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La hiérarchie des égaux: La noblesse russe d'Ancien Régime, XVIe-XVIIe siècles by AndréBerelowitchReview by: Marc RaeffCahiers du Monde russe, Vol. 43, No. 4 (Oct. - Dec., 2002), pp. 683-686Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/20174701 .
Accessed: 18/06/2014 09:55
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RUSSIE ANCIENNE ET IMP?RIALE 683
exhaustif fort bien esquiss?). Les documents conserv?s sur les grands proc?s qui se
d?roul?rent dans les ann?es 1550 ne permettent pas de parler d'antitrinitarisme.
Selon l'auteur, l'accusation est fabriqu?e par les autorit?s eccl?siastiques sur la
base de quelques indices, assez flous, et n'appara?t explicitement que dans la
sentence de condamnation. Les sources de l'h?r?sie des ann?es 1550 sont donc ?
chercher ailleurs : dans la ligne qui part de Pskov et Novgorod, entre le xive et le
xve si?cle, et qui se joint ? la pr?r?forme europ?enne. C'est seulement apr?s avoir fui la Russie et ?migr? dans le territoire lituanien
(p. 109-132), o? la tendance la plus radicale du monoth?isme ?tait en cours de
formation, qu'une partie des ? h?r?tiques ? russes (Kosoj, Ignatij) se sont li?s ?
l'antitrinitarisme et ont rejoint l'unitarianisme (p. 133-204, voir l'analyse d?taill?e
de la Poslanie mnogoslovnoe ; Y Ep?stola Ioannis Smerae ; les Poslanija d'Artemij ; la Istiny pokazanie de Zonovij). C'est cette ?volution doctrinale, attest?e par une
certaine quantit? de documents mais probablement fort sur?valu?e, qui a permis aux ?rudits du xixe si?cle d'interpr?ter les actes des proc?s de Moscou ? la lumi?re
des mutations d'id?es des protagonistes et de leur attribuer des doctrines qui, en
r?alit?, sont survenues beaucoup plus tard. L'?tude des sources des proc?s, de la
personnalit? des accus?s (Baskin, Artemij, Viskovatyj) et des actes de proc?dure, constitue la partie la plus ?labor?e du livre (p. 57-108). Elle est pr?c?d?e d'un
tableau essentiel de l'histoire de la Russie ? partir de 1547, lorsque, apr?s le couron
nement d'Ivan IV, les rapports entre l'?tat et l'?glise se complexifient et les rela
tions internes ? l'?glise voient une lutte acharn?e entre partisans d'une r?forme de
la vie chr?tienne (chez les moines de la Russie septentrionale) et forces de r?sis
tance traditionnelles.
Valerio Marchetti
Andr? BERELOWITCH La hi?rarchie des ?gaux :
la noblesse russe d'Ancien R?gime, xvf-xvtf si?cles
Paris, Seuil, 2001,480 p. (L'Univers historique)
Le xvne si?cle a ?t? plut?t n?glig? dans l'historiographie russe du xxe si?cle -? et
cela en d?pit des substantielles publications de sources et des monographies sp?cia lis?es parues au xixe si?cle. La raison de ce manque d'attention provient peut-?tre
du caract?re complexe de cette ?poque, qui ? la fois h?rite de l'ancienne Rus' et
donne naissance ? la Russie imp?riale, mise en uvre par Pierre le Grand. Cette
complexit? est particuli?rement notable dans la structure et les fonctions de la
classe sociale qui occupait la position cl? dans la culture politique du pays ? la
? noblesse ?.
L'historiographie sovi?tique, prise dans l'?tau des interpr?tations oblig?es du
dogme officiel, s'est content?e d'explorer les relations entre la noblesse de service
et la paysannerie asservie en termes de conflit entre exploitants et exploit?s. Il est
hors de doute que, ce faisant, les historiens sovi?tiques ont d?couvert et mis en
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valeur quantit? de documents qui permettent d'aller au-del? des g?n?ralisations et
conclusions h?tives de leurs pr?d?cesseurs. Mais, parce qu'elle a n?glig? les
aspects religieux et eccl?siastiques, ainsi que l'enracinement de la culture politique dans les consciences individuelles, l'historiographie sovi?tique n'a pas su d?crire ni
analyser les traits caract?ristiques de la mentalit? des ? nobles ? moscovites.
Ces derni?res d?cennies ont apport? une r?orientation m?thodologique. Venue
d'abord des historiens occidentaux de la Russie, elle a gagn?, depuis la fin du
syst?me sovi?tique, leurs coll?gues russes. S'inspirant des conceptions contempo raines en anthropologie et psychologie sociale, mettant ? profit les possibilit?s offertes par l'analyse statistique, la jeune g?n?ration d'historiens s'est efforc?e de
clarifier et de comprendre les comportements, les syst?mes symboliques et la
mentalit? du groupe social qui domine la Moscovie au xviie si?cle.
