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La Lettre MAI 2020 ÉDITO Appel aux dons Les dons adressés à l’ARTC ont subi une baisse notable durant la période de confinement. Plus que jamais, notre association a besoin de continuer à financer les différents programmes de recherche. Vous pouvez adresser vos dons par chèque à l’adresse de notre siège : Division Mazarin, hôpital de la Salpêtrière, 47 boulevard de l’Hôpital 75651 PARIS Cedex 13 ou effectuer un don en ligne sur artc.asso.fr Des étoiles dans la mer Après avoir perdu son mari, Laetitia Clabe s’est investie dans une collecte de fonds pour aider la recherche sur les glioblastomes à travers de nombreux défis sportifs liés à la mer. Elle a créé l’association « Des étoiles dans la mer » qui a récemment remis un don à l’ARTC pour le projet GlioTex en présence du professeur Idbaih. Cette remise de chèque s’est faite dans les locaux de l’Institut du Cerveau qui abrite le laboratoire. Ensemble pour Thibault L’association « Ensemble pour Thibault » a été créée par monsieur et madame Pelux après le décès de leur fils, le 2 mars 2019, des suites d’un glioblastome. L’association située dans l’Ain regroupe aujourd’hui une quarantaine de membres et son objectif est d’organiser une ou deux manifestations par an, dont les bénéfices seront intégralement reversés à l’ARTC pour la recherche. Contact : [email protected] Concerts en Béarn La délégation ARTC Pays d’Adour a été contrainte d’annuler les deux spectacles qu’elle avait prévus les 29 mars et 19 mai. Mais nos infatigables amis palois prévoient toujours un concert à l’automne, avec le Chœur de chambre de Lourdes, dirigé par Arnaud Penet, et comptent fermement organiser leur dîner lyrique annuel fin novembre, avec Mozart au programme. ARTC ASSOCIATION POUR LA RECHERCHE SUR LES TUMEURS CÉRÉBRALES (régie par la loi de 1901) DIVISION MAZARIN, HÔPITAL DE LA SALPÊTRIÈRE, 47 BD DE L'HÔPITAL, 75651 PARIS CEDEX 13 TÉL : 01 45 83 36 78 E - MAIL : [email protected] SITE INTERNET : www.artc.asso.fr Chers amis, À circonstances exceptionnelles, lettre exceptionnelle ! Plus courte et un peu moins riche en contenu scien- tifique, nos médecins étant « au front », elle a pour objectif de vous faire partager, à travers les témoignages recueillis, la façon dont nos soignants et nos délégations ont traversé cette période Durant des semaines, l’information largement diffusée dans tous les médias a été consacrée au monde hospitalier et à l’épidémie incontrôlée que nous connaissons. Pendant ce temps, toutes les équipes médicales ont solidairement apporté leur concours à ces malades qui venaient de plus en plus nombreux solliciter leur aide. Pour autant, ces équipes n’ont pas cessé d’être présentes dans leurs services, prodiguant autant de soins aux patients souffrant de tumeurs cérébrales qu’à ceux atteints du Covid-19. Dans ce contexte, nous devons poursuivre notre action en faveur de la recherche et des patients. Certes, nos ressources sont allées en diminuant depuis le début de cette année, en particulier du fait de l’annulation de nombreux concerts et autres manifestations dont les recettes étaient versées à l’ARTC. Avec le concours des délégations régionales, nous reprendrons progressivement ces activités pour alimenter la trésorerie si nécessaire à la poursuite de nos programmes de recherche et à l’amélioration de la qualité de vie des patients. Nous restons très dépendants des donateurs qui nous soutiennent. Plus que jamais notre engagement associatif trouve sa raison d’être. Peut-être cette période, qui n’est pas terminée, aura-t-elle permis une plus grande prise de conscience de la précarité de la vie, du manque de moyens des hôpitaux et de l’importance de la recherche. Dans les épreuves que nous connaissons, les acteurs du monde médical ont été exceptionnels. Nous sommes avec eux, auprès d’eux, et avons une confiance sans réserve dans la force et l’humanité de leur engagement. Éric Licoys SOMMAIRE Comment Colmar s’est réorganisé Témoignage d’une patiente Une unité Covid-19 à Pau Au cœur d’un service parisien Des tablettes pour parler aux proches p 2 p 4 p 5 p 6 p 8

