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INSTITUT ANDRE TUNC- Centre de Recherche sur la Justice et procès/ Paris 1. LA LEX FORI EN DROIT JUDICIAIRE INTERNATIONAL Ghizlane EL IDRISSI

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INSTITUT ANDRE TUNC-

Centre de Recherche sur la Justice et procès/ Paris 1.

LA LEX FORI EN

DROIT JUDICIAIRE INTERNATIONAL

Ghizlane EL IDRISSI

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SOMMAIRE

Introduction ........................................................................................................................ 6

Chapitre 1 : La lex fori : un dogme, une tradition ........................................................ 11

Section I. – origines de la règle de la lex fori ............................................................................... 11

Section II. – Naissance du dogme de la lex fori.......................................................................... 13

Chapitre 2 : Les exceptions à la règle d’application de la lex fori............................... 19

Section I. – Les exceptions relatives au droit d’action ................................................................ 19

Section II. – Les exceptions en matière de preuve..................................................................... 23

Conclusion de la première partie ................................................................................................. 29

Chapitre 1 : Echec du dogme de la lex fori : Les causes ............................................. 31

Section I. - Hypothèse de l’erreur de qualification interne ........................................................... 31

Section II. - Manipulation de l’opération de qualification.............................................................. 33

Chapitre 2: Solutions alternatives au dogme de la lex fori .......................................... 38

Section I. – Droit américain : absence de distinction .................................................................. 38

Section II. Impératif de cohérence des systèmes juridiques....................................................... 41

Conclusion de la deuxième partie................................................................................................ 46

Conclusion générale ........................................................................................................ 47

BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................... 49

INDEX ALPHABETIQUE................................................................................................... 53

TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES........................................................................... 55

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

art……………………………………………………………………………………….. Article

Civ 1 ……………………………………………… 1ère chambre civile de la Cour de cassation

Com. fr. dr. int. pr. ……….……..……………….. Comité français de droit international privé

CPC ………………………………………..…………………….….. Code de procédure civile

D. …………………………………………..……………………..……………..Recueil Dalloz

Gaz.Pal…………………………………….…………………….……...…… Gazette du Palais

JCP…………………………………………… Jurisclasseur périodique. La semaine juridique

JDI……………………………….……………………………… Journal de droit international

RCDIP…………………………….………………. Revue critique de droit international privé

RIDC……………………………..……………………. Revue internationale de droit comparé

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Introduction

Lex fori et droit judiciaire international

Nul besoin de justifier la nécessité de s’attarder d’abord sur la définition des notions, tant le « droit judiciaire international » est une expression peu courante.

Un découpage nous mènerait à définir droit judiciaire, doit international, puis à effectuer une analogie avec le droit judiciaire privé.

Aucun manuel, traité, ou œuvre universitaire ne traite du « droit judiciaire international » en tant que branche indépendante du droit.

La première partie de la locution est le terme « judiciaire ». On peut ainsi supposer que celui-ci prévaut sur le terme « international ». On recherchera alors les locutions voisines. L’expression « droit judiciaire privé » est elle beaucoup plus courante. Cette expression, employée pour la première fois, semble-t-il, par Morel1et consacrée par Solus2, désigne un ensemble qui regroupe à la fois la procédure civile et l’organisation judiciaire3. En effet, le droit judiciaire privé4 est, selon Solus et Perrot, « l’ensemble des règles qui gouvernent l’organisation et le fonctionnement de la justice en vue d’assurer aux particuliers la mise en œuvre et la sanction de leurs droits subjectifs en matière de droit privé »5. Cette expression a, peu à peu, pris le dessus sur celle de procédure civile dans le domaine universitaire.

Les questions liées à l’organisation judiciaire étaient exclues car jugées trop éloignées du droit privé en raison de leur rapprochement du droit public.

1 Sur cette attribution, L. CADIET, « Les sources internationales de la procédure civile française », in Mélanges

H. GAUDEMET- TALLON, Vers de nouveaux équilibres entre ordres juridiques, Dalloz, 2008, p. 217

2 Cette expression a été pour la première fois employée par cet auteur lors de son cours à la Faculté de droit de

Paris en 1940 (Cours de droit judiciaire privé, 1940-1941).

3L.CADIETetE.JEULAND,Droitjudiciaireprivé,Paris,Litec,5èmeédition,2006,§2ets.

4 L’expression « droit judiciaire privé » a été préférée à cette de « droit judiciaire civil », puisqu’elle recouvre,

outre le droit civil, également le droit commercial, le droit du travail et le droit rural. A cet égard, voir H.

SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, Sirey, éd. 1961, p. 13.

5 H. SOLUS et R. PERROT, op. cit., p. 13.

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La donne a changé depuis que l’organisation judiciaire et la procédure civile sont traitées ensemble, on a donc adopté l’expression : « droit judiciaire privé ».

Le droit judiciaire privé est ainsi défini comme « l’ensemble des règles relatives à la solution des litiges par le juge »6.

Par ailleurs, la notion de droit judiciaire international se distingue de la notion de droit judiciaire privé par la suppression de l’adjectif « privé » et l’adjonction de l’adjectif « international ». on peut en déduire qu’il ne s’agit plus que de matière civile, mais qu’il peut s’agir également de tout ce qui se rapporte au droit pénal, pourvu qu’il y ait un élément d’extranéité justifiant le terme « international ».

Cette expression a été employée par Mme Horatia Muir Watt qui rédigé une chronique au sein de la Revue générale des procédures intitulée « Droit judiciaire international ».

Cette chronique7 fait référence au « droit international privé » en abordant des conflits de lois avec des enjeux privés.

Horatia Muir Watt a également utilisé cette expression au sein du Dictionnaire de la justice de M Loic Cadiet8 en traitant du « for ».

Il ne va pas sans noter qu’à l’université Paris 1, Emmanuel Jeuland donne un séminaire de « droit judiciaire international » adressé à des étudiants en Master 2. ». Ce séminaire traite justement des questions de procédure en matière de droit international privé.

Il reste à préciser le domaine d’intervention du droit judiciaire international, il a souvent été fait référence au droit international privé, il sera donc légitime de limiter le droit judiciaire international au domaine privé.

Par ailleurs, et pour ne pas tomber dans les travers de l’analogie, il reste utile de distinguer le droit judiciaire international, du droit international privé.

Alors que le droit international privé traite de la substance, le droit judiciaire international traite des questions de procédure et d’organisation judiciaire dans un contexte international à caractère privé.

6 L. CADIET et E. JEULAND, op. cit., §13.

7 Notamment : H. MUIR WATT « La rencontre dans l’espace de figures hybrides », Revue générale des

procédures n°2, avril/Juin 1999, Dalloz, p. 291 ; « Harcèlement sur harcèlement ne vaut », même revue, n° 4

Octobre/décembre 1999, p 747.

8L.CADIET,(sousladirectionde),Dictionnairedelajustice,Paris,Puf,2004.

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Après ces précisions terminologiques il sera plus facile de définir le sujet ainsi que sa pertinence.

Le sujet traite du rôle de la loi du for en droit judiciaire international, il serait donc judicieux d’effectuer l’état des lieux avant de faire le constat d’échec.

En matière de conflits de lois la méthode d’usage en France est la méthode conflictuelle. Cette méthode permet de recourir à une loi étrangère que le juge du for peut être amené à appliquer.

Cela permet de respecter la volonté des parties qui prévoyaient l’application de la loi de leur for ou du for dans lequel leur lien juridique est né. C’est notamment dans cet esprit que l’on peut écarter l’application substantielle de la loi française.

Par ailleurs, en matière de procédure, l’application de la loi du for est la règle.

Est-ce légitime ? L’application d’une loi étrangère de procédure touche-t-elle plus la souveraineté étatique de l’Etat du for qu’une loi sur le fond ? En quoi une différence procédurale peut-elle toucher à la conviction du juge?

Qu’est-ce donc que la lex fori et pourquoi son application est-elle privilégiée à la méthode conflictuelle en matière processuelle dans les litiges de droit international privé ?

La lex fori étant selon Horatia Muir Watt9« la loi de l’Etat dont les tribunaux sont effectivement saisis d’un litige et qui sert de repère dans un conflit de lois. », c’est la loi que le juge maitrise le mieux puisque c’est la loi de son for. Toute une doctrine s’est développée autour de l’utilisation de la lex fori en la considérant comme légitime le recours systématique du juge uniquement aux règles de droit judiciaire de son for.

Le procès étant régi par un droit issu de l’Etat, le juge français doit être saisi selon des modes connus et maitrisés par lui. La méthode conflictuelle semble difficilement applicable dans ce contexte.

Néanmoins la méthode conflictuelle n’est pas complètement exclue en droit international privé, c’est le cas en matière de preuve ou d’ouverture du droit d’action.

Quelle est donc la pertinence de cette règle de l’applicabilité unique de la lex fori en droit judiciaire international ? Cette règle de l’applicabilité de la lex fori en matière processuelle a-t-elle réellement une valeur impérative ? Pourquoi est-elle donc exclue dans plusieurs cas de figure ? Est-il suffisant de se baser sur le lien entre la souveraineté étatique et la loi du for pour imposer l’application automatique de la lex fori en en érigeant un dogme? La commodité l’emporte-t-elle sur la logique juridique ?

9 H. MUIR WATT, Dictionnaire de la justice, sous la direction de L.CADIET, Puf, 2004, § « For », p. 521

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La problématique peut il sera étudié dans une première partie l’appréciation de la règle de la lex fori en droit judiciaire international et dans une seconde partie le constat d’échec de la règle de la lex fori en droit judiciaire international.

Partie 1. La lex fori en droit judiciaire international : Etat des lieux

Partie 2. La lex fori en droit judiciaire international : Echec et alternatives

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Partie I

La lex fori est présentée comme un « dogme » en matière de procédure liée au droit international privé10.

La loi du for est indiscutablement la loi applicable en matière de procédure à caractère international selon la doctrine, elle connaît néanmoins des exceptions.

Il s’agira de traiter dans cette première partie d’abord du dogme de la lex fori, tradition internationaliste, pour en dresser le bilan des exceptions.

Chapitre 1. La lex fori : un dogme, une tradition

Chapitre 2. Les exceptions à la règle d’application de la lex fori

10M.-L.NIBOYET,«Contre ledogmede la lex forienmatièredeprocédure», inVersdenouveauxéquilibresentreordresjuridiques,Mélangesenl’honneurdeH.Gaudemet-Tallon,Dalloz,2008,p.363à375.

