de la Cour de cassation

Bull. Joly Socits Bulletin Joly (mensuel dinformation des socits)

CA Arrt de la Cour dappel

Cah. dr. ent. Cahiers de droit de lentreprise

Cass. Ass. pln. Arrt de lAssemble plnire de la Cour de cassation

Cass. civ. Arrt de la chambre civile de la Cour de cassation

Cass. com. Arrt de la chambre commerciale de la Cour de cassation

Cass. crim. Arrt de la chambre criminelle de la Cour de cassation

Cass. soc. Arrt de la chambre sociale de la Cour de cassation

Civ. 1re Cour de cassation, premire chambre civile

Crim. Cour de cassation, chambre criminelle

C. ass. Code des assurances

C. civ. Code civil

C. com. Code de commerce

CC Conseil constitutionnel

CE Arrt du Conseil dtat

CEDH Cour europenne des droits de lhomme

Cf. Confer ; se reporter

CGI Code gnral des impts

Concl. Conclusions

C. mixte Arrt de la Chambre mixte de la Cour de cassation

Ch. run. Arrt des chambres runies de la Cour de cassation

Chron. Chronique

CJCE Arrt de la Cour de justice des Communauts europennes

CJUE Arrt de la Cour de justice de lUnion europenne

Comm. Commentaires

Cons. const. Dcision du Conseil constitutionnel

Contra. Au contraire

CSBP Cahiers sociaux du barreau de Paris

C. pn. Code pnal

C. pr. pn. Code de procdure pnale

CSP Code de la sant publique

CSS Code de la scurit sociale

C. trav. Code du travail

D. Recueil Dalloz

D. aff. Recueil Dalloz, cahier affaires

DH Recueil Dalloz hebdomadaire

DP Recueil Dalloz priodique

Dcis. Dcision

dir. Sous la direction de

Defrnois Rpertoire du notariat Defrnois

doc. Doctrine

Dr. et patr. Revue Droit et patrimoine

Dr. ouvr. Droit ouvrier

Dr. soc. Droit social

d. Editeur (dition)

Gaz. Pal. La Gazette du Palais

Ibid Au mme endroit

Infra en dessous

IR Informations rapides

JCP Juris-classeur priodique (La Semaine juridique)

JCP CI Juris-classeur priodique, dition commerce et industrie

JCP E Juris-classeur priodique, dition Entreprise

(La Semaine juridique, dition Entreprise)

JCP G Juris-classeur priodique, dition Gnrale

(La Semaine juridique, dition Gnrale)

JCP S Juris-classeur priodique, dition sociale

(La Semaine juridique, dition sociale)

JCP E et A Juris-classeur priodique, dition Entreprise et Affaires

(La Semaine juridique, dition Entreprise et Affaires)

JO Journal officiel des lois et dcrets de la Rpublique franaise

JOCE Journal officiel des Communauts europennes

JOUE Journal officiel de lUnion europenne

Jur. Jurisprudence

Jur. soc. Lamy Jurisprudence sociale Lamy

Jur. soc. UIMM Jurisprudence sociale de lUIMM

Liaisons soc. Liaisons sociales

LGDJ Librairie gnrale de droit et de jurisprudence

LPA Les Petites Affiches

Not. Notamment

NCPC Nouveau Code de procdure civile

Obs. Observations

OIT Organisation internationale du travail

OMI Office des migrations internationales

Pan. Panorama jurisprudentiel du Recueil Dalloz

Prc. prcit

Rapp. Rapport du conseil la Cour de cassation

RCA Responsabilit civile et assurances

RDC Revue des contrats

RDP Revue de droit public

RDSS Revue de droit sanitaire et social

RDT Revue de droit du travail

Req. Chambre des requtes de la Cour de cassation

Repons. civ et assur. Revue de la Responsabilit civile et assurances

RFAS Revue franaise des affaires sociales

RFDA Revue franaise de droit administratif

RFG Revue franaise de gestion

Rev. crit. Revue critique de lgislation et de jurisprudence

Rev. proc. coll. Revue des procdures collectives

Rev. soc. Revue des socits

Rev. jurisp. com. Revue de jurisprudence commerciale

RGAT Revue gnrale des assurances terrestres

RIDC Revue internationale de droit compar

Rec. CJCE Recueil des arrts de la Cour de justice des Communauts europennes

RLDC Revue Lamy de droit civil

RIT Revue internationale du travail (BIT)

RJS Revue de jurisprudence sociale

RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil

RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial

RTD eur. Revue trimestrielle de droit europen

RSC Revue de Science criminelle et droit pnal compar

S Recueil Sirey

Sem. soc. Lamy Semaine sociale Lamy

SMIC Salaire minimum interprofessionnel de croissance

SMIG Salaire minimum interprofessionnel garanti (jusquen 1970)

Soc. Cour de cassation, chambre sociale

Somm. Sommaire

Som. com. Sommaires comments

s. Et suivants

sp. Spcialement

Supra en dessus

t. tome

T. confl. Tribunal des conflits

TFUE Trait sur le fonctionnement de lUnion europenne

TGI Tribunal de grande instance

TPS Travail et protection sociale

TUE Trait de lUnion europenne

Unedic Union nationale pour lemploi dans lindustrie et le commerce

V Voir

REMERCIEMENTS La rdaction dune thse nest pas un exercice solitaire ; elle sinscrit dans un cadre

institutionnel et familial. Il est donc normal de remercier les personnes qui ont contribu sa

ralisation. Quil me soit permis dexprimer une reconnaissance particulire mon directeur

de thse, le professeur Antoine LYON-CAEN, pour lattention particulire quil a accord

cette thse. Quil me soit galement permis de remercier Mmes Marie-Armelle SOURIAC,

Isabelle VACARIE et M. Georges BORENFREUND, respectivement ex et co-directeurs de

lInstitut de Recherche Juridique sur lEntreprise et les Relations Professionnelles (IRERP)

pour leur soutien matriel et moral. Je remercie par la mme occasion Irina

RAVALONAHINA et Marie-Gabrielle THIANT, Responsables administratives de lIRERP et

de lcole doctorale pour leurs encouragements ainsi que Mmes Anissa ALLOUACHE,

Marie-Katherine PALMIERI, Florence PRMILLEUX et Vronique ROSINI, pour leur

accueil chaleureux.

Que les membres du jury soient remercis davoir accept de participer cette soutenance.

Que Paul-Anthelme ADELE, Maxime ALVES-CONDE, Sabrina ALZAIS, Konstantina

CHATZILAOU, Aurianne COTHENET, Anne-Catherine CREPLET, Benjamin DADOSVILLE,

Carole DAHAN, Nicolas DI CAMILLO, Josepha DIRRINGER, Ylias FERKANE, Anne-

Sophie GINON, Barbara GOMEZ, Valria ILIEVA, Lola ISIDRO, Laurence JOLY, Assata

KON-SILU, Sonia LEROY, Isabel ODOUL-ASOREY, Ins MEFTAH, Nathalie MIHMAN,

Elsa PESKINE, Valrie PONTIF, Jrme PORTA, Magali ROUSSEL, Nanga SILU, Morgan

SWEENEY, Stphane VERNAC, soient aussi remercis pour les lectures et compagnie.

Je remercie Mesdames Alessia ALDE, Raymonde APENDI, Lily DIEBOLD, Cornellie EHINI,

velyne HINI NGALA, Ange HINI OSSETT, Cindy LEGRAND, Flicit MOUABONGO,

Suzanne NGOKA, Jeanne OKAKA, ve OGNANGO, Sophie VIGNERON. Mes remerciements

enfin, Messieurs Ren DIEBOLD, Mamadou Adama DIALLO, Mamadou Yaya DIALLO,

Moussa KON, Martin MANKOU, Christlain GLODJINON, Bernard MATAKANA, Christian

MOUABONGO, Destin NGOKA, Lambert NGOKA, Victor NGOKA, Jean-Marc et Rodrigue

OGNANGO, Michel ONDZ, Dsir PONGO, Francis ROUSSELOT (Dlgation Unedic

AGS), Dianguina TOUNKARA (compagnon de route), Victor ZAGURY.

Jeanne NGOKA

Marie Thrse NGOKA

Alex Lucas ONDZ

Jeanna Mariella ONDZ

Michel ONDZ EHINI

Marguerite KOMBA

Raymonde APENDI OTTENDA

Alexandre GNOUNGOU LHEYET

1

INTRODUCTION

[] les crances salariales sont dune nature diffrente des autres

crances ; elles reprsentent la contrepartie du travail fourni par le

salari dans lentreprise. Il est donc essentiel aux yeux du

gouvernement et de la majorit quelles fassent lobjet dune

identification et dune reprsentation particulires []

J. ROGER-MARCHART1.

La loi du 27 dcembre 1973 [] na pas dautre objectif que de

donner sur le point pleine scurit aux travailleurs, mais son effet est

aussi dinciter aux licenciements rapides, la garantie ntant accorde

quaux crances salariales existant au jour du jugement ouvrant la

procdure

G. LYON-CAEN2.

1.- Garantie et salaire. La garantie et le salaire sont deux notions qui appartiennent,

lorigine, la mme discipline : le droit civil. Le salaire tait considr comme le prix3 du

louage de services qui est un contrat par lequel lune des parties sengage, moyennant un

prix que lautre partie soblige lui payer, fournir cette dernire ses services personnels

pour un certain temps ou accomplir un fait dtermin 4. Celui-ci soppose au louage

douvrage qui est un contrat par lequel une personne (le locateur douvrage ou entrepreneur)

sengage au profit dune autre (le matre douvrage), excuter un travail indpendant

1 J. ROGER-MACHART, JO Ass. Nat., 11 avr. 1984, p. 1346. 2 G. LYON-CAEN, Le salaire , in trait de droit du travail, sous la dir. G.-H. Camerlynck, 2e d., Dalloz, t. 2, 1982, p. 409. 3 Il convient de noter que le prix est une somme dargent due par lacqureur au vendeur , Cf., G. CORNU, Vocabulaire juridique. 4 C. civ., art. 1780 : On ne peut engager ses services qu temps, ou pour une entreprise dtermine. Le louage de services, fait sans dtermination de dure, peut toujours cesser par la volont dune des parties contractantes ; Cf., F. LAURENT, Principes de droit civil franais, d. Bruylant-Christophe Cie 3e d., 1878, n 491 et s. ; L. GUILLOUARD, Trait du contrat de louage, d., Durand et Pdone-Lauriel, 3e d., 1891, n 710 et s.

2

moyennant un certain prix 5. En effet, le louage de services qui est caractris par la

prestation de service subordonne a volu avec lautonomie du droit du travail pour devenir

le contrat de travail. Ce dernier est un contrat de type particulier qui tient sa source du louage

de services, mais le droit du travail ntant plus infod au droit commun, une rglementation

spciale sapplique au contrat de travail, alors que les autres prestations de service qui ne sont

pas caractrises par le lien de subordination restent entirement soumises au droit commun.

