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La lettre de Systèmes de production agricole + économes & + autonomes Trimestriel - 3,25 euros Cultures économes 6-7 . Une filière graines pour l'alimentation humaine . L'écho des cultures Herbages & Cie 4-5 . Et pour les veaux mâles, on fait quoi ? . Travail : un cahier de procédures . L'écho des pâtures : le grand écart Politiques publiques 8-9 . Influencer, construire, gérer des politiques publiques territoriales . Le projet ECLAT . La PAC, outil de transition Initiatives 2-3 . (Re)penser le travail . Premiers outils TransAE . Deux Civam distingués . Compostage & partenariats A lire, à voir 12 . Des idées pour transmettre . Accessible : "La Part des Autres" Echo de la recherche 11 . Les apports d'Accessible 16 avril, after de l'Assemblée Générale de Réseau Civam. Nous sommes une trentaine à investir un bar du 11e, rue de Charonne. Nous célébrons la fin du mandat de Quentin, qui retourne à ses cultures champenoises. Salut à toi, président. Au cours des dilutions, euh, je veux dire des discussions, nous évoquons les années G.-W. Bush, remémorées dans un film récemment diffusé sur grand écran. Une séquence nous marque : "Quelles sont nos convictions ?" demande le jeune Dick Cheney à son mentor Donald Rumsfeld. L'autre, en guise de réponse, lui claque la porte au nez et va se tordre de rire dans la pièce à côté. Le cynisme politique à l'état pur ! Du passé ? Ou pas ? En pleine canicule, en plein G 20, Emmanuel Macron retrousse ses manches, joue des coudes et déclare que désormais, l'inertie sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, c'en est bien fini. Alors, allons-y, profitons. Parce que pour relever ce défi, y'a deux trois trucs qu'il va falloir revoir. Les accords commerciaux inter- continentaux, par exemple : "tu m'envoies du bœuf, je te vends du sous-marin". En ce qui nous concerne, la PAC, pour laquelle, en vue de la prochaine programmation, le Réseau se mobilise. Il y a soixante ans et il y a trente ans, les choix faits avaient, et pour longtemps, orienté les systèmes agronomiques. Pourquoi pas une autre voie aujourd'hui ? Ah ouais, c'est vrai, j'suis con, il y a les autres là, qui ont des intérêts. Ben oui, mais ça commence à fumer dans les campagnes, et pas qu'au cul des remorques de fumier. La jeunesse est fumasse aussi, et voudrait bien un horizon autre que 50°C en juillet. Ah ! Si j'étais président… mais nous sommes tous présidents : nous présidons au destin de nos vies. Les politiques ont le pouvoir que nous leur laissons : c'est en continuant à dialoguer, à démontrer, à explorer d'autres chemins que nous aurons demain la victoire dans nos mains. Fabrice Bouin, éleveur dans la Manche, nouveau président de Réseau Civam. Installation 10 . Deux maraîchers dans mon système herbager www.agriculture-durable.org Sommaire Juillet-Août-Septembre 2019 - n° 89 En Normandie, Emmanuel, président de sa vie lui aussi (cf. édito ci-dessous), choisit d'accueillir dans son système herbager deux maraîchers. Un éco-bâtisseur et un paysan- boulanger devraient les rejoindre par la suite. Lire p. 10 et 12. (Photo Réseau des Civam normands).

La lettre de - agriculture durable

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Page 1: La lettre de - agriculture durable

L a l e t t r e d e

S y s t è m e s d e p r o d u c t i o n a g r i c o l e + é c o n o m e s & + a u t o n o m e s

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Cultures économes 6-7. Une filière grainespour l'alimentation humaine. L'écho des cultures

Herbages & Cie 4-5. Et pour les veaux mâles,on fait quoi ?. Travail : un cahier de procédures. L'écho des pâtures : le grand écart

Politiques publiques 8-9. Influencer, construire, gérerdes politiques publiques territoriales. Le projet ECLAT. La PAC, outil de transition

Initiatives 2-3. (Re)penser le travail. Premiers outils TransAE. Deux Civam distingués. Compostage & partenariats

A lire, à voir 12. Des idées pour transmettre. Accessible : "La Part des Autres"

Echo de la recherche 11. Les apports d'Accessible

16 avril, after de l'AssembléeGénérale de Réseau Civam. Noussommes une trentaine à investir unbar du 11e, rue de Charonne. Nouscélébrons la fin du mandat deQuentin, qui retourne à ses cultureschampenoises. Salut à toi, président.Au cours des dilutions, euh, je veuxdire des discussions, nous évoquonsles années G.-W. Bush, remémoréesdans un film récemment diffusé surgrand écran. Une séquence nousmarque : "Quelles sont nosconvictions ?" demande le jeune DickCheney à son mentor DonaldRumsfeld. L'autre, en guise deréponse, lui claque la porte au nez etva se tordre de rire dans la pièce àcôté. Le cynisme politique à l'étatpur ! Du passé ? Ou pas ? En pleinecanicule, en plein G 20, EmmanuelMacron retrousse ses manches, jouedes coudes et déclare que désormais,l'inertie sur la réduction desémissions de gaz à effet de serre, c'enest bien fini.Alors, allons-y, profitons. Parce quepour relever ce défi, y'a deux troistrucs qu'il va falloir revoir. Lesaccords commerciaux inter-continentaux, par exemple : "tu

m'envoies du bœuf, je te vends dusous-marin".En ce qui nous concerne, la PAC, pourlaquelle, en vue de la prochaineprogrammation, le Réseau semobilise. Il y a soixante ans et il y atrente ans, les choix faits avaient, etpour longtemps, orienté les systèmesagronomiques.Pourquoi pas une autre voieaujourd'hui ? Ah ouais, c'est vrai,j'suis con, il y a les autres là, qui ontdes intérêts. Ben oui, mais çacommence à fumer dans lescampagnes, et pas qu'au cul desremorques de fumier.La jeunesse est fumasse aussi, etvoudrait bien un horizon autre que50°C en juillet.Ah ! Si j'étais président… mais noussommes tous présidents : nousprésidons au destin de nos vies.Les politiques ont le pouvoir quenous leur laissons : c'est encontinuant à dialoguer, à démontrer,à explorer d'autres chemins que nousaurons demain la victoire dans nosmains.

Fabrice Bouin,éleveur dans la Manche,

nouveau président de Réseau Civam.

Installation 10. Deux maraîchersdans mon système herbager

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Sommaire

Juillet-Août-Septembre 2019 - n° 89

En Normandie, Emmanuel,président de sa vie lui aussi(cf. édito ci-dessous),choisit d'accueillir dans son systèmeherbager deux maraîchers.Un éco-bâtisseur et un paysan-boulanger devraient les rejoindrepar la suite.Lire p. 10 et 12.(Photo Réseaudes Civam normands).

Page 2: La lettre de - agriculture durable

C h e z v o u s ...

En janvier 2018, une première réuniond'échanges a eu lieu. Puis le travail a faitl'objet d'un atelier lors de l'assembléegénérale en mars 2018… qui n'a pas laisséde doute, sur le fait que le "travail" estbien une préoccupation partagée au coeurdes fermes.De nombreuses questions de gestion dutravail ont émergé : gérer l'organisation,la transmission des savoir-faire au sein defermes avec salariés ou avec plusieursassociés, gérer le volume de travail, leremplacement, la simplification du travail,les investissements à faire ou non, lapénibilité du travail, les pointes et letravail d'astreinte...Autant de thématiques larges, diversesmais que l'on aborde peu voire pas dutout entre collègues.Les producteurs du Civam ont donc émisl'idée de dédier un temps de formationspécifique à cette question.Et ça a intéressé quelques éleveurs duCivam du Montmorillonnais ! C'est donc9 agriculteurs et agricultrices (toutesproductions et systèmes) qui se sontretrouvés pour 21 heures de formationentre décembre 2018 et mars 2019,alternant des temps collectifs avec unentretien individuel.L'entretien individuel a permis de faireressortir des "situations préoccupantes" surchacune des fermes : gérer le volume detravail, faire sa place dans un collectif detravail, gérer la surcharge quotidiennegérer l'astreinte de l'hiver qui est pénible,organiser le travail dans un collectifd'associés avec des conceptionsdifférentes (urgence, planification...),prendre des décisions, enclencher letravail lorsqu'on est en individuel… Enutilisant les outils qui sont en traind'émerger du Casdar TransAE(Transformations du travail et transitions versl'Agro-Écologie), les participants ont puéchanger sur leur situation individuelle etenvisager des pistes d'amélioration.La dernière demi-journée a été l’occasionpour chacun de faire un bilan et d’établirun plan d’actions pour améliorer

OCCITANIE-PACABel article sur la fertilité des sols et lestravaux des Civam d'Occitanie eten PACA, à lire dans le nouveau ma-gazine "Culture Agri" de Campagnes etenvironnement. Les sols méditerranéenssont fragiles, soumis à l’érosion et pau-vres en matière organique. Des grou-pes de producteurs s’activent pourtrouver des solutions !Contact : Maÿlis Carré, ADméd,06 44 08 79 59.