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Chapitre 1 : La lex fori : un dogme, une tradition

L’application de la lex fori en matière processuelle dans le cadre d’un litige comportant un élément international est une règle largement défendue et admise par la doctrine internationaliste privatiste.

Selon cette règle, la méthode conflictuelle ne s’applique pas aux questions qui touchent à la procédure, étant donné que l’application d’une loi de procédure étrangère pourrait en résulter, ce qui serait « inadmissible ».

La lex fori en droit judiciaire international est devenu ainsi un dogme, contestable, dans la mesure où il connaît plusieurs exceptions.

Section I. – origines de la règle de la lex fori

Jacques de Révigny et Pierre de Belleperche sont à l’origine de la distinction entre règles de fond et règles de procédure.

Selon eux, le juge ne peut appliquer que les règles du for en matière de procédure, alors qu’une loi de fond étrangère peut s’appliquer.

La cour appliquait ses usages en matière processuelle, notamment en ce qui concernait les questions de comparution par procureur, règlement temporel des conclusions et des exceptions, cautions et condamnation aux frais de la procédure.

Néanmoins, plusieurs questions ne relevaient pas de cet « ordre de procédure »11, notamment les questions d’autorité de la chose jugée ou de preuve.

Notons la grande rareté des arrêts justifiant de l’application de la loi du for, son application ayant été considérée de bon sens.

§1. Fonctionnement de la justice et souveraineté étatique

L’application de la lex fori se fonde sur l’importance qu’ont les règles de procédure. Le bon fonctionnement de la justice en dépend. La justice est une fonction régalienne de l’Etat, la souveraineté de ce dernier est en jeu, il est impératif donc selon ce raisonnement de ne pas prendre en compte les normes étrangères et de veiller à ce que seules les règles du for soient appliquées par le juge du for, ce juge, selon Marie Laure Niboyet « aurait reçu une délégation de souveraineté étroitement

11 E. M. MEIJERS, op. cit. p. 589

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conditionnée au respect des normes de procédure de son for, de sorte qu’un juge qui officierait selon d’autres normes de procédure sortirait de ses fonctions »12.

Le fond du litige, par opposition à la procédure ne connaît pas ce débat, la loi du for n’y est pas souveraine.

La méthode conflictuelle permet l’application d’une loi étrangère dans les litiges permettant de relever un élément d’extranéité, le droit international privé admet ainsi d’empiéter sur la souveraineté étatique afin de rendre une décision plus adaptée aussi bien aux parties aux litiges qu’aux relations bilatérales ou multilatérales entre Etats.

§2. Organisation judiciaire et souveraineté étatique

L’organisation judiciaire et les modalités selon lesquelles le conflit prend la forme d’un litige sont l’expression de la souveraineté de l’Etat et ne peuvent tolérer l’application ou l’intervention de lois étrangères ayant vu le jour dans un autre contexte.

En guise d’exemple, on peut être amené à appliquer le droit de la famille concernant les résidents ou les ressortissants étrangers, néanmoins il serait difficile d’envisager l’application exclusive de ces lois à toutes les étapes du litige et notamment en ce qui concerne les questions de saisine et d’organisation judiciaire.

Aucun parallélisme n’existe entre l’application de la loi étrangère dans les questions de fond et son application pour les questions de procédure ou d’organisation judiciaire.

Le principe de souveraineté de l’Etat en matière de justice donne au juge le droit d’appliquer les lois étrangères, quand besoin il y a, pour toutes les questions de fond, et l’empêche d’avoir recours à une autre loi que la loi française en matière de procédure, les règles étrangères de procédure sont complètement écartées.

L’application exclusive de la lex fori en matière de procédure est donc étroitement liée à ce principe.

Comment la lex fori en droit judiciaire international est devenue un « dogme », une tradition, un usage ?

12M.-L.NIBOYET,«Contre ledogmede la lexforienmatièredeprocédure», inVersdenouveauxéquilibresentreordresjuridiques,MélangesH.Gaudemet-Tallon,Dalloz,2008,p.366.

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Section II. – Naissance du dogme de la lex fori

Un dogme est en langage théologique une vérité révélée, ceci peut nous amener à comprendre le degré de l’incontestabilité d’un dogme.

Un dogme est une « vérité unique »selon Thomas d’Aquin.

Lorsqu’on lui donne une connotation juridique il désigne, une doctrine, une opinion avertie et incontestable. C’est une règle dont l’application devient un usage incontesté.

Tel est le cas de la lex fori en droit judiciaire international.

Cette règle était justifiée par les nécessités de l’organisation judiciaire mais elle a été élargie. En effet, le parallélisme entre le conflit de lois et le conflit de juridictions lui a tout d’abord donné une assise confortable mais lui a également permis son élargissement

Cette règle connaît indéniablement des limites théoriques que seul son caractère de dogme peut faire taire.

§1. Conflit de lois et conflit de juridictions :

Bartin développe la notion de « conflits de juridiction », qui deviendra par la suite « conflit de juridictions », il la définie comme « l’ensemble des aspects juridictionnels du droit international privé »13, qui englobe, toujours selon le Répertoire international, « les questions relatives : 1° à la compétence internationale des tribunaux français ; 2° à la procédure à suivre en France dans les litiges relevant du droit international privé ; 3° aux effets en France des jugements étrangers » ; Se posa alors la question de la répartition dans l’espace des compétences des différents Etats en cause.

Alors que Bartin parle de « conflits de juridiction », Henri Motulsky14 lui reproche le caractère restrictif de cette expression vu ce qu’elle est censée couvrir.

13 « Conflits de juridiction », Répertoire de droit international, Encyclopédie Dalloz, 1969, tome I, p. 470

14 Motulsky est l’auteur du paragraphe consacré à la procédure civile et commerciale au sein du Répertoire de

droit international, ci-dessus référencé.

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Pour Motulsky, il s’agirait de « procédure civile internationale », laquelle se ramène, selon ce même auteur « aux seuls problèmes soulevés par le déroulement, devant un tribunal français, d’une instance comportant un élément d’extranéité » et « postule une transposition, dans le domaine de la réalisation procédurale de droits, des principes du droit international privé »15. Motulsky définit ainsi ce que nous appelons « le droit judiciaire international » en parlant de « procédure civile internationale », tant les champs se ressemblent.

Selon lui, en matière processuelle internationale, il est recommandable d’utiliser les « mêmes techniques que pour le droit international privé substantiel »16 et donc les règles de conflit de lois17 car « les règles régissant la procédure civile internationale ne sont pas différentes de celles que comporte le droit international privé en général »18.

Pierre MAYER et Vincent HEUZÉ délimitent le conflit de juridictions à la résolution des questions relatives à l’organisation judiciaire étatique et aux effets des jugements étrangers19, questions étroitement liées à la souveraineté étatique et qui peuvent appeler à l’application de la lex fori.

Conflit de juridictions et procédure civile internationale sont ainsi devenus distincts, laissant les questions de compétence internationale à la première branche.

Etant donné que la lex fori s’applique en matière d’organisation judiciaire, elle s’applique par conséquent aux conflits de juridictions, de la même façon, le conflit de juridiction qui touche de manière plus large la compétence internationale est également régi par la lex fori.

Une ombre commence à apparaître sur la notion de conflit de juridictions, une confusion est soulevée en 2002 lorsque Etienne Pataut traite de la « procédure civile et commerciale » au sein de l’édition de 2002 du Répertoire de droit international, comme s’il traitait d’un conflit de juridictions comme défini par Pierre Mayer et Vincent Heuzé.

15 H. MOTULSKY, « Procédure civile et commerciale », in Répertoire de droit international, Encyclopédie

Dalloz, 1969, tome II, § 3.

16 H. MOTULSKY, op. cit., §11.

17 H. MOTULSKY, op.cit. §15 et s.

18 H. MOTULSKY, op.cit. §10.

19 Sur « conflits de juridiction », voir Pierre MAYER et Vincent HEUZÉ, op. cit. , p. 197 et s.

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Pataut ne restreint pas le conflit de juridiction à l’organisation judiciaire et à l’effet du jugement, mais délimite le champ d’application de la lex fori à ces deux questions : « sur la question de la loi applicable (…), le principe de l’applicabilité de la loi du for semble ne faire aucune difficulté, même si aucun texte français ne consacre expressément la solution (…). La solution a de profondes racines historiques et elle est consacrée unanimement par la doctrine. (…) L’applicabilité de la loi du for résulte avant tout d’une règle de droit international public qui donne a chaque Etat une compétence exclusive pour déterminer l’organisation interne de sa justice. (…) La loi française sera donc incontestablement applicable à la mise en place de ses tribunaux, à leur organisation et à leur fonctionnement ou encore à la répartition des compétences entre les différents tribunaux »20.

Aucune allusion n’est faite aux questions de procédure civile, même si la lex fori s’applique par définition aux questions de procédure civile et commerciale comprenant également les questions de procédure stricto sensu.

Cette analogie est trompeuse, dans la mesure où les questions de procédure civile et commerciale internationale d’un coté, et celles de conflits de juridiction sont bien distinctes, d’autant plus que restreindre le raisonnement aux seules questions d’organisation judiciaire laisse sans réponse les questions liées à l’action en justice proprement dite.

En réduisant le domaine de la procédure civile et commerciale aux questions d’organisation judiciaire, il est permis à l’auteur d’éluder la proposition faite par Motulsky d’appliquer les méthodes du droit international privé, soit la méthode conflictuelle dans cette matière.

Cette confusion est totalement à rejeter dans la mesure où les questions de procédure dépassent de loin celles des conflits de juridictions, les mêmes analyses ou solutions ne sont donc pas applicables.

Se pose la question de savoir si la lex fori peut être appliquée à un domaine qui dépasse le conflit de juridictions, car, alors qu’elle s’applique aux conflits de juridiction pour réserver la souveraineté étatique, les questions de procédure civile (qui englobent également les questions de droit judiciaire international) 21 demeurent plus larges.

20 E. PATAUT, « Procédure civile et commerciale », in Répertoire de droit international, Encyclopédie Dalloz,

2002, tome III, §8.

21 Sur la distinction entre procédure civile et droit judiciaire international, L. CADIET et E. JEULAND, Droitjudiciaireprivé,Paris,Litec,5èmeédition,2006,§28ets.

