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La Lettre du Conseil N°63 04.2017 Editorial du Bâtonnier / Le retour de Bamako ; second volet du séminaire d’échange avec le Mali / Délibération du jury du prix international des droits de l’homme Ludovic-Trarieux 2016 / Brève lecture dans l’évolution du régime juridique de l’investissement direct international / Aspects choisis de la reddition de compte / La modification du droit des raisons de commerce / Gestation pour autrui et intérêt supérieur de l’enfant : un nœud gordien à démêler prudemment / Le retour des instincts primaires / La vie du Barreau en images / L’Individu en droit financier : un statut juridique en perpétuelle évolution / Admissions à l’Ordre des avocats / Méditation de pleine conscience « Contemplaction » pour avocats / Effet de clauses Med-Arb / Modifications des dispositions pénales incriminant la corruption / Le point sur le projet de nouveau palais de justice / La formation juridique dans les universités américaines et en Suisse : quelles particularités ?

La Lettre du Conseil - odage.ch · comme un livre, c’est « une ... Jeanne Arn — Voir l’édito en page 4Voir l’article complet en pages 72 — 81 ... (BPI), et avec le soutien

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La Lettre du Conseil

N°63 04.2017

Editorial du Bâtonnier / Le retour de Bamako ; second volet du séminaire d’échange avec le Mali / Délibération du jury du prix international des droits de l’homme Ludovic-Trarieux 2016 / Brève lecture dans l’évolution du régime juridique de l’investissement direct international / Aspects

choisis de la reddition de compte / La modification du droit des raisons de commerce / Gestation pour autrui et intérêt supérieur de l’enfant : un nœud gordien à démêler prudemment / Le retour

des instincts primaires / La vie du Barreau en images / L’Individu en droit financier : un statut juridique en perpétuelle évolution / Admissions à l’Ordre des avocats / Méditation de pleine conscience « Contemplaction » pour avocats / Effet de clauses Med-Arb / Modifications des

dispositions pénales incriminant la corruption / Le point sur le projet de nouveau palais de justice / La formation juridique dans les universités américaines et en Suisse : quelles particularités ?

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

— Singapore Law Society’s new president Gregory Vijayendran, February 2017

Numéro 63

« There’s a passion about pro bono that is... stronger than in some of the preceding generations. And I think we need to harness that energy, that altruistic energy in a better way

than we have. »

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

Texte — Me Grégoire Mangeat

L’Éditorial du Bâtonnier

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AVRIL 2017

Cette nouvelle Lettre du Conseil vous plaira, j’espère.

L’idée de consacrer ressources et énergies, ne fût-ce que deux fois par année, à la publication d’une revue de qualité peut paraître excessive. Je suis pourtant de ceux qui sont attachés à l’objet. Une revue, toute comme un livre, c’est « une hospitalité qui est offerte, une sorte d’abri que l’on peut emporter avec soi »1. Tenir ces pages entre ses mains, découvrir quelque chose de celles et ceux qui les ont écrites, c’est prendre conscience, de façon autrement plus sensible qu’à travers les lignes d’un écran, de la dimension collective de notre Ordre, de tout ce que nous pouvons réaliser ensemble.

Cette parution coïncide avec la fin d’une première année de bâtonnat haletante et passionnante. Au nombre des joies figure incontestablement le succès de cet événement phare que devient L’Avocat dans la Cité. L’avocat, lorsqu’il prend le temps d’expliquer qui il est et à quoi il sert surprend agréablement son interlocuteur, ce citoyen qui ne savait rien de notre métier jusque-là et qui pensait que l’avocat, c’était pour les autres. Autres sources de bonheur, l’importance prise par la Commission des droits de l’homme, qui doit refuser du monde, et qui porte avec une énergie assez folle de multiples projets qui tous nous grandissent ; mais aussi la nouvelle Commission Innovations et modernisation du barreau, qui nous aide à prendre la mesure des transformations qui nous attendent et dont il faudra essayer de faire une chance.

1 La belle formule est empruntée à l’anthropologue Michèle Petit.

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

De nombreux thèmes, qui peut-être se transformeront un jour en projets, sont sur la table du Conseil. Vous en trouverez quelques-uns à la fin du rapport d’activité 2016-2017 que vous avez reçu.

D’une manière générale, l’entier de l’action du Conseil est guidé par plusieurs exigences fondamentales : l’amélioration de la qualité de nos prestations d’avocat ; l’amélioration de l’image de l’avocat dans le public ; la modernisation de notre barreau, de nos pratiques, et de nos outils ; et la pacification de nos rapports, par la multiplication des occasions d’échanges et de dialogue. Le simple fait de savoir qu’au-delà du Conseil et de son engagement de tous les instants, un nombre toujours plus important de nos membres fassent part de leur désir de participer aux réflexions qui sont à l’origine de ces projets, rend compte de la force de notre vie associative et d’un regain certain des ambitions collectives, en dépit des individualismes et des exigences empressées et dévorantes de notre temps.

Pour faire vivre cette nouvelle Lettre du Conseil, il faut maintenant un véritable comité de rédaction ; des plumes inspirées et inspirantes ; des avocats journalistes qui iront interviewer les acteurs de notre barreau ; qui rendront compte de son actualité, de l’actualité des études qui le composent. J’invite toutes celles et ceux qu’intéresse le double objectif poursuivi par cette nouvelle revue, soit la

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transmission des savoirs et l’échange d’informations sur notre barreau et ses acteurs pour mieux nous connaître, à se manifester. Par l’écriture ou la réécriture de notre (petit) monde d’avocat, nous créons et construisons pour nous et pour les autres.

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

Editorial du BâtonnierMe Grégoire Mangeat

Délibération du Jury du Prix International des Droits de l’Homme Ludovic-Trarieux 2016Me Fanny Margairaz

Aspects choisis de la reddition de compte (art. 400 CO)Me Sofian Ghezala

Gestation pour autrui et intérêt supérieur de l’enfant : un nœud gordien à démêler prudemmentPour la Commission de droit civil et administratif, Me Sophie Montalcini

Le Retour de Bamako ; Second Volet du Séminaire d’Échange avec le MaliPour la Commission des Droits de

l’homme, Mes Philippe Currat, Marie Berger, Fanny Margairaz, Gaetan Droz et

Arnaud Moutinot

Brève lecture dans l’évolution du régime juridique de l’Investissement direct

internationalMe Taoufik Ouanes

La Modification du Droit des Raisons de Commerce

Mes Niels Schindler et Frédéric Ney

4 — 7

12 — 17

18 — 20

21 — 23

24 — 28

29 — 32

33 — 37

Sommaire

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AVRIL 2017

Le retour des instincts primairesM. Christophe Donay

Quels défis pour une meilleure représentation des femmes dans la

profession d’avocatMe Julie Wynne

Admissions à l’Ordre des Avocats

Effet de clauses Med-ArbPour la Commission ADR,

Me Laurent Hirsch

Le point sur le projet de Nouveau Palais de Justice

Patrick Becker, Secrétaire général du Pouvoir judiciaire

La Vie du Barreau en Images

L’individu en droit financier : un statut juridique en perpétuelle évolutionDr Guillaume Braidi

Méditation de pleine conscience « Contemplaction » pour avocatsProf. Benoît Chappuis et M. Boaz Feldman

Modifications des dispositions pénales incriminant la corruptionMe Miguel Oural

La formation juridique dans les universités américaines et en Suisse : quelles particularités ?Me Jeanne Arn

38 — 39

40 — 43

44 — 49

50 — 53

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69 — 71

72 — 80

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

En un Coup d’ŒilTous les faits marquants qui nous ont surpris, fait

sourir ou déçus en un simple coup d’œil

1500%

120« Le multiculturalisme est alors un outil supplémentaire qui permet

d’envisager le monde sous un autre regard. »

Jeanne Arn — Voir l’article complet en pages 72 — 81

C’est à peu près la différence

entre le nombre de saisines

du Bâtonnier genevois et

le nombre de saisines du

Président de l’Association des

avocats zurichois, à nombre

d’avocats égal…

C’est le nombre moyen de dossiers ouverts dans le rôle

du Bâtonnier

Voir l’édito en page 4

« VI. Être heureux. »C’est le titre du chapitre VI du Rapport Haeri sur « L’avenir de la profession

d’avocat » (février 2017)

C’est l’heure de début de l’Assemblée générale 2017 de

l’Ordre des avocats

13:15

Le marché français du droit ne s’est pas rétréci à la mesure de l’augmentation du

nombre d’avocats :

58’596 4.4 Mrd

20141995

Milliards d’€

29’368 1.4 Mrd

Avocats

C’est la proportion de femmes parmi les

avocats stagiaires membres de l’Ordre

des Avocats de Genève

57,8%

11

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69.2918%

C’est le pourcentage d’avocates associées aux Etats-Unis

voir plus en pages 44 — 49

Mille huit cent

« L’instauration de l’interdiction d’exercer habilite désormais la

FINMA à sanctionner spécifiquement les individus(...) »

« Dans les pays anglo-saxons, la méditation est largement

utilisée dans le monde du travail pour aider les professionnels à faire face aux contraintes de

leur métier et les effets délétères qu’elles ont sur eux, en particulier

dans le monde du barreau. »

BAMAKOC’est le nom de la capitale qui est à l’honneur dans ce

numéro. Les membres de l’Ordre ont eu l’occasion de s’y rendre lors du séminaire organisé avec le Mali.

Lire l’article complet en pages 12-17

Le taux de réussite au Certificat de spécialisation en matière d’avocature à la

session de juin 2016

La Phrase qui Nous a Fait Réagir :

Voir l’article complet en pages 59 — 61

1985C’est l’année où le prix Ludovic-Trarieux a été

descerné pour la première fois. Il avait été remis à Nelson Mandela.

Découvrez en pages 18 — 20 à qui le prix 2016 a été descerné

Le tirage de la nouvelle formule de « La Lettre du Conseil »

Pour la Commission des Droits de l’homme, Mes Philippe Currat, Marie Berger, Fanny Margairaz, Gaetan Droz et Arnaud Moutinot

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Le Retour de

Second volet du séminaire d’échange avec le Mali

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

La Commission des droits de l’homme (CDH) œuvre à la protection et la promotion des droits humains en Suisse et à l’étranger. Elle accorde une attention particulière à la « défense de la défense », soit le droit de tout avocat de pouvoir exercer sa profession en toute liberté et en toute indépendance, protégé de toute entrave, intimidation, harcèlement ou ingérence dans ses fonctions professionnelles. C’est dans ce cadre que s’est tenu, du 9 au 13 mai dernier, un séminaire de formation à l’attention d’avocats et procureurs en exercice au Mali.

Cet événement fait suite à la mission de mai 2015, qui avait vu la CDH déléguer deux de ses membres sur place et a fait l’objet d’un article dans la présente lettre du Conseil1. C’est dans une optique de suivi de ce premier échange que la CDH s’est attelée cette année à l’organisation d’un séminaire à Genève, reprenant, avec un nombre plus restreint de participants, le fil de la formation entamée l’année dernière.Les participants se sont vus remettre, sous forme numérique, plusieurs outils pédagogiques élaborés tant par la CDH elle-même que par les différents intervenants, le but du séminaire étant également d’inciter les participants à diffuser l’information reçue à leur retour au Mali.L’événement de cette année s’est tenu en collaboration avec le Barreau pénal international (BPI), et avec le soutien de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA), de la Fédération Suisse des avocats (FSA), de la Direction du Développement et de la coopération (DDC) du Département fédéral des Affaires étrangères de la Confédération suisse, ainsi que de la Ville et du Canton de Genève.L’objectif de cette semaine de formation s’inscrit dans l’objectif de soutien de la défense de la défense, cher à l’Ordre des avocats de Genève, et en particulier à appuyer des avocats œuvrant dans des conditions sensibles et risquées.

tous postes confondus, environ trois cents magistrats également. La création récente, en 2015, des deux pôles de poursuites contre le terrorisme et en matière de criminalité économique s’est faite en redéployant des ressources existantes, non en en créant de nouvelles. Le Mali est confronté à une criminalité ordinaire, le plus souvent du ressort extrajudiciaire des chefs de famille, chefs de village ou chefs religieux locaux. Le recours au juge n’intervient qu’à titre subsidiaire. La présence de groupes armés, terroristes ou djihadistes dans le pays y développe une criminalité multiple, faite de trafics en tout genre, soit notamment de drogue, d’armes et de migrants, qui suivent la boucle du fleuve Niger, voie de communication ancestrale. Cette criminalité emporte une dimension internationale, dans une région où les frontières sont impossibles à surveiller ou à contrôler. Dans ces circonstances, il est nécessaire pour le Mali de développer des capacités d’enquêtes transnationales et de coopération et entraide internationale en matière pénale. Les attaques terroristes, comme la situation de conflit armé dans le nord du pays, ont généré la commission de crimes internationaux, notamment de crimes de guerre, et le pays est également un Etat de situation devant la Cour pénale internationale, laquelle mène un

De manière plus générale, cette formation visait à permettre le renforcement des capacités judiciaires du Mali. Cinq avocats et trois magistrats en exercice ont fait le déplacement, la formation conjointe de procureurs et avocats visant à renforcer leurs capacités à mener leurs missions respectives dans le cadre commun de procès équitables conformes aux standards internationaux en la matière.Un remerciement spécial doit être adressé aux hôtes qui ont généreusement accepté d’accueillir chez eux les confrères et magistrats maliens le temps de cette passionnante semaine.

Le Contexte Malien

La situation au Mali reste extrêmement précaire depuis le coup d’Etat de 2012. Dans le nord du pays, et en particulier dans la région de Tombouctou, c’est une situation de guerre qui demeure. Les différents groupes armés, terroristes et djihadistes, ont également acquis la capacité de frapper la capitale, Bamako. Le pays reste sous-équipé en matière judiciaire. Le Mali est trente-huit fois plus grand que la Suisse, mais seulement deux fois plus peuplé. Néanmoins, l’Ordre des avocats du Mali ne compte que trois cents avocats, quasi exclusivement installés dans la capitale, et l’ordre judiciaire malien,

1 Lettre du Conseil n° 61, Août 2015, p. 36.

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Le pays fait face au défi de devoir coordonner des formes de justice traditionnelle, ordinaire, internationale et transitionnelle, combinées à une nécessité de coopération et d’entraide pénale internationale avec d’autres Etats, tout en étant liée par des obligations de coopération avec la Cour pénale internationale. C’est dans cette constellation que s’intègre l’échange de connaissances initié en 2015 avec la CDH. Le soutien de la MINUSMA, en particulier de sa Division des droits de l’homme, à cette formation est primordial pour assurer la mise en œuvre du suivi dans le travail quotidien des avocats et magistrats dans le pays.

Le Premier Jour

Les thèmes abordés furent variés et la Maison des avocats servit d’écrin à de

procès à l’encontre d’Ahmad AL FAQI AL MAHDI, à qui il est reproché d’avoir participé à la destruction de mausolées de la ville de Tombouctou classés au patrimoine mondial de l’UNESCO2. Le pays est donc également confronté à la justice pénale internationale et aux besoins de coopération avec la Cour pénale internationale. Celle-ci ne visant que les cas les plus graves, le principe dit de complémentarité implique que la Cour n’est compétente que si l’Etat concerné n’a pas la capacité ou la volonté de juger lesdits crimes par lui-même. Enfin, la MINUSMA déploie dans le pays des effectifs importants qui viennent d’être renforcés, le 29 juin 2016, et portés dès lors à plus de 15’000 personnes, militaires et civils, et développe le projet de mise en place de formes de justice transitionnelle3.

nombreuses interventions de qualité.Le lundi 9 mai 2016, après une in-troduction de Monsieur le Bâtonnier Grégoire Mangeat ainsi que de Son Excellence Madame l’Ambassadeur Aya Thiam Diallo, Cheffe de la Mission permanente de la République du Mali auprès des Nations Unies à Genève, Me Philippe Currat, Vice-président de la CDH, Me Xavier-Jean Keïta, Conseil principal, Bureau du Conseil public pour la défense, Cour pénale internationale, ainsi que Me Arnaud Moutinot animèrent un panel sur les droits de la défense. La journée fut clôturée par une inter-vention du Professeur Marco Sassoli, Directeur du département de droit international public et organisation internationale, sur le thème « Le droit international face aux acteurs non étatiques et au terrorisme ».

2 https ://www.icc-cpi.int/fr_menus/icc/situations and cases/situations/icc0112/related-cases/ICC-01_12-1_15/Pages/default.aspx.

3 http ://minusma.unmissions.org.

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

Le Deuxième Jour

La matinée du lendemain, 10 mai 2016, fut consacrée aux visites du Palais des Nations et du musée du CICR, tandis que l’après-midi fut consacré à un atelier sur la compétence universelle, présidé par Me Sandrine Giroud, Présidente de la CDH, et animé par Me Jean-René Oettli, de l’Organisation non-gouvernementale TRIAL, ainsi que Me Alain Werner, de Civitas Maxima.Un mardi soir dans un contexte plus festif aux Halles de l’Île a permis aux organisateurs, participants et intervenants de faire plus ample connaissance avant d’affronter le programme chargé du mercredi.

Le Troisième Jour

Le mercredi fut quant à lui consacré dans un premier temps au thème ô combien essentiel de la déontologie et de l’éthique professionnelle. Sous la présidence de Monsieur le Bâtonnier Grégoire Mangeat furent abordés les thèmes du serment de l’avocat et des règles fondamentales

de l’exercice de la profession par le Prof. Benoît Chappuis, suivi de la surveillance et le contrôle disciplinaire de l’exercice de la profession d’avocat, par Me Jean-Louis Collart, Président de la Commission du Barreau. Le troisième intervenant de la matinée, Monsieur Richard Nsanzabaganwa, Conseiller en coopération internationale auprès du Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale se fit l’écho de l’exposé de Me Jean-Louis Collart s’agissant de l’exercice du métier devant la Cour pénale internationale, évoquant en miroir à la déontologie de l’avocat, les règles éthiques auxquelles les procureurs sont également soumis dans leurs enquêtes.L’après-midi fut consacré aux enquêtes pénales, sous la présidence Me Miguel Oural, le thème étant abordé sous trois angles distincts, soit en matière de criminalité économique, présenté par Monsieur Yves Bertossa, Premier procureur à Genève, en matière de terrorisme, présenté par Monsieur Mahamane Tembine, Substitut du procureur de la République près le Tribunal de Grande

Instance de la Commune VI du District de Bamako, ainsi que en matière des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale, par Monsieur Sylvain Sana, enquêteur en chef à la Cour pénale internationale.

Le Quatrième jour

Le jeudi vit les participants se rendre à Berne, dans les locaux de l’Office fédéral de la justice, pour y rencontrer Monsieur l’Ambassadeur Jürg LINDENMANN, Chef de la délégation suisse à l’Assemblée des Etats parties à la Cour pénale internationale au Département fédéral des affaires étrangères, sous la présidence duquel se tint le panel suivant consacré à la coopération des Etats parties avec la Cour pénale international et au principe de complémentarité. Dans ce cadre intervinrent Madame Florence ALBERTINI et Monsieur Giuseppe AUFIERO, membres respectivement de l’Unité Entraide judiciaire ainsi que de l’Unité Extraditions au sein de l’Office fédéral de la justice. Le panel en question pu également compter sur

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l’intervention de Monsieur Richard NSANZABAGANWA, conseiller en coopération internationale auprès de la CPI.Les participants eurent ensuite la chance d’être accueillis dans les locaux du Ministère public de la Confédération, à l’invitation du Procureur général suppléant de la Confédération Jacques RAYROUD, pour y entendre un exposé de Madame Julie NOTO sur les problématiques traitées par son service en tant que Procureur fédéral responsable du domaine terroriste. Suivit une intervention de Monsieur Jacques RAYROUD sur l’indépendance des Parquets, puis de Monsieur Charles NAVARRO, Procureur fédéral assistant, sur l’entraide judiciaire internationale.Le séminaire fut clôturé par une intervention des participants eux-mêmes avec un exposé sur la lutte contre l’impunité et la répression des violations graves des droits de l’homme au Mali, animé par Monsieur Mahamane TEMBINE,

Substitut du Procureur, suivi d’une analyse de la gouvernance du système judiciaire et la lutte contre la corruption au Mali, animé par Madame Binta DIAKITE, Substitut du Procureur, puis d’une intervention de Monsieur Aldjouma Abdoulaye YALKOUYE, Juge de Paix, sur le rôle et l’établissement de la justice transitionnelle au Mali. Le témoignage personnel du Juge YALKOUYE, lorsqu’il expliquait avoir été le dernier magistrat à quitter la région de Mopti alors en plein conflit et à fuir à pied pour rejoindre le Niger après une traversée du désert de près de 400 km, a été un moment particulièrement fort.

Une expérience à réitérer et des remerciements

S’agissant du deuxième volet d’un programme entamé l’année dernière, la CDH se félicite de l’énergie et de l’enthousiasme déployé par les parti-cipants tout au long du séminaire et des échanges fructueux qui y furent entretenus.

Les liens tant professionnels qu’amicaux tissés entre nos barreaux respectifs témoignent d’un projet dont les deux premiers volets appellent un suivi régulier et soutenu.Cet événement n’aurait pas été possible sans le soutien des différentes institutions suivantes que nous tenons à remercier chaleureusement :— Le Département fédéral des affaires

étrangères et en particulier la Direction du développement et de la coopération (DDC) ;

— Le Ministère public de la Confédération ;

— L’Office fédéral de la justice ;— La MINUSMA ; — La République et canton de Genève ;— La Ville de Genève ;— La Fédération Suisse des Avocats ;— Le Barreau pénal international.

Ce remarquable évènement n’aurait pas pu voir le jour non plus sans la participation sans faille des nombreux intervenants qui ont accepté de venir partager leur expertise. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés.

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Délibération du Jury du Prix International des Droits de l’Homme Ludovic-Trarieux 2016

Texte — Fanny Margairaz

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Le 4 juin 2016 s’est tenue à Athènes la délibération du Jury du Prix International des droits de l’homme Ludovic-Trarieux 2016. Me Isabelle BÜHLER GALLADÉ et Me Fanny MARGAIRAZ y ont représenté l’Ordre des avocats de Genève, membre du Jury depuis 2013.

— Fanny MargairazFanny Margairaz est avocate chez Mangeat Avocats.Après des études de droit partagées entre les universités de Genève, de Lucerne et de Sheffield, elle obtient son brevet d’avocat en 2012 et rejoint son équipe actuelle. Depuis 2011, elle est également membre de la Commission des droits de l’Homme de l’ODAGE.

