20
La Légende de Sawylian Tome 1. La Pierre Du Destin MARINE MERCADIÉ

La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2

La

Lég

ende

de

Saw

ylia

n

La Légende de SawylianTome 1. La Pierre Du Destin

MARINE MERCADIÉ

25.38 463200

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 334 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 25.38----------------------------------------------------------------------------

La Légende de Sawylian

Marine Mercadié

MA

RIN

EM

ERC

AD

Page 2: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 2

Page 3: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 3

Page 4: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 4

Page 5: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 5

A l’homme qui m’a donné la force d’aller au bout de

cette aventure,

Sans qui je n’aurais pas été ce que je suis,

Sans qui je ne serais pas,

Papa, c’est à toi que je dédie ce livre.

Page 6: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 6

Page 7: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 7

Prologue

Je hais la guerre.

Peut-être est-ce dû à ma race ; je la méprise plus

encore que la mort.

Seulement, celle-ci est nécessaire. C’est le passage

obligatoire de chaque monde, pour le malheur de ses

habitants. Et nous devons la gagner. A tout prix.

C’est notre dernière chance.

Contre la fureur d’un tyran, seule la fureur d’un

peuple entier est puissante…

Le Conseil est terminé : nous attaquerons dans

deux jours.

Deux jours pour tout affiner, soigner les détails,

vérifier que tout se déroulera sans heurt. La courbure

des boucliers, les mailles des armures, le tranchant

des épées… Chaque détail compte. Mais nos armées

sont prêtes, et les forces ennemies sont au plus bas.

Nous gagnerons.

Nous sommes tous en position, retenant notre

souffle. Une main se crispant sur une épée, un cheval

perçant le lourd silence par son hennissement… Nous

nous sommes tant entraînés pour ce moment… Tous

Page 8: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 8

ces sacrifices à venir à cause de la folie d’un seul

homme.

Je ne le comprends pas, la paix est-elle un si

mauvais idéal ? La seule chose dont nous soyons

certains à présent, c’est qu’il doit mourir. Pour nous,

et pour cette paix. Le crépuscule teinte le ciel d’un

délicat voile rouge, comme s’il présageait cette nuit

de sang. Sous peu, nous fondrons sur l’ennemi, nous

les surprendrons dans leur sommeil.

Nous avançons sous le couvert des arbres. Ils nous

offrent la sécurité nécessaire. Lendao avait raison ;

ils ne s’en douteront pas une seule seconde.

Nos troupes se jettent sur l’ennemi, telle une

marée vomissant sans interruption des flots

d’hommes prêts à tout pour la victoire. Les cors

d’alarme sonnent, ajoutant à la panique générale. La

mort s’avance vers eux, comme un faucon plongeant

sur sa proie.

Ma monture pousse un hurlement féroce. Le

souffle ardent sortant de sa gueule béante brûle tout

sur son passage : la rage qui sommeillait en lui s’est

réveillée. Ses crocs et ses griffes tachent les murs de

sang frais. Une odeur métallique commence à emplir

l’air. Cette odeur, je ne la connais que trop bien,

c’est celle des confusions, des combats, du chaos.

Je suis maintenant à terre, l’épée à la main,

anéantissant chaque ennemi d’une fente ou d’un sort.

Cependant, nos ennemis sont nombreux et chaque

corps touchant le sol est trop rapidement remplacé

par un autre. Je fais de mon mieux mais ma magie me

coûte : mon corps réclame plus d’énergie.

Une lance m’a touché à l’épaule, transperçant la

chair et touchant l’os ; je ne parviens pas à

Page 9: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 9

endiguer le sang qui s’en échappe. La bataille fait

rage. Des éclairs rouges et blancs déchirent le ciel,

tranchant sur le bleu pur du ciel, tandis que les

hommes tombent, un à un, qui mortellement touché

par une hallebarde, qui gisant, un trou béant à la

place du ventre, dernière trace d’une boule

d’énergie fusant dans sa direction. Ils ont des

mages à leur disposition. Beaucoup trop. Je dois le

trouver.