PAYS DE LA LOIRELe Civam AD 49 avance sur son pro-jet de recherche "arbres fourragers etsemences paysannes de prairies", financépar le Conseil départemental et lesfonds GIEE du ministère (voir LAD 87).Les protocoles sont en phase de finali-sation. Les premières expés sur lessemences sont implantées.Objectif : travailler sur la biodiversitécomme outil vers plus d'autonomie etde résilience face aux aléas climatiques.Contact : Elise Nerbusson, 02 41 39 48 75.

Du côté des Civam 44, 2500 visiteursont sillonné le circuit "la petite odysséedes alternatives" de Nort-sur-Erdre àSucé-sur-Erdre en passant par Cassonet Saint-Mars-du-Désert : baladeschampêtres, bio-habitat, plantation depommes de terre, foot en nocturne…et visites de fermes. Circuit organisédans le cadre de l'opération nationaleDe Ferme en ferme dont l'édition 2019 amobilisé en avril 650 fermes.

BRETAGNETerre de Liens Bretagne invite lespaysans, futurs paysans et cédants àune journée de formation pour acqué-rir les notions essentielles autour dufoncier agricole, être capable de mieuxappréhender les acteurs, le contexte etles réglementations. Et mieux "anticiperles situations pour mieux réagir et se pré-parer, notamment lors de son installation...mais pas que !" Le 16 juillet à La Vraie-Croix (56) et à Mûr de Bretagne (22),17 juillet à Cesson-Sévigné (35). Fraispédagogiques pris en charge par Viveapour les porteurs de projets sous ré-serve des dispositions appliquées de-puis le 1/01/2019 (cf LAD 87, p.9).Contacts : Lysiane Jarno, Terre de LiensBzh, 02 99 77 36 71.

Les paysans du comité de rédac-tion de la Lad recherchent des col-lègues. Une réunion visio partrimestre + contribution à la re-lecture.Contact : [email protected],09 64 33 30 71.

La lettre de l'agriculture durable - n°89 - été 20192

INITIATIVES

Premiers outils pour(re)penser le travail…Quelques productions du Casdar TransAE,bientôt disponibles :. un dossier pourquoi-comment sur 8 types desystèmes pâturants et leur configuration enterme de travail ;. la Chronique du changement de MarieChizallet testée avec le concours de 6animateurs investis dans TransAE ;. le Schéma des 5 carrés de Leplat-Cuny qui vade pair avec un questionnement intégrant letravail réellement fait et ses effets sur lespersonnes et sur la ferme ;. un questionnaire en ligne pour interroger letravail ;. une carte de problématiques de travailrencontrées dans TransAE ;. une activité de formation pour les BTS.Et pour s'approprier cela…. de nouveaux mémos accompagnement enplus de ceux qui se trouvent ici : agriculture-durable.org/ressources/ressources-pour-animateurs-de-groupes-dagriculteurs/. une formation mobiliser le travail dans sonaccompagnement… et beaucoup d'autres choses regroupéessur une plateforme internet dédiée. Sansoublier les restitutions régionales auprintemps et un colloque final le 12 mai 2020.

l’efficacité et le bien-être au travail.Les participants souhaitent que le groupese rencontre à nouveau dans un an pourvoir comment chacun.e a évolué et misen place des solutions sur sonexploitation.Les participants ont apprécié ces tempsd'échanges collectifs mais regrettentseulement d'être restés sur des constatset de n'avoir pu creuser toutes lesquestions liées à ce vaste thème qu'estla personne au travail.Riche de cette expérience, le Civampropose à nouveau cette formation en2019 dans un format revu et amélioré.

Laure Courgeau,Civam Vienne.

Maux partagéspour (re)penser le travailDans les Civam de la Vienne, la thématique du travail dans les fermes esten pleine émergence. Soulevée collectivement par les producteurs dugroupe Circuit court du Civam du Châtelleraudais, cette préoccupationpartagée a fait l'objet d'une action d'accompagnement qui ne demandequ'à être prolongée et approfondie.

Page 3: La lettre de - agriculture durable

C h e z v o u s ...

3La lettre de l'agriculture durable - n°89 - été 2019

Compostagedéchets verts decollectivitésun partenariatgagnant-gagnant

Le 25 mars dernier, le GR Civam PACA asigné avec la communauté de communesLuberon Monts de Vaucluse (LMV) uneconvention pour livrer gratuitement lesagriculteurs locaux en broyats de déchetsverts, dans un rayon de 60 km.Une fois compostés à la ferme et épandus ,ces déchets verts issus des collectivitésvont entretenir ou restaurer la fertilité dessols méditerranéens, où les matièresorganiques issues de l'élevage sont rares.Un nouveau réseau se crée depuis 2019. Ilrassemble déjà une trentaine de paysans-composteurs qui ont valorisé plus de 2500 tde broyats."Grâce à cette matière, on va améliorer lastructure de nos sols", précise NicolasVerzotti, président du GRCivam PACA.L'émergence de ce réseau soulève

cependant des questions techniques etlogistiques (matériel nécessaire,manutention de la matière...) chez lesagriculteurs, parfois plus habitués à êtrelivrés en compost fini qu'en broyat.Gérard Daudet, président de LMV, préciseque "l'économie pour la collectivité serait del'ordre de 10 000 € HT par an pour 1 000 t debroyat valorisées par le Civam". Unpartenariat bénéfique des deux côtés, quipourrait inspirer d'autres territoires.Le Civam travaille localement avecplusieurs partenaires pour tenter destructurer ces dynamiques.

Contacts : Florian , GR Civam PACAet Maÿlis Carré, Réseau Civam.

EN SAVOIR +http://ad-mediterranee.org/Valoriser-les-dechets-verts-locaux

Les groupes CIVAM s'illustrentlors des Trophées de l’Agro-écologieLe "Grand prix de la démarche collective"vient d’être décerné au Civam duChâtelleraudais pour ses travaux sur laculture en associations d'espèces, menésavec le CNRS, l'Université de Poitiers,l'Itab et l'Inra (Casdar Apach : Associationde Plantes en Agroécologie dans leChâtelleraudais). Le programme s'estpenché sur les intérêts des associationsen termes d’utilisation des ressources dusol, de résistance aux bio-agresseurs,d’impacts sur la vie du sol, debiodiversité et de qualité agronomique, nutritionnelle, technologique et gustative. Autotal 39 modalités ont fait l’objet de suivis sur 8 fermes, avec des associations dedifférentes espèces et variétés, à différentes densités et des témoins en culture pure.

Une mention spéciale est attribuée à "La Farine du Méjean", groupe Civam de Lozèrepour la création d'une filière meunerie locale : semences de blé anciennes, pratiquesdurables et farine en circuit court (lire aussi p. 7).Contacts : Charlène Migot, [email protected], 05 49 00 76 11,Alice Mulle, FRCivam Occitanie, [email protected], 06 58 36 49 21.