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

de subversions contre l’État, un crime passible de la prison à vie. Dans la foulée de son arrestation, une centaine d’autres avocats chinois avaient été arrêtés dans un mouvement de répression sans précédent à l’encontre des avocats et défenseurs des droits de l’homme en Chine, qui fut désigné plus tard comme le « 709 crackdown », en référence à la date du 9 juillet.Me Wang YU, 45 ans, a été élue dès le premier tour. Le jury a voulu distinguer « l’opiniâtreté dans le courage d’une femme qui, avocate de droit commercial à ses débuts, a décidé qu’elle ne pouvait plus se taire dans le confort et a choisi d’exposer sa liberté pour défendre les droits des enfants et des minorités persécutées ».

Fondé en 1984 par l’Institut des droits de l’homme du barreau de Bordeaux, le Prix avait été remis pour la première fois en 1985 à Nelson MANDELA. Il est aujourd’hui remis annuellement par un jury composé de représentants des barreaux de Paris, de Bordeaux, d’Amsterdam, de Berlin, de Bruxelles, de Genève, de Luxembourg ainsi que de l’Unione forense per la tutela dei diritti dell’uomo (Rome), de l’Institut des droits de l’homme des avocats européens (IDHAE) et de l’Union internationale des avocats (UIA). Cette année, le Prix a été décerné à l’avocate chinoise Wang YU, défenseur des droits de l’homme arrêtée le 9 juillet 2015 et inculpée

En parallèle de la délibération du jury, les membres ont également signé les statuts de la nouvelle Académie internationale des droits de l’homme Ludovic-Trarieux, desti-née à reprendre à l’avenir l’organisation de la remise du Prix.Le nombre croissant de dossiers reçus par le Jury avait en effet mené au constat, en 2015, que le régime existant n’était plus adapté à la charge que représentait l’organisation de la remise du Prix, lequel demande pratiquement un travail à temps complet de mars à novembre (ou décembre) chaque année.

La nouvelle Académie sera ainsi désormais chargée d’assurer l’organisation, la permanence mais aussi la pérennité du Prix.

Hommage des avocats à un avocat, Prix International des droits de l’homme Ludovic-Trarieux est décerné depuis plus de trente ans à « un avocat sans distinction de nationalité ou de barreau, qui aura illustré par son œuvre, son activité ou ses souffrances, la défense du respect des droits de l’homme, des droits de la défense, la suprématie du droit, la lutte contre les racismes et l’intolérance sous toutes leurs formes ».

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L’investissement direct international (IDI)2, est un élément important des relations économiques et financières mondiales. Un rapide survol de l’évolution des composantes normatives de son régime depuis le début du XXe siècle révèle une grande fécondité conventionnelle bilatérale mais, à l’opposé, une grande stérilité multilatérale et coutumière. Ces deux remarques peuvent se vérifier en se penchant sur l’évolution des normes de ce régime et sur les modes de règlement des différends issus des IDI.

Brève lecture dans l’évolution du régime juridique de l’Investissement direct international Texte — Me Taoufik Ouanes1

1 Avocat au Barreau de Tunis, membre du Comité de la Section des barreaux étrangers à Genève (SABE), arbitre au Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI).

2 Aux fins de ce texte, nous adoptons, à l’instar de l’OCDE, cette expression générique par commodité de rédaction et afin de ne pas se lancer dans les nuances des définitions de l’investissement étranger qui n’ont pas lieu d’être dans cet article.

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

L’évolution des normes du droit substantiel

Le problème de la protection de l’IDI est apparu entre la fin du 19e et le début du 20e siècle. L’IDI était juridiquement assimilé à l’activité commerciale internationale et les normes qui l’ont régi jusque vers la moitié du siècle dernier se rattachaient à deux institutions du droit international de nature coutumière :

— La « protection diplomatique » et ses modalités de mise en œuvre (la nationalité des réclamations et l’épuisement des recours internes)3 et,

— les « standards minimum » de traitement des étrangers et de leurs biens.

A côté de ce régime général, ont existé des régimes résiduels, aujourd’hui disparus, appelés « régimes de capitulation ». Ces régimes consistaient en un statut « d’extraterritorialité » octroyé par des arrangements conventionnels spéciaux aux IDI des Etats occidentaux dans les pays afro-asiatiques restés indépendants. Ces arrangements accordaient des traitements privilégiés au-delà de ceux prévus par le régime du droit coutumier. Excepté ce cas particulier, et malgré toutes ses scories, le régime du droit coutumier a pu, en général, répondre aux besoins juridiques de protection des IDI. Le statu quo normatif en place a pu être maintenu, globalement jusqu’à la décolonisation. A la fin de la deuxième guerre mondiale et à la suite de la décolonisation, les nouveaux Etats ont déclenché un vaste mouvement pour instaurer un « Nouvel Ordre Economique International » qui comporte aussi une volonté de refondre le régime de l’IDI. A cet effet et sur le plan des législations nationales, ces pays ont promulgué des lois et édicté des mesures administratives (fiscales, douanières sociales et autres) tendant à contrôler l’IDI et à limiter les profits des investisseurs.Dans le même esprit, et dans leurs efforts de promouvoir des changements normatifs au droit de l’investissement international, ces pays ont œuvré à promouvoir des

principes tels que la « Souveraineté permanente sur les ressources naturelles » (Résolution 1803 (XVII) de 1962) et la « Charte des droits et devoirs économiques des Etats »4 (Résolution A/RES/3281 (XXIX) de 1974). Ces instruments ont pu « … jouer le rôle d’un premier pas ou d’une première étape dans la recherche de réponses normatives »5. En effet, certaines normes contenues dans ces instruments ont acquis une valeur juridique non contestée comme l’acceptation généralisée du droit à la nationalisation pour raison d’utilité publique. De même était accepté un « pouvoir régulateur » de l’Etat afin d’empêcher que les IDI ne portent préjudice aux droits légitimes à la protection de l’environnement, de l’hygiène publique et des droits sociaux des citoyens. Le large débat ne portait pas essentiellement sur les principes du droit à la nationalisation des IDI et le droit à une indemnisation, mais les points d’achoppement se sont cristallisés plutôt et surtout autour des critères et des conditions d’indemnisation suite à des nationalisations6. La « révolution cybernétique » et les évènements historiques de la fin du 20e siècle sont venus fortement influer le régime des IDI et les normes de son droit substantiel. La mondialisation et la multiplication des échanges et des investissements internationaux ont engendré aussi l’intégration d’un grand nombre de pays dans le cycle des relations économiques et financières mondiales. Ceci a généré un accroissement spectaculaire de la demande des IDI. Les Etats en voie de développement, avaient besoin de l’IDI afin de résoudre leurs problèmes de

croissance. Les développés ont fait de l’IDI une véritable politique économique nationale7. Ceci s’est traduit par une grande concurrence pour attirer les IDI en offrant des privilèges et des incitations de plus en plus importants. De ce fait, on a assisté à une conclusion massive de traités d’investissement bilatéraux8 ainsi qu’à une certaine répugnance à la conclusion de traités multilatéraux en la matière9. Cette situation a causé une multiplication erratique et atomisée des normes de droit substantiel, surtout celles du droit applicable. Sur le plan de la consolidation et de la promotion des normes du droit substantiel du régime des IDI, le bilan est plutôt mitigé : ni un statuquo rigide pour la pérennité du droit international classique, ni une refonte normative significative de ce régime. Le pragmatisme et l’individualisation des accords d’investissement demeurent la pratique générale.Une grande disparité dans les décisions relatives au contentieux des IDI a vu le jour. A force d’être spécifiques et parcellisées, ces décisions sont encore insuffisantes pour constituer une jurisprudence uniforme et confirmée afin d’être considérée comme une source de normes du droit international de l’investissement.Dans un tel contexte, la disparité des décisions s’explique aussi par des causes propres à l’évolution des modes de règlement des différends relatifs aux IDI. La question de l’attribution de la compétence pour connaitre de ces différends et le choix par les parties du mode de règlement ont aussi joué un rôle déterminant dans l’évolution de droit international de l’investissement.

3 Le fait que la Commission du droit international des Nations Unies se saisisse pour, en codifier les règles et en explorer les pistes de développement progressif, témoigne de ce caractère coutumier.

4 Castaneda Jorge, La Charte des droits et des devoirs économiques des États. Note sur son processus d’élaboration, Annuaire français de droit international, Année 1974, Volume 20, Numéro 1, p. 31 ss.

5 Abi-Saab Georges, Le développement du droit international, Réflexions d’un demi-siècle », Recueil d’articles réunis par Kohen Marcello K. et Jesko Langer Magnus, Volume I., 1ère ed. PUF 2013, p.136. Pour de plus amples développement sur le rôle la « soft law » en général, voir « Eloge du “droit assourdi” : quelques réflexions sur le rôle de la “soft law” en droit international contemporain » ibid. p. 137 ss.

6 Les caractéristiques de l’indemnisation ne font pas encore de consensus dans la doctrine ni dans la jurisprudence. Si le principe de l’indemnisation « juste » n’est pas ouvertement contesté, les paramètres d’évaluation et de calcul des indemnités ne font pas encore de consensus clair (inclut-on le manque à gagner par exemple ?). Par ailleurs, la promptitude de l’indemnisation et ses caractéristiques font encore d’âpres débats.

7 Le flux des investissements dans les pays développés à économie de marché représentent 80% de la totalité de l’investissement mondial. Ces investissements se font surtout de façon croisée, ou « multidirectionnels » entre le Japon, les Etats-Unis et l’Europe. A ce propos il faut souligner le rôle déterminant des multinationales.

8 Avec l’exception de la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d’autres États (1965) ce sont les traités d’investissement bilatéraux qui sont utilisés pour la protection des investissements étrangers. Le nombre de ces traités bilatéraux d’investissement a considérablement augmenté et on l’estime actuellement à plus de 3000 traités.

9 Un exemple significatif de cette résistance est l’échec des tentatives de l’OCDE dans les négociations sur les projets de textes pour un Accord multilatéral sur l’investissement (AMI). Ne pouvant pas aboutir, ces négociations se sont arrêtées en décembre 1998. Cf. Note du Secrétariat de l’OCDE, DAFFE/MAI(98)7/REV1.

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L’évolution des modes de règlement des différends

Longtemps revendiquée par les Etats d’accueil, la compétence nationale exclusive (administrative et judiciaire), pour connaitre du contentieux de l’IDI, a fait l’objet de fortes mises en cause. En droit classique, une telle compétence ne pouvait être contrée qu’une fois le différend est « internationalisé » par le truchement de la protection diplomatique. Ce mécanisme à deux niveaux (national puis interétatique) a été jugé inadéquat car il implique, une (ou plutôt deux procédures) longues et tortueuses. En plus, l’octroi

de la protection diplomatique reste toujours l’apanage de la volonté souveraine de l’Etat national. Ces deux éléments ne répondent plus aux exigences de la multiplication de ces différends et à l’urgence de leur règlement. Le système de la mise en œuvre de la protection diplomatique est devenue donc un mode accessoire et peu usité pour la protection de l’IDI cédant largement la place à l’arbitrage international et aux modes alternatifs de règlement des différends (ADR) tels que la conciliation et la médiation. Dans cette optique, la conclusion de la Convention de Washington de 1965 était un élément fondamental pour esquiver le « passage obligé » de la protection diplomatique en permettant un accès direct de l’investisseur étranger aux modes

d’arbitrage ou de conciliation prévus par cette convention. Afin de garantir le maximum d’efficacité, la Convention a créé un mécanisme multilatéral : Le Centre International de Règlement des Différends Relatifs aux Investissements (CIRDI). Obéissant à la même logique, on ne le répètera jamais à satiété, les traités bilatéraux d’investissement, contiennent quasi-systématiquement des clauses d’arbitrage et/ou de conciliation. Ce texte a tenté une lecture rapide et non exhaustive de l’évolution du régime des IDI en essayant d’identifier ses grandes tendances.

La première tendance se situe sur le plan des normes du droit substantiel ; la stérilité normative conventionnelle multilatérale et coutumière est sans commune mesure avec la multiplication exponentielle des IDI en termes d’importance financière et de diversité géographique. Par contre, la fécondité normative conventionnelle bilatérale a atteint un chiffre très important, ce qui risque de rendre chaque IDI sui generis non seulement dans ses volets économiques et techniques, mais aussi dans son volet normatif. Cette situation peut, en partie, s’expliquer par l’absence d’un droit international de l’investissement bien établi dans des normes conventionnelles multilatérales et se nourrissant d’une riche « nappe phréatique » de normes coutumières. Même si cette réalité juridique offre

une très large marge à la liberté de négociation et au pragmatisme économique, elle risque de nucléariser, encore plus, les normes substantielles du droit international de l’IDI10. Ceci est de nature à introduire une certaine insécurité juridique aussi bien sur le droit applicable que sur les modes de règlement des différends. La deuxième tendance de l’évolution du régime des IDI se situe sur le plan des modes de règlement des différends. Les mécanismes classiques des standards minimum et de la protection diplomatique pour protéger les IDI semblent largement abandonnés au profit d’un recours quasi-systématique à l’arbitrage. Certes, l’arbitrage international et ses caractéristiques offrent d’immenses avantages. Cependant l’accroissement phénoménal du contentieux arbitral (surtout ad hoc) laisse penser qu’une petite dose de « judiciarisation » pourrait être avantageusement instillée. Cette idée a déjà commencé à faire son chemin dans les négociations en cours du traité de Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement entre les Etats Unis et l’Union Européenne (en anglais TTIP ou TAFTA). En effet, le 12 novembre 2015 lors de ces négociations, l’Union Européenne a fait une proposition pour la protection des investissements et la mise en place d’un système juridictionnel pour le règlement des différends en matière d’investissement. Une autre démarche dans le même sens a consisté à proposer un organe « pérenne » pour connaitre des recours en annulation des sentences arbitrales rendues dans le cadre du CIRDI, à l’instar du mécanisme des panels de l’OMC. Le fait que plusieurs pays soient à la fois pays d’origine et d’accueil des IDI, laisse penser qu’un certain équilibre normatif pourrait se profiler dans le cadre des relations de l’investissement international. Le clivage n’étant plus pays riches vs pays pauvres, le régime juridique de l’IDI, tout en continuant à être en perpétuelle mutation, tendra peut-être vers un équilibre viable entre la protection des intérêts publics légitimes des Etats d’accueil et la protection, toute autant légitime, des intérêts des investisseurs étrangers.

10 A ce propos, un effort de développement et de promotion des règles des « standards minimum » serait bénéfique et il serait intéressant d’approfondir la contribution de la doctrine et de la jurisprudence dans ce domaine.

« A la fin de la deuxième guerre mondiale et à la suite de la décolonisation, les nouveaux Etats ont déclenché un vaste mouvement pour instaurer un “Nouvel Ordre Economique International” qui comporte aussi une volonté de refondre le régime de l’IDI. »

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Selon l’art. 400 al. 1 CO, le mandataire est tenu, à la demande du mandant, de lui rendre en tout temps compte de sa gestion et de lui restituer tout ce qu’il a reçu de ce chef, à quelque titre que ce soit. Cette disposition prévoit ainsi un devoir de rendre compte et un devoir de restituer à la charge du mandataire. Après quelques rappels généraux concernant ces devoirs, nous examinerons la question de l’obligation du mandataire de restituer des rétrocessions et finder’s fees perçus, ainsi que celle de l’éventuelle remise de ses notes internes (sections II à IV).

Aspects choisis de la reddition de compte (art. 400 CO)Texte — Me Sofian Ghezala

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Les modalités de la reddition de compte ainsi que le droit de rétention et de compensation du mandataire seront ensuite analysés, notamment sous l’angle de la possibilité pour l’avocat de compenser le cas échéant ses honoraires avec les provisions reçues de son client (section V). Notre exposé se portera ensuite sur l’opposabilité, sous certaines conditions, du secret professionnel de l’avocat et du banquier pour faire face à une demande de reddition de compte des héritiers d’un défunt client (section VI). Les aspects procéduraux d’une action en reddition de compte seront enfin traités, y compris s’agissant de l’épineuse

question des mesures provisionnelles et de la requête en cas clair (section VII).

L’obligation de rendre compte

Par le biais des renseignements qui lui sont transmis, le mandant doit pouvoir vérifier si l’activité du mandataire correspond à une bonne et fidèle exécution du mandat.1 L’information reçue doit être véridique et complète2, ce afin de permettre au mandataire d’éventuellement réclamer des dommages-intérêts pour mauvaise exécution du mandat. Une partie de la doctrine considère que le mandataire

doit même fournir des informations sur ses propres manquements dans la gestion du mandat.3 Les renseignements fournis permettent en outre au mandataire de connaître l’objet de l’obligation de restitution examinée ci-dessous.4 Dressé par écrit, le compte-rendu de l’activité du mandataire doit être accompagné des pièces justificatives, sauf dans des cas exceptionnels où il ne serait pas d’usage d’en établir.5 Selon le Tribunal fédéral, « il suffit, pour l’établir, des notes écrites que le mandataire est tenu de prendre au sujet de sa gestion ».6 Si le mandat implique la gestion de valeurs

1 ATF 139 III 49, JdT 2014 II 217, consid. 4.1.2.2 TERCIER et al., Les contrats spéciaux, 4ème éd., 2009, p. 775, n°5164.3 WEBER, Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 6ème éd., 2015, N 4 ad art. 400 ; WERRO, CR CO I, 2ème

éd., 2012, n°4 ad art. 400. 4 ATF 141 III 564, consid. 4.2.1.5 ATF 110 II 181, JdT 1984 I 488, consid. 2 (mandat fondé sur une procuration générale entre une mère et

son fils : l’obligation de rendre compte sur la base de pièces justificatives a été confirmée même dans un tel cas de proche parenté).

6 Ibid.

— Sofiane Ghezala2006 Certificat de Droit Transnational à Genève2008 Master en Droit international et européen à Genève2008 stage d’avocat à l’Etude Mentha & Associés2011 Collaborateur chez LALIVE2014 LL.M à Berkeley

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financières, le mandataire doit être en mesure de fournir à tout moment des décomptes détaillés, sur la base des justificatifs idoines.7

Le mandant n’a pas à justifier d’un intérêt particulier pour formuler sa demande de reddition de compte, sous réserve des cas d’abus de droit, telle une requête chicanière.8 Le Tribunal fédéral a par exemple confirmé l’existence d’un comportement abusif dans le cas d’un client se prévalant du caractère soi-disant insuffisamment détaillé des notes d’honoraires de son ancien avocat (lesquelles comportaient un « relativement haut degré de détails », selon l’autorité cantonale supérieure), alors même que le client ne les avait pas contestées durant plus de deux ans.9

L’obligation de restituer

— En général

L’obligation de restituer à la demande du mandant porte sur tout ce que le mandataire peut avoir acquis ou reçu lors de la conclusion ou de l’exécution du mandat, notamment le solde de provisions ou d’avances et tout avantage reçu de tiers, y compris des rabais ou d’éventuels pots-de-vin octroyés par des tiers. Outre les biens reçus, la restitution porte également sur ce que le mandataire a lui-même créé, tels que des rapports, plans, radiographies, etc.10 Seuls les objets ou valeurs qui ne sont pas intrinsèquement liés au mandat sont exclus du devoir de restitution ; il en va ainsi des cadeaux d’usage de tiers.11

— Les rétrocessions et finder’s fees

Au titre des avantages indirects, la jurisprudence s’est penchée sur le cas des rétrocessions et finder’s fees (rémunération unique pour apport de clients ou de nouveaux avoirs) pouvant être perçus le mandataire, notamment par le gérant de fortune externe d’une banque dépositaire. Le Tribunal fédéral a conclu que de tels avantages doivent en principe être remboursés au mandant, et ce quand bien même ils seraient usuels dans la branche considérée.12 Le fait que le tiers – à savoir typiquement la banque de dépôt – considérerait dans un cas donné que

ces avantages devraient uniquement bénéficier au gestionnaire de fortune ne modifie pas cette conclusion. Ces avantages doivent être restitués immédiatement au mandant, et non seulement à la fin du mandat.13 Une renonciation anticipée à la restitution des rétrocessions est possible, à des conditions strictes. Sous peine de nullité, une renonciation doit, selon le Tribunal fédéral, mentionner précisément les paramètres « nécessaires pour calculer le montant global des rétrocessions et permett[re] une comparaison avec les honoraires convenus pour la gestion de fortune ». Le mandant doit ainsi être informé à l’avance des « valeurs déterminantes des conventions de rétrocessions passées avec des tiers ainsi que de l’ordre de grandeur des restitutions escomptées », cette « dernière exigence [étant] satisfaite (…) lorsque le montant des rétrocessions escomptées est indiqué dans un pourcentage de la fortune gérée ».14 Alors qu’un client rompu à la finance pourra être valablement informé par la communication des données techniques précitées, un devoir d’information accru des paramètres applicables et des relations avec les tiers sera exigé face à un client inexpérimenté.15

La production de documents internes

Selon le Tribunal fédéral, le devoir de rendre compte du mandataire peut « porter sur la teneur de documents internes pour autant qu’elle soit pertinente pour contrôler les activités du mandataire ».16 Des documents purement internes, tels que des projets de contrats qui n’ont jamais été adressés, n’y sont toutefois pas soumis. Notre Haute Cour a également retenu que l’obligation de restituer ne porte en principe pas sur de tels documents ;

7 TERCIER et al., Les contrats spéciaux, 4ème éd., 2009, p. 775, n°5165. 8 Arrêt du Tribunal fédéral 4C.206/2006 du 12 octobre 2006, consid. 4.3.1 et 4.3.2. 9 Arrêt du Tribunal fédéral 4A.144/2012 du 11 septembre 2012, consid. 3.2.2 et 3.2.3.10 TERCIER et al., Les contrats spéciaux, 4ème éd., 2009, pp. 775-776, n°5168.11 FELLMANN, Berner Kommentar, Der einfache Auftrag, Art. 394-406 OR, 1992, n°127.12 ATF 132 III 460, JdT 2008 I 58, consid. 4.3 ; ATF 137 III 393, JdT 2012 II 168, consid. 2.1.13 Arrêt du Tribunal fédéral 4C.125/2002 du 27 septembre 2002, consid. 3.1.14 ATF 137 III 393, JdT 2012 II 168, consid. 2.4.15 Ibid., consid. 2.5.16 ATF 141 III 564, consid. 4.2.1.17 ATF 139 III 49, JdT 2014 II 217, consid. 4.1.3 et 4.2.2.18 Ibid.19 Pour la comparaison de ces intérêts, cf. FELLMANN, Berner Kommentar, Der einfache Auftrag, Art. 394-

406 OR, 1992, n°19 et 79. 20 Arrêt du Tribunal fédéral 5C.305/2005 du 18 avril 2006, consid. 2.2. ; ATF 133 III 37, consid. 3.2.21 GUGGENHEIM, Les contrats de la pratique bancaire suisse, 5ème éd., 2014, n°519-520 ; voir également

FELLMANN, Berner Kommentar, Der einfache Auftrag, Art. 394-406 OR, 1992, n°168 et 170.22 WEBER, Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 6ème éd., 2015, N 17 ad art. 400 ; WERRO, CR CO I,

2012, N 19 ad art. 400.23 MOREILLON, Le droit de rétention de l’avocat, in : L’avocat moderne, Regard sur une profession dans un

à titre illustratif, il a exclu à ce titre les études préalables, les notes, les projets, le matériel rassemblé et la comptabilité du mandataire.17

Cela étant, les obligations de rendre compte et de restituer ne se recouvrent pas entièrement, la première étant plus large que la seconde. Ainsi, le mandataire peut être amené à devoir rendre compte de relevés internes (tels que des comptes-rendus de visites de clients ou des protocoles d’entretiens téléphoniques) afin de permettre au mandant de contrôler son activité, alors même que ces relevés ne sont en principe pas soumis à l’obligation de restitution. Si les circonstances du cas concret justifient une telle obligation de rendre compte, le Tribunal doit encore procéder à une pesée des intérêts pour déterminer si le document interne doit être présenté au mandant, et dans l’affirmative, sous quelle forme (extraits, relevés déterminés, etc.).18 Cette pesée d’intérêts opposera l’intérêt du mandataire au maintien du secret à l’intérêt du mandant à pouvoir vérifier l’activité de ce dernier, respectivement à être en mesure d’émettre ses prétentions sur la base des documents internes litigieux.19

Modalités, droit de rétention et compensation

Les obligations de rendre compte et de restituer se prescrivent par dix ans à compter de la fin du mandat (art. 127 CO).20 L’action en revendication de l’art. 641 al. 2 CC pour des biens meubles confiés au mandataire est imprescriptible ; il en va ainsi en principe de papiers-valeurs conservés dans un dépôt ouvert.21

Le mandataire peut conserver une copie des documents originaux restitués à son mandant22 et exiger le rembourse-ment de ses frais de photocopie pour des documents lui appartenant.23

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monde qui change, CHAUDET/RODONDI (Dir.), pp. 167-175, p. 170.24 ATF 122 IV 322, JdT 1998 IV 109, consid. 3.25 BOHNET/MARTENET, Droit de la profession d’avocat, 2009, n°2869.26 Arrêt du Tribunal fédéral 5A_367/2007 du 15 octobre 2007, consid. 3.2.27 CHAPPUIS, La profession d’avocat, Tome I, Le cadre légal et les principes essentiels, 2013, p. 89 ; arrêt de

la Cour de Justice de Genève ATA/569/2014 du 29 juillet 2014, consid. 5d.28 ATF 135 III 597, consid. 3.1 ; ATF 133 III 664, SJ 2008 I 98, consid. 2.5.29 ATF 133 III 664, SJ 2008 I 98, consid. 2.5 ; ATF 89 II 87, consid. 6.30 ATF 135 III 597, consid. 3.3 et 3.4 ; contra : WERRO, CR CO I, 2012, N 5a ad art. 400, nbp 14, qui estime

que seuls les éléments relevant de la protection de la personnalité du défunt mandant devraient être opposables aux héritiers.

