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Honoré Vinck
LA LANGUE VEHICULAIRE DE L'ENSEIGNEMENTAuthor(s): G. HulstaertSource: Aequatoria, 2e Année, No. 8 (AOUT 1939), pp. 85-89Published by: Honoré VinckStable URL: http://www.jstor.org/stable/25837393 .
Accessed: 14/06/2014 18:11
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AEQUATORlA
II- Annee N- VIII AOUT 1939
LA LANGUE VEHICULAIRE
DE L'ENSEIGNEMENT.
Dans une analyse critique serree du "Nouveau Programme de l'Enseignement libre", parue dans CONGO, Dec. 1938 et Janv. 1939, le R.P, Maus voue quel ques pages a la question de la langue vehi culaire, qui est d'une importance capitale en matiere d'enseignement. Aussi voudrions
nous, dans cet article, dire quelques mots
sur cette question, au sujet de laquelle, comme le remarque si bien le P. Maus, le nouveau programme offre des termes ob
scurs et pretant a des confusions regret tables.
Ce ne sera pas superflu, puisque beaucoup de coloniaux, voire des mission
naires, semblent avoir sur cette question des idees embrouillees, qui proviennent souvent de ce qu'on ne l'a pas assez etu
diee telle qu'elle se presente en realite.
II convient d'abord de feliciter les auteurs du Nouveau Programme d'avoir
maintenu et corrobore la politique de l'em
ploi de la langue indigene dans l'enseigne ment. Ils ecrivent:
" 1'enseignement en lan
gue europeenne se heurte a des objections serieuses d'ordre pedagogique." Une re
marque generate (p. 16) vient malheureuse ment affaiblir ce beau texte,
Comme j'ai deja eu Toccasion d'ex
poser tnes idees sur la question linguistique
(voir Kongo-Overzee, III, p. 49, 1936, com parez aussi les articles y cites a la p. 63), je ne voudrais ici que souligner certaines
particularites sur la langue maternelle et la
lingua franca dans f enseignement.
Je dois commencer par regretter avec le P. Maus que le nouveau program me emploie sur cette question des termes
qui permettent des interpretations tres di
vergentes. Dans les lignes qui suivent nous conservons a I'expression de "lingua franca"
la signification de langue plus ou moins artificielle, qui n'est pas la langue mater nelle d'une tribu quelconque, mais en est la deformation abatardie et melangee (d'ou le nom de langue mixte) K
Comme la lingua franca est le fruit de penetrations rapides, de relations com merciales intenses, ce terme a regu comme
synonyme celui de jargon commercial ou de sabir, de langue passe-partout.
C'est precisement parce qu'elles sont des langues passe-partout, parce qu'elles sont abatardies et apauvries que les linguae francae jouissent d'une grande faveur dans
l) Des traites de linguistique generale, comme " Le Langage" de J. Vendryes, ne parlent pas de
linguae francae. II serait peut-etre preferable d*e~
viter yn terme si mal defini.
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toutes les colonies; elles reduisent l'effort
intellectuel, constituent une economie de
temps et couvrent une aire considerable.
Ce sont ces memes avantages, surtout le
dernier, qui ont fait le succes des linguae francae dans 1'enseignemenL
A la suite de nombreuses autorites
pedagogiques, le P. Maus defend le point de vue qu'il faut enseigner la langue in
digene maternelle. La ou il ajoute que "cet te politique linguistique" est "deja univer sellement pratiquee dans la Colonie", nous avons le regret de devoir le detromper. Quoique nous ne possedions pas les do cuments prouvant textuellement que nous
sommes au contraire encore loin de cet
ideal, il appert des donnees fournies sur tout par des conversations et des corres
pondances privees que, dans une grande
partie de la Colonie, l'enseignement se fait soit en frangais, soit dans une lingua franca,
tandis que dans certaines autres regions on enseigne une langue litteraire a des tri
bus parlant un idiome tres different. Inutile de dresser ici une carte. Qu'il suffise de
rappeler la place du kiswaheli (respective ment du kingwana) dans presque 1'entiere
te de l'Est, du lingala (sous une forme ou une autre) dans le Nord, du kikongo com mercial au Kwango, du fran<jais dans plu sieurs grands centres, sans parler du tshi
luba litteraire au Kasai chez des tribus comme les Bakuba, e.a.