Distinctions Depuis votre dernière LAD, l'équipede salariés et administrateurs inves-tie sur le volet* Systèmes de produc-tion économes & autonomes (SPEA**)et Installation-transmission de RéseauCivam a…

. organisé et animé les formations…

. "Construire et conduire un système herbageréconome" ;. 2 sessions "Appréhender les freins au change-ment pour accompagner les agriculteurs" enPays de la Loire et Auvergne Rhone-Alpes.Prochaine session en Île de France en octo-bre (lire p 12) ;. "Accompagner la performance socio-économi-que des systèmes de production" en Ille & Vilai-ne ;. "Diagnostic de sol" en Vendée avec Jean Pier-re Scherer ;. "Diagnostic prairial" en Sarthe avec PatricePierre ;

. réalisé des interventions…

. sur le diagnostic de durabilité pour lesmoniteur des MFR Poitou,. sur l'autonomie en protéines à la porteouverte scolaire de l'Adage. pour la formation "maîtriser les outils pour lachiffrage et le pilotage de son projet d'installa-tion" du Civam IT 35 ;. organisé et animé …. le séminaire final Accessible ;. la journée technique AD Grand Ouest surle devenir des veaux mâles en élevage laitier(lire en p. 4 et 5).;. la 4ème journée d’échanges entre pairs ani-mateurs Paca-Occitanie, à Aix en Provence ;. la 2ème réunion téléphonique du Groupede Travail national "maraîchage" ;

. participé à…

. le séminaire final du projet Casdar Otoveilsur l'équilibre sanitaire en élevage ;. le séminaire "regards croisés sur le travail" del'Inra et du RMT Travail à Paris ;. le séminaire international "Agri InnovationSummit 2019" (AIS 2019) sur l'apport du"Partenariat européen pour l’innovation pourune agriculture productive et durable" (PEI Agri)à la transition agro-écologique, à Lisieux ;. la porte ouverte des 20 ans de la fermeexpé de Thorigné en Anjou.

… et continué ses autres chantiers.

* : les autres branches de l'arbre Réseau Civam : Sys-tèmes agricoles et alimentaires territoriaux (SAAT), Ac-cueil en milieu rural (AEMR),Transmission-création d'activités & développement terri-torial (TCADT).** : SPEA = pôle AD Méditerranée + pôle ADMoyenne Montagne + pôle AD Grand Ouest.

Agricultures durables en MéditerranéeVisite de la plateforme de déchetsverts d'Entraigues sur la Sorgue (84).

Page 4: La lettre de - agriculture durable

La lettre de l'agriculture durable - n°89 - été 20194

HERBAGES & Cie

À la ferme de la Pignerie, Marie Jolivel, son père Marcel etTimothée Dupont son compagnon nous accueillent (voir ci-contre). "Nous sommes en transition" disent-ils. Ils ont en effetvendu leurs allaitantes limousines pour passer en lait de jersiaises.Ils exploitent 78 ha dont 1 ha de pommiers. Ils vendent aussi desoeufs de poule. "Les débouchés vente directe par les œufs nouspermettent d’avoir une clientèle viande" poursuit Marie. Seul le laitest valorisé en filière longue, via Biolait.

EMMENER AU BOUT. "En système allaitant, on avait à coeur d'emmenerau bout tous les animaux qui naissent sur la ferme. C'estimportant pour nous, explique Timothée. Ce n'était pasenvisageable que le changement de système nous fasserégresser sur ce point. Dans beaucoup d'élevages -dont celuide la ferme par le passé-, des veaux et des taurillons partentet on ne sait pas trop dans quelles conditions".

Ils ne sont pas seuls à s'interroger. "Que fait-on de nos veaux quipartent en industriel se faire élever à la poudre de lait et soigner auxantibios pour finir en escalopes "eco+" ? pose Aurélien Leray, éleveurlaitier à Corps-Nuds (Ille et Vilaine) et administrateur RéseauCivam."L’envoi de 25 veaux en filière veaux de boucherie équivaut auminimum à la même quantité d’énergie (directe+indirecte) pourproduire 63 000 litres de lait en système herbager économe etautonome" montre David Falaise de Réseau Civam.

Les associés de la Pignerie ont déjà gardé cette année une dizainede veaux, qu'ils poussent jusqu'à 2 mois et demi, trois mois, à 40kg de carcasse, pour une vente à 15,3 €/kg de viande en caissettesde 8 kg, après passage à l'abattoir local de Craon. "Cela correspondà la demande de notre clientèle, observe Timothée. Et la jersiaisedonne une super bonne viande".

VEAUX DE LAIT. Jacky Savin, installé au nord-ouest de Rennes,produit aussi des veaux abattus à 70 jours. Un veau correspond à4 colis de 7 à 8 kg, vendu à 14,50 € le kg ; une part estcommercialisée localement via des paniers. Toutes les femelles etune partie des mâles sont placés sous vaches nourrices, ce quidonne vite des animaux plus lourds. Une nourrice alimente 3femelles et un mâle. Jacky en garde aussi pour faire des boeufs,vendus 10,5 € le kg en direct.

ENGRAISSER À L'HERBE ? Installé entre le Havre et Étretat, AntoineDelahais élève avec son frère 220 animaux sur 123 hadont 115 ha en herbe. Il pratique le séchage en grangeen complément du pâturage, vend son lait denormandes et montbéliardes à Biolait et élève chaqueannée une trentaine de veaux mâles en boeufs dans sesparcelles éloignées. Ils commencent sous des vachesnourrices qui élèvent chacune trois veaux. "Depuis, je

ne connais plus les diarrhées", commente Antoine.Le sevrage a lieu vers 5-6 mois. Durant leur castration, ils sontsoignés à l'aromathérapie pour réduire le stress. Au final, ilsdeviennent des boeufs élevés au pâturage, complémentés sur la finavec du méteil, abattus à 3 ans et demi et valorisés à 3,9 € par kgde carcasse en filière longue.

ALLONGER LES LACTATIONS ? Vincent Hogrel de Sainte-Colombe enIlle-et-Vilaine, lui, s'est retrouvé avec 32 vêlages par an sur ses 42VL. Les vêlages se sont étalés de juin à décembre, voire au-delà.En allongeant les lactations, il s'est aperçu que certaines tenaient500 jours en conservant une production jusqu'à 25 l/jour ! Et cecaractère de persistance se transmet assez bien d'une générationsur l'autre. "Je laisse faire, côté repro" dit Vincent, ce qui nel'empêche pas maintenir sa production globale autour de 7000I/vache/an avec 6 à 10 vaches en lactation longue, en permanence.Au global, les objectifs de production sont atteints, avec moins deveaux à envoyer ! Alors, l'allongement des lactations peut-il êtreune solution ? "Sur certaines vaches, je ne peux pas faire cela, à causedes cellules" tempère l'éleveur.

Autre piste : faire élever ses veaux par un voisin laitier, ce qui sepratique en Suisse.

Et le sexage des semences ? "Désormais, on sait faire et cela sedéveloppe à grande vitesse", explique Luc Delaby, de l'Inra. Maisplusieurs participants à la journée signalent que cela ne diminuepas le nombre de veaux qui se retrouvent sur le marché.

Au final, cette entrée très technique a conduit les participants àélargir la discussion, sur l'avenir de l'élevage et la mixité destroupeaux, le bien-être animal en industriel, la mise en cause dela filière veaux de boucherie, approvisionnée quasi entièrementpar l'élevage laitier. Ces réflexions sont à poursuivre dans lesgroupes et à partager au sein du réseau.

Romain Dieulot, David Falaise, Jean-Marie Lusson, Réseau Civam.

Veaux rosés ?Boeufs?

Allongement deslactations ?

…On les vend en filière industrielle ?" En effet, les veaux mâles -et même tous les veaux, mâles ou femelles, qui nerestent pas renouveler les troupeaux laitiers- filent en élevages industriels où ils sont alimentés à la poudre delait et soignés aux antibiotiques. Ce qui pose un souci d'éthique, de bien-être animal, de cohérence etd'autonomie de nos modes de production. Le Pôle AD Grand Ouest invitait donc à venir creuser la question en cestermes : "Nous, adhérents au réseau des Civam, que souhaitons-nous pour les mâles qui naissent sur nos fermes ?Venez y réfléchir le 21 mai à la Pignerie, en Ercé en Lamée". 45 personnes de tout l'Ouest ont fait le déplacement...

"Que fait-on des veaux mâles ? " : derrière cette entrée technique,des questions de durabilité, à portée politique, qui concernent tousles réseaux de développement. (Photo Réseau Civam).

Page 5: La lettre de - agriculture durable

De gauche à droite, Timothée, Marie et Marcel… et quelques veaux(photo Réseau Civam).La Pignerie est actuellement en transition. Le projet, c'est…. 75 ha accessibles en herbe et 5 ha de céréales (pour les poules). 150 000 l de lait bio livrés par an, le reste pour les veaux. 60 productrices jersiaises avec peut-être des nourrices (en discussion). un objectif de 45 veaux rosés de 3 mois / an. achats : les limiter à 100 t de paille et occasionnellement du foin local. un atelier de poules pondeuses et d'arboriculture.