31 ATF 135 III 597, consid. 3.3.32 Cf. Art. 13 al. 1 LLCA, art. 166 al. 1 let. b CPC et 171 al. 4 CPP.33 Arrêt du Tribunal fédéral 1B_447/2015 du 25 avril 2016, consid. 2.1.4.34 ATF 135 III 597, consid. 3.3 et 3.4.35 Arrêts du Tribunal fédéral 4A_288/2012 du 9 octobre 2012, consid. 2.7 et 5A_768/2012 du 17 mai 2013,

consid. 4.1.36 BOHNET, CPC commenté, 2011, n°8 ad art. 85.37 Arrêt du Tribunal fédéral 4A_288/2012 du 9 octobre 2012, consid. 3.3.38 Arrêt du Tribunal fédéral 4A_132/2015 du 8 janvier 2016, consid. 5, traduit et résumé in : SJ 2016 I 229 ;

arrêt de la Cour de Justice de Genève ACJC/407/2012 du 23 mars 2012, consid. 5.1 et les réf. citées.39 SJ 2016 I 229, op. cit., consid. 5.40 ACJC/407/2012, op. cit., consid. 5.2 et 5.3.

Le mandant dont les honoraires, dépens et/ou frais n’auraient pas été acquittés peut faire valoir le droit de rétention de l’art. 895 CC sur les objets réalisables (objets d’art, tableaux, etc.) qui lui ont été confiés, à condition que sa créance exigible – voire non encore exigible en cas d’insolvabilité (art. 897 al. 1 CC) – soit dans un rapport naturel de connexité avec la chose retenue. Ce droit est exclu pour les objets non réalisables, tels que des documents ou de la correspondance.24 Le cas échéant, l’exception d’inexécution de l’art. 82 CO peut également entrer en ligne de compte, à l’instar de l’avocat refusant valablement de transmettre à son client un projet d’acte judiciaire (non urgent) ou d’avis de droit faute pour le client de s’être acquitté de l’acompte convenu.25 Cette exception ne s’applique cependant pas aux pièces d’un dossier, car leur restitution est sans rapport d’échange avec l’obligation du mandant de payer les honoraires.26 Aux conditions de l’art. 120 CO, le mandataire peut par ailleurs compenser ses créances avec ce qu’il doit restituer. Ainsi, l’avocat pourra compenser ses honoraires exigibles contre des provisions soumises à restitution. Ce faisant, il prendra garde de respecter son devoir d’information en évitant en particulier une brusque compensation sans préavis à la fin du mandat ; il s’abstiendra par ailleurs de compenser des avoirs nécessaires à l’entretien du client ou de sa famille.27

Le secret professionnel opposé aux héritiers

De jurisprudence constante, le droit à la reddition de compte subsiste après la fin du mandat et se transmet aux hé-ritiers du mandant en vertu du principe de l’universalité de la succession.28

En matière bancaire, le droit des héritiers aux renseignements porte sur tout ce qui a trait au patrimoine du défunt client, ce afin de leur permettre de faire valoir leurs droits dans la succession. Le banquier ne peut ainsi retenir que les informations strictement personnelles qui lui auraient éventuellement été confiées par son client.29

Quant au secret professionnel de l’avocat, il est opposable aux héritiers si les informations couvertes ont trait à l’activité professionnelle spécifique de l’avocat (représentation en justice, conseil juridique), mais non si les renseignements requis portent sur des services rendus au défunt hors de ce cadre, soit par exemple lorsque ces services auraient pu être fournis par des gérants de fortune, des fiduciaires ou des banquiers, telles que l’administration de sociétés ou la gestion de fortune.30 Le cas échéant, l’avocat devra procéder à une reddition de compte partielle, en retranchant les renseignements et documents relatifs à son activité typique.Dans ce contexte, le Tribunal fédéral rappelle que l’avocat ayant œuvré pour le de cujus dans le cadre de son activité typique est tenu d’opposer son secret professionnel à ses héritiers sous peine d’une violation de l’art. 321 al. 1 CP, sauf si le client avait de son vivant délié l’avocat de son secret ou si l’autorité de surveillance a par écrit autorisé la levée du secret (art. 321 al. 2 CP).31 Même délié de son secret, l’avocat peut toutefois choisir – sauf en cas d’abus de droit – de ne pas révéler les faits concernés récoltés en lien avec son activité professionnelle spécifique32 ; en ce cas, ni l’héritier ni l’autorité de surveillance ne peuvent le contraindre à témoigner33 ou à rendre compte34.

Aspects procéduraux

Le droit aux renseignements et à la reddi-tion de compte de l’art. 400 CO constitue un droit accessoire indépendant, qui peut en tant que tel faire l’objet d’une action en exécution. Ce droit matériel – et non de nature procédurale – peut être exercé par le biais d’une action indépendante ou à titre préjudiciel.35 Dans cette seconde hypothèse, soit celle d’une action dite échelonnée, la demande de renseigne-ments et/ou de pièces visera typiquement à permettre au demandeur de chiffrer ultérieurement ses prétentions dans le cadre de la même procédure (action en paiement non chiffrée de l’art. 85 CPC).36

En lieu et place du cas « classique » d’une action en reddition de compte par voie de procédure ordinaire, le plaideur peut agir par le biais de la procédure sommaire en cas clair lorsque, selon le texte légal de l’art. 257 al. 1 CPC, (a) l’état de fait n’est pas litigieux ou est susceptible d’être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. D’après le Tribunal fédéral, cette « seconde condition est réalisée si l’application de la norme au cas concret s’impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d’une doctrine et d’une jurisprudence éprouvées ».37 Tel sera le cas si le mandataire refuse de fournir sans motif les informations dues, mais non lorsque le droit à l’information est disputé ou si la reddition de compte nécessite l’exercice d’un certain pouvoir d’appréciation, respectivement d’une décision en équité, de la part du juge.38 A ainsi été déclarée irrecevable une action en reddition de compte portant sur un contrat aux limites imprécises entre un avocat et son client (pouvoir d’appréciation requis)39 ou encore une demande de renseignements par le client d’une banque quant à la motivation de la résiliation du mandat par celle-ci (droit au renseignement incertain)40.

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

41 Art. 324 al. 2 let. b aLPC/GE ; ATF 138 III 728, consid. 2.7.42 ATF 141 III 564, consid. 4.2.2.43 Ibid.

Par ailleurs, alors que l’ancienne loi de procédure civile genevoise permettait au juge d’ordonner la reddition de compte à titre de mesure provisionnelle lorsque le droit du requérant était évident ou reconnu,41 cette voie n’est désormais plus ouverte sous l’égide du CPC. Selon le Tribunal fédéral, le juge ne peut en effet « pas ordonner par voie

provisionnelle une mesure qui, par sa nature implique un jugement définitif de la prétention à protéger, comme la reddition de compte au sens de l’art. 400 al. 1 CO ».42 Pour le même motif, la procédure de preuve à futur de l’art. 158 al. 1 let. b CPC ne peut pas davantage être utilisée pour fonder une action en reddition de compte contestée.43

La reddition de compte constitue un puissant outil à disposition du mandant aux fins d’obtenir des informations concernant l’activité de son mandataire. L’action afférente fondée sur l’art. 400 CO est fréquemment initiée préalablement à, voire même dans le cadre d’une procédure judiciaire (action dite échelonnée). Pour l’avocat praticien, qu’il défende un client face à son (ancien) mandataire ou qu’il soit lui-même le destinataire d’une demande en reddition de compte, il est important de connaître l’étendue et les limites du droit aux renseignements et aux pièces. De fait, à l’instar de la restitution de rétrocessions ou de la production de documents internes, les critères fixés par la jurisprudence reposent souvent sur un examen au cas par cas. Par ailleurs, il sied de garder à l’esprit que l’avocat peut – voire doit – opposer son secret professionnel aux héritiers d’un défunt client, si tant est que les renseignements ou pièces demandés par ceux-là ont trait à l’activité typique de l’avocat. Enfin, sur le plan procédural, la jurisprudence récente rappelle, d’une part, que la voie des mesures provisionnelles est exclue pour agir en reddition de compte et, d’autre part, que la procédure sommaire en cas clair devrait être utilisée avec circonspection. La procédure en cas clair devra ainsi être évitée si le droit aux renseignements est incertain ou qu’il nécessite l’exercice d’un certain pouvoir d’appréciation de la part du juge.

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La Modification du Droit

des Raisons de Commerce

Texte—

Pour la Commission de droit civil et administratif, Mes Niels Schindler

et Frédéric Ney

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

Au 1er juillet 2016, les nouvelles dispositions du Code des obligations concernant les raisons de commerce sont entrées en vigueur1. Le but de cette révision a été de faciliter la succession des entreprises individuelles ainsi que celle des sociétés en nom collectif, en commandite et en commandite par action. Pour ce faire, le nouveau droit prévoit que la raison de commerce choisie pourra dorénavant être maintenue indéfiniment. Dans le cas des sociétés de personnes, en particulier, un changement d’associé n’aura aucune incidence sur la raison de commerce et le choix d’une autre forme juridique ne touchera idéalement que l’indication de ladite forme juridique. Celle-ci sera d’ailleurs reconnaissable directement dans la raison de commerce. Ainsi, la valeur acquise et entretenue d’une raison de commerce sera mieux préservée.

Principales modifications

— A. Les principaux axes

La révision du droit des raisons de commerce poursuit quatre objectifs principaux2 :

— l’harmonisation de la formation des raisons de commerce (infra B)— l’identification de la forme juridique (infra C)— la continuité de la raison de commerce (infra D), et— l’harmonisation du droit exclusif d’user de la raison inscrite (infra E).

— B. L’harmonisation de la formation des raisons de commerce

Le droit des raisons de commerce a connu sa première harmonisation dans le cadre de la révision entrée en vigueur le 1er janvier 20083 grâce à laquelle la formation de la raison de commerce de la société anonyme, de la société à responsabilité limitée et de la société coopérative a été considérablement uniformisée et simplifiée.

Afin de poursuivre cet effort d’harmonisation, la nouvelle révision du droit des raisons de commerce, entrée en vigueur le 1er juillet 2016, met au bénéfice de prescriptions uniformes et simplifiées toutes les sociétés inscrites au registre du commerce. Il en résulte un droit des raisons de commerce largement indépendant de la forme juridique.

— C. L’identification (« reconnaissabilité ») de la forme juridique

Sous l’égide de l’ancien droit, seules les sociétés anonymes, les sociétés à responsabilité et les sociétés coopératives pouvaient former librement leur raison de commerce4. Les sociétés de personnes et les sociétés en commandite et en commandite par actions étaient alors soumises à la rigueur de l’art. 947 aCO en vertu

duquel, d’une part, une société en nom collectif devait contenir au moins le nom de famille de l’un des associés suivi d’une adjonction indiquant l’existence d’une société et, d’autre part, une société en commandite ou en commandite par action devait contenir le nom de famille de l’un au moins des associés indéfiniment responsables.

Désormais, les sociétés de personnes et les sociétés en commandite et en commandite par actions sont assujetties aux mêmes prescriptions que celles régissant déjà la raison de commerce des sociétés anonymes, des sociétés à responsabilité limitée et des sociétés coopératives. A teneur du nouvel article 950 al. 1 CO, la raison de commerce doit contenir un noyau qui peut être choisi librement et qui est obligatoirement complété d’une adjonction indiquant la forme juridique (demeure réservé le cas

1 RO 2016 1507 ; Département fédéral de justice et police, Communiqué de presse paru le 18 mai 2016 sur le site internet de l’administration fédérale : « https ://www.news.admin.ch/message/index.html ?lang=fr&msg-id=61732 », page consultée le 1er juin 2016 (ci-après : DFF, Communiqué).

2 Département fédéral de justice et police, Rapport explicatif relatif à la modification du code des obligations du 22 janvier 2014, p. 1 (ci-après : DFF, Rapport) ; Centre Patronal, lettre adressée par la Fédération Patronale Vaudoise aux associations professionnelles, aux sociétés industrielles et commerciales, aux équipes patronales vaudoises, à diverses entreprises ainsi qu’à quelques personnalités de l’économie et de la politique, parue sur le site du Centre Patronal : « http ://www.centrepatronal.ch/docs/2014/03/12/fch201403121726540.pdf », page consultée le 1er juin 2016.

3 RO 2007 4791 ; art. 950 aCO.4 Art. 950 aCO.

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particulier de la raison individuelle)5. Les seules restrictions à l’appellation du noyau sont l’obligation de véracité et l’interdiction de tromperie.

L’entreprise individuelle forme un cas particulier en droit des raisons de commerce car elle ne représente ni une société commerciale, ni une personne morale6. Il ne s’agit que de l’activité commerciale d’une personne physique.

Sous l’ancien droit, celui qui était à la tête d’une maison devait prendre comme élément essentiel de la raison de commerce son nom de famille avec ou sans prénom (art. 945 al. 1 aCO). La raison de commerce ne devait pas comprendre d’adjonction pouvant faire présumer l’existence d’une société (art. 945 al. 3 aCO). Ainsi, il ne pouvait être joint aux côtés du nom du titulaire d’autres noms de familles.

Avec le nouveau droit, la raison de commerce d’une entreprise individuelle maintient le nom de famille du titulaire en tant qu’élément principal, ce qui permet de ne pas donner l’impression qu’il s’agit d’une entreprise indépendante du titulaire. Toutefois, en contrepartie, on peut désormais renoncer à l’adjonction de la forme juridique et joindre d’autres noms de famille aux côtés de celui du titulaire, ce pour autant que l’obligation de véracité et l’interdiction de tromperie demeurent respectées7. La seule condition lorsque la raison de commerce contient d’autres noms de famille est que le nom de famille du titulaire soit mis en évidence (nouvel art. 945 al. 2 CO).

— D. La continuité de la raison de commerce

Cette modification découle directement du nouveau principe de la liberté du noyau de la raison de commerce. Afin de favoriser la succession d’une entreprise, la raison de commerce initialement choisie peut désormais

être maintenue pour une durée indéterminée. Un changement d’associé ou la transformation en une autre forme juridique n’ont donc plus d’incidence sur la raison de commerce, à l’exception de l’adjonction de la forme juridique8.

Ainsi, non seulement cela permettra aux entreprises commerciales d’être davantage identifiables sur le marché (supra), mais également de jouir de leur visibilité sous un même nom tout au long de leur activité.

— E. L’harmonisation du droit exclusif d’user de la raison inscrite

Sous l’ancien, le droit exclusif à la raison de commerce des sociétés en nom collectif, des sociétés en commandite et en commandite par actions était régi, par analogie, par les règles relatives au droit exclusif des raisons individuelles (art. 951 al. 1a cum art. 946 aCO)9. Seules les sociétés anonymes, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés coopératives jouissaient d’un droit exclusif de portée nationale (art. 951 al. 2 aCO).Grâce à la nouvelle teneur de l’art. 951 CO, l’exclusivité de la raison de commerce est étendue à tout le territoire suisse pour toutes les sociétés commerciales. Cela signifie notamment que les nouvelles raisons de commerce des sociétés commerciales ou coopératives devront se distinguer nettement des raisons de commerce des sociétés de personnes ou des sociétés en commandite par actions déjà inscrites. Ainsi, la révision tient compte du fait que la zone d’influence de beaucoup d’entreprises ne se limite plus à la commune où elles ont leur siège.

Concernant les entreprises individuelles, l’exclusivité de leur raison de commerce demeure limitée au lieu, c’est-à-dire à la commune du siège (art. 946 CO inchangé).

5 DFF, Rapport, pp 3 et 12. Le nouvel art. 950 al. 1 CO a la teneur suivante : « Les sociétés commerciales et les sociétés coopératives peuvent, sous réserve des dispositions générales sur la formation des raisons de commerce, former librement leur raison de commerce. Celle-ci doit en désigner la forme juridique ».

6 DFF, Rapport, p. 4.7 DFF, Rapport, p. 4.8 L’art. 3 des Dispositions finales de la modification du 25 septembre 2015 a la teneur suivante : « Le droit

exclusif à la raison de commerce d’une société en nom collectif, d’une société en commandite ou d’une société en commandite par actions, qui a été inscrite dans le registre du commerce avant l’entrée en vigueur de modification du 25 septembre 2015, est régi par l’art. 946 du droit en vigueur et par l’art. 951 de l’ancien droit ».

9 Art. 951 al. 1 aCO qui renvoyait à l’art. 946 aCO.

Formes juridiques et abréviations

La compétence en matière d’abréviation a été déléguée au Conseil fédéral. Celui-ci les a arrêtées par voie d’ordonnance adoptée le 18 mai 201610. Ainsi, les abréviations se présentent comme suit :

Français Société Anonyme SASociété à responsabilité limitée Sàrl(Société) Coopérative SCoopSociété en nom collectif SNCSociété en commandite SCMSociété en commandite par actions SCA Deutsch Aktiengesellschaft AGGesellschaft mit beschränkter Haftung GmbHGenossenschaft GenKollektivgesellschaft KlGKommanditgesellschaft KmGKommanditaktiengesellschaft KmAG Italiano Società anonima SASocietà a garanzia limitata Sagl(Società) Cooperativa SCoopSocietlà in nome collettivo SNCSocietà in accomandita SACSocietà in accomandita per azioni SACA

Rumantsch Societad anonima SASocietad cun responsabladad limitada ScrlAssociaziun/Corporaziun AS/CorpSocietad collettiva SCLSocietad commanditara SCMSocietad acziunara en commandita SACM

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

Droit transitoire

L’entrée en vigueur le 1er juillet 2016 du nouveau droit des raisons de commerce n’entraîne pas l’obligation d’adapter la raison de commerce des entreprises déjà inscrites auparavant. Ainsi, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite et les sociétés en commandite par actions qui, à l’entrée en vigueur de la révision, étaient inscrites dans le registre du commerce et dont la raison de commerce n’était pas conforme aux dispositions de la révision précitée peuvent maintenir leur raison de commerce sans changement,

tant que les articles 947 CO et 948 CO de l’ancien droit ne requièrent pas de modification.L’exclusivité des raisons de commerce des sociétés en nom collectif, en commandite et en commandite par actions n’a une portée nationale qu’en cas de nouvelle inscription ou d’adjonction de la forme juridique suivant l’entrée en vigueur du nouveau droit. Ainsi, le droit exclusif à la raison de commerce des sociétés précitées, qui a été inscrite dans le registre du commerce avant l’entrée en vigueur du nouveau droit, demeure régi par l’article 946 CO de l’ancien droit.

D’une manière générale, la révision du droit des raisons de commerce va permettre aux PME d’établir plus aisément la planification et la réglementation de leur succession. Ceci est dû, d’une part, par la possibilité de nommer librement le noyau de la raison de commerce et, d’autre part, par la facilité qui consistera à maintenir cette raison de commerce inchangée pour une durée indéterminée indépendamment des modifications concernant le cercle d’associés ou la forme juridique. De plus, les sociétés de personnes et les sociétés en commandite par actions n’ont pas à subir de coûts directs, puisque les dispositions transitoires ne prévoient pas d’adapter les raisons de commerce existantes aux nouvelles règles.Pour ce qui a trait à la visibilité des entreprises, l’adjonction de la forme juridique permettra d’éviter toute incertitude en ce qui concerne la « reconnaissabilité » de la raison de commerce en tant que telle.Quant à l’extension de l’exclusivité de la raison de commerce à la Suisse entière pour toutes les sociétés commerciales, celle-ci permettra de s’adapter à la réalité économique selon laquelle les entreprises suisses connaissent aujourd’hui une zone d’influence dépassant les frontières cantonales.

