La grande braderie

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    es gouvernements municipaux sont limage de la politique plus grande chelle. Ils en sont mme parfois la caricaturetristement grossie : faible participation lectorale, assembles

    dysfonctionnelles, recours au huis clos, budgets daustrit, privatisa-tion des services, tarification, discours anti-impts, ligne dure enversles employes syndiques, collusion, corruption, malversation, etc.La bonne foi voudrait que nous prsentions les municipalits commeces essentiels gouvernements de proximit . Mais de quelle proxi-mit sagit-il ? Celle des leviers les plus directs pour affirmer et concr-

    tiser nos volonts dmocratiques ou bien celle des effets les plusimmdiats quant aux dcisions prises ailleurs et sur lesquelles nousnaurions plus aucun contrle ?

    Les textes rassembls dans ce dossier posent un diagnostic double :dune part, les villes tendent devenir des machines de gouvernementautoritaire et, dautre part, nombreuses sont les initiatives citoyennesqui rsistent cette tendance. Du premier aspect, on documente le faitque bien des gouvernements municipaux appliquent des dcisionspurement arbitraires. Dans les cas plus subtils, ils recourent aux consultations publiques pour faire avaliser des dcisions souventdj prises; dans les cas flagrants, ils gouvernent au mpris mme deleur propre rglementation. Du second aspect, on apprend que lariposte citoyenne porte son action tantt devant les tribunaux, tantt

    dans la rappropriation des quelques espaces de participation et dedlibration qui survivent ou qui sont crs par des citoyennes etcitoyens contraintes de devenir des contre-pouvoirs dans leur propre

    ville.Les tmoignages de ces contre-attaques citoyennes sont riches. Les

    tactiques varient galement dune rgion du Qubec lautre : quelquespersonnes se regroupent, par exemple, autour dune cause environne-mentale et brisent ainsi leur sentiment initial dimpuissance; dautres,encore plus organises et fdres, visent ni plus ni moins remplacer

    le cynisme institutionnalis par une vritable culture dmocratique.Opposer la dmocratie la corruption nest pas une mince tche.

    Si le municipal reste un levier important et un maillon essentiel dansllaboration de politiques publiques et conomiques, cest dire aussiquil est en proie aux mmes intrts dominants qui faonnent la poli-tique nationale et internationale. bien des gards, en effet, le gou-

    vernement municipal se situe au bout dune chane de commandementtransnationale qui cherche contourner la dmocratie pour faire ren-trer dans la gorge des citoyennes des dcisions favorables loligarchieconomique. Bien des membres de la classe politique se prtent cettesale besogne et bien des mairesses et maires sont rduits ntre que lebras politique de leur chambre de commerce. Cette drive a assez dur.Il est temps de mettre les villes sous tutelle citoyenne !

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    NOUS LA VILLE!AUTOCRATIE MUNICIPALE ET RIPOSTES CITOYENNES

    Dossier coordonn par SOPHIE VAILLANCOURT, JEAN-PIERRE COUTURE ET RMI LEROUX

    artactqc.com

    DOSSIER

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    Une dmocratie municipalefavorisant lapathie citoyenne

    Actualitdu 5 novembre 2013 rappor-tait : Certains voient dans ces chiffres lesigne dune dmocratie malade, du dcro-

    chage des lecteurs ou du cynisme ambiant. De telstaux de participation seraient ainsi le symptmedun profond mal social.

    Ces rsultats peuvent sexpliquer de diverses fa-ons. Personnellement, tant impliqu depuis2011 en politique municipale comme chef dunparti politique dans une municipalit de plus de20 000 habitantes, je constate quune partie delexplication de ce cynisme rside dans la naturedes mcanismes qui gouvernent la politiquemunicipale. Ces derniers ne se sont pas ajustsaux nombreuses responsabilits qui se sont ajou-tes la gouvernance municipale et linstitution-nalisation des nombreux mcanismes de contrlequi les ont accompagnes na jamais considr laparticipation citoyenne.

    Territoire bigarr

    Rappelons que le lgislateur provincial doitcomposer avec une cartographie municipale fortdiversifie o sentremlent municipalits ruraleset urbaines, avec des territoires et une densit depopulation varis, dont certaines sont en crois-sance alors que dautres font face un dclin deleur population. Le dveloppement et la richessede chacune sont par ailleurs des plus disparates.

    cela sajoute une conjoncture politique com-plexe, o lapplication des rgles de gouvernance

    varie selon la densit des populations et com-prend divers paliers de lgislation aux champs de

    responsabilits bien dfinis (municipalits rgio-nales de comts et communauts mtropoli-taines). cette hirarchie, ajoutons encore lesmunicipalits avec arrondissements et les agglo-mrations qui entretiennent des liens de gouver-nance particuliers avec les municipalits en ce quiconcerne leur processus dcisionnel.

    Ce manque duniformit de nos municipalitssaccompagne dune gouvernance gomtrie

    variable. La majorit des municipalits doiventpartager plusieurs de leurs services, sous la formede rgies rgionales rpondant des besoins par-ticuliers, variant de lassainissement des eaux enpassant par le transport en commun et les ser-

    vices de police. Cette complexit, tout en nces-sitant une grande disponibilit et de nombreuses

    comptences de nos lues, nest pas sans dcou-rager le citoyen, la citoyenne de participer active-ment aux affaires municipales.

    Exitle citoyen !

    Comme simple citoyenne, que peut-on ychanger ? Les procdures et les rgles de fonc-tionnement sont compliques et varies au pointde dcourager les plus passionns de participer la vie publique. Dailleurs, nest-il pas de la res-ponsabilit du gouvernement provincial dassu-rer une surveillance du monde municipal ? Leseul pouvoir effectif quont les citoyennes setrouve tre lapossibilitde changer les luesaux prochaines lections. Un pouvoir qui sexerceaux quatre ans, mais qui ne rgle pas les pro-blmes. Selon cette logique, les citoyennes sontinvits intervenir seulement lorsque la situationdevient grave et encore, il faut quils puissent le

    faire rellement. Cest sans doute ce qui explique,entre autres, le long rgne de lancien maireVaillancourt Laval. loccasion, on assiste la mobilisation des

    citoyennes pour la signature dun registre visant sopposer un rglement demprunt. Pour cettemobilisation, la Loi sur les lections et les rf-rendums dans les municipalits nimpose quundlai de cinq jours aux municipalits pour diffu-ser un avis public auprs des contribuables surltablissement dun registre. Dans une ville de20 000 habitantes, il ny a en moyenne quunetrentaine de personnes qui assistent aux sancesdes conseils municipaux, comment alors mobili-

    ser plus de 500 personnes dans un dlai de cinqjours pour sopposer lendettement de leurmunicipalit ?

    La mobilisation devient alors un acte deconviction qui se fait, de surcrot, bnvolement.Lorsque les enjeux sont srieux au point de gn-rer un intrt suffisant au sein de la population,les citoyennes doivent se dplacer entre 9 h et19 h pour affirmer leur opposition la dpensedes fonds publics. Des horaires qui ne prennentpas en considration les conditions de travail desgens et la situation de nos jeunes familles qui sou-

    vent ne sont disponibles que tard en soire pouraccomplir leur responsabilit citoyenne.

    Et oubliez la confidentialit ! Il est des plus dis-cutables que les citoyennes doivent signer ces

    registres dopposition au vu et au su de tous.Aucun anonymat nest possible. Ces registres

    sont accessibles quiconque en fait la demande.Toute administration pourra savoir quune per-sonne sest oppose son rglement demprunt.Elle pourra lui en tenir rigueur, par exemple, enlimitant sa participation comme citoyen dans lesdivers comits mis en place par la Ville et dontles membres sont slectionns par les lues(mcanisme lui aussi contestable).Ainsi, la complexit du monde municipal

    sajoute une srie de rgles et de procdures dfi-nies par le gouvernement et devant tre suiviespar les citoyennes. titre dexemple, les proc-dures relatives la constitution des dossiers dposer la Commission des plaintes du minis-

    tre des Affaires municipales et de lOccupationdu territoire (MAMOT) sont lourdes et leur

    une poque o les villes voient leur champ de responsabilits slargir, o la Commis-sion Charbonneau rvle lexistence dune culture de corruption dans la gouvernancemunicipale et o lUPAC tend ses activits, lintrt pour la politique municipale conti-nue de pitiner moins de 50 % de participation lors des lections de 2013.

    RMI LANDRY *

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    LucianoBenvenuto

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    traitement avantage nettement les adminis-trations municipales aux dpens des citoyennes.Il existe aussi des mcanismes pour freiner etdcourager la participation citoyenne la poli-tique municipale.Avec les annes, pour des raisons de contrle,

    de juridiction et peut-tre de modernit, on aoubli que les vrais propritaires des villes sontles citoyennes-contribuables, qui ne sont pasque des clientes de leur municipalit mais lespropritaires et, ce titre, les employeurseuses de leurs lues. Qubec, par son ministre des

    Affaires municipales, sest ainsi appropri cetespace et se prsente comme la seule entit res-ponsable de la dmocratie municipale. Ce fai-sant, il infantilise les citoyennes et oublie que cesont eux et elles qui sont les plus concernes parles dcisions prises par leur conseil municipal.

    Mcanismes moyengeux

    Au dbut de mon implication en politiquemunicipale, jeffectuais rgulirement la vrifica-tion des procdures et rgles en vigueur devanttre respectes par les administrations munici-pales auprs du bureau rgional du MAMOT.Quelle ntait pas ma surprise de constater queles lois rgissant le secteur municipal nincitaientaucunement la participation citoyenne dans la viedmocratique. Quelques exemples :

    ARBITRAIRE. Les citoyennes nont aucun pou-voir lorsque leur administration municipale nap-plique pas ses propres rglements (vots par leurslues avec leurs taxes) et cette pratique semble

    tre un mode de fonctionnement gnralis.

    HERMTISME. Les villes nont pas lobligationde rendre publics les ordres du jour et linfor-mation qui se rattache aux dcisions qui serontadoptes durant les conseils municipaux avant latenue des sances ordinaires mensuelles ousances extraordinaires. Des sances pourlesquelles il est lgalement exig (par les lois en

    vigueur) dtre publiques. Il sagit dun flagrantmanque de transparence. Comment demanderalors aux citoyennes de participer ces rencon-tres sils nont pas les renseignements requis pourcomprendre les propositions qui seront votes ?

    Le systme actuel rend ces renseignements uni-quement accessibles aux citoyennes qui font unedemande daccs linformation. Ils sont reusdes semaines aprs la sance du conseil municipalen question et ne sont donc plus pertinentspuisque les dcisions auront dj t adoptes.

    CAMOUFLAGE. Durant les conseils muni-cipaux, les lues nont pas prsenter les dbatsde leurs dcisions qui se tiennent sous forme deplnires confidentielles habituellement les joursqui prcdent la sance du conseil municipal. Ilne reste plus aux lues qu voter. Une situationqui transforme les sances des conseils en de

    longues litanies avant que la parole ne soit accor-de la population la toute fin de la sance.