5La lettre de l'agriculture durable - n°89 - été 2019

Passer l'été…le grand écartPousse modérée, mais de l'eau en juin, avec des fenê-tres météo pour faire de bons foins. Dans l'ouest, onattaque la période estivale dans de bonnes dispositions.C'est plus difficile au sud.

. Un printemps doux en Anjou (témoignage) : "Je trouveque le printemps est toujours une période délicate à gérer : réussir àconduire le pâturage de manière à en faire profiter les animaux aumaximum et que ça dure le plus longtemps possible n'est pas sou-vent facile ! Cette année, et ça devient une habitude, j'ai laissé unepartie des génisses pâturer tout l'hiver. Je trouve ça vraiment bénéfi-que tant pour les animaux que pour les prairies... et ça permet decompenser une pousse de l'herbe aléatoire au printemps, commecette année ! Je considère que cela fait partie des adaptations au"changement climatique" que l'on peut - et doit - faire. 25°C enfévrier et 15°C mi -juin : il faut s'adapter. Cependant, j'ai bien aiméce printemps parce que justement, la pousse lente m'a permis de nejamais être débordé par l'herbe, de pouvoir passer au bon momentsur la montaison des fétuques, de ne jamais piétiner les parcelles nid'être obligé de rentrer les vaches une journée ou deux parce qu'il ya eu 50 mm de pluie en peu de temps... quel calme ! Oui je trouveque ce printemps a été au final reposant, j'espère que l'été le seraaussi ! Bel été !"

Gérald Séchet, éleveur de vaches allaitantes à Valanjou,vice-président du CIVAM AD 49,

(extrait de La lettre d'informations du Civam AD 49).

. Année exceptionnelle en Normandie : "un mois d'herbed'avance et beaucoup des stocks bien reconstitués", dixit Fabrice,de la Manche, début juillet.

. Sécheresse en Aura et Occitanie, période de pousse par-fois réduite au moins de mai, canicule, violents épisodes d'ora-ges et de grêles par endroits en juin et début juillet. Les coursdes foins grimpent déjà à 200 €/t.

. En panne de stocks fourragers, ou des foinsen surplus, signalez-vous sur :http://www.agriculture-durable.org/la-granjafoin/… et en direct en scannant le carré ci-contre, si votre mobile est équipé d'une appli (gratuite) 'lecteur deQR code' et d'une connexion Internet.

. Pour qui s'intéresse au pâturage des végé-tations non semées (prairies permanentes,espaces semi-naturels, broussailles, landes, garri-gue, sous-bois...), "je me permets de signaler cedocument réalisé par l'Addear de l'Isère en partena-riat avec Scopela : biologie des végétations, conseilstechniques, témoignages, gestion de la broussaillepar le pâturage, construction d'un calendrier four-rager à partir des ressources présentes. Orientémoyenne montagne, mais ses principes valentailleurs". Lucien Jallot, Civam AD 49.

. Pour les retardataires, il reste des Pâ-tur'agendas et plannings de pâturage 2019.Tarifs fin de série ! Bulletin de commande sur agriculture-durable.org/ressources ou envoyez votre règlement à DavidFalaise, Réseau Civam AD Grand-Ouest - CS 37725 -35577 Cesson-Sévigné, 02 99 77 39 25.

. L'édition 2020 se prépare. N'hésitez pas à nousfaire des propositions de modifications et ajouts, avantfin août.

Mylène référente du projet TransAE pour le Civam AD 72, a misen place chez elle, un cahier de procédures qui facilite lesremplacements."Le cahier de procédures, on l’a fait car, quand on part, c’est notre systèmequ’on laisse ! Donc, les gens qui nous remplacent n’ont pas le droit à l’erreur. Eton veut qu’ils fassent comme nous, ou qu’ils prennent la décision que nous, onaurait prise. Si rien n’est écrit, les gens sont démunis face à une situationimprévue ou problématique. Et puis cela nous évite d’être dérangés à 6 heuresdu matin le dimanche, alors qu’on est parti en week-end en famille !" Mylène L.

Pour Mylène, formaliser les choses permet de simplifier le travail duremplaçant. Par exemple, elle a rédigé des procédures pour les mammites,pour les veaux malades (avec une distinction entre mâles et femelles) … Lesfiches de procédures sont plastifiées et accrochées sur les murs du bâtimentà l’aide d’aimants.Ce "truc & astuce travail" est issu du site du Civam AD 72 qui les répertorie.mois après mois sur http://www.civamad72.org/civam-ad-72/truc-du-mois/

L'éc

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des

pât

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le projet des associé.e.sde la Pignerie

Un cahier de procédurepour des remplacements plus sereins

Page 6: La lettre de - agriculture durable

6 La lettre de l'agriculture durable - n°89 - été 2019

2014, une poignée d'agriculteur·rice·s et deconsommateur.rice.s de Loire-Atlantique prennentconnaissance d'Afterres 2050*, scénario prospectif et évolutifqui revisite notre système alimentaire, du champ à l'assiette,aux regards des enjeux de santé publique et des potentialitésde nos écosystèmes. Le scénario évoque de multiplesthématiques travaillées au Civam : la diversification descultures et ses bénéfices agronomiques, les consommationsd'énergies, la société civile, etc.De là naît l'envie de travailler sur la production de protéinesvégétales à destination de l'alimentation humaine en vue derééquilibrer la proportion d'animales et végétales sur lesfermes, comme dans l'assiette. Des pionnier.e.s se lancentdans l'expérimentation de productions de lentille, millet,pois chiche, haricot sec, graine de chanvre… Cesproductions viennent bien sur nos terres, mais il fautapprendre à gérer les étapes post-récolte : triage, séchage,décorticage, stockages… Comme ces graines sont destinéesà l'alimentation humaine, la qualité se doit d'êtreirréprochable ! Les agriculteur.rice.s se forment et réalisentdes visites pour identifier le matériel adéquat à leursproductions et à la taille de leur ferme.

COMMERCIALISER. La commercialisation pose d'autresquestions. Dans le groupe constitué, deux profils : ceux quiont des circuits courts de commercialisation, et les autres.Pour les premiers, écouler la production est possible enexpliquant leur démarche à leurs consommateurs. Pour lesautres, tout est à construire ! Pas évident quand ce n'est passon métier : vers qui se tourner ? Comment ne pasdémultiplier les livraisons de petits volumes ?Tout le monde ne veut ou ne peut pas vendre en direct ! Lescircuits longs sont évoqués dans le groupe, pour réduire lestemps de travail et écouler de plus gros volumes : "j'aimeraisbien produire des lentilles, mais je ne veux pas passer mon tempsà les vendre sur les marchés !". L'idée d'approvisionner larestauration collective séduit aussi. Il y a là un acte militant :donner accès à des produits de qualité et locaux à tou.te.s !En parallèle, la loi EGALIM est promulguée fin 2018. Dansl'objectif de favoriser une alimentation saine et durable pourtous, elle prévoit, entre autre, l'introduction de 50% deproduits de qualité d'ici 2022 dans la restauration collectiveet le test d'un menu végétarien par semaine pendant 2 ans.Les protéines végétales produites au sein du groupe doiventtrouver leur place dans ces nouveaux menus.

LA MÉCONNAISSANCE DES ACTEURS : UN FREIN À LEVER ! "Livrerla restauration collective, c'est souvent compliqué, et ils nemettent pas le prix !" Il y a beaucoup d'acteurs et de modesde fonctionnements différents ! Des questions se posentchez les gérants de restaurants collectifs et les sociétés derestauration. La méconnaissance des attentes et besoins desuns et des autres empêche bien souvent de passer le pas.Au début de l'année 2019, le groupe a souhaité sefamiliariser avec ce secteur afin d'être à même de l'expliquerà ses pair.e.s et ainsi démultiplier le nombre de fermesproductrices de graines pour l'alimentation humaine. "C'estcomme ça que nous pourrons répondre à la demandegrandissante de protéines végétales, produites localement et dequalité !"Un premier contact a été pris avec le GAB 44 & Manger Bio44 (structure créée par des producteurs pour être leurrelais auprès de la restauration collective), pour nousprésenter l'état de la demande en céréales et légumineusessur le département. Pas de surprise, elle est là, poussée parla société civile. Mais la structuration de filières locales nesuit pas encore. Exemple sur la lentille : il n'existe pasd'offres structurées sur le territoire. Ces acteurs doivent sefournir au mieux dans le centre de la France, sinon enEurope de l'Est.Des acteurs de la restauration collective sont sensibles à ladémarche de filière territoriale, production biologique,permettant de maintenir emplois et la qualité de nosécosystèmes. Ils sont prêts à payer davantage pour ces