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Gestation pour autrui et intérêt supérieur de l’enfant : un nœud gordien à démêler prudemment

Inscrite dans la Constitution fédérale1, l’interdiction de la maternité de substitution illustre l’adage « mater semper certa est », pilier du droit suisse de la filiation2. Cette prohibition repose sur le refus de commercialiser ou d’instrumentaliser l’enfant et le corps humain. Par ailleurs, la Constitution fédérale garantit également le droit fondamental à connaitre ses origines3. Malgré ces intentions louables, force est de constater qu’il existe en Suisse une demande croissante pour les mères de substitution4.En 2015, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de renforcer à deux reprises sa jurisprudence en matière de gestation pour autrui. Dans le cadre d’un premier arrêt5, les juges de Mon-Repos ont reconnu une filiation entre un enfant né en Californie d’une mère porteuse et son père biologique. Quant au partenaire enregistré de ce dernier, en l’absence de tout lien génétique, la reconnaissance de sa paternité été refusée. Toutefois, dans sa conclusion, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si une appréciation divergente serait indiquée dans d’autres situations, notamment lorsqu’aucun des parents d’intention n’est génétiquement lié à l’enfant6.

1 Article 119 al. 2 let. d de la Constitution fédérale (ci-après « Cst », RS 101), prohibition confirmée par l’article 4 de la Loi fédérale sur la procréation médicalement assistée du 18 décembre 1998 (ci-après : « LPMA », RS 810. 11). 2 Cf. articles 252 et suivants du Code civil (ci-après : « CC », RS 210).

3 Article 119 al. 2 let. g Cst, article 27 LPMA, article 268c CC, article 7 al. 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 (ci-après : « CDE » ; RS 0.107) et de manière générale, par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (ci-après « CEDH » ; RS 0.101).

4 Conseil fédéral, Rapport sur la maternité de substitution, Rapport du Conseil fédéral du 29 novembre 2013 en exécution du postulat 12.3917 du 28 septembre 2012, p. 10.

5 Arrêt du Tribunal fédéral du 21 mai 2015, 5A_748/2014 in JdT 2015 II, p. 351. 6 Arrêt du Tribunal fédéral du 21 mai 2015, 5A_748/2014, consid. 7 in JdT 2015 II, p. 351, 367.

Texte — Pour la Commission de droit civil et administratif, Me Sophie Montalcini

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Dans un second arrêt7, le Tribunal fédéral y a répondu par la négative en refusant de reconnaitre une filiation entre des jumeaux nés d’une gestation pour autrui en 2012 en Californie et leurs parents d’intention domiciliés dans le canton d’Argovie. En effet, les enfants avaient été conçus suite à des dons de sperme et d’ovules anonymes et ne présentaient donc aucun lien biologique avec le couple suisse. Les juges fédéraux ont néanmoins précisé que la reconnaissance de la maternité de substitution étrangère ne devait pas être jugée de manière abstraite, mais en fonction des circonstances concrètes du cas8. Le message est donc clair : la gestation pour autrui, non merci. Bien que légalement ces décisions soient fondées9, le Tribunal fédéral semble faire abstraction de l’existence des enfants issus de la maternité de substitution. Or, ces enfants ont le droit, d’une part, à une relation parentale et à une vie familiale juridiquement protégées et, d’autre part, à connaître leurs origines. Ils ne devraient pas avoir à subir les conséquences des choix de leurs parents d’intention.En l’état, des enfants se trouvent donc partiellement, voire totalement privés de parents légalement reconnus en Suisse. Le Tribunal fédéral considère néanmoins que le droit fondamental à une filiation est sauvegardé par le biais de l’adoption10. A cet égard, il sied de rappeler que le 17 juin 2016, le Conseil national a approuvé à 125 voix contre 68 et 3 abstentions le projet de loi visant à autoriser les couples de

7 Arrêt du Tribunal fédéral du 14 septembre 2015, 5A_443/2014 (en allemand). 8 Op. cit, consid. 4. La question se poserait différemment en particulier si les parents d’intention résidaient

dans un pays autorisant la gestation pour autrui (consid. 8). 9 Op. cit, consid. 6 : en substance, l’ordre public est violé lorsque l’intégralité du processus de procréation

a été délocalisée dans le but manifeste de contourner l’interdiction de la maternité de substitution. Tel est le cas en l’espèce, absence de tout lien avec les Etats-Unis des parents d’intention.

10 Arrêt du Tribunal fédéral du 14 septembre 2015, 5A_443/2014, consid. 7.6.

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11 Résultats consultables sur le site : https ://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/amtliches-bulletin/amtliches-bulletin-die-verhandlungen ?SubjectId=37661. A priori, un référendum devrait être lancé dès la publication de la décision dans la Feuille fédérale par le comité « Non à ce droit à l’adoption ».

12 Dans le cadre de l’arrêt 5A_443/2014, l’adoption pourrait se heurter à l’article 5 al. 4 de l’Ordonnance sur l’adoption du 29 juin 2011 (ci-après « OAdo » ; RS 211. 221. 36) puisque les enfants sont nés en 2012 et que la mère avait déjà plus de 50 ans. Or, la différence d’âge maximale à l’accueil doit en principe être 45 ans, écart qu’il est prévu d’inscrire dans le Code civil, lors de la révision en cours du droit de l’adoption. Il est vrai que l’article 5 al. 4 2ème phr. OAdo admet des exceptions, en particulier lorsque les parents ont « déjà établi des liens étroits avec l’enfant ».

même sexe et les communautés de vie de faire à adopter les enfants du ou de la partenaire (art. 264c AP - CC)11.Cette approche par le biais de l’adoption n’apparaît toutefois pas pleinement satisfaisante, en particulier lorsque les parents d’intention ne remplissent pas les conditions strictes et restrictives prévues par le droit suisse de l’adoption, en particulier en termes d’âge12. Dans ces situations, qu’adviendra-t-il des enfants ? En conclusion, le Tribunal fédéral est confronté à un authentique imbroglio. Doit-il reconnaître les maternités de substitution et violer le droit interne ou appliquer systématiquement l’interdiction de la gestation pour autrui au risque de violer l’intérêt supérieur de l’enfant ? Entre droit de connaître ses origines, droit à une relation parentale et ordre public, la réponse ne sera pas aisée à trancher.

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— Sophie MontalciniNée en 1990 à Genève, Sophie Montalcini obtient, auprès de l’Université de Genève, son Bachelor en Droit en 2013 et son Master en Droit Economique en 2014, en partie effectué auprès de la Boston University.Son Certificat de spécialisation en matière d’avocature obtenu en juin 2015, elle rejoint l’Etude Gros & Waltenspuhl en janvier 2016 en tant qu’avocate stagiaire.Depuis avril 2016, elle est également membre de la Commission de droit civil et administratif de l’Ordre des avocats de Genève.

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L’arrivée de Donald Trump au pouvoir a déclenché une vague d’enthousiasme planétaire… tout au moins sur les marchés actions. Le S&P500, principal indice actions américain, a atteint son plus haut historique en février, tout comme le MSCI AC World Index, indice actions mondial.

Quatre facteurs permettent d’expliquer cette euphorie. Premièrement, la conviction que les dépenses d’infrastructures aux Etats-Unis vont augmenter de manière significative ; deuxièmement, les perspectives de réduction d’impôts à la fois pour les ménages et les sociétés ; troisièmement, l’impact des réformes fiscales sur l’activité des entreprises ; quatrièmement, le penchant de la nouvelle administration pour la déréglementation. Avec l’installation d’anciens de Goldman Sachs à des postes clés, la promesse de détricoter l’ensemble de réglementations financières mis en place depuis la crise de 2008-2009 a aidé à propulser les actions bancaires, par exemple. L’optimisme ambiant trouve aussi

son origine dans l’amélioration de la performance des entreprises elles-mêmes, avec une augmentation du chiffre d’affaires des sociétés cotées du S&P500 et de leurs bénéfices anticipés par action. Plus confiantes, les sociétés américaines se montrent à nouveau prêtes à augmenter leurs investissements en capital. Dans les téléconférences organisées par les grands groupes américains pour présenter leurs résultats trimestriels, le mot « better » est bien plus largement cité que « weaker » ou « worse », selon un service de veille mis en place par Bank of America Merrill Lynch. De même, le nombre de citations du mot « optimistic » par les dirigeants d’entreprise est monté en flèche lors de la présentation des résultats pour le quatrième trimestre.

Et les derniers sondages montrent que la vague d’optimisme a atteint aussi les sociétés non cotées. Dernier signe en date d’un retour des instincts primaires : la vague d’OPA (Offres publiques d’achat). Ces OPA impliquent non seulement les Etats-Unis, mais aussi l’Europe, où des valorisations relativement basses et un dollar fort encouragent les sociétés américaines à faire leurs emplettes, dont l’offre faite par Kraft Heinz à Unilever, bien que rapidement retirée, constitue un bon exemple.Mais cela va-t-il durer ? Bien que justifiées par les perspectives de croissance (nous tablons sur une progression de 10% de la rentabilité totale des actions dans le monde cette année), les valorisations sont élevées

Le retour des instincts primairesTexte — M. Christophe Donay Responsable de l’allocation d’actifs et de la recherche macroéconomique, chef stratège, Pictet Wealth Management

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et peuvent être vulnérables si les espoirs placés dans l’administration Trump sont déçus. Tout compte fait, il n’y a pas de place sur les marchés pour une quelconque déception en termes de politique économique ou de croissance.Le nouveau président continue en effet à désorienter depuis son investiture fin janvier, les semaines plutôt chaotiques qui ont suivi montrant que nous sommes confrontés à une administration ex-trêmement imprévisible. Et malgré les annonces faites durant la campagne de baisse des impôts, de mise à plat de la fiscalité des entreprises et de relance des dépenses d’infrastructure, les ini-tiatives concrètes tardent à venir, tandis que priorité est donnée à des mesures plutôt protectionnistes et sécuritaires.

Nous espérons cependant que la nouvelle administration va trouver ses marques et progressivement aller vers une « normalisation » de son mode de fonctionnement, et que des initiatives seront bien prises dans le but de relever la croissance annuelle du PIB américain. Mais il n’est pas du tout certain que le Congrès, contrôlé par les Républicains, accepte une hausse du déficit comme celle impliquée par les plans de Trump, dont la promesse de 550 milliards de dollars de dépenses en infrastructures. Dans ce qui ressemble à une litote, la présidente de la Fed (la banque centrale des États-Unis), Janet Yellen, a souligné récemment « l’incertitude considérable entourant les perspectives économiques »,

liée en grande partie aux « possibles changements de politique budgétaire notamment ».Plus fondamentalement, le présent cycle économique, qui remonte à 2009, n’est plus tout jeune. Une relance « trumpienne » pourrait avoir simplement comme effet de retarder un inévitable retournement du cycle avant la fin de cette décennie. Avec un taux de chômage de 4,7%, le marché du travail est très tendu aux Etats-Unis et bien que les hausses de salaire soient restées modestes, une hausse trop brutale des prix n’est pas totalement à exclure, avec un effet dévastateur surtout sur les marchés obligataires, qui sont restés jusqu’à présent bien sages face à la relance de l’inflation déjà en cours.

— Christophe DonayMasters en économie et en économétrie à Paris1996 Ingénieur financier chez BNP Paribas2000 Directeur des divisions dédiées à la recherche économique, à la stratégie d’investissement et aux produits dérivés auprès de Kepler Capital Market2008 Chef stratégiste au sein de l’unité Wealth Management chez Pictet & Cie

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Photographies — Pedro Neto

La Vie du Barreau en

ImagesCérémonie de signature du jumelage entre l’Ordre des

Avocats de Milan et l’Ordre des Avocats de Genève. En présence du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Milan

Me Remo Danovi

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en général, nous avons parcouru de nombreuses publications et études qui ont été faites aux Etats-Unis et au Canada, deux pays qui promeuvent beaucoup la mixité professionnelle et soutiennent les carrières féminines. Un site particulièrement fourni en références dans la matière est celui de Catalyst, une agence de consultants qui se concentrent sur les questions de genre au sein des organisations. De nombreux rapports très intéressants ont étudié la question des carrières féminines au sein des cabinets d’avocats. On mentionnera en particulier le rapport « Balanced lives : changing the culture of legal practice »3 et le « Goal III Report »4 de la Commission for Women in the Profession de l’American Bar Associa-

1 https ://wp.unil.ch/esspace/2015/05/gendered-globalization-of-the-legal-professions%E2%80%A8-comparing-the-early-stage-careers-of-lawyers-in-switzerland-france-germany-and-the-u-s/

2 http ://www.nawl.org/2015nawlsurvey

Quels défis pour une meilleure représentation des femmes dans la profession d’avocatTexte — Me Julie Wynne

Le constat : peu de femmes sont cheffes d’étude

En effet, un constat s’impose : quand bien même plus de la moitié des étudiants en droit en Suisse sont des femmes et une grande partie d’entre elles embrasse la profession d’avocate, seul un nombre très restreint de femmes, souvent moins de 10%, deviennent associées des grands cabinets d’avocats d’affaires. La situation n’est pas propre à la Suisse. Les Etats-Unis, pays où les avocats règnent, en est également un bon exemple. On y trouve également environ 50% d’étudiantes en droit et jeunes collaboratrices mais seulement 18% de femmes associées, soit seulement 2% de plus qu’en 20062.

Le métier d’avocat aurait-il des contraintes qui le rendent peu propices aux femmes, en particulier aux femmes désirant avoir une famille ? En effet, il est bien connu que cette profession, en particulier pour les avocats actifs dans le contentieux, implique souvent des longues heures de travail, un emploi du temps peu prévisible en raison notam-ment des échéances judiciaires, et des requêtes souvent urgentes des clients.Inspirons-nous des enquêtes et rapports parus aux Etats-Unis et au Canada

Afin de trouver des pistes de réflexion sur les initiatives qui pourraient être prises au sein des cabinets et du barreau

Comme vous le savez, l’Ordre des avocats de Genève aime réfléchir à l’avenir de sa profession. Il vient de lancer à ce titre une nouvelle Commission Innovations et modernisation du Barreau. Le moment est venu de réfléchir à notre profession, à son modèle, aux innovations qu’il convient de susciter et valoriser. Dans ce champ de réflexion, il semble qu’une réflexion sur la représentation des femmes au barreau soit primordiale.L’Ordre des avocats de Genève collabore ainsi à une grande enquête relative aux carrières d’avocat, lancée en Suisse, en France et en Allemagne, sous l’égide de l’Institut des sciences sociales de l’Université de Lausanne1. Ce sondage permettra de mieux connaître les conditions d’exercice de la profession d’avocat et les actuels changements de contexte, en particulier l’internationalisation et la féminisation de la profession.

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— Julie Wynnw2007 Brevet d’avocat2012 Co-fondatrice et membre du Comité de la Women’s Business Society2014 Membre de la Commission juridique de Sustainable Finance Geneva2015 Membre de la Swiss Impact Enterprise Law Association2016 Associée à l’Etude Froriep SA2016 Membre du Comité de l’European Social Enteprise Law Association

tion le rapport « The Business Case for retaining and advancing women lawyers in private practice » de The Law Society of British Columbia5 ou encore le « Report of a national survey of Women’s Initiatives : the strategy, structure and scope of Women’s initiatives in law firms »6 et le rapport « Women lawyers continue to lag behind male colleagues »7 de

la NAWL Foundation décrivant des pistes de réflexion pour que les études d’avocats et les barreaux améliorent l’équilibre vie professionnelle-vie privée des avocats. Selon ces rapports, il ressort que les horaires de travail imprévisibles et incontrôlables sont une des causes principales du taux important de dé-

3 American Bar Association, Balanced lives : changing the culture of legal practice de la Commission for Women in the Profession, 2001

4 American Bar Association, Goal III Report, 2016.5 The Law Society of British Columbia, The Business Case for retaining and advancing women lawyers in

private practice, juillet 2009.6 National Association of Women Lawyers Foundation, National Survey of Women’s Initiatives : The

Strategy, Structure And Scope Of Women’s Initiatives In Law Firms, 15 novembre 2012.7 National Association of Women Lawyers Foundation, « Women lawyers continue to lag behind male

colleagues, 2015.

Le chiffre

18%Le pourcentage de femmes

avocates qui deviennent associées aux Etats-Unis

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perdition de femmes dans la profession d’avocat et constituent des barrières pour arriver au sommet. Ceci entraîne pour l’employeur des frais importants de recrutement et de forma-tion pour trouver des remplaçants et une absence de diversité de genres dans les positions dirigeantes. Des programmes de rétention des talents font partie des éléments-clés à mettre en œuvre par les études d’avocats pour pouvoir continuer à bénéficier du pool de compétences aux mains des femmes avocates.La différence entre ce que beaucoup d’avocats souhaitent et ce que leurs employeurs leur fournissent est en partie attribuable à la différence entre les générations et les genres. La plupart des chefs d’études sont des hommes qui ont vécu à une époque où il n’était pas attendu d’eux d’assumer des responsabilités familiales chronophages. Ils ne perçoivent donc pas toujours les défis que posent la conciliation d’une vie professionnelle exigeante et une vie de famille épanouie. Les temps changent, la nouvelle génération de pères s’implique de plus en plus dans le foyer familial et le paradigme du breadwinner qui travaille mais est peu présent à la maison n’a plus cours. Les modèles d’affaires doivent se réinventer.Bien que de nombreuses études aient fait de grands efforts pour aider les avocats à trouver un équilibre entre leurs engagements personnels et professionnels (p.ex. congé parental, travail flexible, avantages d’ordre familiaux), ces initiatives ne sont pas souvent couronnées de succès. En effet, la majorité des avocats pensent qu’ils ne peuvent pas bénéficier de ces programmes sans subir des consé-quences négatives sur leur carrière. Ainsi 95% des études ont des pro-grammes permettant le temps partiel mais seul 3% des avocats en béné-ficient8. Les idées préconçues sur le manque d’investissement des avocats travaillant à temps partiel influencent en effet souvent les évaluations des per-formances, la répartition des dossiers, les relations de mentorat ainsi que les décisions de promotion.

Tant les femmes que les hommes souhaitent une redéfinition du modèle d’affaires des cabinets d’avocats

La problématique d’une vie équilibrée fait partie des problèmes qui nous concernent tous. La plupart des hommes signalent aussi un manque de satisfaction relatif aux compromis qu’ils doivent faire entre leurs engagements privés et professionnels. Bien que l’inadéquation des pratiques liées au travail et à la famille ait un coût pour tous les avocats, les femmes en paient pour l’instant un prix disproportionné. Ainsi, selon une étude de 2014, le fait d’avoir un enfant se reflète indirectement par une augmentation de salaire de 6% pour les hommes alors que les femmes perdent 4% de revenus à chaque enfant9. Ces messages contradictoires entraînent de hauts degrés de stress pour les femmes et leur donnent un sentiment désagréable que quoi qu’elles fassent elles devraient faire différemment. « Les bonnes mères » devraient être à la maison, les « bonnes avocates au travail ».

Les femmes avocates reçoivent ainsi contrairement à leurs collègues masculins le « conseil d’ami » qu’elles ne devraient pas avoir d’enfants avant d’être associées ou qu’elles ne devraient pas avoir plus d’un enfant si

elles ne veulent pas signer un coup de frein irréversible à leur carrière.Les hommes sont confrontés aux mêmes problèmes pour d’autres raisons. Les lieux de travail souvent peu disposés à accommoder les femmes qui travaillent montrent encore plus de résistance pour les pères. Il est ainsi difficile à ce jour pour des pères d’obtenir des horaires flexibles, du temps partiel ou des congés-paternité sans souffrir d’un impact négatif sur leur carrière.Les programmes dans les études dédiés à une conciliation vie professionnelle-vie familiale qui ne se concentrent que sur les femmes et ne donnent pas les mêmes options aux hommes ne sont pas indiqués. En décourageant les avocats masculins d’assumer une division équitable des tâches domestiques, ces programmes renforcent une séparation des rôles non égalitaire. Aussi longtemps que les problèmes vie professionnelle /vie familiale sont vus comme des problèmes principalement féminins, les solutions potentielles ne vont recueillir qu’une attention minime dans les structures dominées par des dirigeants masculins. Une profession engagée sérieusement pour l’égalité des chances doit se traduire par des initiatives globales de redéfinition du modèle d’affaires et du succès et créer des opportunités tant pour les hommes que pour les femmes.

« Aussi longtemps que les problèmes vie professionnelle /vie familiale sont vus comme des problèmes principalement féminins, les solutions potentielles ne vont recueillir qu’une attention minime dans les structures dominées par des dirigeants masculins. »

8 American Bar Association, op.cit, p. 12. 9 http ://www.thirdway.org/report/the-fatherhood-bonus-and-the-motherhood-penalty-parenthood-and-

the-gender-gap-in-pay

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Réformes structurelles nécessaires

Les différentes études consultées soulignent qu’il est important que les études d’avocats créent un environnement qui attire et retienne les avocats bien qualifiés, ce à travers notamment des modèles de politique interne favorisant des horaires de travail flexibles et des congés parentaux. Il ne faut pas oublier que la nouvelle génération d’avocats, que ce soient des hommes ou des femmes, est en général de moins en moins prête à faire les sacrifices endurés par les générations précédentes. L’avènement de la génération Y force les entreprises à repenser leur mode de travail si elles veulent continuer à recruter de jeunes talents, comme l’ont démontré les meilleures entreprises.Il n’y a pas une solution unique ou simple pour faire face à tous les challenges qui se posent pour arriver à une vie équilibrée dans un marché très compétitif. Il semble que les programmes qui permettent de bien combiner les engagements de la vie privée et de la vie professionnelle sont les suivants : horaires de travail flexible ou réduits, travail à distance ou encore possibilité d’obtenir des congés sabbatiques. Bien que les caractéristiques de chaque programme puissent varier selon les organisations, les principes cardinaux sont investissement mutuel, flexibilité et responsabilité.En sus de ces programmes visant un meilleur équilibre vie professionnelle-vie familiale, d’autres démarches sont importantes pour soutenir l’avancement des femmes dans les études d’avocats. Ce sont celles qui ciblent particulière-ment le développement et la construc-tion d’une carrière et qui incluent no-tamment du mentoring, l’apprentissage des softs skills nécessaires à un bon business case ou encore du networking. Comprendre le partner track des études d’avocats avec ses objectifs et ses condi-tions est un des éléments-clés pour pouvoir planifier et développer sa car-rière, facteur particulièrement important pour les femmes qui souhaitent avoir

des enfants. Aussi plus de transparence sur les règles du jeu sera propice à une meilleure diversité des genres. La mise en place d’entretiens ou conférences avec des rôles-modèles féminins est un des autres moyens intéressant pour mo-biliser ses collaboratrices afin qu’elles réfléchissent à leur carrière.