    OPACIT. Les villes sont lgalement tenues depublier dans les journaux locaux les avis lgauxconcernant les rglements demprunts et lesmodifications aux rglements de zonage et

    durbanisme. Tout le reste peut passer soussilence. Elles nont par ailleurs aucune obligationde vulgariser les contenus de ces avis et peuventfaire appel souhait un jargon opaque etincomprhensible.

    DMESURE.Lors des rfrendums municipaux,il ny a aucun contrle des dpenses des munici-palits et des dons quelles reoivent durant les120 jours obligatoires avant la consultationpopulaire. Elles peuvent dpenser souhait lar-gent des contribuables pour influencer les rsul-tats favorables leur projet. En contrepartie, lesopposantes dpendent des dons privs, non

    dductibles dimpts pour informer le public desenjeux.

    Ces quelques mcanismes en place illustrentbien lesprit du lgislateur. Plutt que de stimulerla participation citoyenne, ils crent une entrave celle-ci, favorisant une gouvernance opaque.

    Avec laugmentation des transferts des pouvoirsaux municipalits, ces modes de fonctionnementrelvent presque du Moyen ge. Les exigencesdes lois rgissant les municipalits et les mca-nismes de contrle citoyen doivent tre revus enprofondeur.

    Il devient plus que pertinent de mettre sur piedune commission parlementaire ou une commis-sion indpendante pour modifier tous les aspectslgaux actuellement en place favorisant lapathiedes citoyens. Afin de leur redonner un rel pou-

    voir dans la gestion de leurs villes.

    * Lauteur est professeur associ lUniversit deSherbrooke, cole de politique applique.

    Il est chef du Parti des citoyens de Beloeil depuis 2012.

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    Luciano Benvenuto

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    MUNICIPALITS ET ENVIRONNEMENT

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    anarchie, cest ici. Le lac Meech estun joyau-prsentoir du parc linternational, mais tout le

    monde fait ce quil veut. Petit petit, on btit dansleau et on remplit le lac. Depuis 2011, 120 nouvellesstructures ont t construites sur les rives et le littoraldu lac, avec ou sans permis.

    La situation du parc de la Gatineau en est unedexception. Sa superficie de 361 km2 englobe, enplus de la municipalit de Chelsea, celles deGatineau, de La Pche et de Pontiac. De sur-crot, laire protge, qui stend sur le territoirequbcois, est le seul parc fdral ne pas tregr par Parcs Canada. Il est plutt chapeaut parla Commission de la Capitale nationale duCanada (CCN), une socit de la Couronne. Uncas despce crant une saga constitutionnelle enrgle.

    Aux grands maux

    Ces dernires annes, Jean-Paul Murray estdevenu la bte noire des lues et des fonction-naires, mettant au grand jour le grenouillagepolitique dont le parc de la Gatineau est victime.On le traite de rvolt et de rvolutionnaire. Onle destitue des comits pour ses prises de posi-tion. Dans une tentative dintimidation, samunicipalit lui a mme envoy la police pour sesinterventions durant les sances du conseilmunicipal. Peu importe, depuis 15 ans, il a toutde mme t l origine de 8 projets de loi et a faitdpenser plus de 16 millions de dollars la CCNpour le rachat de proprits situes dans le parcafin de les retourner la nature. Il a mme permis

    en 2009 de rcuprer 61,5 km2 de terres devantle Tribunal administratif du Qubec, dboutantainsi le ministre de la Justice de la province. la suite dpisodes de prolifration dalgues

    bleues entre 2007 et 2009, la MRC des Collines-de-lOutaouais adopte en 2009 un rglement

    visant la renaturalisation des bandes riverainesdont les municipalits de la rgion doivent assu-rer la mise en application. Aprs cinq ans talon-ner sa municipalit, Jean-Paul Murray juge quelinaction et lincomptence des lues et des ins-pecteurs de sa municipalit doit faire lobjet dunednonciation publique. En aot 2014, il recourtdonc sa dernire option : il envoie une mise en

    demeure son conseil municipal pour le forcer respecter les textes rglementaires.

    Mdiocrit environnementaleet attentisme

    a devient des batailles incroyables , confirmeChristian Simard, directeur gnral de NatureQubec. Non seulement les textes lgislatifs etrglementaires en matire environnementalelaissent planer un flou juridique, mais en plus, ilny a plus personne pour les faire appliquer. Ilreste trs peu de moyens pour les citoyennes qui doi-vent au bout du compte se rsoudre la plupart dutemps faire appel aux tribunaux.

    Cest une course vers le bas , ajoute-t-il. Noussommes rendus au point o les citoyennes doi-

    vent forcer les instances publiques mettre enapplication les lois et les rglements, pays parleurs taxes laide du systme de justice.

    Et il faut sattendre au pire pour les prochainesannes. Le ministre de lEnvironnement DavidHeurtel a sur sa table dessin un projet desimplification des autorisations gouvernemen-

    tales son livre vert qui lguera aux municipa-lits une bonne part des responsabilits enmatire de protection.

    Pour Christian Simard, une quantit phno-mnale de milieux humides ont dj disparu auQubec en toute illgalit, sans mme que leministre nen ait t avis. Le livre vert prvoitmaintenant de rduire du tiers les autorisationsgouvernementales requises en accordant davan-tage de responsabilits aux municipalits. Deplus, celles-ci demandent obtenir la gestion desmilieux humides sur leurs territoires, mais dansles faits elles font dj comme bon leur semblepuisque aucun contrle nest assur de la part du

    gouvernement. Les ministres de la Faune et delEnvironnement se fient aux dclarations despromoteurs et des municipalits pour rdiger lescertificats dautorisation. Aucun inspecteur ne sedplace sur le terrain avant quune crise nclateet que des plaintes soient dposes auprs desministres par les citoyens. Cest seulement unefois ces dmarches entreprises que ces dernierssaperoivent que les outils en place ne sont quuncran de fume.

    Le problme, cest quil ny a aucun objectif de pro-tection quantifiable atteindre par les municipalitspour les pouvoirs quelles obtiennent. Actuellement,le message envoy par le gouvernement, cest : vous

    faites comme vous voulez, de toute faon nous nironspas voir. Et cest certain quavec notre systme fiscal

    archaque, sappuyant sur la valeur foncire, la pres-sion est forte dans les municipalits pour dvelopperles milieux sensibles et aller chercher le plus de reve-nus de taxes possible, ajoute Christian Simard.

    On a dj un aperu de ce qui se passe sur le ter-rain avec la Politique de protection des rives, dulittoral et des plaines inondables qui confie aux

    municipalits, par le biais de leurs rglements, laprotection des bandes riveraines. Dans les faits,cest nimporte quoi, confirme-t-il. Souvent, des ins-pecteurs municipaux, incomptents, mal forms,employs temps partiel, cumulent les tches et auto-risent de btir carrment dans les cours deau encontravention des rglements. Et les municipalits

    ferment encore les yeux. Les citoyens sonneursdalarme sont par la suite invits par les directionsdu ministre des Affaires municipales et delOccupation du territoire porter plainte auprsde leur municipalit qui devient juge et partie.

    Suivez largent

    Selon Michel Blanger, prsident du Centrequbcois du droit de lenvironnement, le faitque les municipalits obtiennent davantage de pou-voir en matire environnementale nest ni un gagede succs ni un gage d chec, car actuellement, tout lemonde sen fout de la protection des milieux sensi-bles . Lorsquil existe un intrt conomique,tout le monde veut dvelopper. Mme Qubec,par son article 22 de la Loi sur la qualit delenvironnement, mentionne quil suffit dobtenirune autorisation gouvernementale pour quune

    ville fasse ce quelle veut.A contrario, quand la municipalit de Gasp

    sest dote en 2013 dun rglement pour protgerses eaux souterraines contre les risques de conta-mination que laissaient peser les forages de lasocit Ptrolia, Qubec est entr dans le portraitdeux ans plus tard pour adopter son proprerglement afin de rgir les distances devant trerespectes entre les sites de forage et les sourcesdeau potable. Dornavant le rglement deQubec, moins contraignant, prvaut sur celuide la municipalit.

    Cest le pire des deux mondes. Dun ct legouvernement centralise les pouvoirs pour ne pasnuire l exploitation des ressources naturelles, etde lautre il transfre de plus en plus aux muni-

    cipalits la responsabilit de la protection desmilieux sensibles. Ainsi les municipalits se

    Actuellement, dans le parc de la Gatineau, les vrais rebelles sont ceux qui squattent lespacepublic en dpit des rglements, en donnant l apparence dagir de plein droit. Jean-PaulMurray, citoyen cologiste rsident de la municipalit de Chelsea et membre du Comitpour la protection du parc de la Gatineau ne mche plus ses mots.

    SOPHIEVAILLANCOURT *

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    retrouvent en conflit dintrts entre favoriser lesrentres dargent des taxes ou assurer la prennitdes milieux naturels et la protection de la biodi-

    versit, do dcoulent les abus et les passe-droits.En labsence dun cadre dorientation ferme enmatire de conservation des milieux naturels, lesrgions finissent par se faire concurrence entreelles.

    Quand le gouvernement dit vouloir changer lesmcanismes de la loi avec son livre vert, on doute quecest pour amliorer les choses, fait remarquerMichel Blanger. Depuis prs de 10 ans, lescitoyennes se sont vus retirer leurs outilsdintervention. Au fdral, le gouvernementHarper a restreint les droits de participation du

    public aux audiences dvaluation environne-mentale, alors quau provincial on a restreintlaccs linformation. Malheureusement, cestla game du systme en place, ajoute-t-il. Commepour le bluga, des coups de barre citoyens, il en fau-dra encore Tant que des gens de bonne volontne se feront pas lire dans les conseils municipaux ou tant que la population ne dcidera pas dechanger ce systme qui est en train de lui glisserdes mains.

    Entre temps, il faut de la patience et de la dter-mination. En octobre 2015, Jean-Paul Murrayen tait sa troisime audience devant la Com-mission daccs linformation (CAI). Et pour la

    troisime fois, sa municipalit na mme pas dai-gn se prsenter devant le tribunal. Cest unoutrage au tribunal, mentionne lcologiste. Mmeles commissaires de la CAI en ont assez de ce laxismeet envisagent de transfrer le dossier en Cour sup-rieure.

    Cette lutte devient rocambolesque. En 2013,pousse par ses interventions, la municipalit deChelsea a finalement procd linspection de70 proprits riveraines du lac Meech. Conclu-sion : non seulement 80 % de celles-ci ne respec-taient pas les rglements, mais de nouvellesinfrastructures ont t construites sur les rives etle littoral du lac. Lhsitation de la municipalit

    faire respecter les textes rglementaires devientpresque suspecte. Elle ne peut mme plus se jus-tifier par la question des revenus de taxes dontelle pourrait se priver. Le rglement de renatura-lisation des berges prvoit des amendes de 200 4 000 $ par jour que la collectivit pourrait allerchercher en ddommagement pour les violations per-ptres depuis son entre en vigueur en 2011. Faitesle calcul, insiste Jean-Paul Murray. Cest sedemander o sont les allgeances des lues.