Le vermeil tache mon armure, mon épée est gorgée

de sang ; elle pèse de plus en plus lourd dans mes

mains moites de sueur et mon épaule m’empêche de

la manier correctement. Nous sommes en très

mauvaise posture. Comment se fait-il que la bataille

ait ainsi tourné en notre désavantage ? Je remonte

sur ma monture et vois le carnage d’en haut : nos

armées sont sur le point de perdre.

Je dois absolument le supprimer.

Il est là, fier, immobile, surplombant le massacre.

Il me propose de régler cette histoire seuls, loin de la

bataille. Nous survolons la plaine dans un silence de

mort : nous aurions pu nous entretuer en vol, mais je

sais ce qu’il veut. Un combat de mage, sa vengeance.

C’est ce qu’il a toujours voulu. La rancœur me ronge

l’esprit. Mon compagnon brûle également de haine.

Mais je perçois la sienne, plus vive encore. Il nous en

veut, et cette fois-ci, il ne nous laissera pas la vie

sauve…

Il sait qu’il a toutes ses chances. J’ai longuement

combattu. Lui n’a pas une égratignure. Il se prépare

à m’affronter. Cela ne mènera à rien, mais c’est

nécessaire. Un rictus mauvais déforme son visage.

C’est certain, à présent. La guerre lui importe peu :

Page 10: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 10

son seul but est de me faire souffrir, ou s’il n’y

parvient pas, de me tuer.

Le duel commence : nos montures s’envolent loin

de nous. C’est la règle : elles s’affronteront de leur

côté, tandis que nous ferons de même ici.

Plus rien n’a d’importance à part nos épées. Nous

enchaînons fente après fente et nos armes se

cherchent. Mais, aucun ne prend l’avantage. Sa

technique est réfléchie : il veut simplement m’épuiser.

J’ai une idée : c’est risqué mais je n’ai plus le

choix. Il relance une attaque que je pare avec

difficulté. C’est le moment. Je vais puiser dans son

énergie vitale et prononcer une formule prohibée, la

plus puissante que je connaisse. Je suis conscient des

conséquences si cela échoue, mais je dois essayer.

Je crois avoir réussi. Je puise dans son énergie : je

le sens faiblir. J’ouvre les lèvres pour prononcer la

formule qui le tuerait. Mais je ne peux pas. Les mots

restent bloqués dans ma gorge. Ma vision se brouille.

Les cris de la bataille me paraissent lointains. Il se

moque de moi mais je ne saisis pas ses paroles. Ce

que je redoutais est arrivé. La magie puise en moi

encore et encore. Mes genoux heurtent le sol, puis je

m’affaisse complètement. Non, je ne peux pas

abandonner. J’essaie de me redresser mais il pointe

son épée sur ma gorge. Ça y est. C’est la fin.

J’ai échoué.

Sa lame s’abat sur mon flanc et je roule sur le

côté. Il a transpercé le cuir matelassé et entamé la

chair. Il joue avec moi, comme un chat avec un

oiseau qui a une aile brisée. Il me toise de son regard

hautain. Il a gagné. Et il en est fier. Il pourrait

Page 11: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 11

m’achever, mais je le vois s’éloigner. Je tente de

garder les yeux ouverts, mais je n’y… parviens… pas.

Mon dos me brûle. Je revois sans cesse son visage.

Demain, je le tuerai. Je suis de nouveau en état de

monter. Mais j’ai une atroce impression de vide. Je

ne sens plus la présence de mon dragon, son esprit

effleurer le mien. Je ne comprends pas. Nous étions

entraînés, il ne peut pas avoir perdu… Il ne peut

pas…

La douleur me dévaste d’un coup. J’ai compris,

mais je préférerais mille fois avoir tort. Nous

chevauchions le ciel, par-delà les mers et les

montagnes. Il était tout pour moi. Je ne vivais que par

lui. Mais c’est fini… Les griffes de sa monture ont

lacéré ses ailes et il a atterri au beau milieu des

arbres. Je suis seul. Je ne suis plus d’aucune utilité à

présent… Je ne suis plus rien sans lui. Je ne survivrai

pas…

Ils veulent que je parte. La bataille est finie et le

Traître a gagné.