Loire-Atlantique

Une filière grainespour l'alimentation humaine

CULTURES ÉCONOMES

En savoir + :. Les fiches cultures du CivamAD 44 (pour le moment, unesur le chanvre et une sur lalentille photo ci-dessus)bientôt disponibles sur lesite http://www.civam-paysdelaloire.org/

. Le scénario Afterres2050 :https://afterres2050.solagro.org/a-propos/le-projet-afterres-2050/

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. Un court mais beau reportage sur laremise en marche du moulin de la Bo-rie grâce à la filière Méjeanette, farinedu Causse Méjean (cf p.3), à voir ici :http://www.civam.org/index.php/actualites/210-saat/637-la-filiere-meunerie-locale-un-levier-de-rehabilitation-du-patrimoineou via le QR code ci-contre :

. Depuis 2015, le Civam AD 72 intervient chaque an-née auprès d'une classe de terminale en Bac Pro CGEA dulycée agricole de Rouillon, près du Mans, à l'aide de l'outil Mis-sion Ecophyt'Eau. En complément la professeure d'agronomieresponsable de la classe demande aux élèves qui le souhaitentde rédiger une lettre de motivation afin de participer au"groupe cultures" du Civam. Chaque année, ce groupe ac-cueille donc 3 élèves lors de l'une de ses journées d'échangeou de formation. L'occasion pour eux de découvrir la réalitéet la complexité du métier d'agriculteur, pour les agriculteursde (dé)former et de sensibiliser la nouvelle génération, etpour la professeure de confronter ses connaissances avec laréalité du terrain. Même s'ils restent timides, les élèves sonttoujours très contents de participer à ces journées. Ils rédi-gent un petit compte-rendu, qui sert de support au compte-rendu final. Pour le Civam AD 72, ce partenariat constitue untravail de fond à moindre coût, visant à mieux se faire connaî-tre sur le terrain, auprès de futurs adhérents potentiels.Contact : Emilie Denis, Civam AD 72, 02 43 14 23 07.

. Un outil d'évaluation des mélanges de variétés enblé. En 2018, le Civam AD 72 - avec l'aide de Sébastien Lal-lier, céréalier en Eure-et-Loir et conseiller indépendant engrandes cultures - a conçu un outil visant à évaluer a priori lesperformances d’un mélange de variétés en blé. En effet, dansle "groupe cultures" accompagné par le Civam, la culture dublé en mélanges de variétés est devenu une pratique récur-rente dans le cadre d’une conduite en production intégrée(meilleures tolérance au stress en début de cycle, résistanceaux maladies et couverture du sol …). Le Civam AD 72 sou-haite ainsi valoriser l’expérience des agriculteurs dans cettepratique et proposer un outil d’aide à la décision visuel etsimple. Dès cette année, il s'agira d'analyser les éventuelsécarts observés entre la théorie (outil) et la pratique (champ).Cet outil se présente sous la forme d'un tableur. Il est dispo-nible sur simple demande.Contact : Emilie Denis, [email protected]

. Les gelées tardives du mois d'avril, associées à un étatdes cultures plutôt avancé par rapport à la période (à caused'un hiver doux), auront-elles pénalisé les rendements ? Eneffet, les gelées sont tombées en pleine période de méiosepour les céréales ! Il y a eu aussi le coup de chaud de débutjuin, qui a pu pénaliser le remplissage des grains. Résultatsdans le courant de ce mois, et probablement à l'heure oùvous lirez ces lignes. A suivre...

. Inscrivez-vous au groupe de discussion Cultures économeset posez vos questions surhttps://groups.google.com/group/cultures-economes.

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services. A l'automne 2019, les producteur.rice.s de lentilles,s'organiseront collectivement pour approvisionner cetterestauration collective. Au préalable, il faudra se mettred'accord sur les volumes à écouler, l'homogénéité du produit etsa qualité.

UNE DEMANDE CROISSANTE. Dans tous les secteurs, restaurationcollective, épiceries, magasins spécialisés, etc., la demande estcroissante ! Nous savons bien qu'en l'état actuel, la dizaine defermes ne permettra pas de répondre à tout le monde.Le 26 juin, dans le cadre du PAT de la communauté decommunes Erdre et Gesvre (nord de Nantes), une porteouverte destinée aux producteur·rice·s ainsi qu'auxconsommateurs, a eu lieu à Fay de Bretagne (flyer ci-dessous).Objectif : faire en sorte quel'amont et l'aval se rencontrent.Nous avons tenté de rassurerdes agriculteurs.rice.s quantaux circuits decommercialisation existants eten cours de création sur leurterritoire.Parallèlement, nous avonsmontré aux consommateursqu'il existe sur le territoireun potentiel de production,si tant est que l'on sécuriseles agriculteur.rice.s sur lesdébouchés.

Pauline Rio,Civam Défis 44.

Les PAT, un terreau fertileLa loi d'Avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014 apermis aux Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) de voir le jour. Leursobjectifs : après un état des lieux de la production alimentaire et desbesoins d'un bassin de vie, rapprocher l'offre et la demande, dans unedimension environnementale et sociale forte. Ces PAT se démultiplientaujourd'hui sur le territoire. Ils sont un terreau fertile pour lerapprochement de l'aval et de l'amont, en vue de cette création d'unefilière de graines pour l'alimentation humaine.

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13 juin : les participants au séminaire de lancement du projet Eclat (Photo Trame).

Reposant sur les principes de l'éducation populaire, l'échange entre pairs et la solidarité,l'agriculture de groupe est un levier incontournable pour gagner de l'autonomie, mutualiser desexpérimentations, confronter des savoirs et diffuser des innovations sociales. C'est notre soclecommun de fonctionnement. Les Civam, c'est aussi l'ouverture à d'autres partenaires pour analyserles évolutions de ces collectifs d'agriculteurs/trices, les faire reconnaître (plaidoyer) et interpellerles politiques publiques locales ou national sur l'agriculture de groupes. C'est le sens de notrecoopération sur la réforme de la PAC avec la FNCuma et Trame et de la recherche-action "Eclat".

Ne nous mettons pas la tête dans le sable, ladéfinition de la nouvelle PAC se fait dans uncontexte plein d'incertitudes. Le Brexit, lescrises économiques, sociales, climatiques, lesrésultats des élections européennes, le dialoguedifficile entre État et Régions en France rendenttrès difficiles les négociations. S'y ajoutent aumoment où j'écris ces lignes, les rumeursannonçant la nomination à la Présidence de lacommission "agriculture et ruralité" d'un élu duGroupe "Identité et démocratie" fondé par MarineLe Pen et Matteo Salvini…Nous restons convaincus avec Trame et laFNCuma, que l'agriculture de groupe joue unrôle décisif pour répondre aux attentes socialesen matière de qualité de produits, derelocalisation de l'alimentation, derenouvellement des actifs, de protection del'environnement et d'une meilleurerémunération des paysan.nes.Résultat de notre mobilisation commune : deuxnotes de travail* fournies au Ministère sousforme d'un plaidoyer pour les MAEC Systèmeset pour des mesures d'accompagnement descollectifs agricoles dans la future PAC. Et unerencontre avec le Cabinet du Ministre à lami-juin 2019 avec la volonté à l'issue de ladiscussion de maintenir des réunions régulières.Nous verrons au fil du temps si nospropositions reçoivent un écho favorablenotamment dans le programme stratégiquenational.L'indispensable transition du modèle agricole etalimentaire ne peut reposer simplement sur unsaut technologique. La réussite de cettemutation nécessite de miser prioritairement surl'émergence et l'accompagnement de collectifs.Et la PAC doit l'encourager !

Vincent Dulong, Réseau Civam.* notes disponibles sur simple demande auprès [email protected].

POLITIQUES PUBLIQUES

Influencer, construire, gérerdes politiques publiques territoriales ?

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Expérimenter avec des Collectifs Locaux une Agroécologie Territoriale !Tel est l’objectif du projet Eclat* qui place au cœur de la démarche descollectifs d’agriculteurs des réseaux Civam, Cuma, Trame et Adear.Force est de constater que les politiques publiques agroenvironnementales nesoutiennent pas encore les initiatives collectives à la hauteur des besoinsidentifiés par nos réseaux, ou que les collectifs d’agriculteurs peinent à trouverleur place dans l’élaboration ou la mise en œuvre de ces politiques. C’estpourquoi, les partenaires du projet Eclat s’engagent pour expérimenter desnouvelles modalités de construction, de gestion et/ou d’évaluation des politiquespubliques agroenvironnementales, modalités qui placeront les collectifsd’agriculteurs au cœur du processus.