Le livre d'Andr? Berelowitch nous offre une illustration magistrale de cette
nouvelle approche. L'analyse et l'interpr?tation qu'il donne de la mentalit? des
serviteurs du tsar jettent une lumi?re neuve et originale sur la structure et la dyna
mique de la culture politique russe au xviie si?cle. Son argumentation peut ?tre
r?sum?e de la fa?on suivante : le groupe social qui est l'acteur principal dans la vie
politique et institutionnelle du pays est celui des serviteurs du souverain ; ?gaux par
rapport au souverain, les membres du groupe (? nobles ?) forment n?anmoins un
syst?me hi?rarchis? de clans et de lignages. Les principaux facteurs qui d?finissent ce groupe sont le service de l'?tat, la r?mun?ration en terres (qui ? son tour
implique la possession de paysans asservis), un syst?me de valeurs profond?ment ancr? dans la religion et la m?moire collective que gardent les lignages de leur
statut et de leur r?le. Nous avons donc affaire ? un groupe dont les membres indivi
duels se trouvent dans une situation ambigu? : serviteurs du tsar, ils d?pendent enti?rement de son pouvoir absolu et despotique, mais ils font aussi partie d'une
hi?rarchie de clans et de lignages dont l'existence est autonome et continue (dans les limites impos?es par les conditions biologiques de l'?poque). Le service, qui favorise l'ascension des lignages, peut ?tre aussi la source de leur d?gradation. C'est encore le service qui d?termine le statut de chaque individu, tandis que ses
possessions et sa r?mun?ration manifestent et justifient le syst?me des hi?rarchies.
D'o? l'ins?curit? individuelle et une mentalit? ambivalente, qui marquent profon d?ment les conditions d'existence de la noblesse russe et la distinguent de ses
contreparties en Occident.
Pour sa description et ses analyses socio-anthropologiques, l'auteur utilise une
vaste et remarquable documentation ? en partie publi?e, en partie tir?e des
archives. Il est vrai que les sources connues ? pr?sent sont loin d'?tre enti?rement
satisfaisantes, car elles sont fragmentaires et ponctuelles, quoique copieuses et
vari?es. Pour en compenser les d?fauts, Berelowitch a recours ? des estimations et
des projections statistiques ?
par exemple, pour ce qui concerne les r?mun?rations
en terres et en esp?ces, ainsi que le classement hi?rarchique des serviteurs de l'?tat.
Je ne suis pas comp?tent pour en v?rifier l'exactitude, mais les conclusions qu'il en
tire sont parfaitement convaincantes. Ma seule critique serait qu'il ne respecte pas
toujours la s?quence chronologique, se servant de documents s?par?s par de
nombreuses ann?es pour illustrer un fait ou une conclusion sp?cifiques. Andr?
Berelowitch d?montre l'avantage qu'il y a ? comparer la situation en Moscovie
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RUSSIE ANCIENNE ET IMPERIALE 685
avec des ph?nom?nes parall?les dans d'autres soci?t?s et d'autres p?riodes. Il peut montrer ainsi ce qui rapproche la condition noble dans la Moscovie du xvne si?cle
de ce qu'on peut observer en France, en Italie, en Allemagne ou m?me au-del?, en
Chine, au Japon ou dans l'Empire ottoman, et ce qui les ?loigne. Nous sommes
souvent en pr?sence d'un d?calage chronologique par rapport ? l'Europe occidentale : par exemple, les nobles moscovites, ? bien des ?gards, peuvent ?tre
compar?s aux nobles fran?ais du xie si?cle plut?t qu'? ceux de la cour de
Louis XIV.
La mentalit? de la noblesse moscovite se caract?rise par une ambivalence ou un
dualisme : d'une part c'est une classe de riches possesseurs de terres, exploitant une
main-d' uvre servile, d'autre part ses possessions sont dues au service ou ? la bien
veillance du tsar dont ils sont les esclaves (holopy) ; de m?me, sa fonction sociale et
politique est la cons?quence ? la fois du statut du lignage et du grade individuel
qu'obtient chacun de ses membres au service de l'?tat. En outre le noble est auto
nome au niveau local et sujet servile au niveau de la cour et de l'administration
centrale. L'individu n'existe donc que par sa double condition de membre d'un
lignage et du corps des serviteurs du tsar. Berelowitch r?sume : la stabilit? de la
structure sociale et politique d?rive de la coh?sion entre l'imaginaire traditionnel
des clans et des lignages, qui plonge ses racines dans le pass?, et la r?alit? du grade de service dans l'imm?diat.