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L’application de la lex fori serait selon Marie Laure Niboyet une « séquelle d’une conception révolue du conflit de lois, selon laquelle l’application d’une loi étrangère était vécue comme un empiètement de souveraineté »22.

Quelles sont à présent les limites de ce dogme ?

§2. Les limites du dogme de la Lex fori :

Le droit judiciaire privé comprend des caractéristiques aussi bien du droit public que du droit privé ; Etant aussi bien l’expression de la souveraineté de l’Etat que celle du droit substantiel, il a un caractère mixte, ce qui permettrait de justifier l’applicabilité de la lex fori.

La procédure ne comporte pas que des règles strictement d’ordinataria litis mais également des règles qui accompagnent la substance et qui sont indissociables des règles substantielles. Ces règles de procédure liées aux droits substantiels, sont garantes de la mise en œuvre de ces droits.

Un contrat se référant à la loi étrangère devrait prévoir également de se référer à cette loi dans des questions relevant de la procédure, notamment la preuve. Ceci éviterait une incohérence entre les dispositions de la loi étrangère et la solution proposée par la loi française.

L’application de la méthode conflictuelle serait vaine si les règles processuelles ne pouvaient pas bénéficier de la même applicabilité que les règles de fond.

La doctrine a, à plusieurs reprises relevé cet aspect de droit privé que comporte le droit judiciaire international. Battifol et Lagarde indiquaient, à l’égard des lois de procédure civile et commerciale, que « le service public de la justice civile et commerciale ayant pour objectif la réalisation du droit privé, les règles qui en assurent le fonctionnement ont des liens étroits avec cette branche du droit. On ne sera donc pas surpris de voir les conflits de lois pénétrer le domaine de la procédure »23.

Alors que l’aspect « droit public » que comporte le droit judiciaire privé a permis l’applicabilité de la lex fori en droit judiciaire international, la parenté avec le droit privé au détriment de la méthode conflictuelle n’est pas aussi évident.

A ce propos, on peut encore citer François Terré : « au sein de cette discipline mixte [la procédure civile], il est des domaines importants que l’on rattache volontiers au

22 M.-L. NIBOYET, « Contre le dogme de la lex fori en matière de procédure », in Vers de nouveaux équilibres

entre ordres juridiques, Mélanges H. Gaudemet-Tallon, Dalloz, 2008.

23H.BATIFFOLetP.LAGARDE,Traitédedroitinternationalprivé,Paris,LGDJ,8èmeédition,1993,§249.

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droit privé et à propos desquels l’idée même de conflits de lois ne peut être, de toute façon, écartée »24.

Terré relève, parmi les premiers, les limites du dogme de la lex fori en droit judiciaire privé. Il montre bien que l’axiome selon lequel le droit judiciaire privé ne peut être soumis qu’à la lex fori en raison du fait que le droit judiciaire comporte des règles d’ordinataria litis est faux. En effet, le droit judiciaire, s’il ne comporte que des règles d’ordinataria litis et non de decisoria litis, connaît des règles dites d’ordinatoria litis qui sont servantes des règles de decisoria litis et que ces dernières règles, en étroite combinaison avec les règles de droit substantiel, commandent pour leur application l’exploitation de la même source normative (droit français ou droit étranger), ce qui implique l’application de la méthode conflictuelle au même titre qu’elle est appliquée pour les règles substantielles.

Les règles de droit judiciaire comportent en effet un degré d’indépendance vis-à-vis des règles de droit substantiel tout à fait variable. Cette variabilité commande elle-même une application différenciée de la lex fori.

Lorsqu’une règle de procédure présente une grande interdépendance vis-à-vis du droit substantiel, l’hypothèse de l’application de la méthode conflictuelle est envisageable car le raisonnement qui préside à l’application de la méthode conflictuelle au niveau de la loi applicable au fond trouve ici également vocation à s’appliquer par attraction.

Ceci car, si la méthode conflictuelle n’était pas appliquée à la règle de procédure, la règle de fond pourrait se voir vidée de sa substance car elle nécessite pour sa correcte application l’application de la règle processuelle.

Si les deux règles sont interdépendantes, elles nécessitent l’application de la même loi, à défaut de quoi la cohérence de l’institution de droit étranger est rompue.

Inversement, lorsque une règle de procédure présente une certaine voire une totale indifférence aux droits substantiels invoqués dans la demande en justice, la vocation à s’appliquer de la loi applicable au fond ne doit pas être interrogée.

Le dogme de la lex fori s’avère ainsi relatif, il est possible d’envisager une place pour la méthode conflictuelle et donc l’application des lois étrangères dans le domaine du droit judiciaire international.

24 F. TERRÉ, «Les conflits de lois en matière d’action en justice», in Travaux du comité français de droitinternationalprivé,1964-66,Dalloz,1967.

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Conclusion du chapitre

Le principe de la souveraineté étatique est l’essence même de l’applicabilité de la Lex fori en matière de procédure, suivant les règles prévues par le droit français.

Seulement, cette règle a des limites, toutes les questions de droit judiciaire ne peuvent pas être couvertes par la Lex fori, notamment pour les questions étroitement liées au droit substantiel.

Néanmoins, ériger cette règle en dogme aurait pu résulter d’un parallélisme voulu entre le conflit de juridiction et le conflit de lois qui aurait abouti à donner les mêmes solutions aussi bien aux questions de procédure qu’aux questions de conflit de juridictions.

Cependant, l’applicabilité de la lex fori connaît des limites, c’est ce dont on va traiter dans le deuxième chapitre.

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Chapitre 2 : Les exceptions à la règle d’application de la lex fori

En droit judiciaire international, la méthode conflictuelle l’emporte sur la lex fori dans certains cas.

En effet, il s’agirait de questions importantes de droit judiciaire privé telles les conditions de l’action en justice et l’institution de la preuve, et qui sont pourtant soumis à l’application du droit substantiel et non de la lex fori. Ce qui dédogmatise la loi du for.

On traitera ainsi du droit d’action pour saisir ensuite la question de la preuve.

Section I. – Les exceptions relatives au droit d’action

Des exceptions à la règle d’applicabilité de la lex fori sont à relever dans le domaine du droit notamment à l’égard de ses conditions d’ouverture. Les juridictions françaises exigent des conditions d’ouverture et d’admissibilité qui ne dépendent pas de la volonté du justiciable ou de l’exercice de ses droits. Seront traitées les conditions à travers lesquelles ont peut soulever une incohérence en distinguant les conditions subjectives des conditions objectives.

§1. Conditions subjectives

A. Qualité à agir

La qualité à agir est une condition requise pour les actions dites attitrées, en opposition aux actions dites banales pour lesquelles la démonstration d’une qualité à agir n’est pas requise. Dans les cas d’actions attitrées, le droit d’action est ouvert à un cercle limité de personnes. A titre d’exemple d’action attitrée, il est possible de citer le divorce, qui ouvre un droit d’action à l’égard des seuls époux. Lorsque le droit du for prédispose des actions déterminées qui requièrent une qualité à agir spécifique, il s’agit de savoir si la personne qui agit possède cette qualité. A quelle loi doit-on alors se référer ? Est-ce à la loi du for de déterminer si la personne a qualité à agir ? La doctrine considère que non et il est alors exigé que ce soit la loi applicable au fond qui s’applique, ce qui apparaît être une solution qui convient à la nature de l’institution.

Par exemple, dans le cadre d’une action oblique, c’est au droit applicable au fond de dire si les prétendus créanciers, à l’égard desquels est ouverte l’action oblique et qui ont seuls qualité à agir, ont effectivement cette qualité. La qualité de créancier, de mère, d’époux ou autre, s’apprécie au regard de la loi applicable au rapport de droit litigieux. Il est nécessaire, selon une formule de MM. Mayer et Heuzé, inspirée elle-

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même d’une formule de Mme Niboyet25, d’appliquer « la loi de l’institution pour le fonctionnement de laquelle le droit d’agir est accordé »26.

B. Intérêt à agir

Le droit français exige l’existence d’un intérêt à agir (article 31 CPC). L’existence de cet intérêt est une exigence qui est appréciée selon la loi du for. Ainsi, les caractères de l’intérêt à agir, qui doit notamment être légitime, né et actuel, sont également appréciés par la loi du for.

Quant à la condition d’un intérêt né et actuel, l’objectif poursuivi est la restriction de l’accès au prétoire. Accès d’autant plus strict que l’intérêt à agir doit être en outre concret et non seulement probable. Ainsi, en droit français, les actions déclaratoires ou dénégatoires sont par principe proscrites. Dans sa conception de la justice, le législateur français refuse, par souci d’économie, que le juge s’exprime sur des questions qui ne font pas l’objet d’un litige. Il est donc cohérent que le juge apprécie cette condition au regard de la loi du for car c’est le droit du for qui est concerné. Le droit étranger n’a pas ici à s’exprimer car même si celui-ci admettait la recevabilité des actions dénégatoires, le juge français n’aurait pas à attribuer plus d’actions dans le cadre de litiges internationaux que dans le cadre de litiges internes.

La Cour de cassation a consacré l’applicabilité de la loi du for à l’exigence d’un intérêt né et actuel dans l’arrêt Coveco27. Mais dans le même temps elle a ouvert une brèche au profit de la loi applicable au fond : « l’exigence d’un intérêt actuel est commandée, en raison de son caractère procédural, par la loi du for, la loi applicable au fond n’étant à prendre en considération que si elle n’accorde pas de droits à celui qui agit en justice ». Selon Dominique Bureau, il convient toutefois de limiter la portée de cet arrêt. Cet auteur considère en effet que la Cour de cassation n’a pas ouvert aux parties un choix entre la loi du for et la loi applicable au fond. Selon lui28, la Cour de cassation a simplement utilisé la technique de la « prise en considération », à l’instar de l’arrêt Isaac.

Concernant l’exigence, en droit français, d’un intérêt légitime pour agir en justice, la solution qui consiste à appliquer la loi du for appelle quelques remarques. Au nom de quel droit l’intérêt doit-il être légitime ou juridiquement protégé ? La solution du droit positif commande l’application de la loi du for, au nom d’une unicité de traitement de l’institution de l’intérêt à agir sans doute. Certains auteurs prônent cependant l’application de la loi applicable au fond en raison du fait que cette condition de légitimité doit être regardée avec le spectre de la loi applicable au fond, en raison de

25M.-L.NIBOYET-HOEGY,L’actionenjusticedanslesrapportsinternationauxdedroitprivé,Paris,Economica,1986,§138p63.