    * Citoyenne, rdactrice engage dansla dfense des droits et de la justice.

    Vous trouverez la version intgrale de cet article sur notre siteweb :

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    PARTICIPATION PUBLIQUE

    Le diable est dans les dtails

    hez les adversaires de la participationpublique, on retrouve les mmesobjections qu lendroit de llargisse-

    ment des droits civils, politiques et sociaux : lapossible tyrannie populaire lencontre de la

    libert politique des dcideurs, linanit oulcran de fume qui dissimule le dsquilibreentre les acteurs et la remise en question de ladmocratie reprsentative oppose ici une ver-sion participative (2). Au-del de ces griefsformuls par cette rhtorique ractionnaire ,il reste que la mise en uvre dune PP comportecertains piges objectifs (3) :

    1) la proximit ou laveuglement local gostequi gomme les dimensions nationales etinternationales des impacts et des dcisions;

    2) la reproduction et le renforcement desdsquilibres existants entre acteurs (notam-

    ment en faveur de certains promoteurs fortsde leurs expriences et de leurs moyens) ouencore la PP tenue pour les lites et caract-rise par linaccessibilit en raison des exi-gences procdurales et substantives quelleimplique;

    3) lhabillage des dcisions dj prises et la par-ticipation sans effet;

    4) linstrumentalisation de la PP par des micro-choix qui la font driver volontairement :slection des participantes, rgles incon-nues ou orientes, saisine arbitraire, dbatpartiel et calendrier tendancieux, absence detransparence de linformation, technique

    dinteraction asymtrique, non-traabilitdu dbat, animation biaise et le fait de faireprcder larne au forum, autrement dit langociation (compensation) avant la dlib-ration (ides).

    Car bien que lies, ces deux tapes sont denature diffrente. Selon le chercheur Bruno

    Jobert, la dlibration est assimile au forum etsa fonction consiste dfinir le problme,changer des connaissances, laborer lventaildes possibilits entre une multiplicit dacteurset dintrts. La ngociation est associe larne et a pour but darbitrer les intrts, pr-

    voir les compensations, proposer des ajuste-ments, formuler la dcision (4). Or selon le

    philosophe Bruno Latour, en amont, il y a un pouvoir de prise en compte qui fait rfrence la pluralit des mondes et, ensuite, un pouvoir dordonnancement qui renvoie aux

    modalits pragmatiques de dcision et de miseen uvre. Il ne doit y avoir, estiment ces auteurs,

    dempitement de lune sur lautre (la dernireayant, en outre, une exigence de clture), afin depermettre une exploration et un cheminementefficace vers un monde commun souhaitable

    pour la dcision(5)

    .

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    Personne nest contre la vertu. La participation publique (PP) aux dcisions collectives concer-nant les grands projets est aujourdhui devenue une vidence. Ce nouvel impratif dlibratif(1) est intgr la nouvelle gouvernance et lacceptabilit sociale est son mantra. Mais quen est-il ?Doit-on se mfier de la dmocratie participative ? Connat-on les effets contre-intuitifs de plu-sieurs expriences qubcoises ? Rapide survol du ct sombre de la PP et de quelques pigestendus la dmocratie participative.

    C

    LOUIS SIMARD *

    Luciano Benvenuto

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    Leffet consultant

    En lien avec cet impratif dlibratif, sest dve-lopp depuis une quinzaine dannes un vritablemarch de la participation publique. Indicateurdune tendance lourde, ce phnomne se con-

    jugue avec une professionnalisation de la PP suite linstitutionnalisation de celle-ci et nest pas sans

    amener son lot dinterrogations. Pour qui travail-lent ces consultantes ? Sont-ils neutres et ind-pendants ou veulent-ils tout prix faire avaler lapilule aux citoyennes ? Est-ce que la logiquecommerciale est soluble dans lidal participatif ?Quels dispositifs privilgier et quelle fin ? Cesquestions apparaissent lgitimes lheure o lesgrandes firmes de relations publiques investissentle champ de lacceptabilit sociale. Ces mmesfirmes qui sont expertes en communication decrise et en lobbying. dfaut de pouvoir comptersur un organisme public, indpendant et crdiblepour conduire la participation du public, lescitoyennes doivent composer avec des firmes pri-

    ves sous contrat avec le promoteur qui peuventpercevoir dautres enjeux que la libre expressiondes citoyennes et la recherche de lintrt com-mun. Ds lors, une panoplie de stratgies peut treretenue pour inflchir le processus de participa-tion comme slectionner les participantes, iden-tifier des partisanes, cibler les mdias, opter pourdes dispositifs qui visent contenir lopposition,contrer les dtracteurs, convenir des arrangementsavec les acteurs cls ou les plus rcalcitrants; bref,sassurer avant tout que le message de lentreprisepasse bien et rduire lincertitude. Le cas de lafirme Edelman dans le cadre du projet doloducEnergie Est de TransCanada illustre bien ce ph-

    nomne; son plan de communication, qui avait tcoul dans les mdias en novembre 2014, faisaittat dune vritable stratgie pour influencer lopi-nion publique : recours des personnalits publi-ques influentes, attaques contre les groupesenvironnementaux, financement de chaires derecherches scientifiques, etc.

    Une PP dans la ville

    Mis part Qubec et Montral, qui bnficientde dispositifs de consultation formaliss(Conseils de quartier et audiences publiques delOffice de consultation publique de Montral),la Loi sur lamnagement et lurbanisme (LAU),adopte il y a plus de 35 ans, prvoit certaines dis-positions pour les autres villes. Celles-ci dfi-nissent les paramtres de la PP concernantllaboration et l adoption des plans mtropoli-tains damnagement et de dveloppement, desschmas damnagement et de dveloppement

    ainsi que des plans et rglements durbanisme. Ilpeut sagir entre autres dassembles publiques,de rfrendums et de comits consultatifs. Bienque certaines municipalits puissent innover cesujet, de manire gnrale, ces dispositifs sont peuutiliss et grandement sous contrle des lusmunicipaux (6), do limportance de revoir la

    LAU cet effet afin de renforcer les dispositifs departicipation publique. Ainsi, lchelle desmunicipalits, la PP peut parfois savrer mini-maliste et improvise dans la mesure o lesressources sont plus limites, lexpertise peu dve-loppe, lexprience rarissime et la visibilit moinsgrande. Le terreau est donc particulirement fer-tile aux initiatives qui visent contourner une PP

    vritable.Si la PP est habituellement espre ou exige, raison, pour ses aspects vertueux, elle peut ainsirvler une face obscure. Le contexte actuel, quitend multiplier les exercices de PP jusqu lpui-sement des citoyennes parfois, comporte doncdes risques rels et peut bien sr fragiliser le droit,le pouvoir et la lgitimit sopposer tout projetou dcision de nos dcideurseuses. Il en va doncde la vigilance des citoyennes demeurer cri-tiques lendroit des dispositifs participatifs et deleur mise en uvre car ici comme bien souvent,le diable est dans les dtails..

    * cole dtudes politiques, Universit dOttawa.

    ______________________

    (1) Voir Loc Blondiaux, et Yves Sintomer, Limpratif dlib-ratif , Politix, 15 : 57, 2002, p. 17-35.

    (2) Voir Albert O. Hirschmann, Deux sicles de rhtorique rac-tionnaire, Paris, Fayard, 1991.

    (3) Voir Loc Blondiaux, Le nouvel esprit de la dmocratie.Actualit de la dmocratie participative, Paris, Seuil, coll. Larpublique des ides , 2008.

    (4) Voir Bruno Jobert, Rhtorique politique, controverses scien-tiques et construction des normes institutionnelles : esquissedun parcours de recherche , dans Alain Faure, Gilles Pollet etPhilippe Warin (dir.), La construction du sens dans les politiques

    publiques, Paris, LHarmattan, 1995, p. 13-24.

    (5) Voir Bruno Latour, Politiques de la nature, Paris, LaDcouverte, 1999.

    (6) Voir Laurence Bherer, Mario Gauthier et Louis Simard, Quelle participation publique? Les dispositifs qubcois enenvironnement et en urbanisme , papier de confrence, COS-POF, Lausanne, 2015.

    (7) Voir Sherry R. Arnstein, A Ladder of Citizen Participa-tion ,Journal of the American Planning Association, vol. 35, no

    4, 1969, p. 216-224.

    Dossier

    vec les accords commerciaux ngocis par le Canada, les villes qub-

    coises perdent une partie de leurs pouvoirs. Elles sont principalementaffectes par louverture des marchs publics la concurrence trangre. Celaconcerne les appels faits par une municipalit lentreprise prive. Dans lac-cord de libre-change entre le Canada et lUnion europenne, entre autres,les appels doffres doivent tre ouverts tous si les seuils dpassent 309 100 $pour les biens et services et 7 millions $ pour la construction. Dans laccordentre le Qubec et lOntario, ces seuils sont encore plus bas : 100 000 $ pourles biens et services.

    Il devient alors trs difficile de se servir des marchs publics pour dve-lopper lconomie locale. Les compagnies trangres auront un accs plusgrand que jamais des appels doffres faits sur mesure pour des entreprisespuissantes qui peuvent raliser dimportantes conomies dchelle, contrai-rement aux petites entreprises. La politique du plus bas soumissionnaire, quioblige les villes choisir lentreprise qui aura les cots les moins levs, leurdonne un net avantage. Les grandes entreprises trangres, principalement

    europennes, qui ont souvent largement profit de la privatisation des servicespublics et qui bnficient le plus du libre-change, ont peu dintrt investir

    dans nos villes et rapatrieront leurs profits vers dautres horizons.

    De plus, un effet cliquet empche les villes de remunicipaliser ce qui at privatis. Par exemple, si une ville a abandonn la gestion de leau uneentreprise prive, il sera impossible den reprendre le contrle, mme si cettedernire ne donne pas le service attendu, moins de sexposer des pour-suites et de payer des montants trs levs en ddommagement.

    Les accords de libre-change sen prennent donc, ni plus ni moins, la dmo-cratie municipale. Ils nuisent aux villes qui dsirent contrler leurs politiquesconomiques et lient les pouvoirs municipaux ce qui a t ngoci par legouvernement fdral, le plus souvent sans leur approbation et sans quon lesait consults. Les accords de libre-change les plus dommageables nont pasencore t ratifis : celui avec lUnion europenne, le Partenariat transpacifiqueet lAccord sur le commerce des services. Il nest pas trop tard pour les blo-quer. Dans plusieurs pays, des municipalits slvent avec force contre depareilles ententes. Les villes du Qubec devraient sans aucun doute suivre cemouvement.

    CLAUDE VAILLANCOURT

    Les accords commerciaux contre lautonomie des villes

    A

    Lune des 350 affichesproduites au prin-temps 1968 parlAtelier populaire,centre graphiquecr par des tu-diants de lcole desBeaux-Arts et delcole des arts dco-ratifs de la Sorbonne,tire de larticledArnstein (7).