Analyse et impact des mesures prises

Après avoir mis en place des initiatives dans ce domaine, il est important que les employeurs communiquent leurs démarches auprès de leurs employés et des tiers. Il faut arriver ainsi à un bon équilibre entre règles formalisées et aménagements individualisés. Les employeurs doivent offrir un certain degré de cohérence et de prévisibilité dans le traitement des besoins de leurs employés mais aussi offrir de la flexibilité pour adapter les solutions pour tenir compte des circonstances liées chaque avocat. Il n’est pas suffisant d’établir des mesures pour augmenter la qualité de vie. Les employeurs doivent marquer leur soutien à ces politiques et revoir régulièrement l’effectivité des mesures mises en place. Il est important que les employeurs analysent les raisons de l’échec des mesures proposées de temps partiel si peu de femmes et presque aucun homme n’en profite.

Le rôle des barreaux

Les avocats doivent prendre leur responsabilité, personnelle et collective, pour insister sur la mise en place des changements qui permettent d’avoir une vie équilibrée. Les barreaux doivent les assister dans ce processus en leur fournissant des informations, des ressources et en requérant des mesures efficaces. En sus des mesures structurelles mises en place par les études d’avocat, une prise de conscience de l’importance d’une meilleure représentativité des genres au barreau est primordiale. Plusieurs initiatives voient le jour ici et ailleurs. En voici trois exemples.

— ABA Commission on Women in the profession

L’Association du Barreau Américain (ABA) a une Commission dédiée à la thématique des femmes dans la profession d’avocats10. Cette commis-sion est très active et a notamment publié deux sets d’outils pour réfléchir à l’avancement des femmes ans la pro-fession, l’un sur l’égalité des salaires et la manière dont les politiques de rému-nération peuvent favoriser l’égalité des genres dans les études d’avocats11 et l’autre sur les soft skills et l’état d’esprit que les femmes devraient développer pour réussir leur carrière12.

— Justicia

Le Barreau du Québec s’est associé à des cabinets d’avocats pour lancer le projet Justicia qui mise sur le partage d’expertise et d’idées pour développer et implanter au sein des cabinets participants, au besoin, les meilleures pratiques, politiques ou programmes en lien avec les volets suivants :

1 — les congés parentaux pour les salariés et pour les associés

2 — les horaires de travail flexibles3 — le développement des affaires

pour les avocates4 — l’accès au statut d’associé et les

autres formes d’avancement pour les avocates

5 — la recension des données démographiques et le suivi des progrès au sein des cabinets

Lancée en 2011, la première phase du projet Justicia a pris fin avec la réalisation de neuf guides de gestion pour les cabinets et les avocates, tous disponibles gratuitement et qui offrent des modèles personnalisables selon les besoins.

Pour consulter ou télécharger les guideshttp ://www.barreau.qc.ca/fr/publications/avocats/#justicia

10 http ://www.americanbar.org/groups/women.html11 http ://www.americanbar.org/groups/women/gender_equity_task_force/toolkit_for_lawyer_compensation_achieving_gender_

equity.html12 http ://www.americanbar.org/groups/women/initiatives_awards/grit.html

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— Le Pledge

Le 18 mai 2016 a été lancé l’Engage-ment pour l’égalité des chances pour les femmes en arbitrage (le « Pledge »)13 au-quel notre consœur Me Domitille Baizeau contribue en tant que membre du Steering Committee. Le Pledge est signé par un groupe de conseils, arbitres, repré-sentants d’entreprises, d’Etats, d’institu-tions arbitrales, universitaires et autres, qui jouent un rôle dans la pratique de l’arbitrage international, et qui prennent « l’engagement d’améliorer la visibilité et la présence des femmes dans le domaine de l’arbitrage », y compris s’agissant des nominations d’arbitres.Ces personnes s’engagent ainsi à prendre les mesures qu’il leur est raisonnable-ment possible de prendre « afin d’assurer que, dans la mesure du possible :

— Les femmes soient équitablement représentées au sein des comités, organes de gouvernance et panels de conférences intervenant dans le domaine de l’arbitrage.

— Les candidates femmes soient équitablement représentées au sein des listes de candidats potentiels à la fonction d’arbitre ou de président du tribunal arbitral soumises aux parties ou examinées par elles, leurs conseils, les juristes d’entreprise et autres.— Les candidates femmes soient équitablement représentées au sein des listes et répertoires de potentiels candidats arbitres établies par les Etats, les institutions d’arbitrage et les comités nationaux.— Lorsqu’ils sont en mesure de le faire, les conseils, arbitres, repré-sentants d’entreprises, Etats et institutions d’arbitrage nomment des arbitres femmes dans une proportion équitable.— Soient compilées et rendues pu-bliques des statistiques portant sur la proportion entre hommes et femmes en ce qui concerne les nominations d’arbitres (distinguant les hypothèses où les désignations sont faites par les parties de celles ou une autre méthode est employée).

— Les praticiens de l’arbitrage dis-posant d’une solide expérience en la matière soutiennent, parrainent/spon-sorisent et encouragent les femmes à être nommées arbitres et à améliorer leurs profils et leur pratique. »

Ces initiatives sont autant d’inspirations que la Commission Innovations et moder-nisation du Barreau pourra utiliser dans le cadre de ses discussions et projets pour soutenir des modèles d’affaires en ligne avec les attentes des avocats qui pro-meuvent ambition, flexibilité et diversité au sein de la profession.A long terme, les changements demandés et les priorités de la profession actuelle invitent à repenser l’organisation des études. Des approches vraiment efficaces nécessitent non seulement des aménage-ments individuels mais aussi des trans-formations institutionnelles. Les études d’avocats à Genève et l’Ordre des avocats de Genève s’emparent de ces questions. Que le succès soit au rendez-vous pour le bien de notre profession et le bien-être des avocats, hommes et femmes !

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1 Art. 33 et 35 LFINMA. La confiscation peut également être prononcée contre l’établissement.2 Pour une présentation complète, cf. GUILLAUME BRAIDI, L’individu en droit de la surveillance financière,

Autorisation, obligations et interdiction d’exercer, Thèse Fribourg, Genève/Zurich/Bâle 2016.

L’individu en droit financier : un statut juridique en perpétuelle évolution

Historiquement, le droit de la surveillance suisse se fonde sur le concept de surveillance des établissements financiers (banque, négociant en valeurs mobilières, direction de fonds, etc.). Cependant, à la suite de la crise économique qui a débuté en 2008, le législateur et l’Autorité de surveillance des marchés financiers FINMA n’ont cessé de renforcer leur intérêt pour les personnes qui dirigent de tels établissements. On en veut notamment pour preuve la forte densification des règles de conduite ou encore l’instauration d’instruments de surveillance qui leur sont spécifiques1.Fort de ce constat, la présente contribution a pour ambition d’exposer le régime juridique actuel de l’individu en droit financier. Pour ce faire, nous examinerons l’évolution de la surveillance prudentielle de l’individu sous l’angle réglementaire, en prenant en compte les changements apportés à la politique de surveillance de la FINMA et les récentes impulsions politiques. Ce sera ensuite l’occasion de présenter la problématique liée à la surveillance des individus actifs dans le secteur financier avant de proposer une possible solution : un assujettissement direct2.

Texte — Dr Guillaume Braidi

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L’évolution de la surveillance prudentielle de l’individu

— Sous l’angle réglementaire

D’un point de vue réglementaire, on constate une forte densification des obligations relatives aux individus ainsi que l’instauration de mesures qui les concernent spécifiquement.L’augmentation des contraintes et des exigences qui échoient aux individus est non seulement le résultat des activités du législateur, mais également de celles des organisations d’autorégulation et de la jurisprudence développée par la FINMA. Enfin, les normes européennes et internationales influencent indirec-tement l’étendue des obligations qui s’adressent aux organes et aux collabo-rateurs d’établissements assujettis.L’instauration de l’interdiction d’exercer (art. 33 LFINMA) habilite désormais la FINMA à sanctionner spécifiquement les individus grâce à un instrument de surveillance qui s’applique de manière harmonisée à tous les secteurs financiers (art. 1 LFINMA).Grâce à l’interdiction d’exercer, la FINMA dispose d’un instrument ciblé qui permet d’assurer le bon fonctionnement des marchés financiers et de protéger les investisseurs. Les individus qui sont tenus pour responsables de violations graves perpétrées à l’encontre du droit de la surveillance sont éloignés pour une durée maximale de cinq ans. Sous l’angle de la bonne marche des affaires, il est en effet primordial que les créanciers, les investisseurs et les assurés soient convaincus que la FINMA dispose des compétences et des moyens nécessaires pour veiller au sérieux des institutions financières et à l’intégrité de leur personnel. Partant, une telle mesure doit être saluée, d’autant plus qu’elle s’inscrit dans la tendance actuelle qui consiste à renforcer les compétences des autorités en charge de la surveillance des marchés financiers.Avec l’introduction de l’interdiction d’exercer dans le panel des mesures à disposition de la FINMA, le législateur a ajouté une pierre importante à

l’édifice du système de surveillance. Contrairement à la garantie d’une activité irréprochable qui ne s’adresse qu’aux organes suprêmes, l’art. 33 LFINMA permet dorénavant d’inclure l’ensemble des collaborateurs d’un établissement assujetti. Pareille constatation peut également être faite à l’égard des mesures prévues aux art. 35a LBVM et 51 al. 2 let. f LSA. Celles-ci ne visent que les collaborateurs responsables d’un négociant, les personnes chargées de la haute direction, de la surveillance, du contrôle et de la gestion ainsi que de l’actuaire responsable d’une entreprise d’assurance. Enfin, s’il est vrai que l’art. 67 CP peut théoriquement s’adresser à l’ensemble des collaborateurs d’un établissement assujetti, ses conditions de mise en œuvre ne s’avèrent pas adaptées aux objectifs poursuivis par le droit de la surveillance. Ainsi, l’interdiction d’exercer a permis de combler bon nombre de lacunes qui permettaient par le passé aux responsables d’une violation de passer à travers les mailles du filet de la FINMA.

— Sous l’angle de la politique de surveillance de la FINMA

Du point de vue de la politique de surveillance, la FINMA a également décidé de renforcer la surveillance des individus. Lorsqu’une procédure d’enforcement est ouverte à l’encontre d’un établissement, les agissements

des individus qui le dirigent sont scrutés de près. Si ces derniers ont violé le droit de la surveillance, la FINMA peut ouvrir conjointement une procédure contre l’établissement et l’individu3. La FINMA sépare les deux procédures pour traiter dans un premier temps les violations commises par l’établissement, et définir dans un second temps la responsabilité du dirigeant concerné4. Cette approche influence les droits de la personne concernée, puisque cette dernière ne bénéficie notamment pas de la qualité de partie dans la procédure menée à l’encontre de l’établissement assujetti. La FINMA ne peut par conséquent pas uniquement se baser sur les irrégularités constatées à l’encontre de l’établissement pour sanctionner leurs dirigeants. C’est précisément ce que rappel un arrêt récent du Tribunal fédéral, lequel annule partiellement une décision de la FINMA confirmée par le Tribunal administratif fédéral5.Par ailleurs, la FINMA agit désormais avec moins de retenue qu’auparavant à l’encontre des irrégularités commises par les individus. Trois éléments en particulier confirment ce changement d’approche.Premièrement, les nouvelles Lignes directrices d’enforcement évoquent désormais une intervention « ciblée à l’encontre des personnes physiques », contrairement à l’ancienne politique en matière d’enforcement. La terminologie utilisée ne suggère plus la même retenue qu’auparavant6. Deuxièmement, Mark Branson, directeur de la FINMA, rappelle que ce sont bien les individus et non pas les établissements qui commettent les irrégularités, et qu’une surveillance renforcée doit être mise en œuvre à leur égard7. Ce faisant, il fait prendre conscience au public de l’importance du rôle des individus au sein des établissements financiers. Enfin, les statistiques publiées dans son Rapport sur l’enforcement démontrent que la FINMA a triplé le nombre de décisions fondées sur l’art. 33 LFINMA en 2014 par rapport aux années précédentes8.

3 Cf. ATAF 2013/59 et arrêt du Tribunal administratif fédéral B-798/2012 du 27 novembre 2013.4 Arrêt du Tribunal administratif fédéral B-5041/2014 du 29 juin 2015.5 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_739/2015 du 25 mai 2016 (prévu pour publication).6 L’ancienne Politique de la FINMA en matière d’enforcement datée de 2009 énonçait à son principe no 6

que « [l]a FINMA fait preuve de retenue quant à l’ouverture de procédures contraignantes à l’encontre de personnes physiques ».

7 Branson Mark, Enforcement, Discours d’ouverture de la journée de droit bancaire et financier du 30 octobre 2014, disponible à l’adresse <https ://www.finma.ch/fr/documentation/publications-finma/> (état au 1er juillet 2016), p. 4 : « Why the increased focus on individuals ? Firstly, because individuals drive misconduct, not institutions [...] ».

8 Cf. Zulauf Urs/Wyss David/Tanner Kathrin/Kähr Michel/Fritsche Claudia M./Eymann Patric/Ammann Fritz, Finanzmarktenforcement, 2ème éd., Berne 2014, p. 230, qui évoquent entre 2011 et 2013 en moyenne deux décisions par année, alors que FINMA, Rapport sur l’enforcement, p. 68, liste six décisions pour la seule année 2014.

« L’instauration de l’interdiction d’exercer habilite désormais la FINMA à sanctionner spécifiquement les individus(...) »

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— Sous l’angle politique

Finalement, d’un point de vue politique, l’attention portée aux fonctions dirigeantes d’établissements financiers mérite d’être mentionnée. S’il est vrai que la dimension politique ne relève pas directement du domaine juridique, elle influence pourtant indirectement le statut juridique de l’individu.On constate au Parlement un regain d’intérêt pour la répression des dirigeants de banques, de négociants, d’assurances ou de placements collectifs qui n’ont pas respecté leurs obligations. Pour preuve, les motions adoptées en juin 2013 par le Parlement ont chargé le Conseil fédéral de veiller à ce que la FINMA renforce sa politique d’enforcement à l’égard des dirigeants de banques, en particulier la mise en œuvre de l’interdiction d’exercer9. Une seconde motion déposée en décembre 2014 vise à augmenter la durée de l’interdiction d’exercer à dix ans pour les « banksters » qui ne respectent pas la

loi10. Partant, on remarque une certaine pression politique sur les individus actifs dans le secteur financier, laquelle contraindra, à terme, la FINMA et le législateur à accentuer la surveillance, respectivement à engager des réformes législatives concernant les individus.

Le problème

Durant des années, la perspective d’une réglementation basée sur l’individu en qualité d’employé ou d’organe d’établissement financier était exclue de la vision du législateur. Le modèle affiché d’établir une législation basée sur l’établissement – à l’exclusion des personnes qui le dirigent – découle certainement d’une culture de l’anonymat en droit financier. Force est cependant de constater que ce paradigme est peu à peu en train de s’estomper.Le droit de la surveillance prévoit que seuls les assujettis au sens de l’art. 3 LFINMA sont en principe soumis

à la surveillance de la FINMA. Cette disposition inclut toutes les personnes physiques et morales qui ont fait l’objet d’un acte d’assujettissement, à savoir une autorisation, un agrément, une reconnaissance ou un enregistrement. De surcroît, la surveillance de la FINMA s’étend aux personnes qui entreprennent une activité surveillée sans autorisation. Ces dernières peuvent ainsi également faire l’objet de mesures de surveillance11. Cette constellation s’impose d’elle-même et est inévitable à tout système de surveillance ; une autorité doit en effet pouvoir prendre des mesures contre ceux qui, justement, tentent d’outrepasser les règles.Les membres des organes d’établissement financier ne sont pas obligés d’obtenir une autorisation à titre personnel afin d’exercer leur activité. Toutefois, ils constituent non seulement un rouage incontournable des procédures d’autorisation des établissements12, mais doivent également satisfaire à de nombreuses

9 Motions parlementaires no 13.3410 et no 13.3450.10 Motion parlementaire no 14.4068. 11 Arrêt du Tribunal administratif fédéral B-5041/2014 du 29 juin 2015, consid. 3.5.3.1.12 Tel est notamment le cas des personnes chargées d’administrer et de gérer des banques (art. 3 al. 2 let. c

LB), des placements collectifs (art. 14 al. 1 LPCC), des bourses (art. 3 al. 2 let. b), des négociants (art. 10 al. 2 let. d LBVM), des entreprises d’assurance (art. 14 LSA) et de contrôler les organismes d’autorégulation (art. 24 al. 1 let. c LBA).

— Guillaume Braidi2016 Doctorat en droit bancaire et financier auprès du Prof. Jean-Baptiste Zufferey2015 Avocat stagiaire au sein de l’étude Lenz & Staehelin- Séjour académique de recherche à l’Institut Max-Planck de Munich2014 Prix d’Excellence Niederer Kraft & Frey en droit des affaires2013 Bachelor (Bilingue) et Master en droit à l’Université de Fribourg

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surveillance directe. A l’aune de l’art. 3 LFINMA, il n’y a aucune raison juridique valable qui justifie l’absence d’acte d’autorisation à leur égard. En l’état actuel de la législation et de la pratique de surveillance, les individus sont soumis à la surveillance de la FINMA, sans correspondre à la définition légale d’assujetti ; une telle situation est insatisfaisante.

Un régime d’autorisation des individus : une possible solution ?

— Le contexte

La situation de crise économique, dans laquelle la restructuration de l’autorité de surveillance financière a eu lieu, a provoqué de nombreux ajustements en matière de surveillance. L’un d’entre eux concerne sans aucun doute la prise de conscience de l’importance des décisions prises par les individus qui se trouvent à la tête de sociétés financières. Dans les cas bénins, ces décisions mettent en danger les intérêts de quelques investisseurs, mais dans les situations plus graves, elles peuvent porter atteinte à la santé financière de l’établissement, voire de l’économie suisse dans sa globalité. Destinataire de nombreuses obligations et de mesures de surveillance sans être officiellement approuvé, le statut juridique du dirigeant est à mi-chemin entre celui d’un assujetti et celui d’un simple employé de société.Dès lors, la question se pose de savoir si le processus perpétuel qui consiste à augmenter l’efficacité de la surveillance en harmonisant les obligations et en élargissant les instruments de surveillance peut finalement aboutir à la consécration d’une autorisation spécifique des individus. La proposition de lege ferenda qui suit ne constitue qu’un extrait d’une réflexion globale qui dépasse le cadre de la présente contribution. Concrètement, l’extrait de proposition législative entend ouvrir le débat sur une voie de réforme possible, en s’inspirant de systèmes d’autorisation qui ont fait leurs preuves dans d’autres secteurs en droit suisse.

exigences tant professionnelles que personnelles. En l’espace de trente ans, le législateur a par ailleurs généralisé ce phénomène puisqu’il a adopté, à travers l’exigence d’une garantie d’activité irréprochable, la même approche pour la quasi-totalité des lois sur les marchés financiers.Le Tribunal administratif fédéral, soutenu par la doctrine, estime que les personnes garantes d’une activité irré-prochable font exception au principe de l’art. 3 LFINMA et doivent être qualifiées d’assujettis indirects13.Ce statut hybride est dû au fait que les exigences, qui découlent de la garantie d’une activité irréprochable, doivent être respectées en tout temps. En outre, la FINMA « approuve » les membres de la direction et du conseil d’administra-tion lors de la procédure d’autorisation initiale, puisqu’ils constituent une des conditions sine qua non à remplir par l’établissement.Toutefois, la conception de l’art. 33 LFINMA va au-delà de cette exception puisqu’elle habilite la FINMA à prendre des mesures contre des individus qui se situent en dessous du seuil hiérar-chique soumis à la garantie d’une activité irréprochable. Les personnes potentiel-lement concernées ne sont ainsi pas sou-mises, directement ou indirectement, à la surveillance de la FINMA, contrairement aux membres des organes qui doivent garantir une activité irréprochable.

Deux choix s’imposent alors pour expliquer cette approche : soit l’art. 3 LFINMA est lacunaire, soit les organes et a fortiori les collaborateurs dirigeants doivent être personnellement autorisés pour correspondre à la définition légale d’« assujetti » proposée par l’art. 3 LFINMA.Le premier choix serait plus facile et plus rapide à mettre en œuvre, mais ne nous paraît pas adéquat car il créerait deux régimes parallèles qui s’appliqueraient aux individus. Dans une telle situation, les individus seraient soumis à la surveillance de la FINMA d’un côté en vertu d’un acte d’assujettissement (p. ex. enregistrement pour les intermédiaires d’assurances) et de l’autre en raison de leur fonction (collaborateurs dirigeants ou membres d’organes). Un tel système engendrerait des inégalités de traitements injustifiées entre individus, d’autant plus que ce seraient les fonctions dirigeantes, dont le risque potentiel de dommage est plus élevé que les autres activités, qui seraient libérées de tout acte d’assujettissement formel.Par conséquent, le second choix semble dogmatiquement plus correct. En effet, les individus qui déploient une activité en qualité de dirigeants d’établissement, et qui sont destinataires d’injonctions de la FINMA, font de facto l’objet d’une

« La situation de crise économique, dans laquelle la restructuration de l’autorité de surveillance financière a eu lieu, a provoqué de nombreux ajustements en matière de surveillance. »

13 Arrêt du Tribunal administratif fédéral 5041/2014 du 29 juin 2014, consid. 3.5.3.1.

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— La proposition de lege ferenda

En l’état actuel, l’art. 3 LFINMA14 instaure déjà un système d’actes d’as-sujettissement qui s’applique tant aux personnes morales que physiques. En substance, il prévoit que les destina-taires d’autorisation, de reconnais-sance, d’agrément ou d’enregistrement soient de jure soumis à la surveillance de la FINMA ; le droit de la surveillance dispose d’ores et déjà des outils néces-saires à la création d’un régime d’auto-risation des individus. Il paraît dès lors opportun de reprendre cette disposition qui établit la jonction entre la politique d’assujettissement mise en place par la FINMA et les acteurs assujettis selon le droit de la surveillance. L’accès à des fonctions dirigeantes seraient alors su-bordonnées à un régime d’autorisation : « Art. A LFINMA Régime de l’autorisa-tion. L’exercice d’une fonction dirigeante au sein d’un établissement assujetti requiert une autorisation de la FINMA. »L’autorisation des individus porte atteinte de manière grave à leur liberté économique, de sorte que le principe de la légalité exige que les conditions matérielles d’octroi de l’autorisation figurent dans une base légale formelle. Eu égard aux réformes législatives en cours, la disposition qui fonde l’autori-sation des fonctions dirigeantes devrait logiquement se trouver dans la future loi sur les établissements financiers qui harmonise l’obligation d’obtenir une autorisation.Nous sommes d’avis que l’octroi d’une autorisation devrait être soumis à des conditions personnelles et profession-nelles, de manière analogue aux exi-gences de la LLCA et de la LPMéd. Ainsi, une personne pourrait être autorisée à condition qu’elle présente les connais-sances techniques requises et l’expé-rience nécessaire pour mener à bien ses tâches. En outre, le requérant devrait également être digne de confiance et présenter les garanties nécessaires à un exercice irréprochable de ses fonctions. Cela signifie qu’il ne devra notamment pas faire l’objet d’actes de défaut de biens ou de condamnations pénales in-compatibles avec sa fonction dirigeante.Une fois l’autorisation octroyée, les auditeurs pourraient chaque année vérifier que les conditions d’autorisation sont maintenues, et s’assurer qu’aucun événement particulier n’affecte les diri-geants de l’établissement audité.

