4

Click here to load reader

La génération spontanée - s3.e-monsite.coms3.e-monsite.com/2011/02/24/01/La-generation-spontanee.pdf · La théorie biologique de la génération spontanée stipule que le monde

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La génération spontanée - s3.e-monsite.coms3.e-monsite.com/2011/02/24/01/La-generation-spontanee.pdf · La théorie biologique de la génération spontanée stipule que le monde

La génération spontanée

La théorie biologique de la génération spontanée stipule que le monde

inanimé peut faire apparaître de la vie. Il n'y a donc dans cette théorie aucune nécessité de la reproduction1 (sexuée2 ou pas3) dans la multiplication des êtres

vivants. Cette représentation peut faire sourire de nos jours alors qu'elle a été soutenue (et même âprement défendue) d'Aristote jusqu'à la fin du 19e siècle.

On se propose de déterminer l'origine de cette théorie, puis de noter les

différentes façons qu'ont eu les naturalistes au cours de l'histoire, de la justifier.

Il semble que c'est Aristote qui l'a énoncée le premier. En effet, son système philosophique décrit les mêmes causes aux phénomènes que l'on se situe dans le monde inanimé ou dans le monde animé: le mouvement des planètes est dû à

une âme, de la même manière que pour un être vivant. Il y a donc une continuité rigoureuse entre le monde inanimé et le monde animé: la vie peut donc apparaître

à partir du minéral. Dans « de la génération des animaux »4, Aristote décrit le processus de la génération spontanée avec comme moteur la chaleur qui permet

de conférer aux êtres vivants ainsi nés une âme. Ceci permet de concilier l'animisme avec la génération spontanée.

Dans un autre texte5, Aristote cite les espèces concernées: cela concerne les

testacés6, les méduses, les patelles7, les éponges, les insectes dont les poux8 et les puces9 produisent par reproduction des lentes qui ne donnent naissance à rien

d'autre10. Cette théorie s'intègre à sa description des échelles des êtres (minéral,

végétal, animal et parlant) puisqu'il existe une continuité entre elles. Le monde

vivant n'est donc pas séparé du monde minéral. Cette théorie n'empêche néanmoins pas Aristote d'envisager la reproduction sexuée comme une autre

possibilité de génération.

Après Aristote, vient Galien (149-200 après J.-C.) qui développe les

connaissances en anatomie humaine mais sans développer ou mentionner la

1. Même si celle-ci est systématiquement décrite que l'on admette ou pas la génération spontanée. 2. La reproduction sexuée nécessite deux géniteurs (mâle et femelle) qui vont produire chacun des cellules reproductrices

(spermatozoïdes et ovules) pour donner un nouvel organisme lors de la fécondation. 3. On parle dans ce cas de reproduction végétative: l'organisme de départ se scinde en deux pour donner deux nouveaux

organismes génétiquement identiques (les bactéries de façon générale, certains végétaux,...). 4. De la génération des animaux (III, 11,762a et 762b). 5. Histoire des animaux (V, 15-16, 547b-548a).

6. Animaux à coquille (du latin testa qui signifie « coquille »). 7. Terme qui désigner diverses espèces de gastéropodes ayant généralement en commun une coquille de forme grossièrement

conique. 8. Très petit insecte parasite sans ailes qui s’attache à plusieurs espèces d’animaux ou à l'homme, les poux sont dépourvus

d’ailes et sont de vrais parasites, dans la mesure où leur vie se déroule entièrement sur la peau de leur hôte et où ils sont

incapables de survivre beaucoup plus d’une journée privés de son contact. 9. Insecte parasite de très petite taille se déplaçant par saut et qui se nourrit du sang de l’homme et de divers animaux.

Les puces (ou Siphonaptères: du latin sipho qui signifie tube car les insectes de cet ordre possède des pièces buccales

possèdent un appareil piqueur-suceur) sont dépourvues d’ailes mais, contrairement aux poux, passent l’essentiel de leur vie

hors du contact direct de leurs hôtes. 10. Histoire des animaux (V, 31,556b).

Page 2: La génération spontanée - s3.e-monsite.coms3.e-monsite.com/2011/02/24/01/La-generation-spontanee.pdf · La théorie biologique de la génération spontanée stipule que le monde

génération spontanée.

