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La Jalousie (Robbe-Grillet) Pour les articles homonymes, voir La Jalousie. La Jalousie est le quatrième roman d'Alain Robbe- Grillet, publié en 1957 aux Éditions de Minuit. Il bé- néficia d'emblée d'un accueil favorable, contrairement à ses œuvres précédentes, qui appartenaient toutes aussi au mouvement du Nouveau roman. Le schéma du livre pourrait être celui, classique, du tri- angle amoureux : une femme, A…, un homme, Franck, qui pourrait être son amant, et un narrateur omniprésent et à la fois inexistant, apparemment objectif et comme dépourvu d'affects, dont l'absence est perpétuellement pré- sente dans toutes les scènes du livre. Ce narrateur qu'on peut, au vu du titre, imaginer être le mari, détaille de façon scrupuleuse et obsessionnelle, en empruntant à la langue de la géométrie et de la physique, les gestes et échanges des deux personnages ainsi que leur environne- ment, une maison coloniale sur une plantation de bana- niers. Le récit, divisé en neuf sections non numérotées, n'est pas chronologique mais fonctionne sur le mode de la reprise, conformément à cette évocation à signification manifestement méta-poétique d'un « air indigène » qu'on trouve au centre du livre : « Sans doute est-ce toujours le même poème qui se continue. Si parfois les thèmes s’estompent, c'est pour revenir un peu plus tard, affermis, à peu de chose près identiques. Ce- pendant ces répétitions, ces infimes variantes, ces coupures, ces retours en arrière, peuvent donner lieu à des modifications - bien qu'à peine sensibles - entraînant à la longue fort loin du point de départ. » (p. 101) 1 Le titre Jalousie fait référence à la fois au sentiment qu'éprouve le narrateur pour sa femme A… et au volet à travers le- quel il l'épie. L'auteur joue avec les deux sens du mot : la jalousie est une passion pour qui rien jamais ne s’ef- face : chaque vision, même la plus innocente, y demeure inscrite une fois pour toutes tandis que la jalousie est une sorte de contrevent qui permet de regarder au dehors et, pour certaines inclinaisons, du dehors vers l’intérieur ; mais, lorsque les lames sont closes, on ne voit plus rien, dans aucun sens. Fenêtres à jalousie. 2 L'intrigue et le choix narratif Dans La Jalousie, Robbe-Grillet revisite le topos du tri- angle amoureux. À la lecture du titre, le lecteur, rompu à la lecture de romans traditionnels, s’attend à être plon- gé dans une intrigue passionnelle pleine d'effusions et de grands sentiments. Le titre justifie une attente qui va être déçue. En effet, Robbe-Grillet s’attaque dans La Jalousie, comme dans ses romans précédents à l'analyse psycho- logique qui fonde le roman traditionnel et la littérature bourgeoise. Nous n'aurons pas ici d'explications sur les motifs, les intentions, les sentiments, le ressenti des per- sonnages. Mais ce qui fait la nouveauté de La Jalousie, ce qui en fait un roman littérairement révolutionnaire, c'est le choix narratif. Contrairement à ses romans antérieurs, dans lesquels subsistait un univers objectif, Robbe-Grillet fait le choix dans La Jalousie du point de vue interne. Tout ici est raconté du point de vue d'un narrateur jaloux qui épie sa femme A… qu'il soupçonne de vouloir le quit- ter pour Franck, l'autre personnage masculin du roman. Mais le narrateur bien qu'il soit apparemment absent, bien qu'il ne se nomme jamais dans le texte est en fait hyper- présent. Le roman est la transcription de sa conscience. Nous sommes donc prisonniers d'une vision partiale et partielle de la réalité. Partielle parce que nous ne pouvons nous fonder que sur le point de vue du narrateur. Partiale parce que celui-ci est prisonnier d'une jalousie patholo- gique qui modifie son regard sur les objets et les êtres qui l'entourent. Il serait donc vain de dégager du roman une chronologie linéaire tant nous sommes empêtrés dans la conscience et dans le temps intérieurement vécu du narra- teur. Néanmoins, il est possible de dégager une structure ternaire qui correspond au déroulement des évènements. L'intrigue se divise alors en trois temps : le temps qui pré- cède le voyage en ville de Franck et de A…, le temps qui 1

La Jalousie (Robbe-Grillet)

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  • La Jalousie (Robbe-Grillet)

    Pour les articles homonymes, voir La Jalousie.