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La Lettre

MAI2020

ÉDITO Appel aux donsLes dons adressés à l’ARTC ont subi une baisse notable durant la période de confinement. Plus que jamais, notre association a besoin de continuer à financer les différents programmes de recherche. Vous pouvez adresser vos dons par chèque à l’adresse de notre siège : Division Mazarin, hôpital de la Salpêtrière, 47 boulevard de l’Hôpital 75651 PARIS Cedex 13 ou effectuer un don en ligne sur artc.asso.fr

Des étoiles dans la merAprès avoir perdu son mari, Laetitia Clabe s’est investie dans une collecte de fonds pour aider la recherche sur les glioblastomes à travers de nombreux défis sportifs liés à la mer. Elle a créé l’association « Des étoiles dans la mer » qui a récemment remis un don à l’ARTC pour le projet GlioTex en présence du professeur Idbaih. Cette remise de chèque s’est faite dans les locaux de l’Institut du Cerveau qui abrite le laboratoire.

Ensemble pour ThibaultL’association « Ensemble pour Thibault » a été créée par monsieur et madame Pelux après le décès de leur fils, le 2 mars 2019, des suites d’un glioblastome. L’association située dans l’Ain regroupe aujourd’hui une quarantaine de membres et son objectif est d’organiser une ou deux manifestations par an, dont les bénéfices seront intégralement reversés à l’ARTC pour la recherche. Contact : [email protected]

Concerts en BéarnLa délégation ARTC Pays d’Adour a été contrainte d’annuler les deux spectacles qu’elle avait prévus les 29 mars et 19 mai. Mais nos infatigables amis palois prévoient toujours un concert à l’automne, avec le Chœur de chambre de Lourdes, dirigé par Arnaud Penet, et comptent fermement organiser leur dîner lyrique annuel fin novembre, avec Mozart au programme.

ARTCASSOCIATION POUR LA RECHERCHE SUR LES TUMEURS CÉRÉBRALES (régie par la loi de 1901) DIVISION MAZARIN, HÔPITAL DE LA SALPÊTRIÈRE, 47 BD DE L'HÔPITAL, 75651 PARIS CEDEX 13TÉL : 01 45 83 36 78E - MAIL : [email protected] INTERNET : www.artc.asso.fr

Chers amis,

À circonstances exceptionnelles, lettre exceptionnelle !

Plus courte et un peu moins riche en contenu scien-tifique, nos médecins étant « au front », elle a pour objectif de vous faire partager, à travers les témoignages recueillis, la façon dont nos soignants et nos délégations ont traversé cette période

Durant des semaines, l’information largement diffusée dans tous les médias a été consacrée au monde hospitalier et à l’épidémie incontrôlée que nous connaissons. Pendant ce temps, toutes les équipes médicales ont solidairement apporté leur concours à ces malades qui venaient de plus en plus nombreux solliciter leur aide. Pour autant, ces équipes n’ont pas cessé d’être présentes dans leurs services, prodiguant autant de soins aux patients souffrant de tumeurs cérébrales qu’à ceux atteints du Covid-19.

Dans ce contexte, nous devons poursuivre notre action en faveur de la recherche et des patients. Certes, nos ressources sont allées en diminuant depuis le début de cette année, en particulier du fait de l’annulation de nombreux concerts et autres manifestations dont les recettes étaient versées à l’ARTC.

