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La theorie des quasi contrats, et plus specifiquement celle de la gestion d’affaires, permet de poursuivre le dedommagement du travail effectue par un prestataire nonobstant, par hypothèse, l'absence de fondement contarctuel. A propos de l'application de l'article 1372 du Code civil pour valider le droit a remunration du genealogiste sur le fondement de la gestion d'affaires...
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La Veille - n° 8 - mai 2008
1 Arrêt non publié rendu le 10 janvier 2006 par la 1ère Chambre Section A et 5ème Chambre réunies de la Cour d’Appel de BORDEAUX sur renvoi après
Cassation 1ère Chambre Civile 16 mars 2004 ayant cassé l’Arrêt rendu le 23 octobre 2000 par la Cour d’Appel de BORDEAUX sur un appel d’un Jugement
du Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX (Dordogne) en date du 4 novembre 1997 (affaire : ANDRIVEAU C/ DANIEL)
2 « Specialia generalibus derogant »
3 Ex. assainissement de pratiques douteuses et amélioration de la protection du consommateur
Agnès PROTONAvocat au Barreau de Grasse
La gestion d’affaires ou la rencontre du droit et de l’équité :
“tout travail mérite salaire”C’est en vertu de ce principe bien établi qu’il est parfois frustrant de constater qu’unepartie peut en toute impunité profiter du travail d’autrui sans bourse délier…
C’est sur la théorie des quasi contrats,
et plus spécifiquement celle de la ges-
tion d’affaires, qu’il faudra alors se pla-
cer pour que le prestataire puisse malgré
tout être dédommagé du travail effectué,
nonobstant par hypothèse l’absence de
fondement contractuel.
L’article 1372 du Code Civil permet
dans de telles circonstances de faire
prévaloir une résolution du litige
empreinte d’équité et, n’hésitons pas à
le dire, de moralité…
L’Arrêt rendu par la Cour d’Appel deBORDEAUX le 10 janvier 2006 sur ren-voi après Cassation1 illustre si besoin
était la pertinence de cet article bicente-
naire de notre Code Civil, dont la moder-
nité et l’adaptabilité demeurent d’une
étonnante actualité.
Il s’agissait en l’espèce de justifier le
droit à rémunération d’un Généalogiste
ayant révélé l’existence d’une succes-
sion ouverte aux deux neveux du défunt,
amenés à recueillir la succession de ce
denier décédé originairement sans héri-
tier connu en Hôpital Psychiatrique le
2 avril 1993.
L’un des ayants droit avait accepté en
toute bonne foi de contracter avec ce
Généalogiste le contrat de révélation
d’usage, ce qu’avait refusé son cohéritier.
Ce dernier avait alors procédé à diverses
investigations qui lui permirent de retrou-
ver la trace de l’oncle décédé, puis du
Notaire chargé du règlement de sa
succession. C’est uniquement parce
que le Généalogiste avait alerté l’héritier
indélicat de l’existence de cette succes-
sion ouverte et des droits qu’il y détenait
que celui-ci avait procédé aux investiga-
tions lui ayant permis in fine d’accéder
aux informations et de contacter les
interlocuteurs adéquats.
La Cour d’Appel statuant sur renvoi
après Cassation a confirmé le droit à
rémunération du Généalogiste sur le
fondement de la gestion d’affaires. Elle a
pour cela relevé qu’aucun contrat
n’étant intervenu entre le prestataire et
l’héritier indélicat, en ce cas «la rémuné-
ration du Généalogiste ne peut avoir
qu’un seul fondement de nature quasi
délictuelle, la gestion d’affaires régie par
les articles 1372 et suivants du Code
Civil, laquelle doit être utile au momentoù elle a été entreprise».
La Cour souligne alors «qu’il appartient
au gérant d’apporter la preuve de l’op-
portunité de son intervention».
La Cour tire de la chronologie des faits la
confirmation que le Généalogiste avait
démontré cette utilité, en relevant
notamment :
- qu’il résultait clairement que dans les
démarches entreprises par le Cabinet
Généalogique d’une part, par l’héritier
d’autre part, le premier a toujours pré-cédé le second… et a eu par consé-
quent un rôle causal dans les réac-
tions de l’héritier indélicat.
- que si par hypothèse ce dernier aurait
eu connaissance du décès de son
oncle, il n’était absolument pas
démontré qu’il ait eu connaissance deses droits dans la succession du
défunt.
La Cour en déduit pertinemment
qu’après avoir eu connaissance des
courriers du Cabinet Généalogique, l’hé-
ritier indélicat, alors assuré d’être l’héri-
tier de son oncle sur diligences duCabinet Généalogique… qui démon-trent ainsi toute l’utilité de leur inter-vention, s’est efforcé de bénéficier de la
succession de son oncle sans avoir àsupporter les charges de la révélation.
La Cour confirme à cette occasion qu’ilappartient bien au « gérant » d’appor-ter la preuve de l’opportunité de son
intervention. La Cour en conclut qu’en
l’espèce, le droit à rémunération du
Cabinet Généalogique doit donc être
reconnu. Le montant de la rémunération
alloué au prestataire dans cette affaire a
été chiffré au montant des honoraires
facturé au cohéritier de bonne foi en vertu
du contrat de révélation dûment régulari-
sé en son temps entre celui-ci et le
Généalogiste. Il est clair qu’en l’espèce
l’héritier indélicat avait tenté de « doubler »
le prestataire qui l’avait ainsi mis sur la
piste de cet «héritage surprise». La mora-
le était donc sauve, puisqu’il ne pouvait
qu’apparaître choquant de voir ainsi le
travail de recherches et d’investigations
du prestataire usurpé par l’un des héri-
tiers tandis que l’autre en assumait loya-
lement le coût. Il était non seulement illo-
gique que le prestataire ne soit pas rému-
néré de son travail, mais également que
le cohéritier de bonne foi soit le seul à
assumer cette légitime rémunération.
Si en l’espèce la morale est sauve, il
n’en va pas de même dans d’autres
situations où la profession du prestataire
est strictement réglementée, comme
l’est par exemple celle de l’Agent immo-
bilier. Il est pour le moins regrettable que
de tels « vecteurs d’équité » ne puissent
trouver application en matière de droit à
rémunération de cet intermédiaire, en
vertu du principe selon lequel les lois
spéciales dérogent aux lois générales2.
S’agissant de l’Agent immobilier, c’est
en effet la loi du 2 janvier 1970, dite loi
Hoguet, qui fait toujours échec à la
demande de rémunération de l’Agent
sur le fondement du quasi-contrat de
l’article 1372 du Code Civil.
Il est avéré que la réglementation des
professions présente d’indéniables
avantages3; il n’en ressort pas moins
qu’elle génère par ailleurs des effets «
secondaires » excessifs voire pervers à
l’encontre de certains professionnels,
que cette même réglementation enten-
dait initialement protéger de concurrents
aux pratiques douteuses et déloyales.
Mais nous voici largement sortis du
champ d’application de la gestion d’af-
faires et parvenus au seuil d’un tout
autre débat : des avantages et des
inconvénients de la réglementation pro-
fessionnelle…