    La Jalousie est le quatrime roman d'Alain Robbe-Grillet, publi en 1957 aux ditions de Minuit. Il b-ncia d'emble d'un accueil favorable, contrairement ses uvres prcdentes, qui appartenaient toutes aussi aumouvement du Nouveau roman.Le schma du livre pourrait tre celui, classique, du tri-angle amoureux : une femme, A, un homme, Franck,qui pourrait tre son amant, et un narrateur omniprsentet la fois inexistant, apparemment objectif et commedpourvu d'aects, dont l'absence est perptuellement pr-sente dans toutes les scnes du livre. Ce narrateur qu'onpeut, au vu du titre, imaginer tre le mari, dtaille defaon scrupuleuse et obsessionnelle, en empruntant lalangue de la gomtrie et de la physique, les gestes etchanges des deux personnages ainsi que leur environne-ment, une maison coloniale sur une plantation de bana-niers. Le rcit, divis en neuf sections non numrotes,n'est pas chronologique mais fonctionne sur le mode dela reprise, conformment cette vocation signicationmanifestement mta-potique d'un air indigne qu'ontrouve au centre du livre :

    Sans doute est-ce toujours le mmepome qui se continue. Si parfois les thmessestompent, c'est pour revenir un peu plus tard,aermis, peu de chose prs identiques. Ce-pendant ces rptitions, ces inmes variantes,ces coupures, ces retours en arrire, peuventdonner lieu des modications - bien qu'peine sensibles - entranant la longue fort loindu point de dpart. (p. 101)

    1 Le titre

    Jalousie fait rfrence la fois au sentiment qu'prouvele narrateur pour sa femme A et au volet travers le-quel il l'pie. L'auteur joue avec les deux sens du mot :la jalousie est une passion pour qui rien jamais ne sef-face : chaque vision, mme la plus innocente, y demeureinscrite une fois pour toutes tandis que la jalousie estune sorte de contrevent qui permet de regarder au dehorset, pour certaines inclinaisons, du dehors vers lintrieur ;mais, lorsque les lames sont closes, on ne voit plus rien,dans aucun sens.

    Fentres jalousie.

    2 L'intrigue et le choix narratifDans La Jalousie, Robbe-Grillet revisite le topos du tri-angle amoureux. la lecture du titre, le lecteur, rompu la lecture de romans traditionnels, sattend tre plon-g dans une intrigue passionnelle pleine d'eusions et degrands sentiments. Le titre justie une attente qui va tredue. En eet, Robbe-Grillet sattaque dans La Jalousie,comme dans ses romans prcdents l'analyse psycho-logique qui fonde le roman traditionnel et la littraturebourgeoise. Nous n'aurons pas ici d'explications sur lesmotifs, les intentions, les sentiments, le ressenti des per-sonnages. Mais ce qui fait la nouveaut de La Jalousie, cequi en fait un roman littrairement rvolutionnaire, c'estle choix narratif. Contrairement ses romans antrieurs,dans lesquels subsistait un univers objectif, Robbe-Grilletfait le choix dans La Jalousie du point de vue interne. Toutici est racont du point de vue d'un narrateur jaloux quipie sa femme A qu'il souponne de vouloir le quit-ter pour Franck, l'autre personnage masculin du roman.Mais le narrateur bien qu'il soit apparemment absent, bienqu'il ne se nomme jamais dans le texte est en fait hyper-prsent. Le roman est la transcription de sa conscience.Nous sommes donc prisonniers d'une vision partiale etpartielle de la ralit. Partielle parce que nous ne pouvonsnous fonder que sur le point de vue du narrateur. Partialeparce que celui-ci est prisonnier d'une jalousie patholo-gique qui modie son regard sur les objets et les tres quil'entourent. Il serait donc vain de dgager du roman unechronologie linaire tant nous sommes emptrs dans laconscience et dans le temps intrieurement vcu du narra-teur. Nanmoins, il est possible de dgager une structureternaire qui correspond au droulement des vnements.L'intrigue se divise alors en trois temps : le temps qui pr-cde le voyage en ville de Franck et de A, le temps qui