Pour exemple, deux collectifs membres du réseau des CIVAM participeront à cetteexpérimentation.L’Adar Civam, dans l’Indre, s’investira sur un projet de concertation pour laconstruction de Mesures Agro-Environnementales (MAE) à l’échelle systèmed’exploitation, leurs applications et contractualisation en collectif et l’évolutiondes modalités d’évaluation.

Un groupe d’agriculteurs du Grapea-Civam, en Vendée, mènera des actions pourla construction d’un projet de territoire sur l’autonomie des exploitationsagricoles. Les questions de l’implication des pouvoirs publics dans cettedémarche et du soutien aux exploitations agricoles s’y engageant sera au cœur dece travail.

Lore Blondel, Réseau Civam.

*ECLAT est un projet lauréat de l’appel à projet Mobilisation Collective pour le DéveloppementRural (MCDR), financé par le FEADER et le Réseau Rural Français.

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"La PAC, et l'aide aux agriculteurs de montagne, c'est plus de 30% demes revenus annuels. La PAC, c'est aussi des changements dans laréglementation, des retards de paiement et des sueurs froides…Comment se réconcilier avec cette politique ? Comment en faire unlevier efficace de transition vers l'Agroécologie ?" introduit CédricDeguillaume, éleveur de moutons en Corrèze.

LES AIDES, LEVIER D'ORIENTATION. Invitée au débat, Aurélie Catallo,pour le collectif interorganisations Pour Une Autre PAC dont faitpartie Réseau Civam. Pour cette organisation qui rassemble 35réseaux associatifs du monde rural et de la société civile, les aidessont un levier fondamental pour guider l'agriculture européennevers une transition agroécologique. Plutôt que des mesures decompensation et des aides directes aveugles, le Collectif plaidepour la mise en place de "paiements pour servicesenvironnementaux" dans le cadre du premier pilier. Ces PSEconstitueraient une forme de contrat social entre la société et lespaysans.

La plateforme se prononce en faveur de transfert du budget dupilier 1 vers le pilier 2. Aurélie Catallo souligne l'importance del'articulation entre les deux piliers de la PAC, où les PSEreprésenteraient une aide au maintien de pratiques vertueuses,tandis que les mesures agro-environnementales et climatiques(MAEC) système encourageraient à la transition avec uneobligation d'évolution au fil du contrat.

En matière de PSE, le collectif préconise :. la mise en place de dispositifs ciblés auxquels ne pourraientprétendre que les agriculteurs qui auraient déjà un niveau depratiques vertueuses suffisamment élevé ;. une augmentation croissante de la rémunération en fonction del'ambition des pratiques pour inciter à aller toujours plus loin.

En matière de MAEC, la plateforme propose :. de donner priorité aux MAEC Systèmes plutôt qu'aux MAEC"unitaires" afin de réellement pousser les acteurs à la transition" ;. une ouverture des mesures à tout le territoire, avecbonifications possibles pour les démarches collectives.

MODALITÉ DE CALCULS : QUESTION SOUS TENSION. L'idée de fairereposer les critères d’attribution des PSE sur des résultats est endébat. Mais les résultats restent difficiles à évaluer dans lapratique et posent la question de la responsabilité de l’agriculteurdans leur atteinte ou non. L'option soutenue par le Collectifserait de s'en tenir à des critères de moyens pour les pratiquesdont on sait qu'elles ont des effets positifs avérés surl’environnement.Des pistes sont évoquées pour déléguer ces mesures d'efficacité :

Faire de la PACun outil de transitionL'Assemblée Générale de Réseau Civam s'est tenue le16 avril, à la veille des élections européennes.L'occasion de refaire le point sur la Politique AgricoleCommune (PAC), de débattre de ses orientations et denos propositions.

Ils ont dit…"Avec le non labour, j'étais

devenu accro au glyphosate et comme toutes les addictions, c'étaitdevenu difficile de s'en passer. J'ai connu les limites du glyphosate avecles résistances et le mal au crâne à chaque passage. On acontractualisé en 2008 une MAE dans laquelle le glyphosate est interdit.C'est important d'avoir les MAEC, surtout pendant la conversion. C'estune période délicate, le temps de l'adaptation et de se faire la main, çaa servi de cadre pour faire évoluer nos systèmes."

"A l'Adage, les MAEC représententen moyenne près de 10 000 euros par ferme. Pas sûr que les fermessoient toujours là si on arrêtait les MAEC du jour au lendemain."

"Il faut noter aussi quel'accompagnement collectif des agriculteurs dans la mise en œuvre desMAEC a eu un fort impact sur la vie associative des Civam : de nombreuxgroupes ont vu leur nombre d'adhérents fortement augmenter".

20 mai 2019 à Paris : un des 32 tours de table de débat citoyens surla PAC, organisé en métropole et outre-mer par les associations duCollectif pour une autre PAC. Ici en présence de 4 candidats àl'élection européenne : Frédéric Viale (LFI), Maxime Zucca (PlacePublique - PS), Guillaume Balas (Génération.s) et Marie Toussaint(EELV). Photo Miramap.

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par exemple l'obtention d'un label pour justifier des aides. Unesolution qui permettrait à l'État de s'appuyer sur un cadre et surdes organisations en place pour externaliser les contrôles.La délégation à des labels fait débat au sein du Réseau des Civam.Cette "sous-traitance" de la mesure de l'impact environnementaldes pratiques agricoles est pointée comme un risque dedésengagement de l'État sur ces réflexions pourtant centrales.Cette orientation ouvre également la porte à des négociations.Certains acteurs seront tentés d'y positionner des labels noncontraignants comme suffisants à l'obtention des aides (commele HVE de niveau 2). Sur ce point, le détricotage des paiementsverts lors de la précédente programmation nous rend vigilants(ex : diversité des assolements qui autorise la monoculture demaïs, etc.)

APPROCHE SOCIALE. Il est important que nous réfléchissions ausein du réseau des Civam aux possibilités de mesures quipermettraient de pouvoir justifier les aides de la PAC. Au-delàdes aspects techniques et environnementaux, c'est toutel'approche sociale que le Réseau Civam peut porter.

Pour avoir du poids dans nos travaux et nos revendications surla PAC, "L'implication des groupes est capitale, rappelle Joël, éleveurbovin en Ile et Vilaine. S'il y a du monde derrière, ça permet d'être plusfort et plus légitime pour construire des propositions et les faireentendre".

Aurore Puel, Réseau Civam.EN SAVOIR + :. Le détail des propositions de la plateforme surhttps://pouruneautrepac.eu/

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Céder quelques hectares pour installer, ici desmaraîchers, là un paysan-boulanger, un éco-bâtisseur,là-bas une micro-brasserie… voilà une pratique qui sedéveloppe dans les groupes Civam. Avec l'idée derenforcer la cohérence agronomique et sociale del'activité.

Emmanuel est installé depuis 2006, avec 50 vaches laitières sur65 hectares dont 40 labourables. En mai 2016, suite à unerencontre organisée par Terre de Liens Normandie sur saferme, avec 6 porteurs de projets et des acteurs du territoire,Emmanuel décide de céder 2 ha afin de favoriser des installationssur sa ferme. "Je leur ai présenté la situation et les valeurs que jeportais. On a échangé, beaucoup discuté. Pendant l'été, Benoît etMarie qui avaient un projet en maraîchage m'appelaient. Les chosesont commencé. Je leur ai cédé 2 hectares, mis à disposition avant leurinstallation, afin qu'ils puissent démarrer facilement.""Étant moi-même non-issu du milieu agricole, je sais à quel pointl'accès à la terre est difficile lorsqu'on ne s'installe pas sur la ferme desparents. Je voulais que les terres lâchées servent à ceux qui n'ont pasde foncier. Et surtout, que le coût de reprise soit acceptable pour desjeunes."Chemin faisant se dessine l'idée d'un projet collectif qui

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INSTALLATION

Des journées desensibilisation "s'installer enmaraîchage sur une fermed'élevage". Suite à dessollicitations de cédants ou actifsqui "cherchent à installer des genscar ils ont des terrains ou cherchentdes coups de main…" (Civam 29)ou encore parce qu'"il y a plein dejeunes éleveurs qui se retrouventseuls pour reprendre des GAECfamiliaux à deux associés"(ADDEAR 12), plusieursassociations organisent des portesouvertes "S'installer en maraîchagesur une ferme en élevage" avecprésentation des parcours puiséchanges.Contact: [email protected]

"Le guide des transmissionsremarquables, édition 2018",20 pages, gratuit et dispo àRéseau des Civam normands,02 31 68 80 58.