26P.MAYERetHEUZÉ,Droitinternationalprivé,Paris,Montchrestien,9èmeédition,2007,§497.

27 Civ 1, 4 décembre 1990, JDI 1991, p. 371, note D. Bureau.

28 D. BUREAU, note sous arrêt Coveco, Civ 1, 4 décembre 1990, JDI 1991, p. 376

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la nécessité de cohérence entre le droit substantiel considéré et la conception de la légitimité faite par cette même loi. Selon Pierre Mayer et Vincent Heuzé notamment, il s’agit d’appliquer la loi applicable au fond car « l’intérêt dont il est question dans cette règle n’est pas l’intérêt à agir, mais l’intérêt dont la lésion constitue le préjudice ».

Il est cependant possible d’avoir une vision différente, et notamment si l’on raisonne à partir de la source du droit d’action.

Le droit d’action en cause est le droit d’action tel que conçu par le droit du for. En effet, au soutien de cette affirmation, il ne peut être nié que seules les actions connues du juge français sont acceptées en son for. Ainsi, les class action par exemple ne sont pas admises par les juridictions françaises et sans doute même leurs effets connaissent le même sort ;

La légitimité de l’intérêt est une condition de ce droit d’action, qui participe du droit du for.

Ainsi donc, doit-on tenir compte de la considération faite par le droit étranger ? Doit-on s’interroger sur la question de savoir si le droit étranger reconnaît une légitimité à cet intérêt ?

Le droit national prédispose d’une multitude d’actions, afin d’établir un système cohérent entre les intérêts juridiquement protégés (donc légitimes selon le droit français) et les actions offertes.

Lorsqu’un justiciable exerce une action en France, l’intérêt à agir doit être reconnu par le droit français.

Comment, alors, prétendre interroger le droit étranger, bien que celui-ci ait vocation à être interpellé dans le cours de cette même affaire pour une autre question ?

Le droit français n’entend protéger que les intérêts qu’il reconnaît dignes de protection. Si cela n’était pas le cas, il pourrait par exemple admettre qu’un justiciable fasse prévaloir son droit d’action que lui reconnaît sa loi personnelle (par hypothèse étrangère) d’exercer une action dénégatoire.

Chaque droit prédispose d’une multitude d’actions en fonction des intérêts qu’il reconnaît comme légitimes. Ces intérêts reconnus comme légitimes ne le sont peut-être pas dans d’autres droits étrangers.

Le juge n’est donc pas tenu d’appliquer la loi étrangère applicable au fond, à la question de légitimité ou non de l’action. Ceci car la ratio legis de cette règle de l’intérêt légitime est la protection de l’ordre juridique du for, sans considération des ordres juridiques étrangers.

Il en ressort que la thèse de l’application de la lex fori peut être admise car elle permet de garder une certaine cohérence de droit d’action. Les intérêts à protéger et le actions ouvertes doivent émaner des mêmes motivations, de la même philosophie.

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On ne peut engager une action selon la lex fori et soumettre sa légitimité aux règles étrangères, tant les intérêts à protéger ne sont pas toujours les mêmes.

Par ailleurs, en cas d’admission devant le juge français d’actions non reconnues en droit français, il serait plus logique, également dans un souci de cohérence, de relier les conditions d’admissibilité au droit substantiel étranger.

Qu’en est-il des conditions objectives ?

§2. Conditions objectives

A. Délais pour agir

Aucune distinction n’est faite à cet égard entre les délais préfix et les délais de prescription, qu’il s’agisse encore d’actions personnelles ou réelles29, la jurisprudence applique à cet la loi substantielle.

C’est donc la loi qui régit le fond du litige qui en régit également le délai, ce qui est source de cohérence30.

Cette a été consacrée par la Cour de cassation dès 192831 et réaffirmée notamment par les arrêts Silvia du 25 juin 1957 et Imbach du 10 mai 1960. Ces solutions sont totalement justifiées car une application de la loi du for conduirait à un « morcellement du rapport de droit », selon Bénédicte Fauvarque-Cosson.

Les délais préfix se distinguent des délais de procédure dans la mesure où ils « font partie de l’organisation de l’instance »32. Cela explique qu’ils soient imposés et régis par la seule loi du for33. Mais à l’exception des délais de procédure, tous les délais sont régis par la loi substantielle.

29M.-L.NIBOYETetG.DeGEOUFFREDELAPRADELLE,Droitinternationalprivé,Paris,LGDJ,2007,§515.Pourdesapplicationsjurisprudentielles:Civ1,10février1960,RCDIP1961,p.341;Civ1,15mai1963,JDI1963,p996,Civ,21avril1971,JCP1971.II.16825,noteLevel;Civ,7juin1977,RCDIP,1978.119,noteBatiffol.

30 B. FAUVARQUE-COSSON, « La prescription en droit international privé », Travaux du comité français de

droit international privé, 2002-2004, Pedone, 2005, p. 235 et s.

31 Civ, 11 juillet 1928, S. 1930, 1, p. 217. Clunet 1931.389.

32 Selon P. MAYER et V. HEUZÉ, op. cit.

33 Pour exemple d’un délai de procédure, celui correspondant à la péremption de l’instance en cas d’inaction des

parties durant un délai de deux ans, ex art. 385 et 386 du CPC. Art 386 : « L’instance est périmée lorsque aucune

des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ».

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B. Chose jugée

Pour ce qui est de la chose jugée, l’intérêt protégé est encore une fois en cause ainsi que la souveraineté de l’Etat. La loi du for l’emporte toujours quand il s’agit de protéger l’ordre juridique national et de rendre une justice efficace.

Se pose la question de l’autorité de la chose jugée, l’exception de chose jugée, qui en est le corollaire, implique l’impossibilité (sauf exceptions) de renouveler un procès qui a abouti à une décision ayant l’autorité de la chose jugée.

Cette interdiction vise à assurer l’efficacité du service la justice et la sécurité des recours, le caractère unique des recours est nécessaire afin que la confiance règne entre le justiciable et le juge.

L’application de la loi du for dans ce cadre est entièrement justifiée par des impératifs d’ordre public et d’équité, ainsi l’exception de la chose jugée comme moyen de défense sera toujours soumise à la loi française même s’il existe un élément d’extranéité.

Néanmoins, à quel degré s’étend l’autorité de la chose jugée ? Est-elle relative ou absolue?

La doctrine s’accorde à dire que c’est à la loi de la substance de le déterminer et notamment si la chose jugée a d’ores et déjà été jugée dans le for du droit substantiel.

Les conditions d’ouverture de l’action ne sont donc pas exclusivement régies par la lex fori, la loi étrangère peut intervenir.

Qu’en est-il en matière de preuve ?

Section II. – Les exceptions en matière de preuve

En traitant de la preuve il faudra traiter de toutes les questions suivantes : Objet, charge, recevabilité, force probante et administration judiciaire.

Dans quelle mesure la lex fori en tant que dogme, freine l’évolution du droit de la preuve en matière internationale ?

La preuve fait l’objet d’une multitude de développements hétérogènes en droit judiciaire international. Ses différents éléments sont traités de façon divergente.

Certaines questions considérées comme des questions de procédure sont régies par la lex fori, tandis que d’autres, plus proches du droit substantiel sont soumises aux règles de la méthode conflictuelle.

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Il en résulte que l’objet et la charge de la preuve sont régis par la loi substantielle, tandis que les questions de recevabilité, de force probante et d’administration judiciaire relèvent de la lex fori.

La preuve est traitée aussi bien dans le code de procédure civile que par le code civil34. Cette multitude de sources du droit de la preuve laisse déjà présager que l’on ne peut la considérer comment élément procédural en la soumettant exclusivement à la lex fori, mais également à la méthode conflictuelle.

Quelles sont ces différentes questions et à quelle logique cette répartition est-elle soumise ?

§1. Preuve et méthode conflictuelle

L’objet et la charge sont soumis à la loi de substance, et donc à la méthode conflictuelle.

A. Objet de la preuve

L’objet de la preuve est, selon Thomas Habu Groud, « l’ensemble des faits, dont la correspondance avec le modèle abstrait décrit dans le présupposé, entraîne l’effet juridique »35. Ces faits à prouver sont dès lors nécessairement prévus par la loi applicable à l’institution litigieuse. Il est donc impossible de dissocier la loi substantielle applicable au litige et celle appliquée à l’objet de la preuve, le droit substantiel s’applique.

B. Charge de la preuve.

La charge de la preuve est elle aussi régie par la loi substantielle en question, là encore la lex fori n’a pas de place.

Bernard Audit36 l’explique par le fait que cette question est liée à un système de présomptions légales qui permet d’inverser cette charge. Or, le régime des présomptions légales appartient au droit substantiel. Ne pas tenir compte de ces présomptions est de nature à dénaturer complètement l’institution de la charge de la preuve et à déjouer entièrement les prévisions des parties.

Dans ce contexte la Convention de Rome soumet à la loi du contrat les présomptions légales et règles répartissant la charge de la preuve : « La loi régissant le contrat en vertu de la présente convention s’applique dans la mesure où, en matière d’obligations contractuelles, elle établit des présomptions légales ou répartit la charge de la preuve. » (art. 14 al.1)

34 Notamment aux articles 1315 et suivants, Chapitre VI De la preuve des obligations et de celle du payement.

35 T. H. GROUD, La preuve en droit international privé, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-en-Provence,2000.

36B.AUDIT,Droitinternationalprivé,Paris,Economica,5eédition,2008,§447.

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MM. Mayer et Heuzé justifient également l’application de la loi de substance par le fait que le bénéficiaire de la présomption légale n’est pas désigné par sa position procédurale mais par sa position dans la relation juridique de référence37.

C. Quelle valeur a cette qualification substantielle ?

Certains aspects liés à la preuve sont liées au fond du litige, les soumettre à la lex fori peut rompre la cohérence de la question à traiter.

L’objet et la charge de la preuve sont étroitement liées au fond et ne peuvent être traitées de façon indépendante, il en résulte que ces éléments doivent être régis par la loi qui a régi le fond, le fait d’écarter la lex fori tend à préserver la cohérence de l’institution en question.

§2. Preuve et lex fori

La recevabilité, la force probante et l’administration judiciaire de la preuve sont soumis à la lex fori contrairement à l’objet et à la charge.

Ces deux questions sont liées au fond du litige ou de la question à résoudre.