Les competences pedagogiques con
darnnent universellement l'emploi d'une lin
gua franca dans l'enseignement Et pour tant les facilites procurees par un parler de
cette espece ont gagne a sa cause beau
coup d'educateurs. Mais ils se voient bien
tot accules dans une impasse par la pau
vrete de la langue passe partout et par Til
logisme de sa grammaire, Au lieu de faire
volte-face et d'accepter l'unique solution lo
gique et pratique definitive, qui est le re
tour a la vraie langue indigene (Mr. l'ln
specteur O. Liesenborghs, dans Kongo-O verzee, IV, 1938, p. 249, incline aussi dans ce sens) on a pense pouvoir conserver la
lingua franca en 1'enrichissant, ou comme
d'autres disent: en "re-bantouisant". On ad
met comme base un vocabulaire et une
grammaire elementaires et on les bourre
sans se soucier de 1'indigestion inevitable -
de mots empruntes a Tidiome indigene de la region ou Ton se trouve.
De cette fagon on est parvenu a
creer, p. ex. un "
lingala "
plus ou moins "
litteraire mais qui n'est la langue m^ter
nelle d'aucune tribu et qui va se diversifiant
en plusieurs diaiectes, A cote de ce lingala qui n'est litteraire que parce qu'il n'existe
que dans les livres des Europeens, subsiste le lingala vivant, !e seul qui est parle par les
Noirs pour les relations entre gens de lan
gues differentes et qui s'eloigne au moins autant du
" lingala litteraire
" que les dia
iectes de celui ci entre eux. 2) De nombreux Europeens partent de
ces postulats que le lingala, p. ex., est la lan
gue "
civilisee ", qu'elie est un idiome par le par une importante tribu congolaise, que les indigenes de cette tribu parlent
" patois
tandis que le "
lingala "
des livres ou des centres est la vraie langue litteraire. On peut done raisonnablement emprunter aux
" pa
2) Le lingala n'est done en realite qu'une lingua franca* La distinction posee par le P. Maus a la suite de plusieurs auteurs entre lingala-passe-par tout et lingala litteraire, comme si ce dernier etait une veritable langue indigene, repose sur une er reur. II n'y a pas de comparaison possible avec p. ex. le kiswaheli et sa forme populaire kingwana, ou le tshiluba et sa forme passe-partout kituba.
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Am&87-~
tois" indigenes les mots requis pour l'en
seignement, etc. Car le besoin en est senti
par tous ceux qui veulent dire autre chose
que: "donne une chaise" ou "
j'ai mal" ou
"porte le billet au blanc".
On entend alors des coloniaux, voire des missionnaires pretendre que tel mot
purement Ngombe ou Mongo ou Budja est un mot "bangala"! D'autres poussent
l'impertinence jusqu a prendre des mots
qu'ils ont saisis au hasard des conversations
et, ayant par un interrogatoire sommaire
et denue de toute garantie appris la signifi cation, a les lancer dans leurs publications, voire dans les manuels classiques. Se rend on compte ou doit conduire ce systeme ?
11 serait beaucoup plus simple, bien
plus logique et surtout mieux approprie au besoin de l'indigene. plus conforme a ses
interets intellectuels et moraux, d'admettre
d'emblee la bonne solution definitive en
s'adressant directement a la langue base
telle qu'elle est parlee par les indigenes et utilisee par eux pour les conversations,
le droit, le style oral, etc. Car a vouloir nourrir la lingua franca au moyen d'un
melange d'idiomes indigenes on perd ses
efforts. Ce n'est qu'une emplatre sur jambe
de bois ! Tant pour le developpement intel lectuel que pour la creation d une litera
ture, pareil parler reste toujours inferieur
a une veritable langue indigene, car il man
que de richesse et de souplesse; il ne pos
3) Dans les grands centres la lingua franca
commence a devenir la langue maternelle d*un
certain nombre dfenfants. Mais il ne s'agit la que
d'individus, qui il est vrai pourraient arriver avec
le temps a constituer un groupement relativement
important. Cependant les consequences pour le
developpement intellectuel, moral et artistique n'incitent guere a applaudir a cette evolution!
sede pas dc style oral base indispensable pour la litterature; aucune grande tribu ne
peut la considerer comme sa langue ma*
ternelle. 3) Une lingua franca meme perfection
nee de la fagon decrite voue irremedia blement la masse des indigenes a la medio crite intellectuelle et a ses tristes suites.