Nanmoins, la relation de travail est une convention de droit priv qui reste partiellement

soumise aux rgles de droit commun6. Cest lexistence du contrat de travail qui confre

chacune des parties la qualit demployeur et de salari7. Ce contrat est diffrent du contrat

dentreprise qui est la forme moderne du louage douvrage8.

la vrit, le contrat de travail ntant quune nouvelle appellation du louage de services9, le

salaire relve en partie des rgles de droit civil, mme sil ne reprsente pas exactement le

prix que le matre douvrage verse lentrepreneur. En effet, le contrat de travail confre aux

parties des qualits spcifiques. Par consquent, lessence de la garantie du salaire, cest--

dire sa nature profonde, les lments caractristiques de sa proprit ainsi que lexistence, de

cette garantie, cest--dire ses sources, sa lgitimit, sa licit sont dtermines par le droit du

travail. Lequel prend en considration la spcificit du contrat de travail. La prise de distance

du droit commun par le droit du travail a permis dattribuer la crance de salaire une nature

particulire, qui nest pas concde aux crances civiles. Elle a aussi permis de lui octroyer les

garanties, notamment de paiement. Ces garanties sont telles, que des auteurs se sont

demandes si le contrat de travail tait un modle ou anti-modle du droit civil des

contrats 10. Ces garanties sont beaucoup sollicites lorsque lemployeur est insolvable. Les

tudes qui ont t ralises sur la mise en uvre de la garantie des salaires en cas

5 C. civ. art. 1787 : Lorsquon charge quelquun de faire un ouvrage, on peut convenir quil fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien quil fournira aussi la matire ; v., C. civ. art. 1710 et 1792 ; Cass. soc. 21 janv. 1957, D. 1957, p. 560 ; 13 fvr. 1959, Bull. civ. IV, n 231, p. 189 ; Civ. 3e, 17 juill. 1972, JCP 1972, IV, 233 ; Crim. 26 janv. 1967, Gaz. Pal. 1967, 1, 133 ; S. GUINCHARD, T. DEBARD (dir.), Lexique des termes juridiques 2013, 20e d., Dalloz, 2012, p. 564. 6 C. trav., art. L . 1221-1. 7 Cf., G. VERCKEN, Le correspondant la protection des donnes : une cration inacheve ? , Rev. Lamy Dr immatriel, 2005, n 9, Perspectives, Dossier spcial. 8 Cf., P. PUY, La qualification du contrat dentreprise, prf. B. Teyssi, d., Panthon-Assas, 2002 ; D. MAINGUY, Contrats spciaux, 7e d., Dalloz, 2010, coll. Cours , p. 471 et s. ; S. GUINCHARD, J. VINCENT (dir.), Lexique des termes juridiques 2013, prc. 9 D. MAINGUY, Contrats spciaux, prc., p. 471 ; H. CAPITANT, P. CUCHE, Prcis de lgislation industrielle, Dalloz, 1939, n 480 ; N. OLSZAK, Histoire du droit du travail, PUF, 1999, p. 79. 10 Cf., G. COUTURIER, Droit du travail, Les relations individuelles de travail, 3e d., PUF, 1996, n 83 ; P.-Y. VERKINDT, Le contrat de travail modle ou anti-modle du droit civil des contrats ? , in La nouvelle crise du contrat, Ch. Jamin et D. Mazeaud (dir.), Dalloz 2003, p. 205, n 14.

3

dinsolvabilit de lemployeur ont laiss des zones dombres en ce qui concerne la nature de

cette garantie et la dynamique de cette dernire. Limportance et la spcificit de la garantie

des salaires en cas dinsolvabilit de lemployeur mritent une nouvelle valuation.

2.- Salaire et contrat de travail. Pour aborder une telle tude, il faut rappeler limportance

du salaire en droit du travail. Selon le professeur Grard LYON-CAEN, le droit du travail est

dans sa totalit construit autour de la question du salaire11, mme si cette conception

semble aujourdhui oublie. Ainsi, le salaire est au cur des relations individuelles et

collectives de travail. La notion de salaire na pas pour autant reu de dfinition prcise12. Sa

dfinition est relative13 et varie en fonction des acceptions, juridique, sociale ou

conomique14. la diffrence du prix, dont le louage de services qualifie la contrepartie de la

personne qui loue son service, la contrepartie du travail fourni par le salari est un salaire qui

a des spcificits par rapport la crance rgie par le droit civil. Dans son acception

juridique, le salaire, de son tymologie latine salarium ou salarius , qui signifie la

rtribution en sel alimentaire , est la contrepartie du travail fourni par le salari15 au profit

11 G. LYON-CAEN, Le salaire , in Trait de droit du travail, G.-H. Camerlynck (dir.), 2e d., Dalloz, t. 2, 1981, n 1 ; Cf. Not., G. LYON-CAEN, Le salaire dans le droit du travail et dans le droit de la scurit sociale , Dr. soc. 1960, n 12, p. 613. 12 Cf., P.-H. ANTONMATTEI, La qualification de salaire , Dr. soc. 1997, p. 571 ; F. FAVENNEC-HERY, P.-Y. VERKINDT, Droit du travail, 3e d., LGDJ coll. Manuel , 2011, pp. 674 et s. ; E. JEANSEN, La qualification donne aux heures dquivalence est indpendante de la rmunration due , JCP S 2011, n 10, p. 20, note sous Cass. soc. 30 nov. 2010, n 09-66.672, St Fondation Home Saint-Jean c. M. S ; G. COUTURIER, De quoi le salaire est-il la contrepartie ? , Dr. soc. 2011, n 1, pp. 10-17 ; F. GAUDU, Le salaire et la hirarchie des normes , Dr. soc. 2011, p. 24. 13 Cf., A. ROUAST, Les avantages complmentaires du salaire , Dr. soc. 1948, p. 371 ; F. PIPPI, De la notion de salaire individuel la notion de salaire social, prface de Guy Lambert, LGDJ, Paris, 1966, Coll. Bibl. douvrages de droit social , t. 8, p. 41. 14 J. HAUSER, La notion de salaire et le droit priv , in Mlanges Despax, PU Toulouse, 2002, 373 ; P. MORVAN, Le nouveau droit de la rmunration , Dr. soc. 2008, 643 et Groupe dentreprises et rmunration du travail , Dr. soc. 2010, 748. 15 Cass. soc. 10 oct. 1979, Bull. civ. V, n 704 ; 7 avr. 2010, n 07-45.322, JCP S 2010, 1286, note D. Everaert-Dumont ; T. REVET, La force de travail (tude juridique), prf. F. Zenati, Litec, coll. Bibl. de droit de lentreprise , 1992, pp. 9 et s. ; E. DOCKS, La dtermination de lobjet des obligations nes du contrat de travail , Dr. soc. 1997, pp. 140 et s. ; G. PIGNARRE, Le rgime juridique de la crance de salaire , Dr. soc. 1997, n 6, p. 589 ; X. LAGARDE, Prix et salaire , tudes offertes J. Ghestin, LGDJ, 2001 ; J. PLISSIER, La dtermination des lments du contrat de travail , Dr. ouvr. 2005, 92 ; Pour un droit des clauses du contrat de travail , RJS 5/05, p. 499 ; D. GARDES, La notion de travail : essai et enjeux dune dfinition juridique, Thse Toulouse 1 Capitole, 2011, sous la dir. Lise Casaux ; P.-Y. VERKINDT, Vivre dignement de son travail : entre salaire et revenu garanti , Dr. soc. 2011, n 1, p. 18 et s. ; F. GAUDU, Le salaire et la hirarchie des normes , Dr. soc. 2011, n 1, p. 24 et s. ; J.-P. CHAUCHARD, Lvitement du salaire , Dr. soc. 2011, n 1, p. 32 et s. ; J.-E. RAY, travail gal, salaire gal , Dr. soc. 2011, n 1, p. 42 et s. ; J.-D. COMBREXELLE, Des salaires la ngociation collective , Dr. soc. 2011, n 1, p. 59 et s. ; D. PALLANTZA, La crance de salaire, prc., p. 180 ; P. RODIRE, Le salaire dans les crits de Grard Lyon-Caen , Dr. soc. 2011, n 1, p. 6 et s.

4

de lemployeur, qui est titulaire du pouvoir16. Labsence de dfinition prcise du salaire

explique une concurrence avec les notions de rmunration17 ou de crance salariale qui

considrent amplement les sommes verses aux salaris dans le cadre dune relation de

travail. La rmunration est ainsi constitue du salaire ou traitement de base et des

complments du salaire, et la crance salariale constitue du salaire, des complments du

salaire et diverses indemnits rsultant de la violation par lemployeur des obligations

prescrites par le Code du travail tel que le manquement aux rgles de maintien de lemploi

lors des licenciements pour motif conomique. En revanche, le salaire ne dsigne que le prix

rel du travail fourni18. Il est ainsi directement li au travail19.

Nagure lobjet des prjugs20, le travail21 est aujourdhui considr comme un lment de

valorisation de la personne, il est inhrent lhomme22. La valeur sociale du travail23 voudrait

16 Cass. soc. 12 juill. 2005, Dr. soc. 2005, 1035, obs. J. Savatier (Concernant les ministres du culte) ; 13 dc. 2007, Dr. soc. 2007, 242, obs. J. Savatier ; I. VACARIE, Travail subordonn, travail indpendant : question de frontires , in Les frontires du salariat, Actes du colloque du 26 et 27 oct. 1996, Universit de Cergy-Pontoise, Revue dIle-de-France, Revue trimestrielle des barreaux ; D. 1996, p. 103 ; T. AUBERT-MONPEYSSEN, Les frontires du salariat lpreuve des stratgies dutilisation de la force de travail , Dr. soc. 1997, 616 ; A. SUPIOT, Les nouveaux visages de la subordination , Dr. soc. 2000, 131 ; F. FAVENNEC-HERY, Les relations professionnelles entre poux ou le travail sans la subordination , Dr. soc. 2002, p. 403 ; M.-L. MORIN, Sous-traitance et co-activit , in La subordination dans le travail, J.-P. CHAUCHARD, A.-C. HARDY-DUBERNET (dir.), La Doc. fr. 2003, p. 115 ; J. SAVATIER, Entre bnvolat et salariat : le statut des volontaires pour le dveloppement , Dr. soc. 2000, 146 ; E. PESKINE, Entre subordination et indpendance : en qute dune troisime voie , RDT 2008, p. 371 ; O. LECLERC, Th. PASQUIER, RDT 2010, 83. 17 C. trav., art. L. 3221-3. 18 J. PLISSIER, G. AUZERO, E. DOCKS, Droit du travail, 27e d., Dalloz, Coll. Prcis , 2012, p. 848. 19 A. SUPIOT, Critique du droit du travail, PUF, Coll. Les voies du droit , 1994; 2e d., PUF, Coll. Quadrige , 2002 ; Commentaires de G. LYON-CAEN : Critique dune critique (sur le livre dAlain SUPIOT, Critique du droit du travail) , Dr. soc. 1994, p. 663 ; P. VERGE, G. VALLE, Un droit du travail ? Essai sur la spcificit du droit du travail, d., Y. Blais (Qubec), 1997 ; A. SUPIOT, Homo juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du Droit, Paris, Seuil, 2005 ; J. PLISSIER, G. AUZERO, E. DOCKS, Droit du travail, prc., p. 44. 20 Cf., R. CASTEL, Les Mtamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995, spc. chap. XIII. 21 A. SUPIOT, Les nouveaux visages de la subordination , Dr. soc. 2000, n 2, p. 131 ; X. LAGARDE, Libres propos sur les volutions du travail , in Droit et actualit, tudes J. Bgun, Litec, Paris, 2004, p. 433. 22 R. THERY, Le travail est de lhomme : dpense de sa vie, instrument de sa subsistance, expression et panouissement des facults ( De lutilisation la proprit des choses , in Le droit priv au milieu du XX sicle, tudes offertes G. RIPERT, vol. II, LGDJ, 1950, p. 17) ; R. SAVATIER, Les creux du droit positif au rythme des mtamorphoses dune civilisation , in Les problmes des lacunes en droit, tudes publies par Ch. PERELMAN, Bruylant, Bruxelles, 1968, p. 529. 23 Cf., D. MDA, Le Travail : une valeur en voie de disparition, Paris, Aubier, 1995, chap. IV, Le travail, essence de lhomme et Une mise en perspective de la valeur travail , in Le travail en perspectives, sous la dir. A. Supiot, LGDJ, coll. Droit et socit , 1998, pp. 33-44 ; R. SALAIS, Le travail lpreuve de ses produits , in Le travail en perspectives, prc., p. 45 et s. ; J.-B. DE FOUCAULD, Socit post-industrielle et scurit conomique , in Le travail en perspectives, prc., pp. 581-587, spc. p. 581 ; C. BAUDELOT et alii, Travailler pour tre heureux ?, Fayard, 2003 ; F. VATIN, Le travail et ses valeurs, d., Albin Michel, 2008, pp. 23 et s. ; D. MDA, Le travail, une valeur en voie de disparition ?, Flammarion, 2010 ; Le travail, 4e d., PUF, coll. Que sais-je ? , 2010, p. 4.

