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Université Lumière Lyon 2 2007-2008 Institut d’Etudes Politiques de Lyon Mémoire La gestion des remontées mécaniques par des opérateurs privés en délégation de service public Lagarde Lucie Séminaire : Les nouveaux partenariats public-privé Directeurs de mémoire : Alain Bonnafous, Pierre-Yves Péguy soutenu le 11 juin 2008

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Université Lumière Lyon 2 2007-2008Institut d’Etudes Politiques de Lyon

Mémoire

La gestion des remontées mécaniques pardes opérateurs privés en délégation deservice public

Lagarde LucieSéminaire : Les nouveaux partenariats public-privé

Directeurs de mémoire : Alain Bonnafous, Pierre-Yves Péguysoutenu le 11 juin 2008

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Table des matièresRemerciements . . 5Introduction . . 6I- Les contrats de délégation de service public: une tentative de régulation juridique d’unrapport potentiellement conflictuel . . 9

A- Un environnement juridique particulièrement contraignant . . 91- Les remontées mécaniques, un service public : le reflet de l’implication descollectivités de montagne dans leur développement . . 102- Les lois « Montagne » et « Sapin » bouleversent les modes de gestion desremontées mécaniques . . 12

B- Des acteurs aux intérêts potentiellement divergents . . 151- La gestion des remontées mécaniques, une activité particulièrementcontraignante . . 162- Une situation oligopolistique sur le marché des opérateurs privés . . 193- Des stations, des collectivités : à chaque situation des enjeux spécifiques . . 23

C- Pourquoi déléguer à un opérateur privé aujourd’hui ? . . 291- l’apport réel d’une gestion par un opérateur privé . . 292- Le recours au privé, opportunité pour les stations mais choix réservé aux plusperformantes ? . . 31

II- En pratique, la recherche difficile d’un équilibre entre autorité délégante et délégataire . . 34

A- Des contrats forcément incomplets . . 341- Une spécificité paradoxale des remontées mécaniques : la difficulté à se projeterdans la durée . . 352- De l’équilibre précaire entre professionnels et collectivités . . 39

B- Un problème évident de contrôle du délégataire . . 411- L’insuffisance des instruments de contrôle applicables aux délégations de servicepublic . . 422- peu d’incitations ou de contraintes envisageables . . 48

C- La nécessité de l’adoption d’une approche à la fois juridique et économique . . 541- l’adoption d’une démarche préalable d’évaluation économique du projet dedélégation . . 542- Mettre en place des mesures de contrôle du délégataire ad hoc : la nécessaireimplication des collectivités. . . 56

Conclusion . . 59Bibliographie . . 61

Entretiens réalisés : . . 61Ressources Internet . . 61Ressources institutionnelles . . 62Ouvrages : . . 63Articles . . 63

Annexes . . 65Annexe 1 : Entretien réalisé le 4 mars avec David Ligney, Directeur Général desServices de la commune de Chamrousse . . 65

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Annexe 2 : entretien réalisé le 24 avril avec Thierry Thomas, maire de la commune dePralognan . . 65Annexe 3 : Entretien réalisé les 15 et 16 mai 2008 avecStéphanie Lamouroux,directrice du service tourisme du Conseil général, responsable des syndicats mixtesd’aménagement de Pra Loup et du Val d’Allos . . 65Annexe 4 : Entretien réalisé le 20 mai 2008 avec Emmanuel Petit, conseilleradministratif et juridique au sein de l’ASADAC . . 65Annexe 5 : Entretien réalisé le 18 avril avec Jean-François Blas, Directeur généraledélégué de la Compagnie des Alpes (Domaines skiables) . . 66Annexe 6 : Entretien réalisé le 9 mai 2008 avec Blandine Tridon, Secrétaire Généralede la société Rémy Loisirs. . . 66Annexe 7 : quelques chiffres sur les remontées mécaniques . . 66

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Remerciements

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RemerciementsJe tiens à remercier tout d’abord les directeurs du séminaire Les nouveaux partenariats publics-privés, Pierre-Yves Péguy et Alain Bonnafous, pour la présentation de ce vaste domaine d’étuderéalisée au cours de ce séminaire, et les suggestions apportées tout au long de l’élaboration de cemémoire.

J’ai également beaucoup apprécié la grande disponibilité dont ont fait preuve toutesles personnes que j’ai sollicitées afin de les interroger. Les responsables de collectivités oudes opérateurs privés, ainsi qu’Emmanuel Petit de l’ASADAC ont systématiquement répondufavorablement à mes demandes et sont parvenus, quelles que soient leurs contraintes, à consacrequelques heures à notre entretien. Leur aide a été précieuse, et les informations recueillies grâceà eux forment la base de ce travail.

Les rencontrer m’a enfin permis de toucher du doigt quelques facettes de la réalité de la gestiondes collectivités de montagne, qui restent le plus souvent transparentes aux yeux d’un observateurextérieur. Qu’ils en soient remerciés.

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La gestion des remontées mécaniques par des opérateurs privés en délégation de service public

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Introduction

Pour 8,3% des français, vacances d’hiver riment avec séjour dans une station des Alpes,des Pyrénées, du Massif Central, du Jura ou des Vosges. Si un cinquième de ces visiteursne pratiquent pas de sports de glisse, ceux-ci sont la source principale de la fréquentationdes stations de sports d’hiver1. Mais qu’est-ce qu’une station de montagne? La définitiontechnique proposée par ODIT France est celle d’ «un ensemble de centres d’hébergementsdésservant le même domaine skiable élémentaire», c’est à dire «géré par un même

exploitant et pouvant être parcouru skis aux pieds 2 ».

Cette definition a pour avantage de pointer l’élément indispensable à l’existence d’undomaine skiable, la présence d’un exploitant, et de simplifier les cas dans lesquels unemême station est située sur le territoire de plusieurs collectivités. Elle a cependant pourfaiblesse de nier la liaison forte qui s’établit entre une station et les acteurs directementresponsables de son développement ou qui lui sont étroitement associés. Au premier rangde ces acteurs figurent les collectivités, souvent à l’origine de l’installation de la station, etlargement intéressées à son développement.

La France offre la plus grande superficie de domaines skiables au monde: 118 000hectares, soit 30% du domaine skiable européen3. Ces domaines constituent donc unélément structurant de développement du territoire. A ce titre, l’installation et la gestiond’appareils de remontées mécaniques est considérée comme un service public depuis19594. La loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection dela montagne, dite loi «Montagne» définit ainsi les remontées mécaniques: dans son article43: «Sont dénommées «remontées mécaniques» tous les appareils de transports publicsde personnes par chemin de fer funiculaire ou à crémaillère, par téléphérique, par téléskisou par tout autre engin utilisant des câbles porteurs ou tracteurs». Cette loi généralisele caractère de service public de cette activité pour toute exploitation, qu’elle relève d’unopérateur public ou privé. Le choix de la collectivité reste libre entre gestion en régie,délégation de service public dans le cadre d’une Société d’Economie Mixte (SEM) ad hoc,ou délégation à un opérateur privé. Dans la pratique, les travaux d’aménagement des pistessont le plus souvent joints à cette activité5. On parle alors de gestion de domaine skiable. Ladélégation de la gestion des remontées mécaniques ou du domaine skiable à un opérateur

1 ODIT France, Les chiffres clefs du tourisme de montagne en France, 2006, p13, 15.ODIT France est un groupement d’intérêtpublic regroupant l’Agence Française d’Ingénierie Touristique, l’Observatoire du Tourisme et le Service d’Etudes et d’AménagementTouristique de la Montagne (SEATM).2 ODIT France, Les chiffres clefs du tourisme de montagne en France,2006, p38.

3 ROLLAND,Vincent, Rapport au Premier Ministre sur l’attractivité des stations de sports d’hiver, 2006, p11.4 Conseil d’Etat, arrêt Commune d’Huez, 23 janvier 1959, recueil Lebon p67. Le Conseil d’Etat a admis dans cet arrêt que

la concession à une entreprise privée «de la construction et de l’exploitation d’un remonte-pente pour les skieurs (...) en vue del’équipement de la commune comme station de sports d’hiver et dans l’intérêt de son développement» contribuait à assurer «lefonctionnement d’un service public».

5 Sauf pour quelques exceptions, dont par exemple Val d’Isère.

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Introduction

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privé concerne 43,5% des stations. Un même pourcentage est géré directement par lescollectivités. 13% sont gérés par des SEM6.

L’objet de ce mémoire est l’étude des rapports qui s’établissent dans le cadre desdélégations de service public, définies par la loi «Sapin» comme « un contrat par lequelune personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a laresponsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement

liée aux résultats de l'exploitation du service 7 », entre des collectivités ayant le statut

d’autorité organisatrice dans le domaine des remontées mécaniques, et des opérateursprivés délégataires de ce service public, ou en passe de le devenir. Le champ retenu exclutdonc les concessions de délégation de service public passées entre une collectivité et uneSociété d’Economie Mixte. Dans ce cas-là, en effet, la collectivité reste potentiellementprésente dans les décisions de gestion courante du service. Les rapports qui s’établissententre la collectivité et la SEM intègrent peu d’éléments conflictuels. Créée à l’initiative de lacollectivité, cette société en intègre les objectifs.

Ce n’est pas le cas lorsque le délégataire est un opérateur privé. Cette solution peut êtrepréférée pour diverses raisons: présence historique du délégataire lors du développementde la station, recherche d’une gestion plus efficace, notamment en ce qui concerne lagestion du personnel ou la commercialisation de la station, ou d’un apport financier externeen raison de besoins d’investissement. Dès lors, c’est un partenariat étroit qui s’instaureentre opérateurs de remontées mécaniques ou de domaines skiables, et collectivitésorganisatrices. Déléguer à un opérateur privé la gestion des remontées mécaniques n’estpas un choix anodin. En effet, cette activité est cruciale pour garantir la fréquentation d’unestation de montagne au cours de la saison hivernale, qui constitue souvent la base del’économie locale. Et la mise en place de ce partenariat comporte des risques pour lesdeux parties. La saison 2006-2007 a montré que des variations importantes en matièred’enneigement pouvaient mettre à mal à la fois l’équilibre de certaines stations, mais aussicelui des opérateurs. L’opérateur privé Transmontagne, assurant la gestion de plusieursdomaines skiables, a ainsi fait faillite en octobre 2007. L’enneigement exceptionnellementfaible a entraîné une fréquentation en baisse dans plusieurs des stations gérées. Lasociété étant également impliquée dans une activité d’hébergement, les pertes enregistréesétaient trop importantes pour mener les préparatifs nécessaires à la reprise d’une saison.Les collectivités responsables des stations concernées ont alors dû choisir et mettre enplace une alternative en un temps record avant l’ouverture de la saison 2007-2008. Lesincertitudes croissantes en matière d’enneigement et la concurrence accrue entre stationsfrançaises, mais aussi européennes sur un marché devenu mature contraignent égalementles possibilités de développement du secteur. Dans ce contexte, le législateur a souhaité,en imposant la forme de la délégation de service public, instaurer un cadre strict censéorganiser un rapport équilibré entre autorités délégantes et délégataires. Or, opérateursprivés et collectivités ne partagent pas toujours les mêmes intérêts. Les premiers répondentà une logique de rentabilité de leur société, les seconds intègrent la notion d’intérêt généraldans les modaités de développement de la station dont ils ont la charge. Dans quelle mesurela gestion des remontées mécaniques en délégation de service public répond-elle auxenjeux qui s’imposent d’une part aux autorités organisatrices et d’autre part aux opérateursprivés ?

6 SNTF (Syndicat National des Téléphériques de France), Recueil d’indicateurs et analyses 2007, p11.7 Loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des

procédures publiques, article 38.

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La gestion des remontées mécaniques par des opérateurs privés en délégation de service public

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Ces enjeux sont multiples, et les définir requiert d’étudier plus en détail l’environnementdes stations de montagne et les contraintes imposées par l’activité de gestiondes remontées mécaniques elle-même. L’hypothèse d’une divergence d’intérêts entredélégataires et délégants devra donc être dans un premier temps étayée mais aussinuancée,avant de permettre une réelle évaluation des conditions créées par le cadre imposédes délégations de service public.

La démarche adoptée pour répondre à cette question a consisté à rencontrer desacteurs représentatifs de chaque partie aux contrats de délégation de service public.Trois responsables de collectivités (Chamrousse, Pralognan la Vanoise, Pra Loup et Vald’Allos) ayant expérimenté ou fonctionnant actuellement selon ce mode de gestion ontété interrogés. Les procédures de passation de délégation de service public ont étéparticulièrement évoquées, puisque deux des collectivités concernées ont récemmentchoisi une gestion en délégation de service public, ou étaient en cours de réalisationd’une telle procédure. Deux dirigeants d’opérateurs privés ont également été interrogés(Compagnie des Alpes, Rémy Loisirs), ainsi qu’un membre d’une association de conseil auxcollectivités (ASADAC8). L’apport décisif en matière de documentation a été apporté parvingt-cinq examens des comptes des collectivités locales impliquées dans la gestion desremontées mécaniques, ou avis rendus à la suite d’une saisine par le préfet, réalisés parles Chambres Régionales des Comptes concernées. Cette démarche comporte néanmoinsdes limites évidentes. Compte tenu de la très grande diversité des situations, évaluer lesrapports entre collectivités et opérateurs privés en général dans le secteur des remontéesmécaniques est par définition impossible. Une approche a minima nécessiterait la réalisationde monographies de stations représentatives. Les quelques entretiens réalisés et lesdocuments recueillis à l’échelle de ce mémoire permettent néanmoins de caractériser lesprincipaux paramètres qui organisent le rapport entre collectivités et opérateurs privés dansle cadre des contrats de délégation de service public.

Ce rapport est fortement conditionné par les spécificités relatives à la gestion desremontées mécaniques ou d’un domaine skiable dans son ensemble. Ces spécificitésconcernent la nature des acteurs en présence: appréhender une station de montagnesuppose d’inclure une grande variété d’intervenants économiques, politiques, civils quidessinent un environnement complexe. De ce fait, définir les objectifs des collectivitéss’avère parfois difficile. L’activité de gestion de remontées mécaniques produit égalementdes contraintes propres très fortes. Aux exigences très lourdes d’investissements s’ajoutentdans la période récente une incertitude grandissante en terme de régularité des résultats.L’environnement juridique tente alors de réguler un rapport potentiellement conflictuel entreautorité délégante et délégataire (I). L’examen de la mise en oeuvre des délégationsde service public souligne un problème constant en matière de partenariat public-privé:obtenir des relations équilibrées entre les deux parties au contrat, afin d’assurer d’unepart la qualité du service et d’autre part la rentabilité de l’activité pour l’opérateur privé.Un paradoxe apparaît: les contrats de délégation de service public devraient permettre uncontrôle réel du délégataire, mais ce contrôle n’est guère effectif: la portée des procéduresde mise en concurrence est réduite par le faible nombre de candidats potentiels, le suivide l’exécution des conventions est difficile. D’autre part, certaines contraintes introduitesrécemment semblent peu adaptées au secteur des remontées mécaniques. En pratique, larecherche d’un équilibre entre autorité délégante et délégataire s’avère difficile (II).

8 Agence Savoyarde d’Aménagement, de Développement et d’Aide aux Collectivités

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I- Les contrats de délégation de service public: une tentative de régulation juridique d’un rapportpotentiellement conflictuel

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I- Les contrats de délégation de servicepublic: une tentative de régulationjuridique d’un rapport potentiellementconflictuel

Quelles sont les logiques d’action des opérateurs privés et des collectivités supports destation ? Répondre à cette question implique d’examiner le contexte au sens large danslequel s’inscrivent les activités des délégataires et des collectivités. Ce contexte comprendd’abord l’environnement juridique, qui a connu de grandes évolutions depuis la création desstations de montagne. Il constitue le cadre formel dans lequel prennent place les relationsentre exploitants et autorités organisatrices. Le cadre issu des contraintes propres à l’activitéde gestion de remontées mécaniques est également un élément important de ce rapport.

Les opérateurs privés et les collectivités supports de stations présentent descaractéristiques propres qui conduisent au constat d’une divergence d’intérêt et de logiquede fonctionnement entre eux. Ces caractéristiques sont relativement aisées à définiren ce qui concerne les opérateurs privés, peu nombreux et répondant aux logiquesde développement des sociétés privées. Elles sont plus difficiles à cerner pour lescollectivités. Celles-ci peuvent être dans un premier temps différenciées suivant les enjeuxde développement propres des stations : les objectifs ne sont en effet pas les mêmes sila station considérée lutte pour maintenir son activité, ou s’il s’agit de la développer faceà la concurrence, notamment européenne. Dans un second temps, l’utilisation des travauxrécents sur l’application de la théorie de la gouvernance aux stations de montagne permet demettre en évidence la présence de plusieurs groupes d’acteurs dont les intérêts s’exprimentau travers de la collectivité. La prise en compte de ces intérêts permet de compléter lesobjectifs propres des collectivités.

Les objectifs des deux partenaires des délégations de service public divergent,mais l’apport d’un opérateur privé dans la gestion d’un domaine skiable reste réel. Acondition cependant pour les stations de présenter des garanties minimales en terme dedéveloppement futur, et notamment d’enneigement.

A- Un environnement juridique particulièrementcontraignant

La gestion de remontées mécaniques est entourée par un environnement juridiquecontraignant, au regard des conditions initiales dans lesquelles s’est développée cetteactivité. En effet, si des normes strictes ont été très vite édictées pour contrôler la sécuritédes appareils de remontées mécaniques mis en service, la liberté de l’initiative privéeprévalait jusqu’en 1985, malgré la possibilité pour les collectivités qui le souhaitaient

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d’exploiter directement un tel service, qui participait au fonctionnement du service public9.En 1993, après l’entrée en vigueur de deux lois majeures, les conditions d’exercice sontradicalement différentes pour les opérateurs privés. Ceux-ci doivent contracter avec lacollectivité, et se préparer à une éventuelle mise en concurrence pour assurer leur présence.

1- Les remontées mécaniques, un service public : le reflet del’implication des collectivités de montagne dans leur développement

Le développement des stations de montagne correspond à la volonté de l’Etat françaismais aussi des collectivités de créer des conditions favorables à leur essor économique,dans un contexte où les effets de la désertification rurale se faisaient sentir en montagne.L’implication des collectivités a été très variable, suivant le mode de développement adoptélors de la création des stations. Leur importance pour le développement local a néanmoinsconduit les collectivités à revendiquer une plus grande maîtrise de la politique touristiquemenée sur leur territoire.

a- Le développement initial des remontées mécaniques en France : uneinitiative privée en lien plus ou moins direct avec les collectivitésLe développement de chaque station est unique. Mais une typologie classiquepermet de dégager des périodes distinctes d’émergence des stations, correspondantschématiquement à des modes de développement différents.

Les premières stations des Alpes se développent sans plan préconçu. Ledéveloppement du ski est inattendu et très progressif. Aux quelques hurluberlus pratiquantce loisir avant la première guerre mondiale succèdent des habitués qui repèrentsystématiquement les sites skiables en altitude. Entre 1923 et 1936 sont mises en serviceles remontées mécaniques les plus célèbres : les téléphériques du Revard à Chambéry, deBellevue aux Houches, du Brévent à Chamonix….En 1936, 9 stations alpines possédaientau moins un téléski. Dans les Pyrénées n’existaient qu’un téléphérique deux chemins de ferà crémaillère et deux téléskis10. L’installation de ces infrastructures relevait soit de l’initiativepropre de la commune, soit de celle d’un propriétaire, qui exploite alors une ou plusieurslignes de remontées mécaniques à titre privé. Sur le territoire d’une même station peuventcohabiter plusieurs exploitants. La commune est souvent en position de force lorsqu’il s’agitde prendre des décisions relatives au développement de la station : elle fait face à unemultitude de partenaires plutôt dispersés.

Une nouvelle perspective apparaît après la Seconde Guerre mondiale. Le départementde la Savoie est précurseur, avec la création de la station de la station de Courchevel en1946. La création de cette station répond à la volonté affirmée des collectivités de s’impliquerdans le développement des stations. Un rapport rendu à cette occasion est éloquent :« Jusqu’ici (…), le Département intervenait pour prendre le plus souvent à son compte desdépenses parfois considérables pour les travaux routiers ou d’électrification. Ces travaux,non-rentables en eux-mêmes, permettaient à des particuliers ou à des sociétés, de réaliser

9 Conseil d’Etat, arrêt Commune d’Huez, 23 janvier 1959, Recueil Lebon p67.10 BALSEINTE, R, Les stations de sport d’hiver en France », Revue de Géographie Alpine, 1956, cité par KNAFOU, R, Les

stations intégrées de sports d'hiver : l'aménagement de la montagne à la française, Masson,Paris, 1985, p18. Seules trois stationspossédaient alors plus qu’un seul téléphérique ou un seul téléski : Chamonix (5 téléphériques, 1 téléski), Megève (2 téléphériques,1 téléski), Saint Gervais (2 téléphériques, 1 crémaillère).

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I- Les contrats de délégation de service public: une tentative de régulation juridique d’un rapportpotentiellement conflictuel

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des profits par l’exploitation, rentable celle-là, des hôtels, téléphériques, remonte pente desstations. (...)Le but que nous nous proposons, c’est de faire cesser une telle situation etde couper court à toute spéculation. Pour cela, nous vous proposons la mise en valeurcomplète, par le Département, d’une région entière, en exécutant non seulement les travauxde voirie, mais en prenant possession des terrains susceptibles de constituer des zonesd’habitation, de construire des remonte-pentes ou des téléphériques, d’établir des pistes ;en un mot, d’aménager une station de sports d’hiver qui apportera des possibilités de

revenus à notre collectivité, et augmentera son patrimoine 11 . »Le département est donc

maître d’ouvrage lors de la construction de Courchevel. Les communes concernées cèdentl’emprise foncière correspondant au domaine skiable de la station au département, quien exploite la totalité par le biais d’une régie départementale, le Service Public des TroisVallées12.

Enfin, la construction de stations dites « intégrées » est lancée à partir de 1962,la référence en ce domaine étant la station de La Plagne. Cette dernière période deconstruction des stations marque l’emprise d’un promoteur-concessionnaire unique chargéà la fois de la construction des immeubles de la station, mais aussi de tous ses équipements.La mise en place de ces opérations d’aménagement intégré n’a pas favorisé la clarté desmontages financiers, comme dans le cas de la station des Arcs. Le développement de cesstations est favorisé par le Plan Neige élaboré en 1970 par le SEATM (Service d’Etudes et

d’Aménagement Touristique de la Montagne) dans le cadre du IVème Plan. L’Etat met enplace une véritable politique d’aménagement de la montagne, avec pour but de lutter contrela désertification des territoires montagnards. Les collectivités concernées, et en premierlieu les communes, restent généralement en dehors de l’exploitation de ces stations.

b- L’affirmation du caractère de service public permet le retour descollectivités sur une question forte en enjeux de développementLe fait que dans de nombreuses stations la ou les collectivités concernées soient de faitécartées de la gestion du développement touristique de la station, et notamment de l’activitéde gestion des domaines skiables, a conduit les élus à revendiquer la maîtrise de cesopérations.

Les facteurs de développement économique apportés par les stations de sports d’hiveront conduit certaines collectivités à s’engager dans la création et l’exploitation de stations,comme le souligne la Chambre Régionale des Comptes de Provence-Alpes Côte d’Azur :« Les stations de sports d’hiver apparaissent souvent aux communes de montagne envoie de dépeuplement comme l’unique chance de survie face au déclin de leurs activitéstraditionnelles. L’aménagement et l’exploitation d’un domaine skiable représentent, à leursyeux, le moyen de créer des emplois sur place en valorisant les terrains et les activités

11 Extrait du rapport de M Sibue, au nom de la 3ème Commission du Conseil Général de Savoie, séance du 26 novembre 1945,cité par KNAFOU, R, , Les stations intégrées de sports d'hiver : l'aménagement de la montagne à la française, Masson,Paris,1978,p21

12 D’autre départements prennent une initiative similaire, bien que l’aménagement de la station se fasse selon des modalitésdifférentes. C’est le cas de la station de Chamrousse, initiée par un syndicat de communes et le département de l’Isère. Ce dernierprend en charge la maîtrise foncière du projet ainsi que les infrastructures de base, tandis qu’une société concessionnaire réalise lesinvestissements sportifs (dont les remontées mécaniques et l’aménagement des pistes) et immobiliers.