    1

  • 2 3 LES PERSONNAGES

    correspond au voyage lui-mme et le temps qui scouledu retour de A la clture du roman.

    3 Les personnagesLe narrateur : Il n'est jamais mentionn dans le texteet il ne se nomme jamais. Pourtant, nous savons ds lespremires pages du roman que ce que nous lisons, queles vnements ici raconts le sont travers le point devue d'un narrateur jaloux qui pie sa femme A Maisce regard est un regard malade qui porte sur les choseset les tres qui l'entourent une attention obsessionnellesigne d'une pathologie. Pourtant, jamais le narrateur nesinterroge sur lui-mme (ce qui est un signe du carac-tre maladif de la jalousie qui l'aecte, puisque n'tantpas conscient de sa jalousie, il ne sanalyse pas. Sa ja-lousie ne sexprime pas intrieurement mais extrieure-ment, dans le regard qu'il porte sur les choses.) jamaisnon plus l'auteur n'intervient pour nous donner des ex-plications, pour esquisser une analyse. Tout ce que nouspouvons dire du narrateur et de sa psychologie, nous ledduisons de ses faits et gestes relativement limits etsurtout de ses regards. S'il renonce l'analyse psycholo-gique, Robbe-Grillet ne renonce donc pas la psycholo-gie. Au contraire de ce qu'on a pu dire, La Jalousie est unroman hyper-psychologique et hyper-humain. Ce constatbalaye d'emble toute analyse qui verrait dans La Jalou-sie un roman objectal ou qui ferait du regard du narra-teur un regard objectif alors que ce regard est complte-ment distordu par la jalousie qui l'aecte. D'autre part,le narrateur n'agit pas. Ses seuls gestes se limitent sedplacer dans la maison, changer de pices et obser-ver sa femme, observation qui seectue souvent tra-vers les jalousies des fentres. Il ne parle presque pas.Il assiste impuissant ce qu'il croit tre le dbut d'unerelation adultre. Cela a amen certains critiques voirdans ce narrateur une sorte de monstre muet. Cette in-terprtation ne semble pas convaincante. En eet sil agitpeu, le narrateur n'est pas moins constamment prsent parson regard et sa pense dont le texte constitue la trans-cription mais aussi par sa prsence physique qui si ellen'est pas explicitement mentionne est souligne tra-vers un certain nombre de dtails, comme le troisimefauteuil dispos sur la terrasse qui est celui du narrateur.D'autre part il arrive que le narrateur parle comme c'estle cas au dbut du roman lorsqu'il soppose Franck ausujet du camion et de la ncessit ou pas d'en changer.Loin d'tre un monstre, loin d'tre une sorte de cas pure-ment littraire qui ne serait pas concevable dans la ralit,ce narrateur est rel et sa psychologie obit un mca-nisme pathologique. Le narrateur est un malade. Il soureprobablement d'une nvrose obsessionnelle et est certai-nement atteint d'une timidit extrme d'o son impuis-sance psychologique. Il est possible aussi qu'il soit atteintd'impuissance sexuelle. Tout au long du roman il cherche distinguer dans les moindres paroles, dans les moindresdtails des signes qui viendraient tayer ses soupons. La