5

que chaque individu ait droit un travail dcent24 afin de pouvoir tre utile la socit25, en

dpit du stress26, de la souffrance27 pouvant conduire aux suicides28 gnrs par les nouveaux

modes dorganisation du travail. Cela dit, lemployeur est somm de scuriser les salaris au

travail29 afin dviter les accidents et les maladies professionnelles30.

Si les normes internationales prvoient que toute personne qui travaille droit une

rmunration quitable et satisfaisante et que tous les travailleurs ont droit une

rmunration quitable leur assurant ainsi que leurs familles, un niveau de vie satisfaisant 31,

le droit au salaire nest pas en France, constitutionnalis32, linverse du droit lemploi33. Le

24 Cf., A. MAZEAUD, Droit du travail, 6e d., Montchrestien, coll. Domat droit priv , 2008, p. 1. 25 Cf., R. CASTEL, Travail et utilit au monde , in Le travail en perspectives, sous la dir. A. Supiot, LGDJ, coll. Droit et socit , 1998, Paris, pp. 15 et s. 26 P.-Y. VERKINDT, Travail et sant mentale, Sem. soc. Lamy 2003, n 1112, p. 6 ; L. LEROUGE, La reconnaissance dun droit la protection de la sant mentale au travail, LGDJ, 2005 ; J.-M. VERDIER, A. COEURET, M.-A. SOURIAC, Droit du travail, Rapports collectifs, vol. 1, 16e d., Dalloz, coll. Mmentos Dalloz , Paris, 2011, p. 1 ; P. ADAM, Le harclement moral est mort, vive le harclement moral ? , Dr. ouvr. 2010, p. 117 ; E. RAVIER, Enjeux et mutations en matire de sant au travail , JCP S 2010, n 30, pp. 23-25 ; S. NICOLET, Risques psychosociaux : quelle prvention ? , Les Cah. du DRH, 2011, n 176, pp. 27-31 ; F. CHAMPEAUX, Lvaluation des salaris en dbat , Sem. soc. Lamy 31 janv. 2011, n 1477, pp. 82-85 suppl. ; F.-G. TRBULLE, Lenvironnement de travail , Rev. Environnement, 2011, n 1, pp. 20-22. 27 M.-A. MOREAU, Pour une politique de sant dans lentreprise , Dr. soc. 2002, p. 817 ; P.-Y. VERKINDT, Un nouveau droit des conditions de travail , Dr. soc. 2008, p. 634 ; A. FABRE, Sant et scurit. la dcouverte du nouveau Code , RDT 2008, p. 145 ; G. PIGNARRE, Souffrance au travail et rparation des risques professionnels , RDT 2010, n 5, pp. 305-308 ; J. PLISSIER, G. AUZERO, E. DOCKS, Droit du travail, 27 d., Dalloz, coll. Prcis , 2012, p. 3 ; D. RONDEAU, La souffrance morale lie aux conditions de travail : un point sur lexistant, regard sur lavenir , LPA 26 sept. 2011, n 191, pp. 6-11 ; E. LAFUMA, Charge de travail et reprsentants du personnel , Dr. soc. 2011, n 7/8, p. 758 ; M. GRVY, Les procdures durgence , Dr. soc. 2011, n 7/8, p. 764 ; P. LOKIEC, La mesure du travail Du quantitatif au qualitatif , Dr. soc. 2011, n 7/8, p. 771 ; L. GAMET, Risques psychosociaux et prise dacte de la rupture du contrat de travail , Dr. soc. 2011, n 7/8, p. 776. 28 F. PETIT, Les suicide au travail : de la faute intentionnelle du salari la faute inexcusable de lemployeur , LPA 3 juill. 2009, n 132, pp. 4-9 ; M. DEL SOL, Reconnaissance de la faute inexcusable de Renault dans le suicide dun salari : un arrt dappel prcurseur en matire de risques psychosociaux , Lexbase Hebdo, d. soc., 9 juin 2011, n 443 ; F. CHAMPEAUX, Suicide et organisation du travail en dbat , Sem. soc. Lamy 12 sept. 2011, n 1504, pp. 169-171 suppl. 29 P. SARGOS, Lvolution du concept de scurit au travail et ses consquences en matire de responsabilit , JCP E 2003, I, n 4, p. 121 ; Lmancipation de lobligation de scurit de rsultat et lexigence deffectivit du droit , JCP S 2006, n 1278, p. 27 ; G. PIGNARRE, Lobligation de scurit patronale entre incertitudes et ncessit , RDT 2006, n 3, p. 150 ; Y. SAINT-JOURS, De lobligation contractuelle de scurit de rsultat de lemployeur , D. 2007, n 43, p. 3024. 30 X. PRTOT, Accidents du travail et maladies professionnelles : le dcs de la victime, fait gnrateur des droits du conjoint survivant , JCP S 2009, n 16, p. 38, note sous Cass. civ. 2e, 12 mars 2009, n 08-14.210, CPAM de la Gironde c. Channac ; P.-Y. VERKINDT, Accidents du travail et maladies professionnelles Protection de lemploi des victimes daccidents du travail : extension du champ dapplication de la lgislation spciale , JCP S 2011, n 40, pp. 38-40 ; G. VACHET, Rparation du prjudice conomique de la veuve dune maladie professionnelle lie lamiante , note sous Cass. civ. 10 fvr. 2011, n 10-10.089, JCP E 2011, n 40, p. 44 ; F. GUIOMARD, Accidents du travail et maladies professionnelles , Dr. ouvr. 2011, n 757, p. 530. 31 Charte sociale europenne, partie 1, 4. 32 Le Prambule de la Constitution de 1946 considre toutefois le salaire comme une prrogative fondamentale de la personne.

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droit la garantie des salaires ncessite lexistence dun contrat de travail34 qui donne le

pouvoir, lautorit lemployeur sur la partie faible du contrat : le salari35. Le contrat de

travail36 peut tre conclu pour une dure dtermine37 ou indtermine38 au nom de la libert

contractuelle. Mais, la Cour de cassation a dcid que lexistence dune relation de travail

ne dpend ni de la volont exprime par les parties ni de la dnomination quelles ont donn

leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exerce lactivit des

travailleurs 39 dont les juges du fond sont tenus dapprcier40. Lemployeur ne peut chapper

lobligation de garantir la crance du salari en dguisant la nature du contrat qui les rallie.

33 V., Prambule de la Constion de 1946, alina 5 ; J. PLISSIER, La libert du travail , Dr. soc. 1990, p. 19; A. SUPIOT, Le travail, libert partage , Dr. soc. 1993, p. 715 ; F. GAUDU, La notion juridique demploi en droit priv , Dr. soc. 1987, 414 ; Les notions demploi en droit , Dr. soc. 1996, 569 ; A. SUPIOT, Du bon usage des lois en matire demploi , Dr. soc. 1997, 229 ; J. PLISSIER (dir.), Droit lemploi, 2e d., Dalloz Action, 1998 ; D. ROUX, Le principe du droit au travail. Juridicit, signification et normativit, Montral, Wilson et Lafleur, 2005 ; J. PLISSIER, Le lien demploi , in Mlanges en lhonneur dY. Serra, Dalloz, 2006, p. 337 ; B. SILHOL, Droit lemploi : brves rflexions sur la jurisprudence rcente du Conseil constitutionnel , RDT 2007, 390 ; A. MAZEAUD, Droit du travail, 7e d., Montchrestien, coll. Domat droit priv , 2011, p. 1 ; J. PLISSIER, G. AUZERO, E. DOCKS, Droit du travail, 27e d., Dalloz, coll. Prcis , 2012, pp. 582 et s. 34 Cass. crim. 9 mai 1973, D. 1974, 271, note B. Bouloc ; Cass. soc. 10 oct. 1979, Bull. civ. V, n 704 ; Cass. crim. 6 oct. 1980, D. 1981, IR. 144 ; Cass. soc. 12 juin 1981, Bull. civ. V, n 539 ; Cass. com. 15 dc. 1987, D. 1988, IR. 23 ; J.-M. VERDIER, A. COEURET, M.-A. SOURIAC, Droit du travail, Rapports individuels, Vol. 2, 16e d., Dalloz, coll. Mmentos Dalloz , Paris, 2011, pp. 36 et s. ; J. PLISSIER, G. AUZERO, E. DOCKS, Droit du travail, 27e d., Dalloz, Coll. Prcis , 2012, pp. 595. 35 Cf., P. DURAND, la frontire du contrat et de linstitution : la relation de travail , JCP 1994, I, 337 ; J.-M. BRAUD, Autour de lide de constitution sociale de lentreprise , in tudes offertes J. Plissier, Dalloz, 2004, pp. 55 et s. ; P. LOKIEC, Contrat et pouvoir Essai sur les transformations du droit priv des rapports contractuels, LGDJ 2004 ; E. DOCKS, De la supriorit du contrat de travail sur le pouvoir de lemployeur , in tudes offertes J. Plissier, Dalloz 2004, p. 203 et s. ; Pouvoir patronal et dmocratie , Sem. soc. Lamy suppl. 1340, du 11 fvr. 2008, pp. 85-90 ; A. JEAMMAUD, Le pouvoir patronal vis par le droit du travail , Sem. soc. Lamy suppl. 1340, du 11 fvr. 2008, pp. 15-26 ; A. FABRE, Le rgime du pouvoir de lemployeur, LGDJ, 2010. 36 Cf., J.-P. LE CROM, La Socit dtudes lgislatives face la question du contrat de travail (1904-107) , Actes du Colloque Construction dune histoire du droit du travail , Cahiers de lInstitut rgional du travail, Univ. de la Mditerrane, n spc., 2001, p. 223 ; G. JACQUEMET, Contrat de travail , Dr. ouvr. 2010, n 749, p. 669, note sous Conseil de prudhommes de Paris, 8 juin 2010, Dorat et FO FEC c/ SA Generali Vie ; P. RENNES, Contrat de travail , Dr. ouvr. 2010, n 742, pp. 252-260 ; I. BERTRAND, Engagement religieux : existence dun contrat de travail , D. 2010, n 7, p. 377, note sous Cass. soc. 20 janv. 2010, n 08-42.207, Mme Marcenac c/ Assoc. La Croix Glorieuse ; P. DARVERS-BORNOZ, Contrat de travail , Dr. ouvr. 2011, n 753, p. 273, note sous Cass. soc. 18 janv. 2011, n 09-69.199, Jugheinrich finances holding c. Delimoges et a. 37 C. trav., art. L. 1242-2 et s. ; F. SARAMITO, Vers un dclin du contrat de travail dure dtermine , Dr. ouvr. 1982, p. 403 ; B. TEYSSI, Les contrats de travail dure dtermine , JCP CI 1982, 13830 ; A. LYON-CAEN, Le recours au contrat de travail dure limite , Dr . soc. 1983, 5 ; J. PLISSIER, Travail dure limite et droits des salaris , Dr. soc. 1985, pp. 17 et s. ; G. POULAIN, Les contrats de travail dure dtermine, Litec, 1988 ; C. VIGNEAU, Laccord cadre europen sur le droit du travail dure dtermine , Dr. soc. 1999, p. 928 et s. ; C. ROY-LOUSTAUNAU, La lutte contre la prcarit des emplois : une rforme du CDD, discrte mais non sans importance , Dr. soc. 2002, p. 304 et s. ; G. AUZERO, Obs., RDT 2008, p. 171 ; B. REYNS, Obs. D. 2008, Panorama de droit du travail. 38 Cf., J. PLISSIER, G. AUZERO, E. DOCKS, Droit du travail, 27e d., 2012, coll. Prcis, p. 347 et s. 39 Cass. ass. Pln. 4 mars 1983, D. 1983, 381, concl. P. Cabannes ; Cass. soc. 19 dc. 2000, Labbanne c/ St Bastille Taxi et autre, Bull. civ. V, n 437 ; Dr. soc. 2001, 227, note A. Jeammaud; 20 janv. 2010, n 08-42.207, PBR, RJS 4/10, n 303 ; JCP S 2010, 1137, note G. Vachet ; J. SAVATIER, Vie communautaire et contrat de travail , Dr. soc. 2010, 623.