. "Des idées pour transmettre :si on restructurait les fermes ?"par Réseau Inpact, lire p. 12.

En savoir +

Paiements pour services environnementaux : le principe.

impliquerait des acteurs locaux. Aujourd'hui, la ferme s'articuleautour d'Emmanuel (atelier laitier), Benoît et Marie(maraîchage). Un éco-bâtisseur et un paysan-boulanger devraientles rejoindre par la suite.L'objectif est d'aller vers un système plus cohérent, que ce soitau niveau de l'alimentation, de l'environnement mais aussi del'humain."Avoir plusieurs productions permet de valoriser les ''déchets'' des uns,qui sont des ressources pour les autres [le fumier est utilisé pour lemaraîchage, les céréales entrent dans la rotation des prairies]. Letravail en collectif est une force sur le plan humain, on peut s'entraiderdans les périodes difficiles."Emmanuel souhaite aussi lutter contre la spéculation foncière.L'objectif à terme serait que le collectif devienne propriétairedes bâtiments et des terres, louées aux associés, facilitant lestransmissions et installations à venir.

Laurine Magnier, Réseau des Civam Normands.

Retour d'expériences…avec Valentin, accompagnateur au Civam du Finistère.

Comment s'est déroulé l'accueil d'une maraîchère sur la ferme de Claire et Anne, installées en bovin lait ?"Claire et Anne se sont installées en lait en 2017. Il s'agit d'une reprise familiale pour l'une d'elles. Dès le départ, ellessouhaitaient accueillir plus de monde sur la ferme et diversifier les ateliers de production. Elles reprennent finalementl'activité lait telle quelle (bio, système herbager). En 2018, elles libèrent 1,5 ha et un bout de hangar afin d'installer unepersonne en maraîchage. Elles voulaient "s'installer et faire vivre le lieu", accueillir plusieurs ateliers.

Dans leur cas, comment fonctionne l'association maraîchage-élevage ?Il s'agit de deux systèmes d'activités différents, qui s'entrecroisent et collaborent de temps en temps : mise à dispositionde 1,5 ha, prêt de matériel, accès à l'atelier, au hangar, à l'irrigation… Ce n'est pas informel pour autant, toutes ceschoses ayant été discutées et clarifiées. Au niveau agronomique, il y a réutilisation de matière organique pour lemaraîchage. Les prairies-cultures et parcelles maraîchères ne sont pas incluses dans le même système de rotation. Cen'était pas forcément une volonté mais la mise en place d'un verger pour la cueillette à la ferme rend difficile lepassage du tracteur. Les coups de main sont occasionnels mais présents, les déjeuners souvent partagés. Le soutienpsychologique apporté par la présence d'une autre activité est important : il permet de prendre du recul sur la leur.

Peut-on dire que la maraîchère a "plus à gagner" que les éleveuses ?A priori, oui… elles n'y gagnent pas grand-chose en termes agronomiques et économiques. L'intérêt est ailleurs : fairevivre le lieu et ramener du monde sur la ferme. Un risque important, je pense, dans ce type d'installation réside dans les" non-dits " des agriculteurs en place sur ce qu'ils attendent d'une installation complémentaire. Ces attentesinformulées sont par la suite des sources de conflit latent. Je pense à un éleveur hyper déçu du comportement desmaraîchers alors qu'il leur avait prêté des terres. Celui-ci avait des attentes en termes de coups de main ou de relaispour l'astreinte, qu'il n'a pas clairement exprimées aux maraîchers. Ce n'est pas le cas d'Anne et Claire car elles l'ontfait : elles ont fait la formation sur l'association et sont attentives à ça. Pour les moments de la vie quotidienne, commemanger ensemble par exemple, elles ont bien précisé que c'est "de temps en temps".

Propos recueillis par David Fimat.

Ci-dessus, les prairies et vaches d'Emmanuel. Ci-dessous, la parcellede Benoît et Marie (Photo Réseau des Civam normands).

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Le Réseau Agriculture Durable (RAD) créé en 1994, n'existe plus en tant qu'association loi 1901, mais la commission SPEA (Systèmes deproduction économes et autonomes) a vocation à rassembler sur le plan national tous les groupes adhérant à Réseau Civam intéressés pourmarcher ensemble vers des systèmes de production durables. L'administrateur référent de cette commission est Fabrice Bouin, éleveur en Basse-Normandie. Goulven le Bahers en est le coordinateur. Contact : 0144 88 98 61.

par le système de production actuel.Comment se peut-il qu'un système deproduction nourrisse mal un nombrecroissant de ses consommateurs et nepermette pas de vivre à une partie de sesproducteurs ? Quel rôle les acteursagricoles ont-ils à jouer pour répondre àl'enjeu de l'accès de tous à unealimentation de qualité et durable ?Pour répondre à ces questions, avecl'appui du Ministère de l'Agriculture (AAPCASDAR 2015) et de la fondationCarasso, Réseau Civam s'est associé à despartenaires du secteur social, de larecherche et de la formation, autour d'unprojet de recherche-action de trois ans etdemi (2016-2019) : Accessible.Pour caractériser les conditions d'un accèsà l'alimentation pour tous, le projet apermis de dresser un état des lieux :analyser le contexte, mesurer les enjeux,identifier les acteurs, étudier lesdynamiques existantes... Nous avonsensuite conduit six expérimentationslocales, temps fort du projet. Enfin, à partirdes éléments observés et vécus, nousavons élaboré des éléments de transfert,avec deux finalités : outiller les acteurs deterrain dans la conduite de leurs initiativeset contribuer au débat public surl'alimentation en y inscrivant la question del'accès.

Évaluer. Quatre dimensions constitutivesde l'accès ont été repérées et travailléesau fil du projet : les qualités, laparticipation, la prise en compte de laquestion agricole et l'autonomie. C'est àl'aune de ces dimensions que noussouhaitons évaluer les dispositifs d'accès àl'alimentation. Nous construisons pourcela un outil d'autodiagnostic desinitiatives d'accès, sur le modèle dudiagnostic de durabilité mis en place par leRéseau agriculture durable dans les années

2000. Cet outil d'appui à l'animation decollectifs doit permettre de rapprocher lesacteurs et les inviter à penser leursconditions de producteurs et deconsommateurs dans un contexteéconomique, social et environnemental,sur lequel il est possible d'agir. Il a vocationà aider des collectifs à définir des pistesd'action, mais aussi à porter le débat au-delà de leur initiative.Nous affirmons qu'il n'y aura pasd'agriculture durable sans accès durable detous à l'alimentation et réciproquement.

Mélanie Théodore, Réseau Civam,Jean-Claude Balbot, référent agriculteur

du projet Accessible.

* Le récent scandale des faux steaks hachés" vientconfirmer les limites du marché de l'aide alimentaire.La Direction générale de la concurrence, de laconsommation et de la répression des fraudes a levé unproblème de qualité sur des steaks hachés livrés àl'aide alimentaire : ceux-ci étaient constitués de gras, depeau, de soja et d'amidon. En tout 1 500 t de "fauxsteaks hachés", achetés pour un montant de 5,2 M €,par France AgriMer, organisme public rattaché auMinistère de l'agriculture, dans le cadre de la politiquedu Fond Européen d'Aide Aux plus Démunis(FEAD).

L'écho de la recherche

L'agriculture doit aujourd'hui faireconverger performance économique,préservation de l'environnement et santépublique. L'article 230-1 du code rural etde la pêche maritime, le rappelle : "lapolitique publique de l'alimentation vise àassurer à la population l'accès, dans desconditions économiquement acceptables partous, à une alimentation sûre, diversifiée, enquantité suffisante, de bonne qualité gustativeet nutritionnelle, produite dans des conditionsdurables. Elle vise à offrir à chacun lesconditions du choix de son alimentation enfonction de ses souhaits, de ses contraintes etde ses besoins nutritionnels, pour son bien-êtreet sa santé."