La recevabilité, la force probante et l’administration judiciaire de la preuve sont des questions qui concernent la mission du juge plutôt que le fond. La mission du juge relevant d’un seul ordre juridique et participant à ce même ordre, il semble inadéquat d’admettre l’intervention d’une loi étrangère.

Le juge peut appliquer la loi étrangère, il a été formé à l’application des règles de droit qu’elles soient françaises ou étrangères, selon le contexte juridique et sous réserve que la loi française le permette.

Ceci n’est pas le cas lorsque ces règles concernent l’exercice même de sa mission, son intime conviction, le mode d’administration de la preuve...

Il existe une méthode judiciaire qui régit le travail du juge, le juge ne peut déroger à cette méthode et aux règles qu’elle implique.

Cette méthode régit son office, l’acte de juger émane de l’Etat et ne saurait être non réglementé ou laissé à la propre réglementation par le juge, l’ordre juridique du for en dépend.

Nous revenons encore une fois au principe de souveraineté étatique qui se manifeste à travers une organisation judiciaire qui trace le cadre de la mission du juge. Il serait difficile d’appliquer la méthode conflictuelle, et par conséquent d’appliquer une loi autre que celle du for.

37 P. MAYER et V.HEUZÉ, op. cit., § 501.

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A. Recevabilité de l’action et force probante

Le juge du for peut-il recevoir un moyen de preuve inconnu de la procédure de son for ? la réponse semble évidente de prime abord vu les complications que cela peut générer pour le juge qui peut soit ne pas être formé à ces moyens de preuve, soit hésiter ou même refuser de les admettre.

La question de la force probante est également liée aux modes de recevabilité sur lesquels se base le juge pour avoir une conviction.

La lex fori trouve donc toute sa légitimité dans ce contexte.

Néanmoins, selon l’arrêt Isaac, le juge français admet aussi bien les modes de preuve de la loi du for que ceux prévus par les règles de preuves du lieu d’accomplissement de l’acte : « s’il appartient au juge français d’accueillir les modes de preuve de la loi du for, c’est néanmoins sans préjudice du droit pour les parties de se prévaloir également des règles de preuve du lieu étranger de l’acte »38. Et à MM. Mayer et Heuzé d’ajouter que « si la loi locale n’exige pas la préconstitution de la preuve (qui passe par la rédaction d’un écrit), il serait sévère de refuser au nom de la loi du for la preuve par témoins ou présomptions, sur laquelle les parties ont pu légitimement compter »39. Selon Pierre Mayer, il ne s’agit cependant pas d’une possibilité d’application de la loi étrangère mais de la technique de la prise en considération de la loi étrangère40.

La Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. L’article 14 alinéa 2 reprend l’arrêt ISAAC en énonçant que : « les actes juridiques peuvent être prouvés par tout mode de preuve admis soit par la loi du for, soit par l’une des lois visées à l’article 9, selon laquelle l’acte est valable quant à la forme, pour autant que la preuve puisse être administrée selon ce mode devant le tribunal saisi. »

Cependant n arrêt de la Cour de cassation en date du 28 juin 200541 a estimé que la question de force probante ne peut être régie que par la lex fori.

38 Civ 1, 24 février. 1959, Isaac, RCDIP 1959.368, note Y. Loussouarn, D. 1959.485, note P. Malaurie et Civ. 1,

5 juin 1999, RCDIP 1999.293, note A. Huet.

39 P. MAYER et V. HEUZÉ, op. cit., § 503.

40 P. MAYER, « Le rôle du droit public en droit international privé », RIDC, 1986, p. 467 ; dans le même sens,

D. Bureau, « on estime qu’une norme est prise en considération lorsqu’elle entre dans le présupposé de la règle

substantielle applicable », JDI 1991, p. 376.

41 Civ 1, 28 juin 2005 et chron. De T.H. Groud, « la loi applicable à la force probante des actes authentiques »,

Gaz. Pal. 2006.56.

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Cependant Groud estime que l’admissibilité d’un mode de preuve et de sa force probante sont étroitement liés à la réglementation du fond du litige, et qu’il serait plus louable d’appliquer des lois ayant la même origine, afin d’assurer une meilleure cohérence.42

B. Administration judiciaire des preuves

Le livre premier du Code de Procédure Civile comporte un titre intitulé « L’administration judiciaire de la preuve ». Ce titre tranche le débat de l’appartenance au droit substantiel ou processuel et relie indéniablement la question de l’administration de la preuve au droit de la procédure.

L’administration judiciaire des preuves englobe par ailleurs selon Groud les questions allant du mode opératoire de présentation des preuves jusqu’à l’appréciation des preuves par le juge43.

Marie Laure Niboyet affirme par ailleurs qu’il y a unanimité doctrinale concernant l’applicabilité de la loi du for44. Motulsky ajoute également : « qu’il appartien[t] à la lex fori de déterminer la manière dont les moyens de preuve sont à produire devant le tribunal, [et que] c’est ce qui est unanimement reconnu »45.

Il s’agit du mode opératoire que le juge déploie, et qui est la résultante et le reflet de toute une organisation judiciaire.

42 T. H. GROUD, La preuve en droit international privé, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-en-Provence,2000,§284notamment.

43 T. H. GROUD, La preuve en droit international privé, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-en-

Provence, 2000, § 288

44NIBOYETMarie-Laure,Contreledogmedelalexforienmatièredeprocédure,inVersdenouveauxéquilibresentreordresjuridiques,Mélangesenl’honneurdeHélèneGaudemet-Tallon,Dalloz,2008,p.372,§15.

45 H. MOTULSKY, Rép. Dalloz, Droit international, 1968, « Preuve », n° 75.

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Conclusion du chapitre

La lex fori n’est donc pas un dogme absolu, bon nombre de questions de procédure ne sont pas soumises à la loi du for contrairement à ce que l’on peut penser d’une régle érigée en dogme.

La cohérence entre la question régie par la loi étrangère et la loi de l’action impose souvent l’application de la méthode conflictuelle et l’écartement de l’application systématique de la lex fori ;

La loi étrangère remplace la lex fori lorsque son application assure une solution cohérente, le souci de trouver la meilleure solution au fond du litige prime sur les considérations d’organisation judiciaire.

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Conclusion de la première partie

La lex fori est certes reine en droit judiciaire international. Néanmoins son règne n’est pas absolu, elle connaît des exceptions qui dépassent la distinction entre la substance et la procédure.

Il en ressort également que le rattachement ne peut pas se faire uniquement selon des règles de procédure qui ignorent la substance et qui ne peuvent pas relier une institution à une loi.

Le problème réside plus dans l’opacité, le flou ou le désordre liés à la loi applicable en droit judiciaire privé qu’au résultat que génère l’application de la lex fori.

Les exceptions étudiées permettent de conclure que la lex fori n’est pas d’application absolue, il existe des alternatives à son application.

C’est ce dont on va traiter en deuxième partie après avoir expliqué les raisons de son échec.

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Partie II

Lex fori en droit judiciaire international : échec et alternatives

Le dogme de la lex fori est relatif et connaît des limites comme nous avons vu en première partie.

Il est essentiel dans ce processus d’analyse de traiter d’abord des raisons de son echec pour voir ensuite les alternatives proposées.

Chapitre 1. Echec du dogme de la lex fori : les causes

Chapitre 2. Solutions alternatives au dogme de la lex fori

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Chapitre 1 : Echec du dogme de la lex fori : Les causes

La méthode conflictuelle peut s’appliquer en matière de procédure civile comme on l’a déjà constaté, il en résulte qu’une loi étrangère peut être appliquée.

La lex fori ne s’applique pas à toutes les questions liées à ce domaine, contrairement à ce que l’on a pu affirmer.

Nous pouvons traiter de deux hypothèses pouvant nous apporter une explication : la première serait que les questions en cause sont de fond alors qu’on les considère comme des questions de procédure. Une deuxième hypothèse envisagerait une manipulation de l’opération de qualification des catégories internes.

Nous traiterons de ces deux hypothèses dans les développements qui suivent.

Section I. - Hypothèse de l’erreur de qualification interne

Des questions de fond pourraient être considérées en droit interne comme des questions de procédure. Il sera donc utile d’étudier cette hypothèse pour constater sa validité ou son invalidité.

§1. Exposé de l’hypothèse

Deux éléments méritent d’être traités dans ce contexte : la prescription et la preuve.

- Prescription :

Fayez Hage - Chahine considère que la prescription devrait être « ramenée à la famille des catégories substantielles ». 46

Pour cet auteur, la qualification procédurale de la prescription vient de ce qu’elle est susceptible de constituer une fin de non recevoir. Cela est valable en matière de prescription extinctive et non en matière de prescription acquisitive. Or les effets de la prescription diffèrent selon sa nature.

46F.HAGE-CHAHINE,Lesconflitsdansl’espaceetdansletempsenmatièredeprescription,Paris,Dalloz,1977,p.33ets.

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Le fait de constituer une fin de non recevoir ne suffit pas pour rattacher la prescription à la procédure en l’excluant complètement au fond.

La prescription peut en effet être rattaché au droit substantiel, sa réglementation est incluse aussi bien dans le Code de procédure civile que dans le Code civil. Ce rattachement permet de l’exclure du domaine d’application de la lex fori et d’appliquer la méthode conflictuelle.

Néanmoins, cet argumentaire n’est peut-être pas suffisant pour rattacher la prescription uniquement au droit substantiel.

André Huet suit la même logique en considérant que l’application de la méthode conflictuelle fait des institutions auxquelles elle s’applique des éléments de droit civil et non de droit processuel. Il affirme que « les dispositions régissant les preuves seront empruntées à la lex fori pour autant qu’il s’agit de questions de procédure, car tout Etat doit appliquer son droit de procédure comme une exigence de l’ordre public … elles seront rattachées au contraire à la lex causae si on les range parmi les questions substantielles »47.

Cependant, tout en reconnaissant que la lex fori s’applique en matière de procédure civile quand un élément d’extranéité rentre en jeu, il extrait certaines questions liées à la preuve du domaine de la lex fori pour les soumettre à la loi applicable au fond.

L’application de la méthode conflictuelle dans ce contexte est donc admise à l’issue de ce raisonnement, qu’il poursuit en soumettant l’objet et la charge de la preuve au droit substantiel. Il opéré une dissociation en laissant à la lex fori toutes les questions relatives aux modes d’administration de la preuve48.

§2. Valeur de l’hypothèse :

A ce stade, se pose toujours la question de l’appartenance de bon nombre de questions au droit civil et non au droit processuel.