Avec le concours des délégations régionales, nous reprendrons progressivement ces activités pour alimenter la trésorerie si nécessaire à la poursuite de nos programmes de recherche et à l’amélioration de la qualité de vie des patients. Nous restons très dépendants des donateurs qui nous soutiennent.

Plus que jamais notre engagement associatif trouve sa raison d’être.

Peut-être cette période, qui n’est pas terminée, aura-t-elle permis une plus grande prise de conscience de la précarité de la vie, du manque de moyens des hôpitaux et de l’importance de la recherche.

Dans les épreuves que nous connaissons, les acteurs du monde médical ont été exceptionnels. Nous sommes avec eux, auprès d’eux, et avons une confiance sans réserve dans la force et l’humanité de leur engagement.

Éric Licoys

SOMMAIREComment Colmar s’est réorganisé Témoignage d’une patiente Une unité Covid-19 à Pau Au cœur d’un service parisien Des tablettes pour parler aux proches

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Colmar : entre système D et créativité

L’est de la France a été rudement touché par l’épidémie. Le Dr Guido Ahle, neurologue à l’hôpital de Colmar, raconte comment ces semaines se sont passées au sein de son service, entre adaptation forcée et débrouillardise, pour que les patients restent normalement soignés.

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Quand avez-vous pris conscience que la situation allait s’aggraver ?

La première fois que nous avons pris conscience qu’il allait se passer quelque chose, cela remonte au 3 mars. J’étais de garde et les collègues m’ont informé qu’il fallait revêtir des équipements de protection adaptés.

On venait de découvrir le fameux foyer de contamination à Mulhouse. On savait que la situation n’allait pas être facile, mais nous pensions que ce serait moins catastrophique qu’en Chine parce que nous serions mieux préparés.

Même si nous n’étions pas en première ligne au sein d’un service de neurologie, nous avons vu nos confrères en difficulté aux urgences, et particulièrement en réanimation où il y a eu un afflux important de patients en état grave.

Comment les Alsaciens ont-ils réagi ?

En Alsace, les gens ont rapidement compris qu’il fallait se confiner. Les écoles ont fermé et les gens sont restés chez eux. Ce qui fait que nous avons été plutôt épargnés dans le service de neurologie.

La population habite majoritairement dans des villages où les mesures de distanciation sont plus faciles à respecter.

Avez-vous dû réorganiser le service ?

Nous avons cherché les meilleures solutions pour nous adapter, pour organiser au mieux notre fonctionnement. J’ai contacté quelques collègues de l’Anocef (Association des neuro-oncologues d’expression française) pour voir s’il convenait d’émettre des recommandations.

Nous avons fait des propositions, comme de différer les chimiothérapies qui n’étaient pas urgentes, sans qu’il y ait de conséquences pour les patients.

Nous pouvons dire que les soins n’ont pas été désorganisés. Bien sûr, il a fallu repenser l’organisation du service de neuro-oncologie.

Quand la grande vague est arrivée, il y avait une pénurie de places en réanimation et il fallait trouver des solutions, ce que nous appelons « armer des lits ».

Certains de vos patients ont-ils dû être déplacés ?

Non. Tous les patients du service de neuro-oncologie sont restés ici. Ce sont les médecins réanimateurs à Colmar, Mulhouse et Strasbourg qui ont activé leurs réseaux, en France et dans les pays voisins, pour accueillir des patients covid, mais cela ne s’est pas produit dans notre service.

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L’inquiétude était-elle réelle chez les proches des patients du service ?

Les familles étaient angoissées, bien sûr. Les visites étaient interdites à l’hôpital, mais nous avons pu faire une dérogation pour les malades en état grave ou en fin de vie. Nous sommes évidemment restés en contact avec les familles par téléphone, mais cela changeait les habitudes et nous avons vu que cette situation pesait aux familles et aux équipes soignantes.

Au moment des consultations, nous essayons toujours de voir les malades avec leurs proches, parce qu’ils peuvent rencontrer des difficultés à se concentrer, à rester attentifs ; les proches avaient peur de venir au risque de contaminer les patients. Il y a eu quinze jours très difficiles.