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Le salaire tant considr comme un lment du contrat de travail 41, le droit du travail

interdit lemployeur de le modifier sans le consentement du salari42. En pratique, le salaire

na pas seulement pour source le contrat de travail43. Son existence peut rsulter galement

de la loi, des conventions ou des usages de lentreprise44. Ces sources extrieures au contrat

de travail permettent de mieux protger le salari qui est soumis au pouvoir de lemployeur.

Le salaire a une essence, une nature particulire qui a conduit le lgislateur lui assigner une

rglementation spcifique, quil sagisse de la fixation de son montant ou de sa protection45.

Comme un auteur la soulign, le salari peut renoncer valablement certaines protections en

matire de rmunration46. Nanmoins, le salaire est aussi expos aux risques de lactivit

conomique dans lentreprise, en particulier lorsque lentreprise est place en procdure

collective. Or, le salari ne doit pas subir les risques de lentreprise. Dune part, il subit le

pouvoir de direction de lemployeur et ne simmisce pas dans la gestion de lentreprise.

Dautre part, son salaire ne dpend pas en principe des profits de lentreprise47. Cela reste

vrai, nonobstant lapparition de la participation, de lintressement ou de lactionnariat qui

permettent aux salaris de tirer profit des rsultats de lentreprise, mais qui nont pas le

caractre de salaire, voire mme de rmunration. Les garanties des salaires sont ainsi lies

lexclusion des salaris aux risques de lentreprise.

La crance de salaire rmunratoire du travail a une nature originale qui mrite une protection

exceptionnelle par rapport dautres crances. Par sa dimension politique et sociale, le salaire

40 Cass. soc. 29 janv. 2002, P+B+R, Croix rouge franaise, RJS 4/02, n 387 ; J. SAVATIER, La distinction du contrat de travail et des services bnvoles fournis dans le cadre dune association , Dr. soc. 2002, p. 494. 41 E. PESKINE, C. WOLMARK, Droit du travail, 7e d., Dalloz, coll. HyperCours , 2012, pp. 33 et s. 42 Cass. soc. 28 janv. 1998, Bull. civ. V, n 40 ; 3 mars 1998, Bull. civ. V, n 40, Dr. soc. 1998, 523, note G. Couturier ; RJS 3/98, n 274 et comm. E. Docks, p. 168 ; 18 avr. 2000, RJS 6/00, n 633 ; 18 juill. 2000, Dr. soc. 2000, 1021, obs. C. Rad ; 27 fvr. 2001, RJS 5/01, n 562 ; 3 juill. 2001, 2 esp., Dr. soc. 2001, 1006 et 1007, obs. C. Rad ; 18 oct. 2006, n 05-41.643 ; 14 nov. 2007, JCP S 2008, 1078, note B. Bossu ; 7 juill. 2008, n 07-40.799, P, D. 2008, AJ 2083, obs. B. Ins 43 D. PALLANTZA, La crance de salaire, thse Paris I, sous la dir. Grgoire Loiseau, 2011, p. 13. 44 Cf., J. PLISSIER, La ngociation sur les salaires : problmes juridiques , Dr. soc. 1984, n 12, p. 678 ; G. BORENFREUND, Larticulation du contrat de travail et des normes collectives , Dr. ouvr. 1997, p. 514 ; F. TERR, Sur les sources du droit en gnral et du droit du travail en particulier , in Les sources du droit du travail, sous la dir. de B. Teyssi, PUF, Paris, Coll. Droit, thique, socit , 1998, p. 19 ; J.-E. RAY, Droit du travail, Droit vivant, d. Liaisons, coll. Droit vivant , 2011-2012, n 34, p. 38. 45 Cass. soc. 21 mars 2000, D. 2000, IR. 145. 46 A. JEAMMAUD, La renonciation du salari , Dr. ouvr. 1997, 535 ; X. CARSIN, Les renonciations en droit du travail, Thse Paris I, 2006. 47 Cass. soc. 9 avr. 1987, Bull. civ. V, n 213.

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constitue un instrument fondamental de lintgration de la personne dans la Cit 48. Il a des

rpercussions dans plusieurs domaines notamment social, fiscal et conomique. Sa nature est

souvent lie sa finalit, celle de satisfaire aux besoins alimentaires du salari et des membres

de sa famille. Le caractre alimentaire du salaire permet de lui garder une protection

exorbitante qui dpasse celle dont bnficient les titulaires des crances civiles. La crance

sociale du salari lui donne ainsi des prrogatives que le droit civil naccorde pas aux autres

cranciers. Mais comment sorganise la protection des crances alimentaires de salaires ? En

effet, la protection des crances de salaires sorganise travers les garanties de paiement49.

Cependant, le concept de garantie na pas une acception uniforme en droit civil et en droit

social. Il est donc important de prciser dabord cette notion (I), pour voquer ensuite

lmergence de la garantie de salaires en cas dinsolvabilit de lemployeur (II), et enfin, la

mthode de ltude (III).

I. La notion de garantie

3-. En droit civil. La notion de garantie na pas reu une dfinition lgislative. Drive du

mot germanique gewhr (garantie) qui dcoule lui-mme de wahr (vrai), garantir signifie

tymologiquement, assurer quune chose est vraie. Cest le sens de garantie que retient le

Code civil avec une notable volution. Par analogie, la garantie du salaire, cest lassurance

que son paiement sera effectu.

Le vocabulaire juridique de lAssociation Henri Capitant prcise, en effet, que la garantie

dnote, au sens large, tout mcanisme qui prmunit une personne contre une perte

pcuniaire 50. Mais en ralit, cette notion est polysmique51, car elle recouvre plusieurs

48 A. MARTINON, Le salaire , in Les notions fondamentales du droit du travail, d., Panthon-Assas, 2009, sous la dir. B. Teyssi, n 283, p. 176. 49 Cf., J. ZYROMSKY, La protection lgale du salaire vis--vis de lemployeur, Thse Univ. Toulouse, sous la dir. J. Marqueste, 1913, p. 7 ; F. GAUDU, Lordre public en droit du travail , in tudes offertes J. Ghestin, d., 2001, pp. 363 et s. ; F. CANUT, Lordre public en droit du travail, prface de Franois Gaudu, LGDJ, Paris, Coll. Bibl. de lInstitut Andr Tunc , t. 14, 2007 ; N. MEYER, Lordre public en droit du travail. Contribution ltude de lordre public en droit priv, prface de Jean Plissier, LGDJ, Paris, Coll. Bibl. droit priv , t. 461, 2006 ; R. VATINET, Lordre public , in Les notions fondamentales en droit du travail, d., Panthon-Assas, sous la dir. B. Teyssi, d., 2009, pp. 89 et s. 50 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 9e d., PUF, 2011, V., Garantie, sens 1, p. 436. Cf., B. GROSS, La notion dobligation de garantie dans le droit des contrats, LGDJ, coll. Bibl. droit priv , t. XLII, 1964 ; M. COZIAN, Laction directe, LGDJ, 1969 ; C. JAMIN, La notion daction directe, LGDJ, Coll. Bibl. droit priv , prf. J. Ghestin, 1991. 51 P. JOURDAIN, Quelques rflexions sur la notion de garantie en droit priv , tudes offertes au professeur Philippe Malinvaud, Lexisnexis, Litec, 2007, pp. 303-315, spc. p. 304-313.

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techniques protgeant contre des risques pouvant engendrer des pertes52. Cependant, elle ne

protge pas ncessairement contre le non-paiement dune dette, la diffrence de la sret.

Cette dernire est un sous-ensemble de la garantie53 qui a pour objet particulier dassurer ou

de garantir le paiement dune crance54. En ce sens, la sret permet au crancier de faire

face linsolvabilit du dbiteur55. Les privilges des salaris sont des srets lgales relles

qui portent sur les biens meubles et immeubles56. Ils sont sans dpossession et confrent aux

salaris le droit dtre prfrs par rapport aux autres cranciers, mme hypothcaires57, dans

le rglement de la crance58.