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locales. 13 » Si pour certaines collectivités la tentative s’est avérée difficile à supporter

financièrement, l’impact local du développement d’une station de sports d’hiver est réel. Lechiffre d’affaires global de l’économie des sports d’hiver pour la saison 2005-2006 est estiméà 6 milliards d’euros, soit 6% des revenus du tourisme. Selon Vincent Rolland, député deSavoie, « la contribution du secteur du tourisme à l’emploi en montagne est considérable

et se chiffre en plusieurs centaines de milliers d’emplois 14 . » De fait, 32% des emplois

dans les Alpes se trouvent dans les communes supports de stations15. L’aménagementtouristique conduit également à améliorer les infrastructures existantes.

En 1982, la loi Defferre transfère aux communes des compétences en matièred’urbanisme, soumises jusqu’alors à la tutelle de l’Etat. L’amorce de la décentralisationpermet aux communes de montagne de revendiquer la maîtrise des décisions en matière dedéveloppement local. La loi « Montagne » introduit le principe faisant des communes ou deleurs groupements les autorités compétentes en matière d’aménagement touristique. Celase traduit notamment par la refonte de la procédure UTN (Unité Touristique Nouvelle) à labase des opérations d’aménagement touristique. Cette loi introduit également un véritablebouleversement dans l’organisation de la gestion des remontées mécaniques.

2- Les lois « Montagne » et « Sapin » bouleversent les modes degestion des remontées mécaniques

L’exploitation d’appareils de remontées mécaniques n’était conditionnée en 1985 que parl’obtention des autorisations nécessaires notamment sur le plan de la sécurité. Initiativepublique et privée coexistaient, dans des contextes très différents : très petits exploitantsmettant en service un nombre réduit d’appareils, promoteurs chargés par ailleurs del’aménagement complet de stations intégrées. Ces derniers étaient le plus souvent liés parconvention avec le département ou la ou les communes concernées.

La loi « Montagne » puis la loi « Sapin » introduisent deux changements successifs dansl’organisation de l’activité. D’une part, les remontées mécaniques deviennent un transportpublic local à part entière, organisé par les collectivités dans le cadre de leur politiqued’aménagement touristique. D’autre part, les conventions conclues avec les collectivitésont une durée limitée et leur bénéfice est remis en cause par une mise en concurrencepériodique.

a- La loi « Montagne » introduit une révolution dans le secteur desremontées mécaniques :La loi « Montagne » donne à toutes les collectivités supports de stations le statut d’autoritésorganisatrices de leur développement touristique. Compte tenu du caractère de servicepublic reconnu à l’activité de gestion des remontées mécaniques depuis 1959, certainescollectivités exerçaient déjà cette prérogative en gérant les remontées mécaniques sous laforme d’une régie.

13 Les stations de sports d’hiver en Provence Alpes Côte d’Azur, in Rapport public annuel de la Cour des Comptes de 2000,2001, p 812

14 ROLLAND, Vincent, Rapport au Premier Ministre : Attractivité des stations de sports d’hiver : reconquête des clients etcompétitivité internationale, 2006, p15.

15 ODIT France, Les chiffres clefs du tourisme de montagne en France, 2006, p30

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I- Les contrats de délégation de service public: une tentative de régulation juridique d’un rapportpotentiellement conflictuel

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La loi « Montagne » reconnaît dans son article 1er que «la politique de la montagne apour finalité de permettre aux populations locales et à leurs élus d’acquérir les moyens dela maîtrise de leur développement en vue d’établir, dans le respect de l’identité culturellemontagnarde, la parité des revenus et des conditions de vie entre la montagne et les autresrégions. Elle se fonde sur la mise en valeur optimale des potentialités locales ». La traductionde ce principe en matière de gestion des remontées mécaniques bouleverse ce secteurd’activité:

Article 42 : «En zone de montagne, la mise en œuvre des opérations d’aménagementtouristique s’effectue sous le contrôle d’une commune, d’un groupement de communes oud’un syndicat mixte regroupant des collectivités territoriales. Sauf recours à la formule de larégie, cette mise en œuvre s’effectue dans les conditions suivantes :

- Chaque opérateur doit contracter avec la commune ou le groupement de communesou le syndicat mixte compétent

- Chacun des contrats porte sur l’un ou plusieurs des objets constitutifs de l’opérationtouristique : études, aménagement foncier et immobilier, réalisation et gestion deséquipements collectifs, construction et exploitation du réseau de remontées mécaniques,gestion des services publics, animation et promotion (…). »

Art 46 : « Le service des remontées mécaniques est organisé par les communes sur leterritoire desquelles elles sont situées ou par leur groupement (…). »

Art 47 : « L’exécution du service est assurée soit en régie directe, soit en régie parune personne publique sous forme d’un service public industriel et commercial, soit parune entreprise ayant passé à cet effet une convention à durée déterminée avec l’autoritécompétente.

La convention est établie conformément aux dispositions de l’article 42 et fixe la natureet les conditions de fonctionnement et de financement du service. Elle définit les obligationsrespectives des parties (…). Elle peut prévoir la participation financière de l’exploitantà des dépenses d’investissement et de fonctionnement occasionnées directement ouindirectement par l’installation de la ou des remontées mécaniques.

Dans un délai de quatre ans à compter de la publication de la présente loi, toutes lesremontées mécaniques qui ne sont pas exploitées directement par l’autorité compétentedoivent faire l’objet d’une convention conforme aux dispositions de la présente loi.

Toutefois, si à l’expiration du délai de quatre ans, du fait de l’autorité organisatriceet sans qu’elle puisse invoquer valablement la responsabilité du contractant, la mise enconformité de la convention antérieurement conclue n’est pas intervenue, cette conventioncontinue de produire ses effets pour une durée maximale de dix ans. »16.

Les communes ou leurs groupements sont donc les autorités organisatrices en ce quiconcerne l’aménagement touristique. Les groupements peuvent être une communauté decommunes, un syndicat de communes, ou un syndicat mixte impliquant le département.

La notion de service public utilisée auparavant pour la qualification de la gestion desremontées mécaniques n’impliquait pas de contrainte en matière d’organisation de cetteactivité tant qu’elle relevait de l’initiative privée. La loi « Montagne » en fait un service detransport public à part entière, en se référant à la loi sur les transports intérieurs du 30décembre 1982 (loi n°82-1153).

16 Loi n°85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne

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La gestion des remontées mécaniques par des opérateurs privés en délégation de service public

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L’article 46 fait des communes ou de leurs groupements, dans le cas d’un domaineskiable établi sur le territoire de plusieurs communes, l’autorité organisatrice des remontéesmécaniques, intégrées aux activités d’aménagement touristique. La loi fait cependant uneexception pour les stations gérées avant 1985 par les départements, qui restent sous leurautorité.

L’article 47 de la loi introduit clairement la notion de contractualisation obligatoire entreles communes ou leurs groupements, et les exploitants. Cette contractualisation n’a pasencore le nom de délégation de service public, créé par la loi « Sapin », mais elle en prend laforme. Les contrats peuvent être des concessions, lorsque l’opérateur privé prend en chargeles investissements, ou d’affermage lorsque seuls les coûts d’exploitation et d’entretiencourant sont à sa charge.

Cette transformation a été vécue par les exploitants « historiques » comme une véritable« nationalisation » de leur outil de travail. Blandine Tridon, Secrétaire générale de la sociétéRémy Loisirs, souligne les implications de la loi « Montagne » pour son fondateur. « RémyLoisirs à l’origine est un privé qui a créé une station dans les Vosges. Là, on est avant lesdélégations de service public. La loi Montagne en 1985 a en quelque sorte « nationalisé »les remontées mécaniques. Je dis cela parce qu’à l’échelle du fondateur de l’entreprise,qui avait tout créé, tout à coup on lui a signifié qu’il n’y avait plus de fond de commerce.

Donc il y a eu un vrai choc au niveau de ces générations-là d’entrepreneurs. 17 » En effet,

l’opérateur privé qui avait développé une activité de sa propre initiative n’est plus maître desa présence ou non sur le terrain. L’autorité organisatrice définit avec lui par une conventionles modalités de son activité.

De plus, une limite de la durée de ces conventions est instaurée par l’article 42 :« La nature de ces contrats est modulée en fonction de la nature et de l’importance desinvestissements consentis par l‘aménageur ou l’exploitant. Elle ne peut excéder dix-huit ansque si elle est justifiée par la durée d’amortissement technique ou lorsque le contrat portesur des équipements échelonnés dans le temps. Elle ne peut, en aucun cas, être supérieureà trente ans ». Nombre d’opérateurs impliqués dans des opérations de grande envergureétaient engagés dans des conventions d’une durée très longue. Le contrat initial liant lacommune de Villard de Lans à la Société d’équipement de Villard de Lans prévoyait ainsiune durée de 75 ans18.

Les contraintes introduites sont donc très importantes au regard de la situationprécédant la mise en place de la loi. Elles sont accrues rapidement par la mise en place dela loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de lavie économique et des procédures publiques, dite loi « Sapin ».

b- La loi « Sapin » complète ce bouleversement en introduisant uneprocédure de concurrence obligatoireLa constitution de concessions à durée limitée signifie que leur renouvellement devientune période cruciale pour les opérateurs privés, qui prennent le risque d’être évincésde l’exploitation des remontées mécaniques. La mise en place et le renouvellement descontrats de délégation de service public sont rendus plus contraignants par l’introductiond’une procédure de mise en concurrence systématique. L’article 38 de la loi « Sapin »

17 Entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008. Voir Annexe 6, p 129.18 Chambre Régionale des Comptes de Rhône-Alpes, observations définitives sur la gestion de la commune de Villard de

Lans à partir de 1989, 1998, p6.

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I- Les contrats de délégation de service public: une tentative de régulation juridique d’un rapportpotentiellement conflictuel

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prévoit : « (…) Les délégations de service public des personnes morales de droit public sontsoumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentationde plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil

d'Etat. 19 »

De fait, cette remise en concurrence introduit un risque réel pour les opérateurs privés,qui ne sont pas assurés de conserver la possibilité d’exercer leur activité. Mais encore faut-il que cette procédure soit respectée pour que ses effets soient réels. Des procédures decontournement ou d’anticipation ont conduit à minorer dans un premier temps l’étenduede la portée de la loi « Sapin 20». Des efforts récents d’éclaircissement du droit applicableconduisent à rendre plus difficile d’échapper aux remises en concurrence. Le principe deremise en concurrence régulière des conventions de délégation de service public tenddonc à prévaloir aujourd’hui. C’est ce qui fait dire à Jean François Blas, directeur déléguéde la Compagnie des Alpes: «[la re-négociation de contrats arrivés à leur terme ] estle point crucial de notre métier.(…) Certains ont déjà été prolongés. Le problème, c’estque maintenant il y a une qui date d’il y a 5-6 ans, normalement on n’a plus de droit deprolonger des contrats. C’est une conséquence de la loi Sapin, qui dit qu’il faut remettre enconcurrence à chaque fois normalement à l’issue de la concession. Dans notre métier, onessaie de ne pas aller à la fin de la concession, puisque pour nous ce serait très embêtant.Ça veut dire qu’à la fin de la concession, la commune peut reprendre l’exploitation ou laredonner à quelqu’un d’autre, mais avec des indemnisations qui sont relativement faibles,qui dépendant des contrats, mais la plupart du temps c’est la valeur nette comptable desinstallations, ce n’est donc pas beaucoup. Cela ne tient pas compte de la valeur économique

de la société. 21 »

Du côté des collectivités, les dispositions de la loi « Sapin » renforcent leurs prérogativeslors de la conclusion des concessions de délégation de service public. À elles cependantde veiller à définir correctement un projet de développement du domaine skiable ou desseules remontées mécaniques, et à être en mesure de conduire les négociations précédantle choix définitif de l’opérateur. La mise en place de cette procédure ne vaut par ailleurs quesi une véritable concurrence peut s’installer entre opérateurs.

Autant de paramètres qui mettent en question la mise en pratique du cadre défini parl’environnement législatif. Cette pratique est fortement influencée par les caractéristiquespropres de l’activité de gestion de remontées mécaniques, et par la nature des acteurs enprésence.

.

B- Des acteurs aux intérêts potentiellement divergentsUn même ensemble de contraintes propres à l’exploitation des remontées mécaniquess’impose aux collectivités et aux délégataires. La connaissance de ces contraintes et deleur évolution peut pousser une collectivité à adopter une gestion déléguée. Par ailleurs,

19 Loi n°93-122 du 29 janvier 199320 Voir infra, p 55 et s.21 Entretien réalisé avec M Blas le 18 avril 2008. Annexe 5, p 124.

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La gestion des remontées mécaniques par des opérateurs privés en délégation de service public

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la position des opérateurs privés déjà délégataires ou susceptibles de le devenir n’est pasaussi claire qu’il peut le paraître. Leur petit nombre les place dans un contexte de marchéoligopolistique, voir monopolistique selon leur positionnement, mais ils font face dans lagestion des domaines skiables à d’autres sociétés qui réduisent leur marge de manoeuvrenotamment en matière de politique commerciale. Quant aux collectivités, elles ne font pasface aux mêmes contraintes selon la position de leur station sur le marché français eteuropéen. Elles sont également composées de plusieurs acteurs dont les intérêts peuvents’exprimer au travers des élus dans leurs rapports avec les délégataires.

1- La gestion des remontées mécaniques, une activitéparticulièrement contraignante

Deux caractéristiques doivent être soulignées. L’exploitation de remontées mécaniquesimplique une très forte intensité capitalistique, qui tend à s’accentuer récemment avec lamise en place de nouveaux types d’investissements et d’équipements. La commercialisationet la qualité du service apporté deviennent de plus en plus des caractères cruciaux dans cesecteur d’activité, compte tenu de la faible progression de fréquentation attendue dans lesprochaines années, notamment e ce qui concerne la clientèle française.

a- Une activité fortement capitalistiqueL’installation puis la gestion de remontées mécaniques est une activité très fortementcapitalistique. Ceci s’explique d’une part par le coût des appareils, et d’autre part par lesréglementations relatives à la sécurité imposant un entretien parfois lourd. À ces dépensestraditionnelles s’ajoutent des postes de dépense développés plus récemment, comme laneige de culture, l’aménagement des pistes (souvent inclus au sein de la convention dedélégation de service public) ou la signalétique.

Le parc français de remontées mécaniques est le premier au monde en terme denombre d’appareils, mais aussi de « moment de puissance22 », l’unité utilisée pour mesurerles capacités des installations23. En 2001, 4000 installations étaient en fonctionnement,soit 2912 téléskis, 857 télésièges, 142 télécabines, 63 téléphériques, 19 funiculaires,10 ascenseurs. Une station au domaine skiable modeste, comme Pralognan-la-vanoise,dispose de 12 appareils. Une station très importante comme La Plagne compte 51remontées mécaniques. Le nombre de ces installations doit être rapporté à leur valeur :aujourd’hui, un téléski de 200m de dénivelée et d’un débit de 900 skieurs par heure coûte 0,3millions d’euros. Un télésiège de 300 mètres de dénivelée et d’un débit de 1500 skieurs parheure coûte 1,5 millions d’euros. Une installation exceptionnelle (téléphérique, funiculaire)reliant par exemple deux domaines skiables peut nécessiter la mobilisation de plus de 15millions d’euros24.

L’installation de nouveaux appareils de remontée mécaniques ne correspond plus dansla plupart des cas à l’ouverture d’un nouveau domaine skiable ou à l’extension d’un domaine

22 Le « moment de puissance » est défini par le Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidéscomme la multiplication du débit théorique à la montée de l’installation et de sa dénivelée. Le Syndicat National des Téléphériquesde France introduit en plus un coefficient en fonction du type d’appareil considéré.

23 ODIT France, Chiffres clefs du tourisme de montagne, 2006, p 5224 Chiffres tirés de AMOUDRY, Jean-Paul, Rapport au Sénat sur l’application de la loi Montagne, annexe au procès-verbal

du 9 octobre 2002, pp179-181

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préexistant. Après avoir connu une très forte croissance jusqu’en 1990, le nombre deremontées mécaniques en fonctionnement reste stable, voire en faible diminution depuisprès de 20 ans25. La majeure partie des investissements concerne le renouvellement desappareils existants.

L’importance des investissements nécessaires explique pourquoi malgré la longuedurée de vie des équipements (30 à 35 ans pour un télésiège sans modification), lerenouvellement doit être progressif et si possible ne pas prendre de retard. Au coût initialdes installations s’ajoute celui des révisions et des contrôles imposés par les exigencesde sécurité. Le Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés(STRMTG) assure le contrôle régulier des installations. L’autorisation d’exploitation estconditionnée par ce contrôle, qui implique des grandes inspections coûteuses dont lafréquence augmente avec l’âge de l’appareil.

Aux appareils de remontées mécaniques s’ajoute enfin le matériel nécessaire àl’entretien des pistes en hiver et en été. L’exploitation d’une station de taille moyenne commeChamrousse nécessite l’emploi de cinq dameuses, chacune d’entre-elles valant 250 000 €.Les exploitants peuvent être amenés à louer ces appareils très coûteux26.

Ces dépenses traditionnelles dans le secteur des remontées mécaniques restent leposte le plus important. Cependant, depuis les années 1990, de nouveaux impératifsd’investissement sont apparus. Une succession de trois hivers à faible enneigemententre 1989 et 1991 ont convaincu les opérateurs de la nécessité de mettre en placedes mécanismes d’enneigement artificiel. Les perspectives de modification des conditionsclimatiques hivernales, si elles ne sont pas toutes concordantes, indiquent cependant dansle futur une augmentation des fréquences des saisons peu enneigées27. Des efforts ontégalement porté sur l’aménagement des pistes pour permettre une meilleure skiabilité avecun enneigement réduit. En 2006, les investissements en neige de culture et en travaux depistes représentaient 24% des investissements totaux, contre 48% pour la mise en placede nouvelles remontées mécaniques. Le Syndicat National des Téléphériques de France(SNTF) prévoit que la part des investissements en remontées mécaniques devrait diminuersensiblement dans les prochaines années au profit des investissements destinés à assurerun enneigement effectif28.

b- Une « course à la neige » sur un marché devenu matureComme le souligne à plusieurs reprises Emmanuel Petit, conseiller administratif et juridiqueauprès des collectivités au sein de l’ASADAC29, dans l’entretien réalisé, les délégationsde service public en matière de remontées mécaniques ont un caractère « industriel etcommercial » très marqué. En effet, les usagers du service public concerné sont loin d’êtrecaptifs, et les risques encourus par les opérateurs sont réels. « On est en dehors descompétences habituelles avec des clientèles captives, comme l’eau, l’assainissement, etc…Ce sont des délégations de service public, mais il n’y a plus grand-chose à réinventer dans

25 AMOUDRY, Jean-Paul, Rapport au Sénat sur l’application de la loi Montagne, annexe au procès-verbal du 9 octobre 2002,p180. En 1945, 50 remontées mécaniques existaient en France, 400 en 1960, 1809 en 1970 et 3270 en 1980. Depuis 1990, leurnombre est proche de 4000.

26 Voir l’entretien réalisé avec M Ligney, directeur général de la commune de Chamrousse, le 4 mars 2008, Annexe 1, p 90.27 Voir par exemple ODIT France, Les chiffres du tourisme de montagne , 2006, reproduit en Annexe 7.28 SNTF, Recueil d’Indicateurs et Analyses 2007, p21

29 Agence Savoyarde d’Aménagement, de Développement et d’Aide aux Collectivités

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La gestion des remontées mécaniques par des opérateurs privés en délégation de service public

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ce type de contrat, tandis que nous sommes dans des domaines atypiques, où le clientpeut aller dans une autre station à 15 kilomètres, avec un aléa climatique, des capacités

d’investissements… 30 »

Or, le plafonnement du nombre de remontées mécaniques nouvelles construites enFrance révèle la maturité atteinte par le marché des sports de glisse. L’augmentation de lafréquentation reste mesurée depuis les années 199031. Le taux de départ en stations resteinférieur à 9%.Les statistiques montrent par ailleurs que l’âge moyen de la clientèle desstations de sports d’hiver vieillit. Or, la pratique du ski alpin est fortement corrélée à l’âgedes visiteurs. L’évolution démographique pourrait donc conduire non pas à une baisse de lafréquentation des stations, mais à une diminution de la pratique du ski32. Il n’est pas certainque l’attrait des nouvelles glisses pour les jeunes compense ce phénomène. C’est surtoutla clientèle étrangère qui permet de faire augmenter la fréquentation globale. Cependant,celle-ci tend à être contrôlée par quelques tour-opérateurs qui centrent leurs partenariatsavec les grandes stations. Il devient donc crucial de développer une réelle stratégie decommercialisation à l’échelle européenne.

La clientèle française ou étrangère tend par ailleurs à devenir de plus en plus exigeanteen matière d’équipements disponibles. Les grands domaines reliés sont privilégiés ettendent à servir de standard pour juger les prestations des stations. Or, le confortsupplémentaire procuré par un système de contrôle de forfaits « mains libres », ou par untélésiège débrayable33 se traduit par un surcoût important pour l’exploitant de remontéesmécaniques : de 2,4 à 4,3 millions d’euros pour un télésiège débrayable, contre 1,7 millionsd’euros en moyenne pour un télésiège à pinces fixes34.

La concurrence a par ailleurs tendance à s’accroître. Les destinations « ensoleillées »sont souvent préférées aux stations de sports d’hiver. De nouveaux domaines skiablescaptent la clientèle étrangère, notamment en Europe centrale et orientale. L’Autriche sembleen capacité de concurrencer l’offre française tant pour la clientèle interne qu’externe35,notamment grâce à la réalisation d’interconnexions entre stations à la fois par les sommets,spécificité française jusque-là, et par les fonds de vallée.

L’exacerbation de la concurrence engage les stations de sports d’hiver dans unevéritable course à la qualité pour satisfaire au mieux la clientèle. Cette qualité concerne à lafois les remontées mécaniques elles-mêmes, avec l’installation d’appareils plus rapides etde plus grande capacité et fiabilité. Elle inclut également un effort de plus en plus importanten matière de signalétique sur les pistes36 . Enfin, la garantie de l’enneigement est privilégiéeavec le développement très important de la neige de culture37. Le durcissement du contexteconcurrentiel explique donc en partie la progression constante des investissements en

30 Entretien réalisé avec M Petit le 20 mai. Annexe 4, p 109.31 SNTF, Recueil d’indicateurs et analyses 2006, p16. Voir Annexe 7, p147.32 ODIT France, Chiffres clefs du tourisme de Montagne, 2006, p47.33 Les télésièges dits « débrayables » sont plus récents que les télésièges « à pinces fixes ». Généralement d’une plus grande

capacité, ils permettent aussi grâce à la technique utilisée une plus grande vitesse à la montée.34 Avis n°01-A-02 du Conseil de la concurrence relatif à l’acquisition du groupe Poma par la société Leitner, 13 février 200335 ROLLAND, Vincent, Rapport au Premier Ministre sur l’attractivité des stations de sports d’hiver, 2006, pp21, 26.36 Entretien avec Mme Tridon, Annexe 6, p 13637 Entretien avec M Blas, Annexe 5, p 123

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volume et de leur ratio par rapport au chiffre d’affaire réalisé par les exploitants publics etprivés38 . Par ailleurs, le parc de remontées mécaniques français a besoin d’être renouvelé.La première génération d’équipements date des années 1970. L’âge moyen des appareilsest de 25 ans, mais ce chiffre masque de grandes disparités selon les stations. Ainsi, « Dansles petites et moyennes stations, la moitié du parc est composée d’appareils de plus de30 ans, alors que les appareils récents, installés après 1995, ne représentent que 5% du

moment de puissance 39 ».Ces appareils récents représentent près de 45% du moment

de puissance dans les très grandes stations40.Le secteur des remontées mécaniques réclame donc plus que jamais d’avoir à

disposition des ressources importantes afin de pouvoir faire face aux éventuelles baissesde fréquentation dues à un hiver peu enneigé et d’avoir les capacités d’investissementnécessaires pour garantir le maintien de l’activité et la place de la station sur un marchéhautement concurrentiel.