L'experience prouve cette affirmation. A la pauvrete du vocabulaire et de la gram
mairet les vieux peuvent remedier par des
emprunts a leur langue maternelle; mais la jeu ne generation ne sachant presque plus celle ci est obligee de se contenter de son tres le
ger bagage linguistique. Or, cette deficience dans les moyens d'expression a une reper
cussion ineluctable sur Intelligence. L'ab sence de mots et de formes grammaticales pour distinguer les idees, les sentiments, les emotions est fatalement suivie par la
diminution de la distinction dans Intelli
gence, base de tout progres scientifique et
philosophique, dans la conscience et dans
la psychologie. 4) Si tant d'Europeens se plaignent de
4 ) Cette inferiorite intellectuelle est patente dans
les centres. Les enfants y connaissent bien unc
quantite de termes pour des objets europeens que
ceux de ttnterieur ignorent en bonne partie, mais
la pauvrete de leurs moyens eclate quand il s'agit
d'exprimer des sentiments, nommer des objets d'usa
ge courant ou de contact journalier ( parties du
corps, p. ex, ), nuancer les situations et les qualites des etres. Chez eux le discernement, Tesprit cri
tique et la reflexion sont de meme tres en retard
sur ceux des villageois du meme age. II est inoun
qu'un enfant de Tinterieur ne distingue pas, des les
premieres annees, p. ex. le bras, la main et les doigts ou le singulier du pluriel de mots tres ordinaires,
tandis que dans les centres ceux d'&ge egal en
sont encore souvent a appeler le tout indistincte
ment: maboko = bras, et cela au pluriel pour un
seul membre ! D'autres exemples foisonnent.
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la pauvrete des langues africaines, si des doutes sont emis sur la valeur intellectuelle du Noir, cela tient en grande partie a ces
linguae francae, qui pour beaucoup de Blancs forment l'unique base de leur ju gement en cette matiere.
La lingua franca peut rendre cer tains services pour amorcer l'enseigne ment Mais elle se montre partout infe rieure des qu'il s'agit de pousser l'etude.
Qu'on songe a un enseignement plus pro fond de la religion, des mathematiques, de la grammaire, du style, des sciences, etc.
Partout ou Ton a voulu se suffire d'une
lingua franca, on est a la fin accule a la necessity de recourir a une langue euro
peenne. Au point de vue educatif et for matif de Intelligence, la langue europeenne me paralt valoir mieux qu'une lingua franca.
Et toutes deux peuvent -bien suffire a un
enseignement utilitaire, mais nullemenc a la
formation intellectuelle, a l'elevation morale
et sociale tant des elites que surtout de la masse. Cette constatation est confirmee par
l'experience de diverses colonies africaines.
Les competences pedagogiques sont
unanimes a proclamer que la langue mater
nelle doit etre la langue vehiculaire de
l'enseignement et a rejeter toute autre so
lution comme deformant le veritable but de l'enseignement. Les objections contre
ce principe proviennent de considerations e
trangeres a la pedagogie et a l'enseignement. Un des plus puissants arguments
contraires est celui de la multiplicity des
langues dans une colonie ou une region
determinee. 5 ) Cette multiplicity ne consti
5) Pourquoi continuer toujours a proclamer Texi
stence d'environ 200 langues differentes au Congo, alors qu'on n'en a pas encore dresse Tinventaire
et fait l'etude, ni examine leur degre de parente ?
tue pas, meme la ou elle existe reellement, un motif pour adopter dans l'enseigne ment une langue passe-partout. Dans son
etude citee, le P. Maus dit tres finement: "Autant vaudrait, le jour ou I on ne s'ac
corderait plus sur la langue nationale a
enseigner: fran^ais ou flamand, proposer
l'enseignement du marollien."