En somme, la garantie des salaires prsente une utilit particulire lorsque les entreprises qui

les emploient sont en dfaillance59, car elles ont souvent une trsorerie dgrade qui les rend

incapables dhonorer les salaires ou toutes autres crances et de poursuivre leur activit. Pour

obtenir, par exemple, les crdits ncessaires au paiement des crances et la poursuite de

lactivit, les garanties de paiement sont frquemment demandes. Si la notion de garantie60

est ancienne en droit civil61 parce quelle est employe, par exemple, en matire de dfauts de

la chose vendue62, elle connat dsormais dinnombrables dclinaisons, notamment dans les

52 P. JOURDAIN, prc., p. 304 ; B. STARCK, Essai dune thorie gnrale de la responsabilit civile considre dans sa double fonction de garantie et de peine prive, Thse Paris, L. Rodstein, 1947. 53 H. MOTULSKY, Principes dune ralisation mthodique du droit priv, Dalloz, 1991, p. 25 ; P. CROCQ, Proprit et garantie, prf. Michelle Gobert, LGDJ, coll. Bibliothque de droit priv , t. 248, Paris, 1995, p.236. 54 P. MALAURIE et L. AYNES, Les srets, La publicit foncire, Cujas, 5e d., 1993, n 2, p. 13. 55 D. LEGEAIS, Srets et garanties de crdit, 6e d., LGDJ, 2008, n 21 ; C. ALBIGES, M.-P. DUMONT-LEFRAND, Droit des srets, 2e d., Dalloz, coll. HyperCours , 2009, p. 6. 56 V., C. civ., art. 2323 et s. 57 C. trav., art. L. 2324 ; C. LE GALLOU, Droit des srets et droit des procdures collectives, ditions Larcier, coll. Mthodes du droit , 2012, p. 104 et s. 58 I. AADJAGBA, Le dclin des srets relles spciales dans les procdures collectives de redressement des entreprises, Thse Paris II, 1988 ; P. CROCQ, Srets et garanties. Le principe de spcialit des srets relles, chronique dun dclin annonc , Dr. et patr. 2001, n 92, p. 58 ; D. LEGEAIS, Srets et garanties : la rgle de laccessoire dans les srets personnelles , Dr. et patr. 2001 ; J.-P. BRANLARD, Lessentiel du droit des garanties de paiement Les srets, 2e d. Gualino, coll. Carrs Rouge , 2007 ; J.-J. ANSAULT, Une sret judiciaire nest pas une saisie , Rev. Lamy droit civil 2011, n 79, Actualits, n 4130, pp. 34-35. 59 Il y a eu plus de 52 000 dfaillances dentreprises en 2010 (Source INSEE). 60 () le terme garantie dsigne une obligation au contenu plus nergique encore quune obligation de rsultat et qui aboutit protger le crancier contre un vnement alatoire, de telle sorte que le dbiteur ne peut mme plus sexonrer en apportant la preuve dun cas fortuit () (O. TOURNAFOND, De la transposition de la directive du 25 mai 1999 la rforme du Code civil , D. 2002, p. 2883). 61 J. BASTIN, Le paiement de la dette dautrui, prf. de Andriessen, LGDJ, coll. Droit des affaires , 1999, p. 11 et s. ; Ch. HAUSMANN, Ph. TORRE, Les garanties de passif, 2e d., Formation Entreprise, collec. Droit des affaires , 2003. 62 C. civ., art. 1641 ; Cf., JESTAZ, Malfaons de limmeuble , Gaz. Pal. 1969, 2, doctr. 225; P. MALINVAUD, La responsabilit du vendeur raison des vices de la chose , JCP 1968, I, 2153 ; La garantie des vices par le vendeur-promoteur de constructions immobilires , JCP 1969, I, 2284 ; C. ATIAS, La garantie des vices cachs et obligation de conformit , D. 1993, chron. 265 ; G. VINEY, La vente dune

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domaines de lconomie63, de la finance, du commerce64, de la location dappartements65. Son

utilisation est amplifie par des crises qui mettent en question la solvabilit des dbiteurs

dune obligation de paiement. Sa place dans le domaine juridique ne cesse par consquent de

prendre de lampleur. Si le droit civil rassemble plusieurs types de garanties66, le droit social

dispose aussi des exigences de garantie en faveur des salaris, parmi lesquelles la garantie des

salaires en cas dinsolvabili de lemployeur.

4.- En droit social. Lexpression de garantie est galement utilise en droit social. Elle a t

employe pour la premire fois aprs la Seconde Guerre mondiale en droit de la scurit

sociale, pour apporter des garanties collectives et non individuelles aux salaris, en matire de

protection sociale67. Elles impliquent dornavant toutes les clauses contractuelles ou

conventionnelles qui protgent les salaris contre les alas de leur condition dexistence68. Ce

sont des garanties relatives lemploi69, aux ressources70 et aux rgimes complmentaires de

la scurit sociale tels que la vieillesse et le chmage. Le livre IX du Code de la scurit

sociale prvoit des garanties collectives qui compltent celles nes de lorganisation de la

scurit sociale traditionnelle afin dassurer une protection complte aux salaris. Selon

larticle L. 911-1 du Code de la scurit sociale les garanties collectives peuvent tre

institues par les dispositions lgislatives, rglementaires, des conventions ou accords

collectifs . Elles ont pour objet de prvoir, au profit des salaris, des anciens salaris et de

leurs ayant droit, la couverture du risque de dcs, des risques portant atteinte lintgrit

physique de la personne ou lis la maternit, des risques dincapacit de travail, dinvalidit

chose dfectueuse , JCP 1994, I, 3773, n 12 et s. ; CALAIS-AULOY, in Mlanges Mouly, Litec, 1998, t. 2, p. 63. 63 Il est soulign par certains auteurs que sans srets pas de crdit, sans crdit pas dconomie moderne (Ph. MALAURIE, L. AYNES, Cours de droit civil, Les srets, La publicit foncire, Cujas, 2000/2001, n 1). 64 Les garanties commerciales sont par exemple relatives la protection des consommateurs (C. consom., art. L. 211-15 et s.) 65 La crise du logement incite les bailleurs demander parfois plusieurs garanties aux locataires. 66 La garantie du bailleur lgard du preneur (C. civ., art. 1721 ; 1725 et s.) ; la garantie du cessionnaire de la crance (C. civ., art. 1693 et s.) ; la garantie du constructeur (C. civ., art. 1792 et s.) ; la garantie du vendeur (C. civ., art. 1626 et s.), etc. 67 CSS, art. L. 911-1 et L. 911-2. Cf., P. DURAND, De la convention collective de travail la convention collective de scurit sociale , Dr. soc. 1960, p. 42 ; J.-J. DUPEYROUX, Les exigences de la solidarit , Dr. soc. 1991, p. 741 ; J. BARTHELEMY, Garanties sociales et rgimes , tir de Solidarit et accord de protection sociale complmentaire , in tudes offertes J. PELISSIER, D. 2004 ; Protection sociale complmentaire : champ de la rgle de neutralit fiscale et sociale des contributions , Dr. soc. 2006, p. 1026 ; Accord de mensualisation et garanties collectives de prvoyance , Dr. soc. 2007, p. 472 ; D. RIGAUD, Les aspects juridiques lis lapplication de la loi Evin aujourdhui , Gaz. Pal. 2010, n 246-247, pp. 28-31. 68 G. CORNU, Vocabulaire juridique, prc., p. 438. 69 Il peut sagir de linterdiction de licencier un salari pendant la priode dabsence pour accident du travail ou maladie. 70 Les clauses permettant le maintien du salaire pendant la maladie.

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et du chmage, ainsi que la constitution davantages sous forme de pensions de retraite,

dindemnits ou de primes de dpart en retraite ou de fin de carrire 71.

Dans cette optique, le droit du travail emploie dsormais lexpression de garanties collectives

plutt que celle de garanties sociales, pour exiger un certain nombre de prestations

supplmentaires de la part de lemployeur, au bnfice des salaris. Selon le Code du travail,

les garanties sociales sont l objet de la ngociation collective . Larticle L. 2221-1 de ce

code dfinit les rgles suivant lesquelles sexerce le droit des salaris la ngociation

collective de lensemble de leurs conditions demploi et de travail et de leurs garanties

collectives72. Les garanties sociales permettent dexiger des entreprises le versement de

certaines prestations complmentaires en plus de celles du rgime gnral. Cest en ce sens

que sinscrivent la portabilit des droits73 et les droits de tirage sur un fonds mutualis, en

dpit de la rupture du contrat de travail. La garantie sociale permet ainsi de prvenir certains

risques dont les salaris sont victimes. Par consquent, les salaris qui ont perdu leur emploi

peuvent bnficier des actions de formation prises en charge par un fonds74. La garantie en

droit du travail reprsente des mcanismes collectifs de couverture des risques tels le non-

paiement des crances salariales75.

II. Lmergence de la garantie des crances salariales

5.- Raisons et protection des salaires. La crance de salaire na pas la mme nature juridique

que la crance civile, elle est une crance sociale qui permet au salari de subvenir ses

besoins vitaux et ceux de ses proches. Cest pourquoi a t institu un mode de paiement

particulier des crances salariales lorsque lentreprise est solvable76, tant dans le cadre de la

71 C. sc. soc., art. L. 911-2 ; Cf., P. DURAND, De la convention collective de travail la convention collective de scurit sociale , Dr. soc. 1960, p. 42 ; J.-J. DUPEYROUX, Les exigences de la solidarit , Dr. soc. 1991, p. 741 ; J. BARTHLMY, Les spcificits dlargissement des accords collectifs , Dr. soc. 1997, p. 298 ; Paritarisme : le concept dans ses aspects juridique , Rev. politique et parlementaire, juill.-aot-sept. 2001, p. 17 ; Protection sociale complmentaire : champ de la rgle de neutralit fiscale et sociale des contributions , Dr. soc. 2006, p. 1026 ; Le contrat collectif de protection sociale , Les Cah. du DRH 2006, n 120; Accord de mensualisation et garanties collectives de prvoyance , Dr. soc. 2007, p. 472 ; Quand les entreprises nont pas le choix de leur organisme de prvoyance , Les Cah. du DRH, oct. 2007, n 136, p. 39. 72 Cf, M. BORGETTO, R. LAFORE, R. RUELLAN, Droit de la scurit sociale, 17e d., Dalloz, coll. Prcis , 2011, p. 1024. 73 ANI du 11 janvier 2008, art. 14. 74 J. BERTHLMY, La notion de garantie sociale au Cur des transformations du droit social , Les Cah. du DRH 2008, n 147. 75 C. trav., art. L. 3253-6 : lassurance contre le risque de non-paiement de leurs crances . 76 C. trav., art. L. 3241-1 et s.

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rgularit ou de la scurit des modes de paiement que de la vrification77. Mais lorsque

lentreprise est insolvable, les rgles traditionnelles de paiement des crances de salaire ne

suffisent plus. Le droit civil sen est dabord occup en attribuant aux salaris les droits de

prfrence sur le patrimoine de lemployeur afin quils soient pays en priorit par rapport

aux autres cranciers de lentreprise. Cependant, lassise de ces droits prfrentiels sur le

patrimoine les rendait inefficaces lorsque ce patrimoine de lemployeur navait plus dactifs

suffisants. Le droit du travail a donc, ensuite, pris le relais. Il a concd aux salaris une

garantie originale qui prend en charge les crances salariales, lorsque lemployeur est

insolvable. Dabord, la protection spcifique des crances salariales a des raisons (A).