Le cas de l’opérateur de remontées mécaniques Transmontagne est révélateur dela réalité de ces contraintes. Cet opérateur exploitait le domaine skiable de six stationsmoyennes principalement dans les Alpes ainsi que sept petites stations du Queyras, maiségalement des remontées mécaniques dans les Pyrénées et le Massif Central. Cette gestionétait le plus souvent déléguée à cette société par une SEM titulaire de la délégation deservice public41. L’exploitation des domaines skiables représentait 74% du chiffre d’affaire dugroupe, qui était également investit dans l’hébergement (14% du chiffre d’affaire), la locationde matériel de ski (5% du chiffre d’affaire)42. La société a éprouvé de graves difficultésfinancières à la suite du manque de neige pendant la saison 2006-2007, dues d’une partau manque à gagner en matière de vente de forfaits, mais aussi au faible remplissage deslits gérés. La société, mise en redressement judiciaire en juillet 2007, a déposé le bilan le

1er octobre 2007.La disparition de ce groupe a contribué à restreindre un marché des opérateurs déjà

fortement concentré.

2- Une situation oligopolistique sur le marché des opérateurs privésLa transformation des conditions d’exercice de la gestion de remontées mécaniques,tant sur le plan juridique que concurrentiel ou climatique a conduit à une concentrationdu secteur. Aujourd’hui, quatre grands groupes se partagent le marché. Une situationoligopolistique se dessine, voire monopolistique pour certains opérateurs au profil trèsspécifique. Il faut néanmoins souligner la place d’intermédiaires qu’occupent ces opérateursentre les usagers et ceux qui les font venir en station, c’est-à-dire les hébergeurs et les touropérateurs.

38 ODIT France, Chiffres clefs 2006 du Tourisme de Montagne, 2006, p42. Voir Annexe 7, p 142.39 ROLLAND, Vincent, Rapport au Premier Ministre sur l’attractivité des stations de sports d’hiver, 2006, pp12-13.40 ROLLAND, Vincent, Rapport au Premier Ministre sur l’attractivité des stations de sports d’hiver, 2006, p92. Voir Annexe

7, p 144.41 C’était le cas notamment dans les stations Superlioran et Pra Loup42 Chiffres extraits de la décision n° 07-D-14 du 2 mai 2007 du Conseil de la Concurrence, relative à des pratiques mises en

œuvre par la société Transmontagne, concessionnaire des remontées mécaniques de la station de ski de Pra Loup.

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a- Un marché partagé entre quatre groupes aux positionnements distincts :oligopole v. monopole ?Si l’on exclut les exploitants centrés sur une seule station voire une partie d’un domaineskiable, les opérateurs privés capables de répondre à un appel de mise en concurrencesont peu nombreux. Dans les Alpes, les quatre opérateurs principaux sont le Compagniedes Alpes, la société Rémy Loisirs, la SOFIVAL (Société Financière de Val d’Isère) et legroupe Maulin Montagne Participation. Avant octobre 2007 existait également le groupeTransmontagne. Dans les Pyrénées, la société Altiservice, filiale de l’entreprise la Lyonnaisedes Eaux, est seule présente. Cette situation, que l’on pourrait qualifier d’oligopolistique depar le nombre des acteurs présents sur le marché, ressemble plus de fait à un monopoletant les stratégies des opérateurs sont distincts. Leurs pratique des délégations de servicepublic est également très différente, selon leur mode de développement qu’elles ont adopté.

La Compagnie des Alpes est l’exploitant de remontées mécaniques le plus puissant aumonde. Cette filiale de la Caisse de Dépôts et Consignations a été créée en 1989 afin defédérer le marché des opérateurs de remontées mécaniques des grandes stations. Cotéeen Bourse à partir de 1994, la Compagnie des Alpes a basé sa croissance sur la prisede contrôle de sociétés exploitant les plus grands domaines skiables français : Tignes, lesArcs, La Plagne, Peisey-Vallandry, Les Menuires, Les Grands Montets, puis Méribel, GrandMassif, Serre-Chevalier. En octobre 2007, la Compagnie des Alpes a pris le contrôle dela STVI (Société des Téléphériques de Val d’Isère), exploitant des remontées mécaniquesde Val d’Isère, ainsi que des participations minoritaires dans les sociétés exploitant lesdomaines skiables des stations de La Rosière, Valmorel et Avoriaz. La Compagnie desAlpes détient également des participations minoritaires au sein de deux stations Suisseset une station italienne. Pour compléter l’activité d’exploitation de domaines skiables, la

Compagnie des Alpes a racheté en 2002 la société Grévin et Cie, gestionnaire de parcs deloisirs. En matière de remontées mécaniques, la stratégie de la société est de sécuriser saprésence en évitant si possible les procédures de remise en concurrence induites par lesdélégations de service public : « (…) dans tous les cas, on essaie de ne pas aller jusque-là ,donc de renégocier avant. C’est ce qui s’est fait il y a plusieurs années, à la fin des années1990. À Val d’Isère, ça a été fait dans les années 1991, on a repris 30 ans pour aller jusqu’à2021, Tignes dans les années 1995, La Plagne… Tout ça, à la fin des années 1990, on aréussi à reprendre 30 ans. Donc aujourd’hui, on a des concessions qui finissent entre le plus

proche 2017-2018 et 2027-2028 43 ». Les stations intéressant la Compagnie des Alpes

sont essentiellement des stations d’altitude, ayant de fortes capacités d’hébergement. Forceest de constater que les stations de ce type en France lui appartiennent en grande majorité.Les exceptions notables sont L’Alpe d’Huez, Courchevel, Val Thorens ou les Deux Alpes.

La prise de participation de la Compagnie des Alpes à hauteur de 60% au sein dela STVI puis à hauteur de 20% dans les stations de La Rosière, Valmorel et Avoriaz ainitié un rapprochement avec un autre opérateur, la SOFIVAL. Cette société familiale s’estdéveloppée progressivement à partir de la STVI. Elle est concessionnaire de l’ensemble deces domaines skiables, ce qui en faisait le deuxième opérateur français. Son développementreste centré sur la Savoie et la Haute-Savoie. Le rapprochement avec la Compagnie desAlpes permet à cette dernière de contrôler près de 38% du chiffre d’affaire des remontéesmécaniques françaises.

43 Entretien réalisé avec M Blas le 18 avril 2008. Annexe 5, p 124

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Dans le domaine des opérateurs s’intéressant aux stations de moyenne montagne,trois exploitants principaux sont présents. La société Altiservice exploite six stations dansles Pyrénées, mais n’a jamais répondu à un avis de mise en concurrence dans les Alpes.La société Rémy Loisirs exploite à ce jour 9 stations dans les Alpes. Cette société s’estdéveloppée dans un premier temps dans les Vosges, en exploitant deux stations. À partirde 1996, elle a entrepris de diversifier son activité géographiquement afin de mieux résisterà l’aléa climatique. Le rachat de la Société d’Economie Mixte de St François-Longchampslui a permis de faire ses preuves dans les Alpes. Par la suite, sa croissance a été effectuéepar des réponses aux avis de mise en concurrence. Cette société se positionne depuis2004 dans une approche de commercialisation capitalisant sur l’image de ses stations demoyenne montagne44. Enfin, le groupe Maulin Montagne Participation a fait son apparitionen 2004. Cette société familiale a procédé à plusieurs rachats et réponses à des avis demise en concurrence et a formé le domaine des Sybelles regroupant les stations du Corbier,de Saint Jean d’Arves et St Sorlin d’Arves. Le groupe Maulin a par ailleurs repris deux desstations gérées par le groupe Transmontagne lors du dépôt de bilan de ce dernier.

La situation des acteurs présents sur le marché montre une répartition claire entre lespositionnements des opérateurs. Le positionnement de la Compagnie des Alpes semble lamettre à l’abri de toute concurrence sérieuse dans le domaine de l’exploitation des domainesskiables de grandes stations notamment après sa prise de participation importante ausein de la SOFIVAL, à moins qu’un opérateur étranger ne se lance dans l’expérimentationdes délégations de service public à la française. En ce qui concerne les stations demoyenne montagne, la disparition du groupe Transmontagne a interrompu une période deconcurrence réelle dans ce secteur : « En 2004, c’est l‘arrivée du Groupe Maulin. Pendanttrois ans, on a eu de véritables mises en concurrence, avec une vraie émulation, sur Praz

sur Arly, St François Longchamps, Pralognan. 45 ». À présent, la présence de deuxgroupes ayant déjà atteint une taille relativement importante, proche de leur taille critique,semble peu apte à garantir une véritable concurrence lors des procédures de création oude renouvellement des délégations de service public.

b- La gestion des remontées mécaniques s’intègre au sein d’une chaîned’activités et d’opérateurs Faut-il cependant relativiser l’importance des opérateurs de remontées mécaniques dansle fonctionnement des stations ? La notion de chaîne d’acteurs responsables de lacommercialisation d’une station revient systématiquement dans les entretiens réalisés.Jean-Yves Rémy qualifie ainsi les opérateurs de remontées mécaniques de « sous

traitants », entre la collectivité et les hébergeurs 46 . Il faudrait ajouter à ces deux acteursla présence des tour-opérateurs. Il est cependant trop simple de décrire les exploitants deremontées mécaniques comme des intermédiaires dépendants de paramètres définis pardes agents extérieurs. Les exploitants ont développé des stratégies pour réduire fortementcette dépendance.

L’hébergement est un des paramètres essentiels dans l’évaluation de la capacité dedéveloppement d’une station. Ce qui compte n’est pas tant le nombre de lits disponibles

44 Entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 13145 Entretien réalisé avec M Petit le 20 mai 2008, Annexe 4, p114.

46 « Mon patron dit toujours que l’on est des sous traitants, entre la collectivité et les hébergeurs, qui sont les éléments déterminantspour amener les clients. » Entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 133

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pendant la saison hivernale, que la nature de ces lits. La présence de résidencessecondaires ne garantit guère le fonctionnement d’une station à sa pleine capacité. Leshébergements intéressants sont ceux qui comportent un grand nombre de lits en location,ou lits « chauds ». La présence de ces hébergements est un élément essentiel del’évaluation de l’équilibre économique des contrats de délégation de service public : « Pourexploiter tant de remontées mécaniques avec tant d’employés, il y a tant de charges, tantd’investissements, tant d’amortissements, et derrière il faut qu’on vende tant de forfaits.

Donc il faut avoir tant de lits touristiques. 47 » L’un des enjeux auxquels font face les

collectivités, et en conséquence les exploitants de remontées mécaniques, est le passaged’hébergements de la catégorie de lits « chauds » à celui de résidence secondaire aux« volets clos » à l’issue des baux conclu avec les propriétaires.

Les hébergements reflètent aussi la qualité de la station auprès des usagers, plus quela société de remontées mécaniques qui reste bien souvent transparente à leurs yeux :« On ne maîtrise donc pas beaucoup notre clientèle. Elle est liée à la qualité des lits, del’hébergement, et puis à la qualité de la station en général. Il n’y a pas la même clientèleà Val d’Isère, à Tignes c’est déjà un peu différent, aux Ménuires ça l‘est encore. Mais cen’est pas vraiment la société de remontées mécaniques. C’est la station, l’image qu’elle a

et la qualité d’hébergement qu’elle a. 48 »

À un bout de la chaîne, les collectivités doivent donc évaluer les possibilités de maintienet de développement de structures d’hébergement locatif dans la station pour garantir lafréquentation du domaine. Certaines font le choix d’autoriser un grand nombre de projetsimmobiliers. D’autres limitent ce développement en tentant de conserver l’image spécifiquede leurs stations. De plus en plus, les opérateurs exigent dans les contrats de délégation unegarantie en matière de réalisation d’un certain nombre de lits, par exemple en conditionnantleurs investissements à l’augmentation de la capacité d’hébergement de la station49.

Une fois la mise en place des lits assurés, l’étape de leur commercialisation est cruciale.Comme le souligne Blandine Tridon, « dans la plupart de nos stations, le ski séjour domine.Donc si on n’a pas un pied dans l’hébergement, on est en économie de cueillette. On ouvrele guichet et on attend que les clients arrivent. Les hébergeurs, qui ont su développer lastratégie de marque bien avant, ont un pouvoir de négociation. Ils peuvent orienter les

clients vers telle ou telle station. 50 ». Les hébergeurs sont en première position pour

commercialiser la station auprès des tour-opérateurs. Français ou Européens, ils sont peunombreux mais ils peuvent permettre d’assurer la renommée de la station et un relaisefficace auprès de la clientèle, notamment étrangère. Cette clientèle venant en séjournotamment hors des vacances scolaires françaises est un élément important pour assurerla fréquentation des stations dans les années moyennes51. Les opérateurs de remontéesmécaniques au sens strict ont des relations avec les tour-opérateurs et les hébergeurs lorsde la négociation des tarifs pratiqués en séjour. Les groupes Transmontagne et Compagniedes Alpes se sont investis dans les domaines de l’hébergement. Une des raisons de

47 Entretien réalisé avec M Thomas, maire de Pralognan la Vanoise, le 24 avril 2008, Annexe 2, p 98.48 Entretien réalisé avec M Blas le 18 avril 2008, Annexe 5, p 12249 Voir par exemple l’entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 138.50 Entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 13851 M Ligney souligne ainsi le rôle joué par la mise en place de nouveaux lits et l’arrivée d’une clientèle étrangère pour limiter les

pertes de la station de Chamrousse pendant la saison 2006-2007.Voir l’entretien réalisé avec M Ligney le 4 mars 2008, Annexe 1, p 89

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l’adjonction de cette activité à celle des remontées mécaniques est donnée par la sociétéRémy Loisirs, qui a également choisi de s’impliquer dans l’hébergement pour contrôler lesprix pratiqués par les hébergeurs auprès des tour-opérateurs.« Notre cœur de métier, c’estopérateur de domaines skiables. Mais on estime que pour être au courant du marché, il nousfaut de l’hébergement dans chaque station. On ne veut surtout pas de monopole, puisqu’onestime que plus on a d’hébergeurs, mieux c’est. Dans la mesure où ça tire la notoriété dela station. On accompagne les acteurs, on signe des contrats pour faire de la prévente deremontées mécaniques, etc, mais on ne veut pas se faire étrangler par eux. (…) Si l’onest totalement dépendants, il n’y a pas de porte de sortie du marché. Pour nous, avoir unerésidence dans chaque station nous permet d’aller sur le marché européen, voir les tour-opérateurs à notre échelle sans se mettre en risque économique. Nous avons donc des tarifsque n’importe quel hébergeur peut proposer s’il reste dans des proportions raisonnables

pour ses marges. Donc nous régulons le marché. 52 ». D’autre part, la société Rémy

Loisirs a mis en place un label de qualité regroupant l’ensemble des stations exploitées, surle modèle des « Chaînes thermales du soleil » afin de garantir une meilleure visibilité sur lemarché national et européen pour ces stations d’importance moyenne.

La « visibilité » est peut-être le mot clef de la stratégie commerciale des opérateurs deremontées mécaniques. Leur dépendance vis-à-vis des lits créés grâce aux autorisationsde la collectivité est réelle, mais cette contrainte tend à être intégrée aux contrats. De fait,la stratégie de commercialisation apparaît comme un élément de plus en plus important dumétier d’exploitant, que ce soit pour les grandes stations disposant d’une reconnaissanceimmédiate ou pour les stations moyennes qui doivent imposer leurs caractéristiques propressur le marché européen.

L’importance grandissante des négociations commerciales constitue une incitation deplus pour les collectivités à déléguer à un opérateur privé une activité à laquelle elles sontpeu préparées.

3- Des stations, des collectivités : à chaque situation des enjeuxspécifiques

Définir une typologie des stations françaises et des enjeux propres qui s’y rattachent estun exercice difficile, compte tenu de l’extrême diversité des situations et de la multituded’acteurs impliqués au sein d’une station. La notion de « gouvernance », appliquée depuisquelques années aux stations de sports d’hiver, semble pouvoir apporter une approche decette situation complexe.

a- Les stations de montagne françaises : un paysage très hétérogèneLes stations de montagne et les collectivités qui les supportent sont très hétérogènes. Lescritères de la modalité de création et du mode de gestion historique de la station ont déjàété évoqués53. Une typologie pertinente pour dégager les enjeux économiques s’imposantaux autorités organisatrices est celle des perspectives de développement des stations,qui tiennent à la fois de leur altitude, de leur nivologie, de leur capacités de maintien oud’extension de l’hébergement. En pratique, il s’agit de distinguer très grandes, grandes,moyennes et petites stations.

52 Entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 13853 Voir supra, p 10

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Le SNTF propose dans son enquête annuelle sur l’état des remontées mécaniquesle classement suivant de ses stations adhérentes, défini à partir de leur moment depuissance54 cumulé:

-113 Petites stations : moment de puissance inférieur à 2 500 m-sk/h-40 Stations moyennes : moment compris entre 2 500 et 5 000 km-sk/h-40 Grandes stations : moment compris 5 000 et 15 000 km-sk/h

-14 Très grandes stations : moment supérieur à 15 000 km-sk/h55

S’il peut paraître peu lisible aux non-initiés, ce classement permet de délimiter descatégories de base. Un résultat semblable aurait pu être obtenu en tenant compte dela surface des pistes disponibles, reflet de la taille du domaine skiable, ou bien de lafréquentation moyenne des stations. Mais compte tenu du coefficient appliqué par typed’appareil, ce classement permet de prendre en compte le niveau d’équipement des stationsmais aussi dans une certaine mesure son caractère plus ou moins récent. Une fois cescatégories posées, il devient possible de montrer les disparités de situation entre cesstations.

Les petites et moyennes stations apparaissent d’abord plus sensibles aux aléasclimatiques. Cela peut tenir à leur altitude, moins élevée en moyenne que celle des stationsde catégorie supérieure56, ou bien de leur moindre visibilité. Lors des mauvaises saisons,la clientèle a tendance à se reporter sur les grandes et très grandes stations en mesurede garantir la présence de la neige57. Ces stations sont ensuite en moyenne moins bienéquipées que les grandes et très grandes stations. Leur parc d’appareils est vieillissant etdes investissements lourds sont nécessaires58. Cependant, elles peuvent souvent comptersur une image de tourisme de qualité, plus familial que les grandes stations et se tournentvers l’offre de séjours multi-activités.

Les grandes et très grandes stations ont généralement pour principal atout la garantied’un domaine enneigé59 donc une moindre fluctuation du chiffre d’affaire lors des mauvaisessaisons, une visibilité nationale voire internationale et des équipements plus récents. Ellessont confrontées plus directement à la concurrence de stations étrangères notamment pourla clientèle européenne.

Enfin, les stations peuvent être différenciées selon leur clientèle. Celle-ci peutêtre de proximité, c’est-à-dire venant d’une ou de plusieurs agglomérations prochesessentiellement lors de journées ou de week-ends. La clientèle peut également venir enséjour. Selon l’importance de la clientèle de proximité, les stations sont plus ou moinstributaires de l’aléa climatique en terme de neige, mais aussi de beau temps lors des week-

54 rappel : le moment de puissance (débit théorique à la montée x dénivelée) utilisé par le SNTF incorpore un coefficientindiquant le type d’appareil utilisé. Par exemple, coefficient 3 pour un téléphérique, 1 pour un téléski.

55 SNTF, Recueil d’indicateurs et analyses 2007, p2956 D’après l’étude du SNTF réalisée en 2007, l’altitude moyenne des stations selon leur catégorie est de 1463m pour les petites

stations, 1622m pour les stations moyennes, 1794m pour les grandes stations, 2103m pour les très grandes stations. Cette moyennecache cependant des disparités assez fortes. Recueil d’indicateurs et analyses 2007, SNTF, p14

57 Recueil d’indicateurs et analyses 2007, SNTF, p1358 ROLLAND, Vincent, Rapport au Premier Ministre sur l’attractivité des stations de sports d’hiver, p1359 Là encore, des contre-exemples existent, comme Serre Chevalier qui a connu des difficultés d’enneigement à plusieurs

reprises.

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ends et vacances scolaires. Comme souligné précédemment, la présence d’une clientèleétrangère de séjour permet d’assurer une fréquentation minimum des stations tout aulong de la saison. De grandes stations peuvent bénéficier d’une clientèle de proximitédéveloppée, et des stations moyennes comme Pralognan compter essentiellement sur uneclientèle de séjour. Mais en règle générale, les stations comptant principalement sur uneclientèle de proximité sont les petites stations et les stations moyennes.

Il serait donc pertinent de dégager schématiquement deux catégories : les trèsgrandes et grandes stations, et les petites et moyennes stations. Les différences d’enjeuéconomique pour ces stations et les collectivités supports sont bien exprimées par ThierryGamot, directeur général des services de la commune d’Autrans (gérée en régie) lorsde la conférence-débat organisée par la FACIM en 2004 : « Ce que je voulais direpar ailleurs, c’est qu’étant assis à côté d’élus de La Plagne, moi DGS de la communed’Autrans, j’ai l’impression de venir d’une autre planète. Vous, vous avez des problèmesde développement. On construit dans vos stations des appareils qui coûtent des centainesde millions de francs et peut être même d’euros, nous, notre problématique en moyennemontagne est totalement différente (…). Nous, notre problématique en moyenne montagnece n’est pas tant de nous développer, c’est d’essayer de survivre. Et cette tentativede survie pose des problèmes très précis en termes économiques. Notre problème, cen’est pas de calibrer nos investissements, c’est de calibrer l’évolution de nos dépenses

de fonctionnement 60 ».Il y aurait donc un ensemble de collectivités pour lesquellesl’enjeu principal est de trouver les conditions dans lesquelles l’activité touristique hivernalepourra être maintenue. L’autre ensemble serait composé des collectivités étant le supportdes stations compétitives internationalement, qui font face à une augmentation de laconcurrence, pour lesquelles l’enjeu principal est de favoriser la réunion des moyenspermettant de suivre et devancer les stations concurrentes tant sur le plan du matériel quedes services utilisés.

La définition de ces deux catégories de stations a permis de dégager des enjeuxéconomiques propres. Cependant, la position des collectivités engage d’autres paramètresque le seul développement des remontées mécaniques.

b- Analyser le fonctionnement d’une station de sports d’hiver : l’apport de lanotion de gouvernanceUne station de montagne ne se limite pas à l’existence d’un rapport entre une autoritéorganisatrice et un délégataire de remontées mécaniques. L’importance des relations avecles hébergeurs et les tour-opérateurs a déjà été soulignée. Il faut également évoquer lesrapports entre d’une part la collectivité et les autres acteurs de la station, qui peuvent êtredes électeurs, des résidents secondaires, permanents, des commerçants, et d’autre partentre le délégataire des remontées mécaniques et ces mêmes acteurs. Ces relations sontcomplexes : « (…)la station est un ensemble de prestataires pour les clients : ils s’adressentdonc à la sphère économique. Elle est une collectivité locale pour les résidents principauxde la ou les commune(s) sur laquelle la station est située. Ces résidents votent et élisent unconseil municipal. Celui-ci est, par la loi pour la montagne de 1985, l’autorité organisatricede la station. La station est ainsi un ensemble complexe et original qui rassemble des

60 Stations de montagne, vers quelle gouvernance ? Actes de la conférence-débat organisée par la FACIM le 30 avril 2004à Chambéry, Comp’act, Chambéry, 2004, p71

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partenaires publics et privés aux intérêts et stratégies variées. 61 ». La notion degouvernance, définie à l’origine par Patrick Le Galès comme « l’ensemble des arrangementset des relations formelles et informelles entre intérêts publics et intérêts privés qui permettent

que soient prises et mises en œuvre les décisions 62 » a été utilisée récemment notamment

par Françoise Gerbaux et Emmanuelle Marcelpoil63 pour caractériser les relations entreacteurs des stations de montagne. Leurs travaux permettent de mieux cerner les rapportsexistant entre autorité délégante et délégataire, en élargissant la perspective à d’autresintervenants.