Meme dans des conditions particu lierement difficiles de multiplicity des lan
gues ou de leur enchevetrement, l'emploi d'une lingua franca ne resoud rien, car elle reste inferieure a la tache qu'on demande d'elle. Le recours a la langue europeenne ne se justifie pas davantage. II ne reste que
l'unique solution adequate: choisir une des
langues indigenes en presence, celle qui est
la plus grande, la plus riche, la plus apte au developpement, la plus adaptee au but de l'enseignement, celle qui possede la
plus riche litterature orale, etc. et l'elever
au role de langue vehiculaire. 6) Pour les eleves dont ce n'est pas la
langue maternelle, cette solution n'est pas
l'ideal, mais il est impossible d'eviter en toute circonstance ce pis aller. Et dans ces
cas c'est la solution qui reduit au minimum les inconvenients du recours a une langue
etrangere ou a un jargon. Comme la langue vehiculaire et enseignee est une langue in
digene?qui sera, au surplus, presque tou
jours relativement tres apparentee a la lan
gue maternelle des eleves "frustres" ? on
evite les tres graves inconvenients du dou ble ecueil de Teducation dans une langue europeenne ou de celle au moyen d'une
lingua franca paralysant l'essor intellectuel
6) La tneme opinion a deja ete defendue par d'au tres. Cfr. LAMAN: Africa, I, 3, p. 379 (1928); SCHEBESTA: Africa, IV, 4, p. 413 (1931); V. BULCK, resume dans Aequatoria, II, 7, p. 83.
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et artistique des sieves comme de la masse.
Notre expose et notre experience sont en parfait accord avec les observa
tions faites dans d'autres colonies (voir e.a.
les etudes de A.Elliott en de W. Laugh ton, dans "Africa", Janv. et Avr. 1938, dont Aequatoria a donne des resumes dans son n? de mars dernier). Les educateurs au Congo Beige auraient tout avantage a
prendre plus ample connaissance des ex
periences faites ailleurs en Afrique. Cela leur donnerait des idees nouvelles et les convaincrait plus aisement de la necessite
de remolacer par la langue niaternelle la
lingua franca ou la langue europeenne. II est impossible que les elites in
digenes ne se rendent pas compte un jour de l'inferiorite causee par le systeme incri
mine. Et il est fort a craindre que, malgre leur engouement present pour une langue europeenne, voire pour une lingua franca,
elles nous rendront responsables de cette
situation et que notre mepris ou simplement notre negligence de leur langue maternel
le ne se retourne tot ou tard contre nous.
G. Hulstaert, M.S.C
QUAESTIONES DISPUTANDAE - DIVORCE.
La question I posee dans Aequa toria de fevrier, p. 17, se complique d'un nouvel element dans les jugements qui ont la forme suivante: Un mari allegue les torts de sa femme et implicitement deman
de que le tribunal dise le droit, c'est-a dire ordonne la reparation du tort et condam
ne a l'execution du contrat. Mais le tri
bunal ramasse tous les arguments pour ar
river a la synthese: la femme perd, le mari
gagne. Comme elle perd, il la fait dechoir
du benefice du contrat et ordonne la res
titution de la dot. Mais cela met le ma
ri en mauvaise posture et au lieu de le faire gagner, lui fait
gerdre lui-meme tout
le benefice de l'execution du contrat
La seule explication logique possible
pour dire le contraire se trouverait dans
cette idee que le titre juridique vaut plus
que la femme. On entend dire ainsi, quel
quefois, qu'une femme vaut l'autre et qu'el
les sont toutes pareilles. On peut aussi pen ser que tout refus formel d'executer le con
trat amene la resolution de la convention et
1'annulation du titre; la demande qui tend a
taire executer l'accord se resoud ainsi au
tomatiquement en cessation de l'accord
et en dommages-interets.
Mais cet automatisme ne se rencon
tre pas comme une regie de droit coutu
mier; au contraire, beaucoup de jugements font ressortir le principe: electa una via, excluditur altera, ou du moins maintien
nent la difference entre resiliation et exe
cution, ordonnees par justice.
I Dans un jugement pareil on ajoute
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