    jalousie dont il soure ne correspond pas une ralit ob-jective mais une construction mentale subjective. Danstout le roman il va chercher objectiver sa vision jalousedes vnements. C'est ainsi que la lettre qu'A crit,les propos assurs de Franck, ou les alliances similairesque portent A et Franck passeront ses yeux pour dessignes de connivence entre les deux et justieront sa ja-lousie. C'est ainsi que la vision obsessionnelle qu'a le nar-rateur de l'crasement du mille-pattes sera l'objectivationde sa jalousie et la symbolisation du cot adultrin. Laviolence du narrateur ne pouvant pas sexprimer verbale-ment est compltement refoule et c'est ce refoulementqui entrane une distorsion du regard. Ce roman est doncl'histoire d'une conscience pathologique et distordue. Cethomme-narrateur soure et nous sourons avec lui.Franck : Il est impossible de fournir une analyse vri-dique de la psychologie des autres personnages du r-cit puisqu'ils sont vus travers le regard d'un malade.Ce qui importe est justement la vision que le narrateurse fait des autres personnages et de Franck en particu-lier. Ce personnage dans la vision qu'en a le narrateur estune sorte de double invers. Franck est une sorte d'anti-narrateur. Bien entendu, cette dichotomie est renforcepar la jalousie qu'prouve le narrateur son gard. Onsent tout de suite l'inimiti qu'prouve le narrateur songard. Mais cette inimiti reste purement intrieure. Ellen'est jamais exprime si ce n'est qu' travers des visionscomme c'est le cas lorsque le narrateur imagine la voi-ture de Franck dvore par des ammes. Si le narrateurn'agit pas et ne cherche pas sopposer Franck c'estparce qu'il a peur en agissant de prcipiter le dpart desa femme. D'autre part il apparat que Franck a le dessus.Contrairement au narrateur, Franck parle beaucoup dansle roman et cherche sattirer les faveurs de ALes raresdescriptions physiques que fait le narrateur nous lemontrecomme quelqu'un de robuste, de fort. Il est entreprenant.Il a conance en lui. C'est lui qui crase le mille-pattes.Franck est tout ce que le narrateur n'est pas. Il symbo-lise la puissance, la force, la sduction. Nanmoins, cetteimage sera corne la n la satisfaction du narrateur,lorsque A dira propos de Franck et suite au voyage enville qu'ils ont eectu ensemble : Dommage que voussoyez un si mauvais mcanicien , allusion assez claire une relation adultre entre les deux qui aurait due A cause de l'impuissance sexuelle de Franck. Franck estdonc l'objet de la jalousie du narrateur. Mais il est aussile double invers de celui-ci.A : Une lettre. Pas de prnom. Pas de nom. Pas d'ge.Nous savons peu de choses d'A Elle parle peu lors desrepas. Nous la voyons shabiller, nous la voyons crire son bureau, nous la voyons la vitre de la voiturede Franck. Le dsir qu'prouve le mari-narrateur poursa femme A est manifeste. Il se cristallise particuli-rement sur une partie du corps de A :sa chevelurenoire dcrite avec une trs grande minutie. Le narrateurcherche dans les gestes de A la preuve de ce qu'il soup-onne. Il craint par dessus tout qu'A le quitte. Cette

  • 3crainte parat en partie fonde si l'on observe certainsgestes de A qui tmoignent d'un certain bovarysme etd'un certain ennui quand elle se retrouve seule avec le nar-rateur en l'absence de Franck. Il est aussi vident que lenarrateur ne veut pas tre surpris par A lorsqu'il la re-garde. C'est pour cela que lorsque celle-ci tourne la ttevers lui il sempresse de changer la direction de son regardpour le xer sur un lment matriel comme un pilier dela maison ou la bananeraie qui entoure la maison. Apourtant est loin d'tre timide ou renferme puisqu'elleparticipe aux conversations avec Franck et puisqu'elle af-che sa libert notamment quand elle arme Franckque cela ne la choque pas qu'une femme couche avec desngres. A est donc objet de dsir pour le narrateur, d-sir qui sexprime travers le voyeurisme de celui-ci maisaussi objet de soupons puisque le narrateur la souponnede cder la sduction de Franck et mme peut tre dechercher sduire celui-ci.Christiane : Femme de Franck, elle reprsente la mreinquite pour la sant de son ls. Elle-mme semble desant fragile, elle ne supporte pas le climat chaud et hu-mide. Elle est peut-tre jalouse de A. lui faisant re-marquer que des vtements moins ajusts permettent demieux supporter la chaleur. Lorsque A. a toujours ledsir de fuir la maison pour la ville et ses commerces,Christiane y trouve refuge.