Craignez-vous une éventuelle seconde vague ?

En Alsace, je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée de mettre en place le déconfinement dès le 11 mai, comme pour les autres zones où le virus s’est moins propagé. Même si nous avons ouvert beaucoup de lits de réanimation, si nous avons bénéficié de ce fameux hôpital de campagne à Mulhouse, tout cela permet maintenant de disposer de places en réanimation et de ne plus envoyer de patients dans d’autres régions.

Pour autant, les patients Covid peuvent rester intubés et ventilés durant plusieurs semaines. Et les équipes sont fatiguées, des soignants ont été touchés également, ont dû rester chez eux, et cela posera un problème en cas de deuxième vague.

Avez-vous souffert d’une pénurie de matériel ?

Comme partout, nous ne disposions au début que de peu de masques FFP2, mais au bout de quelques jours, tout le

monde travaillait avec un masque chirurgical. Nous avons peut-être pu disposer d’équipements supplémentaires parce que la région abritait l’un des principaux clusters.

Mais il a quand même fallu se débrouiller. Par exemple, mon voisin qui travaille dans le secteur viticole avait gardé en stock des « tenues de cosmonaute » qu’il a données à l’hôpital.

Des écoles ont organisé des collectes et ont apporté des surblouses, des charlottes. Un producteur de crémant a donné de l’alcool à notre pharmacie pour fabriquer une solution hydroalcoolique. L’hôpital a pu installer une unité de fabrication de surblouses dans la salle des fêtes, avec du tissu conforme aux normes, tout un matériel lavable et réutilisable.

Cela aurait donc pu être plus difficile encore ?

Je suis assez étonné de mon hôpital. Au début, nous nous sommes dit que si cela se passait comme en Italie, nous ne pourrions pas tenir. Mais globalement, ça n’a pas craqué parce que des collègues – soignants et administrateurs de notre hôpital – sont devenus de véritables « Mc Gyver ».

Je veux tout de même tordre le cou à une fable qui consiste à dire que les patients atteints de cancer n’auraient pas pu bénéficier des mêmes soins que les autres compte tenu de leur état de santé.

Une délégation allemande qui a visité le CHU de Strasbourg a prétendu que les patients de plus de 80 ans n’étaient pas intubés et ne recevaient rien de plus que des soins de support. Cette affirmation a fait un tollé parce que beaucoup d’Alsaciens suivent les médias allemands. Cela a surtout montré que les Allemands qui étaient là ne maîtrisaient pas le français, parce que c’était très éloigné de la réalité. Cela ne s’est bien entendu pas passé de cette façon, c’est absolument faux, et c’est toujours une discussion au cas par cas au sein de l’équipe soignante.

Je sais qu’en Île-de-France par exemple, des astreintes neuro-oncologiques ont été mises en place pour les réanimateurs et les urgentistes, notamment la nuit et pendant les week-ends. Il est important de rappeler que les médecins n’ont absolument jamais dit : un patient est atteint d’une tumeur cérébrale, donc on ne fait rien. n

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Témoignage d’une patiente

Au CHRU de Nancy, grâce à la mise en place d’une collaboration privé-public, pas de reports dans la prise en charge et le suivi des patients.

Forcément, le Covid-19 effraie. Surtout lorsque nous sommes sous traitement et que nous vivons dans la région Grand Est. Plus particulièrement lorsqu’on évoque les corticoïdes.

Sous cortisone depuis février (la faute à un œdème cérébral causé par la radiothérapie Cyberknife), j’ai malheureuse-ment développé des symptômes de ce terrible virus qui touche le monde entier.

Dans mon cas, rien de bien alarmant hormis une toux persistante, des maux de gorge et un peu de fièvre pendant trois jours, symptômes qui ont démarré vers le 11 mars.