Ensuite, elle a commenc par la concession des privilges de droit commun aux salaris (B),

avant quil ne soit n, enfin, la garantie de lAssociation pour la Gestion du rgime de garantie

des crances des Salaris, dite AGS (C).

A. Les raisons de la garantie des salaires

6.- Une diversit de raisons. La protection des crances des salaris a des raisons ou des

justifications prcises. Trois raisons sont actuellement avances. Deux raisons sont plus

anciennes et une nouvelle qui montre linsuffisance des premires.

Premirement, la crance de salaire en particulier et la crance salariale en gnral bnficie

dune protection spciale en cas de procdure collective, en raison de sa nature alimentaire78.

Cette crance est assimile l aliment . Il faut donc donner quelques prcisions sur le

terme aliment . En effet, le droit civil emploie souvent le terme aliment pour

caractriser une prestation ayant gnralement pour objet une somme dargent, destine

assurer la satisfaction des besoins vitaux dune personne qui ne peut plus assurer elle-mme

sa propre subsistance 79. Ainsi, les aliments se situent dans un systme qui est fond sur un

devoir de solidarit familiale ; lascendant ou le descendant qui dispose de ressources doit

fournir celui, son parent ou alli qui est dans le besoin, une pension proportionnelle aux

besoins du crancier et aux ressources du dbiteur80. Il peut sagir dune pension alimentaire

que les enfants doivent verser leurs pre et mre ou autres ascendants qui sont dans le

77 J. PLISSIER, G. AUZERO, E. DOCKS, Droit du travail, 27e d., Dalloz, coll. Prcis , 2012, p. 901 et s. 78 C. SAINT-ALARY-HOUIN, Lefficacit des srets garantissant les crances salariales , Dr. soc. 1987, p. 842 et s. 79 Cf., S. GUINCHARD, T. DEBARD (dir.), Lexique des termes juridiques 2012, d., Dalloz, 2011, p. 52. 80 C. civ., art. 208 ; G. CORNU, Vocabulaire juridique, 9e d., PUF/ Quadrige, 2011, p. 55.

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besoin81 ou autres prestations. Mais la notion daliment est relative et englobe la nourriture, le

logement, lhabillement, les frais mdicaux, etc82.

La nature alimentaire du salaire vise celle qui rsulte en droit de la famille des besoins du

crancier et des ressources du dbiteur dans le cercle de la parent ou de lalliance 83. La

nature alimentaire assoit la place particulire quoccupe le salaire dans les ressources et

besoins du salari et de sa famille. En effet, le salaire remplit une fonction vitale au profit de

millions de travailleurs 84. Il a double finalit alimentaire : le salaire assure les conditions

dcentes de subsistance, dexistence au travailleur et sa famille85. Cette assurance des

conditions de vie est protectrice de la dignit humaine.

Un auteur a observ, cet gard, que la nature daliment est tendue tout ce qui permet de

vivre86. Le lgislateur na pas portant prvu, par exemple, la prise en charge par lAGS des

indemnits chmage qui ont sans conteste galement la nature daliment. Nanmoins, la

nature alimentaire de la crance de salaire ne doit pas tre prise intgralement dans le sens du

droit civil. Cest en effet une crance alimentaire particulire, sui generis87. La particularit de

la nature alimentaire de la crance du salari tient dune part lorigine de la crance88. La

crance de salaire ne nat pas dans un rapport de solidarit familiale89 comme la crance

civile, mais dans le cadre dune relation de travail. Les crances alimentaires ont t

multiplies en dehors de celles prvues par le droit civil90. Certaines crances sont qualifies

dalimentaires par rapport leur destination et non au regard de leur nature91. Il en est ainsi de

la crance de salaire qui se fonde dans le contrat de travail et non dans le devoir de solidarit

81 C. civ., art. 205. 82 Cf., G. CORNU, Vocabulaire juridique, prc., p. 55 ; J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, les personnes, la famille, d., 2004, p. 801 ; C. MEYER, Le systme doctrinal des aliments : contribution la thorie gnrale de lobligation alimentaire lgale, d., 2004, p. 29. 83 G. LYON-CAEN, prc., n 3. 84 G. LYON-CAEN, cit par C. SOUWEINE, Les crances rsultant du contrat de travail dans le redressement et la liquidation judiciaires, Thse Droit, Grenoble II, 1992, p. 2. 85 G. LYON-CAEN, cit par C. SOUWEINE, prc., p. 4. 86 J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, les personnes et la famille, prc., p. 671. 87 D. PALLANTZA, La crance de salaire, Thse, Paris I Panthon-Sorbonne, 2011, p. 114. 88 Cf., P. MALAURIE, H. FULCHIRON, La famille, 4e d., Defrnois, Coll. Droit civil , 2011, n 1740, p. 659. 89 Par exemple, C. civ., art. 212 (devoir de secours), art. 203 (obligation dentretien) ; Cf., J. CARBONNIER, Droit civil, t. 1, Introduction, Les personnes, La famille, lenfant, Le couple, PUF, coll. Quadrige Manuels , 2004, pp. 789 et s. 90 Cf., J. HAUSER, D. HUET-WEILLER, Trait de droit civil, La famille : fondation et vie de la famille, 2e d., LGDJ, 1993, vol. 1, p. 880 ; P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit civil, La famille, prc., n 1741, p. 659 ; M. KORNPROBST, Aliments, Rp. Civ. Dalloz 2005, p. 4. 91 J. PLISSIER, Les obligations alimentaires : unit ou diversit, Thse Lyon, sous la dir. M. Nerson, 1960, LGDJ, 1961.

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familiale. Les prestations de la scurit sociale sont en grande partie fondes sur la logique de

la solidarit nationale92. Il existe ici une sorte dextension du devoir de solidarit familiale. En

ce qui concerne la crance de salaire, elle ne rsulte pas de ltat besogneux du salari93, mais

de son droit au salaire qui rmunre sa force de travail94. Certains auteurs ont mis des

rserves sur la nature alimentaire du salaire95, malgr lexclusion de la nature civile la

crance de salaire96. Cela dit, la nature alimentaire de la crance salariale ne peut de nos jours,

elle seule, justifier la protection exorbitante accorde aux crances des salaris. Il a

galement t avanc pour justifier cette protection, le pouvoir exerc par lemployeur sur le

salari.

Deuximement, la crance du salari bnficie de la protection en raison du lien de

subordination qui met la personne pour le compte de qui le travail est effectu en position de

domination par rapport la personne qui excute le travail command. Le salariat tant

caractris par la subordination de la personne qui travaille pour autrui, le salari nest pas en

mesure dexiger ou de rclamer lemployeur le paiement de sa crance lchance

convenue97. La subordination juridique affecte la capacit du salari de faire valoir son droit

de crance. La rclamation de la crance pourrait tre considre par lemployeur comme un

comportement inconvenant ou dsagrable pouvant lamener utiliser son autorit, son

pouvoir de direction et son pouvoir disciplinaire contre le salari crancier98 ; celui-ci, de son

ct, peut craindre la perte de son emploi. Cest pourquoi les salaris bnficient dune

protection spcifique qui leur permet dobtenir le rglement des salaires sans se confronter

lemployeur. Cest le pouvoir de lemployeur qui est la source de la garantie du salaire.

En somme, la nature alimentaire de la crance de salaire et le pouvoir de lemployeur sur le

salari sont des raisons trs anciennes de la protection des crances salariales. Elles ne

92 G. HUTEAU, Scurit sociale et politiques sociales, 4e d., Dalloz Sirey, Coll. Universit , 2008, p. 11. 93 Cf., J. PLISSIER, Les obligations alimentaires : unit ou diversit, prc., p. 187. 94 C. RAD, SMIC et rduction du temps de travail : la politique des petites pas , Dr. soc. 1999, n 12, p. 986 ; A. MAZEAUD, Droit du travail, 7e d., Montchrestien, 2011, n 1116 et et s., pp. 614-615. 95 G. LYON-CAEN, Droit du travail, Le salaire, t. 2, d., Dalloz, 1981, p. 3 ; E. DOCKS et alii, Droit du travail, 5e d., Dalloz, Coll. HyperCours , 2010, n 305, p. 263. 96 P. RODIRE, Le salaire dans les crits de Grard Lyon-Cean , Dr. soc. 2011, n 1, p. 7. 97 D. NAZET-ALLOUCHE, Droit du travail et procdures collectives, thse Montpellier, 1983, spc., n 282. 98 A. JEAMMAUD (Coord.), Le pouvoir de lemployeur , Sem. soc. Lamy 2008, suppl. n 1340 ; E. LAFUMA, Des procdures internes, contribution ltude de la dcision de lemployeur en droit du travail, LGDJ, coll. Bibl. de droit social , 2008, t. 46 ; A. FABRE, Le rgime du pouvoir de lemployeur, LGDJ, Coll. Bibl. de droit social , t. 52, 2010.

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suffisent plus justifier la protection spciale des crances des salaris. Une troisime

justification a t annonce.

Troisimement, enfin, lextension du domaine dapplication des garanties de salaires montre

les limites des raisons apportes lexistence des garanties de paiement des salaires. Un

auteur a observ que la nature alimentaire et la subordination du salari lemployeur

ntaient pas susceptibles de justifier la situation remarquable des crances rsultant du

contrat de travail dans le redressement ou la liquidation judiciaire 99. Il estime que la

justification de la protection spciale des crances des salaris tient plutt au fait que plus

que toutes les autres crances, les conditions de rglement du passif salarial sont au cur du

processus de redressement de lentreprise . Ainsi, la volont de ne pas entraver le

redressement de lentreprise, priorit de la loi du 25 janvier 1985 serait le facteur le plus

explicatif du traitement particulirement favorable des crances rsultant du contrat de travail

dans la procdure collective .

La garantie des salaires est en dfinitive justifie par la nature alimentaire de la crance du

salari, le pouvoir de lemployeur et le service que le salari rend lentreprise. Mais, ces

raisons ne semblent pas toujours satisfaire la justification de cette protection exorbitante. La

protection dont bnficie le salari devrait se justifier par sa qualit mme, car le droit du

travail protge le salari par son statut en dpit de toute autre considration. En plus, toutes les

justifications invoques ramnent au statut de salari. Quil sagisse de la raison de la nature

alimentaire du salaire, de la subordination ou du profit tir par lentreprise de la prestation du

salari. En consquence, la crance de salaire et la subordination juridique sont profondment

lies au statut de salari.

En outre, la nature alimentaire de la crance salariale a une consquence importante sur la

procdure de vrification des crances des salaris. Du point de vue procdural, les salaris

sont ainsi dispenss de dclarer les crances100. Les procdures individuelles en cours qui les

opposent lemployeur la date du jugement douverture ne sont ni arrtes ni suspendues.