    4 Citations de Robbe-Grillet au su-jet du roman

    Comment un roman [] qui met en scne unhomme et sattache de page en page chacun de sespas, ne dcrivant que ce qu'il fait, ce qu'il voit et cequ'il imagine, pourrait-il tre accus de se dtournerde l'homme ? La Nouvelle Revue franaise, 1958.

    Non seulement c'est un homme qui, dans mes ro-mans par exemple, dcrit toute chose, mais c'est lemoins neutre, le moins impartial des hommes : en-gag au contraire toujours dans une aventure pas-sionnelle des plus obsdantes, au point de dformersouvent sa vision et de produire chez lui des imagi-nations proches du dlire. Pour un nouveau roman,p. 118, 1961.

    Quand j'ai commenc crire, on a peu vu lesspectres et les fantmes dans mon criture. On a plu-tt voulu y voir du rationalisme. Un livre comme laJalousie est pass pour le plus bel exemple de ri-gueur austre et les critiques ont appel a unecriture de gomtre , ce qui tait l'injure suprme :un gomtre ! C'tait peut tre une criture de go-mtre mais alors il sagissait d'une gomtrie non eu-clidienne comme on aurait d sen apercevoir assezrapidement. Prface une vie d'crivain, p. 71,2005.

    Il [le narrateur de La Jalousie] est d'ailleurs absentdu roman, il ne dit jamais ni je ni il maisparle du monde extrieur. Sa conscience est entire-ment tourne vers l'extrieur et il n'observe jamaisson intriorit. Prface une vie d'crivain, p. 82,2005.

    la limite, pour se moquer de La Jalousie, onpourrait dire qu'il ne sy passe rien du tout, que cesont des gens qui prennent toujours le mme ap-ritif sur la terrasse, de l'eau de Perrier avec du co-gnac.[] Trois personnes prenant l'apritif et c'esttoujours la mme scne tel point que le bravecritique mile Henriot crivait dans son article duMonde qu'il avait l'impression d'avoir reu un exem-plaire dfectueux.[] ses yeux, c'tait toujours lamme scne qui se droulait avec quelques varianteset sans que l'intrigue avance. En ralit, elle avanaitmais il ne sen rendait pas compte. Prface unevie d'crivain, p. 88, 2005.

    5 Sartre et le thme de La JalousieUn article de Sartre Une ide fondamentale de Husserl :l'intentionnalit paru dans la NRF en 1939, peut sap-pliquer parfaitement La Jalousie et la conscience dunarrateur du roman, mme sil lui est bien antrieur. Toutce texte peut tre relu comme une analyse du roman. Oualors c'est le roman qui peut tre lu comme une illustra-tion particulirement pertinente du texte de Sartre. En ef-fet, dans le roman, toute la conscience du narrateur esttourne vers les choses et sa jalousie ne sexprime pasailleurs que dans les choses. Toute son intriorit sclatedans les choses que son regard dissque et module selonses fantasmes et au gr de ses accs de jalousie patholo-gique. L'intriorit du narrateur est annihile, sa vie in-trieure est nulle et c'est sur les choses, sur la surface dumonde que se portent ses aects, ses fantasmes et ses ob-sessions. Il est d'ailleurs curieux que Sartre ait par la suitecondamn le nouveau roman et Robbe-Grillet en particu-lier au nom de l'engagement alors que ses premiers textesphilosophiques sappliquent parfaitement au nouveau ro-man. D'autre part contrairement ce qu'a cru Sartre etcomme l'a montr Robbe-Grillet, loin d'tre dsengag, lenouveau roman en sattaquant la littrature bourgeoiseest rvolutionnaire.