La Moscovie offre l'exemple d'une hi?rarchie tripartite (militaire, religieuse,
agricole) commune, selon Louis Dumont, aux peuples indo-europ?ens. Ses nobles ?
serviteurs militaires et administratifs du souverain ? sont en concurrence perma nente pour une r?mun?ration mat?rielle et symbolique accord?e exclusivement par le tsar. Leur statut individuel d?pend ? la fois de leur place dans leur lignage et de leur
grade dans la hi?rarchie du service. C'est ce qui explique les querelles de pr?s?ance, aussi importantes et fr?quentes pour les nobles de Moscou qu'elles l'?taient pour les
courtisans de Versailles. Les documents russes parlent ? ce propos de questions d'honneur (cesO
? et les historiens se servent du m?me terme. Mais, comme Bere
lowitch le souligne fort ? propos, en Moscovie ce terme a un sens bien diff?rent de
celui qu'il avait en Occident au xvne si?cle, et qu'il n'acquiert en Russie que dans la
seconde moiti? du xvnr. ? Moscou, au xvne si?cle, il ne s'agissait pas d'une qualit?
intrins?quement personnelle, mais plut?t d'une qualit? composite qui r?unissait la
dignit? du lignage et celle du grade. Les deux ?tant en fin de compte une gr?ce du tsar, il appartenait ? ce dernier de trancher toutes les querelles de pr?s?ance, car elles
mettaient en cause sa pr?rogative et sa volont?, et celle de ses a?eux ? en un mot, son
autorit? souveraine. De ce fait, je me demande si notre terme ? honneur ? est appli cable aux querelles de pr?s?ance et d'atteinte ? l'honneur en Moscovie ? le duel y ?tant inconnu et le sc?nario de la reddition ? merci (vydaca golovoj) revenant ? nier
une conception de l'honneur proprement individuelle. Je proposerais, sous toute
r?serve, le terme de ? renomm?e ? (good name en anglais), car il s ' agissait avant tout
du renom du lignage ou du clan, ce qui implique un cadre social, une relation ? l'autre.
Il faut ajouter aussi, comme le remarque pertinemment l'auteur, que chaque groupe social avait son honneur particulier
? une situation ordonn?e et sanctifi?e par Dieu, dont le tsar, dispensateur et gardien-arbitre, tenait sa souverainet?. L'?glise l'ensei
gnait et s'en faisait le garant.
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Andr? Berelowitch a trac? d'une main de ma?tre un tableau ph?nom?nologique des conditions d'existence de la noblesse russe au xviie si?cle ? une classe pour
laquelle, d'ailleurs, la langue contemporaine n'avait pas de terme propre. Condition
ambigu?, s'il en f?t, ? la fois servile et dominatrice. C'est cette ambigu?t? qui, ?
mon avis, s'est r?v?l?e un facteur essentiel dans le succ?s de la transformation r?vo
lutionnaire d?clench?e par Pierre le Grand. Mais ceci est une autre histoire.
Pour conclure, je formulerai quelques remarques critiques d'importance secondaire
? remarques qui n'enl?vent rien aux m?rites et aux conceptions
novatrices de ce livre. Parfois la pr?sentation peut pr?ter ? confusion, l'ordre
chronologique n'?tant pas assez ?vident pour un lecteur peu averti. Le chapitre sur les ?v?nements du Temps des Troubles me para?t un peu long et touffu, et l'on
n'en voit pas trop la pertinence pour la condition noble en Moscovie. Il ne m'a
pas ?t? facile de suivre les discussions concernant la place des individus dans
l'ordre g?n?alogique de leur lignage ou clan ? mais c'est peut-?tre la faute de
mon manque de curiosit? pour ce genre d'analyse, mea culpa conf?teor. Enfin,
j'aurais pr?f?r? une bibliographie comprenant tous les auteurs et titres cit?s en
bas de page, et pas seulement les titres donn?s en abr?g? ? mais c'est peut-?tre l?
une d?cision de l'?diteur.
Nous sommes, je le r?p?te, en pr?sence d'un ouvrage remarquable par son
?rudition et sa sophistication analytique, qui ouvre de nouvelles perspectives aux
chercheurs qui s'occupent non seulement du xviie si?cle moscovite, mais aussi du
Moyen ?ge russe. Il tient, et tiendra longtemps, une place centrale dans l'historio
graphie r?cente, russe et occidentale, qui est en train de renouveler notre connais
sance d'un si?cle charni?re de l'histoire de Russie.
MarcRaeff
Aleksandr Sergeevic LA VROV
Regentstvo carevny Sof i Alekseevny :
sluziloe obscestvo i borT>a za vlast'
v verhah Russkogo gosudarstva v 1682-1689 gg.
(La r?gence de la princesse Sophie Alekseevna.
La noblesse de service et la lutte pour le pouvoir au sommet de l'?tat russe, 1682-1689)
Moscou, Arheograficeskij Centr, 1999,300 p.
Le petit ouvrage, tout ? fait remarquable, d'Aleksandr Lavrov traite d'une p?riode br?ve, mais cruciale pour l'histoire de la Russie moderne : celle o?, ayant pris le
pouvoir ? la faveur d'une s?dition des mousquetaires (streVcy), Sophie tente de
r?soudre la crise politique et religieuse en modernisant l'?tat. L'auteur ne cherche
pas ? pr?senter une synth?se des connaissances acquises1, mais ? comprendre les
points obscurs qui subsistent dans l'historiographie : comment Sophie s'est
empar?e du pouvoir (chapitre 1), pourquoi ses r?formes ont ?chou? (chapitre 2), comment s'explique la victoire de Pierre Ier en 1689 (chapitre 3).
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