Le concept de surveillance des établissements concède toujours plus de place à celui centré sur l’individu. Le régime juridique dans lequel l’individu évolue doit être l’expression de ces changements. Force est de concéder qu’un tel régime ne s’inscrit pas forcément dans l’air du temps et se heurterait en l’état actuel à de fortes oppositions.Toutefois, à l’instar des concepts, les mentalités changent. A notre avis, le législateur devrait entamer une réflexion de fonds sur l’évolution du statut juridique (et social) de l’individu en droit financier suisse. A cet égard, il conviendrait de s’inspirer des travaux menés par d’autres systèmes de surveillance financière. A titre d’exemple, la législation britannique prévoit un régime d’approbation pour les personnes qui ont une significant influence function. Ce régime tend à s’élargir pour couvrir toujours plus de positions à responsabilité au sein des établissements financiers assujettis. L’idée sous-jacente d’une telle approche est d’assurer que les individus approuvés sont aptes à assumer en tout point leur fonction, ce qui, au final, constitue l’un des objectifs de la réglementation financière helvétique.

14 « Art. 3 Assujettis Sont assujettis à la surveillance des marchés financiers : a. les personnes qui, selon les lois sur les marchés financiers, doivent obtenir une autorisation, une reconnaissance, un agrément ou un enregistrement de l’autorité de surveillance des marchés financiers ; et b. les placements collectifs de capitaux. »

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

Avocats stagiaires

Paul AelligLara AlecMustafa BalcinClea BarghouthMark BovetSylvie BuscagliaDamien ClivazLena-Marie ClodongCassandre DähneLouise de La BaumeKimberley De ZieglerJacques DouzalsGilles DubuisPhilippe FlorinettiMarine GeislerGuillaume GonczyAlexandre GuisanAdrian HäuslerSalomé HenryNicolas Hervieu-CausseYanna HoferLucile HostettlerAnaïs Jacot-GuillarmodCaroline Jankech

Monia KarmassMichael LepperPatrick LoretanLuana MaréchalJulien MarquisVanesa MehmetajMarine NeukommJacopo OgrabekRoxane PedrazziniEstelle PiccardSimone SchürchSimine SheybaniTobias SievertDina SpörriLouise SteinfelsGregory StrohmeierSoop-Tzi TangEmilie TheintzClaire TistounetMicael TotaroMatthias TraussnigClara WackAlexander Zundel

Keppeler & AssociésBaker & McKenzieLexproMangeat Avocats SàrlLenz & StaehelinSiegrist & LazzarottoBCCC Avocats SàrlBRH Partners LLCEtude PythonBory & AssociésGros & WaltenspühlCour civile - Cour de JusticeFBT Avocats SàrlEtude PythonSchellenberg Wittmer SACour pénale de la cour de justiceLenz & StaehelinWalder Wyss SAde Pfyffer AvocatsLenz & StaehelinRVMH AvocatsLecocqassociateFBT Avocats SàrlLenz & Staehelin

SLRG Avocats100 rue du Rhône AvocatsSchifferli Vafadar Sivilotti ZappelliJacquemoud StanislasMing, Halpérin, Burger, InaudiCDL AvocatsMBLD AssociésEtude PythonBär & Karrer SATavernier TscanzLenz & StaehelinCanonica, Valticos, de Preux & AssociésBorel & BarbeyLenz & StaehelinOchsner & AssociésSchellenberg Wittmer SALenz & StaehelinPerréard de Boccard SATavernier TscanzShoeb AvocatsKönemann-VonflüeBCCC Avocats SàrlEtude Python

Séance d’Admissions —

Jeudi 6 octobre 2016 À 18H30 (salle B4, Palais de justice)

Avocats brevetés suisses

Olivia Bennaim-SelviBSF Law

Vincent Ceruttisnd-avocats

Cristiana PereiraEtude GORLA

Laure HéritierSchmidt, Jaton & Associés

Jessica CornacchiaLHA Avocats

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AVRIL 2017

Séance d’Admissions —

Jeudi 2 Février 2017 à 18H30 (salle B4, Palais de justice)

Avocats brevetés suisses

Florent BarozPython

Nassima LagrouniEtude Lagrouni

Ingrid Cueva MolnarLexpro Avocats

Martin StaubLenz & Staehelin

Raphaëlle BayardRML LAW

David MinderMetropole Avocats

Guillaume JeangrosCMS von Erlach Poncet

Sofia Suarez-BlaserAubert, Neyroud & Stückelberg

Pierre BayenetBayenet & Mizrahi

Célia PapazianCMS von Erlach Poncet

Isabelle KufferBMG Avocats

Saskia von FliednerEtude de Me Isabel von Fliedner

Avocats membres de la SABE

Roman PinöschEtude de Me Roman Pinösch

Marion ParisLévy Kaufmann-Kohler

Lorraine De GerminyLalive

Michael Wells-GrecoCharlesRussell Speechlys

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

Avocats stagiaires

Elie BourdilloudMaxence CarronNicolas CasadaSarah CasadoElizabeth ChatelainRiccardo CoppaAlexandra Deloche de NoyelleCoraline DuretMilena Ferro-LuzziMelissa FischerValérie FluckigerLuca GrossuNatalia HidalgoLaetitia JametElissa LefollCorinne LepageSarah LopezArthur Magnin

Caroline Matthey-MarchesiAmel MerabetBrett MoiaAmna MussaVadim NegrescuSandra ObersonRomain PraplanElodie SallinAlexandre SchwabChloé Ferguson SmithMaude TamisierFlore TeysseireJennifer TrisconeMarina ValeroAnton VallélianGregory von NiederhäusernRaphaël Zouzout

Lenz & StaehelinBianchiSchwald SàrlBanna & QuinodozKronbichler & TouretteNotter, Mégevand & AssociésMeyerlustenberger Lachenal AvocatsMerkt & AssociésBarth & PatekWatt LawCanonica & AssociésKöstenbaum & AssociésMeyerlustenberger Lachenal AvocatsR & Associates AvocatsMangeat Avocats SàrlLexpro Avocatsde Preux AvocatsMerkt & AssociésVecchio Avocats

Etude de Me Alain LévyAvocats Ador & Associés SAAssitance juridiqueBonnard LawsonEtude Nanchen AvocatsFontanet & AssociésVecchio AvocatsChabrier Avocats SAPestalozzi Avocats SACollectif de défenseBorel & Barbeyde Pfyffer AvocatsBRS AvocatsBarth & PatekLalive SABriner & BrunisholzPerréard de Boccard SA

Avocats membres de la SABE

Cristian-Simion Bogaru Avocats Ador & Associés SA

Augustin BarrierLalive SA

Leonardo José Muniz de AlmeidaEtude de Me Leonardo José

Muniz de Almeida

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Méditation de pleine conscience « Contemplaction » pour avocatsTexte — Prof. Benoît Chappuis et M. Boaz Feldman

Pourquoi un programme pour les avocats ?

La profession d’avocat est incontestablement exigeante et expose ceux qui la pratiquent à des sources de stress régulières, qu’elles proviennent des situations de conflit dans lequel l’avocat évolue souvent, de l’importance des enjeux humains ou financiers dont il a la charge ou encore de la pression des délais et des clients. L’expérience montre que nombre d’avocats en souffrent et que, fréquemment, ils ne disposent que de peu de moyens pour y faire face.

Dans les pays anglo-saxons, la méditation est largement utilisée dans le monde du travail pour aider les professionnels à faire face aux contraintes de leur métier et les effets délétères qu’elles ont sur eux, en particulier dans le monde du barreau.

Profitant tous deux des bénéfices que procure la pratique régulière de la méditation, en particulier dans l’exercice de la profession d’avocat, c’est donc tout naturellement

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que nous avons pensé à mettre sur pied ce programme ouvert aux praticiens de Genève où L’apprentissage des intelligences coporelle, émotionnelle et sociale par la meditation de pleine conscience est encore peu développée. Il nous a paru intéressant de mettre cette expérience à la disposition de ceux des avocats qui recherchent à mettre en harmonie leur métier avec leur vie privée et personnelle.

La méditation n’est-elle pas incompatible avec le métier d’avocat ?

Il nous est fréquemment demandé si la pratique de la méditation n’est pas incompatible avec le métier d’avocat, avec l’énergie et la combativité qu’il réclame. On imagine en effet volontiers le pratiquant comme un faible, presque désincarné et dépourvu du sens de l’action, qui serait alors incapable de s’immerger pleinement et efficacement dans la représentation des intérêts que les clients confient à l’avocat.

Cette conclusion résulte d’une fausse idée que beaucoup de personnes se font de la méditation. Il est essentiel de comprendre que cette dernière n’est pas une méthode de relaxation ni une méthode qui conduirait ses adeptes à un état de béatitude silencieuse et inactive. D’aucuns ont encore à l’esprit l’image du méditant installé en tailleur sur un nuage, entouré de fleurs, attendant que la fin des temps arrive.

Bien au contraire. La méditation apprend en premier lieu à prendre en compte ses propres idées et à ne pas en devenir l’esclave. Pour commencer, on découvre comment les détecter, les identifier et s’en déconnecter. On ne lutte pas contre elles, ce qui serait totalement vain, mais on apprend à ne pas vivre en permanence dans le monde des idées faites des expériences passées ou des craintes du futur.

On apprend ensuite l’acceptation, qu’il ne faut surtout pas confondre avec quelque forme de résignation. Il s’agit d’accepter ce qui est et qui ne peut être modifié, au lieu de s’insurger contre des

propagée dans les milieux médicaux avec une méthodologie entièrement laïque et libre de toute affiliation spirituelle ou religieuse. Depuis lors, cette pratique contemplative devenue séculaire, se pratique dans tous les milieux de la société qu’il soit au niveau de la santé, l’éducation, le sport ou en entreprise. Elle continue d’être éprouvée par la méthode scientifique avec plusieurs milliers de recherches cliniques et expérimentales déjà accomplies. Ce programme Contemplaction pour avocats adapte les bienfaits de la méditation de Pleine Conscience pour les pratiquants du barreau. Les origines des matériaux psycho-éducatifs abordés dans les séances proviennent de la psychologie et la philosophie, et réunissent trois formes d’apprentissages :

Conscience corporelleRecentrage en soi, accédant à un calme et à la sérénité intérieure au sein du quotidien.

Conscience émotionnelleAmélioration de la gestion des émotions, clarté dans la prise de décisions, amplification de la confiance en soi.

Conscience socialeHarmonie des relations interperson-nelles au travail et dans sa vie privée.

Quel en est le contenu ?

Ce programme de formation propose une initiation expérientielle à la méditation de Pleine Conscience. Il y a des pratiques de méditation guidées,

états de choses sur lesquels on n’a pas de prise, en consommant ce faisant une énergie personnelle considérable et, à terme, préjudiciable pour son équilibre personnel. On apprend à agir, mais à agir dans l’instant présent, sans se livrer en permanence à un jugement de soi-même ou des autres, fondé sur des idées héritées du passé ou résultant d’une anticipation de ce qui est à venir.

Un travail similaire est entrepris avec les émotions, qu’elles soient positives (joie, fierté, etc.) ou négatives (regret, ressentiment, jalousie, peur, etc.). La méditation apprend à détecter ses émotions, à les identifier et ne pas céder à leurs effets, parfois dévastateurs. Il en va de même de celles des autres qui, une fois détectées et comprises, paraissent moins perturbantes.

La méditation développe une intelligence sociale, rendant le rapport aux autres moins conflictuel et plus efficace. Ainsi, l’avocat pratiquant la méditation, loin d’être affaibli ou éloigné de la vie réelle, dispose au contraire d’outils qui lui permettent d’exercer son métier d’une manière apaisée, moins destructrice pour son équilibre personnel et plus performante.

Quels sont les fondements de votre programme ?

Ce programme est une initiation à la pratique de la méditation de Pleine Conscience. D’origine de la tradition bouddhiste, il y a plus de 2500 ans qu’elle pratiquée de manière assidue par les monastiques. Au Etats-Unis dans les années 1980, elle s’est

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où chacun pratique en silence pour une durée déterminée (entre 5’ et 30’). Ces moments de pratiques, qu’ils sont fortement encouragé de continuer au quotidien en dehors des séances hebdomadaires, sont importants parce qu’ils permettent d’approfondir la connaissance de soi de manière directe, en se libérant progressivement du voile de la confusion intérieure. Blaise Pascal dans ses Pensées disait que « tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. » S’affranchir de son malheur viendrait donc d’une compréhension de soi-même par le silence et l’immobilité physique, que nous invitons les participants à expérimenter par eux-mêmes. Ce programme s’adresse principalement aux débutants de la méditation, avec une introduction graduelle en lien avec les trois thématiques principales.

Un des éléments spécifiques de ce programme est qu’au cours de chacune des séances, une nouvelle thématique est abordée. Ces thématiques suivent une évolution graduelle, en commençant par établir les bases de la pratique de la méditation, pour ensuite approfondir sur les sujets souvent compliqués des émotions, des pensées et des enjeux sociaux. Progressivement, des situations typiques de la profession d’avocats sont intégrées dans les discussions afin de permettre à chacun d’appliquer ces réflexions. Ces thèmes et références, de nature psychologique et philosophique, permettent, non de convertir ou de persuader les participants de quelque vérité, mais de soulever certains sujets pour en débattre et cultiver leur sens critique. Il s’agit de développer la sagesse, grâce à une meilleure connaissance de soi, puis de l’appliquer, plutôt que de se résigner au poids de certains critères moraux.

Quelle est la valeur ajoutée pour avocats ?

L’avocat représente les intérêts de ses clients. Par définition, ces intérêts sont contradictoires avec ceux d’autres personnes, qu’il s’agisse de parties adverses dans l’activité judiciaire ou de partenaires commerciaux dans le domaine du conseil juridique. La confrontation et l’opposition sont des composantes inévitables du métier.

La méditation offre à l’avocat des moyens – que ce soit la détection ainsi que la gestion des idées et des émotions, ou le principe de l’acceptation – pour mieux affronter ce type de situations et ne pas se sentir remis en cause dans sa propre personne à chaque instant de sa journée, même dans les instants les plus banals de la vie professionnelle, inéluctablement faite de tensions, de jalousies, de déceptions et d’injustices.

Quel est l’accueil des confrères ?

Il est indéniable qu’il existe encore un assez fort scepticisme dans le monde du barreau, non seulement à l’égard de la méditation, mais plus générale-ment envers toute mesure destinée à repenser le cadre général du travail pour que l’être humain y trouve une place moins éprouvante. Elle n’est pas encore morte la vieille idée qu’une cer-taine rigidité et une dureté des rapports personnels sont synonymes d’efficacité et de succès. Cela dit, les mentalités changent fortement actuellement, sous la pression des événements (augmen-tation des cas de burnout, dépressions, etc.) et influences étrangères, particu-lièrement anglo-saxonnes.

Concernant les participants à nos deux premiers groupes, les retours ont été excellents. À tel point que les participants nous ont demandé d’organiser des séances mensuelles pour continuer le travail que nous avions initié. Nous avons évidemment accueilli cette demande avec enthou-siasme et ces séances ont commencé en janvier 2017.

Sessions de méditation mensuelle pour le barreau de Genève :

Très souvent, plongé dans sa mission, l’avocat finit par confondre les intérêts de son client avec les siens propres. Tout échec, toute contrariété dans l’accomplissement de sa mission finit par l’atteindre personnellement, alors qu’il devrait parvenir à établir une frontière entre les problèmes de ses clients et lui-même. Ce qui devrait être l’exercice d’une profession et la mise en œuvre d’une technique juridique au profit du client dérive, du propre fait de l’avocat lui-même, en une mise en cause et une implication personnelle. L’avocat transforme progressivement en une souffrance personnelle l’intérêt qu’il a pour la cause de son client, son souci d’humanité voire la compassion envers ce dernier.

En outre, la vie de l’avocat est éminemment sociale. Il est en permanence appelé à travailler avec ou contre des tiers, qu’il s’agisse de ses collègues de bureau, de ses clients, des avocats des parties adverses ou des représentants des autorités. Chaque jour, son travail est soumis à leur appréciation, leur jugement ou leurs critiques. Du projet de mémoire revu par le client au projet de lettre corrigé par le patron, en passant par l’exposé d’une requête à l’administration et des négociations commerciales, l’avocat se voit régulièrement confronté au regard des autres et à une possible remise en cause de son travail. Les occasions sont innombrables qui risquent de pousser l’avocat à s’impliquer personnellement, à ressentir des jugements à son encontre ou pire, mais si fréquent, à en prononcer lui-même contre lui.

Tous les derniers lundis du mois, de 19h15 à 20h45Pas de session en juillet et en août (reprise le 25 septembre)

11 Rue Verdaine, 1204 Genève

CHF 40/séanceEtudiants/stagiaires : CHF 25/séanceSans inscriptions

www.boazfeldman.com / [email protected]

Dates

Lieu

Prix

Plus d’informations

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

Le Tribunal fédéral a rendu un récent arrêt1 concernant la portée de l’obligation de conciliation préalable dans le cadre d’un arbitrage international. Le litige opposait deux sociétés étrangères, dont le contrat contenait une clause prévoyant une tentative de conciliation selon le Règlement ADR de la CCI, puis un arbitrage CNUDCI à Genève. Le demandeur a déposé une demande de conciliation auprès de la CCI (en septembre 2014), des contacts préalables ont eu lieu, mais sans discussion de fond, puis le demandeur a déposé une demande d’arbitrage quatre mois après (en janvier 2015). Le tribunal arbitral a déclaré la demande recevable, considérant qu’une tentative de conciliation conforme au Règlement ADR de la CCI avait bien eu lieu et la défenderesse a formé un recours contre cette sentence auprès du Tribunal fédéral.Contrairement au tribunal arbitral, le Tribunal fédéral considère que le demandeur n’avait pas respecté le préalable obligatoire de conciliation, vu l’absence de discussion matérielle entre les parties. Alors que le demandeur soutenait encore qu’il était abusif de la part de la défenderesse de se prévaloir du non-respect du préalable de conciliation (un tel abus ayant

Effet de clauses Med-ArbTexte — Pour la Commission ADR, Me Laurent Hirsch

1 Arrêt du Tribunal fédéral 4A_628/2015 du 16 mars 2016 (destiné à la publication).

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été admis dans une affaire précédente), le Tribunal fédéral a considéré qu’il n’y avait pas d’abus dans le cas particulier. Le Tribunal fédéral en a profité pour exprimer une sorte d’éloge de la médiation, dans les termes suivants :

« Sur un plan plus général, on aurait tort, au demeurant, de sous-estimer le rôle dévolu à un médiateur dans la liquidation d’un différend et l’influence bénéfique que peut avoir sur des parties en conflit la force de persuasion d’une personne rompue à l’emploi des méthodes alternatives de règlement des litiges. » (considérant 2.4.3.2 in fine)

S’agissant de la sanction de la violation du mécanisme contractuel de conciliation préalable, question qui avait été jusqu’ici laissée ouverte, le Tribunal fédéral, suivant la doctrine suisse majoritaire, retient que la procédure d’arbitrage doit être suspendue, avec la fixation d’un délai permettant aux parties de procéder à la conciliation, le Tribunal fédéral laissant au tribunal arbitral le soin d’arrêter les modalités de la suspension, notamment le délai applicable.Même si cet arrêt a été rendu en matière d’arbitrage international, la solution s’applique également en arbitrage interne (voire même dans l’hypothèse d’une clause de prorogation de for prévoyant une médiation préalable ?).On peut retenir de cet arrêt du Tribunal fédéral qu’il offre une solution claire et originale, qui ménage les intérêts des deux parties et apparaît ainsi pragmatique, dans son raisonnement comme dans son résultat.

LA LETTRE DU CONSEIL N°63

Modifications des dispositions pénales incriminant la corruptionTexte — Me Miguel Oural

La répression de la corruption en Suisse continue de s’adapter aux exigences des instruments juridiques internationaux1 et donne en partie suite aux recommandations émises par le Groupe d’États contre la corruption du Conseil de l’Europe (GRECO) dans son rapport du 21 octobre 2011 au terme de son troisième cycle d’évaluation de la Suisse2.

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— Miguel Oural2010 Associé de l’étude Lenz & Staehelin2011 Membre de la Commission de l’examen final des avocats2012 Membre de la Commission de droit pénal de l’Ordre des avocats 2016 Chargé d’enseignement à l’ECAV

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LA LETTRE DU CONSEIL N°63

Le code pénal (CP), la loi contre la concurrence déloyale (LCD) et le code pénal militaire (CPM) ont ainsi été modifiés avec effet au 1er juillet 20163.Plus précisément, les art. 102 al. 2 CP (punissabilité de l’entreprise), 322quinquies CP (octroi d’un avantage indu à un agent public suisse) et 322sexties CP (acceptation d’un avantage indu par un agent public suisse), 141a al. 1 CPM (octroi d’un avantage indu à un militaire), 143 al. 1 CPM (acceptation d’un avantage indu par un militaire) et 23 al. 1 LCD (concurrence déloyale délictuelle) ont été modifiés, alors que trois nouveaux articles du CP sont entrés en vigueur, savoir les art. 322octies CP (corruption privée active), 322novies CP (corruption passive privée) et 322decies CP (dispositions communes à la corruption publique et privée, qui se substituent à l’art. 322octies aCP).Ces modifications tiennent également compte de l’initiative parlementaire du Conseiller national Sommaruga visant à poursuivre d’office la corruption privée4 et du postulat de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil des États relatif à la lutte contre la corruption et les matchs truqués5.

1 Il s’agit principalement de la Convention pénale du Conseil de l’Europe sur la corruption (RS 0.311.55) qui est entrée en vigueur en Suisse le 1er juillet 2016 et son protocole additionnel (RS 0.311.551).

2 www.ejpd.admin.ch/content/dam/data/kriminalitaet/korruption_greco/grecoberichte/ber-iii-2011-4f-thema1-f.pdf (GRECO (2011)).3 RO 2016 1287.4 Cf. Initiative parlementaire 10.516. 5 Cf. Postulat 11.3754 ; Rapport 11.3754.6 BSK StGB II-Pieth, Rem. prél. art. 322ter N 16 ; Jositsch, Das Schweizerische Korruptionsstrafrecht. Art. 322ter bis Art. 322octies

StGB, Zurich/Bâle/Genève 2004, 370-372 ; Queloz / Borghi / Cesoni, Processus de corruption en Suisse. Résultats de recherche – Analyse critique du cadre légal et de sa mise en œuvre – Stratégie de prévention et de riposte, Bâle/Genève/Munich 2000, 373.