La question de la qualité à agir, qui est une condition de l’introduction de l’action en justice, est considérée en droit processuel comme une question de substance à laquelle on peut appliquer la méthode conflictuelle.

Cette question est traitée par le Code de procédure civile dans son article 31 et également par les manuels de procédure civile, elle est donc rattachée à la procédure civile.

Néanmoins la méthode conflictuelle s’applique vu le lien que la qualité d’agir entretient avec le fond. Faut-il pour autant la considérer comme dépendant du droit de la substance.

47 A. HUET, Les conflits de lois en matière de preuve, Paris, Dalloz, 1965

48A.HUET,op.cit.,p367.

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Ainsi donc l’hypothèse qui voudrait que les institutions en question ne sont pas de nature processuelle mais substantielle n’est pas valable dans ce type de contexte. Dans l’exemple que l’on vient d’exposer la méthode conflictuelle est appliquée à une question de procédure.

Il est donc désormais nécessaire d’envisager la seconde hypothèse qui est celle de la manipulation de l’opération de qualification.

Section II. - Manipulation de l’opération de qualification

Une manipulation des catégories de classification peut être effectuée dans le but de justifier l’application de la méthode conflictuelle. Quelles sont les cas qui illustrent cette manipulation ? Quelles-en sont les raisons ?

§1. Cas de la manipulation

Nous revenons encore une fois à la qualité d’agir. C’est une institution de droit processuel qui est traitée comme une question de fond en droit judiciaire international, ce qui permet de l’extraire à la lex fori pour la soumettre à la loi substantielle.

« Pour justifier de telles intrusions du droit étranger dans le domaine procédural, on est amené à jouer sur les qualifications, en reconnaissant à l’institution en cause un caractère substantiel et en lui déniant une nature procédurale. »49 dirent Marie-Laure Niboyet et Géraud de Geouffre de la Pradelle50.

Il est important de faire la distinction entre la qualification en droit international privé et la qualification en droit judiciaire international.

En droit international privé la qualification consiste à mouler des institutions de droit étranger qui ne nous sont pas familières dans des catégories de rattachement de droit français.

Il s’agit de traduire des institutions étrangères en langage juridique du for afin de les maitriser et de les classer dans une catégorie avant de les utiliser en méthode conflictuelle.

49 M. - L. NIBOYET et G. de GEOUFFRE DE LA PRADELLE, op. cit. § 557.

50M.L.NIBOYETetG.deGEOUFFREDELAPRADELLE,Droitinternationalprivé,Paris,LGDJ,2007,§557.

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Dans notre développement l’opération de qualification en question est une opération de qualification interne.

Dans notre exemple il s’agit de requalifier une institution afin de lui donner des effets différents, la qualité à agir qui est une institution rattachée à la procédure, est requalifiée en condition de fond.

La même institution peut donc avoir deux qualifications en fonction de la discipline en question.

Il serait plus facile d’admettre l’application de la méthode conflictuelle à une question de procédure que de requalifier une institution quelle qu’en soit le prix pour lui donner une nature substantielle et appliquer ainsi la méthode conflictuelle.

Quelles sont les raisons de ce procédé ?

§2. Raisons de la requalification :

La question se pose de savoir si la méthode conflictuelle peut être appliquée à une question de procédure, une cohérence présumée entre la procédure et la méthode conflictuelle serait la première raison de la requalification.

Les questions d’organisation judiciaire et de procédure en général sont l’expression d’une souveraineté étatique, le juge doit-il selon ce raisonnement figer son exercice dans les règles de son propre ordre juridique ?

La réponse est négative si l’on se fie à l’exemple de la qualité à agir qui abandonne la lex fori pour se voir appliquer la méthode conflictuelle et donc le droit de la substance.

Le règlement communautaire n° 1206/2001 du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des Etats membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile et commerciale permet aux juges des Etats membres requis par un juge d’un autre Etat membre d’administrer une mesure d’instruction selon le mode d’administration de l’Etat du juge requérant51. Ainsi, si par exemple un juge anglais

51Article10

«Dispositionsgénéralesrelativesàl'exécutiondelademande

3. La juridiction requérante peut demander que la demande soit exécutée selon une forme spéciale prévue par le

droit de l'État membre dont elle relève, au moyen du formulaire type A figurant en annexe. La juridiction requise

défère à cette demande, à moins que la forme demandée ne soit pas compatible avec le droit de l'État membre

dont elle relève ou en raison de difficultés pratiques majeures. Si la juridiction requise, pour l'une des raisons

susmentionnées, ne défère pas à la demande, elle en informe la juridiction requérante au moyen du formulaire

type D figurant en annexe. »

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demande à un juge belge52 de procéder à une cross examination, le juge belge devra utiliser une méthode ignorée de son droit et appliquera par conséquent la procédure de l’Etat requérant.53

Il en ressort qu’une règle de procédure étrangère peut être appliquée dans un contexte comportant un élément d’extranéité en écartant la lex fori : « aucun empêchement d’ordre théorique à une véritable application d’une norme étrangère de procédure » et que « l’emprunt et l’articulation de normes relevant d’ordres juridiques différents, que réalisent de manière tout à fait singulière les règles de droit international privé, ne sont pas limités par principe aux aspects substantiels des litiges internationaux» dit Marie Laure Niboyet. 54

Pour Motulsky « les règles régissant la procédure civile internationale ne sont pas différentes de celles que comporte le droit international privé en général. Elles sont de trois ordres. Les règles de conflit (…). Les « lois de police » (…). Enfin, les règles dites matérielles ou substantielles de droit international privé (…) » pour lui, les questions de procédure et de fond peuvent se voir appliquer la méthode conflictuelle : « (…) cette nature du droit processuel appelle l’utilisation, en matière internationale, des mêmes techniques que pour le droit international privé substantiel »55.

La doctrine admet par conséquent l’application de la méthode conflictuelle en matière processuelle en acceptant l’application d’une règle de procédure importée d’un autre système juridique dans le cadre d’un problème à caractère international.

On en arrive à penser que la dogmatisation de la lex fori en matière de procédure est la raison de la requalification.

Le droit français étant soucieux de ne pas avoir de lacunes, tend d’englober toutes les situations ou du moins la majorité.

52 Nous prenons l’exemple du juge belge car en l’espèce, la France a émis une réserve en ce qui concerne les

procédures de discovery, dont la cross examination est unepratique qui participe du processus.

53 Sur ce point, L. CADIET, Les sources internationales de la procédure civile française, in Vers de nouveaux

équilibres entre ordres juridiques, Mélanges H. Gaudemet-Tallon, Dalloz, 2008, p. 224 et s.

54M.–L.NIBOYET,Contreledogmedelalexforienmatièredeprocédure,inVersdenouveauxéquilibresentreordresjuridiques,MélangesH.Gaudemet-Tallon,Dalloz,2008,p.363à375.

55 Henri MOTULSKY, op. cit., p. 650.

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Néanmoins on constate que la lex fori ne gère pas toutes situations qu’elle est censée gérer, elle ne s’applique pas à toutes les questions processuelles soulevées dans le cadre des litiges de droit international privé.

La méthode conflictuelle peut être utilisée dans certains cas, en favorisant ainsi l’application d’une loi étrangère en matière de procédure.

Les résultats de la dogmatisation théorique de la lex fori ne sont ainsi que relatifs.

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Conclusion du chapitre

A travers l’étude de ces deux hypothèses on ne peut que retenir la deuxième selon laquelle une manipulation de la qualification des catégories en droit interne est effectuée dans le but d’appliquer la méthode conflictuelle à une question de procédure en lui accordant une nature faussement substantielle.

L’absolutisme théorique en serait la raison,

La dogmatisation de la lex fori est ainsi un échec, la règle de l’application exclusive de la lex fori en matière de procédure est très contestable,

Quelles alternatives peut-on envisager ?

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Chapitre 2: Solutions alternatives au dogme de la lex fori

La lex fori érigée en dogme en droit judiciaire international est incapable de couvrir toutes les questions et toutes les solutions, le souci de cohérence pousse à chercher des alternatives.

Certaines solutions de droit positif sont valables juridiquement mais leur fondement est incohérent, on peut puiser dans le droit comparé dans le but d’extraire des éléments pouvant assurer plus de clarté.

L’exemple du droit américain est parfaitement adapté dans la mesure où on peut y constater en droit judiciaire international un abandon de distinction entre les questions soumises à la lex fori et celles soumises à la méthode conflictuelle.

Un souci de cohérence des institutions de droit étranger peut également être évoqué.

Section I. – Droit américain : absence de distinction

Les Etats-Unis d’Amérique étant un Etat fédéral, la problématique s’est d’abord posée au niveau des Etats fédéraux. Le problème a par extension et à plus grande échelle été traitée en matière de droit judiciaire international.

La doctrine américaine en droit judiciaire international et notamment Cook mérite d’être analysée.

On traitera ainsi de la doctrine américaine avant de traiter de leur applicabilité dans notre système.

§1. L’ouverture donnée par la doctrine américaine

Une certaine doctrine américaine a rejeté l’absolutisme théorique au profit d’une ouverture bénéfique.

L’article 585 du premier Restatement rattache toutes les questions de procédure à la lex fori. Des règles de conflit viennent ensuite préciser ces questions de procédure à plusieurs reprises.

Aucune requalification de ces questions de procédure (clairement définies) en question de fond n’est possible.

La qualification en est lus fluide et plus claire en France où l’on peut recourir à une gymnastique de requalification.

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Alors que le développement de Beale selon Bernard Hanotiau est « dominé par la conviction qu’il exist[e] une ligne de démarcation objective entre le fond et la procédure », 56 d’autres auteurs américains refuseront cette démarcation nette entre substance et procédure.

Pour Walter W.Cook « le problème (…) n’est pas de découvrir une ligne de démarcation dont l’existence est d’ailleurs purement illusoire, mais de tracer cette ligne dans chaque cas d’espèce en fonction de l’objectif assigné en droit international privé à la distinction fond-procédure »57.

Il appelle à l’application permanente de la méthode conflictuelle qu’il s’agisse de question de fond ou de forme sous réserve que cette application ne porte pas atteinte à l’ordre juridique du juge saisi.

Dans certains car, même en cas d’inconvenience pour for du juge saisi, la loi étrangère est appliquée dans le but de respecter des impératifs de droit international privé.

Il s’agit également de mesurer l’incidence de la solution choisie sur l’issue du procès.