Ces auteurs distinguent trois sphères au sein des stations : la sphère politique, lasphère économique et la sphère civile. La première sphère est composée notamment dumaire, titulaire de compétences classiques mais aussi de celles relevant de l’aménagementtouristique de sa commune. Il a donc un grand poids sur le développement touristiquede la commune. Il peut également être lui-même impliqué professionnellement dans lagestion touristique locale. Enfin, il raisonne le plus souvent selon la temporalité politique, trèséloignée de la durée d’un contrat de délégation de service public en matière de remontéesmécaniques. Les services municipaux, autre composante de la sphère politique, doiventfaire face à des missions complexes, alors qu’ils sont peu dotés en moyens d’expertise. Laplus grosse des communes support de station est Chamonix, qui compte 10 000 habitants.En Savoie, 80% des communes comptent moins de 600 habitants64. Enfin, l’office dutourisme est censé permettre la représentation de l’ensemble des intérêts professionnelsprésents au sein de la station. La sphère économique d’une station est très hétérogène :ce sont le délégataire de remontées mécaniques, les sociétés d’hébergement marchand,les commerçants, les prestataires d’activités sportives et d’animation. Si le rapport entre ledélégataire de la gestion des remontées mécaniques et la sphère politique est le « point

central de la gestion locale du tourisme 65 », les hébergeurs locaux notamment ou les

professions sportives peuvent être bien représentés au sein du Conseil Municipal et faireentendre leur point de vue. Enfin, la sphère civile composée des habitants permanents ounon pèse historiquement par des stratégies familiales au sein des stations, mais aussi deplus en plus par des revendications concernant le cadre de vie des résidents66.

L’ensemble de ces acteurs et leurs intérêts propres pèsent lors de la mise en place,du renouvellement ou de la « vie » d’une délégation de service public. Porteurs d’unelégitimité politique, mais le plus souvent présents moins longtemps que le délégataire àune place importante au sein de la station, le maire et le Conseil municipal représententl’intérêt général. Au sein de celui-ci peuvent s’exprimer des revendications diverses, parexemple la limitation de la construction de nouveaux hébergements pour conserver une

61 GERBAUX, Françoise, MARCELPOIL, Emmanuelle, L’univers complexe des stations, in Stations de montagne, vers quellegouvernance ? Actes de la conférence-débat organisée par la FACIM le 30 avril 2004 à Chambéry, Comp’act, Chambéry, 2004, p2362 LE GALES, Patrick, Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine, Revue française des sciences politiques, 1995, p57-95.63 L’approche de ces deux auteurs est basée sur l’étude de cinq stations : Autrans, Bourg Saint Maurice, Les Arcs, Courchevel,les Sept Laux.

64 Voir l’entretien réalisé avec M Petit le 20 mai 2008, Annexe 4, p 10865 GERBAUX, Françoise, MARCELPOIL, Emmanuelle, Gouvernance des stations de montagne en France : les spécificités du

partenariat public-privé, in Revue de Géographie Alpine, 2006, n°1, p16.66 Résumé établi d’après les articles précités L’univers complexe des stationset Gouvernance des stations de montagne en

France : les spécificités du partenariat pubic-privé.

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certaine image de la station. Ces revendications font de la municipalité à la fois un relaiset une cible potentielle de critiques. Elles influencent le rapport entre le délégant et sondélégataire. Lors de la négociation d’une convention de délégation de service public, lemaire peut par exemple centrer son attention sur des clauses du contrat qui n’apparaîtraientpas forcément cruciales à un conseil extérieur, comme le souligne Emmanuel Petit « Lesélus vont plutôt aller voir les clauses maîtrise foncière, tarifs, reprise du personnel…il y a

parfois un décalage entre l’enjeu politique et le conseil… 67 ».Les opérateurs soulignent

par ailleurs les difficultés issues de la différence de temporalité entre un mandat municipalet un contrat de délégation : « Par exemple pour St François, où le contrat a été renouveléen 2006, les élus comme souvent focalisent complètement sur les remontées mécaniques.On nous a demandé de faire tant d’appareils nouveaux dans les années qui suivent. C’estun des effets pervers des DSP. Le maire est élu pour 6 ans. Il faut donc un maximum denouveauté dès le début. Alors que ce n’est pas ce que demande le client. Il demande à cequ’il y ait des nouveautés régulièrement. Donc sur un contrat de 20 ans, un nouvel appareiltous les 4 ans. En fait, on nous en demande trop au début, et vers la fin beaucoup moins.68 » À cela s’ajoute la méfiance relative aux opérateurs privés de remontées mécaniquesau sein de la sphère civile et économique de la station. Le maire de Pralognan-la-vanoisesouligne ainsi la démarche qui a conduit à faire accepter la délégation des remontéesmécaniques à un opérateur privé : « On savait que sans explication, ça ne pourrait pas sefaire. On ne voulait pas l’imposer aux habitants. Le plus important pour nous, c’était de leurfaire comprendre que cela faisait des années que l’on perdait de l’argent. Et c’est sur cepostulat qu’on leur a présenté les différentes solutions, ce qu’on mettrait dans le contrat pourqu’il n ‘y ait pas de flou, qu’on ne se laisse pas avoir, que ça ne soit pas la « vente de la stationà un privé ». Ca s’est traduit par de l’information au personnel, au public, et on a été suivis

par une grosse partie de la population. 69 » L’enjeu est le même au cours de la délégation :

« (…) si l’on a été très proche avec une collectivité, cela peut la desservir. Parce que si ça sepasse bien, c’est forcément parce qu’il y a collusion, puisqu’on passe pour être un opérateur

de pouvoir même si c’est largement surévalué 70 .» Dans le cadre de la délégation conclue

à Pralognan-la-vanoise était initialement compris un lot pour la gestion du domaine skiable,et un second lot pour la gestion de divers équipements de la commune, comme la patinoire.Les candidats ont tous refusé d’assumer la gestion de l’Office du Tourisme, en considérantque celui-ci devait rester un terrain neutre dans lequel les acteurs de la station pourraient sesentir libres de discuter. Cette prévention illustre la méfiance dont font preuve généralementles acteurs touristiques des stations lors de l’arrivée d’un opérateur privé. Cette méfiances’applique en particulier lorsque l’opérateur a la volonté de s’impliquer dans des activitésautres que les seules remontées mécaniques, comme la location de matériels71.

67 Entretien réalisé avec M Petit le 20 mai 2008, Annexe 4, p 11768 Entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 13469 Entretien réalisé avec M Thomas le 24 avril 2008, Annexe 2, p 10270 Entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 13371 C’est le cas par exemple pour Transmontagne à Pra Loup, qui a fait l’objet d’une plainte devant le Conseil de la Concurrence

(Décision n° 07-D-14 du 2 mai 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Transmontagne, concessionnaire desremontées mécaniques sur la station de ski de Pra-Loup)

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La gestion des remontées mécaniques par des opérateurs privés en délégation de service public

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Il faut donc intégrer, en plus des enjeux économiques propres à la situation de la station,les revendications diverses des acteurs présents et la position précaire dans la durée de lamajorité dirigeant une collectivité.

Il est possible de proposer un tableau récapitulatif des contraintes et des attentes despartenaires dans une délégation de service public en matière de remontées mécaniques :

Contraintes ObjectifsAutoritéorganisatrice

- faible capacité d’expertise etde négociation - informationincomplète de la part dudélégataire - capacitéd’investissement réduite -revendications diverses desacteurs de la station

- maintenir ou développer uneactivité hivernale sur le territoirede la collectivité - conserver oudévelopper l’image de la station -obtenir des avancées visiblesnotamment en prévision deséchéances électorales

Opérateur privé - charge des investissements(dans le cas d’une concession) -charges de fonctionnement -aléaclimatique - incertitudes en finde contrat (indemnisation desbiens, remise en concurrence) -négociations en vue de lacommercialisation (touropérateurs et hébergeurs)

- assurer la rentabilité de sonactivité. - tenir compte de l’aléaclimatique - assurer une qualité deservice au moins égale à celle desstations équivalentes - assurerune fréquentation minimale de lastation (commercialisation des lits)

Les objectifs propres des autorités organisatrices et des opérateurs privés peuventdonc se révéler contradictoires lorsqu’il s’agit de les mettre en œuvre. Si l’autorité déléganteest généralement prête à soutenir un effort visant à développer l’attrait de la station et safréquentation, l’accord sur les modalités de ce développement est plus difficile. Une grandevariété de situations existent, suivant les priorités dégagées par les acteurs de la station.Une collectivité peut ainsi restreindre l’augmentation de a fréquentation en limitant le nombrede lits nouveaux créés, ou au contraire provoquer un afflux de nouveaux usagers que ledélégataire aura des difficultés à gérer , comme le remarque la secrétaire générale de lasociété Rémy Loisirs « on est conscients qu’il faut que le rythme soit réparti dans le temps.Le problème, c’est que les collectivités ont plutôt intérêt à mener une ZAC, avec 3000 lits quisortent de terre. Or, une commercialisation de résidence, ça se construit. Il faut quelquesannées pour faire un rythme de croisière. Par contre, faire en sorte qu’une collectivité ait

régulièrement des lits nouveaux, c’est plutôt bon. 72 ». Enfin, les collectivités ont tendance à

demander des investissements visibles régulièrement au délégataire. Ces investissementspeuvent ne pas être entièrement adaptés aux besoins du domaine skiable, ou bien ne pascorrespondre aux capacités financières du délégataire. Cette exigence contraint en retourle délégataire à réaliser les investissements nécessaires, avant de privilégier la rentabilitéimmédiate de son activité.

Les caractéristiques potentiellement conflictuelles des rapports entre le délégataire etl’autorité délégante sont avérées. Mais malgré ces différences d’objectif, collectivités etopérateurs ont tout intérêt à coopérer

72 Entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 138

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C- Pourquoi déléguer à un opérateur privéaujourd’hui ?

Bien que les collectivités et les opérateurs privés ne partagent pas forcément les mêmesobjectifs, les domaines skiables dont la gestion est déléguée ne relèvent pas tous d’uncontexte historique. Des collectivités ont choisi et choisissent cette option, qui présentede nombreux avantages en terme de gestion des coûts d’exploitation, de répartition descoûts d’investissement mais aussi d’adaptation aux transformations actuelles notammenten matière commerciale. Il faut néanmoins préciser que si la gestion déléguée est une réelleopportunité pour les collectivités, elle tend à être réservée de plus en plus aux stations lesplus performantes.

1- l’apport réel d’une gestion par un opérateur privéIl faut souligner que malgré l’occurrence d’expériences difficiles comme l’a montré le dépôtde bilan de la société Transmontagne, l’apport d’un opérateur privé dans la gestion desremontées mécaniques peut être réellement positif. Cet apport peut être mesuré en termede mise en œuvre d’un savoir-faire dans les domaines techniques, de ressources humaines,mais aussi commerciaux. Enfin, choisir un opérateur privé peut permettre à une collectivitéde trouver une solution à des problèmes d’investissement récurrents et lui procurer desubstantielles ressources financières.

a- en terme de savoir-faire et de mutualisation des coûts de communicationLes développements précédents l’ont démontré : gérer les remontées mécaniques d’unestation de sports d’hiver est un métier à part entière. Cette activité suppose certes lamobilisation d’un savoir-faire spécifique, mais le savoir-faire technique peut exister dansle cadre d’une régie ou d’une SEM. Dans la plupart des cas, le délégataire privé reprendl’ensemble ou une bonne partie des employés de la structure publique à l’occasion de sonarrivée dans une station. Les particularités apportées par un délégataire privé sont autres.Elles tiennent d’une part à la capacité à conduire une stratégie de ressources humainesdétachée des enjeux locaux, d’autre part à la possibilité de mutualiser des coûts dontl’importance tend à se développer rapidement, et enfin à pouvoir aborder la gestion d’undomaine skiable sur le long terme et d’un point de vue strictement économique.

Une collectivité peut gérer très efficacement ses remontées mécaniques de manièredirecte, et un opérateur privé peut avoir une politique désastreuse en matière de ressourceshumaines73. Mais la tendance est celle d’un effectif plus nombreux dans les stations géréesdirectement par les collectivités. Le SNTF souligne ainsi qu’à moment de puissance égal,les régies emploient un tiers de personnel supplémentaire par rapport aux opérateursprivés74. Cette différence peut être expliquée de différentes manières. D’une part, lesremontées mécaniques exploitées en régie sont souvent celles de petites stations, danslesquelles la productivité du travail est moins élevée par effet de seuil : il faut un nombreminimal d’opérateurs aux compétences spécifiques pour faire fonctionner des appareils deremontées mécaniques, quel que soit leur nombre. D’autre part, il est possible d’envisagerque dans le cadre d’une gestion en régie, la puissance publique soit moins encline à

73 Voir l’entretien réalisé avec M Ligney, Annexe 1, pp91-9274 SNTF, Recueil d’indicateurs et analyses, 2006, p23. Voir Annexe 7, p144.

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limiter les effectifs employés, qui sont par ailleurs des électeurs. La gestion des ressourceshumaines par un opérateur privé peut dans ce cas apporter une amélioration de laproductivité. Cet objectif est cependant à concilier avec la pratique, qui tend à favoriser lescandidats locaux pour les emplois permanents et saisonniers.

De la même façon, choisir de déléguer à un opérateur privé peut être une façon detenter de définir à long terme l’avenir d’une station. C’est le cas à Pralognan-la-vanoise,qui a fait le choix de la délégation en 2005 : « Mais pour nous, ce qui est important, c’estque ce sont de grandes sociétés qui embauchent beaucoup de monde, qui investissentbeaucoup sur 20-30 ans minimum, et que les visions des communes sont généralementréduites à un mandat voire deux mandats avec des changements possibles qui ne sont passi évidents que ça à gérer. Donc là on a la possibilité avec un bon acteur privé et un boncontrat d’avoir une visibilité pour au moins une vingtaine d’année, ce qui est important pourle développement d’une société comme celle des remontées mécaniques. En plus, on aaffaire à des professionnels, qui ont eu d‘autres expériences, et pas forcément simplementdes élus qui se reposent sur quelques personnes locales qui sont dans la boîte depuis

quelques années. Il y a cette valeur ajoutée à prendre des sociétés. 75 » La différence du

temps politique et du temps de la délégation est soulignée, de manière positive cette fois.Un délégataire engagé dans une concession de longue durée apporte une perspective quipeut faire défaut aux élus.

Il a par ailleurs été souligné à plusieurs reprises l’importance grandissante de lacommercialisation des stations pour assurer une fréquentation minimale tout au long dela saison. Être visible nationalement et internationalement n’est donc pas qu’un problèmese posant aux grandes et très grandes stations. Comme le montre Emmanuel Petit,« Aujourd’hui, commercialiser des stations, cela se résume à des salons professionnels oùles stations se groupent. L’intérêt c’est d’avoir une taille critique, de la neige de culture. Enface, il y a quatre ou cinq tour-opérateurs qui comptent au niveau européen qui s’adressent

directement aux grands groupes. Voilà l’apport des privés 76 . ». Définir une stratégie

commerciale, négocier avec des tour-opérateurs sur un marché très concurrentiel supposede disposer de ressources propres importantes tant financières qu’humaines. L’apport d’unopérateur privé peut être de prendre en charge et de mutualiser ces coûts entre plusieursstations, tout en leur donnant un poids accru.

Enfin, déléguer l’exploitation à un opérateur privé permet, lorsque ce service est géré enrégie, de passer d’un environnement de droit public à des règles de droit privé. La différencen’est pas négligeable, compte tenu de l’importance des négociations qui peuvent avoir lieulors de l’achat des équipements, que ce soient des télésièges ou des dameuses. Cettenégociation est beaucoup moins aisée dans le cadre d’un marché public.

b- en terme d’investissements et d’apport de ressources financièresLes collectivités supports de stations qui assurent la gestion directe ou mixte desremontées mécaniques peuvent se trouver en difficulté financière, notamment faceaux investissements à réaliser lorsque les appareils initiaux arrivent en fin de périoded’utilisation. Sous certaines conditions, opter pour une délégation de service public peutêtre un moyen de faire reposer tout ou une partie de la charge des investissementsnécessaires sur l’opérateur. Il faut alors se trouver dans une convention de concession et

75 Entretien réalisé avec M Thomas le 24 avril 2008, Annexe 2, p 9776 Entretien réalisé avec M Petit le 20 mai 2008, Annexe 4, p 111

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I- Les contrats de délégation de service public: une tentative de régulation juridique d’un rapportpotentiellement conflictuel

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non d’affermage. Cela suppose que l’opérateur privé puisse trouver dans l’exploitation de lastation les ressources nécessaires à ces investissements. La collectivité peut alors assurerdes garanties de chiffre d’affaire supplémentaire en favorisant la création de nouveauxlits. Elle peut aussi simplifier la tâche du délégataire en garantissant ses emprunts, voireen prenant en charge une partie des investissements, par exemple en échange d’uneredevance. L’exemple de Pralognan la Vanoise illustre ce cas de figure : « Petit à petit, ons’est aperçu qu’ on ne faisait pas les efforts nécessaires lorsqu’il le fallait, notamment auniveau des investissements, puisque après chaque gros investissements cela plombait lescomptes de la commune et derrière on ne pouvait plus faire grand chose. (…) Et on reculaitles échéances. (…) Derrière, on avait des remontées mécaniques qui avaient une moyenned’âge de 23 ans, donc on avait besoin de réinsuffler pas mal d’argent et de refaire pas mald’investissements, et tous seuls on ne pouvait pas. On a joué aussi sur la possibilité d’êtreaidés dans le cadre du plan stations mené par le département, qui pouvait subventionnerdes domaines skiables comme le nôtre à partir du moment où ils savaient que l’on avaitune vision à long terme. Donc ils nous ont aidés (…) à investir sur les premiers appareils.C’était une aide (…)pour que le contrat que l’on puisse passer avec un privé soit correct.Qu’il n’ait pas à supporter tous les investissements à faire, dans la mesure où cela nous

aurait conduit à d’autres efforts, comme doubler les capacités de lits. 77 » Dans certains

cas, cependant, les conditions économiques de la station ne permettent pas d’assurer unerentabilité suffisante pour que l’opérateur supporte même une partie des investissements.La situation est alors celle d’une convention d’affermage.

La délégation des remontées mécaniques à un opérateur privé apporte enfin desressources financières non négligeables à la collectivité. Outre la taxe professionnelle, lacommune peut instituer une taxe sur les remontées mécaniques, instaurée par les articles85, 86, 87 de la loi Montagne. Cette taxe est prélevée sur le produit de la vente de forfaits.Les départements peuvent également instituer une taxe similaire. Son taux cumulé ne doitpas dépasser 5%. Les ressources produites ne sont pas négligeables, puisque le produitcette taxe perçue par 134 communes en 1999 s’est élevé à 23 millions d’euros78.

2- Le recours au privé, opportunité pour les stations mais choixréservé aux plus performantes ?

Choisir un opérateur privé peut donc être un choix cohérent pour les collectivités,en particulier lorsqu’elles sont confrontées à un besoin d’investissements importants.Cependant, pour pouvoir être gérées par ce type d’opérateurs, la station doit remplircertaines conditions : elle doit pouvoir dégager des bénéfices rapidement, et ne pasexposer l’opérateur à un risque trop fort notamment en matière d’aléa climatique. Ces deuxconditions conduisent à une situation dans laquelle un nombre important de stations nepeuvent prétendre à la gestion déléguée des remontées mécaniques.

a- certaines stations sont aujourd’hui confrontées à des perspectives derésultats très aléatoires

77 Entretien réalisé avec M Thomas le 24 avril 2008, Annexe 2, p 9778 AMOUDRY, Jean-Paul, Rapport au Sénat sur l’application de la loi Montagne, annexe au procès-verbal du 9 octobre 2002,

p287

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La gestion des remontées mécaniques par des opérateurs privés en délégation de service public

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Les difficultés des stations tiennent à deux groupes de facteurs. D’une part, les conditionsd’exercice d’une activité hivernale rentable tendent à se durcir sous l’effet conjugué dela maturité du marché, de la concurrence accrue, et de la tendance à la réduction del’enneigement à long terme. D’autre part, ces stations sont de par leur situation plusexposées à ces risques, de par leur altitude ou par la nature de leur clientèle. Enfin, souventdéveloppées au plus tard dans les années 1970, elles sont confrontées à l’échéance derenouvellement de leur équipement. Ces difficultés concernent donc souvent les petitesvoire moyennes stations. Cela a pu conduire la Chambre régionale des Comptes de MidiPyrénées à conseiller vivement l’abandon de l’exploitation d’une station ou son transfertà une entité intercommunale compte tenu de son poids sur le déficit de la commune79. Cette solution a été adoptée depuis plusieurs années par des stations d’importancemoyenne situées dans les Alpes du Sud. La Cour des Comptes analyse ainsi la gestion desstations dans la région Provence Alpes Côte d’Azur : « Les communes ont pris consciencetardivement que seules les stations adossées à des structures disposant d’une surface

financière large pouvaient étaler l’aléa climatique. 80 »Dans le cas des stations de Pra

Loup et du Val d’Allos, aux résultats fortement liés à la fréquence des mauvaises saisons,deux syndicats mixtes ont été créés, permettant de répartir la charge des investissementsentre les communes concernées et le département. Dans ces deux cas, ces conditions sontsusceptibles de convenir à un opérateur privé dans le cadre d’une convention d’affermage.Le risque pris dans d’autres stations, ou l’absence d’une certaine taille critique peuvent nepas convenir à l’intervention d’un opérateur privé. La continuité de la station repose alorsexclusivement sur la collectivité. Le choix de continuer ou non l’exploitation met en balancel’ensemble des paramètres économiques de la station, comme le souligne Emmanuel Petit :« (…)les perspectives qui vont s’ouvrir à ce domaine skiable, l’aléas climatique : combiend’années difficiles prévoir pour tel laps de temps. Après, certains sites résistent mieuxque d’autres. Intégrer les obligations de renouvellement d’équipement, les perspectives decroissance des charges, croiser ces données avec le potentiel de croissance en matièred’hébergement, la création de nouveaux lits, les apports de clientèle extérieurs… Et après,lorsqu’on a ça sur un prévisionnel d’exploitation, la collectivité évalue ses possibilités.Parfois, le système est vertueux et s’autoalimente, avec parfois une possibilité de verserune redevance à la station. Parfois, ça ne passe pas . La station d’Abondance a fermé car

ils n’avaient pas de perspectives. C’est donc toujours un choix économique. 81 » Dans ce

type de décision extrême intervient aussi l’importance de la station pour l’économie locale.Si cet apport est réellement vital,la solution peut être de rechercher un adossement à ungroupement de collectivités pour permettre la répartition des charges financières de gestionet d’investissement.

b- le critère nivologique, déterminant pour l’avenir des stationsLa saison 2006-2007 a démontré l’impact d’un hiver « sans neige » sur les stations demontagne. Certains opérateurs se positionnent résolument sur des stations ayant unealtitude minimale afin de limiter les pertes lors d’hivers particulièrement chauds. Comptetenu des investissements effectués en matière de neige de culture, le paramètre essentieln’est plus tant la présence de la neige « naturelle » mais la possibilité de produire de

79 Avis n°2004-0234 de la Chambre Régionale des Comptes de Midi Pyrénées concernant la commune de Boutx-Argut-Dessus-Couledoux (station de Mourtis).80 Les stations de sports d’hiver en Provence-Alpes Côte d’Azur,rapport public annuel de la Cour des Comptes de 2001, 2002, p 81681 Entretien réalisé avec M Petit le 20 mai 2008, Annexe 4, p 111

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I- Les contrats de délégation de service public: une tentative de régulation juridique d’un rapportpotentiellement conflictuel

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l’enneigement grâce à des températures négatives. Tous les opérateurs privés sont-ilsconduits à sélectionner les stations dans lesquelles ils peuvent intervenir à partir du critèrede l’altitude ?

Il faut introduire une nuance importante concernant ce paramètre. En effet, il nedétermine pas à lui seul l’enneigement potentiel d’une région, ou les températures. D’unepart, l’altitude métrique doit être relativisée au profit de l’altitude ressentie. Certaines stationsd’altitude métrique modeste profitent de conditions qui leur permettent de conserver unenneigement même faible pendant une longue période. C’est le cas de Pralognan laVanoise, située à 1410 mètres, mais protégée par une cuvette profonde et entourée deglaciers. D’autres stations d’altitude plus élevée ont parfois été concues sur la base d’unemauvaise exposition, qui engendre des difficultés importantes en début et en fin de saison.D’autre part, il semble qu’un paramètre essentiel en matière d’aléa climatique soit plus lasituation en terme de massif qu’en terme d’altitude pure : « Mais par exemple le Val d’Arly estun ensemble qui a une nivologie différente de celle de la Tarentaise. Et c’est très préservéau niveau des vents. Parce dans certaines zones, qui sont balayées par les vents, rien neretient. Dans le Val d’Arly, les zones sont très boisées. Ce qui compte le plus, c’est l’indice deskiabillité.C’est la capacité à skier dans de bonnes conditions, et pas ce n’est pas seulement

les mètres de neige qui font ça. C’est tout un ensemble 82 .»