Leurs actions devant le conseil de prudhommes se poursuivent de plein droit101. De mme, la

99 C. SOUWEINE, Les crances rsultant du contrat de travail dans le redressement et la liquidation judiciaires, thse Droit, Grenoble 2, 1992, p. 4. 100 P. PETEL, Procdures collectives, 6e d., Dalloz, Coll. Cours , 2009, p. 212 ; A. BOYER, Crances de salaires et forclusion , Rev. proc. coll. 2011, n1, Focus, pp. 4-5. 101 C. com., art. L. 625-3.

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comptence pour trancher les litiges lis la dtermination et au rglement des crances des

salaris relve du conseil de prudhommes et non du juge commercial. Le statut de salari

dans lentreprise en difficult droge ainsi au statut des cranciers ordinaires de lemployeur

et le droit du travail infiltre le droit des entreprises en difficult pour le protger. En vrit, la

crance salariale a dans un premier temps t protge par les privilges de droit commun :

cest eux qui ont accord une protection primaire aux salaris. Mais ceux-ci nont pas suffi

protger efficacement les crances des salaris. Il a t cr ainsi une garantie originale pour

suppler leur inefficacit. Cette garantie mlange les techniques dassurance et de solidarit.

B. Une garantie suppltive des privilges

La crance de salaire est une dette de lemployeur vis--vis du salari. Il lui incombe en

principe de payer cette dette. Lorsquil est mis en procdure collective, les salaris bnficient

dsormais des privilges102 qui leur permettent dtre pays prfrentiellement par rapport aux

autres cranciers de lemployeur. Ces privilges sont assis sur son patrimoine et mritent

dtre identifis (1). Ces privilges sont toutefois apparus inefficaces : la garantie de lAGS

est venue les suppler. Elle intervient de faon subsidiaire, en cas dinsolvabilit de

lemployeur (2)

1. Lidentification des privilges de salaires

7.- Privilge gnral et superprivilge des salaris. La protection des crances des salaris a

commenc par lattribution dun privilge gnral. Le privilge gnral est le droit

appartenant un crancier dtre pay sur le prix de vente dun ou plusieurs biens du dbiteur

par prfrence dautres cranciers 103. Cest la loi du 28 mai 1838 qui a dabord accord ce

privilge aux gens de service . Il a ensuite t largi aux ouvriers dont lemployeur tait en

procdure collective. Il porte sur les biens mobiliers104 et immobiliers105 de lemployeur.

Cependant, le privilge gnral est apparu inefficace cause du faible rang quil occupe dans

le classement du paiement des cranciers de lemployeur.

102 tymologiquement, le mot privilge driv de privata lex , signifie une loi prise en faveur de certains. 103 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 9e d., Quadrige / PUF, 2011, p. 723. 104 C. civ., art. 2331, 4. 105 C. civ., art. 2375, 2.

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Par consquent, le superprivilge a t cr par le dcret-loi du 8 aot 1935, pour renforcer

lefficacit de la protection des crances des salaris106. Il permet ainsi une partie des

sommes dues aux salaris la date du jugement douverture de bnficier dun rgime spcial

de rglement. Aux termes de larticle L. 3253-2 du Code du travail, lorsquune procdure de

sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte, les rmunrations de

toute nature dues aux salaris pour les soixante derniers jours de travail sont, dduction faite

des acomptes dj perus, payes, nonobstant lexistence de toute autre crance privilgie,

jusqu concurrence dun plafond mensuel identique pour toutes les catgories de

bnficiaires. Ce plafond est fix par voie rglementaire sans pouvoir tre infrieur deux

fois le plafond retenu pour le calcul des cotisations de scurit sociale 107.

Les privilges de droit commun ont permis aux salaris dchapper la rgle dgalit qui les

mettait en concurrence avec les autres cranciers de lemployeur en recouvrant

prfrentiellement leurs crances108. Mais les privilges de droit commun savrent encore

insuffisants, soit que le rang est ngligeable, soit que les actifs ncessaires nexistent pas dans

le patrimoine de lemployeur pour les rgler. Ainsi, lindigence de lemployeur rduit

considrablement le gain des privilges qui garantissent les salaires.

2. Linefficacit des privilges de salaires

8.- Obstacles lefficacit des privilges. La protection du droit au salaire travers les

srets legales de droit commun est apparue inefficace. Leur efficacit sest heurte

plusieurs obstacles. Dune part, les srets de droit commun nemportent pas le rglement

rapide et effectif des sommes dues aux salaris parce que leur efficacit est dpendante des

actifs disponibles ncessaires. Or, lemployeur en procdure collective ne dispose pas souvent

des fonds ncessaires au dsintressement des salaris. De plus, sil existe de liquidits, les

dlais de rglement des crances sont lents. Par consquent, linsuffisance dactifs et la

lenteur des dlais de paiement ne concourent pas lefficacit de ces modes de protection des

crances des salaris. Les salaris ont besoin dun rglement rapide et effectif afin de subvenir

leurs ncessits lmentaires et celles de leurs familles. En ralit, les salaris ne

106 C. CALOMILI, Lefficacit du superprivilge des salaires , LPA, 11 fvr. 2011, n 30, pp. 20-25. 107 C. trav., art. D. 3253-1 et C. com., art. 625-7, 1. 108 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 2e d., PUF, 1987, p. 631.

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recouvrent pas une bonne partie des sommes dues qui reste dfinitivement impaye et,

linfime partie des crances qui est recouvre, demande un dlai trs long109.

Dautre part, les privilges de salaires subissent une double limitation qui fait obstacle leur

efficacit. En ce qui concerne la premire limitation, le privilge ordinaire et le superprivilge

ont dans un premier temps un rang dans le rglement des crances. Le privilge ordinaire,

lorsquil est assis sur les biens meubles, se trouve en concurrence avec dautres cranciers de

lemployeur qui devance le salari110. En revanche, lorsquil porte sur les biens immeubles, le

salari nest devanc que par les crances de frais de justice111. Sagissant du superprivilge, il

est une sret puissante qui nest prime que par les privilges spciaux.

Pour la seconde limitation, malgr leur dnomination, le privilge gnral (surtout) et le

superprivilge (dans une moindre mesure) couvrent un champ temporel dtermin. Le

bnfice du privilge gnral nest accord que pour la priode recouvrant les six derniers

mois de travail et le superprivilge les soixante derniers jours.

Au total, toutes ces limites de lefficacit des privilges des salaris ont conduit la cration

dun mcanisme original de garantie des salaires qui fonctionne partiellement sur le mode

dune assurance pour consacrer implicitement un vritable droit au salaire.

C. La naissance dun mcanisme collectif original de paiement des salaires

9.- AGS : un remde. Pour contourner les obstacles lefficacit des privilges qui sont assis

sur le patrimoine de lentreprise insolvable, lAssociation pour la Gestion du rgime de

garantie des crances des Salaris, autrement appele AGS a t cre par la loi du 27

dcembre 1973. Ce mcanisme parfois qualifi dassurance112 se superpose aux privilges et

nintervient qu en cas dinsolvabilit de lemployeur , cest--dire lorsque les privilges

ne sont pas mis en uvre pour les mmes crances. Comme garantie113, il est un mcanisme

109 Cf., Chiffres donns par F. DERRIDA, D. 1974, chron., note n 8, p. 120. 110 C. civ., art. 2331, 4 ; Ord. n 2006-346 du 23 mars 2006. 111 C. civ., art. 2375, 2 ; Ord. n 2006-346 du 23 mars 2006. 112 J. GHESTIN, P. LANGLOIS, Droit du travail, 3e d., Sirey, coll. Cours lmentaires droit- conomie , Paris, 1979, p. 185. 113 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 9e d., Quadrige / PUF, 2011, p. 436. Ce sont en effet des moyens juridiques permettant de garantir le crancier contre le risque dinsolvabilit du dbiteur , S. GUINCHARD (dir.), Lexique des termes juridiques, 16 d., Dalloz, 2007, p. 323.

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qui prmunit le salari contre la perte de sa crance en cas de dfaillance de lemployeur. Il

est en effet mis en uvre pour garantir les sommes dues aux salaris, y compris ceux dtachs

ltranger ou expatris114 en excution du contrat de travail115 dans le cadre dune procdure

de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ouverte lencontre de tout

employeur de droit priv116.

En effet, la garantie de lAGS a connu une volution extraordinaire ; elle est devenue la pice

matresse des procdures collectives117. Pendant longtemps, le droit des faillites118 ne

soccupait essentiellement que de sanctionner la personne qui faillissait119, en prvoyant des

sanctions pouvant aller jusqu la rduction en esclavage ou en une chose vendre, voire en la

tuant120. Le Code de commerce de 1807121 avait en effet ignor la qualit de crance

alimentaire et de lemploi. Le salari [napparat] pas en cette qualit dans le droit de la

faillite, malgr le caractre alimentaire de sa crance. Il n [est] quun crancier comme les

autres, qui [peut] seulement venir la distribution122 au marc le franc pour ce qui lui [est] d

en application du contrat de louage de services conclu avec le failli123 . Ce droit a largement

volu124 et les intrts des salaris y compris financiers sont pris en compte dans la nouvelle

114 C. trav., art. L. 3253-6. 115 C. trav., art. L. 3253-6. 116 J. VALLANSAN, Lvolution des personnes assujetties la procdure collective : 1985-2005, la loi du 25 janvier 1985 a 20 ans ! Entre bilan et rforme , Lamy Dr. aff., 2005, n 80 ; A. MARTIN-SERF, Lvolution lgislative et les conflits , Gaz. Pal., 2008, n 178, p. 9 ; D. TRICOT (dir.), Les entreprises en difficult : terre de conflits. Synthse des intrts contraires , Gaz. Pal., 2008, n 178, p. 99. 117 Cf., P. LANGLOIS, Le rglement des crances salariales dans le redressement judiciaire , Dr. soc. 1987, n spc. ; Y. CHAGNY, La situation des salaris de lentreprise en difficult , RJS 1999, 743 et 819. 118 R. SZRAMKIEWICZ, Histoire du droit des affaires, Montchrestien Domat, 1989 ; C. DUPOUY, Le droit des faillites en France avant le code de commerce, thse, LGDJ, Paris, Coll. Bibl. dhistoire du droit et droit romain , 1960. 119 J. PAILLUSSEAU, Du droit des faillites au droit des entreprises en difficult , tudes offertes Roger HOUIN, Dalloz-Sirey, 1985, p. 109-150 ; J. HILAIRE, Introduction historique au droit commercial, PUF, 1986, p. 305 et s. ; C. DUPOUY, Le droit des faillites en France avant le code de commerce, prc. ; D. DESURVIRE, Banqueroute et faillite. De lAntiquit la France contemporaine , LPA 1991, n 104, p. 12 ; M.-H. RENAUT, De la faillite la procdure de redressement ou de liquidation judiciaires , LPA 1998, n 14, p. 5-13 ; D. VIDAL, Droit des procdures collectives, Prvention, Conciliation, Sauvegarde, Redressement, Liquidation, d., Gualino, Paris, 2006, p. 18-19 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficult, 6e d., Montchrestien, 2009, p. 6 et s. ; P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procdures collectives, 5e d., Dalloz, 2009, p. 16 et s. 120 P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procdures collectives, 5e d., Dalloz, Coll. Dalloz Action , 2009, p. 15. 121 Y. GUYON, Une faillite au dbut du XIXe sicle selon le roman de Balzac Csar Birotteau , tudes offertes Alfred Jauffret, 1974, Facult de Droit dAix-Marseille, p. 377 ; J. VAN RYN, J. HEENEN, Principe, t. I, p. 28, n 14. 122 Nous ajoutons du produit des biens de son employeur dfaillant. 123 Y. GUYON, Une faillite au dbut du XIXe sicle selon le roman de Balzac Csar Birotteau , tudes offertes Alfred JAUFFRET, 1974, Facult de Droit dAix-Marseille, p. 377-391, spc. p. 384-385. 124 A. PUTTEMANS, in Bicentenaire du Code de commerce, pp. 36 et s. ; J.-L. SOURIOUX, La vie du mot commerce , in Livre du bicentenaire, pp. 53-60 ; J. VAN RYN et J. HEENEN, Principe, t. I, p. 4.