Par précaution, j’ai tout de même stoppé les corticoïdes sur les conseils du professeur Taillandier du CHRU de Nancy. Voilà ce qui m’a sans doute le plus angoissée, sachant qu’une IRM précoce était prévue le 26 mars.

Pourrais-je vraiment faire mon examen ? Cet arrêt allait-il engendrer des effets sur l’œdème ? Par acquit de conscience, je décide de contacter l’établissement privé Claude-Bernard de Metz afin de m’assurer que le rendez-vous est maintenu.

Par « chance », mon cas est considéré « urgent », donc pas d’inquiétudes à avoir, IRM il y aura. Mais allait-on m’accepter, sachant que j’étais peut-être atteinte par le coronavirus ?

Quinze jours sont passés, pas de problème. Le jour J, le centre hospitalier est calme. Étrangement calme. En passant la porte d’entrée, pas question de se rendre directement en salle d’attente.

Nom, prénom, heure du rendez-vous sont demandés. Prise de température également. C’est bon, je passe la première étape. Me voilà dans une pièce complètement vide. Personne sur les chaises. J’étais seule au monde avec les secrétaires médicales. Les manipulateurs décident

de ne prendre aucun risque. « Nous allons procéder à un scanner des poumons pour être sûrs que vous ne soyez plus contagieuse. »

C’est que, désinfecter une IRM, vive la galère ! Je passe la deuxième étape sans problème. Mes poumons sont parfaitement sains.

Après ce petit périple qui m’a fait oublier durant 40 minutes le pourquoi de ma venue, cette boule au ventre si familière avant les examens refait surface.

C’est parti pour 20 minutes, la tête dans le tuyau ! Une fois terminé, tout s’est enchaîné rapidement. La neuroradiologue me donne les résultats (avec une légère diminution de l’œdème).

Pas besoin de faire la queue pour récupérer le CD-Rom. Dès ma sortie de la cabine, le médecin m’attendait. Impeccable !

Et encore mieux, une plateforme commune entre Claude-Bernard et le CHRU nancéien a été mise en place. Grâce à cette collaboration, pas besoin de se déplacer à l’hôpital.

Le neurologue a eu les résultats en direct, contrairement aux procédures habituelles où il attendait mon CD. Il ne restait plus qu’à rentrer à mon domicile et attendre le fameux coup de fil du professeur Taillandier.

La solidarité, c’est aussi cela. Public et privé unis pour prendre soin des malades ayant d’autres pathologies que le Covid-19. n

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Réorganisation à Pau

Comment avez-vous vécu cette période au sein de votre service ?

Dans le Sud-Ouest, nous avons été préservés, mais les unités de soins intensifs de neuro-chirurgie ont été dédiées à la post-réanimation de l’hôpital. Nous prenions en charge les patients extubés de l’hôpital, qui venaient du service de réanimation.

Nous avons également accueilli des patients venus de l’Est de la France quand les services locaux de réanimation ont été débordés. Ces malades venaient de Nancy, de Mulhouse, mais aussi de la région puisque nous avons eu sept patients Covid-19.

Depuis la fin avril, nous n’avons plus de patients covid, et l’unité de soins intensifs est redevenue l’unité de neurochirurgie. La situation a-t-elle eu un impact sur le fonctionnement du service ?

En ce qui concerne le traitement des patients atteints de tumeur cérébrale, rien n’a changé. Les opérations de chirurgie nécessaires étaient effectuées en soins continus, la surveillance était la même et les chirurgiens ont continué à opérer. Comment s’est organisée votre unité covid ?

Avant d’ouvrir cette unité, les anesthésistes avaient organisé des formations portant sur les précautions à prendre et nous avons augmenté l’effectif aux soins intensifs (il faut deux aides-soignants et une infirmière pour un patient covid), afin éviter les fautes d’hygiène ou d’asepsie. Le personnel qui a travaillé dans cette unité de soins covid était formé et l’effectif avait été augmenté. L’équipe n’a à aucun moment manqué d’équipement. Mais

bien sûr, nous n’avons pas été impactés comme dans l’Est ou l’Île-de-France. Cette réorganisation a-t-elle affecté les proches des patients du service ?