Puis vient un auteur classique concernant la génération spontanée, c'est

Jean-Baptiste Van Helmont (1579-1644) qui remet en question une partie de la biologie aristotélicienne en soutenant le rôle essentiel de l'expérience dans la

découverte et non de la pratique de l'exercice du syllogisme. On lui doit les textes les plus célèbres. Pour comprendre la place de la génération spontanée chez cet

auteur, il faut comprendre comment celle-ci s'insère dans son système

d'explication de la nature. En effet, celui-ci considère que la nature est régie par un principe alchimique qu'il appelle « ferment »11 et qui constitue une sorte d'âme

de chaque chose (minéral, végétal ou animal). C'est à la fois une puissance matérielle et mystique. Ainsi, la terre possède la capacité de produire des êtres

vivants. Il expose dans son livre12 la recette de fabrication des souris13. Il rajoute en soutenant que c'est notre peau qui engendre les poux mais pas les puces : « Les poux s'engendrent en nous et sortent quelquefois de l’épiderme [...]. Mais

ils en sortent si petits qu'à grande peine les peut-on apercevoir; mais les puces prennent hors de nous le ferment de leur génération ».

Cela ne l'empêche pas, par ailleurs, d'envisager une reproduction sexuée qui est décrite sous l'influence essentielle de l'âme.

Le 17e siècle voit apparaître de nouvelles conceptions de la vie en réaction à la scolastique aristotélicienne. Descartes considère la vie comme étant intégrée à

une physique: les lois physiques s'appliquent également aux êtres vivants. La notion de vie disparaît donc 14 . Il traite dans ses ouvrages de reproduction humaine et d'embryologie15.

Toute la biologie du siècle suivant sera en réaction au modèle cartésien: mécanisme, vitalisme16, animisme17.

L'italien Francesco Redi découvre, en 1668, que les asticots ne naissent pas spontanément de la viande en décomposition mais d'œufs de mouches. Cette observation est essentielle car elle décrit que c'est une structure (l'œuf) qui est à

la base d'un être vivant. D'autres observations abondent en ce sens en 1667 18 , 166819 , 1677, et

182720. Malgré ces observations, la génération spontanée connaîtra des partisans jusqu'à la fin du 19e siècle.

Pour Maupertuis (1698-1759), l'embryologie est épigénétique (comme pour Descartes) c'est-à-dire qu'il y a formation d'un fœtus par apparition progressive

11Ce principe possède entre autres une origine biblique puisque leur présence est aussi expliquée par le pain azyme mentionné

dans le récit biblique témoignant ainsi de sa réalité (cf. André Pichot, Histoire de la notion de vie, page 240) 12Des principes de physique, Œuvres, 104. 13« ... si on comprime une chemise sale en la bouche d'un vaisseau, où il y ait du froment, dans une vingtaine de jours ou

environ, le ferment sorti de la chemise est altéré par l'odeur des grains, transmue le blé revêtu de son écorce en souris... »! 14André Pichot, Histoire de la notion de vie, pages 388-389. 15Les ouvrages sont: la description du corps humain, le traité de l'homme, et premières pensées sur la génération. 16C'est une force vitale qui est une propriété de la matière organique. 17

Forme particulière de vitalisme qui assimile la force vitale à une âme (cf. André Pichot, Histoire de la notion de vie, page

453) 18Sténon découvre l'existence d'œufs chez un poisson vivipare. 19Régnier de Graaf observe des follicules ovariens en les confondant avec des œufs. 20Découverte de l'ovule par Von Baer.

Page 3: La génération spontanée - s3.e-monsite.coms3.e-monsite.com/2011/02/24/01/La-generation-spontanee.pdf · La théorie biologique de la génération spontanée stipule que le monde

des structures. C'est par l'affinité des molécules et leur attraction (influence de Newton) que les semences peuvent former un fœtus. Ainsi, la génération spontanée est envisageable puisque c'est la matière (par ces molécules) qui

possède la faculté de former un être vivant. La différence importante avec Van Helmont est que la génération spontanée

n'est envisagée au 18e siècle uniquement pour des petits organismes dont les microscopiques. Celle-ci se justifie par l'observation et par un argument philosophique (la nature a une capacité créatrice)21. Elle s'oppose à la théorie de

la préformation22 qui considère que c'est Dieu qui possède la faculté créatrice. Cette génération spontanée est cette fois-ci plus précisément décrite car

elle découle d'observations : des microorganismes apparaissent à partir d'une infusion de plantes ou de viande. Une expérience célèbre a été réalisée par Needham (1713-1781): il a enfermé un suc de viande chauffé dans une fiole

fermée hermétiquement qu'il place sur des cendres chaudes et observa l'apparition de microorganismes. On lui reprochera de ne pas avoir assez chauffé

sa préparation pour éliminer totalement les germes (Spallanzani23 refit la même expérience avec un résultat opposé).