État des lieux. Malgré ces ambitions, enFrance, une personne sur cinq serait ensituation d'insécurité alimentaire(baromètre de la pauvreté, IPSOS, 2018).Si l'aide alimentaire est souvent considéréecomme une réponse aux problèmesd'accès à l'alimentation (5,5 millions depersonnes y ont eu recours en 2017 selonla DGCS), elle apparaît cependant de plusen plus controversée. De nombreusesassociations observent les limites de cesystème de redistribution, notamment entermes de qualité et diversité des produits,avec des conséquences sur la santé desbénéficiaires (Etude ABENA, 2012) et parl'aspect stigmatisant du don alimentaire.De son côté, le Réseau CIVAM s'interrogesur le modèle agricole qui sous-tend l'aidealimentaire (appels d'offres tournés versdes industriels*, défiscalisation desinvendus de la grande distribution...) etsouhaite intégrer la question de l'accèsdans ses travaux sur la durabilité agricoleet les systèmes alimentaires territoriaux.Penser conjointement les enjeux del'agriculture et de l'alimentation ne peut sefaire sans donner la voix aux producteurset aux consommateurs les plus malmenés

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La quête de durabilité ne s'arrête pas aux portes de la ferme. Ellese prolonge jusqu'à celui ou celle à qui reçoit la production, etjusqu'au souci de l'accès de tous à une alimentation soutenable.Forts de cette conviction, les acteurs du projet Accessiblequestionnent les dispositifs actuels d'aide alimentaire et proposentun auto-diagnostic des initiatives d'accès à l'alimentation pour tous(… et le film la Part des Autres, lire p.12).

Accès de tous à une alimentation durableLes apports du projet

Entendu durant le projet Accessible : "Si j'avais su qu'avec mon RSA, j'allais aider unagriculteur !", un adhérent du Cabas desChamps, coopérative d'achat initiée dans deuxquartiers populaires de Brest, relatant la visite del'exploitation du maraîcher fournissant les cabas.

. "Comment se nourrissent les gens qui neviennent pas chez nous? " Jean-Claude, éleveuren vente directe, à la retraite.

. "On se félicite presque tous les ans d'avoirdistribués plus de repas à des personnes endifficultés. On devrait se féliciter de l'inverse eton n'y arrive pas", Marc, coordinateur duGroupement des épiceries sociales et solidaired'Auvergne Rhône-Alpes.

Page 12: La lettre de - agriculture durable

A lire, à voir

Lettre d’information trimestrielle publiée par le Réseau CivamAdresse : 17 rue du Bas Village - CS 37725 - 35577 Cesson Sévigné cedexT é l : 02 99 77 39 25 - [email protected] - www.agriculture-durable.orgDépôt légal : à parution / ISSN :1764-2868 / CPPAP n°0921G 81528Directeur de la publica tion : F. Bouin.Conception & relecture : A. Delahais, M. Blin, G. Le Bahers, A. PuelM. Dumas, A. de Marguerye, R. Dieulot, L.Blondel, M. Carré, J-M. Lusson.Animation & mise en forme : A. Puel, J-M. Lusson.Abonnements : D. Falaise.Imprimerie Le Galliard - Cesson Sévigné (35)Imprimé sur papier recyclé avec encres végétales.Reproduction autorisée en mentionnant la source.

Je m 'a bonne□ 6,50 € pour les adhérents des groupes de Réseau Civam□ 13 € pour les non adhérents pour 1 an

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Chèque à l'ordre de Réseau Civam, 17 rue du Bas village, CS 37725, 35577 CESSON-SEVIGNE Cedex.

R e c h e r c h e Formations Agenda

DES IDÉES POURTRANSMETTRE :SI ON RESTRUCTURAIT LES FERMES ?par InPACT (Initiatives pour une agriculture citoyenne et territoriale).

Cette publication montre des fermes ayant connu, à latransmission, une réorientation durable du système deproduction, de l’utilisation de bâtiments et du nombre d’actifs.13 expériences de fermes et 7 initiatives de sensibilisation etd’accompagnement des réseaux InPACT y sont présentées, demanière à repérer quand prendre en compte ce type derestructuration dans le processus de transmission (éveil,émergence, construction, finalisation, reprise/retraite). Mais aussicomment la gérer ou l’accompagner en mobilisant différentesdimensions/compétences (relations humaines, foncier et bâti…)C'est un des trois livrables du projet InPACT "Transmissionagricole : Accompagner la transition". Il s’adresse aux futurs cédantset repreneurs, ainsi qu'aux accompagnateurs avec l’intentiond’ouvrir le champ des possibles : alors que 40% des terreslibérées par un départ partent à l’agrandissement, la transmissionest un moment crucial pour accompagner la transitionagroécologique promue par notre réseau, axée sur lachangement de pratiques et un nombre élevé de paysan.ne.s.80 pages, accessible sur commande dès septembre.Contact : [email protected]

. Tout juste installé en élevage laitier bio àTrébry (Côtes d'Armor), je recherchedeux associés pour développer la transfor-mation fromagère et donner une dimen-sion collective à ce projet. 40 ha, 100 %herbe, 30 VL Montbeliardes. Parrainage oustage paysan créatif possibles.Sylvian Haurat : 06 70 97 04 [email protected]

. Nord d'Angers. Recherche autres por-teurs de projets pour reprise collectived'une ferme de 110 ha actuellement envaches laitières (pas d'association envisa-gée mais entraide souhaitable).Contact : Tual Bertrand,06 24 48 85 75.

Autres annonces surhttp://www.agriculture-durable.org/le-reseau-1/annonces-agricoles/

. 4 et 5 octobre à Vieillevigne (44).A l'invitation des groupes Femmes du Ré-seau, temps fort de l'approche genre de latransition agro-écologique, organisé parFDCivam 44 et Réseau Civam.

. 16-17 octobre : rencontre "finition desanimaux au pâturage" réservée aux produc-teurs au CPIE de Gâtine.

. 5-6 novembre : journée d'échange surla transmission-reprise, Paris.

. 12-13 novembre : rencontre annuelleCivam Systèmes de production économes etautonomes, à Mûrs-Erigné près d'Angers :"Quel avenir pour l'élevage dans 20 ans ?"

LA PART DES AUTRESFilm réalisé par Jean-Baptiste Delpias et OlivierPayage dans le cadre du projet Accessible, 2019.

En 1960, promesse a été faite aux femmes et aux hommes de cepays de les nourrir tous de manière satisfaisante. Le complexeagro-industriel construit pour moderniser l'agriculture ne l'a pastenue. C'est un double appauvrissement que l'on observeaujourd'hui, celui des producteurs et celui des consommateurs.Plus que jamais l'alimentation, qui est au cœur des échangeshumains, possède cette capacité à inclure et à exclure. Elle traceune frontière intolérable entre ceux qui ont le choix et ceux pourqui l'alimentation est source d'angoisse et de honte.Les pieds dans les champs céréaliers de Quentin ou la garrigue deNathalie, au détour d'une discussion sur la bonne nourriture avecDavid, dans le quartier de Keredern à Brest, auprès des bénévoleset dans les files d'attentes de l'aide alimentaire, La Part des Autrespose le regard sur une multitude de situations vécues quiquestionnent le système agricole dans son ensemble, jusqu'àimaginer une sécurité sociale de l'alimentation…80mn. DVD disponible au prix de 10€.Contact : [email protected] venir : vidéos et actesdu séminaire (TRI de juin), outil d’autodiagnostic, etc.

… pour animateurs, conseillers,agents de développement :

. "Apprivoiser les résistances au change-ment pour mieux accompagner,approfondissement",10 sept., Paris.Contact : [email protected]

. "Maîtriser le diagnostic de durabilité" les 3 et 4 octobre en Ille et Vilaine.Contact : [email protected]

. "Construire et conduire un système her-bager économe en bovin allaitant et en-graisser ses animaux à l'herbe" les 9 et 10octobre 2019 en Corrèze (19).Contact : [email protected]

. "Apprivoiser les résistances au change-ment pour mieux accompagner" 16,17,18octobre en Île de France.Contact : [email protected]

Nombreuses autres offres deformations sur le catalogueRéseau Civam 2019 :www.agriculture-durable.org/formations/

BLOC-NOTES

L A L ETTRE DE L’A G RICULTURE DURABLE

Les actifs de la Tournerie, passés,lors de la transmission, de 1 à 11 !(Photo : Freddy le Saux,Terre de Liens Limousin).