Les patients atteints de tumeur sont traités normalement, les précautions sont efficaces, la prise en charge n’est pas du tout affectée par l’épidémie.

Il y a une inquiétude parce que les visites sont interdites dans l’établissement, mais nous avons pu utiliser des tablettes afin que le lien avec les familles et les proches ne soit pas rompu, du fait de l’impossibilité des visites et de la distance.

Il est indispensable de pouvoir échanger avec les familles, ces dernières appellent tous les jours. Même si l’inquiétude est générale, nous sommes une région privilégiée, à tel point qu’à l’heure actuelle, nous pouvons autoriser une visite si nous constatons une dégradation de l’état d’un patient. Avez-vous pu bénéficier de l’expérience d’autres régions ?

Oui. Cinq médecins anesthésistes, trois infirmières anes-thésistes et trois infirmières de salle de réveil ont séjourné à Mulhouse entre dix et vingt jours et ont pu nous faire un retour d’expérience, notamment en ce qui concerne les règles d’hygiène.

Même si nous n’avons pas ici de patients intubés et ventilés - ils sont à l’hôpital -, nous avons pris des précautions particulières : il n’y a pas de patients en chambre double, les patients souffrant de tumeur cérébrale sont installés dans des chambres individuelles. n

Le département des Pyrénées-Atlantiques a été relativement épargné par l’épidémie de Covid-19. Mais les précautions ont été scrupuleusement respectées, comme l’explique Mme Angélique Bailacq, cadre de santé à la Polyclinique de Navarre, à Pau.

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Le quotidien d’un service

Marie-Dominique Cantal-Dupart, infirmière référente en neuro-oncologie à l’hôpital Pitié-Salpêtrière, dans le 13e arrondissement parisien, témoigne de la crise sanitaire au sein du plus grand établissement public de santé de France.

Vendredi 10 avril. Depuis 48 heures, Marie-Dominique est atteinte du Covid-19, et a dû quitter l’hôpital pour rester chez elle, en quarantaine. Depuis quelques semaines, elle a été aux prises avec la vague de patients touchés par le virus, au sein même de son service de neuro-oncologie. Son rôle y est important, puisqu’elle s’occupe à la fois des consultations d’annonce, du suivi quotidien des patients et de l’optimisation des départs à domicile.

Sa formation a été sanctionnée par un certificat de neurologie médicale, un diplôme bien spécifique. En tant que « super infirmière », elle coordonne un service où les patients sont atteints de pathologies particulièrement lourdes, tout en tenant compte des décisions prises par les médecins.

Dès la mi-février, à l’hôpital, tout le monde comprend qu’il ne s’agira pas d’une période anodine : « Nos jeunes chercheurs nous ont alertés sur l’ampleur qu’allait prendre le covid alors que le paramédical, c’est-à-dire les cadres, restait dans le déni. »

Elle ajoute : « Il y avait donc deux clans, et comme je travaille à l’interface, j’écoutais principalement les

jeunes qui avaient pris la menace beaucoup plus au sérieux. »Trois semaines avant le début du confinement, son équipe commence à adopter des mesures de pru-dence, comme le port de masques. Au moment de la vague, en neuro-oncologie, aucun lit n’a été transformé en lit de réanimation.

L’équipe se confine autour du 15 mars, et réfléchit im-médiatement à l’organisation et à la façon d’agir face à la tempête sanitaire qui n’épargnera pas le service.

« À cette période, des cadres étaient encore persuadés que le virus n’atteindrait pas nos patients. Les médecins étaient très vigilants, en réalisant des réunions hebdomadaires d’une heure, chacun dans notre bureau, en co-meeting, avec toutes les informations recueillies et les interrogations que nous pouvions avoir.»