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    Laval, Gilles Vaillancourt, maire de1989 2012, est accus de gangst-risme pour avoir prsumment peru

    2 % de la valeur des contrats octroys par la Ville.Des maires de villes moyennes (Robert Poirier,Boisbriand) ou de minuscules municipalits(Michel Lavoie, Saint-Rmi-de-Napierville)sont accuss de fraude et dabus de confiance dansle cadre de loctroi de contrats publics.

    Ces accusations sont rendues possibles depuisque lUnit permanente anticorruption (UPAC)a t mise sur pied en 2011. Auparavant, cescrimes attiraient peu lattention de la Sret duQubec ou du gouvernement du Qubec : unclimat dimpunit tait gnralis. Aujourdhuimme, les signalements se multiplient et lesressources de lUPAC ne suffiront pas; la solution la corruption municipale ne pourra pas tre quepolicire.Jtais de ceux qui, scandaliss par les affaires

    montralaises telles que les fraudes entourant leprojet immobilier du Faubourg Contrecur oule contrat dit des compteurs deau , se sontengags en politique municipale pour rglerdmocratiquement le problme de la corruption.La suite est connue : llection montralaise de2009 fut chaudement dispute et chaque camp amultipli les accusations rvlatrices : lun accep-tant le financement occulte dun Tony Accurso,lautre taxant les contrats municipaux dun 3 %pour son parti politique. Nous avons tir de cet

    pisode une leon : la concurrence politique dlieles langues !

    Paralllement, plusieurs des personnes qui vontfonder la Ligue daction civique avaient rclamla tenue de la Commission denqute sur lindus-trie de la construction, ou Commission Char-bonneau. Elle a depuis fait un excellent travail.

    Javoue par ailleurs que le dfil des acteursdchus de lindustrie de la construction tait unecoupable source de plaisir.

    Oui, au-del de la fin en queue de poisson, laCommission a t aussi providentielle que sou-haite. Non seulement elle lana la classe politiquesur la voie dune gurison durable de sa relationincestueuse avec certains cartels, mais elle a deplus branl des pans entiers de ces cartels eux-mmes, les firmes de gnie en particulier. Lefinancement politique ne sera plus le mme. Lescontrats publics sont maintenant octroys desprix presque ralistes et, dans lintervalle, nousavons dj conomis des milliards de dollars.

    Trouvez-moi meilleur investissement ! Cettecommission denqute fut notre think tank de50 millions de dollars qui permit deffectuer lesrecherches utiles et dtablir les doctrines de notreaction pour les cinq dix prochaines annes. Untravail impensable raliser bnvolement. Maissil faut craindre que ses 60 recommandations res-tent sur les tablettes, que peut tre alors la recettedun changement durable ?

    Une analyse radicale du problme,des solutions sous contrle citoyen

    Quest-ce que la corruption ? La proverbialeenveloppe brune est une image forte, mais cestsurtout un tat desprit : se servir plutt que servir.Comment se maintient-elle ? Les corrompus se

    voient comme des gagnants qui croient que leslois ne sappliquent pas eux, et les pratiques enplace font que cest souvent le cas ! Les seulsexperts qui pratiquent le droit municipal ontlongtemps t au service exclusif des villes pourles reprsenter en cour contre les citoyennes. Etles juges nomms dans les diffrentes cours denotre systme de justice sont recruts parmi cesexperts. Qui peut sy frotter ?

    Quant au ministre des Affaires municipales,mme lorsquil est inform de situations haute-ment illgales, il se contente den faire le constatpar de fort bien crites correspondances inoffen-sives. Si les corrompus sont vus comme desgagnants, les dnonciateurs sont vus comme desutopistes solitaires dont la cause serait perduedavance. Au mieux, on les fait taire avec desmises en demeure. Mme si les poursuites-billons se font plus rares depuis le recours russide Martin Drapeau Boisbriand invoquant la loi anti-SLAPP adopte en 2009 (1) dans ledossier du contrat de lusine dpuration dInfra-bec contre Lino Zambito, ce type de poursuitesexiste toujours dans le milieu municipal (2). Plus

    Dossier

    !24

    CORRUPTION MUNICIPALE

    Problme insoluble ?La corruption en politique ne date pas dhier. Six ans aprs la fondation du Canada en1867, le premier ministre John A. Macdonald est forc de dmissionner pour avoir ac-cept de largent du Canadien Pacifique. La politique municipale nest pas labri et lasituation est souvent bien pire, depuis longtemps.

    FRDRIC LAPOINTE *

    e qui permet la Ligue davoir la capacit de rquilibrer le pou-

    voir des citoyennes dans les municipalits est lapport de chaque

    individu dans la recherche de solutions. Cest bien de favoriser llec-

    tion des citoyens, mais comment savoir si la ville va dans la bonne

    direction ? Plusieurs facteurs mesurables de prvention de la corrup-

    tion ont t identifis et sont utiliss pour soutenir les gens dont la

    qute est de raviver la dmocratie et la participation citoyenne dans

    leur localit :

    Des murs politiques saines.

    Des lues qui travaillent (et pas seulement dcoratifs).De la transparence.

    Une participation citoyenne.

    Des employes loyaux envers lintrt public, pas juste enversleur employeur.

    De la concurrence en matire dappels doffres.

    Quest-ce qui permet la Ligue dvaluer les villes ? Vous, les ci-

    toyennes ! Vous savez ce qui se passe dans votre localit, vous avez

    plus de pouvoir que vous ne le pensez. La Ligue organise linformation

    que vous savez dj afin de la rendre publique. Des sondages, des ques-

    tionnaires, des entrevues, des analyses de documents publics, tout cela

    est notre porte pour structurer le discours citoyen et rvler, le

    cas chant, la prsence des facteurs de prvention de la corruption

    dans les municipalits. Finie, la loi du silence.

    F. L.

    Pour un examen citoyen de la gouvernance des villes

    C

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    inquitant encore, elles pourraient se multipliersi le projet dassurance juridique collective deslus municipaux visant doter les lus doutilssupplmentaires pour faire taire davantage lescitoyennes contre dventuelles diffamations

    voit le jour lUnion des municipalits du

    Qubec.Pourquoi avoir cr la Ligue daction civique en2011 ? Pour sortir sur la place publique commednonciateur de lisolement des citoyens, crer unrseau, renforcer les gens pour quils ne soientplus les victimes dun systme qui laisse en postedes exploiteurs qui utilisent les tribunaux pourintimider les citoyens vigilants. En rponse, ellemet sur pied un Fonds juridique pour fournir desconseils et un accompagnement, mais aussi pourgagner devant les tribunaux. Ce fut fait lencon-tre du maire de Saint-Rmi-de-Napierville(inhabilit siger en raison des accusationscriminelles portes contre lui) et ce sera peut-tre faire dans le dossier de lindpendance de la

    vrification gnrale Saguenay. Dans ce derniercas, en dpit du bon sens et de la loi linterdisant,le maire Jean Tremblay et ses affilis persistent nommer directement comme vrificatricegnrale adjointe la personne mme qui taitresponsable des appels doffres au sein de ladmi-nistration municipale de Saguenay.

    Limpunit doit prendre fin, mais la peur doitdabord changer de camp. Lorsque les soi-disantpuissants du jour seront les perdants demain, ilsperdront leurs capacits se hisser aux postes depouvoir; impuissants face aux dnonciations quifont tomber plat leurs abus perptrs contre notresystme politique. Il suffira de les remplacer.

    Remplacer les lus qui jouent dans le camp dela corruption, daccord, mais cela signifie organi-ser et financer des campagnes politiques. Les car-tels dingnieurs, davocats ou dentrepreneurs enconstruction, voire directement le crime organis,ne se gnent pas pour organiser les lections. Ils

    veulent des politiciens qui leur soient fidles, peuimporte la couleur du parti. La solution que pro-pose la Ligue daction civique vise passer outreles cartels ! Remplacer les lections cl-en-maindes cartels par des lections cl-en-main-propredes citoyennes. La Ligue a cr Collaborationlectorale, un organisme qui aide les candidates llection sorganiser, par loffre de conseils maisaussi par des outils abordables, sur un mode coo-pratif... sans attente de retour dascenseur unefois les citoyennes lues et en poste. armesgales, des candidates honntes peuvent gagneret en 2013 plusieurs ont t lues dans diff-rentes municipalits de la province.

    Crer un large camp de lintgrit

    La Ligue daction civique a t fonde par desmilitantes, des lues et des citoyennes proc-cups pour rgler le problme de la corruptiondans nos municipalits. Elle a constitu un rseaude soutien qui permet aux citoyens vigilants depersister avec leurs dmarches et dtre traits en hros plutt quen utopistes dans les mdias,et ainsi mettre sur la dfensive ceux qui veulentles faire taire.

    La Ligue prne lindpendance desprit pluttque la soumission aux pratiques en place, la prisede responsabilit de chacun plutt que les dis-cours de lamentations inutiles, mais aussi laccep-

    tation que les personnes puissent avoir fait des er-reurs et puissent samender. Le travail accompli

    vise une coopration mme entre adversairespolitiques, parce que la victoire contre la corrup-tion sobtiendra lorsque les murs feront quelleaura disparu de tous les partis et de tous les clans.

    Ce qui fait la force des corrompus aujourdhuiest leur capacit dlargir leur coalition par le par-tage du pillage du bien public. Il faut donc nousdonner une philosophie daction susceptible deconduire des coalitions de citoyennes ayantune porte plus large que la leur.

    Et les rsultats semblent au rendez-vous ! Montral, dun concours entre deux partis cor-rompus, il y a maintenant concurrence entre par-tis politiques propres. Mme chose Laval qui adornavant son Bureau de lintgrit et delthique (BIEL) ! Mascouche ? Rgl ! Les deuxcandidats la mairie en 2013 taient membres dela Ligue daction civique, lun deux la emport.Longueuil ? Il pourrait y avoir plus doptions pourles citoyennes, mais a va mieux. Et leffet serpte ailleurs. Ensemble, il devient clairementpossible de faire avancer le camp de lintgrit.

    * Lauteur milite pour plusieurs causes , notamment tudiante,souverainiste et pour lquit entre les gnrations.

    Sous leffet des scandales dans le monde municipal,il milite ds 2009 pour la tenue dune commission denqute.

    Il a fond la Ligue daction civique en 2011.

    ______________________

    (1) Pour plus de renseignements : .

    (2) En mars 2015, la Cour du Qubec avait statu que la pour-suite de la Ville de Boisbriand contre Sylvain Labelle tait abu-sive et lavait ainsi rejete.

    Dossier

    !25

    artactqc.com

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    aptis Place des peuples , ce mga-projet htelier et rsidentiel de luxe necadre pourtant pas avec le programmeparticulier durbanisme de la Ville de Gatineauqui limite cette zone des constructions de trois

    tages tout en reconnaissant le patrimoine his-torique du quartier du Muse (voir encadr).Qu cela ne tienne, Brigil nentend pas reculer.Le promoteur na pas encore dpos officielle-ment son projet quil a dj entrepris un vasteexercice de relations publiques soutenu parquelques membres du conseil municipal et an-ciens maires, les radios prives et les intrtsdaffaires dans le but de gnrer une vague desympathie pour son projet. Le spin de linves-tissement priv de 400 millions coupl la pro-messe floue dun revenu annuel de 8 millionsen taxes aura suffi amadouer ladministrationmunicipale. Dans son emballement, celle-ci se

    prte au jeu de la fabrication du consentementen ayant entrepris un obscur processus deconsultation publique qui, bien quaucun projetne soit officiellement sur la table, dit dembleque le quartier fera lobjet dun important red-veloppement.