Stahl 24 (1660-1734) développe quant à lui la reproduction sexuée sans

mentionner la génération spontanée25.

Lamarck (1744-1829) admet la génération spontanée car celle-ci s'intègre parfaitement à sa conception naturaliste de la vie 26: il n'y a pas d'intervention

divine dans l'apparition des êtres vivants car la nature seule a la capacité de produire du vivant; la théorie transformiste qu'il développe décrit une complexification dans l'ordre d'apparition des êtres vivants c'est-à-dire que ce sont

les formes les plus simples (apparues par génération spontanée27) qui engendrent les plus complexes. Weismann (voir ci-après) soutiendra encore cette vision vers

la fin du 19e siècle pour rendre compte de l'apparition des premières formes de vie28.

La théorie cellulaire 29 marque un tournant important puisqu'elle stipule

qu'une cellule ne peut apparaître qu'à partir d'une autre cellule.

Claude Bernard (1813-1878) ne croit pas à la génération spontanée et contrairement aux préformationnistes 30 soutient une autre thèse pour rendre

21Needham (Nouvelles observations microscopiques, 216). 22Bonnet, Hoffman, Malebranche, Spallanzani! 23Lazzaro Spallanzani étudie et réfute la théorie de la génération spontanée des cellules en 1768. Son expérience prouve que les

microbes viennent de l'air et qu'ils sont tués par une ébullition. Ces travaux participent à la remise en cause de la théorie de

la génération spontanée dont la contestation ne verra son achèvement que bien plus tard grâce à Louis Pasteur. Spallanzani

effectue aussi des travaux expérimentaux sur la reproduction animale qui sont à l'origine de la découverte de la fécondation

externe chez les grenouilles et les crapauds. 24Stahl est celui qui a développé l'animisme (principe vital associé à une âme) au 18e siècle en réaction au cartésianisme. 25cf. André Pichot, Histoire de la notion de vie, page 493. 26cf. André Pichot, Histoire de la notion de vie, page 634. 27Conception typique du 18e siècle (voir plus haut). 28

C'est la conception de la biologie actuelle (voir plus bas) qui remonte au 18e siècle.

29Schleiden et Schwann fondèrent cette théorie en1839 : « la cellule est l'unité de base du vivant » (la première cellule peut

néanmoins apparaître spontanément). C'est en 1852 que fut démontré par Virchow, à partir de l'étude d'embryons, que les

cellules s'engendrent obligatoirement d'elles-mêmes. 30Cette théorie n'a plus de partisans au 19e siècle (André Pichot, Histoire de la notion de vie, page 752, note 28).

Page 4: La génération spontanée - s3.e-monsite.coms3.e-monsite.com/2011/02/24/01/La-generation-spontanee.pdf · La théorie biologique de la génération spontanée stipule que le monde

compte de l'apparition des caractères: il y a nécessité de recevoir les caractères par les parents, donc sans génération spontanée. Les textes31 de Claude Bernard annonceraient ce qu'on appelle aujourd'hui le programme génétique. De plus,

Claude Bernard admettait la théorie cellulaire.

Pasteur, dans les années 1860, démontre que les microorganismes ne

peuvent pas apparaître par génération spontanée en refaisant l'expérience de

Spallanzani. Il élabore ainsi les méthodes de destruction des germes bactériens présents sur toutes les surfaces.

Weismann (1834-1914) est un biologiste clé car sa biologie constitue pour

l'essentiel les concepts de la biologie actuelle 32.C'est à partir de lui que s'est

fondé le mouvement darwinien (ou darwinisme) en mettant en relation les lois de l'hérédité (lois de Mendel) avec la sélection naturelle. Admettant la théorie de

l'évolution, il adhère donc à la conception suivant laquelle les espèces dérivent les unes des autres: il y a donc une filiation des espèces qui apparaissent à partir

d'autres sans génération spontanée. Celle-ci sert uniquement à expliquer l'origine de la vie c'est-à-dire la première cellule.

La génération spontanée reste pour la biologie actuelle une manière d'expliquer l'apparition des premières formes de vie. Dans une conception matérialiste de la vie, celle-ci ne peut être apparue que par le jeu des conditions

physico-chimiques initiales. La vie ainsi apparue, par complexification des structures moléculaires, va se développer sous un autre mode de reproduction

plus efficace (la reproduction sexuée ou asexuée) avec disparition de la génération spontanée.33

31De la physiologie générale, 147-148. 32La séparation du soma (cellules spécialisées) et du germen (cellules germinales) et donc la non hérédité des caractères acquis. 33Cf.Campbell, Reece, Biologie, de Boeck université (2e édition), page 560.