Robertson58 invite dans ce cadre à prendre en compte les raisons de la distinction effectuée entre substance et procédure en droit international privé.59

Ernest G. Lorenzen de Yale conteste Beale et refuse la dissociation fond et procédure. Il considère que cette distinction peut modifier la solution du litige vu le traitement indépendant des différentes questions rattachées au litige. Il insiste cependant sur la « praticabilité » des solutions qui, si elles causent une grande inconvenience au juge du for, doivent être écartées au profit des propres règles du juge de ce for et notamment en ce qui concerne l’organisation judiciaire.

Le second Restatement abandonne la distinction entre procédure et substance en cherchant « si la règle de droit matériel du for trouve à s’appliquer »60 pour chaque question.

56B.HANOTIAU,Ledroitinternationalprivéaméricain,Paris,LGDJ,1979,§448ets.

57B.HANOTIAU,op.cit.§449.

58 A. H. ROBERTSON, « A survey of the characterization problem in the conflict of laws, » 52 Harvard Law

Review, 717, 1939.

59 B. HANOTIAU, op. cit., § 451.

60 B. HANOTIAU, op. cit., § 453.

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La règle de cette méthode est l’application de la loi étrangère à toutes les questions liées au litige sans opérer de distinction entre la procédure et le fond, la loi du for s’applique à tout ce qui est relatif au fonctionnement de la cour.

La preuve par exemple a une incidence fondamentale sur l’issue du litige mais relève également de la procédure.

Comment définir la loi applicable ?

Plusieurs critères peuvent être utilisés, il s’agit en premier lieu de la prévisibilité de la question de rattachement de fond par les parties, ceci peut mesurer l’importance de la question ;

Il s’agit également comme on l’a déjà vu de mesurer l’effet de la solution sur l’issue du litige.

Dans le même cadre le recours à la qualification effectuée par la jurisprudence est un critère très utilisé en common law, en plus du critère d’inconvenience qui tend à voir si les tribunaux du for ne vont pas subir de grands inconvénients.

Sedler confirme ce que Cook affirme : « le for devra [donc] s’efforcer de résoudre le litige de façon aussi semblable que possible à ce qu’aurait fait un tribunal de l’Etat dont le droit interne est déclaré applicable au fond. »61.

La méthode conflictuelle est donc le principe, elle ne cède sa place à la lex fori que lorsque la bonne administration de la justice, l’organisation judiciaire ou l’ordre juridique s’en trouvent perturbés62.

§2. Peut-on transposer ce raisonnement en droit français ?

Ce schéma américain peut-il être appliqué en droit français ?

La distinction entre procédure et substance y est levée en clôturant le débat de l’applicabilité de la lex fori en matière de procédure. Le but escompté est plus important que le procédé.

En droit français, la méthode applicable n’est pas la méthode conflictuelle en matière de procédure, la lex fori s’applique automatiquement. Une requalification en résulte dans le but d'appliquer la méthode conflictuelle à des questions processuelles en droit interne et qui deviennent substantielles en droit international privé.

61 B. HANOTIAU, op.cit., § 455

62 R.A. SEDLER, , « Characterization, Identification of the Problem area and the policy centered conflict of

laws : an exercice in judicial method », 2 Rutgers Camden L. J. , 8, 1970.

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La distinction écartée par le système américain est fondamentale dans notre système, dans la mesure où les questions doivent être attachées à la substance ou à la procédure pour se voir appliquer respectivement la méthode conflictuelle ou la lex fori.

Le système français doit-il de la même manière abandonner la distinction pour ne pas prendre en compte que lorsque l’ordre juridique ou l’équilibre judiciaire s’en trouve perturbé ?

La distinction ne devrait-elle pas opérer entre les questions d’organisation judiciaire et le reste ?

Ecarter cette dissociation ne reviendrait pas à rendre le raisonnement et la pratique plus clair et plus fluide ? Certaines questions de procédure ne sont-elles pas en partie des questions de substance ?

Il existe certes plusieurs exceptions qui résisteront à l’application unifiée de la méthode conflictuelle telles les questions d’organisation judiciaire, impératives pour un bon fonctionnement de la justice du for, et qui vont se voir appliquer la loi du for.

Persiste l’impératif de cohérence.

Section II. Impératif de cohérence des systèmes juridiques

En droit judiciaire international une même question pourrait être régie par des lois différentes. A titre d’exemple, la preuve est traitée en droit anglais comme une seule entité afin d’en préserver la cohérence, aucune distinction n’est faite entre l’administration de la preuve et son objet.

Dans notre système la preuve comme plusieurs institutions sont traitées par deux régimes différents au risque de rompre la cohérence de l’institution en question.

Pour une meilleure cohérence, il serait plus judicieux selon Lorenzen de soumettre tous les aspects de la même question à la même loi. On peut prendre l’exemple du droit d’action et de la preuve.

§1. Droit d’action et lex fori

Le droit d’action en droit français doit impérativement être défini par la lex fori pour être pris en compte par le juge du for63, aucune possibilité n’est ouverte de prendre

63 Cf supra § 37

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en compte la loi étrangère. Il serait plus louable d’appliquer la loi du for à toutes les questions liées au droit d’action.

Il est difficile de concevoir que dans un système juridique cohérent, on puisse soumettre chaque volet d’une même question à savoir le droit d’action, à une règle différente, il en ressortira des droits d’action différents selon l’angle traité.

Lorsqu’une action est concédée, ses conditions d’ouverture doivent être appréciées également par la loi du for, une action concédée dont les conditions d’ouverture seraient soumises au droit étranger reviendrait à appliquer un droit qui n’existe pas.

Ceci peut toutefois admettre l’application de la loi étrangère dans quelques exceptions.

Quelles seraient les conséquences de l’application du droit d’agir sur les différentes conditions d’ouverture de l’action ?

- Pour ce qui est de la capacité à agir, si le doit interne exige une condition de majorité et que la loi étrangère ne l’exige pas, on ne pourra pas se référer à la loi applicable au fond en écartant cette condition.

Néanmoins la lex fori peut faire un renvoi au statut personnel du for de la loi substantielle, c’est la lex fori ainsi qui s’applique.

- Concernant la qualité à agir, si pour une action en divorce la loi du for commande la condition de la qualité à agir qu’est la qualité d’époux, il ne s’agira pas non plus ici de se demander si la loi applicable au fond commande pour une même action cette condition de la qualité à agir pour l’exercer. On applique la condition de lex fori.

Afin ensuite de se déterminer sur l’existence de cette qualité, soit le fait de savoir si la personne est bien l’épouse de la personne contre laquelle elle agit, on applique la loi qui régit le lien au fond, soit le mariage. Ici encore c’est donc la lex fori qui s’applique et qui commande l’exigence de cette condition.

Cependant, si le droit français impose la réunion de certaines conditions pour accéder à un droit d’action qu’il prédispose, il n’impose pas que les parties aient acquis ces conditions – soit la qualité à agir ici qui se caractérise en l’espèce par la qualité d’époux – selon les formes prédisposées par le droit français. Le droit français impose pour une action en divorce que les parties soient les époux, et ainsi donc qu’ils aient la qualité à agir requise par le droit français, mais n’impose pas que les époux soient devenus mari et femme selon les conditions requises par le droit français. Le mariage étranger est en effet en principe reconnu de plano et de ce fait, les qualités d’époux ne sont pas remises en question si celles-ci sont invoquées par les parties.

En matière de qualité à agir, Pierre Mayer et Vincent Heuzé admettent la compétence de la lex fori. Ils donnent l’exemple des syndicats dans lequel ils admettent l’application cumulative de la loi du for et de la loi substantielle ; la loi

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substantielle servira à déterminer si les syndicats ont la qualité pour agir, alors que la lex fori servira à savoir si ces syndicats peuvent exercer une action en justice selon les conditions d’habilitation du for64.

MM. Mayer et Heuzé proposent également l’application de la loi de substance concernant la condition de ma légitimité de l’intérêt à agir, par ailleurs, la loi du for protège les intérêts qui correspondent à son ordre juridique. Il est donc totalement légitime que la lex fori détermine ces intérêts.

L’application de la lex fori dans ce cadre permettrait une équité entre les droits des justiciables en droit interne comme en droit international.

Si le droit étranger ne permet pas l’ouverture d’une action concernant une question de fond le juge du for aura du mal à justifier d’accorder ces mêmes droits.

De la même manière, l’application de la lex fori permettrait une meilleure cohérence. L’intérêt est une condition de recevabilité de l’action. Chaque ordre juridique prévoit un nombre limité d’actions en justice et définit les conditions d’ouverture de ces actions. Une incohérence résulterait de faire une distinction entre la loi applicable à l’ouverture, et celles en désignant les conditions.

Il est par conséquent préférable d’appliquer la loi du for aux conditions du droit d’action.

§2. Preuve et droit substantiel

Lorsqu’on applique le droit étranger à une institution il semble plus cohérent d’appliquer la même loi de fond à la preuve.

Les régimes de preuve différent en fonction des institutions en question, et ce dans un même ordre juridique. Et à plus grande échelle, les régimes juridiques différent en fonction des différents ordres juridiques.

Une institution juridique étrangère peut-elle alors tolérer l’application d’un régime de preuve qui ne lui est pas familier ?

Il sera plus cohérent de répondre négativement, la lex fori ne saurait s’appliquer en droit judiciaire international à un rapport de droit qui a vu le jour sous un autre régime.

Effectuer une distinction au sein de la preuve posera un problème d’incohérence, d’autant plus qu’en matière d’objet et de charge de la preuve, la loi applicable au fond s’applique sans faculté notable.

64P.MAYERetV.HEUZÉ,Droitinternationalprivé,Paris,Montchrestien,9èmeédition,2007,§497.

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Pour ce qui est de la recevabilité de la preuve et de la force probante, la lex fori s’applique en prenant en compte la loi étrangère, néanmoins, il serait préférable de les soumettre toutes les questions relatives à la preuve à la loi applicable au fond, dans la mesure où l’application de la lex fori pourra éloigner l’institution étrangère du but qu’elle poursuit et du régime de preuve qu’elle estime efficace.

Quant à l’administration judiciaire de la preuve, c’est une question d’organisation judiciaire, un raisonnement qui préconise la cohérence la soumettrait uniquement à la lex fori.