7 BSK StGB II-Hagenstein, art. 322quinquies N 13 ; Jositsch, op. cit., 371ss.8 Jositsch, op.cit., 371. 9 RS 0.311.55.

La corruption publique

Contrairement aux art. 322ter CP (corruption active d’agents publics suisses) et 322quater CP (corruption passive d’agents publics suisses) et sans que cela ne soit justifié ou justifiable6, les art. 322quinquies et 322sexties aCP n’incriminaient pas l’octroi, respectivement l’acceptation d’un avantage indu à un tiers avec l’intention d’influencer un agent

public suisse pour qu’il accomplisse les devoirs de sa charge7. Les art. 322quinquies et 322sexies aCP ne s’appliquaient que si le tiers bénéficiaire de l’avantage indu était un proche de l’agent public, ce dernier étant alors (indirectement, à tout le moins) avantagé8. Dans toutes les autres situations où le tiers bénéficiaire n’avait aucun lien (patrimonial, en particulier) avec l’agent public, par exemple lorsque

ce tiers était un parti politique ou une organisation sportive, l’octroi, respectivement l’acceptation d’un avantage indu n’était pas réprimé.

Depuis le 1er juillet 2016 et en conformité avec la Convention pénale sur la corruption du Conseil de l’Europe9, l’octroi d’un avantage indu à un tiers pour qu’un agent public suisse accomplisse les devoirs de sa charge est réprimé.

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10 FF 2014 3433, 3446-3447. Les critiques à l’endroit du système de répression de la corruption publique d’agents publics étrangers perdureront donc certainement sur ce point (GRECO (2011), N 83 ; Cassani, La lutte contre la corruption : vouloir, c’est pouvoir ?, in Cassani/Héritier Lachat, Lutte contre la corruption – The never ending story, Genève/Bâle/Zurich 2011, 55.

11 FF 2014 3433, 3445-3446 ; art. 12 de la Convention pénale du Conseil de l’Europe sur la corruption.12 Cf. not. Jositsch / Drzalic, Die Revision des Korruptionsstrafrecht, AJP 2016, 349, 351 ss ; Cassani, op. cit., 55 ss ; Queloz, Le droit

suisse dispose-t-il de normes pénales efficaces pour lutter contre la corruption dans le secteur privé ?, in P. Gauch/F. Werro/P. Pichonnaz, Mélanges en l’honneur de Pierre Tercier, Genève/Zurich/Bâle 2008, 639 ss ; Macaluso, Infractions de corruption dans l’entreprise : aperçu critique du droit positif suisse et perspectives, RPS 130/2012 23 ss ; Borghi, passim ; Méan, Le droit anticorruption et les organisations sportives internationales, ECS 4/13 206 ss ; Augsburger-Bucheli, Le whistleblowing et la lutte contre la corruption. Bilan et perspectives, ECS 9/09 627 ss ; Perrin, Corruption active d’agents publics étrangers. Quels risques pour les entreprises et leurs collaborateurs ?, ECS 4/09 264 ss.

13 Qui, à mon sens, n’explique pas à elle seule qu’aucune condamnation n’a jamais été prononcée sur la base de l’art. 4a LCD depuis l’entrée en vigueur en 2006 (FF 2014 3433, 3439).

14 La procédure pénale ouverte par le Ministère public de la Confédération le 24 septembre 2015 contre le président la FIFA a d’ailleurs été ouverte en raison de soupçons de gestion déloyale et abus de confiance au préjudice de la FIFA (https ://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-58891.html).

15 Macaluso, op.cit., 30 ; Cassani, op.cit., 58 ; Queloz, op.cit., 642 ; Borghi, Pour un droit privé contribuant effectivement à la lutte contre la corruption, in P. Gauch/F. Werro/P. Pichonnaz, Mélanges en l’honneur de Pierre Tercier, Genève/Zurich/Bâle 2008, 539 ss, 544.

16 Macaluso, op.cit., 28 ; Méan, op.cit., 207 ; Cassani, op.cit., 53 ss.17 FF 2104 3433, 3447-3448. Dans son rapport en réponse au postulat 11.3754, le Conseil fédéral envisageait pourtant « d’étendre

l’infraction actuellement visée à l’art. 102 al. 2 CP aux formes de corruption passive ».18 Cf. not. PC CP-Dupuis et al., art. 7 N 3. 19 FF 2004 6549, 6584 ss. 20 GRECO (2011), 26.21 FF 2014 3433, 3447-3448.

Il en va de même s’agissant d’un militaire suisse (art. 141a al. 1 et 143 al. 1 CPM).

À noter que le Conseil fédéral s’est refu-sé à incriminer l’octroi, respectivement l’acceptation d’avantages indus pour qu’un agent public étranger accomplisse les devoirs de sa charge10 (par opposition à l’offre, la promesse ou l’octroi d’un avantage indu à un agent public étranger pour qu’il exécute un acte contraire à ses devoirs ou dépendant de son pouvoir d’appréciation déjà réprimé par l’art. 322septies CP ; corruption active d’agents publics étrangers).Le Conseil fédéral s’est également refusé à incriminer le trafic d’influence11 connu et réprimé par certaines législa-tions étrangères.

La corruption privée

Le système de répression de la cor-ruption privée en place avant le 1er juillet 2016 a été fortement critiqué en raison des nombreuses limites à sa mise œuvre12 : le champ d’application de la LCD limité aux comportements ayant une influence sur la concurrence (loyale) et sur le marché, l’exigence de la plainte de l’art. 4a LCD cum 23 LCD13, le caractère délictuel (par opposition à criminel) de l’infraction de l’art. 4a LCD et l’absence de responsabilité primaire de l’entreprise.Ces critiques étaient en partie fondées mais perdaient souvent de vue que la corruption privée caractérisée était susceptible de tomber sous le coup notamment de l’art. 158 ch. 1 al. 3 et ch. 2 CP (gestion déloyale avec dessein d’en-richissement illégitime) ou de l’art. 138

ch. 2 CP (abus de confiance aggravé)14.Les (nouveaux) art. 322octies CP (cor-ruption privée active) et 322novies CP (corruption passive privée) répriment l’offre, la promesse donnée ou reçue, l’octroi, la sollicitation ou l’acceptation d’avantages indus dans le cadre d’acti-vités commerciales ou professionnelles à des employés, des associés, des man-dataires ou des auxiliaires aux fins qu’ils exécutent ou omettent un acte contraire à leurs devoirs ou dépendant de leur pouvoir d’appréciation sans exiger que ces comportements aient une influence sur la concurrence ou le marché. La corruption active et passive privée se poursuivra en outre d’office, sous réserve des cas de peu de gravité (art. 322octies al. 2 et 322novies al. 2 CP). À noter que l’art. 4a LCD a été maintenu sans modification de sa teneur, mais sa mention à l’art. 23 LCD a été supprimée. À noter par ailleurs que le Conseil fédéral puis les chambres fédérales ont fait le choix – à contrecourant de la doctrine15 – d’ériger les infractions aux art. 322octies et 322novies CP en délits (art. 10 al. 3 CP). Ils ne peuvent donc pas constituer une infraction préalable à l’infraction de blanchiment d’argent (art. 305bis CP). À noter enfin que l’art. 102 al. 2 CP inclut désormais la nouvelle disposition pénale de corruption privée active (art. 322octies CP) et rend donc l’entreprise au sein de laquelle elle a lieu respon-sable primairement sur le plan pénal. Le Conseil fédéral s’est en revanche refusé – ici aussi, à contrecourant de la doctrine16 – d’ajouter à l’art. 102 al. 2 CP l’infraction de corruption privée passive (art. 322novies CP)17

Disposition commune à la corruption publique et privée

Le (nouvel) art. 322decies CP – qui reprend presque mot à mot l’ancien art. 322octies CP – s’applique à la corruption publique et privée, et énonce que ne constituent pas des avantages indus les avantages autorisés par le règlement de service ou convenus par contrat, ainsi que les avantages de faible importance conformes aux usages sociaux.À son alinéa 2, il précise que les particuliers qui accomplissent des tâches publiques sont assimilés aux agents publics.

Le maintien du principe de la double incrimination

Pour mémoire et en application du principe de la double incrimination, les actes commis à l’étranger ne peuvent être poursuivis en Suisse que s’ils sont aussi punissables à l’endroit où ils ont été commis (art. 7 al. 1 let. a CP)18. Or le principe de la double incrimination n’est pas conforme à l’art. 17 al. 1 de la Convention pénale du Conseil de l’Europe sur la corruption. La Suisse a fait usage de son droit (art. 17 al. 2) d’émettre une réserve à cette disposition19.Alors même que le GRECO a recommandé à la Suisse de supprimer la condition de la double incrimination20, le Conseil fédéral s’y est refusé au motif que ce principe est un principe fondamental du droit pénal suisse21.

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Perspectives et conclusions

La modification la plus importante sur le plan pratique est évidemment la responsabilité pénale de l’entreprise, qui peut désormais être condamnée à une amende allant jusqu’à CHF 5 millions (art. 102 al. 1 CP) pour des comportements de corruption privée active commis par ses organes, ses employés, ses mandataires ou ses auxiliaires (art. 102 al. 2 CP cum art. 322octies CP). Les entreprises qui n’ont pas encore mis en place des mesures d’organisation visant à lutter contre la corruption privée doivent à mon sens s’y employer sans délai.Les mesures d’organisation raisonnables et nécessaires pour empêcher au sein d’une entreprise la commission de telles infractions (art. 102 al. 2 in fine CP) et qui exonéreront sur le plan pénal l’entreprise dépendent évidemment des types d’activité de l’entreprise et des risques qu’elles engendrent de voir ses organes, ses employés ses mandataires ou ses auxiliaires corrompre activement. L’adoption et la mise en œuvre par une entreprise des normes ISO 3700122, respectivement l’obtention de leur certification par un organisme habilité à le faire, pourraient être le sésame exonérant l’entreprise à l’endroit de laquelle une procédure pénale serait ouverte.

22 http ://www.iso.org/iso/fr/catalogue_detail ?csnumber=65034.

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Le point sur le projet de Nouveau Palais de Justice

L’office des bâtiments de l’Etat de Genève (OBA) et le pouvoir judiciaire étudient actuellement la faisabilité du Nouveau Palais de Justice dans le périmètre Praille-Acacias-Vernets (PAV), plus précisément dans le secteur de l’Etoile. Les résultats de l’étude devraient être connus au début de l’année 2017. Bref retour sur les travaux en cours et les étapes à venir.

Genève a besoin d’un nouveau Palais de justice. La situation prévalant depuis de nombreuses années ne peut plus durer. Elle nuit au bon fonctionnement des autorités judiciaires et à l’accueil des justiciables et de leurs conseils. Elle renchérit en outre le fonctionnement du pouvoir judiciaire et de ses partenaires de l’administration cantonale.

Texte — Patrick BeckerSecrétaire général du Pouvoir judiciaire

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Une pré-étude de faisabilité est en cours

Le constat étant partagé par tous les acteurs, une première étude de faisabilité d’un Nouveau Palais de Justice a été conduite et livrée en août 2013. Elle avait confirmé que la parcelle sélectionnée préalablement à l’étude, à proximité du Nouvel Hôtel de Police, était inadaptée. Dans la seconde étude de faisabilité, lancée en février 2014 et actuellement en cours, les différents acteurs ont retenu six lieux distincts en ville de Genève ou dans les communes environnantes.

Le secteur de l’Etoile, dans le périmètre du projet PAV, s’est rapidement révélé comme étant le seul à pouvoir accueillir les autorités judiciaires. Deux sites, localisés à proximité de la future place centrale de ce quartier, font plus précisément l’objet de l’étude, à laquelle participent l’office des bâtiments, l’office de l’urbanisme, le pouvoir judiciaire et le département de la sécurité et de l’économie. Les travaux permettront d’identifier les parcelles les plus à mêmes de recevoir un

bâtiment représentatif de l’un des trois pouvoirs de l’Etat et d’accueillir l’ensemble de ses acteurs (autorités judiciaires, centre de détention, avocats,…). Ils permettront également de jauger de la qualité de l’intégration du Nouveau Palais de Justice dans le projet urbanistique retenu par l’Etat pour ce secteur au début de l’année 2015 (http ://ge.ch/amenagement/projet-laureat-etoile-pav), d’identifier les contraintes de nature foncière et de fournir une estimation plus précise du coût du projet.

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1 études préa-lables

2 Crédit d’étude et concours

3 Autorisations de construire

4 Crédit d’inves-tissement et construction

Le projet comporte trois volets distincts. Le premier porte sur la plupart des juridictions accueillant des détenus (Ministère public, Tribunal pénal, Tribunal des mineurs et Tribunal administratif de première instance), le deuxième sur les autres juridictions de première instance (Tribunal civil, Tribunal des prud’hommes, Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant) et le dernier sur la Cour de justice. Le pouvoir judiciaire souhaite pour sa part la réalisation simultanée des deux premiers volets tout au moins, pour des raisons tant fonctionnelles que financières. Une décision politique est attendue sur ce point.

Les étapes suivantes

Les prochaines étapes consisteront à solliciter du Grand Conseil un crédit d’étude, devant permettre l’organisation d’un concours d’architecture, dont les résultats sont en l’état prévus courant 2019. Le pouvoir judiciaire mène actuellement un important travail de préparation, de manière à fournir le matériau utile à ceux qui, dans quelques mois, seront amenés à élaborer le cahier des charges du concours. Les questions les plus diverses sont abordées, portant sur la sécurité et la gestion des flux, la typologie des locaux, l’ergonomie et la santé, les installations techniques ou la configuration et l’équipement des salles d’audience. Sollicité, l’ordre des avocats a participé, en la personne de son actuel Bâtonnier, à quelques réflexions portant sur l’image de la justice, réflexions qui se poursuivront dans les mois à venir.

Planification des prochaines étapes, établie par le pouvoir judiciaire

La Formation Juridique dans les Universités

Américaines&

en Suisse

Quelles Particularités ?

Texte — Jeanne Arn

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La formation juridique en Suisse est empreinte du positivisme juridique1. L’idée générale est que le système juridique permet, par une utilisation correcte des normes, de tirer des conclusions uniques2. Les études de droit se focalisent donc sur la maîtrise du droit positif – c’est-à-dire sur l’ensemble des règles qui forme le système juridique tel qu’il est – et sur la compréhension de son cadre institutionnel. Dans cette optique, les cours visent à étendre la connaissance que l’étudiant a du système juridique et de ses normes, à développer chez lui la systématique nécessaire à leur application, et à approfondir les concepts qui les composent pour affiner sa technique.

La formation juridique américaine a une grande particularité : celle d’être imprégnée par l’American Legal Realism. Selon cette doctrine, pour comprendre ce qu’est le droit, il faut se concentrer sur ce que les juges font réellement – et non sur ce qu’ils disent qu’ils font avec les normes3. Aussi rejette-t-on l’idée selon laquelle on peut

— Jeanne Arn2013 Bachelor en droit et demi Bachelor en lettres à Genève 2015 Assistante de recherche en droit international public chez PILAC (Harvard Law School)2015 Master en philosophie à Genève2015 Certificat de spécialisation en matière d’avocature2016 Master en droit à Genève et Harvard

1 Je remercie Djemila Carron, Docteure en droit, LL.M (Columbia) et Fabien Liégeois, doctorant et avocat, LL.M (Chicago) pour leur relecture du texte et les nombreuses discussions sur le sujet. Les positions prises dans cet article n’engagent que moi.

2 Green Leslie, Legal Positivism, The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Edward N. Zalta (ed.), Edward N. Zalta (ed.), Fall 2009.3 Llewellyn K.N, On What is Wrong with So-Called Legal Education, 35 Colum. L. Rev. 651, 1935 ; Leiter Brian, Naturalism in Legal

Philosophy, The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Edward N. Zalta (ed.), Fall 2014.

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automatiquement déduire des conclusions légales uniques à partir des règles juridiques. Une approche fonctionnelle et anti-formaliste du droit qui a mené les facultés de droit à développer un système de formation privilégiant l’indétermination et la réflexion au positivisme pur. Le système de formation juridique américain vise ainsi de manière générale des objectifs différents du système suisse, tant sur le plan pédagogique que dans les capacités développées par l’enseignement. C’est la nature de ce système, les capacités qu’il développe chez l’étudiant et la conception du droit à laquelle il mène que j’analyserai dans cet article. Dans cette perspective, je présenterai les trois éléments essentiels de la méthode américaine qui assurent la dynamique du système : (1.) la méthode socratique, (2.) le développement de la réflexion, et (3.) la remise en question des valeurs. Ces éléments sont intéressants parce qu’ils permettent de révéler les spécificités légales, philosophiques et de développement humain, qui caractérisent la formation américaine. Pour que le système fonctionne, une dernière composante fait office de liant : la communauté. Je montrerai d’une part en quoi les trois premiers éléments participent à la création et à l’accroissement du lien social et, d’autre part, de quelle manière la communauté permet de maximiser leur bénéfice. Finalement, et à la lumière de ces développements, une comparaison avec le système de formation juridique suisse sera proposée (4.). Précisons qu’assurément ces deux systèmes de formation ne sont pas uniformes et que l’enseignement du droit dépend avant tout du professeur, ce qui peut nuancer d’une certaine manière l’analyse qui suit.

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4 Pour approfondir, cf. Abrams Jamie R., Reframing the Socratic Method, 64 J. Legal Educ. 562, 2015 ; Areeda Philip E., The Socratic Method, 109 Harv. L. Rev. 920, 1996 ; CBA Legal Futures initiative, Futures : Transforming the Delivery of Legal Services in Canada, The Canadian Bar Association, 2014 ; Garvin David A., Making the Case, Professional Education for the World of Practice, Harvard Magazine, vol. 106, n. 1, 2003, p. 58-65, 107 ; Niland Powell, The Value and Limitations of the Case Method, p. 90 ; Stevens Robert, Law School : Legal Education in America from the 1850’s to the 1980’s, Chapel Hill : The University of North Carolina Press ; Wizner Stephen, The Law School Clinic : Legal Education in the Interests of Justice, 70 Fordham L. Rev. 1929, 2002.

5 Garvin 2003, op. cit., n. 4, p. 58.6 Roe v. Wade, 410 U.S. 113, 93 S. Ct. 705, 35 L. Ed. 2d 147 (1973). Pour une analyse du cas, cf. Greenhouse Linda, Siegel Reva B., Before

Roe v. Wade, voices that shaped the abortion debate before the Supreme Court’s ruling, Yale Law School, 2012 ; Babcock Barbara A. et al, Sex Discrimination and the law : History, Practice, and Theory, 1996, p. 960-985 ; Mackinnon Catharine A., Feminism Unmodified, Discourses on Life and Law, Harvard University Press, 1988, p. 93-103.

7 La Cour suprême a jugé que, durant le premier trimestre, le choix de la mère devait prévaloir, dans le deuxième trimestre, les États pouvaient légiférer en relation avec des questions de santé de la femme, et dans le troisième trimestre, les États pouvaient privilégier la vie de ses futurs citoyens et interdire l’avortement.

8 Garvin 2003, op. cit., n. 5, p. 60.

La méthode socratique5

A la fin du 19e siècle, Christopher Langdell opère, depuis la Harvard Law School, une transformation de l’apprentissage juridique, en réduisant sa focalisation aux sources originales, c’est-à-dire jurisprudentielles6. Inspiré par la méthode inductive de Pierre Duhem, Langdell exige alors de l’étudiant qu’il retire, sur la seule base des décisions judiciaires, la théorie juridique. Dans ce contexte, la méthode socratique en droit constitue la formule permettant l’accouchement recherché. Elle consiste dans un enseignement prenant la forme de questions-réponses à travers lequel le professeur montre qu’il n’y a pas de réponse évidente et que le même cas peut conduire à des conclusions différentes. Dans la même dynamique que celle de Socrate, la réponse claire de l’étudiant finit ainsi par se heurter à l’incohérence : le raisonnement est alors à recommencer.

Maïeutique « modernisée », la méthode socratique n’en est pas moins exigeante. Elle n’est efficace que de façon participative, c’est pourquoi elle requiert de l’étudiant une préparation minutieuse. Durant le cours, l’étudiant peut se retrouver la cible de la discussion à tout moment. Lorsque tel est le cas, il doit pouvoir proposer un commentaire pointu de la substance de la règle ou du jugement abordé. En contrepartie de cet assaut intellectuel, représenté dans le film The Paper Chase (1973), le professeur exerce un rôle de guide qui accompagne l’étudiant dans son raisonnement. Il ne doit pas le perdre et surtout, il doit attiser sa curiosité – le professeur est d’ailleurs régulièrement évalué sur la qualité de son enseignement. Cette dynamique donne lieu à une simulation de part et d’autre de la classe qui confère au cours un intérêt particulier.

Une raison détermine le succès de la méthode socratique : la pression sociale. Cette dernière est accentuée par le fait que le campus universitaire est géographiquement isolé de la société et autosuffisant. Une nouvelle société se crée ainsi au sein du campus, dans laquelle chacun doit faire ses preuves, sous peine de manquer à la formation du lien social. En échange, la méthode socratique accélère le processus d’intégration sociale, créant une cohésion de groupe et forçant les étudiants à communiquer et à s’accorder du crédit. Elle incite également les discussions à se poursuivre après le cours, dès lors que tous les étudiants y sont effectivement impliqués. Comme évoqué, ce que l’étudiant peut dire est important pour les autres, puisqu’il sera lui-même émetteur de la théorie, modelée par l’aboutissement du raisonnement tenu en classe. Relevons que la méthode socratique peut ici avoir deux inconvénients : d’une part, elle expose ouvertement la situation scolaire de chaque étudiant, leur offrant ainsi une base pour la comparaison qui les mène parfois à la surperformance ; d’autre part, elle participe à la stigmatisation des plus vulnérables, souvent les minorités.

On peut illustrer la méthode socratique en prenant pour exemple l’arrêt Roe v. Wade (1973)7. Ce célèbre arrêt porte sur la constitutionnalité d’une loi texane criminalisant l’avortement. En se fondant sur le principe du procès équitable (due process), la Cour suprême a jugé cette loi inconstitutionnelle, instaurant ainsi un véritable droit au choix d’avorter, droit qui trouve sa limite dans l’intérêt manifestement prépondérant des États. Dans sa décision, la Cour déduit du principe du procès équitable un droit à la liberté personnelle et donc à la vie privée ; or, selon elle, le droit à la vie privée, qui est large, protège le choix des femmes à avorter. Pour analyser cet arrêt selon la méthode socratique, le professeur va d’abord demander aux étudiants de résumer les faits de manière circonstanciée. Puis, les étudiants devront expliquer la règle juridique que l’on peut en tirer et discuter sa logique. Il s’en suivra, par exemple, une discussion sur le contenu que les étudiants entendent donner à la vie privée et sur la question de savoir si on peut raisonnablement considérer l’avortement comme une composante de celle-ci. On se demandera aussi ce qui peut constituer un intérêt manifestement prépondérant d’un État. En modifiant quelque peu les faits, le professeur pourra défier le raisonnement de l’étudiant en relevant les limites de la règle. Il considérera alors, par exemple, le moment jusqu’auquel on peut interrompre la grossesse8, les critères qui doivent servir à fixer ce moment et son application stricte ou approximative au vu des avancées médicales.