Si l’altitude en elle-même n’est donc pas un paramètre absolu, la fréquence desmauvaises saisons au niveau nivologique en est un en ce qui concerne les modalités degestion d’une station et les conditions de mise en oeuvre d’une délégation. Comme lesouligne Blandine Tridon, «(…) l’approche est différente. Quand on est dans de la gestionen basse station, il faut intégrer qu’il y ait de mauvais hivers. Donc dans le Business Plan,il faut intégrer le fait que tous les 4 ans il pourra y avoir un hiver de contrecoup. Est-on

capable de l’absorber dans les hivers suivants ? 83 ». De fait, intégrer ces paramètres

conduit à modifier profondément l’économie de la délégation de service public, en tenantcompte par ailleurs de l’importance du chiffre d’affaire réalisé dans les bonnes saisons: plusl’enneigement est aléatoire, plus le risque supporté par le délégataire est important, et moinscelui-ci peut s’engager dans des investissements importants. L’exercice de définition d’uneconvention devient alors difficile: quelles seront les conditions nivologiques d’une stationdéjà exposée à ce risque dans les années qui viennent?

Les collectivités, en tant qu’autorités responsales de leur politique d’aménagementtouristique, recherchent le meilleur cadre pour le développement économique des stations,dans la mesure de leurs possibilités. Ce cadre peut être fourni par la délégation à unopérateur privé, bien que s’instaure alors un rapport potentiellement conflictuel entrepartenaires ne partageant pas forcément les mêmes priorités. La clef de ce rapport estconstituée par la convention de délégation de service public.

82 Entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 13283 Entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 132

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II- En pratique, la recherche difficile d’unéquilibre entre autorité délégante etdélégataire

La définition des principaux acteur des délégations de service public a permis de montrerles logiques qui peuvent sous-tendre leur comportement lors de la mise en oeuvre desconventions. Ces logiques ne sont pas opposées, mais peuvent induire des différencesd’appréciation importantes. En pratique, la conciliation des objectifs des collectivités etde leurs objectifs est donc difficile. La meilleure approche des relations qui s’établissentsemble être donnée par la théorie des coûts de transaction. Cette théorie postule en effet larationalité limitée des acteurs, la présence de facteurs exogènes susceptibles d’agir sur lesconditions initiales de la convention, et l’opportunisme des acteurs. Elle prend en comptepar ailleurs l’existence d’actifs spécifiques et leur impact sur l’évolution des contrats. Elleinsiste enfin sur la nécessité pour les cocontractants de s’appuyer sur le cadre institutionnelpour mettre en place des possibilités de règlement des conflits pouvant apparaître au coursde l’exécution des contrats, mais également sur la nécessité de mettre en place de tellesstructures de manière plus informelle.

En abordant les principales difficultés de la mise en pratique des délégations de servicepublic, il sera souligné les apports de cette théorie pour la compréhension des rapportsentre délégants et délégataires, et notamment pour les procédures pouvant permettre larégulation de ce rapport. Il sera également fait appel à la théorie des incitations dans unemoindre mesure pour cerner les problèmes de contrôle du délégataire rencontrés par lacollectivité. Bien qu’elle postule une rationalité complète qui ne convient pas au secteur desremontées mécaniques, cette théorie a l’avantage de proposer un cadre d’analyse efficacelorsque des relations fortement asymétriques existent84.

A- Des contrats forcément incompletsEn pratique, les conventions de délégation de service public mises en place dans le domainedes remontées mécaniques présentent des caractéristiques qui en font des contratsforcément incomplets, au sens de la théorie des coûts de transaction. Deux paramètresse cumulent. Les incertitudes exogènes sont très fortes en ce qui concerne la réalisationdes objectifs comme le maintien de l’économie initiale du contrat, ce qui conduit à unecontroverse sur la durée nécessaire des contrats. Les solutions juridiques apportées jusqu’àaujourd’hui n’ont pas été satisfaisantes, notamment pour réduire les effets induits par la

84 Caractéristiques des théorie des coûts de transaction et des incitations établies à partir de trois synthèses : ROY, William,réglementation, gouvernance et performance des services publics de transport collectif urbain, Université Lyon 2, 2007, pp116-120BROUSSEAU, Eric, GLACHANT, Jean-Michel, Introduction : Économie des contrats et renouvellements de l'analyse économique,revue d'économie industrielle, 2000, volume 92, n°1, p23 - 50 FARES, M’hand, SAUSSIER, Stéphane, Coûts de transaction et contratsincomplets, revue française d'économie, 2002, volume 16, n°3 , p193 - 230

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II- En pratique, la recherche difficile d’un équilibre entre autorité délégante et délégataire

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présence d’actifs spécifiques dans la gestion des remontées mécaniques. Par ailleurs,les rapports entre délégant et délégataire sont fortement déséquilibrés, alors que l’activitéde gestion des remontées mécaniques se caractérise notamment par une impossibilité àprévoir l’évolution de la réalité par rapport à la convention rédigée. Des négociations doiventde ce fait avoir lieu au cours de l’application du contrat.

1- Une spécificité paradoxale des remontées mécaniques : la difficultéà se projeter dans la durée

La gestion de remontées mécaniques possède une caractéristique paradoxale : le maintiende l’activité est conditionné par la réalisation régulière d’investissements très lourds,engageant financièrement l’exploitant sur une longue durée. Dans le même temps, cetteactivité est soumise aux règles notamment de la loi « Sapin » qui impose une durée limitéede délégation de service public et une remise en concurrence périodique. Deux questions,sources d’une importante controverse sur le plan juridique, sont alors posées : en casde nouvel investissement important, est-il possible de prolonger une délégation existantepar un avenant ? Si non, quelle est la modalité d’indemnisation des biens installés par ledélégataire dans le cadre d’un contrat de concession ?

a- la durée autorisée des conventions de délégation de service public, unecontroverse juridiqueLa durée des délégations de service public peut être abordée de deux façons par lesopérateurs privés. Ce peut être tout d’abord une façon de se protéger d’un retour àla concurrence, ou d’une éventuelle reprise de l’exploitation par la collectivité supportde la station. Cette stratégie, souvent mise en œuvre jusqu’en 2005, sera abordéeultérieurement85. Ce peut être également le reflet de l’économie réelle du contrat. Dans cecas, la durée initiale de la délégation devrait théoriquement refléter la durée d’amortissementdes investissements réalisés au cours du contrat. Or, en matière de remontées mécaniques,les besoins d’investissement sont généralement étalés dans le temps, d’une part parceque leur importance interdit au délégataire de les conduire simultanément, et d’autre partparce que les besoins de renouvellement du parc d’appareils disponibles sont eux-mêmesdiscontinus. Aligner la durée des conventions de délégation sur les durées d’amortissementdes biens conduirait de fait à prolonger quasi systématiquement ces conventions.

Or, la loi « Montagne » et la loi « Sapin » rappellent toutes deux que les durées dedélégation doivent être limitées, mais imposent des limites différentes. La loi « Montagne »prévoit deux durées maximales.

Article 42 : (…)La durée de ces contrats est modulée en fonction de la nature et del’importance des investissements consentis par l’aménageur ou l’exploitant. Elle ne peutexcéder dix-huit ans que si elle est justifiée par la durée d’amortissement technique oulorsque le contrat porte sur des équipements échelonnés dans le temps. Elle ne peut, en

aucun cas, être supérieure à trente ans 86 .

85 Voir infra, p 55 et s.86 Loi n°85-30 du 9 octobre 1985.

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La définition de la durée des conventions tient bien compte des investissementsréalisés. La première durée, de 18 ans, est définie comme la duré de droit commun d’uneconvention. La durée maximale est de 30 ans. Par ailleurs, la loi « Sapin » stipule :

Article 40 : Les conventions de délégation de service public doivent être limitéesdans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestationsdemandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, laconvention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature etdu montant de l'investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normaled'amortissement des installations mises en oeuvre. (…)

Une délégation de service ne peut être prolongée que :a) Pour des motifs d'intérêt général. La durée de la prolongation ne peut alors excéder

un an ;b) Lorsque le délégataire est contraint, pour la bonne exécution du service public ou

l'extension de son champ géographique et à la demande du délégant, de réaliser desinvestissements matériels non prévus au contrat initial, de nature à modifier l'économiegénérale de la délégation et qui ne pourraient être amortis pendant la durée de la conventionrestant à courir que par une augmentation de prix manifestement excessive.

Si la délégation a été consentie par une personne publique autre que l'Etat, laprolongation mentionnée au a ou au b ne peut intervenir qu'après un vote de l'assembléedélibérante87.

Il faut remarquer que conformément aux réserves formulées par le ConseilConstitutionnel sur cet article88, la loi « Sapin » n’assortit pas de limites temporelles àune prolongation de convention justifiée selon les critères définis. La coexistence de cesdeux lois jusqu’en 2005 a donc exposé les opérateurs de remontées mécaniques et lescollectivités à une double contrainte : celle de la durée maximale imposée par la loi« Montagne », qui interdit les prolongations amenant les conventions à dépasser une duréetotale de 30 ans, et celle de la loi « Sapin » qui impose un appel à la concurrence en finde contrat.

Les ambiguïtés de cette double contrainte sont apparues lors des nombreusestentatives de prolongation de contrats qui se sont produites après l’entrée en vigueur de laloi « Sapin ». Dans sa contribution au rapport réalisé pour le sénat en 2002 sur les modalitésd’application de la loi « Montagne », l’avocat Edouard Lacroix souligne : « Divers problèmessont nés, moins à cause des modalités de sortie de la convention observées à ce jour,que du sort réservé à des avenants d’extension ou de prorogation de contrats auxquelsle contrôle de légalité réserve un sort différent, d’un département à un autre, à l’intérieur

même du délai maximum de trente ans que le législateur a institué. 89 ». À la Chambre

Régionale des Comptes de la région Rhône-Alpes qui relevait la prolongation d’un contratpour une durée de trente ans par un simple avenant conclu avec la société gérant le domaineskiable des Deux Alpes, le maire de la commune de Vénosc répond « (…)les personnes

87 Loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et desprocédures publiques

88 Décision du Conseil Constitutionnel n° 92-316 DC du 20 janvier 1993. Le Conseil a estimé inconstitutionnelle une dispositionvisant à limiter la prolongation à un tiers de la durée initiale du contrat, compte tenu de la complexité des situations pouvant se présenter.

89 Contribution de Maître Edouard Lacroix, avocat à la Cour, in AMOUDRY, Jean-Paul, Rapport au Sénat sur l’application dela loi Montagne, annexe au procès-verbal du 9 octobre 2002, p381.

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habilitées, à cette date, à conclure un avenant (…) ont pu légitimement considérer que toutesles précautions nécessaires pour garantir la légalité de l’avenant avaient été prises. Cetavenant, dont la rédaction est quasiment identique à ceux passés antérieurement par lescommunes de Mont-de-Lans et de Saint-Christophe, a été conçu dans un contexte juridiqueparticulièrement évolutif en la matière à cette époque en raison de l’enchevêtrement de

réglementations résultant des lois (…) dite loi « Montagne et (…) dite loi « Sapin 90 ».

Deux tentative d’éclaircissement récente ont été eut lieu, notamment après lesrevendications des opérateurs relayées par le SNTF. La 24 février 2005, la loi n° 2005-157du 23 février 2005 relative au développement des territoires rurauxa annulé la dispositionde la loi « Montagne » faisant référence à une limitation de durée. Le texte correspondant àl’article 42 de la loi « Montagne » dans le code du tourisme est ainsi devenu « Art. L. 342-3.- Conformément aux dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivitésterritoriales, la durée de ces contrats est modulée en fonction de la nature et de l'importance

des investissements consentis par l'aménageur ou l'exploitant. 91 ». Enfin, le 19 avril 2005,

la section des Travaux publics du Conseil d’Etat sollicitée pour avis par le ministère del’Intérieur a rappelé que compte tenu du principe de durée limitée, toute prolongation deconvention est écartée sauf à réunir les trois conditions de l’article 40 de la loi « Sapin ». Ila également précisé les conditions de reprise des biens non-amortis en la basant sur leur« valeur nette comptable ».

En apparence, les contraintes apportées aux délégations de service public en matièrede remontées mécaniques ont été alignées sur celles des autres domaines. Cet alignementa cependant des conséquences sur les situations des acteurs lors de la mise en œuvre desinvestissements et lors de la remise en concurrence d’une délégation.

b- la résolution de conflits récurrents lors du contrôle de légalité, qui cachemal l’inadaptation des contraintes actuelles à ce secteur d’activitéLa Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression desFraudes soulignait en 2003 qu’entre 2000 et 2001, douze cas de prolongation ou dedemandes de prolongation avaient été relevés92. Depuis l’avis émit par le Conseil d’Etaten 2005, seul un avenant demandant la prolongation d’une convention pour la réalisationd’un nouvel équipement a été accepté par le contrôle de légalité93. L’ensemble des acteursinterrogés estiment que l’introduction de tels avenants au sein d’une convention est devenutrès difficile94.

Quelles en sont les conséquences ? Les pratiques de contournement des procéduresde remise en concurrence semblent avoir été efficacement réduites. Dans son enquête, laDGCCRF relevait ainsi que sur douze demandes de prolongation, huit se sont finalementtraduites par une mise en concurrence dont quatre après l’intervention des services locaux

90 Réponse de M Balme, maire de la commune de Vénosc au rapport d’observations définitives sur l’examen des comptesde la commune de 1990 à 2001, 9 juin 2005.

91 Article 179 de la Loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux92 Actualités de la DGCCRF, Mise en concurrence des renouvellements de délégations de service public dans le secteur desremontées mécaniques : des lacunes, Brèves, janvier 2003.93 Il s’agit d’un avenant concernant la station de Val Thorens.94 Voir les entretiens réalisés avec M Blas , Annexe 5, p 124, M Petit, Annexe 4, pp 115, 119

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de la Direction ou des préfets. Quatre demandes d’avenant ont par ailleurs été déféréesdevant les tribunaux administratifs. Par ailleurs, un quart des rapports étudiés rendus parles Chambres Régionales de Comptes au titre de l’examen des comptes des collectivitéssupports de stations font mention de prolongations ou de tentatives de prolongation ducontrat initial, avec une issue diverse face au contrôle de légalité. L’éclaircissement apportéen 2005 était donc nécessaire.

Enfin, l’a priori de non prolongation de convention et les conditions d’indemnisationdes biens non amortis à l’issue du contrat devrait inciter le délégataire à poursuivre sesefforts d’investissement même en fin de contrat. En effet, même si celui-ci ne peut amortirses investissements pendant la durée restante de la convention, ceux-ci devraient lui êtreremboursés puisque la « valeur nette comptable 95» des biens est prise en compte en casde non reconduction du même délégataire à l’issue de la convention.

Cependant, les conditions actuelles de sortie de fin de convention et de remise enconcurrence posent problème. Les modalités d’amortissement des investissements par lesopérateurs privés peuvent dans un premier temps être modifiées. Ceux-ci doivent en effettotalement renoncer à revendiquer une indemnisation sur la base de la « valeur d’utilité96 »,qui permet de donner une valeur à un appareil complètement amorti. C’est le calcul effectuépar la société Rémy Loisirs, qui a allongé la période d’amortissement de ses biens : « Cetavis (…) indique que la valeur d’indemnisation des biens est la valeur nette comptable, etles prolongations sont plus qu’hypothétiques. On était plus dans une logique de sociétépatrimoniale, en faisant des amortissements très courts pour pouvoir réinvestir rapidement.Le fait que l’on ait amorti très vite voulait dire que la collectivité pouvait reprendre sans riennous devoir, ce qui était aberrant. Donc plutôt que rester dans notre modèle économiqueen se disant que la valeur ajoutée ce sera une hypothétique indemnité de fin de contrat,la logique c’est plutôt que régulièrement on ait du résultat. L’avis du Conseil d’Etat acoïncidé avec l’arrivée des nouvelles normes comptables IFRS, qui disent que les duréesd’amortissements doivent être en conformité avec la durée économique du bien. Donc ona allongé nos durées d’amortissement, de ce fait nous ressortons plus de résultats que l’on

en aurait si on avait fait des amortissements plus court 97 » La conséquence d’une telle

modification pour les collectivités peut être un plus faible montant d’investissements réalisésau cours d’une même durée de délégation. La présence des actifs physiques spécifiquesque constituent les appareils de remontée mécanique a donc un effet non négligeablesur l’exécution et le suivi de la convention. L’exploitant étant lié à la collectivité par lesinvestissements réalisés, il cherche logiquement à amoindrir la portée de cette dépendanceen s’adaptant aux modalités d’indemnisation définies légalement.

Enfin, l’existence d’une indemnisation en fin de convention peut avoir un effet dissuasiflors de la procédure de mise en concurrence. Un outil d’analyse efficace pour cette situationest la notion de « contestabilité » des marchés introduite par William Baumol98. Selon

95 En l’absence de contentieux en la matière, la définition de la « valeur nette comptable » dans le domaine des remontéesmécaniques instaurée par le Conseil d’Etat est encore floue. Elle devrait néanmoins prendre en compte a minima les amortissementsnon réalisés. Une définition générale de la valeur nette comptable est la valeur brute du bien minorée par le montant desamortissements.

96 La valeur d’utilité est la valeur qu’accepterait de payer un entrepreneur pour s’attacher les services rendus par l’appareil.97 Entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 13498 BAUMOL, J, William, Contestable Markets : an Uprising in the Theory of Industry Structure, The American Economic Review,

March 1982, p2-15.

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cet auteur, plus que la structure oligopolistique ou monopolistique d’un marché, ce quidétermine le comportement optimal des agents est la possibilité pour des concurrentsd’entrer sur ce marché. Un marché « contestable » est libre de coûts d’entrée et de sortie.

En matière de remontées mécaniques, le délégataire dispose de trois types debiens pour assurer l’exploitation. Les biens de retour sont les biens indispensables àl’exploitation du service. Ce sont notamment les appareils de remontée mécanique, lesdameuses, les équipements de neige de culture. À l’issue du contrat, l’usage de ces biensretourne gratuitement à la collectivité. Seuls les produits d’investissements demandés parla collectivité sont indemnisés s’ils ne sont pas complètement amortis. Les biens de reprisesont des biens utiles au service délégué, mais appartenant au patrimoine du délégataire.Ils sont rachetés par la collectivité sur la base de leur valeur nette comptable. Enfin, lesbiens propres du délégataire lui appartiennent et restent sa propriété en fin de contrat.L’introduction d’une valeur d’indemnisation des biens de retour non amortis compte tenu del’interdiction de prolongation des contrats réduit les coûts de sortie de l’activité de gestiondes remontées mécaniques. Cependant, l’effet est inverse en ce qui concerne les coûtsd’entrée. Dans le cas des remontées mécaniques, ces coûts sont élevés dans le sensoù les stations peu enclines à choisir un délégataire sans expérience99 ou qu’elles neconnaissent pas, et où un candidat extérieur a plus beaucoup de mal à évaluer le potentielréel d’une station qu’un délégataire en place. L’indemnisation de biens non-amortis introduitun coût d’entrée supplémentaire pour chaque procédure de remise en concurrence. Nepas choisir le même délégataire revient en effet à devoir lui verser une indemnité qui peutêtre importante. Elle peut faire supporter ce coût aux autres candidats s’ils sont choisis100,mais leur offre lors de la candidature et de la négociation tiendra compte de cette contraintefinancière supplémentaire.

L’interdiction de procéder à une prolongation de convention et la fixation del’indemnisation des biens non-amortis à la valeur nette comptable a donc deux effetsparadoxaux. Elle favorise l’effectivité de la mise en concurrence des délégations arrivantà leur terme, mais elle peut conduire à réduire substantiellement l’étendue de cetteconcurrence.

2- De l’équilibre précaire entre professionnels et collectivitésLes conventions de délégation de service public en matière de remontées mécaniquessont caractérisées notamment par un haut degré d’imprécision. En effet, les conditionséconomiques dans lesquelles ont été conclues les conventions sont appelées à êtremodifiées par un ensemble de facteurs exogènes, mais aussi du fait du comportement del’une ou l’autre des parties. L’existence de contrats « incomplets » au sens de la théorie descoûts de transaction contraint les partenaires à prévoir des modalités d’adaptation, voire àrenégocier certaines des dispositions initiales. Or, le rapport entre les collectivités supportsde stations et les opérateurs privés est très asymétrique.

a- des collectivités aux ressources souvent limitéesLes collectivités supports de station sont souvent de petites communes qui, si ellesbénéficient d’un surclassement administratif, possèdent rarement les ressources humaines

99 C’est ainsi que la société Rémy Loisirs, issue des Vosges, a dû faire ses preuves dans la gestion de St François Longchampqu’elle avait reprise avant de prétendre remporter une délégation de service public dans les Alpes

100 En vertu de l’article L 342-3 du code du Tourisme.

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nécessaires à la définition et la négociation d’une délégation de service public, ainsi qu’àson suivi. La présence d’un syndicat de communes ou d’un syndicat mixte comme autoritéorganisatrice n’est pas forcément la garantie d’une meilleure dotation en moyens. Ainsi , lessyndicats mixtes responsables de la gestion des stations de Pra Loup et du Val d’Allos sontgérés au quotidien par le service du tourisme département des Alpes de Haute-Provence viadeux mises à disposition de service, une personne à mi-temps et une personne à 70%101.

Il semble cependant possible de distinguer des situations différentes, entre les stationsayant expérimenté plusieurs modes de gestion et celles qui ont été liées durablement à unopérateur. Pour Emmanuel Petit, dans les stations n’ayant pas expérimenté un changementd’opérateur ou de mode de gestion, « les élus de ces communes ne savent pas ce que fait

une autorité organisatrice. 102 ». Sans forcément partager ce point de vue, ces collectivités

sont de fait rattachées à un mode de gestion particulier, et souvent à un opérateur qui depar sa connaissance de la station dispose d’atouts certains pour conserver sa place, mêmesi ce n’est pas une garantie absolue en fin de concession. La commune de Samoëns a ainsitenté d’organiser elle-même l’exploitation des remontées mécaniques à l’issue du contratqui la liait avec une filiale de la Compagnie des Alpes. L’expérience de la gestion en régie n’apas eu de suite, puisque la collectivité a finalement mis en place une nouvelle conventionde délégation de service public, mais cet exemple montre que les collectivités peuventmodifier le mode de gestion par choix politique. Il reste tout de même qu’avoir expérimentéune gestion en régie ou via une SEM permet au personnel politique et technique d’unecollectivité de disposer de compétences utiles lors du renouvellement ou de la mise enplace d’une délégation de service public, mais aussi tout au long de son application. Lemaire de Pralognan la Vanoise est conscient de l’importance de cet atout, mais aussi desa précarité: « J’étais au Conseil d’administration de la SOGESPRAL avant, j’ai fait les 6dernières années comme Maire. J’ai pu jusqu’à présent bien suivre les évolutions de lasociété et du domaine skiable, et aujourd’hui on sait les questions qu’il faut poser, on saitce qui se cache derrière ce rapport d’activités ligne par ligne, on continue à travailler aveceux avec la commission d’aménagement montagne qui les suit régulièrement, donc on aun vrai suivi. On arrive à travailler un partenariat sur le Domaine skiable. Après, on espère

qu’on pourra transmettre ces informations aux suivants. 103 »

L’incertitude de cette transmission est soulignée par président de l’association nationaledes maires de stations françaises de sports d’hiver et d’été et maire de la commune deSt Bon-Courchevel, Gilbert Blanc-Tailleur : « En admettant même que le contrat qui lie lacommune à son délégataire soit parfait, nous pouvons constater que le suivi du contrat etle contrôle du respect par le délégataire de ses obligations n'est pas souvent correctementréalisé par les communes, faute de moyens suffisants et notamment de moyens humains.En outre, ces contrats étant de longue durée, alors que les échéances électorales sontcourtes, plusieurs équipes municipales peuvent se succéder empêchant le bon suivi d'uncontrat en cours de validité. D'autant que chaque changement de municipalité tend àfaire disparaître de la mémoire communale une partie des connaissances et des pratiques

accumulées par l'équipe précédente. 104 »

101 Entretien téléphonique réalisé avec Mme Lamouroux les 15 et 16 mai 2008, Annexe 3, p 106102 Entretien réalisé avec M Petit le 20 mai 2008, Annexe 4, p 112103 Entretien réalisé avec M Thomas le 24 avril 2008, Annexe 2, p 101104 Audition de M. Gilbert Blanc-Tailleur, président de l'association des maires des stations françaises de sports d'hiver et d'été

(AMSFSHE) devant la mission commune d’information chargée de dresser le bilan de la politique de la montagne, 26 juin 2002

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En règle générale, les collectivités maîtrisent donc peu le suivi des délégations deservice public. Leurs conditions de mise en œuvre sont cependant susceptibles d’êtresubstantiellement modifiées.

b- la négociation, au coeur des contrats de délégationLa négociation puis la signature d’une convention de délégation de service publiccorrespondent dans l’idéal à un équilibre économique viable à la fois pour le délégant etpour le délégataire. Or, dans le cas des contrats de concession, les durées de délégationpeuvent être très longues. Cela implique que des évènements imprévus peuvent venirperturber l’équilibre initial du contrat. Cette modification peut être positive, comme dansl’exemple donné par Emmanuel Petit : « La difficulté, c’est vraiment de prévoir l’avenir.Dans certains sites, on se retrouve avec une multiplication de nombre de lits. La DSP avaitintégré un autre nombre de lits. Le chiffre d’affaire a triplé. Le délégataire a donc réalisé

des investissements, sans les porter au contrat. 105 ». Ou bien un hébergeur de renom,

comme le Club Méditerranée, peut ouvrir une résidence au sein de la station et participerà l’accroissement de sa visibilité. L’élément imprévu peut être aussi négatif, par exempledans le cas où les lits prévus ne sont pas réalisés faute d’implication de la collectivité, oucomme au début des années 1990 par cause d’une crise immobilière. Les évènementsimprévus peuvent être d’origine exogène, comme l’aléa climatique, ou avoir pour source lecomportement de l’une des parties.