On constate que la preuve est quasiment exclue au domaine de la lex fori sauf en ce qui concerne la question de l’administration judiciaire de la preuve puisqu’on ne saurait demander à un juge d’administrer la preuve selon des règles qui lui sont étrangères.

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Conclusion du chapitre

Dans ce chapitre consacré à l’étude des alternatives de la dogmatisation de la lex fori en droit judiciaire international, on a pris l’exemple américain qui rejette toute démarcation entre procédure et questions de fond en le transposant ensuite au système français pour y vérifier son applicabilité.

Les auteurs américains recommandent l’application unifiée de la méthode conflictuelle sans distinction aucune. Ils préconisent l’application de la lex fori lorsque l’application de la loi de fond n’engendre pas de différence substantielle et lorsque l’organisation judiciaire risque d’être perturbée par l’application de règles étrangères.

Un équilibre est ainsi fait entre l’impact de la loi substantielle sur la solution donnée au litige d’un coté, et la pertinence de l’application de la lex fori par commodité en ce qui concerne les questions d’organisation judiciaire d’un autre coté.

L’étude d’applicabilité de ce système en France a révélé peu de difficulté, malgré quelques questions qui demeureraient propres au domaine de la lex fori.

On a analysé dans le même cadre l’importance d’assurer une cohérence des institutions juridiques.

Le droit d’action ainsi que la preuve constituent chacun un corps juridique cohérent qui ne doit être écartelé au profit de l’application exclusive de la lex fori ou à l’application d’un droit inexistant généré par le traitement différencié des questions relatives au même ensemble juridique.

Ces deux alternatives proposées ne sont pas incompatibles, elles suivent le même raisonnement et poursuivent le même but : une solution cohérente, efficace et équitable.

Elles peuvent être combinées sans difficulté.

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Conclusion de la deuxième partie

Il était nécessaire à la fluidité du raisonnement de traiter des alternatives proposées suite à l’échec du dogme de la lex fori en droit judiciaire international, après avoir exposé les raisons même de cet échec.

La lex fori perd son caractère dogmatique dans plusieurs cas, il était nécessaire de poser des hypothèses expliquant l’application, loin d’être généralisée, de la loi du for.

La généralisation de la lex fori en droit judiciaire international ne peut se fonder que sur une requalification visant à soumettre à la loi applicable au fond des questions relevant de la procédure ou sur une erreur de qualification.

Doit-on aller jusqu’à effectuer une requalification afin d’introduire par le biais de la manipulation théorique, une institution dans une catégorie qui ne lui correspond pas en droit interne.

Ceci n’est qu’un effort de dogmatisation poussé par une théorisation excessive.

Des alternatives existent comme on l’a si bien constaté.

Il n’est guère nécessaire d’appliquer la lex fori au prix que cela demande en termes de manipulation théorique.

Un impératif de cohérence a également contribué à démontrer que l’application de la même méthode à toutes les catégories d’une institution permettrait de ne pas démembrer l’institution en question et de ne pas désarticuler le processus de recherche de solution.

Les alternatives ont néanmoins besoin d’être établies de manière claire afin d’assurer une solution au litige qui respecte tous les impératifs de cohérence, de validité et d’efficacité.

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Conclusion générale

La lex fori en droit judiciaire international : son étude a permis de déceler sa dogmatisation en matière de procédure.

Sa généralisation en matière processuelle semble de prime abord la règle.

On constate néanmoins tout au long de l’analyse que la méthode conflictuelle n’est pas entièrement écartée.

Lex fori et méthode conflictuelle se partagent la recherche de solutions des problèmes liées à des questions de procédure.

La dogmatisation et l’absolutisme théorique commencent ainsi à s’écarter.

Il était donc nécessaire de rechercher les raisons qui ont conduit à cette dédogmatisation de la lex fori en droit judiciaire international.

Un effort de manipulation de la qualification a été effectué dans le but d’appliquer la méthode conflictuelle à des questions qualifiées comme des questions de procédure en droit interne.

L’analyse a permis de constater que l’exclusivité de l’application de la lex fori en matière de procédure est un mythe qui n’a d’autre fondement que la volonté d’en faire un et l’acharnement théorique visant à écarter la méthode conflictuelle en matière de procédure.

L’excès de théorisation a tendu a l’application exclusive d’une même méthode à toutes les questions relevant d’un même domaine. Seulement ce domaine n’est pas si facile à délimiter, la distinction entre la procédure et le fond est si délicate, d’autant plus que les deux catégories se confondent souvent au sein de la même institution.

Un constat d’échec s’est imposé.

Des solutions alternatives ont ainsi été recherchées.

Le système américain pousse à dépasser la distinction entre les questions de fond et celles de procédure puisque le droit judiciaire international combine les deux composantes.

Il recommande l’application de la méthode conflictuelle dans tous les cas en admettant l’application de la lex fori à des questions d’organisation judiciaire qui risquerait de porter atteinte à l’ordre public ou au service de la justice du for et à condition que le droit appliqué à la substance ne s’en voit pas lésé.

Un impératif de cohérence des institutions juridiques est également à respecter. Appliquer plusieurs méthodes aux diverses branches d’une institution reviendrait à un écartèlement juridique donnant lieu à l’application d’une loi inexistante.

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L’application de la même méthode, sous réserve d’exceptions, donnerait des solutions homogènes, fluides et efficaces.

Le but étant la recherche de solutions efficaces, bien fondées et équitables, il est louable d’abandonner la dogmatisation de la lex fori en droit judiciaire international au profit de solutions alternatives fondées sur la cohérence, la commodité, l’équité et l’homogénéité et prenant en compte le souci de commodité et de sécurité juridique dans la résolution des différends liés aux rapports européens et internationaux de droit privé.

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52

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INDEX ALPHABETIQUE

A

Administration judiciaire des preuves,33

C

charge de la preuve,28,39

conflit de juridictions,13,14,15,16,21

conflits de lois,6,17,19,39

Cook,46,47,48,49

D

decisoria litis,10,19

droit d’action,8,21,22,24,25,28,40,52,53,54,55,57

droit judiciaire international,4,6,35,59

droit substantiel,18,19,20,24,25,29,37,38,39,40,42,43,50,54,59,60

F

force probante,28,30,32,33,56

I

inconvenience,47,49

intérêt à agir,23,24,40,51,54

intérêt légitime,24,25

Isaac,23,32,33

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54

L

lex fori

,7,8,9,10,11,12,13,14,16,17,18,19,20,21,26,28,29,30,31,32,33,34,35,36,38,39,40,41,

42,44,45,46,47,48,50,51,53,54,56,57,59,60

M

mesure d’instruction,43

méthode

conflictuelle,7,8,10,16,19,20,21,28,29,31,37,38,39,40,42,43,44,45,50,57,59,60

Motulsky,14,16,34,44

O

objet de la preuve,28,29,51

ordinataria litis,10,18,19

P

prescription,26,37,38,40

preuve,8,21,28,29,30,31,32,33,34,37,39,40,43,49,51,52,55,56,57,60

procédure civile internationale,14,16,39,44

Q

qualification,16,30,37,39,40,41,42,45,58,59

qualité à agir,22,40,41,42,43,50,51,53

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LA LEX FORI EN DROIT JUDICIAIRE INTERNATIONAL p 55/57

TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES

LISTE DES ABRÉVIATIONS _______________________________________________ 4

Introduction _________________________________________________________ 6

Lex fori et droit judiciaire international ________________________________________ 6

Chapitre 1 : La lex fori : un dogme, une tradition _________________________ 11

Section I. – origines de la règle de la lex fori ____________________________________ 11

§1. Fonctionnement de la justice et souveraineté étatique ___________________ 11

§2. Organisation judiciaire et souveraineté étatique ________________________ 12

Section II. – Naissance du dogme de la lex fori__________________________________ 13

§1. Conflit de lois et conflit de juridictions :____________________________________ 13

§2. Les limites du dogme de la Lex fori : _____________________________________ 16

Conclusion du chapitre___________________________________________________ 18

Chapitre 2 : Les exceptions à la règle d’application de la lex fori ____________ 19

Section I. – Les exceptions relatives au droit d’action _____________________________ 19

§1. Conditions subjectives ________________________________________________ 19

A. Qualité à agir ____________________________________________________ 19

B. Intérêt à agir ____________________________________________________ 20

§2. Conditions objectives _________________________________________________ 22

A. Délais pour agir __________________________________________________ 22

B. Chose jugée ____________________________________________________ 23

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Lalexforiendroitjudiciaireinternational

LA LEX FORI EN DROIT JUDICIAIRE INTERNATIONAL p 56/57

Section II. – Les exceptions en matière de preuve _______________________________ 23

A. Objet de la preuve ________________________________________________ 24

B. Charge de la preuve.______________________________________________ 24

C. Quelle valeur a cette qualification substantielle ? ________________________ 25

§2. Preuve et lex fori ____________________________________________________ 25

A. Recevabilité de l’action et force probante ______________________________ 26

B. Administration judiciaire des preuves _________________________________ 27

Conclusion du chapitre___________________________________________________ 28

Conclusion de la première partie _____________________________________________ 29

Chapitre 1 : Echec du dogme de la lex fori : Les causes____________________ 31

Section I. - Hypothèse de l’erreur de qualification interne __________________________ 31

§1. Exposé de l’hypothèse ________________________________________________ 31

§2. Valeur de l’hypothèse :________________________________________________ 32

Section II. - Manipulation de l’opération de qualification____________________________ 33

§1. Cas de la manipulation________________________________________________ 33

§2. Raisons de la requalification : __________________________________________ 34

Conclusion du chapitre___________________________________________________ 37

Chapitre 2: Solutions alternatives au dogme de la lex fori __________________ 38

Section I. – Droit américain : absence de distinction ______________________________ 38

§1. L’ouverture donnée par la doctrine américaine _____________________________ 38

§2. Peut-on transposer ce raisonnement en droit français ? ______________________ 40

Section II. Impératif de cohérence des systèmes juridiques ________________________ 41

§1. Droit d’action et lex fori________________________________________________ 41

§2. Preuve et droit substantiel _____________________________________________ 43

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LA LEX FORI EN DROIT JUDICIAIRE INTERNATIONAL p 57/57

Conclusion du chapitre___________________________________________________ 45

Conclusion de la deuxième partie_____________________________________________ 46

Conclusion générale _________________________________________________ 47

BIBLIOGRAPHIE ____________________________________________________ 49

INDEX ALPHABETIQUE ______________________________________________ 53

TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES __________________________________ 55