    Lopposition des rsidentes du quartier duMuse additionne celle dautres associationsde rsidentes et de patrimoine du grandGatineau vient grandement compliquer le jeudu promoteur et de la mairie. Dune part, Brigilrcupre et travestit des mots valises comme chelle humaine , densification ou mixitsociale pour recadrer une campagne marketinginitialement axe sur le cinq toiles et les boutiques de luxe . De lautre, le maire

    Maxime Pedneaud-Jobin, qui sest fait lire avecle slogan dun leadership fort, nose pas se pro-noncer et songe la possibilit dun rfrendumpour sen sortir.

    Nos csars de limmobilierCe nest pas dhier que les grandes fortunes

    prtendent au droit faonner la ville. Grandpropritaire et spculateur foncier, lAmricainPhilemon Wright (1760-1839) obtint du gou-

    vernement du Bas-Canada le canton de Hullaprs des dmarches entreprises en 1797. Ilfonde alors Wrightville sur les milliers dacresqui lui sont concds. Il dveloppe lactivitagraire, forestire, manufacturire et minire etconsolide surtout sa passion effrne pour lac-quisition de terres. Lord Durham le citera dail-leurs parmi le petit nombre daristocrates

    terriens ayant dilapid les terres du Bas-Canada tel point que, selon le Dictionnaire biogra-phique du Canada, ce partage ingal entre leclan Wright et les simples colons tait de 12pour 1 en 1806. En 1842, trois ans aprs la mortdu fondateur de Hull, cet empire foncier sten-dait au-del dune superficie de 35 000 acres.

    Le rcit de la fortune de Brigil est moinspique, mais nen dfinit pas moins le paysagede la ville. Le promoteur est lun des barons dela construction domiciliaire banlieusarde qui aacclr le cancer de ltalement urbain et dutout--lauto. Le vritable cot dun tel usagede lespace nest pas assum par la firme (ce neserait alors pas profitable), mais par les pouvoirspublics (routes, aqueducs, transport en com-

    Depuis quelques mois, lactualit municipale gatinoise est accapare par lannonce demgaprojets dans le quartier patrimonial du centre-ville. Parmi ceux-ci, le projet des twin towers de la firme Brigil remporte la palme du gigantisme avec une hauteurprojete de 35 et 55 tages.

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    Dossier

    COLLECTIF DE GATINEAU *

    MGAPROJETS GATINEAU

    De Wrightville Brigilville ?

    com

    MGAPROJETS GATINEAU

    De Wrightville Brigilville ?

    Protgeons le quartierdu Muse

    quelques pas du Muse canadien de lhis-toire se trouve un quartier de taille

    modeste, mais avec une place indniablementimportante dans lhistoire du Vieux-Hull. Connuaujourdhui sous le nom de quartier du Muse,ce secteur de la ville est lun des seuls avoirt pargns par le grand feu de 1900 et avoirchapp aux expropriations du gouvernementfdral durant les annes 1970 (1). Nous, lesrsidentes et rsidents actuels du quartier, avonschoisi dy vivre, avec la fiert de stre installssur un lieu plein dhistoire. Nous avons un espritfamilial, une communaut chaleureuse o bon-heur et convivialit se ctoient. Ctait naturel,alors, que nous nous mobilisions sous la menacede projets de hautes tours dhabitation dans ce

    quartier qui nous tient cur. Par diffrentsmoyens simples (rseaux sociaux, porte--porte, dpliants et pancartes), nous avons tissdes liens et trouv solidarit avec lescitoyennes dautres secteurs de la ville. Nousdfendons notre vision dun dveloppement quise veut chelle humaine : un espace urbain dequalit, sain, sr et durable comme lieu de ren-contre tant pour les visiteurseuses que pour lesrsidentes. Une vision qui reflte fidlement lecaractre de notre rgion, et surtout, une visiondmocratique qui respecte ses citoyennes.______________________

    (1) Lire Roger Blanchette, Hull, champs de bataille ! , bbord !, no 40, t 2011. Disponible en ligne :

    .

    B

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    11/18

    mun, services et voirie) et par les gens ordinaires(hypothque, congestion, temps et ptrole).Le phnomne est le mme la grandeur delAmrique : ltalement urbain vide le centre deses habitants et contraint les pouvoirs publics amnager des voies de plus en plus larges pouraccommoder lautomobile, tolrer des station-

    nements lgaux/illgaux et laisser les sans voi-ture ni travail leur sort. Le projet de mgatoursne rsout en rien ces problmatiques et reste tota-lement prisonnier dun modle dpass : il nour-rira lafflux de voitures et attirera non pas deshabitants et des familles, mais une clientle ultra-mobile davantage intresse par la spculationimmobilire que par les circuits pitonniers pro-mis au peuple quelle ne ctoiera pas. Si Brigilrevient vers le centre-ville avec des millions mi-robolants en poche, cest parce que le march deltalement est satur et quil lui faut repartir unnouveau cycle daccumulation, cest--diredtruire des habitats anciens au nom dune falla-

    cieuse densification verticale. Livrons la ville aux promoteurs et spculateurs,et tout le monde en rcoltera les bnf ices (1). Selonlanalyse du gographe David Harvey, ce falla-cieux prtexte est employ chaque fois quelurbanisation est brandie comme solution lasuraccumulation de capital. De booms en krachs,le cycle conomique montre que les crises de1929, 1973, 1982, 1991 et 2007 sont prcdes debulles immobilires qui apparaissent commesolution temporaire la suraccumulation.Lurbanisation par destruction finit par rigerdnormes tours vides qui saturent sciemmentloffre immobilire, et ce, dans lespoir irrationneldun profit futur. Ainsi, le monstrueux montantpromis par Brigil est en fait contraint de se fixerquelque part puisque les marchs financiersstagnent (2). Concrtement, cette solution provoque, dit Harvey, des pratiques prdatricesfort simplistes : chasser une classe dhabitants

    vivants (itinrantes, locataires et propritaires)pour les remplacer par du capital mort.

    Bienvenue Brigilville

    Cette violence conomique est compltementpasse sous silence dans les cercles du pouvoir.Les lues sont sduits ou neutraliss par la taillede linvestissement en jeu et Brigil dploie unecampagne de distraction de masse la hauteurde lenjeu et de ses moyens. Le propritaire de lafirme, Gilles Desjardins, philanthrope la piceet grand acheteur de publicits dans les mdiasde Gatineau et dOttawa, veut faire passer sonprojet pour du patriotisme gatinois tandisque son bras politique, lancien maire YvesDucharme, sefforce de faire croire que les int-rts de son patron sont identiques au bien com-mun. Cela ne suffira videmment pas rallierlopposition ou faire disparatre le programmedurbanisme en place, ce pourquoi la firme a plusdun(e) tour dans son sac : elle a produit une

    vido promotionnelle anime par un ex-chef

    dantenne de Radio-Canada o paraissent deslues et commerantes favorables au projet;

    elle pratique ou inspire lmulation de campagnes citoyennes (porte--porte, ptition, pageFacebook); elle compte aussi sur lappui indfec-tible de la radio-poubelle locale qui a dissimulun sondage dfavorable aux tours et qui fait delopposition celles-ci un outrage au peuple.

    Quon ne se mprenne pas sur les racines de ces

    tactiques de marketing de la main sur le cur etde la main tendue : la violence conomique dontil a t question place bel et bien Brigil sur le piedde guerre. Les rgles du jeu en vigueur ne lui per-mettent pas de juguler ses surplus ? Qu cela netienne ! Elle fera clater les efforts de planifica-tion urbaine, concerte et dmocratique, au pro-fit de son exceptionnalit et demandera mme aupeuple de plbisciter sa manuvre. Qui sont cesquelques habitantes et associations citoyennespour empcher Brigil de faonner la ville sonimage ? Sur lancien site de la ville semi-prive de

    Wrightville pourrait spanouir la privatisation2.0 de Brigilville. Brigilville, les associations de

    rsidentes, les lues, les mdias et la mairieseraient des laquais de lentreprise. Brigilville,ladministration municipale nexisterait plus et leservice durbanisme logerait dans les mmesbureaux que celui des ventes. Brigilville, lesimpts seraient remplacs par des dons dsint-resss des causes glamour et tout le mondeapprendrait dire merci genoux. Brigilville,on exigerait du peuple quil sidentifie aux succsdu matre, se persuade que sa richesse retombesur lui et peroive dans la rsistance de quelquesrcalcitrants luvre du dmon.

    Plan durbanisme ouexception permanente

    Ce cauchemar aurait beau se raliser tel quelquil naurait nanmoins pas rsolu la question defond. qui appartient la ville ? Selon nous, lecadrage de la question ne devrait pas se laisser

    leurrer par le maigre revenu en taxes promis parBrigil pour faire avaler la destruction du quartierdu Muse. Huit millions dans un budget de plusde 500 millions ne changent ni la donne ni necompensent les cots qui demeureront lacharge du public. La vritable question est : vou-lons-nous un plan durbanisme ou un rgime delarbitraire et de lexception permanente ? Dansla situation prsente, le plan protge le quartier.Or, les armes safftent de part et dautre pour li-

    vrer la bataille dcisive du centre-ville. La loi estdu ct de David et les millions, avec Goliath. Ilreste que nous esprons que nos concitoyenneschoisiront de jouir en commun de leur ville plu-

    tt que dacquiescer la privatisation du soleil.

    * Blanche Roy, Anas Elboujdani, Jean-Pierre Coutureet Bill Clennett, citoyennes de Gatineau

    ______________________

    (1) David Harvey, Le capitalisme contre le droit la ville.Nolibralisme, urbanisation, rsistances, Paris, ditionsAmsterdam, 2011, p. 49.

    (2) Le mme calcul anime la Caisse de dpt et le mouvementDesjardins qui acquirent de limmobilier Manhattan ouCalgary.

    Dossier

    !27

    a lutte contre lrection dune tour de 12, 15ou 20 tages au coin des artres Venables et

    Commercial, dans le quartier historique deGrandview Vancouver, a su provoquer un mou-vement de rsistance dans la communaut.Appel No Towers , le groupe demande que ledveloppement propos ne dpasse pas cinqtages, conformment au zonage qui prvaut

    cet endroit.Si la taille du projet propos semble drisoireface aux tours ambitieuses de Brigil, loppositiondes habitantes du quartier prend racine dansun contexte o lampleur de la mainmise despromoteurs vancouvrois est dune frocitquignore encore le Vieux-Hull. Cependant, desdynamiques parallles peuvent tre dvoiles.

    Cest en 2015 que le promoteur bien tabliBoffo Properties annonce un partenariat avec laKettle Society, un organisme venant en aide auxpersonnes aux prises avec des problmes desant mentale. Le mouvement citoyen No Towersest n de la volont de stopper la prolifrationde condos de luxe que propose de construire

    Boffo, sous couvert daider lorganisme commu-nautaire.