Dans le cas d’un élément exogène, il est difficile de mettre en œuvre des procédures derégulation de l’incertitude. Il est toujours possible de tenter de se prémunir contre une saisonsans neige en introduisant une règle de probabilité de survenue de cet événement dansles perspectives de rentabilité de la station. Mais cette évaluation reste une approximation.Cette incertitude reste le risque majeur non maîtrisé par le délégataire et la collectivité.Elle peut être la source d’une renégociation de certaines clauses du contrat, par exempleconcernant la nature ou la charge des investissements réalisables par le délégataire. Danstous les cas, il est nécessaire d’adapter le contrat en cours de réalisation à la modificationdes conditions réelles qui intervient de ce fait. Les collectivités doivent donc disposer descapacités nécessaires pour évaluer la nouvelle situation et y adapter la convention.

Lorsque les éléments imprévus tiennent au comportement de l’une des deux parties, ilest nécessaire de prévoir au sein du contrat des possibilités de contrôle de l’exécution ducontrat. Cet aléa s’impose aux deux parties dans les conventions de délégation de servicepublic. Cependant, compte tenu du caractère déséquilibré des relations entre délégant etdélégataire, les modalités de contrôle de ce dernier introduites de manière classique dansles conventions apparaissent peu efficaces.

Les processus de renégociation des clauses initiales sont donc au cœur de l’exécutiondes délégations de service public. Leur importance doit conduire à leur accorder une placetoute particulière lors de la négociation initiale entre les deux parties106.

B- Un problème évident de contrôle du délégataire105 Entretien réalisé avec M Petit le 2à mai 2008, Annexe 4, p 117

106 Voir infra, p 72

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La loi « Sapin » avait notamment pour ambition de permettre aux collectivités d’entretenirun rapport plus équilibré avec leurs délégataires. Elle instaure pour cela un certain nombred’obligations qui doivent permettre à l’autorité organisatrice d’exercer un contrôle efficacesur l’activité exercée par l’opérateur privé. En pratique, ces dispositifs sont soit peu ou malutilisés, soit inefficaces en matière de remontées mécaniques. Les modalités de régulationproposées par ailleurs par la théorie des incitations sont également peu applicables. Larégulation par le marché et la concurrence au cours de l’exécution du contrat est de fait laplus effective.

1- L’insuffisance des instruments de contrôle applicables auxdélégations de service public

Les procédures prévues par la loi « Sapin » interviennent lors de la conclusion desconventions et lors de leur application. La mise en concurrence lors de l’élaboration ducontrat doit permettre l’obtention d’un résultat optimal. La mise à disposition d’informationsau profit des délégants doit leur permettre de réaliser le suivi des réalisations de leurdélégataire. Enfin, comme dans tout contrat, les collectivités ont la possibilité de mettre enœuvre des clauses de résolution.

En pratique, l’ensemble de ces dispositions est peu efficace, soit parce qu’elles sontpeu observées, soit parce que le contexte particulier du marché des remontées mécaniquesdiminue leur efficacité.

a-une mise en concurrence à la portée souvent limitéeLa régulation des contrats passés au titre des délégations de service public entre 1993 et1995 a été centrée principalement sur les procédures de mise en concurrence. C’est ainsique le loi « Sapin » stipule :

Article 38 : (…) Les délégations de service public des personnes morales de droitpublic sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant laprésentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décreten Conseil d'Etat.

La collectivité publique dresse la liste des candidats admis à présenter une offre aprèsexamen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer lacontinuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public.

La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant lescaractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, lesconditions de tarification du service rendu à l'usager.

Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de lapersonne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire107.

Ces dispositions ont pour but à la fois de garantir un choix de délégataire exempt defavoritisme, mais également de protéger les collectivités ayant choisi la délégation en leurpermettant de comparer les offres de plusieurs candidats. Dans le secteur des remontéesmécaniques, les procédures de mise en concurrence ont dans un premier temps été évitées

107 Loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique etdes procédures publiques.

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par les acteurs. Si elles sont aujourd’hui pratiquées avec plus de rigueur, leur portée estlimitée par le nombre peu élevé de délégataires potentiels.

L’obligation de mise en concurrence des délégations de service public lors de leurrenouvellement ou lors de leur création a été très diversement suivie depuis la miseen place de la loi « Sapin ». Fruits de l’ignorance ou volonté de contourner desdispositions contraignantes, de nombreuses pratiques ont conduit à diminuer l’impactde cette disposition. Les irrégularités exposées ici sont soulignées par les ChambresRégionales des Comptes lors de l’examen des comptes des autorités délégantes ou lorsd’avis rendus sur la demande du préfet. Dans une certaine mesure, le recueil des 25rapports et avis étudiés, portant sur vingt stations différentes, produit un concentré desirrégularités. Elles ne doivent donc pas être extrapolées à outrance, mais bien prisescomme une illustration des pratiques pouvant être utilisées dans ce secteur d’activité pourcontourner notamment les contraintes de la mise en concurrence.

Dans un premier temps, certaines collectivités ont utilisé l’exception introduite par la loi« Sapin » pour les délégataires pressentis avant l’entrée en vigueur de celle-ci. Le cas dela commune de Villard-de-Lans est souligné. La convention initiale passée en 1950 avecla Société d’Equipement de Villard-de-Lans et Corrençon (SEVLC) prévoyait une duréede 75 ans. Suite à la limitation de durée introduite par le loi « Montagne », la collectivitéa conclu une nouvelle convention avec son délégataire pour une durée de 30 ans en seprévalant de l’article 47 de la loi « Sapin », alors entrée en vigueur : le procédure de choixdes délégataires définie par cette loi «ne sont pas applicables lorsque, avant la date depublication de la présente loi, l'autorité habilitée a expressément pressenti un délégataire et

que celui-ci a, en contrepartie, engagé des études et des travaux préliminaires 108 . » La

Chambre Régionale des Comptes souligne néanmoins que si le délégataire avait bien étépressenti par la commune, il n’avait pas alors engagé de travaux préliminaires tels que laréalisation d’études ou de projets de convention109.

Par ailleurs, l’arrivée de la loi « Sapin » a pu être anticipée par un certain nombrede stations, qui ont alors renégocié un contrat de longue durée avec leur délégataireavant l’entrée en application de la loi. La Compagnie des Alpes a clairement anticipé lesprocédures de remise en concurrence : « dans tous les cas on essaie de ne pas aller jusque-là , donc de renégocier avant. C’est ce qui s’est fait il y a plusieurs années, à la fin desannées 1990. À Val d’Isère, ça a été fait dans les années 1991, on a repris 30 ans pour allerjusqu’à 2021, Tignes dans les années 1995, La Plagne…Tout ça, à la fin des années 1990,on a réussi à reprendre 30 ans. Donc aujourd’hui, on a des concessions qui finissent entre

le plus proche 2017-2018 et 2027-2028. 110 ». De fait, comme le souligne Emmanuel Petit,

la mise en place de procédures de mise en concurrence a pris du retard « Il y a eu peude mises en concurrence signées juste après la loi Sapin, puisque la plupart des grandes

stations avaient signé des avenants juste avant en sachant que la loi arrivait. 111 »

Des clauses de préférence du délégataire ont également parfois été inscrites dans laconvention. Ces clauses, illégales, n’auraient aucun effet en cas de remise en concurrence,

108 Article 47 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, dite loi « Sapin ».109 Chambre Régionale des Comptes de Rhône-Alpes, observations définitives sur la gestion de la commune de Villard-de-

Lans depuis 1989, 1998, pp6-7.110 Entretien réalisé avec M Blas le 18 avril 2008, Annexe 5, p 124111 Entretien réalisé avec M Petit le 20 mai 2008, Annexe 4, p 109

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mais révèlent la méconnaissance des procédures par les élus et le délégataire au momentde la conclusion de la convention. C’est le cas du contrat liant la commune de Venosc àl’exploitant des remontées mécaniques de la station des Deux alpes, qui stipule dans sonarticle 25 qu’à l’expiration de la convention, la commune se devra « de préférer, à conditions

égales le concessionnaire sortant à tout autre candidat 112 .». Une clause comparable est

présente dans le contrat liant le Syndicat Intercommunal de la Grande Plagne à la Sociétéd’Aménagement de La Plagne.

Plus répandue, la pratique des prolongations pour cause d’investissement, déjàsoulignée, est relevée à plusieurs reprises113. La commune de St Gervais a ainsi tentéen 2000 de conclure un avenant prolongeant la durée d’une convention initiale de 10 ansà 30 ans. Cette prolongation, prévue dans le contrat, était conditionnée à la réalisationd’investissements par le délégataire. L’avenant a été rejeté à l’occasion du contrôle delégalité114.

Enfin, des situations parfois complexes ont été mises en place dans les années 1990,avec la délégation indirecte du service à un opérateur privé. Un cas particulièrementcomplexe est celui de la station de Pra Loup. Un syndicat mixte ayant été créé pour gérer lastation, celui-ci désirait en confier la gestion à une société d’économie mixte, sous-traitantà une société privée. La loi « Sapin » étant entrée en vigueur entre temps, le syndicat aprocédé à une mise en concurrence qualifiée de « simulacre » par la Chambre régionaledes Comptes115. La SEM pressentie a été choisie et a immédiatement délégué l’exploitationdu domaine skiable à la société Transmontagne. L’examen réalisé par la Chambre révèleune structure complexe, dans laquelle la SEM est une structure transparente, et où aucunrisque ne pèse sur le délégataire réel.

Si les procédures de remise en concurrence ont pu être contournées de diversesmanières, il semble qu’aujourd’hui l’obstacle principal à la réalisation d’une véritable miseen concurrence soit la structure du marché des opérateurs susceptibles d’être candidatsà une délégation de service public. La disparition de la société Transmontagne réduit eneffet l’hypothèse d’une concurrence réelle lors de la sélection des candidatures et des offresdes candidats. La présence de plusieurs candidats donne plus de chances à la collectivitépour qu’une ou plusieurs candidatures soient retenues lors de la procédure de négociation,et pour que les délégataires potentiels proposent au final la meilleure solution en matièreéconomique. Blandine Tridon souligne ainsi que la présence de concurrents a conduitla société Rémy Loisirs à présenter une offre plus risquée en raison de la présence deconcurrents sérieux lors du renouvellement de la délégation de service public de St FrançoisLongchamp : « Il y a eu un appel d’offre. Nous étions trois en concurrence, avec Maulin etSOFIVAL. Ça nous a amené à devoir « monter au cocotier ». Ce sont des éléments qui nesont pas évidents, puisque la collectivité joue sur la concurrence. Même si au final elle aretenu notre offre, dans la mesure où elle nous connaissait, ça peut être dangereux parfois.

112 Chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes rapport d'observations définitives sur la gestion de la commune deVenosc, exercices 1990 et suivants, 2004, p9.

113 Observations définitives concernant les communes de Venosc, Saint Martin de Belleville, St Gervais, Chamrousse.114 Chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes rapport d'observations définitives sur la gestion de la commune de St

Gervais, exercices 1990-1998, 2001, p11.115 Chambre Régionale des Comptes de Provence Alpes Côte d’Azur, observations définitives relatives à la gestion du syndicat

mixte pour l'aménagement de Pra-Loup, exercices 1993-1997, 1999, pp7-15

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On n’ira pas à la surenchère dans certains endroits. 116 » Si elle ne doit pas conduire le

délégataire à accepter une délégation trop déséquilibrée à son encontre, ce qui le mettrait endifficulté pour réaliser les investissements prévus, une concurrence réelle conduit vraimentà une amélioration des offres au cours de la phase de négociation, comme le souligne lemaire de Pralognan la Vanoise, qui a réalisé une procédure de délégation de service publicen 2005: « On a fait des négociations avec les trois candidats. On s’est revu deux fois avectous, et le groupe qui s’en occupait nous a présenté le choix de Rémy Loisirs. Les offres se

sont quand même pas mal améliorées entre les premières et les dernières. 117 ».

Si la structure du choix entre opérateurs privés reste la même, les procédures dedélégation de service public des prochaines années pourraient donc être plus difficiles pourles collectivités. En effet, comme le souligne Emmanuel Petit, « Aujourd’hui, [les opérateurs]sont en position de force. On va plus se retrouver avec des sociétés qui ne répondentpas comme dans le cas du Val d’Allos. On se prépare à des lendemains plus difficiles. EnSavoie, pas trop car il y a peu de stations en difficulté, en Haute-Savoie beaucoup plus : ilsont beaucoup de petits sites isolés, aux besoins importants en matière d’investissements…118 ». En cas de renouvellement, peu de candidats alternatifs au délégataire antérieurpourraient se présenter. Certaines stations présentant des risques forts d’exploitationpourraient se voir contraintes à renoncer à un mode de gestion par délégation. Le cas desstations de Pra Loup et du Val d’Allos illustre ce cas de figure. Ces deux stations, géréeschacune par un syndicat mixte, sont très sensibles aux variations d’enneigement. Deuxprocédures de délégation de service public ont été lancées conjointement pour ces deuxstations en janvier 2008. Les conventions envisagées étaient des contrats d’affermage, afinde tenir compte du risque supporté par le délégataire et de laisser les investissements à lacharge des collectivités concernées. L’un des avis d’appel à la concurrence n’a pas reçude réponses acceptables par la collectivité. La seconde procédure, encore en phase denégociation, est conduite avec un seul délégataire potentiel119.

Dans ce contexte, il apparaît peu faisable pour l’autorité délégante d’exercerréellement une sélection ex ante du meilleur candidat. La portée de la loi « Sapin » estconsidérablement réduite, en particulier pour les stations en difficulté.

b- au cours de l’application du contrat : une information succincte audélégant, des procédures de résolution peu utiliséesLe suivi de l’exécution du contrat par l’autorité délégante nécessite pour elle de disposerd’informations concernant la réalité du service rendu par le délégataire, et les coûts auxquelsil est exposé. La loi n°95-127 du 8 février 1995 relative aux marchés publics et délégations deservice public prend en compte cette nécessité en modifiant la loi « Sapin » et en instaurantun rapport annuel obligatoire du délégataire à l’autorité délégante. Un rapport qui parfoisn’est pas remis et souvent reste opaque pour les collectivités. Enfin, pour être crédible,l’autorité organisatrice doit disposer des moyens juridiques pour imposer au délégataire deremplir sa mission. Ces moyens existent, mais sont rarement mis en œuvre.

116 Entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 134117 Entretien réalisé avec M Thomas le 24 avril 2008, Annexe 2, p 99118 Entretien réalisé avec M Petit le 20 mai 2008, Annexe 4, p 115119 Entretien réalisé avec Mme Lamouroux les 15 et 16 mai 2008, Annexe 3, p 104

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La loi « Sapin » telle que modifiée en 1995 prévoit dans son article 40-1 : « Ledélégataire produit chaque année avant le 1er juin à l'autorité délégante un rapportcomportant notamment les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes àl'exécution de la délégation de service public et une analyse de la qualité de service. Cerapport est assorti d'une annexe permettant à l'autorité délégante d'apprécier les conditions

d'exécution du service public. 120 ». Le contenu de ce rapport a été précisé par un décret

du 14 mars 2005, entré en vigueur en 2006. En pratique, la production de ce rapport asouvent été omise par les délégataires, et son contenu apparaît encore peu lisible pour lescollectivités.

Une première difficulté tient au fait que le rapport remis le1er juin doit préciser lescomptes de l’exercice précédant. En matière de remontées mécaniques, cela reviendraità ne pas aborder les résultats de la saison hivernale, achevée en avril. Les délégatairesproduisant un rapport incluent généralement en plus des données concernant l’exerciceclos des éléments d’information sur la saison écoulée121.

La production des rapports annuels des délégataires appelle d’importantes réserves.Parmi les 25 examens des comptes de collectivités supports de station utilisés, cinqmentionnaient l’absence de production d’un rapport annuel122, et trois soulignaient lecaractère succinct ou incomplet des informations fournies à la collectivité123. Ainsi, ledélégataire des remontées mécaniques de Chamrousse, la société Transmontagne, n’apas pu fournir en 2002 la preuve qu’il produisait bien ces rapports, que la collectivitén’avait pas reçu. Les trois délégataires exploitant les remontées mécaniques de la stationde La Bresse présentaient en 2002 à cette commune des rapports insuffisants d’après laChambre Régionale des Comptes de Lorraine. La société Rémy Loisirs présente le rapportle plus complet, comprenant un compte-rendu financier, une analyse de la structure et dela politique tarifaire pratiquée, un bilan des saisons estivales, une présentation généraledes modalités de mise en œuvre de la délégation. La Chambre relève néanmoins lecaractère succinct du rapport en ce qui concerne le compte d’exploitation. Les deux autresdélégataires présentent des documents se limitant à un compte d’exploitation plus ou moinsdétaillé124.

Des insuffisances ont été constatées pour chacun des principaux groupes impliquésdans la gestion des remontées mécaniques. Il semble donc que la production du rapportannuel n’ait pas été considérée comme une tâche importante par une bonne partie desdélégataires.

120 Article 40-1 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vieéconomique et des procédures publiques, modifié par la loi n°95-127 du 8 février 1995 relative aux marchés publics et délégationsde service public

121 Voir notamment l’entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 133-134122 Ces observations concernent les délégations des stations de Chamrousse (Société Transmontagne), Les Ménuires (avant

2000) (Compagnie des Alpes), Les Deux Alpes (Deux Alpes Loisirs), Corrençon en Vercors (délégataire local), La Plagne (Compagniedes Alpes).

123 Ces observations concernent les délégations des stations de La Bresse (Rémy Loisirs et deux délégataires locaux), SuperBagnères (Altiservices), Villard de Lans (délégataire local)

124 Chambre Régionale des Comptes de Lorraine, observations définitives sur la gestion de la commune de La Bresse,exercices 1997-2002, 2003, p15.

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Lorsque ces rapports sont effectivement produits, leur contenu reste souvent opaquepour les collectivités. L’insuffisante transparence des rapports des délégataires a étéconstatée par Mme Lamouroux dans le cadre des syndicats mixtes des stations de PraLoup et du Val d’Allos : « On en revient au problème de comptabilité privée. Un problèmede lecture sur des postes qui ne sont pas clairement identifiés, comme la remontée desfrais de siège. On a été dans l’obligation de faire appel à un prestataire extérieur qui nousa analysé les comptes de la délégation. Et cela reste toujours très flou, du fait de ce quej’appelle des sociétés écran, c’est-à-dire des grands groupes qui créent une filiale et qui

à leur tour créent de nouvelles filiales. 125 » Deux problèmes sont alors soulignés. D’une

part, la faible capacité d’expertise des collectivités en général, et les difficultés éprouvéesà décoder des données provenant d’une comptabilité privée. D’autre part, la faible lisibilitédes informations contenues dans les rapports des délégataires en général. La questiondes « frais de siège », ou frais induits pour la société-mère par l’activité de la filiale localede remontées mécaniques, illustre cette opacité. Peu détaillés, ils peuvent recouvrir desprestations diverses. Ces frais étant appelés à augmenter compte tenu de l’accroissementde l’importance de la mutualisation des frais de commercialisation, une transparence réelleest particulièrement nécessaire126.

Les précisions introduites par le décret du 14 mars 2005 pourraient permettre dedonner des informations plus précises et analysables aux collectivités. Ce décret précisele contenu attendu des rapports, qui comprend notamment le compte annuel de résultatd’exploitation ainsi que les règles comptables employées, afin d’assurer une imputation plusclaire des charges, une description des biens nécessaires à la production du service, etun inventaire des biens de retour et de reprise. Un programme d’investissement est exigé,et des indicateurs sur l’évaluation de la qualité du service peuvent être définis par voiecontractuelle. Une annexe devra notamment rendre compte des tarifs pratiqués. L’impactde ces contraintes, entrées en vigueur pour les exercices entamés en 2006, n’a pas encoreété réellement ressenti127. Dans une évaluation générale de ses effets éventuels, ClaudieBoiteau regrette la présentation « laconique » des dispositions censées éclairer l’analysede la qualité du service128.

Par ailleurs, les clauses permettant le cas échéant de sanctionner un comportementdu délégataire sont très peu mises en œuvre. Ces clauses peuvent prévoir des sanctionspécuniaires au titre de la on production de documents tels que le rapport annuel ou lesattestations d’assurance. En cas de faute grave, des sanctions coercitives peuvent êtremises en œuvre, telles que la mise en régie provisoire, qui a pour effet de placer le servicesous la direction de la collectivité temporairement, ou la déchéance du contrat, qui metfin au contrat avant son expiration. Enfin, une collectivité peut résilier une concession parmotif d’intérêt général, notamment en cas de cession de cette société à une autre129. Lecaractère très lourd des clauses de mise en régie provisoire ou de déchéance exclut leur

125 Entretien réalisé avec Mme Lamouroux les 15 et 16 mai 2008, Annexe 3, p 106126 La Chambre Régionale des Comptes de Rhône-Alpes souligne dans ses observations définitives sur l’examen des comptes

de la commune de St Martin de Belleville l’existence de frais de holding au contenu peu transparent entre la SEVABEL, exploitant ledomaine skiable des Menuires, et la Compagnie des Alpes.

127 Les premiers rapports produits selon ces modalités ont été remis le 1er juin 2007 aux autorités délégantes.128 BOITEAU, Claudie, Brèves observations sur le rapport annuel du délégataire de service public local, in Contrats publics,

VII, Mélanges en l’honneur du professeur Michel Guibal, Université Montpellier I, 2006, pp 223-232.129 Conseil d’Etat, arrêt n°126594, Société des téléphériques du Mont-Blanc, 31 juillet 1996.

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application lors de l’exécution du contrat sauf en cas de faute lourde du délégataire, commel’abandon de l’exploitation du service. En pratique, les sanctions pécuniaires doivent assurerles modalités principales du contrôle du délégant sur le délégataire. Ces pénalités sontgénéralement peu élevées. Le contrat établi entre la commune de Pralognan-la-vanoise etla société Rémy Loisirs prévoit un montant forfaitaire de 500€ en cas de non versement dedocuments. Elles sont également peu mises en œuvre, notamment en ce qui concerne lesretards de versement de redevance. La Chambre Régionale des Comptes de Rhône-Alpessouligne ainsi que les communes de Villard de Lans et de Corrençon ont consenti à desretards importants dans le versement des redevances par le délégataire130. Les collectivitésn’ont en effet pas intérêt à aggraver la situation du délégataire si celui-ci connaît desdifficultés. Par ailleurs, mettre en œuvre des sanctions à l’égard de l’exploitant du domaineskiable de la station implique d’instaurer un climat tendu entre celui-ci et la collectivité. Desrelations ouvertement conflictuelles peuvent se révéler difficiles à gérer par les deux parties.