Marie-Dominique évoque la diffusion de l’information en interne qui descend difficilement jusqu’au personnel soignant. « Cela dépend vraiment de chaque service. Dans le nôtre, je pense que ce sont nos cadres qui n’ont pas pensé que l’information devait être diffusée, ce qui a créé une certaine anxiété », déclare-t-elle.

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ASSOCIATION POUR LA RECHERCHE SUR LES TUMEURS CÉRÉBRALES association autorisée à recevoir des dons et des legs (arrêté du 23/03/2005)

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* prière de signaler tout changement d’adresse

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Le service de neuro-oncologie décide d’organiser la structure pour faire face au covid, dans les meilleures conditions. Au bout de dix jours, il est possible de pratiquer des tests. « C’est ainsi que nous avons découvert que nous avions des patients atteints du virus », assure-t-elle.

La décision est prise d’isoler chaque chambre, équipée d’un seul lit au lieu de deux. Dès la première semaine de confinement, le service a organisé des lits « covid + » et « covid – » selon des critères très précis, afin de rediriger chaque patient dans le lieu adapté à l’hôpital, mais hors du service. « Dès que nous avons eu notre premier covid plus, nous avons pu le placer dans la salle adéquate. Au niveau de notre hôpital, cela a été très bien organisé. »

Le décès des premiers patients

Des patients du service en neuro-oncologie sont décédés à la suite du covid. Un tableau de décompte du nombre de décès a été mis en place par l’un des soignants.

L’ANOCEF (Association des neuro-oncologues d’expression française) a également créé une conduite de bonne pratique pour les patients en neuro-oncologie et ceux atteints du covid.

Des conversations téléphoniques se sont rapidement mises en place pour les malades sous chimiothérapie par voie orale. D’autres décisions ont également été prises pour les autres patients, comme la programmation d’un ensemble de vérifications cliniques la veille de leur visite, afin d’évaluer s’ils présentent des symptômes.

Un travail considérable de l’équipe médicale a été axé sur la mise en place de préventions, afin d’éviter le

déplacement des patients et de pouvoir assurer leur suivi. « L’objectif était de les exposer le moins possible au virus », confirme-t-elle, avant d’ajouter : « mais ça a été très fatigant et compliqué à mettre en place ». Aujourd’hui, ceux qui arrivent en consultation, ce sont les malades qui évoluent ou ceux qui sont sous perfusion, les autres ne se déplacent plus. « Il était également important de rassurer nos patients, pour leur montrer qu’ils ne sont pas oubliés durant la crise. »

Marie-Dominique constate que le service a manqué de matériel, et regrette notamment des vols au sein même du service. Même si, maintenant, les malades sont systématiquement testés dès leur arrivé à l’hôpital. « Nous ne sommes pas en mesure de tester tous nos malades qui se déplacent tous les quinze jours pour une chimiothérapie, ce n’est pas possible », déclare-t-elle.

Aujourd’hui, cette infirmière expérimentée s’interroge sur la capacité qu’a l’hôpital public d’affronter une crise sanitaire, notamment pour des raisons de bureaucratie, de rentabilité et de mauvaise gestion. « Depuis des années, nous souffrons d’un manque de matériel, ce que je ne connaissais pas dans les années 1990, où nous en avions suffisamment. »

Elle s’exprime également sur le non-respect du confinement par le public :« J’étais très en colère de voir des gens qui ne respectaient pas les consignes. Certains membres de mon entourage ne prennent d’ailleurs toujours pas conscience de la gravité du virus. »

La reconnaissance aux personnels soignants, applaudis chaque soir, ne suffira pas. Pour elle, il faudra une autre politique de santé publique après cette crise d’une violence inédite. n

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Des tablettes pour se parlerL’ARTC a participé à l’achat de deux tablettes pour les patients du service de Neuro-oncologie de la Pitié-Salpêtrière. Le Dr Mehdi Touat et Enzo Lu, étudiant en médecine, racontent cette expérience.