    Une des stratgies employes par la Ville deVancouver et le promoteur est de pointer dudoigt les citoyennes qui refuseraient la densi-fication en hauteur dans leur quartier. Or, NoTowers souligne le caractre fallacieux dune tellesupposition, car le quartier Grandview est lundes plus densment peupls Vancouver, tout enrussissant conserver un caractre chellehumaine. Rappelons que le mme argument dedensification a t servi au sujet des tours Brigil.

    De plus, notons le refus de la Ville ainsi que duservice durbanisme de rencontrer le groupe NoTowers. Une attitude dangereuse pour la dmo-cratie, qui en dit long sur la perception que les

    lues et employes municipaux ont de leur rle.ANAS ELBOUJDANI

    No Towers

    L

    brigil.com

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    Dossier

    !28

    ean Tremblay sera longtemps associ laprire rcite aux sances du conseilmunicipal et sa dfense acharne de

    celle-ci devant les tribunaux. En 2006, AlainSimoneau, alors citoyen de Saguenay, portaitplainte la Commission des droits de la per-sonne et des droits de la jeunesse contre la pra-tique du maire. Cette plainte a galvanis cedernier, qui a mobilis ses troupes et les res-sources de la Ville afin de la contrecarrer. Labataille judiciaire a t porte jusque devant laCour suprme du Canada (CSC), qui a finale-ment oblig le maire Tremblay cesser cettepratique.

    Lenjeu soulev par cette bataille tait princi-palement celui de la neutralit de ltat. Lasparation de lglise et de ltat dans lecontexte saguenen ntait en effet pas respectecomme en fait foi la dcision de la CSC : Parla rcitation de la prire en litige lors des sancespubliques de dlibrations du conseil municipal, lesintims adhrent sciemment certaines croyancesreligieuses lexclusion des autres. Ce faisant, ilscontreviennent lobligation de neutralit quiincombe ltat.

    Greenpeace et les intellectuels

    Je vous demande, les syndicats, les travailleurs :mobilisons-nous contre Greenpeace et contre lesintellectuels de ce monde. Voil comment sex-primait le maire lgard de Greenpeace et desintellectuels lan dernier. Cest au courant delanne 2007, lors dune action de lONG Saguenay visant protger la fort borale quele premier magistrat fait leur connaissance.Cest dailleurs la suite dune entrevue donneaux diffrents mdias rgionaux concernant cecoup mdiatique de Greenpeace que le mairedevient une vedette de lmission Infoman, quile rebaptise Jean l l Tremblay. En 2015, lemaire Tremblay proposait ainsi la socit civile

    saguenenne de se mobiliser contre cette orga-

    nisation militante puisque lentreprise Produitsforestiers Rsolu (PFR), tablie dans la rgion,avait perdu son accrditation FSC (ForestStewardship Council) qui garantit la bonne ges-tion de la fort. Dans la logique tout fait ridi-cule du maire Tremblay, ctait la faute deGreenpeace. Selon lui, les usines qui fermentdans la rgion sont le rsultat de lactivisme desgroupes comme Greenpeace qui prfrent sau-

    ver un caribou forestier plutt que les emploisdans la rgion.

    Cet pisode dappel la mobilisation du mairecontre Greenpeace et les intellectuels nest passa premire frasque contre les intellos. En 2012,

    lors de la campagne lectorale qubcoise, lacandidate du Parti qubcois Djemila Benhabibsest prononc sur la prsence du crucifix lAssemble nationale. Les propos de cette der-nire ne firent pas laffaire de M. Tremblay etcelui-ci prtexta quelle navait pas sinterrogersur le sujet tant donn quil avait du mal pro-noncer le nom de Mme Benhabib. En raction ces propos, le sociologue Grard Bouchard,ancien co-prsident de la Commission sur lesaccommodements raisonnables, a suggr lmission Tout le monde en parleque Jean Trem-blay ntait rien dautre quun intgriste reli-gieux. Ctait suffisant pour que le maire

    dnonce vertement les propos de Bouchard etsuggre que ce dernier tait all lcole beau-coup trop longtemps ! Il revient la charge en2015 en proposant de se mobiliser contre lesintellectuels, comme nous lavons soulignprcdemment.

    Pas une contradiction prs, le maireTremblay proposait pourtant en 2013 de fairede Saguenay une ville universitaire, limage deSherbrooke, en travaillant de concert aveclUniversit du Qubec Chicoutimi (UQAC).Reste maintenant voir la place qui seraitaccorde aux intellectuels de cette villeuniversitaire

    Mouvement tudiant et anti-meute

    Comme plusieurs autres endroits au Qubec,Saguenay a t touch par le mouvement degrve tudiante de 2012; certains programmesdtudes de lUQAC et du cgep de Jonquireont fait grve durant cette priode. linstar de

    Montral, plusieurs manifestations ont eu lieudans les rues de la ville, bloquant loccasion desboulevards et mme le pont Dubuc, unique lienentre le centre-ville de larrondissement de Chi-coutimi et la rive nord de la rivire Saguenay.

    Dans ce dossier, le maire sest prononc timi-dement sur la question des droits de scolarit,proposant dimposer une hausse mais sur uneplus longue priode, proposition qui avaittrangement t reprise par le gouvernement de

    Jean Charest lpoque. En avril 2012, lors deson passage au Cercle de presse du Saguenay, lemaire Tremblay affirmait que les manifestationstudiantes taient drangeantes, mais quil

    naugmenterait pas le budget de la Scurit

    Les prises de parole publiques du maire de Saguenay, Jean Tremblay, ont plusieursoccasions fait couler beaucoup dencre. En septembre 2015, il annonait quil ne sereprsenterait pas la fin de son mandat en 2017. Pour certaines, ctait une trsbonne nouvelle, presque une libration. Rsultat de la fusion en 2002 de Chicoutimi,Jonquire et La Baie notamment, Saguenay na eu que ce maire color depuis. Quelhritage laissera-t-il ?

    SAGUENAY

    Lhritage social et politique

    de Jean Tremblay CLAUDE CT

    J

    P

    hotomontage:MoniqueMoisan

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    Dossier

    publique de Saguenay (SPS). Il faut rappelerque Saguenay, cette poque, navait toujourspas de service de police munie dune unit decontrle de foule. Or, en novembre de la mmeanne, bien quil ait annonc quil ne financeraitpas davantage le SPS, la Ville annonait quelledbourserait 100 000 $ pour acheter lquipe-ment et former des policiers afin dtreconforme aux exigences du ministre de laScurit publique. Cette dcision est survenueseulement une fois la grve tudiante termine.Maintenant, dans un contexte o loppositioncommence se mobiliser au Saguenay, les lussaguenens auront accs une police forme aucontrle de foule.

    Opposition politique et mdiatique

    Dj avec la prire lHtel de Ville, descitoyennes de Saguenay se sont mobiliss quelques reprises pour exiger que le maire cesseson enttement. Comme quoi les dangers delorgueil, lun des sept pchs capitaux, auraientpu raisonner le maire et le faire cder sur cettequestion. Cest en novembre 2010 quun pre-mier groupe de citoyennes se rencontre afin decrer un comit politique qui a men, en 2011, la cration dun parti politique : lquipe durenouveau dmocratique (ERD). Cest lors duscrutin de 2013 que lERD se prsente pour lapremire fois aux lections avec comme objectif

    de remplacer Jean Tremblay la tte de la sep-time ville en importance au Qubec. Lors decette lection, 37 % des lecteurstrices ont votpour lopposition et deux candidates de lERDont t lues au conseil municipal. Lorganisa-tion dun parti politique municipal est une pre-mire dans lhistoire de la ville de Saguenay.Depuis llection de lERD, une tension est pal-pable au conseil municipal, o le roitelet se sentsurveill et o les dbats nont jamais t aussicourants dans les instances municipales. linstar dune opposition organise dans un

    parti politique, les mdias rgionaux ont aussiexerc un contre-pouvoir au maire du moinsune part dentre eux. Cest principalement des

    journalistes radio-canadiens qui soulevaient lesirrgularits dans la gestion du maire. Dautresmdias, surtout KYK Radio X, ont appuy lemaire et ses ides. Cette station de radio anotamment organis une campagne de finan-cement dans le dossier de la prire afin de sou-tenir cette lutte . Par la suite, en rponse au mauvais portrait que Radio-Canada dpei-gnait de lui, le maire Tremblay a parfois refusde rpondre des questions le concernant, voiredaccorder des entrevues certaines journa-listes. Face cette opposition mdiatique, il adcid de mettre sur pied son propre mdia.Dornavant, il ragit et fait des annonces via descapsules vido sur le site internet de la Ville.

    Perspectives davenir

    Nous nous demandons si la prsence duneopposition politique organise aura finalementeu raison du rgne de Jean Tremblay. Depuis la fondation-fusion de la ville en 2002, il a grcelle-ci comme si ctait son petit royaume et lesmdias rgionaux ont gout sa mdecine. Cethomme de foi aura eu un impact significatif surle paysage politique qubcois. Le discours quila entretenu dans les dernires annes ne fait pashonneur aux citoyennes du Saguenay-Lac-Saint-Jean. notre avis, le discours de bon ges-tionnaire et dhomme de principes auramaintenu Jean Tremblay au pouvoir. En se pla-ant en dfenseur des valeurs canadiennes-

    franaises (sic), il a dmontr une force decaractre qui a touch sans doute beaucoupdlectrices et dlecteurs saguenens.

    Ce qui reste intressant dans ce portrait delhritage social et politique de Jean Tremblayest quen quittant la vie publique, il laisse lechamp libre l o tout espoir de changementtait, jusqu tout rcemment, difficile envisa-ger. Ce dernier gagnait les lections avec desrsultats presque staliniens. Lavenir nous dira quoi pourrait ressembler la Ville de Saguenayavec de nouvelles personnes sa tte. Cest aucours du prochain mandat que lon pourramesurer la prennit de lhritage de Jean

    Tremblay.

    prs un an denqute et danalyse, nous navions toujours pas reu denouvelles de notre plainte au MAMOT. Le dossier reposait toujours sur le

    bureau du ministre, Pierre Moreau. lautomne 2015, nous avons d nous rsou-dre prendre des avocats , explique Lise Chartier, citoyenne de Sainte-Marie-Madeleine.

    La municipalit attire lattention des mdias depuis lautomne 2014. Lesummum de lincomptence sest concrtis avec ce que les citoyennesde la localit ont surnomm le Garage de la honte (garage-

    delahonte.com). Une grossiret dans le paysage urbain qui illustre de toutevidence la panne du systme politique municipal.

    Malgr une srie de vices de procdure et de lacunes de drogationsmineures dans le fonctionnement du conseil municipal, les fonctionnairesdu MAMOT nous ont clairement dit de ne pas nous faire dillusions, expliqueLise Chartier. Le rsultat de notre dmarche pourrait naboutir qu des rpri -mandes la municipalit et aux lues. Pour nous, la situation est tellementeffrayante quon demande la mise sous tutelle de notre ville .