    La conscience et le monde sont donns d'un mmecoup : extrieur par essence la conscience, lemonde est par essence relatif elle.

    Connaitre c'est sclater vers , sarracher lamoite intimit gastrique pour ler l-bas, par delsoi, vers ce qui n'est pas soi, l-bas, prs de l'arbreet cependant hors de lui car il m'chappe et me re-pousse et je ne peux pas plus me perdre en lui qu'ilne peut se diluer en moi : hors de lui, hors de moi.

  • 4 7 BIBLIOGRAPHIE

    Du mme coup, la conscience sest purie, ellen'est claire comme un grand vent, il n'y a plus rien enelle sauf, un mouvement pour se fuir, un glissementhors de soi ; si par impossible, vous entriez dansune conscience, vous seriez saisi par un tourbillonet rejet au-dehors, prs de l'arbre, en pleine pous-sire, car la conscience n'a pas de dedans ; elle n'estrien que le dehors d'elle-mme et c'est cette fuiteabsolue, ce refus d'tre substance qui la constituecomme conscience. Imaginez maintenant une suitelie d'clatements qui nous arrachent nous-mmes,qui ne laissent mme pas un nous-mmes le loi-sir de se former derrire eux, mais qui nous jettentau contraire au-del d'eux, dans la poussire schedumonde, sur la terre rude, parmi les choses ; imagi-nez que nous sommes ainsi dlaisss par notre naturemme dans un monde indirent, hostile et rtif ;vous aurez saisi le sens profond de la dcouverte queHusserl exprime par cette fameuse phrase : Touteconscience est conscience de quelque chose.

    La philosophie de la transcendance nous jette surla grand route, au milieu des menaces, sous uneaveuglante lumire. tre dit Heidegger c'est tredans le monde.

    Que la conscience essaye de se reprendre, de con-cider enn avec elle-mme, tout au chaud, voletsclos, elle sanantit.

    Har autrui, c'est une manire encore de sclatervers lui, c'est se trouver soudain en face d'un tran-ger dont on vit dont on soure d'abord la qualit ob-jective de hassable. (cf le narrateur par rapport Franck.).

    Il [Husserl] a fait place nette pour un nouveautrait des passions qui sinspirerait de cette vrit sisimple et si profondment mconnue par nos ra-ns : si nous aimons une femme c'est parce qu'elleest aimable. (Si le narrateur dsire sa femme Ac'est parce qu'elle est dsirable.)

    Nous voil dlivrs de Proust. Dlivrs en mmetemps de la vie intrieure : en vain chercherions-nous[], comme un enfant qui sembrasse l'paule,les dorlotements de notre intimit, puisque nale-ment tout est dehors, tout, jusqu' nous-mmes : de-hors, dans le monde, parmi les autres. Ce n'est pasdans je ne sais quelle retraite que nous nous dcou-vrirons : c'est sur la route, dans la ville, au milieu dela foule, chose parmi les choses, homme parmi leshommes.

    6 Liens externes Interview deAlain Robbe-Grillet pour The Paris Re-

    view

    Lectures pour tous, 19/06/1957 - Alain Robbe-Grillet propos de La Jalousie

    7 Bibliographie Alain Robbe-Grillet, La Jalousie, ditions de Mi-nuit, 1957.

    Alain Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman, di-tions de Minuit, collection Critiques , 1961.

    Alain Robbe-Grillet, Prface une vie d'crivain,ditions du Seuil, 2005.

    Bruce Morrissette, Les Romans de Robbe-Grillet,ditions de Minuit, collection Arguments , 1963.

    Grard Genette, Vertige x , article publi dansFigures 1, ditions du Seuil, 1966.

    Jean-Paul Sartre, Une ide fondamentale de la ph-nomnologie de Husserl : l'intentionalit, Vrin, col-lection Textes et Commentaires , 2003. Texte pu-bli pour la premire fois en 1939 dans la NRF.

    Jacques Leenhardt, Lecture politique du roman LaJalousie d'Alain Robbe-Grillet, ditions de Minuit,1973.

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