Cette discussion permettra à l’étudiant : (I) de comprendre la règle, (II) de comprendre que celle-ci peut impliquer des conclusions différentes, et (III) d’insérer, de lui-même, cette règle dans une compréhension plus large du système juridique. S’agissant de ce dernier point cependant, la méthode socratique, qui se focalise sur peu d’arrêts pour les discuter en profondeur, peut parfois rendre difficiles la sélection de la bonne information et la vue d’ensemble par l’étudiant, avec pour risque de compromettre le systématisme de son raisonnement. Enfin, si la fin du cours révèle souvent une perplexité et une frustration de l’étudiant en manque de réponses, l’expérience provoque le plaisir de faire les découvertes par soi-même, ce qui accroît au demeurant la confiance en soi. Or, le but de la méthode socratique est non seulement de souligner la diversité des solutions possibles, mais aussi de développer un certain confort de l’étudiant dans l’ambiguïté des situations et un courage d’agir dans l’incertitude9. Tout en reconnaissant qu’il n’y a souvent pas de réponse juste ou fausse, mais seulement des arguments et des intérêts, l’étudiant prendra ainsi l’habitude d’être un decision maker, capable de se mettre à la place d’un juge pour faire son choix.

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9 Pour approfondir, cf. Abrams 2015, op. cit., n. 5 ; Mcdougal Myres S., Lasswell Harold D., Legal Education and Public Policy : Professional Training in the Public Interest, Faculty Scholarship Series, Yale Law School, Paper 2488 ; Packer Herbert L, Ehrlich Thomas, New Directions in Legal Education, 1972 ; Levi Edward H., An Introduction to Legal Reasoning, University of Chicago Press, 1949 ; Wizner 2002, op. cit., n. 5 ; Zalesne Deborah, Nadvorney David, Why Don’t They Get It ? : Academic Intelligence and the Under-Prepared Student as “Other”, 61 J. Legal Educ. 264, 2011.

Le développement de la capacité de réflexion9

La prise de conscience, par la méthode socratique, de l’existence de solutions diverses et contradictoires va de pair avec l’observation du fait que le système juridique n’est qu’une interprétation du monde, résultant de manière contingente d’une série d’arrangements et de compromis. Les règles juridiques issues de cette construction sociale ne peuvent donc systématiquement offrir des solutions à tous les problèmes. En réalité, elles n’apportent au juriste qu’une aide ponctuelle dans son raisonnement : c’est ce qu’on appelle l’indétermination légale. Pour palier à cette indétermination, l’étudiant doit alors apprendre à voir au-delà des normes juridiques traditionnelles et du droit positif.

Dans cette optique, l’étudiant devra, d’une part, pouvoir distinguer les variables et les différentes lectures possibles d’une règle de droit. D’autre part, il devra être capable de mettre à l’épreuve ces différentes lectures afin de s’assurer que le résultat qui découle de la règle de droit soit toujours rationnellement relié aux valeurs et aux intérêts qui la fondent. En général, l’exercice se termine par la remise en question de ces valeurs. Cette analyse nécessite d’être attentif à différentes composantes : comprendre la situation ; déterminer la règle juridique applicable ; identifier les différentes lectures qui peuvent être faites de cette règle juridique en fonction des intérêts qui composent la situation ; saisir la valeur qui a amené à l’élaboration de la règle (et à sa nécessité) ; analyser si le résultat concret correspond à la valeur protégée (effectivité de la norme) ; et, finalement, se demander si une autre valeur devrait être mise en avant.

Comprendre la situation et déterminer la règle juridique applicable sont des composantes élémentaires de la compréhension du droit. Ces mécanismes sont particulièrement approfondis en première année dans une série de cours classiques, où l’étudiant apprend la base de la théorie juridique qui permet d’appréhender les règles du système et leur manipulation (contrats, responsabilité civile, droits réels, droit pénal). En revanche, être capable de reconnaître les différentes variables et intérêts qui entrent en considération dans chaque situation, puis déterminer l’efficacité d’une norme ou d’un principe de droit en relation avec ces variables, et ainsi réfléchir à son utilité, demande une réflexion plus approfondie dans la mesure où il s’agit, pour l’étudiant, de questionner la règle en elle-même.

Aussi, la Law School doit procurer des outils permettant à l’étudiant d’élaborer sa réflexion. On relève trois outils principaux, développés par le biais des enseignements proposés durant le cursus, qui participent à la capacité de traiter de l’information : l’interdisciplinarité, la critique et la pratique.

Tout d’abord, l’interdisciplinarité a pour effet de rendre l’étudiant attentif à une série de considérations a-légales, qui lui permettent de porter des regards différents sur une

situation ou sur une norme juridique. Je l’ai souligné, le système juridique étant perçu comme un point de vue sur le monde, il est essentiel de pouvoir en comprendre d’autres interprétations. Par exemple, des cours de sociologie, de philosophie politique et du droit, de féminisme, de law and economics (analyse de l’impact d’une norme légale grâce à des principes tirés de l’économie), d’histoire et même de littérature sont fréquemment proposés dans les facultés de droit. Une fois assimilées, ces disciplines offrent précisément des « grilles de lectures » qui révèleront des paramètres externes au droit susceptibles d’avoir un impact sur celui-ci.

Le deuxième outil est l’esprit critique. L’étudiant doit être capable de remettre en question le point de vue qui lui est soumis, peu importe l’autorité dont il émane, et d’en évaluer son contenu. À cet effet, on donne à lire à l’étudiant un nombre important de textes critiques, qui l’exercent à trouver les failles d’un raisonnement et à contredire les théories. À la suite de cela, le professeur discute des propositions contenues dans les lectures à faire et ouvre le débat sur une situation de fait, une norme, ou une politique légale. Il faut, pour l’exercice,

mettre de côté ses convictions et se concentrer sur la réfutation de l’argument. Aussi, on ne prétend que rarement à une objectivité qui va souvent de pair avec une forme de retenue. Notons que l’esprit critique n’est possible que dès lors qu’on a accepté qu’il n’y ait de système juridique totalement cohérent. Plus tard, la capacité à penser de façon critique et l’aisance à prendre parti dans une situation permettront de se détacher des propositions non valides et d’élaborer des solutions nouvelles.

Enfin, le troisième outil a pour but d’exercer l’étudiant à faire preuve d’une forme d’intelligence pratique par des cours appelés cliniques et pro bono. Ces cours, supervisés par des

« ...la méthode socratique peut ici avoir deux inconvénients : d’une part, elle expose ouvertement la situation scolaire de chaque étudiant, leur offrant ainsi une base pour la comparaison qui les mène parfois à la surperformance ; d’autre part, elle participe à la stigmatisation des plus vulnérables, souvent les minorités. »

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10 C’est toutefois un certain type de multiculturalisme.11 Pour approfondir, cf. Derek Bok, Beyond the Ivory Tower, Social Responsibility of the Modern University, Harvard University Press,

1982 ; KENNEDY Duncan, Legal Education and the Reproduction of Hierarchy, 32 J. Legal Educ. 591 (1982) ; Mcdougal, Lasswell, op. cit., n. 13 ; Packer, Ehrlich 1972, op. cit., n. 13 ; Unger Roberto, The Critical Legal Studies Movement, 96 Harv. Lev, 1983 ; Wizner 2002, op. cit., n. 5.

12 Unger 1983.

membres de la faculté, prennent place sur le terrain, le plus souvent sous la forme de défenses juridiques dans des cas réels. L’étudiant a par exemple la possibilité d’aller plaider devant les tribunaux ou de travailler avec des personnes vulnérables. Il est censé en extraire des compétences telles que l’intelligence émotionnelle, la maîtrise de la technologie, la communication, la négociation ou le risk management. Ces aptitudes permettront une perception complexe du monde, un meilleur traitement de l’information et une sensibilisation sociale. L’objectif est cependant plus large. Il vise une réflexion sur la nature du droit et sur la relation entre la pratique et le droit tel qu’il

est enseigné, et tend à permettre à l’étudiant d’acquérir une meilleure compréhension de la manière dont la doctrine juridique fonctionne, ou ne fonctionne pas, dans la réalité.

Pour reprendre notre exemple de Jane Roe et de son avortement, on vise à ce stade à regarder au-delà de l’arrêt. On pourra se demander quels intérêts entrent en considération aux côtés de celui de la femme à pouvoir avorter. Il y a notamment l’intérêt des États américains à préserver leur compétence propre pour légiférer sur cette matière, celui des États à protéger la santé et la vie des citoyens femmes et enfants vivants ou à naître, et celui des médecins à pratiquer de manière libre. Cet exercice permettra de réfléchir à la manière de pondérer ces intérêts lors de l’application de la règle ainsi que dans les cas limites. À cet égard, on pourra se référer au concept philosophique de personne, à la philosophie féministe relative à la liberté de la femme, à la bioéthique, aux conséquences sociétales de l’absence ou de la présence d’avortements et à la psychologie individuelle. Enfin, on pourra aussi critiquer la règle en se demandant si les juges avaient ou non la légitimité constitutionnelle de l’établir et s’interroger sur les raisons qui les ont amenés à prendre une telle liberté.

En parallèle des cours, l’énergie du campus participe à la stimulation intellectuelle de l’étudiant. De l’importance accordée à l’opinion et au débat découle celle donnée au sujet : l’étudiant n’a plus raison ou tort et son avis participe de la création de la pensée commune. Le multiculturalisme est alors un outil supplémentaire qui permet d’envisager le monde sous un autre regard10. Par ailleurs, des dizaines

de conférences sont proposées chaque jour aux heures des repas. À cette occasion, des personnalités de différents domaines, chercheurs et professionnels, viennent exposer leurs théories et faire découvrir aux étudiants un sujet qui leur est souvent inconnu. On trouve enfin une quantité d’autres opportunités, comme les clubs, les revues juridiques, les associations, voire le travail pour un professeur ou un programme de recherche. La plupart de ces activités se focalisent sur l’aspect social et de service public dans et en dehors de la communauté, et permettent à l’étudiant de mettre immédiatement en pratique ses réflexions parfois très (trop ?) abstraites.

La critique de la valeur11

Cette mise en perspective sociale est cruciale du point de vue américain. De l’indétermination légale découle précisément le fait que les principes juridiques et les règles de droit – que les formalistes considèrent de leur côté comme indiscutables – cachent, en fait, des réalités politiques et morales12. La capacité de réflexion alors acquise permet, d’une part, de cibler la valeur en amont de la règle juridique (quelle fin la règle sert-elle ?) et d’en évaluer l’opportunité (doit-on changer la règle ?), et d’autre part, de proposer des nouvelles solutions au bénéfice de la communauté. Dans cette optique, l’étudiant apprendra à reconnaître les dilemmes éthiques et à considérer les implications socio-économiques et politiques du droit. De là, il pourra donner son opinion de manière efficace sur les policies qui mènent à l’élaboration de la règle juridique et discuter de leur réforme une fois confronté à une situation qui, dans le cas concret, dérange.

On postule même parfois une nature instrumentale du droit, où celui-ci peut – et doit – servir à des fins sociales (s’il n’est pas détourné à des fins éloignées de celles-ci). La thèse est ici que l’on peut utiliser l’indétermination juridique et la flexibilité du droit au service d’un idéal plutôt qu’au service des autres. Le droit est considéré comme intrinsèquement lié à la politique et les décisions légales sont en réalité des formes de décisions politiques. Formulée par le mouvement Critical Legal Studies, cette idée est très répandue dans les enseignements d’universités telles que la Harvard Law School, où le droit est idéalement vu comme un vecteur permettant de rendre la société plus humaine, plus égalitaire et plus démocratique (selon des notions américaines).

« Le multiculturalisme est alors un outil supplémentaire qui permet d’envisager le monde sous un autre regard. »

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La formation juridique est alors notamment orientée vers la conscientisation de l’étudiant – perçu comme un espoir pour la société – qui apprend à agir comme un agent raisonné et selon des principes de justice sociale.

Certains professeurs, comme Duncan Kennedy, ont d’ailleurs émis des doutes quant aux possibilités du système de se remettre en question, sans l’aide de cette intervention13. Selon lui, les règles qui composent le système légal forment un ensemble établissant des valeurs à tendance néolibérales qui conditionnent l’étudiant dès le début de son cursus à un certain type d’idéologie. L’étudiant est nécessairement pris dans cette structure qui s’auto-justifie et il est alors difficile pour lui de penser autrement librement. Il existerait donc un biais politique dont on n’arriverait à s’extraire que difficilement et qui impliquerait que le véritable changement social ne peut intervenir que lentement et via des petites actions.

S’agissant du campus, la liberté, le sentiment d’exclusivité et l’accumulation d’opportunités offertes à l’étudiant tendent à faire naître la prise de conscience de sa responsabilité morale. Il est clair qu’il reçoit davantage que le minimum dont il a besoin et il doit désormais utiliser ce surplus judicieusement. La communauté universitaire est alors un terrain d’expérimentation où, soutenu par l’université et la force du groupe, l’étudiant a la possibilité de développer des

projets à l’échelle du campus, puis plus largement.

Poursuivons notre exemple de Roe v. Wade. Dans le prolongement des développements précédents, l’étudiant recherchera d’abord le contexte politique qui a influencé l’adoption de la règle. Ici, l’arrêt est un compromis entre les juges qui défendent et ceux qui s’opposent à l’avortement, compromis qui n’a toutefois satisfait aucun des côtés14. La valeur qui sous-tend la règle est la vie privée. L’étudiant défiera alors la règle et critiquera la valeur : que se passerait-il si Jane Roe était une femme pauvre ? Ou afro-américaine ? En effet, le droit au choix de la femme implique une démarche passive de l’État. En tant que tel, l’arrêt ne donne pas droit à une aide financière pour l’avortement (cf. Harris v. McRae15). Il exclut ainsi de facto de la protection les femmes de milieux socio-économiques faibles. Sur un autre plan, des critiques féministes ont dénoncé le fait que le droit à l’avortement basé sur la liberté dans la vie privée implique une zone de non-droit dans cette même vie privée, donc dans la sexualité. Par voie de conséquence, il engendre une plus grande subordination des femmes à l’égard des hommes16. Enfin, l’étudiant se demandera s’il existe une autre valeur qui permettrait d’améliorer la situation : par exemple, si on préférait l’interdiction de la discrimination basée sur le sexe à la vie privée, la règle viserait toutes les femmes et jusqu’à dans leur sphère privée. Et ainsi de suite.

Parmis les plus réputées, la Harvard Law School est un modèle reconnu internationalement

13 Kennedy 1982.14 Babcock 1996, op. cit., n. 10, p. 972, 973.15 Harris v. McRae, 22 Ill. 448 U.S. 917, 101 S. Ct. 39, 65 L. Ed. 2d 1180 (1980).16 Mackinnon 1988, op. cit., n. 10, p. 95-97, Halley Janet, Harvard Law School, 30.09.2015.

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17 Pour approfondir, cf. Dedek Helge, Didaktische Zugänge zur Rechtslehre in Nordamerika, in Exzellente Lehre im juristischen Studium, Nomos Verlag, 2011, p. 41-58 ; Dolovich Sharon, Making Docile Lawyers, An Essay on the Pacification of Law Students, 111 Harv. L. Rev. 2027, 1998 ; Granfield Robert, Making Elite Lawyers : visions of law at Harvard and Beyond, 1992 ; KENNEDY 1982 op. cit., n. 11 ; Manning John F., Stephenson Matthew, Legislation & Regulation and Reform of the First Year, 65 J. Legal Educ. 45, 2015.

18 On trouve notamment, aux Etats-Unis, une revue juridique consacrée à ce thème (Journal of Legal Education), regroupant de nombreuses universités et publiée trois fois par année, et la Harvard Law School propose un cours entièrement dédié à cette réflexion : Innovation in Legal Education and Practice, Prof. Westfahl (2015).

Et le système suisse ?17

Dans la formation juridique suisse, l’étudiant apprend en règle générale un système légal, dans lequel il n’y a pas – ou peu – d’indétermination et qui permet la déduction de conclusions juridiques nécessaires. Parler de syllogisme est ici évocateur puisqu’en logique, les prémisses d’un argument entraînent la véracité formelle de la conclusion. S’agissant du cursus, le système de formation suisse propose une majorité de matières du droit positif organisées par catégories, dont les sujets sont progressivement plus spécifiques et plus pointus, et qui assurent une compréhension effective du système légal. Ces matières sont considérées comme « dures », par opposition aux matières molles telles que la sociologie ou la philosophie. Contrairement au système américain, durant ces cours, il est rarement demandé à l’étudiant de discuter des règles et d’identifier ou de remettre en question les valeurs qui les sous-tendent, le droit étant considéré comme complètement distinct de la politique. À cet égard, le positivisme postule qu’il faut décrire le droit tel qu’il est et non tel qu’il devrait être. Ces généralités souffrent assurément d’exceptions, mais c’est là des conséquences fréquentes du positivisme juridique.

Les aptitudes développées par les étudiants au sein de ces deux systèmes sont différentes. Le système américain permet de développer une certaine capacité de réflexion, une sensibilisation aux facteurs externes ayant un impact sur la règle juridique et une idée que le droit permet l’amélioration de la société. D’un point de vue sociologique, le campus pousse aussi l’étudiant à développer une forme d’intelligence sociale. Le risque est d’en faire mauvais usage. Le système suisse permet l’acquisition d’une connaissance étendue du système juridique et de ses subtilités, une aisance à cibler et décortiquer les différents concepts d’une règle de droit, une capacité à appliquer cette règle avec technique, et enfin, une maîtrise du cadre institutionnel. Le risque est ici de ne plus savoir sortir du cadre.

Eu égard à ces divergences, il ne faut pas sous-estimer l’impact des théories philosophiques auxquelles ces deux systèmes de formation sont rattachés, à savoir le réalisme légal et le positivisme juridique, ainsi que l’impact des différents systèmes légaux qu’ils appliquent (le common law et le droit civil). Cela étant, on peut se demander dans quelle mesure il faut considérer ces différences comme inhérentes à des traditions opposées, et donc inévitables. Quand bien même les questions et les enjeux qui se posent dans ces deux systèmes ne sont pas toujours les mêmes, je postule que, dans de nombreux cas, on pourrait s’inspirer de l’autre système pour adopter une perspective autocritique et pour s’améliorer.

On l’a vu, la méthode américaine est critiquable à plusieurs égards : sur le plan académique, le système de formation peut provoquer un manque de systématisme et de vue d’ensemble, un manque de rigueur, une stigmatisation de certains étudiants et un conditionnement à des valeurs

auxquelles il est difficile d’échapper. La valorisation à l’extrême des intérêts, la partialité et la mise en avant du débat engendrent par ailleurs la sous-estimation de l’importance d’une certaine objectivité, qui implique qu’on doive alors souvent se demander quels intérêts sont réellement défendus derrière les opinions, voire si elles ont été financées par une partie prenante. Sur le plan structurel, les universités, notamment en raison du prix des études, reproduisent des inégalités sociales et une méritocratie. Le changement social prôné ne peut alors en réalité intervenir que difficilement parce qu’il ne viendra que du haut. Le prix des études engendre également une absence de liberté des étudiants diplômés quant au choix de leur carrière, dans la mesure où ils doivent supporter une dette conséquente, voire une tendance à la paralysie qui résulte de la crainte de perdre leur emploi. Sur ces points notamment, et sur d’autres, il est clair que le système américain pourrait largement s’inspirer du système positiviste.

Dans le même sens, le système de formation américain développe certaines capacités qui pourraient être profitables au juriste suisse et que l’on pourrait inclure dans l’enseignement en vigueur. Trois questions se posent particulièrement : sur le plan académique, avec le développement des nouvelles technologies, on en vient à remettre en question l’utilité de ne savoir appliquer qu’un système statique et de suivre un raisonnement linéaire. Un raisonnement plus holistique permettrait ici d’élargir le rôle du juriste. Sur le plan social, la mise en commun des forces au bénéfice de la communauté et la conscience de leur responsabilité morale par ceux qui ont, en leurs mains, le système qui règle la vie des citoyens, pourraient permettre d’améliorer la société. Enfin, sur le plan juridique, on peut se demander dans quelle mesure les juges suisses prennent encore (ou n’ont jamais pris) leurs décisions en ne se basant que sur le droit positif à l’exclusion de leurs propres jugements moraux ou politiques. En s’inspirant du système américain on pourrait ainsi envisager d’apporter les réformes suivantes au système de formation suisse : (1) étendre la formation juridique suisse à plus d’interdisciplinarité en élargissant l’offre de cours non juridiques (matières molles), (2) accentuer le côté critique en mettant davantage en avant le débat et en proposant aux étudiants des lectures critiques, (3) développer une dimension pratique et éthique en encourageant les cours prenant la forme de law clinics, (4) attirer l’attention de l’étudiant sur l’influence politique du droit qui dépend avant tout des valeurs qui le fondent.

Reste à relever qu’en Suisse – et contrairement aux Etats-Unis, où il existe une litérature consacrée à la réflexion sur l’enseignement du droit et la pédagogie, et où les méthodes de formation et leurs résultats sont analysés et remis en question – le débat sur la formation juridique est absent de la place publique et on ne trouve que très peu de publications consacrées à ce sujet18. La première étape en vue d’aller au-delà du système suisse, pourrait être ainsi d’ouvrir une discussion sur ce que doit être l’enseignement du droit et comment l’améliorer.

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Impressum

La Lettre du Conseil - Numéro °63Avril 2017

Comité de rédaction (provisoire) Grégoire Mangeat Caroline Bydzovsky

ContributeursMe Jeanne Arn, Me Marie Berger, Dr Guillaume Braidi, Prof. Benoît Chappuis, Me Philippe Currat, M. Christophe Donay, Me Gaetan Droz, M. Boaz Feldman, Me Sofian Ghezala, Me Laurent Hirsch, Me Grégoire Mangeat, Me Fanny Margairaz, Me Sophie Montalcini, Me Arnaud Moutinot, MeFrédéric Ney, Me Taoufik Ouanes, Me Miguel Oural, Me Niels Schindler, Me Julie Wynne

Tirage1800 exemplaires

GraphismeKraafts.com

Cette publication a été créée par l’Ordre des Avocats de Genève : 11, Rue de l’Hôtel-de-Ville – 1204 GenèveTél : +(41) 22 320 50 65Fax : +(41) 22 781 45 59www.odage.ch

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