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conception des procdures collectives. De plus, le droit du travail compntre le droit des

entreprises en difficult pour assurer la protection des droits des salaris125. Un auteur na-t-il

pas observ que le droit des entreprises en difficult tait le cousin redout126 du droit du

travail, parce quil opre une exclusion de certaines rgles protectrices du salari pour tenir

compte des difficults conomiques de lentreprise ? Le droit des srets attribue les

privilges aux salaris afin de garantir le paiement de leurs crances127. Les salaris sont

dsormais traits en citoyens de lentreprise 128 et lAGS vient concilier des intrts de

sauvegarde de lentreprise, du maintien de lemploi et de lapurement du passif fixs par le

droit des entreprises en difficult129. Pour certains, lexclusivit de la gestion du mcanisme

de garantie des salaires par lassociation patronale exprimerait implicitement le rle

conomique de la garantie de lassurance garantie des crances des salaris130. Mais, on peut

aussi avancer que la prise en compte des intrts conomiques par lAGS nest que la

consquence de lmancipation du droit des entreprises en difficult. Le mcanisme de

garantie des salaires est un important facteur de paix sociale : elle est devenue un instrument

de la rorganisation des entreprises 131. Cest un anesthsiant qui va permettre de

remodeler une entreprise 132. Le mcanisme de garantie des crances salariales a t

consacr la suite dun mouvement social qui a marqu lhistoire. Toutefois, ce mcanisme

125 D. NAZET-ALLOUCHE, Droit du travail et procdures collectives, Thse Montpellier, novembre 1983, spc., p. 16 ; M. JEANTIN, Droit du travail et entreprises en difficult. Lapport de la rforme du droit de la faillite , Droit et conomie, juill. 1984, p. 9 ; P. LAFARGE, P. SAINT-GENIEST, Le nouveau rgime des procdures collectives et son incidence sur le droit du travail , Gaz. Pal., 1985, 2, doct., pp. 567-570 ; H. BLAISE, La sauvegarde des intrts des salaris dans les entreprises en difficult, loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et la liquidation judiciaire des entreprises , Dr. soc. 1986, pp. 449-457 ; O. BELLASSINOT, in Le redressement judiciaire et la procdure prudhomale : le principe de la comptence du juge du travail avec la loi n85-98 du 25 janvier 1985 (articles 123 127), Gaz. Pal., 1986, doct., pp. 590-597 ; M.-A. FRISON-ROCHE, Le caractre collectif des procdures collectives , RJ com. 1996, n 9/10, p. 293-301 ; R. VATINET, Lentreprise en difficult et ses salaris , Sem. soc. Lamy 2003, n 1140 suppl., Les lieux du droit du travail, Lentreprise ; J. PLISSIER, G. AUZERO, E. DOCKS, Droit du travail, 27e d., Dalloz, coll. Prcis , 2012. 126 A. MAZEAUD, Droit du travail, 7e d., Montchrestien, coll. Domat droit priv , 2010, p. 467 et s. 127 P. DELEBECQUE, Les srets dans les procdures collectives , JCP N 1986, I, p. 185 ; M. J. CAMPANA, La situation des cranciers garantis , RTD com. 1987, n spc., t. 2, p. 77 ; F. MACORIG-VENIER, Les srets sans dpossession dans le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises, Thse dact. Toulouse, 1992. 128 J.-C. MAY, La triple finalit de la loi sur le redressement et la liquidation judiciaires , LPA 1987, n 141, p. 18-24 ; P. LANGLOIS, Divorce du droit social et du droit du redressement judiciaire ?, Prospectives du droit conomique, dialogue avec Michel Jeantin , D. 1999, pp. 419-428. 129 J.-C. MAY, La triple finalit de la loi sur le redressement et la liquidation judiciaires , LPA 1987, n 141, p. 18-24 ; P. LANGLOIS, Divorce du droit social et du droit du redressement judiciaire ?, Prospectives du droit conomique, dialogue avec Michel Jeantin , D. 1999, p. 419-428, spc. p. 419. 130 S. DA ROCHA, Le rle de lAGS dans lindemnisation des salaris, sous la dir. de Bernard Bossu, Mmoire Master 2, Droit du travail, Lille 2, 2004, p. 20. 131 T. METEYE, Les conditions dintervention de lAGS , Dr. soc. 1987, p. 835. 132 M. HENRY, Le fonds national de garantie des salaires, outil de restructuration du capital , Dr. ouvr. 1984, p. 416.

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reste peu connu du grand public, parfois mme des salaris, alors quil est devenu un acteur

important de lactivit conomique.

10.- Dun mouvement social la garantie des salaires. Linefficacit des privilges de

salaires a t dvoile pendant le placement en procdure collective de lentreprise Lip. Un

auteur a estim que la garantie de lAGS tait lenfant naturel du conflit collectif 133, mme

si certains ont pens que la conscration de cette garantie nest pas la consquence du

mouvement Lip134. Il a t pourtant dclar par Georges POMPIDOU qu il y a un point sur

lequel laffaire Lip doit tre, pour le gouvernement, une leon, cest quelle a dmontr une

insuffisance de notre lgislation sociale en matire de faillite ; elle a dmontr quen cas de

faillite notre lgislation sacrifiait les travailleurs des priorits fiscales ou de scurit sociale,

ou quil y avait simplement les lenteurs de la justice en matire de faillite 135. Cette affaire a

rvl que dans 70% de cas des procdures collectives, les salaris ne pouvaient pas percevoir

la totalit de leurs crances, lesquelles restaient impayes cause de limpcuniosit de

lemployeur.

11.- Mise en place et gestion de lAGS. Dans la foule de cette affaire mouvemente, la loi

du 27 dcembre 1973136 a exig des employeurs linstitution de lAssociation pour la Gestion

du rgime de garantie des crances des salaris137. Cette loi est l acte de naissance de

lAGS . Dsormais, tout employeur de droit priv assure ses salaris, y compris ceux

dtachs l'tranger ou expatris mentionns l'article L. 5422-13, contre le risque de non-

paiement des sommes qui leur sont dues en excution du contrat de travail, en cas de

procdure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire 138.

Larticle 2 de la loi du 27 dcembre 1973 dispose que le rgime dassurance prvu larticle

premier sera mis en uvre par une association cre, dans le dlai dun mois dater de la

publication de la prsente loi, par les organisations nationales professionnelles demployeurs

133 G.-P. QUETANT, Un regard sur le contentieux prudhomal de lAGS , Sem. soc. Lamy n 1138, 6 oct. 2003, p. 27. 134 G. GORSE, Ministre du travail, Dbats parlementaires, Ass. Nat., sance du mercredi 21 nov. 1973, JO, 22 nov. 1973, p. 6219 ; G. DOMINGO, Le rgime de lassurance garantie des crances salariales, thse Droit priv, Univ. Robert Schuman, Strasbourg III, 1982, note n 2, p. 12. 135 G. POMPIDOU, Confrence de presse du 22 sept. 1973, cit par G. DOMINGO, in Thse Droit priv, Strasbourg III, 1982, p. 15. 136 L. n 73-1194 du 27 dc. 1973, JORF 30 dc. 1973. 137 Loi du 27 dc. 1973, art. 1er. 138 C. trav., art. L. 3253-6.

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les plus reprsentatives et agres par le ministre charg du travail . Le Conseil National du

Patronat franais (actuel MEDEF), la Confdration gnrale des Petites et Moyennes

Entreprises (CGPME) et la Confdration nationale de la Mutualit de la Coopration et du

Crdit Agricole (CNMCCA) ont cr lAssociation pour la Gestion du rgime de garantie des

crances des salaris. Il existe un conseil dadministration de lAGS qui est compos de seize

administrateurs du MEDEF, huit administrateurs de la CGPME et deux administrateurs de la

CNMCCA. Il est prsid actuellement par M. Jean-Charles SAVIGNAC de la Fdration

nationale des Travaux publics. Curieusement, il ny a aucun reprsentant des salaris

(syndicats ou reprsentants dans lentreprise) au sein du Conseil dadministration de lAGS,

alors que le mcanisme se veut paritaire, linstar de la scurit sociale139. Il est dclar

paritaire simplement parce que la gestion des cotisations et lindemnisation des salaris sont

confies lUNEDIC, qui est un organisme paritaire. En effet, lAGS a confi la gestion

oprationnelle du rgime de garantie, cest--dire lindemnisation des salaris par le biais de

centres oprationnels140, la Dlgation Undic AGS. Le paritarisme n de cette mission de

lUNEDIC nest cependant pas suffisant, car la fixation du taux de cotisation lAGS est

luvre du conseil dadministration au sein duquel, aucun reprsentant des salaris nest

prsent. Chose rare, les syndicats ne rclament dailleurs nullement leur implication dans cette

institution. Est-ce parce que les salaris ne cotisent pas au rgime de lAGS ? Ou parce que la

loi prcise que lAGS est une association patronale ? Pourtant, les consquences des

politiques menes par le conseil dadministration de lAGS sont importantes. Cette question

nest pas dbattue, alors que lobjectif dun quilibre stable du rgime peut conduire

envisager une gouvernance plus large qui inclurait les cotisations salariales, comme dans

certains pays de lUnion europenne.

Ainsi, le rgime de lAGS est financ par les seules cotisations des employeurs. Le salari

nest pas assujetti la cotisation pour bnficier de la protection de lassurance garantie des

salaires. Les cotisations sont calcules sur la base des rmunrations qui donnent lieu aux

contributions dassurance chmage. Cest lAGS qui fixe le taux des cotisations et qui a la

responsabilit de lquilibre du rgime de garantie. Le taux de cotisation est pass de 0,40%

139 Cf., M. LAROQUE, Lvolution des structures de gestion de la scurit sociale, d. Techniques et conomiques, Paris, 1994 ; R. RUELLAN, Qui est responsable de la scurit sociale ? , Dr. soc. 1995, p. 718 ; M. BORGETTO, Protger la dmocratie sociale ou dmocratiser la protection sociale ? , Regards CNESSS, 2001, n 19, p. 3 ; P. LANGLOIS, Partenaires sociaux et rgimes nationaux de scurit sociale, in Mlanges J.-M. Verdier, Dalloz, 2001, p. 67 ; J.-P. CHAUCHARD, Reprsentation collective et pro