    Toutes les dmarches des citoyennes auprs de la municipalit ontfrapp un mur. Les ptitions nont eu aucun cho auprs du comit consul-tatif durbanisme, les sances du conseil municipal ont omis les priodesde questions prvues pour les citoyennes pas moyen darrter le projet.Consquence : lrection dune monstruosit industrielle en zone rsiden-tielle transformant un quartier de la ville en cour dAlcatraz.

    Cest pass comme du beurre dans la pole. Pire, le maire nous a envoy desmises en demeure pour nous faire taire, ajoute Lise Chartier. Lesmanuvres de la municipalit ont mme t pousses au point o la Ville adfray la publication et la distribution dun bulletin rempli de faussets pourinduire la population en erreur. Et cest moi qui suis traite de terroriste et derebelle qui cherche le trouble dans les runions clandestines organises encatimini par certains des promoteurs lorigine de la situation , ricane-t-elle.

    Austrit et privatisation de la politique

    lautomne 2015, les citoyennes avaient bien t avertis par les fonc-tionnaires du gouvernement que ds lentre dun avocat dans le dossier, leMAMOT allait se retirer. Mais les enquteurs du ministre sont en nombrerestreint et nont pas plus de pouvoirs que les citoyens, affirme LiseChartier. En gros, leur travail ne peut aboutir qu donner des tapes sur les doigts.

    Aucune rparation ne peut tre prvue. Dans un monde corrompu o rgne lincomptence, identifier les problmes

    nest pas suffisant. Il devient ncessaire dimposer des sanctions et des actionsbien plus svres. Comme, pour Sainte-Marie-Madeleine, la dmolition du

    garage. Mais ce nest pas le cas, et en consquence les contribuables ontd se rsoudre faire appel la justice. Une requte a t dpose enoctobre 2015. Leur dossier est solide et loptimisme est revenu, mais quel

    prix pour les citoyennes ? SOPHIEVAILLANCOURT

    Sainte-Marie-Madeleine : lextrmisme municipal

    A

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    Dossier

    our Sylvie Asselin, candidate la mairiede Saint-Augustin-de-Desmaures auxlections de juin 2015, le constat est

    plutt dsolant : les outils de vrification dugouvernement donnent aux gens limpressiondtre protgs et davoir du pouvoir sur ce qui se

    fait dans leur ville. Mais il suffit d essayer de lesmettre en application pour sapercevoir quau f inalle rsultat aboutit davantage au dcouragementdes citoyens quant leur participation la viepublique une fois les lections termines.

    La mdiocrit au pouvoir

    Quil sagisse de dposer une plainte au minis-tre des Affaires municipales et de lOccupationdu territoire (MAMOT) ou de faire unedemande daccs linformation, il ny a pas desoutien pour le citoyen qui, ds les premiresdmarches, se voit finalement propuls dansun ddale bureaucratique dune lourdeurinoue. Il faut en avoir du temps lorsque tu veuxcomprendre les abus suspects dans la gestion de taville ! Je ne faisais que a tous les soirs, toutes les

    f ins de semaine.

    Mettre sa vie en suspens pour rdiger deslettres, constituer des dossiers, fournir despreuves peut en rebuter plus dun. Le citoyenqui veut simpliquer vire de bord. Les lus en placeont tout le pouvoir et sils dcident de rire de toi, tuvas clairement manger tes bas , jusqu ce que lalumire soit faite. Ce qui demande en gnraldes mois et des annes. Entre temps, cest lestatu quo, et les projets mal ficels, drogatoiresou non, continuent se mettre en place.

    Pour celle qui a cr avec dautres citoyennes,

    en 2012, lorganisme SOS Saint-Augustin, lerveil est brutal. Lorganisme avait pour objectifdapporter laide que rclamaient les lues de lamunicipalit dans le dossier de la quote-part queSaint-Augustin doit verser lagglomration deQubec. Aprs six mois scruter les documentsde la Ville pour chercher des moyens de rduire lefardeau des transferts, on sest plutt aperu quenotre municipalit dupait ses citoyens . Aujourdhui,les consquences dune succession de confusionsdans les procdures, dignorance des lois et decafouillages de chiffres font dire Sylvie Asselinque si Saint-Augustin tait une entreprise prive,il y a longtemps que le banquier aurait tir la

    plug. Ce serait la faillite.

    Aucun ratio dendettement

    Les administrations municipales peuvent aller lencontre de leurs rglements, embrouillerdlibrment ou non les processus dadoptiondes emprunts, obrer les citoyennes pendantdes mois sinon des annes sans tre ennuyes.

    Au fur et mesure quelle creuse les dossiers,Sylvie Asselin tombe des nues. De la bouchemme des fonctionnaires de la Commission desplaintes du MAMOT, nous apprenions que,

    contrairement tout particulier, il ny a aucun seuildendettement tabli pour une municipalit. LaVille peut sendetter sans fin et la dette accumuleest considre comme lhritage que laissent leslues en place ladministration qui leur succ-dera. Et cest aux citoyennes-contribuables qui revient la responsabilit de lponger.

    En 2013, il tait tabli pour Sylvie Asselin queSaint-Augustin agissait dans la confusion etquelle dpensait dj trop. Dcouverte : laVille ne payait pas les montants emprunts et neportait pas sa dette les nouveaux emprunts. Ellepayait uniquement les intrts mme lesemprunts contracts et laissait entendre que les

    f inances taient sous contrle jusqu lannonce

    La ville de Saint-Augustin-de-Desmaures, prs de Qubec, attire lattention desmdias depuis plusieurs annes. Ladministration municipale fait lobjet de multiples plaintesau ministre des Affaires municipales; des dmarches citoyennes devenues indispensablesqui suscitaient chez Sylvie Asselin, en juillet 2015 au sortir dlections prcipites, desrflexions sur ltat de notre dmocratie.

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    SAINT-AUGUSTIN-DE-DESMAURES

    Les artifices du pouvoir

    SOPHIEVAILLANCOURT *

    SAINT-AUGUSTIN-DE-DESMAURES

    Les artifices du pouvoirblog.tradel-barcelona.com

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    dune hausse de taxes de 25 % lautomne 2014. LaVille tentait de faire porter entirement lodieux dela situation la quote-part quelle devait pour sonadhsion lagglomration de Qubec.

    Ds janvier de cette mme anne, le projet duComplexe multifonctionnel (1) devenait pour lacitoyenne celui qui allait planter le dernier clou

    dans le cercueil de la Ville. Mais dune sance duconseil municipal lautre, il ny avait pas moyendobtenir les chiffres , affirme-t-elle; la Ville pous-sant lextrme le processus tabli par la Loi surlaccs aux documents des organismes publics etsur la protection des renseignements person-nels (2). Une plainte est donc dpose auMAMOT. Lenqute tarde et au fur et mesureque les mois passent, la construction suit soncours.

    Du baratin

    Le rapport du ministre arrive finalement, mais18 mois plus tard, soit en juillet 2015. Entretemps le mal est fait, le btiment est achev, sin-digne Sylvie Asselin.Mme si aprs tout ce tempsle rapport du ministre nous a donn raison, per-sonne la Ville na cop dun blme. Aujourdhuipourtant, les citoyennes de Saint-Augustin doi-

    vent assumer une dette supplmentaire de 20millions de dollars, pour un total dendettementde leur Ville de prs de 150 millions. Un montantfaramineux si lon considre que la localit necompte que 8 000 payeurseuses de taxes .

    Dans son rapport, le ministre convient quil ya eu des problmes de datation et de contradiction surcertains lments du projet pour en arriver laconclusion quil sestprobablementproduit deserreurs de transcription dans la rdaction des rgle-ments demprunt et dautres documents de la muni-cipalit. Mais le rapport sen tient uniquement demander des correctifs aprs coup, afin de rendreles documents conformes, alors mme que le projet est

    achev. Et cest peine si les lues ont reu une tapesur les doigts aprs avoir ref il la facture de 20 mil-lions de dollars de ce projet aux citoyens-contribua-bles, quand ils nannonaient aucune rpercussion

    f inancire sur leur compte de taxes !, prcise SylvieAsselin.

    Cest la dception. Le MAMOT mentionne

    sur son site que les citoyennes ont des droits.Ceux-ci sont cependant bien encadrs : en gros,le droit dtre bnvole, de participer aux consul-tations publiques et dassister aux sances duconseil municipal pour poser des questionsmais souvent en nombre limit. Et lorsquil le

    fait, le citoyen se fait dire par ses lues que la sancedu conseil est un lieu de travail pour les conseillers etle maire et non pas un espace pour faire ses dolances.En ralit, explique Sylvie Asselin, le seul droit quedtient actuellement le citoyen est celui de voter tousles quatre ans. Autrement, il na que lobligationde payer ses taxes. Dans lintervalle, les gens quicherchent faire la lumire sur des situations pr-sentant des lacunes dans leur municipalit assis-tent une partie de balle entre deux paliers degouvernement pour dterminer qui revient laresponsabilit de recevoir les plaintes.

    Et rien pour faciliter les choses pour les contri-buables, selon les processus actuels : sopposer un projet qui endettera une ville ou minera le

    visage dun quartier exige une mobilisation descitoyennes plus dun niveau. Dabord, pourdemander en temps et lieu la tenue dun rfren-dum, puis pour le rfrendum lui-mme avec unecampagne en bonne et due forme de plusieurs se-maines.

    Maintenant, il peut tre concevable quun pro-jet dune administration municipale ait t malficel, mais quand il semble quune dizaine de pro-jets laient t, il faut conclure lincomptence ou aufait que les lues en place ont sciemment ignor leursresponsabilits de protection et de validation, ren-chrit Sylvie Asselin. En fait, ajoute-t-elle, les

    municipalits ont tous les droits et agissent un peucomme des dictatures.

    Lorsquun rglement demprunt pour un projetquelconque est formellement refus par la popu-lation, la Ville peut reformuler ce projet en yapportant de lgres modifications et le soumet-tre nouveau ladoption, puisant ainsi les res-

    sources des citoyennes. Pire, elle peut lincluredans un rglement parapluie(3) sans le dtailler, avecla bndiction du MAMOT.Elle peut ainsi le faireadopter presque clandestinement au nez et la barbedes citoyens-contribuables.

    Quel moyen rel reste-t-il donc pour les payeurseuses de taxes ? Celui, semble-t-il, descruter les articles de lois pour trouver les viola-tions commises et saisir la justice, leurs frais, lecas chant. Autrement, les dcisions prises dansles municipalits relvent de la gestion interne,un aspect sur lequel nintervient pas le gouverne-ment (voir encadr). Et lUnit permanente anti-corruption (UPAC) ? Avant de sintresser undossier, elle demande dobtenir toutes les preuves.Sil sagissait dun meurtre, compare Sylvie

    Asselin, il faudrait lui fournir le cadavre, le filmdu meurtre, le meurtrier et laveu du meurtrier .

    Alors, pour la qute de rectitude en politique,laventure appelle les courageux.

    * Citoyenne, rdactrice engage dans ladfense des droits et de la justice.