2- peu d’incitations ou de contraintes envisageablesLe constat d’une relation asymétrique entre délégant et délégataire, et de l’inefficacité desmoyens de régulation juridiques invite à rechercher des modalités de régulation empruntéesnotamment à la théorie des incitations. Dans ce cadre, la collectivité et le délégatairede service public sont les protagonistes d’un rapport entre « Principal » et « Agent ».Ces partenaires possèdent des informations limitées sur leur comportement respectif.Différentes solutions sont proposées pour forcer les partenaires à révéler ces informations.L’enjeu est de permettre au Principal d’inciter l’Agent à adopter une conduite optimale,que ce soit du point de vue de la qualité du service rendu ou des prix pratiqués. Lessolutions proposées restent cependant difficilement applicables en matière de remontéesmécaniques. Finalement, la régulation par le marché, notamment en matière de tarifs, restela plus effective.

a- l’inefficacité des propositions traditionnelles de régulation des contratsLes solutions envisageables pour inciter les parties d’un contrat à adopter un comportementoptimal sont notamment l’instauration d’une concurrence réelle à l’entrée du contrat et lorsde la négociation, l’incitation par les prix, la « yardstick competition », et la « sunshineregulation ».

Les développements précédents ont permis de montrer que l’offre réduite dedélégataires potentiels pour une grande partie des stations réduit les possibilités d’instaurerune véritable concurrence. Il faut donc tenter d’instaurer les conditions susceptibles defavoriser la présence de plusieurs candidatures viables lors des procédures de mise enconcurrence. Cela revient à assurer une meilleure contestabilité du marché. Jean Bouinotdéfinit quelques pistes pouvant s’appliquer aux délégations de service public en général131.Une première voie concerne la durée des délais de présentation des candidatures et desoffres. La limite légale de présentation des candidature est fixée à un mois après la date de

130 Chambre Régionale des Comptes de Rhône-alpes, observations définitives sur l’examen des comptes de la communede Villard de Lans, exercices 1989 et suiv, 1999, et observations définitives sur l’examen des comptes de la commune de Correçon,exercices 1989 et suiv., 1999.

131 BOUINOT, Jean, Comment assurer l’égal accès à l’information juridique, technique et économique avant le contrat, encours de contrat et lors de son renouvellement ?, RFDA, hors-série : La gestion déléguée du service public, 1997, pp 41-53

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la publication de l’avis de mise en concurrence132. Ce délai apparaît bien faible au regard dela nécessité pour les candidats de conduire une évaluation poussée de l’état des remontéesmécaniques et du potentiel économique de la station avant de proposer éventuellement leurcandidature, puis une offre. Dans un deuxième temps, concéder aux candidats déclarés untemps suffisamment long pour élaborer leur offre leur devrait leur permettre de réduire leursincertitudes sur l’état de la station, donc de proposer une offre plus adaptée. Enfin, comme lesouligne par ailleurs Emmanuel Petit, il est important de laisser la possibilités aux candidatsde proposer des solutions alternatives à celles envisagées par la collectivité lors de l’examendes candidatures,: « Il y a deux façons de faire, comme pour le cahier des charges. Il y ades cahiers de charges qui ressemblent déjà à des conventions. Il n’y a plus qu’à remplir. Sile but d’une DSP ce n’est pas de rechercher la meilleure offre économique possible, je n’airien compris. Le cahier des charges, on le fait ouvert. On laisse venir les candidats. On saitqu’en matière de DSP, plus on en met dans l’avis d’appel à concurrence et dans le cahierdes charges, plus ça rassure les juristes. Par contre, c’est dommage de ne pas se laisser lapossibilité qu’un candidat nous dise que l’on n’a pas imaginé telle solution, tel financement.Le but, c’est de récupérer des offres économiques avant tout. On ne spécifie pas parfois si

ce sera une DSP en concession ou en affermage. 133 ». Dans ce cas, il est important que

la collectivité ait par ailleurs fait l’effort de définir clairement ses objectifs préalablement.L’ensemble de ces mesures ne peut qu’améliorer les possibilités d’entrée sur le

marché d’un nouvel opérateur, ou de mise en place d’une concurrence entre lesprincipaux délégataires potentiels existants. Mais elles ne constituent pas une garantiede l’effectivité de la concurrence, en particulier lors du renouvellement des conventionsde délégation. Outre le faible nombre d’opérateurs privés, le délégataire sortant disposeen effet de deux avantages. Le premier résultant de sa connaissance approfondie dela station concernée peut être contourné par les dispositions précédentes. Le secondconcerne l’importance des relations de confiance entre les collectivités et leur délégataire.Les collectivités tentent d’abord d’éviter de choisir un délégataire susceptible de connaîtredes difficultés financières. L’exemple récent de la société Transmontagne montre queles craintes des collectivités sont fondées. Cette société tendait à inspirer confiance auxautorités délégantes, et ses difficultés, normales après la saison 2006-2007, ne semblaientpas devoir provoquer un dépôt de bilan, d’après le Directeur Général des Services deChamrousse : « Nous collectivité, comme d’autres stations, on a eu vent de tels problèmes.Ce n’était pas exceptionnel. Tout le monde avait un peu des soucis l’année dernière. La

montagne en général avait souffert. On ne se faisait pas plus de soucis que ça. 134 ».

Si ce paramètre peut réduire la portée des remises en concurrence, il indique parailleurs une voie effective d’incitation dans le secteur des remontées mécaniques. Laréputation des opérateurs est en effet un élément important de leur capacité à obtenir lagestion de nouvelles stations, ou de se maintenir lors du renouvellement des conventions.Comme le souligne Blandine Tridon, il est préférable que l’opérateur ne soit pas perçucomme la source de l’échec d’une délégation de service public : « On a tenté d’alerterla collectivité qui restait hermétique. Comme on préfère sortir par le haut, sachant qu’onnous demanderait ce qui s’est passé dans les prochains appels d’offre, on a recouru à

132 Décret n°93-471 du 24 mars 1993 portant application de l’article 38 de la loi « Sapin ».133 Entretien réalisé avec M Petit le 20 mai 2008, Annexe 4, p 116134 Entretien réalisé avec M Ligney le 4 mars 2008, Annexe 1, p 89

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une procédure de mandat ad hoc. 135 »Les opérateurs ont donc tout intérêt à instaurer

le rapport le moins conflictuel possible avec leur autorité délégante. En ce sens, une« sunshine regulation » est déjà effective dans ce secteur d’activité. L’impact de la réputationsur le comportement des opérateurs peut être réel. Ainsi, la société Rémy Loisirs tenteà la fois de préserver de bons rapports avec les autorités organisatrices et de présenterdes réponses très précises lors des appels d’offre. Cette stratégie est payante, comme lesouligne Emmanuel Petit « (…)le choix final est souvent une question de confiance. Dansla phase de négociation, au bout d’un moment, les offres arrivent toutes au même endroitsensiblement. Certains répondent plus rapidement, avec plus de sérieux. A la fin, les élusvont choisir celui qui leur inspire le plus confiance, sachant que tous les autres points sontcomparables. C’est un choix intuitu personae. On ne marche pas sur critère comme enmarché public. En délégation de service public, on discute. Il y a la méthode, l’approche,la stratégie de la boutique, l’actionnariat de la société, sa stratégie de développement, passeulement l’aspect technique et financier. Rémy Loisirs a pu être choisi même s’ils versaientmoins de redevance à la collectivité, parce qu’au final ils avaient la meilleure approche sur

le résultat final d’exploitation. 136 »

La méthode plus active de compétition par comparaison, ou « yardstick competition »,semble difficile à mettre en œuvre en ce qui concerne les remontées mécaniques. Ellerequerrait une forte implication de l’Etat. En effet, cette méthode d’incitation repose sur laconstitution d’indicateurs de référence, susceptibles d’aider les parties dans leur évaluationdes coûts supportés et des prix pratiqués par l’autre partie. Un observatoire de l’eau a ainsiété créé en 1996. En pratique, les élus des collectivités supports de station ont souvent entête une station qu’ils considèrent comme équivalente en matière de domaine skiable parexemple. Ils peuvent alors évaluer la stratégie de leur propre délégataire. Cette pratiquerencontre vite des limites. Comparer deux stations de montagne est en effet un exercicedifficile. Outre le fait que les modes de gestion doivent être similaires, un grand nombre deparamètres participent à la détermination des coûts supportés par le délégataire, et certainspeuvent être peu visibles pour un observateur extérieur, comme les problèmes spécifiquesposés par un ou des appareils, ou l’ampleur des travaux nécessaires à l’entretien ou auréaménagement des pistes. Le tarif pratiqué par des stations apparemment proches peutdonc varier sensiblement sans indiquer nécessairement pour cela la captation d’une rentepar un délégataire. L’instauration d’une comparaison efficace réclamerait donc une étudeapprofondie des paramètres constituant les structures de coût des stations.

La loi « Sapin » prévoit une rémunération du délégataire permettant d’assurer unpartage des risques entre les deux parties à la délégation de service public. La rémunérationdu délégataire est en effet « substantiellement liée au résultat de l’exploitation du service137 ». L’appréciation de la réalité de a prise en charge de ce risque est complexe enparticulier pour les contrats d’affermage. Il est donc a fortiori difficile de rendre compte d’uneéventuelle stratégie d’incitation par la rémunération du cocontractant. Le faible nombre decontrats ou d’examens détaillés des clauses financières disponibles pour ce mémoire n’ysuffit pas. En effet, les clauses financières des contrats varient fortement d’une stationà une autre. Ces clauses regroupent à la fois les conditions de fixation des tarifs par le

135 Entertien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 135136 Entretien réalisé avec M Petit le 20 Mai 2008, Annexe 4, p 112137 Loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des

procédures publiques, article 38.

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délégataire, l’existence d’une redevance et son importance, les modalités de financementdu développement de la station, mais aussi par extension le taux de la taxe professionnelleet des taxes spécifiques aux remontées mécaniques instaurées par la collectivité ou ledépartement. L’enjeu est d’assurer une répartition équilibrée des risques liés à l’exploitationdu service, mais également de permettre le cas échéant de partager les gains de productivitéréalisés. Les formules théoriques de « cost plus » et « price cap » ne semblent pasréellement mises en œuvre en pratique. La formule « cost plus », consistant à assurerau délégataire une rémunération couvrant ses coûts effectifs et lui assurant un taux derendement donné, suppose en effet de connaître les coûts supportés par le délégataire.Dans un domaine soumis fortement à des aléas techniques et de fréquentation, il sembledifficile et surtout coûteux de mettre en place une structure d’évaluation des coûts supportéspar le délégataire. Cette formule échoue à contrôler les coûts, mais présente l’avantaged’inciter le délégataire à investir. La formule « price cap » consiste à fixer une limite derémunération au délégataire évoluant dans le temps en fonction d’un indice des coûtsminoré d’un facteur extérieur. L’effet produit est une incitation forte à réduire les coûts deproduction du service. Cependant, le délégataire n’est plus incité à investir. Or, la gestionde remontées mécaniques étant une activité fortement capitalistique demandant le plussouvent l’engagement régulier de nouveaux investissements tout au long de la durée de laconvention, cette formule semble difficilement applicable en l’état.

En pratique, les quelques exemples étudiés montrent un effort variable en vue d’inciterle délégataire à maîtriser ses coûts138.

Dans la plupart des cas, les tarifs pratiqués par le délégataire vis à vis des usagerssont indexés en théorie sur un indice représentant l’évolution des coûts su secteurd’activité. Ils peuvent être également fonction des améliorations réalisées par le délégataire.Dans son guide réalisé en 2005 pour aider les collectivités lors des procédures dedélégation de service public, l’association nationale des maires de stations de montagne(ANMSM) remarque que « certaines conventions de remontées mécaniques prévoientque le délégataire est seul compétent pour fixer les tarifs. D’autre part, les tarifs ne sont

généralement pas stipulés dans les conventions 139 ». Il arrive qu’en pratique le contrôle

des tarifs par les autorités délégantes soit peu effectif140.Quant à la fixation de la redevance, ses modalités sont variables. Dans quelques cas,

aucune redevance n’est imposée au délégataire. Par exemple, une délégation en affermagedans le cadre de laquelle la collectivité verse une redevance au délégataire supérieureau chiffre d’affaire normal de la station. Saisie par le préfet, la Chambre Régionale desComptes a estimé que si cet aide était importante, « il convient néanmoins de considérerque la rémunération du délégataire demeure ainsi substantiellement liée aux résultats del’exploitation du service au regard de la jurisprudence du juge administratif selon laquellel’ensemble des recettes d’exploitation peut dans le cadre d’une délégation de servicepublic être inférieur aux versements provenant de l’autorité délégante (CE, 30 juin 1999,

138 Outre la convention de délégation de Pralognan-la-vanoise, les rapports d’observation des Chambres Régionales desComptes étudiés font mention substantiellement des clauses financières pour huit collectivités : Gavarnie, Corrençon en Vercors,Chamrousse, Bourg Saint Maurice (Les Arcs), La Bresse, La Plagne, St Gervais, Département du Cantal (Super Lioran).

139 ANMSM, Délégations de service public et domaine skiabe : mode d’emploi, p69.140 Voir notamment les observations définitives de la Chambre Régionale des Comptes de Rhône Alpes au titre de l’examen

des comptes de la commune de Saint Martin de Belleville, exercices 1997 et suiv., 2004, p 30.

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SMITOM centre ouest seine-et- marnais) ; 141 » . Elle constituait néanmoins une aide

économique au sens du droit communautaire et aurait dû de ce fait faire l’objet d’unedéclaration. La Chambre ne se prononce pas sur l’équilibre du contrat envisagé, qui sembletrès avantageux pour le délégataire qui de fait ne supporte que très peu de risques. Untel déséquilibre apparent est rare. La commune de Saint Gervais par exemple n’exige pasde redevance de la part de son délégataire, mais celui-ci supporte les investissementsrelatifs au renouvellement des appareils de remontée mécanique. La commune assure parailleurs une garantie des emprunts contractés. L’absence de redevance n’est pas forcémentsynonyme de relation déséquilibrée entre délégant et délégataire. Une telle situation peutrefléter un équilibre économique particulier, dans lequel le délégataire prendrait en chargedes investissements importants.

Quatre des neuf conventions étudiées directement ou indirectement mentionnent uneredevance calculée à suivant un taux fixe des recettes brutes. Par exemple, les troisexploitants des domaines skiables de la commune de La Bresse versent respectivement5%, 2,70% et 4,70% de leurs recettes brutes hors taxes d’exploitation. Ces formules nonévolutives se rapprochent d’un prix « cost plus » : le délégataire a intérêt à minimiserses coûts, puisque la part de redevances versée reste la même. Des difficultés peuventapparaître lors d’un investissement particulièrement lourd, ou d’une saison particulièrementmauvaise. Il peut être dans l’intérêt des parties de prévoir des clauses de révision en fonctionde l’évolution des contraintes économiques.

Deux autres conventions prévoient l’adossement de la redevance demandée audélégataire sur les annuités d’emprunt supportés par la collectivité suite à un investissementréalisé sur le domaine skiable. Ces conventions peuvent être des conventions d’affermage,ou des contrats mixtes prévoyant la prise en charge de certains investissements par lacollectivité et d’autres par le délégataire. C’est le cas de la convention de délégation dePralognan-la-vanoise, qui adosse la redevance perçue au titre de la délégation du domaineskiable à l’annuité des emprunts contractés par la commune pour financer des équipements.Dans ce cas, la convention doit prévoir ce qu’il advient lorsque l’emprunt est remboursé.Ce type de formule présente les mêmes inconvénients que la précédente. Il présentel’avantage d’assurer que la redevance versée contribue directement ou indirectement aufonctionnement du service. Il peut cependant créer une rente de fait pour le délégataire siles versements s’interrompent à l’issue du remboursement des annuités.

Enfin, la formule adoptée par le département du Cantal, autorité organisatrice pourla station de Super Lioran, apparaît comme la plus incitative. La convention prévoit uneclause d’indexation des tarifs pratiqués, ainsi qu’une clause de réexamen des conditionsfinancières dans l’hypothèse où le coefficient d’indexation varierait de plus de 25% parrapport à sa valeur d’origine, en cas de financement de nouvelles installations par ledestinataire, ou en cas d’évolution de plus ou moins 15% du chiffre d’affaire des remontéesmécaniques sur les trois dernières années. Les tarifs pratiqués augmentent par ailleurs enfonction des tranches de travaux prévus et réalisés. La redevance est quant à elle composéede trois parties : une redevance de fixe, une redevance complémentaire pour un chiffred’affaire égal à 2, 28 millions d’euros, et une redevance supplémentaire par tranche de 150000 euros supplémentaires de chiffre d’affaire, lorsque celui-ci excède 2,59 million d’euros.La collectivité incite donc le délégataire à réaliser les investissements prévus. L’hypothèsed’une mauvaise saison est compensée par la faible redevance de base prévue au contrat.

141 Chambre Régionale des Comptes de Midi Pyrénées, avis sur la délégation du service public des remontées mécaniqueset du domaine skiable de la station de ski de Gavarnie-Gedre conclu par la communauté de communes de Gavarnie-Gedre avec lasociété Altiservice, 11 déc 2007, p7

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La difficulté réside cependant dans la mise en place des seuils de redevance lors de lanégociation du contrat.

Adopter une stratégie d’incitation par les prix est donc possible en matière de remontéesmécaniques, en particulier si des clauses de prise en compte des modifications éventuellesdes conditions initiales du contrat peuvent être définies. Il reste que seule une concurrenceinitiale réelle permet de fixer ces clauses de manière efficace.

b- une régulation des contrats laissée de fait au marchéLa concurrence entre opérateurs privés lors du renouvellement ou de la création d’unedélégation de service public n’est pas toujours effective, mais les statistiques semblentdémontrer une progression normale des tarifs aux usagers au regard des investissementsréalisés, et un réel effort en matière d’investissements. Après avoir connu une augmentationsensible au début des années 2000, corrélée avec un important effort d’investissement,« Le prix moyen du forfait ne progresse pas alors même que les charges des exploitantss’alourdissent, notamment le coût des appareils neufs, et que l’offre de ski s’améliore

constamment. 142 »Par ailleurs, le rapport entre les investissements engagés et le chiffre

d’affaire réalisé est en progression constante. Il est de 40% en 2006, contre 20% en 1996143.Ce comportement des délégataires peut être expliqué principalement par la concurrenceexistant entre les stations de montagne. Les délégations de service public en matière deremontées mécaniques affirment donc leur spécificité, qui tient à la nature non captive deleurs usagers, qui constituent plutôt une clientèle. Celle-ci les contraint à maintenir, voireaméliorer la qualité du service puisqu’ils sont dépendants de la fréquentation du domaineskiable pour parvenir à rentabiliser leur activité.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que la fixation des tarifs pratiqués vis à vis desusagers reste largement du ressort du délégataire. Ces tarifs doivent être approuvés parl’assemblée délibérante de l’autorité organisatrice. En pratique, les conventions prévoientsouvent une clause d’approbation tacite à l’issue d’un délai d’un ou deux mois après lanotification des tarifs par le délégataire, bien que de telles clauses soient relevées commeillégales par les Chambres Régionales des Comptes. De plus, les tarifs approuvés sontloin de constituer la politique commerciale de l’opérateur privé. Il s’agit généralement desforfaits journée et semaine. Or, la gamme des tarifs pratiqués au cours de la saison esttrès large, des accords spéciaux passés avec des tour opérateurs aux forfaits « famille »intégrant des remises importantes. Le délégataire doit fournir un compte-rendu de sapolitique commerciale dans le rapport annuel remis à la collectivité, mais celle-ci n’a enpratique guère de prise sur la stratégie de l’opérateur. Les opérateurs privés interrogéssoulignent que les limites de la tarification appliquée sont surtout données par les contraintesdu marché des sports d’hiver en France et en Europe « certaines concessions n’imposentpas de limites[en matière de tarifs]. Mais il y a la contrainte du marché. Vous ne pouvez pas

augmenter de 10%, comme ça…donc on tient compte de ce critère-là 144 . »

Par ailleurs, Emmanuel Petit estime que la mise en concurrence des délégations deservice public, si elle peut apporter des modifications substantielles notamment en termede redevance, ne conduit généralement pas les opérateurs à renoncer à leur évaluation

142 ROLLAND, Vincent, Rapport au Premier Ministre sur l’attractivité des stations de sports d’hiver, 2006, p17, 94-95.143 ODIT France, Les chiffres clefs du tourisme de montagne, 2006, p42.

144 Entretien réalisé avec M Blas le 18 avril 2008, Annexe 5, p 127

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du potentiel de la station considérée. L’apport des procédures de mise en concurrencerésiderait aussi dans l’élaboration plus complète des offres proposées, et non seulementdans les conditions proposées en terme de tarifs et de redevances : « dans les procédureson a constaté que quand on lançait une DSP, les offres étaient peu finalisées. Au fur et àmesure des contrats, on a eu des offres plus cadrées. Je n’ai jamais vu le groupe RémyLoisirs remettre en cause les fondamentaux de son étude au cours de la discussion. Sonappréhension économique reste la même, sauf fait nouveau. Transmontagne était dans lamême logique. Une fois qu’ils ont fait leur ratio, ils savent la capacité qu’ils ont à gérer le

site 145 . »Cependant, même si la régulation induite par la concurrence entre stations réduit

fortement le risque d’appliquer un tarif très élevé aux usagers, ou d’interrompre totalementles investissements nécessaires, la conservation d’un contrôle minimal du délégatairepar les collectivités apparaît très coûteuse. Les possibilités de sanction prévues par lesconventions ne sont pas aisées à mettre en œuvre en ce qu’elles induisent une relationdégradée entre le délégant et son partenaire. La mise en place de clauses initialesincitatrices pour s’assurer de l’absence de prise de rente est peu aisée, en ce qu’elle réclamede la part de la collectivité un effort important d’expertise avant et pendant l’écriture ducontrat. Malgré son coût, cet effort semble nécessaire pour assurer le bon déroulement dela délégation.

C- La nécessité de l’adoption d’une approche à la foisjuridique et économique

Les contrats de délégation de service public en matière de remontées mécaniques sont descontrats coûteux à la fois dans leur mise en place et dans leur exécution. Assurer l’équilibredes relations entre autorité délégante et délégataire lors de la conclusion et pendant le suividu contrat suppose surtout un effort de la part des collectivités, et la mise à leur disposition demoyens adaptés. Dans un premier temps, il est nécessaire de conduire une réelle évaluationéconomique du projet de délégation préalablement à l’avis d’appel à concurrence. Enfin, lescontrats de délégation de service publics doivent être utilisés comme des « boîtes à outils »permettant de déterminer les modalités de leur évolution en fonction de la situation réelle.