Comment est née cette initiative ?

MT : Nous avons rapidement disposé d’informations venant de Chine qui laissaient supposer que les patients de notre service pouvaient constituer une population à risque, même si certains aspects ne sont toujours pas très clairs. Nous ne voulions pas prendre de risques avec nos patients qui sont fragiles, et nous avions commencé à limiter les visites avant le confinement, puis la direction de l’hôpital les a interdites. Bien entendu, cette situation a été très difficile, pour les médecins, pour les personnels.

Parler à ses proches est-il très important ?

MT : En cas de pathologie grave, c’est déjà difficile de ne pas voir sa famille, mais ici, nous avons des patients qui souffrent de troubles cognitifs et peuvent ne pas comprendre le concept de confinement. Il existe un risque pour que les patients ne s’accrochent plus à la vie, ce qui aggrave leur état. Nous avons réfléchi en équipe aux moyens d’y remédier : l’ARTC a contribué à l’achat de deux tablettes équipées de cartes SIM, ce qui permet une connexion internet, et nous avons installé des applications qui permettent aux malades de communiquer en visioconférence avec les familles des patients.

Comment ces séances se déroulaient-elles ?

MT : Tous les jours, nous pouvions identifier des patients qui n’étaient pas capables de s’en servir eux-mêmes ou qui étaient particulièrement en demande, ou au contraire des familles qui souhaitaient avoir des nouvelles directes de leurs proches. Nous communiquions avec elles par e-mail afin de convenir d’un rendez-vous d’appel. Nous organisions ensuite des séances de vision assez courtes, environ 15 minutes, mais certains patients pouvaient rester une heure en vidéo avec leurs proches.

Quelle a été la perception de cette expérience ?

MT : Les retours ont été très positifs, les patients et leurs familles étaient très contents de cette initiative. Il y a eu un double bénéfice, à la fois sur le plan thérapeutique et sur le plan humain. Même si cela est difficilement quantifiable sur le plan médical, on sait que l’attitude du

patient est déterminante et a un impact fort sur sa ré-sistance et sa réponse au traitement. La présence de la famille est très importante au moment des périodes de confusion intellectuelle par exemple.

L’équipe soignante a -t-elle pu s’investir ?

MT : Cela a nécessité la participation de l’équipe, tout le monde a mis la main à la pâte, aussi bien les infirmières référentes que les médecins et tous les soignants, c’était agréable pour nous de participer à cette initiative. Nos étudiants en médecine ont été formidables, c’était une période particulière pour eux, ils ont eu moins d’enseignement en médecine mais la plupart ont continué à venir et plusieurs d’entre eux se sont beaucoup impliqués dans cette expérience.

EL : Je suis externe en médecine et dans le cadre de mon stage, je suis souvent en contact avec les patients. Nous avons privilégié les malades qui n’étaient pas suffisamment autonomes pour se servir de leurs téléphones personnels. Nous mettions en place la communication et nous laissions ensuite les patients afin qu’ils aient un moment d’intimité avec leurs familles. Parfois, certains patients n’étaient pas assez autonomes pour pouvoir se servir seuls des tablettes et nous restions donc à leurs côtés tout au long de la conversion pour pouvoir les aider. Les tablettes étaient ensuite nettoyées et proposées à un autre patient.

Certains patients ont-ils rencontré des difficultés à maîtriser les outils ?

EL : Certains patients ont eu du mal à bien cadrer l’image sur leurs visages, nous les avons aidés à utiliser Skype. Il s’agissait d’applications dont ils n’ont pour la plupart pas l’habitude, mais après quelques tentatives, cela se passait bien. Habituellement, les patients peuvent demander aux infirmières de les aider avec leurs téléphones personnels, mais avec les gestes barrières, cela devenait difficile. Et c’est beaucoup plus confortable d’utiliser une tablette que le petit écran d’un smartphone. n