    ______________________

    (1) Voir ce sujet Franois Bourque, La saga du complexede Saint-Augustin , Le Soleil, 24 janvier 2015. Disponible enligne.

    (2) Une demande daccs linformation effectue par les ci-

    toyennes de Saint-Augustin en fvrier 2015 aura t entenduepar le tribunal de la Commission daccs linformation en

    janvier 2016.

    (3) Un rglement parapluie est un rglement dont lobjetest dcrit en termes gnraux et appel tre dtaill plus tardseulement.

    our les citoyennes et citoyens engages dans la surveillance de la gestiondes deniers publics et de lapplication des rglements adopts par leur

    municipalit, parcourir le site Internet du ministre des Affaires municipaleset de lOccupation du territoire (MAMOT) leur promet quelques clats derire ou de larmes.

    Selon la Politique de traitement des plaintes relatives aux municipalits, leMAMOT est lorganisme du gouvernement charg de sassurer de la bonneadministration du systme municipal par le traitement des plaintes relatives la gestion municipale [et celles] faites en vertu de la Loi sur lthique et la donto-logie en matire municipale . Mais une fois les processus enclenchs, quellesne sont pas les surprises !

    Au-del des dlais de traitement des plaintes juges recevables qui peu-vent stirer pendant des mois, on saperoit que le rle de surveillance duministre en matire de gestion municipale se limite uniquement fournirdes avis et faire des recommandations aux municipalits, mme lorsque

    celles-ci enfreignent les lois pendant des annes. Au mieux, le ministre

    assurera un suivi de lapplication de ses recommandations sur une priode detrois ans aprs la fin de son enqute.

    Les citoyennes ne doivent pas stonner non plus dapprendre que le minis-tre ne leur sera daucune aide en ce qui a trait aux questions relevant de lagestion interne de leur municipalit, comme ladoption et la non-application des rglements sauf dans le cas o la situation fait lobjet duneplainte en thique et dontologie contre une lue.

    Les juges administratifs de la Commission municipale pourront, au pire,conclure un manquement de llue et lui imposer des sanctions. Mais atten-tion, les pnalits sont dj tablies : 1) une rprimande, 2) la remise la mu-nicipalit du don ou des profits retirs, 3) le remboursement des sommesreues pendant la priode qua dure le manquement faisant lobjet de laplainte et 4) une suspension sans rmunration de llue pour une priodemaximale de 90 jours. Pas de quoi prvenir les rcidives.

    S. V.

    Les pichenottes de la Commission municipale

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    Dossier

    ernard Descteaux, directeur du Devoir(mdia indpendantsupposment critique), entretient une satisfaction bate vis--

    vis du style dmocratique de Denis Coderre : Lomnimaire,comme il fut dj appel, est de tous les dossiers, au point de laisser croire quilny a lHtel de Ville que lui. []Minoritaire au conseil municipal, il aattir dans ses f ilets plusieurs conseillers des partis dopposition, dont le chefde Projet Montral[Richard Bergeron] et a pu se constituer une majorit. Bref, ce que Denis Coderre a fait le mieux, selon Le Devoir, cest prendrela dfense des Montralais.

    Populisme, sens du spectacle et maintien dun taux de taxation rai-sonnable semblent tre les composantes de notre dmocratie munici-pale. Seul le parti Projet Montral (premire opposition lhtel de ville)savance critiquer le style particulirement racoleur du maire, soulevantainsi, par la bande, lenjeu dmocratique. Comits de quartier et autresassociations citoyennes sont confondus par le style populiste de lhtelde ville. Seules certaines organisations pour le droit au logement parvien-nent interpeller la Ville sur ses responsabilits politiques, mais sans tropde succs.

    Lchec citoyende la stratgie de concertation

    Au dtour des annes 2000, cinq Sommets citoyens, dont le dernier en2009 rassemblant prs de 1 000 militantes, visent une dmocratisationaccrue de la vie politique municipale. Paralllement, le Sommet de Mont-ral en 2002 est initi par le maire Grald Tremblay, do clot le grandchantier de Montral sur la dmocratie (2002-2014). Rsultat : toute unesrie dinsertions participatives, dont un droit dinitiative citoyen etune charte des droits et responsabilits , le tout couronn par le Prixdu maire de Montral en dmocratie. En outre, durant un certain temps,une forme restreinte de budget participatif a eu lieu dans larrondisse-ment Plateau Mont-Royal, remplac aujourdhui par une consultationen ligne.Tous ces vnements ont confr Montral une notorit internatio-

    nale. Grald Tremblay laffirmait en son temps et Denis Coderre le re-prend aujourdhui : Montral est une grande dmocratie participative.

    Pendant que lon discute dans les instances participatives denjeux certespertinents, lessentiel du dveloppement de la Ville et des quartiers restelapanage de puissants promoteurs, de politiciensnes et de technocrates.Des exemples ? Malgr les 3,5 milliards $ de lchangeur Turcot, celui-cimaintiendra intacte la capacit de 300 000 vhicules par jour contraire-ment la demande populaire; un nouveau quartier montralais (Griffin-town) permettant daccueillir prs de 15 000 personnes (avec lappui dela Ville) sans avoir prvu dcole, de CLSC ou autres services publics deproximit; ou encore lorsquon dverse 8 milliards de litres deaux usesdans le fleuve, malgr une ptition de 100 000 signatures. On sent bienque linfluence citoyenne ne fait pas le poids.

    Labsence dune opposition extra-parlementaire

    Aprs plus de dix ans defforts, le mouvement citoyen de dmocratisa-tion municipale Montral a t aval par le systme politique en place.Reprsentation politique parlementaire, hirarchie, hermtisme et opa-cit o seuls les lues dcident. Voil ce qui svit Montral et traversle Qubec. La dsillusion et le cynisme sont gnraliss dans la popula-tion. Cest le cas Montral(1). La parole et linfluence citoyenneS sontneutralises. Dailleurs, les thoriciennes militantes les plus optimistesde la dmocratie participative, telle Laurence Bhrer(2), narrivent plus cacher leur dsillusion.

    Dans ce contexte morose o rgne le capitalisme immobilier, quelquesgroupes de rsidentes montent de temps autre lassaut des conseilsdarrondissement pour y dfendre dautres intrts, ceux des citoyennes.Les institutions dites participatives deviennent alors des lieux o la par-ticipation sert crer ou accentuer un rapport de force entre lues etgroupes citoyens. Et il arrive loccasion que des batailles citoyennes par-

    viennent faire modifier une dcision municipale ou obtenir un gainsubstantiel face un promoteur immobilier.Ainsi, titre dexemple, les mcanismes de participation citoyenne des

    institutions municipales nont t daucune utilit dans la victoire popu-laire contre le dmnagement du casino (2005-2006). Une prsence as-sidue au conseil darrondissement a servi amplifier la stratgie gnralede pression politique, menant lentente sur lamnagement des anciens

    Ateliers du CN (2012)(3). Mais il ne faut pas se le cacher, de tels exemples

    constituent malheureusement lexception qui confirme la rgle gnrale.

    la lumire des sondages de popularit, les Montralaises portent le maireDenis Coderre presque aux nues deux ans aprs son lection. Quant auxmdias, ils nont pas encore dcroch de la lune de miel avec le maire.

    Coderre le magniqueMARCEL SVIGNY *

    B

    MONTRAL

    ThomasCamus

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    est une profonde indignation quisoutient le GODD dans cette d-marche juridique, par laquelle ils es-

    prent retrouver un peu de confiance danslexercice de la dmocratie au niveau municipal.Ce lien de confiance entre une bonne partie de lapopulation drummondvilloise et ses lues mu-nicipaux sest effrit le 17 juillet 2013 lorsque laVille a mis Waste Management un certificatde conformit qui allait donner laval lagran-dissement du site denfouissement de Saint-Ni-cphore.

    Nous avions Drummondville une sorte de pa-

    ratonnerre nous garantissant quadvenant unedemande dagrandissement de la part de WasteManagement, la population devrait donner sonapprobation au projet. Une situation unique auQubec judicieusement ngocie lors de la fusionde Saint-Nicphore Drummondville en 2004.La petite municipalit avait alors exig cette ga-rantie qui fut insre dans le dcret de fusion delpoque (dcret 626-2004, article 45), qui se litcomme suit et qui fait dornavant partie de lacharte de la Ville de Drummondville :

    Tout rglement du conseil de la nouvelle ville ettout permis ou certificat dautorisation dlivr parun fonctionnaire de la nouvelle ville, visant per-

    mettre l agrandissement ou la construction dun site

    denfouissement des ordures mnagres doit, pouravoir effet, tre approuv, conformment la Loisur les lections et les rfrendums dans les muni-cipalits, par les personnes habiles voter du secteurde la nouvelle ville correspondant au territoire delancienne municipalit o la construction oulagrandissement est envisag, ainsi que par celles delensemble du territoire restant de la nouvelle ville.

    Quand lentreprise Waste Management aannonc, en 2012, quelle faisait une demandedagrandissement de son site de Saint-Nic-phore, les citoyennes ont cru avoir un pouvoirdmocratique lgitime. Nous lavons cru. Le 24

    mars 2013, la Ville a tenu un double rfrendum.Dans le secteur de Saint-Nicphore, la popula-tion a rejet le projet dagrandissement dans uneproportion de 72 %. Pour le reste de Drum-mondville, ce fut un rejet majoritaire 61 %.

    Y a-t-il un pilote bord ?

    Nous avons cru en la probit de nos lues, etce, bien navement, car dans les semaines qui ontsuivi ces rfrendums, le projet dagrandissementsest poursuivi comme si de rien ntait. Le minis-tre du Dveloppement durable, de lEnvironne-ment, de la Faune et des Parcs lpoque,

    Yves-Franois Blanchet, notre dput, aprs

    Il nexiste pas de contre-pouvoir citoyen Montral. Dans ce contexte, lop-position parlementaire na peu prs pas dimpact.

    Privilgier le local

    La gauche populaire et communautaire Montral devrait tirer des ensei-gnements de lchec de cette stratgie de concertation. Cest une de ses res-ponsabilits politiques. Elle devrait renouer dans ses analyses et ses pratiques

    avec une approche de confrontation face au pouvoir municipal, de surcrotnolibral. Le concept de dmocratie citoyenne sans rapport de force ludeles antagonismes de classes et les intrts divergents bien rels Montral.

    Sans contre-pouvoirs populaires, les intrts capitalistes gagnent toutcoup. Et Coderre le populiste est mort de rire. Btir une ville, des arron-dissements et des quartiers dmocratiques, sans justice sociale et sans

    confrontation est un leurre. Ce nest qu partir des quartiers et en lien avecles conditions de vie de la majorit que lon peut btir des contre-pouvoirsautonomes face au pouvoir politique dominant et au dni dmocratique.

    * Militant au Centre social autogr de Pointe-Saint-Charles, ancien conseiller municipal (1986-2001) et essayiste, lauteur a notamment publi Trente ans de politique municipale aux ditions

    cosocit en 2001.

    ______________________

    (1) Denis Coderre a obtenu 31 % des votes sur un taux de participation de 43,3