1- l’adoption d’une démarche préalable d’évaluation économique duprojet de délégation

Adopter une réelle démarche de réflexion sur les objectifs recherchés à travers unedélégation de service public et d’évaluation des conditions économiques dans lesquellespeut être construit un tel projet est nécessaire. Cela représente un réel effort pour lescollectivités, mais permet d’une part de mieux situer les offres proposées par le ou lescandidats, et d’autre part de prévoir des clauses de rendez-vous réalistes au sein du contrat.

a- une démarche nécessaire préalablement à la mise en concurrence

145 Entretien réalisé avec M Petit le 20 mai 2008, Annexe 4, p 115

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L’article L1411-1 du Code Général des Collectivités Territoriales stipule « les assembléesdélibérantes des collectivités territoriales, de leurs groupement et de leurs établissementspublics se prononcent sur le principe de toute délégation de service public local. Ellesstatuent au vu d’un rapport présentant le document concernant les caractéristiques desprestations que doit assurer le délégataire ». Or, comme le souligne Jean Bouinot, ce rapporta tendance à rester silencieux sur l’argumentation du principe de recours à un délégant146.Emmanuel Petit a un point de vue similaire : si certaines collectivités font l’effort d’unevéritable étude préalable, d’autres ne le font pas « Il y a avant et après la DSP. Avant de lalancer, il y a un travail préalable très important. Etude de scénario alternatif, étude technique,discussions avec le délégataire en place, tester des opérateurs, aller voir ailleurs commentcela se passe…cela impose que l’on ait une idée du cahier des charges au moment delancer la procédure. Parce que la DSP commence par un rapport dans lequel on expliqueles motivations de la DSP. Si les collectivités font ce travail, c’est bien. Certaines ne le font

pas au préalable. 147 »

Que ce soit lors du renouvellement d’une délégation de service public, ou lors de lacréation d’une délégation, l’état des remontées mécaniques et de la station peut ne pasêtre clair pour la collectivité. Ainsi, une étude du chiffre d’affaire des stations de Pra Loupet du Val d’Allos a permis aux syndicats mixtes chargés de leur gestion de constater unestagnation en raison d’années difficiles, alors que les délégataires en place diagnostiquaientune baisse du chiffre d’affaire. La commune de Pralognan-la-vanoise a fait appel à uneexpertise extérieure pour élaborer un diagnostic des comptes de la station. Celle-ci étaitprécédemment gérée en régie puis en SEM : « Le plus gros boulot a consisté à savoird’où l’on partait et ce que l’on voulait. Ce n’était pas si simple, puisqu’en fait pendantdes années comme les investissements étaient noyés dans le budget communal, on neretrouvait pas tout. Donc on a d’abord essayé de faire une analyse financière comme si larégie gérait tout : le fonctionnement et les investissements. À partir de ces chiffres, on s’est

demandé comment faire pour arriver à un domaine skiable qui soit rentable. 148 » À partir

d’une évaluation de base fiable, différentes possibilités de gestion de la station peuventêtre envisagées. La collectivité peut notamment évaluer l’attractivité de son offre face auxprincipaux candidats potentiels. Dans son article sur l’accès à l’information en matière dedélégation de service public en général, Jean Bouinot souligne une pratique anglo-saxonneconsistant à conduire des études lors de la phase préliminaire d’un projet pour évaluerl’existence d’entreprises pouvant potentiellement présenter des offres149. Une telle pratiquepeut permettre à la collectivité de réviser ses objectifs afin d’élargir le champ de l’avis demise en concurrence, ou de prévoir une solution alternative sous la forme d’une SEM encas de réponses insuffisantes de la part des opérateurs privés.

b- une condition à l’équilibre des relations entre les partiesLes procédures de négociation sont au cœur des délégations de service public. Cela neveut pas dire que des négociations ont lieu constamment entre délégant et délégataire, mais

146 BOUINOT, Jean, Comment assurer l’égal accès à l’information juridique, technique et économique avant le contrat, en cours decontrat et lors de son renouvellement ?, RFDA, Hors-Série : la gestion déléguée du service public, 1997, p45147 Entretien réalisé avec M Petit le 20 Mai 2008, Annexe 4, p 118

148 Entretien réalisé avec M Thomas le 24 Avril 2008, Annexe 2, p 99149 BOUINOT, Jean, Comment assurer l’égal accès à l’information juridique, technique et économique avant le contrat, en

cours de contrat et lors de son renouvellement ?, RFDA, Hors-Série la gestion déléguée du service public, 1997, p46.

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La gestion des remontées mécaniques par des opérateurs privés en délégation de service public

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plutôt que dans le cadre de contrats de longue durée, ces deux partenaires sont amenésà adapter les modalités de leur relation contractuelle à l’évolution des conditions réellesd’exploitation.

Au préalable cependant, la procédure initiale de négociation apparaît comme unephase cruciale. Avoir réalisé une étude préalable permet à la collectivité de fixer précisémentses objectifs, notamment en terme d’investissements, et d’en exiger autant de la partdes candidats. Comme il l’a été montré, il n’est pas possible d’exiger la description desinvestissements réalisables pendant toute la durée de la convention. Mais les collectivitéspeuvent demander l’élaboration d’un prévisionnel d’exploitation permettant d’une part defixer les prétentions du délégataire en matière de tarifs, et d’autre part de rendre visiblesles phases d’investissement réalisables, à défaut de décrire précisément quel appareil seramodifié ou quelle solution technique préférée.

La réalisation d’un tel document permet dans une certaine mesure de garantir la bonnecompréhension des enjeux, notamment économiques et financiers, pesant initialement surle délégataire et sur la collectivité. L’importance d’entretenir des relations de confianceentre délégant et délégataire a été soulignée. Ces relations sont favorisées par une bonnecompréhension des conditions initiales et des objectifs de la délégation de service public.

Il est également important que les collectivités soient en mesure de définir des pointsde rendez-vous avec le délégataire : « Le contrat est simplement là pour vérifier au coursde la convention si les hypothèses se réalisent ou pas. Et surtout : si ça se passe mieux,est-ce que l’on réinvestit, est-ce que l’on donne plus de redevance ?Si ça se passe mal,que se passe t’il ? On décale les investissements, on revoit le programme ? On baissela redevance ? L’intérêt, sachant que les avenants sont plus compliqués maintenant, c’estde mettre dans le contrat les boîtes à outils qui permettent de réajuster les conditions

économiques du contrat par rapport à la réalité. 150 » Pour élaborer et mettre en œuvre

ces « outils » permettant d’envisager des procédures de renégociation, il est important des’assurer de l’existence d’une réelle expertise au sein de la collectivité, ou de faire appelà une aide extérieure.

2- Mettre en place des mesures de contrôle du délégataire ad hoc : lanécessaire implication des collectivités.

Les limites des instruments de régulation au cours de l’exécution des conventions proposésdans le cadre traditionnel des délégations de service public ont été soulignées. L’élémentle plus important pour assurer l’équilibre des relations entre délégataire et délégant et laconciliation de leurs objectifs, est la mise en place de structures de dialogue. Par ailleurs,pour compenser les faibles moyens des collectivités existent d’ores et déjà des aidesextérieures. Celles-ci pourraient être mieux développées, notamment en ce qui concernele suivi des délégations.

a- un besoin d’expertise de la part des collectivitésLes collectivités se trouvent donc dans l’obligation de s’impliquer réellement dans le suivides conventions de délégation de service public. Or, le constat de leur manque de moyenshumains et techniques notamment a également été fait. Le recours à une aide extérieure

150 Entretien réalisé avec M Petit le 20 mai 2008, Annexe 4, p 115

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II- En pratique, la recherche difficile d’un équilibre entre autorité délégante et délégataire

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semble bien développé en ce qui concerne les procédures de mise en place des délégationsde service public. Il resterait à assurer les collectivités de moyens de suivi des délégations.

Les responsables de collectivité interrogés ayant été engagés dans une procédure dedélégation de service public ont tous fait appel à une aide extérieure pour la procédurede mise en concurrence. Les possibilités sont nombreuses, bien que toutes payantes :organismes para-publics comme l’ASADAC, cabinets privés spécialisés…Ces structurespeuvent cependant proposer des approches différentes, plus ou moins centrées sur l’aspectjuridique des conventions. Comme il l’a été montré, il est important de s’assurer d’uneexpertise à la fois économique et juridique lors de l’élaboration des conventions. L’appelà l’aide extérieure ne dispense pas cependant les collectivités de faire l’effort de définirprécisément leurs attentes préalablement au lancement de la procédure de délégation deservice public.

En ce qui concerne le suivi de l’exécution des conventions, le recours à des aidesextérieures payantes est toujours possible, mais pourrait se révéler onéreux. Dans sonaudition devant la mission commune d’information chargée de dresser le bilan de lapolitique de la montagne, le président de l’association des maires des stations françaisesde sports d’hiver et d’été souligne le manque de compétence des services de l’Etat,notamment au niveau du contrôle de légalité : « Nous pensons que le suivi d'un contrat dedélégation de service public constitue une véritable responsabilité dont l'exercice nécessitedes connaissances précises et une expertise certaine sur le plan technique, juridique,administratif et financier. Or, l'expérience du terrain montre que ces conditions ne sontque rarement remplies. L'intervention des services de l'Etat n'est pas à la hauteur desenjeux. En effet, mis à part les services techniques qui assurent le contrôle des engins deremontées mécaniques, les services de l'Etat appelés à intervenir, soit comme conseillers,soit comme contrôleurs, ne sont pas reconnus comme étant particulièrement compétents

en la matière sauf sur les questions de procédure 151 ». La diffusion d’une expertise en

matière d’évaluation économique et financière des délégations de service public en matièrede remontées mécaniques s’avèrerait donc nécessaire.

b- une exigence accrue en matière d’informationL’information réciproque du délégant et du délégataire constitue un élément important lorsde l’exécution des contrats. Deux procédures permettent de l’améliorer, mais réclament uneimplication accrue des collectivités.

Dans un premier temps, l’exploitation des données fournies par le rapport annuel dudélégataire doit être assurée. Les contraintes apportées récemment en ce qui concerne soncontenu devraient en faire un élément important du suivi des contrats. Les manquementsliés à la production de ce rapport ont été soulignés, et conduisent à rejeter pour le momentl’appréciation enthousiaste de Claudie Boiteau : « le rapport annuel du délégataire pourrait

bien devenir l’instrument efficace d’une analyse économique du contrat de délégation 152

». Néanmoins, les informations contenues dans ce rapport devraient être exploitées parles collectivités. En théorie, l’assemblée délibérante de la collectivité doit dans un premiertemps prendre acte de la remise du rapport, puis lors de la réunion suivante procéder

151 Audition de M. Gilbert Blanc-Tailleur, président de l'association des maires des stations françaises de sports d'hiver et d'été(AMSFSHE) devant la mission commune d’information chargée de dresser le bilan de la politique de la montagne, 26 juin 2002

152 BOITEAU, Claudie, Brèves observations sur le rapport annuel du délégataire de service public local, in Contrats publics,VII, Mélanges en l’honneur du professeur Michel Guibal, Université Montpellier I, 2006, p232.

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La gestion des remontées mécaniques par des opérateurs privés en délégation de service public

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à son examen. Le cas échéant, ce doit être l’occasion d’engager des négociations avecle délégataire si des points de désaccord apparaissent. Un tel examen semble constituerl’exception, comme le rappelle Emmanuel Petit « Mais les collectivités en face, je ne suispas sûr qu’elles aient les ressources pour exploiter les informations, contrôler les DSP. Iln’est pas sûr que les rapports soient lus, ou même approuvés par une délibération comme

c’est prévu. 153 »

A contrario,La société Rémy Loisirs considère depuis quelques années ce rapportcomme un élément crucial de son rapport avec le délégataire154 : « il est important de tracer[les conditions de la DSP] au fur et à mesure. Justement en se servant du rapport de DSP.C’est vrai qu’il y a encore dans la profession des gens qui ne savent même pas qu’ilsdoivent faire un rapport. Nous, depuis quelques années, ils sont très étayés. On produit desstatistiques, etc, mais c’est un moment où l’on dit aussi les difficultés rencontrées. C’est unmoment structurant. Parce que si la municipalité change, on peut les renvoyer au rapport

pour qu’ils soient au courant des choses qui n’allaient pas. 155 » Les rapports annuels

peuvent être un outil pour le délégataire, mais ils sont surtout un reflet de la situation réellede l’exploitant. Veiller à leur production, à leur lisibilité et à l’examen de leurs données estdonc une démarche minimale pour les collectivités.

La création de Commissions Paritaires peut également être un bon moyen d’assurerun dialogue réel entre l’autorité organisatrice et l’exploitant. Ces commissions, peuvent êtremises en place par les conventions de délégation et ont vocation à se réunir deux foispar ans. Elles peuvent par exemple procéder à l’examen du rapport annuel remis par ledélégataire.

Enfin, un système d’association des collectivités à la gestion de l’exploitant a étéégalement mis en place dans plusieurs conventions à l’initiative de l’opérateur Rémy Loisirs.Cette démarche permet de faire participer la collectivité via une SEM au capital de lafiliale créée pour la station. De ce fait, un représentant du délégant siège au conseild’administration de la société concessionnaire : « L’avantage, c’est qu’on a un représentantde la commune en conseil d’administration qui se retrouve sous la casquette de l’exploitant.Donc il peut entendre des choses qui passent mieux qu’en Conseil Municipal. On a misen place ce système à Orcières, Pralognan et au Val d’Arly. (…) C’est plus complexejuridiquement, mais dans cette notion d’un dialogue actif et multiforme, c’est une voie qui

n’est pas inintéressante. 156 » Cette manière de partager les informations relatives à la

gestion du domaine skiable mériterait d’être testée dans d’autres délégations.

153 Entretien réalisé avec M Petit le 20 mai 2008, Annexe 4, p 115154 Ce qui ne garantit pas par ailleurs que tous les rapports remis par les filiales de cette société soient irréprochables. Mais il

semble qu’en règle générale, les rapports remis par Rémy Loisirs soient parmi les plus complets.155 Entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 133156 Entretien réalisé avec Mme Tridon le 9 mai 2008, Annexe 6, p 137

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Conclusion

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Conclusion

Les intérêts des collectivités et des opérateurs privés chargés de la gestion des remontéesmécaniques ne sont pas identiques. Or, la mise en place d’une convention de délégationde service public ne garantit pas l’instauration d’un rapport équilibré entre ces deux partiesaux objectifs divergents. Un constat s’impose plutôt, celui d’un rapport souvent déséquilibréentre une collectivité aux moyens de contrôle limités et des opérateurs exerçant un métiertrès spécifique.

Les délégations de service public permettent-elles aux collectivités et aux opérateursde concilier leurs objectifs ? La position de ces opérateurs vis à vis de cette modalitéd’organisation des remontées mécaniques est très diverse. Certains d’entre eux nesemblent pas devoir être directement menacés lors des remises en concurrence, maischerchent à s’affranchir des contraintes introduites par la loi « Sapin », en rappelant que laFrance fait exception en considérant les remontées mécaniques comme un service public.Une des stratégies envisagée par la Compagnie des Alpes notamment serait de demanderune réglementation européenne dans ce domaine. D’autres opérateurs semblent avoirintégré les contraintes des délégations de service public comme une donnée des conditionsde leur activité, tant en matière de limitation de la durée des conventions qu’en matière deremise en concurrence. Leur pratique régulière de ces procédures leur permet de proposerdes offres crédibles aux collectivités, sans pour cela se mettre en danger financièrement.

Les contrats de délégation de service public ont néanmoins démontré leur utilité,puisqu’ils permettent aux collectivités de soulager leurs charges d’investissement, prisen charge en totalité ou en partie par les délégataires. Cette forme d’organisationjuridique permet à la fois l’exploitation privée et la participation publique à certainsinvestissements, dans un secteur à enjeux très fort en matière d’aménagement du territoire.Les remises en concurrence, si elles comportent toujours un risque pour l’opérateur enplace, sont surtout un moyen de s’assurer d’une régulation du rapport entre délégant etdélégataire. Dans le domaine des remontées mécaniques, cette régulation est minimale,puisqu’elle agit surtout par le biais d’une incitation pour le délégataire à conserver debons rapports avec la collectivité pour préserver sa réputation. Les opérateurs privés,loin d’être écartés de la gestion des remontées mécaniques, affichent leurs compétences.Les transformations récentes comme l’accroissement de l’importance des stratégiescommerciales renforcent les caractéristiques propres de cette activité, dont l’exercice esttrès éloigné des compétences habituelles d’une collectivité.

Les véritables conditions de l’équilibre entre délégant et délégataire se trouvent ailleurs.Il s’agit d’abord de l’existence d’une clientèle non captive. Les usagers des remontéesmécaniques ne subissent pas les prix ou la qualité du service. Ils ont la possibilité de modifierleur destination en parcourant quelques kilomètres de plus ou de moins. La concurrenceentre stations est donc la meilleure garantie d’un maintien ou d’une amélioration de la qualitédu service offert par l’exploitant.

Il s’agit ensuite de l’implication de la collectivité dans la négociation puis le suivide l’exécution de la convention de délégation de service public. Il a été démontré quel’élaboration d’un contrat complet est impossible. La mise en place et le suivi des délégationsde service public en matière de remontées mécaniques sont très coûteux au sens de la

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théorie des coûts de transaction, que ce soit pour les collectivités ou pour les délégataires.Compte tenu des caractéristiques même de cette activité, les facteurs d’incertitude sont trèsnombreux et les contrats nécessairement incomplets.

Une fois cette donnée prise en compte, il faut rechercher les moyens d’y pallier, aumoins en partie. Les pistes évoquées tiennent compte de la place prépondérante de laconfiance dans la décision d’une collectivité de contracter un opérateur privé plutôt qu’avecun autre. Deux éléments sont dès lors particulièrement importants. Il faut instaurer desstructures favorisant le dialogue entre délégant et délégataire tout au long de l’exécution ducontrat. Cela suppose une implication des deux parties, l’une devant fournir des informationslisibles pour nourrir ce dialogue, la seconde devant faire l’effort d’y participer et de mobiliserdes ressources internes ou extérieures adaptées. Enfin, il est important d’assurer laprésence au sein de la convention de délégation d’outils permettant de régler les difficultéssusceptibles d’être rencontrées, en provoquant notamment un réajustement des conditionsd’équilibre économique du contrat par une procédure de renégociation.

La gestion des remontées mécaniques en délégation de service public est bien unatout pour les collectivités qui la choisissent. Mais la convention adoptée n’est pas en elle-même ce qui détermine la conciliation entre les objectifs d’un délégataire privé et ceux dela collectivité. En tant qu’outil juridique, elle ne fait que refléter le degré d’implication desparties dans le suivi de l’évolution des conditions réelles de l’exploitation de la station.

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Bibliographie

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Bibliographie

Entretiens réalisés :

M. David Ligney, Directeur Général des Services de la commune de Chamrousse (4mars 2008)

M. Thierry Thomas, Maire de la commune de Pralognan la Vanoise (24 avril 2008)

Mme Stéphanie Lamouroux, Secrétaire Générale du Syndicat Mixte d’Aménagement dePra-Loup et du Syndicat Mixte d’Aménagement du Val d’Allos (15 et 16 mai 2008)

M. Jean-François Blas, Directeur Général Délégué de la Compagnie des AlpesDomaines Skiables (18 avril 2008)

Mme Blandine Tridon, Secrétaire Générale de la société Rémy Loisirs (9 mai 2008)

M. Emmanuel Petit, Conseiller juridique et fiscal, Agence Savoyarde d’Aménagement,de Développement et d’Aide aux Collectivités (ASADAC).(20 mai 2008)

Ressources Internet

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Audition de M Gilbert Blanc-Tailleur, président de l’association des maires des stationsfrançaises de sport d’hiver et d’été (AMSFSHE) devant la mission communed’information chargée de dresser un bilan de la politique de la montagne et enparticulier de l’application de la loi du 9 janvier 1985, Sénat, 26 juin 2002

www.senat.fr/rap/r02-015-2/r02-015-233.html

Association Nationale des Maires des Stations de Montagne, Délégation de servicepublic et domaine skiable : mode d’emploi, , 2005, 141p Disponible sur le site http://www.anmsm.fr/ , section Documents.

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La gestion des remontées mécaniques par des opérateurs privés en délégation de service public

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http://www.minefe.gouv.fr/fonds_documentaire/dgccrf/02_actualite/breves/brv0103d.htm

ODIT France-SEATM, Bilan des investissements réalisés en 2006 dans les domainesskiables alpins et les sites nordiques français,13p

www.tourisme.gouv.fr/fr/navd/mediatheque/publication/attractivite/att00006388/investissements2003.pdf

ODIT France, Les chiffres clefs du tourisme de montagne en France, Observationtouristique, 2006 http://www.odit-france.fr/Les_chiffres_cles_du_tourisme.405.0.html

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www.sntf.org/downloads/Receuil%20d%5C'indicateurs%20et%20analyses%202006.pdf

SNTF, Les opérateurs français de domaines skiables, recueil d’indicateurs et analyses,2007, 31p www.sntf.org/files/RecueilIndicateursetAnalyses2007.pdf

ROLLAND, Vincent, Attractivité des stations de sports d’hiver, reconquête des clientèleset compétitivité internationale, Rapport au Premier Ministre, décembre 2006, 124p

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/074000097/

Site légifrance : www.legifrance.gouv.fr/

Site de la Cour des Comptes : www.ccomptes.fr/

Ressources institutionnelles

Avis n°01-A-02 du Conseil de la concurrence relatif à l’acquisition du groupe Poma parla société Leitner, 13 février 2003

Décision n° 07-D-14 du 2 mai 2007 du Conseil de la Concurrence, relative à despratiques mises en œuvre par la société Transmontagne, concessionnaire desremontées mécaniques sur la station de ski de Pra-Loup.

Jugement du Tribunal de Commerce de Lyon n°2007F3034 du 16 octobre 2007 :Redressement judiciaire de la société Chamrousse Développement.

Contrôles de gestion effectués par les Chambres Régionales des Comptes de Rhône-Alpes, Provence Alpes Côte d’Azur, Midi Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Lorraine,Auvergne sur les comptes des communes et autorités de gestion de stations desports d’hiver

Avis des Chambres Régionales des Comptes de Rhône-Alpes, Provence Alpes Côted’Azur, Midi Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Lorraine délivrés au titre de l’examendes conventions de délégation de service public sur saisine du préfet

Les stations de sports d’hiver en Provence-Alpes Côte d’Azur, rapport public annuel dela Cour des Comptes de 2001, 2002, p 811-844

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Ouvrages :

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Articles

Bilan des investissements dans les domaines skiables français en 2003, Aménagementet Montagne, n°179, Octobre-Novembre 2003, 15p

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Périodiques

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BAUMOL, William, J, Contestable Markets : An Uprising in the Theory of IndustryStructure, The American Economic Review, March 1982, Vol 72 n° 1, pp 2-15

BENISTON, Martin, Climatic Change in Mountain Regions : A Review of PossibleImpacts, Climatic Change, n°59, 2003, pp 5-31

BOITEAU, Claudie, Les sociétés d’économie mixte et les contrats de délégation deservice public, RFDA, sept. 2005, pp 946-952

BOITEAU, Claudie, Brèves observations sur le rapport annuel du délégataire de servicelocal,Contrats publics, VII, Mélanges en l’honneur du professeur Michel Guibal,Université Montpellier I, 2006, pp 223-232

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BROUSSEAU, Eric, GLACHANT, Jean-Michel, Introduction : Économie des contratset renouvellements de l'analyse économique, revue d'économie industrielle, 2000,volume 92, n°1, p23 - 50

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DURAND, Guy, Les modes de gestion des services publics locaux et la comptabilitépublique, Contrats publics, VI, Mélanges en l’honneur du professeur Michel Guibal,Université Montpellier I, 2006, pp 613-615

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Annexes

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Annexes

Annexe 1 : Entretien réalisé le 4 mars avec DavidLigney, Directeur Général des Services de lacommune de Chamrousse

A consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institutd'Etudes Politiques de Lyon

Annexe 2 : entretien réalisé le 24 avril avec ThierryThomas, maire de la commune de Pralognan

A consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institutd'Etudes Politiques de Lyon

Annexe 3 : Entretien réalisé les 15 et 16 mai 2008avecStéphanie Lamouroux, directrice du servicetourisme du Conseil général, responsable dessyndicats mixtes d’aménagement de Pra Loup et duVal d’Allos

A consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institutd'Etudes Politiques de Lyon

Annexe 4 : Entretien réalisé le 20 mai 2008 avecEmmanuel Petit, conseiller administratif et juridiqueau sein de l’ASADAC

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La gestion des remontées mécaniques par des opérateurs privés en délégation de service public

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A consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institutd'Etudes Politiques de Lyon

Annexe 5 : Entretien réalisé le 18 avril avec Jean-François Blas, Directeur générale délégué de laCompagnie des Alpes (Domaines skiables)

A consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institutd'Etudes Politiques de Lyon

Annexe 6 : Entretien réalisé le 9 mai 2008 avecBlandine Tridon, Secrétaire Générale de la sociétéRémy Loisirs.

A consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institutd'Etudes Politiques de Lyon

Annexe 7 : quelques chiffres sur les remontéesmécaniques

Pages extraites de ODIT France, Les Chiffres clefs du tourisme de montagne en France,2006.

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Chiffres extraits du rapport du Syndicat Nationale des Téléphériques de France, Recueild’indicateurs et analyses, 2006, pp 8, 13, 23.

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Chiffres extraits du rapport du Syndicat National des Téléphériques de France, Recueild’indicateurs et statistiques, 2007, pp 14, 11, 13, 9.

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