Je ne me suis pas remis de sa perte. Je veux le

rejoindre…

L’entrevue s’est mal passée. Notre commandant ne

veut pas me laisser m’oublier, il dit que je suis trop

précieux. Notre terrain d’entente est plus forcé

qu’autre chose, mais je pourrai agir sur les

événements, et il m’a promis que nous resterons en

contact.

Après des jours de voyage, j’ai enfin atteint ma

destination. Il est bon de rentrer chez soi, et je crois

que la vue de mon pays natal me met un peu de

baume au cœur.

Page 12: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 12

Ce n’était finalement pas une mauvaise idée.

Lendao m’envoie des missives que je m’empresse de

lire, concernant le royaume, le Slytan Let. J’ai

retrouvé une ancienne amie, et j’ai fait la

connaissance de sa fille. Mais il vaut mieux ne rien

lui dire. Cela pourrait être dangereux pour elle si elle

venait à apprendre qui je suis.

Je n’en crois pas mes yeux. Cette petite est

épatante. Cela fait seulement quelques jours que nous

avons commencé et elle exécute déjà les exercices que

je lui impose avec une facilité déconcertante. C’est

sûrement… Non je me trompe. Cela ne peut pas être

elle. Et pourtant…

Elle est exceptionnelle. Demain, je lui dirai la

vérité. Seulement sur son rôle, le reste serait trop

dangereux.

J’en suis maintenant sûr : c’est la première élue.

La prophétie est claire :

« Quand les trois porteurs enchâsseront les trois

gemmes élémentaires dans la pierre du Destin, ils se

verront confier la tâche d’anéantir le Mal, jusqu’aux

confins de Sawylian, et ils y parviendront, aidés de

leurs gardiens. »

Elle est des leurs, j’en suis certain…

Page 13: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 13

1

Magie au bord d’un ruisseau

Leliana était seule sous le couvert des arbres. Le

soleil filtrait entre les branches des hêtres, des chênes

et des frênes, formant de petites taches d’ombres sur

le visage de la jeune fille. Une douce chaleur caressait

sa figure, faisant frémir la pointe de ses fines oreilles.

Elle aimait à se promener dans la forêt d’Elzmir, sous

les arbres qui l’avaient vue naître et grandir. Elle était

ainsi : libre comme l’air et sauvage comme la nature

qui l’entourait. Aucun humain ne s’aventurait si

profondément dans les bois. Ils leur paraissaient

maléfiques et dangereux. Mais son peuple, le peuple

des Elfes, y vivait depuis des générations. A la fin de

la guerre entre les Nains et les Elfes, il y avait de cela

des siècles, ces derniers s’étaient retirés dans les deux

grandes forêts bordant l’Empire : Awylia à l’est, et

Elzmir au sud.

Leliana aurait voulu voyager, parcourir Sawylian,

sans contraintes. Hélas, elle n’avait pas l’autorisation

de sortir des bois, comme tous les elfes, d’ailleurs. Ils

se cachaient, coupés du monde extérieur, protégés de

Page 14: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 14

la fureur de Talenko, empereur actuel, ou plutôt, tyran

de Sawylian.

L’Empire s’étendait sur des centaines de lieues, de

l’ardent désert de Shekett à l’ouest, à l’océan sans fin

d’Ilendo, domaine de créatures aquatiques

inconnues ; des profondes montagnes Zwergen aux

vastes plaines bordées de forêts enchanteresses :

Elzmir et Awylia, territoires des Elfes.

Un petit écureuil chicotant attira son attention.

Leliana avait toujours été proche de la nature, plus

encore que ses semblables. Elle contempla une

digitale pourpre en se demandant comment une chose

aussi belle pouvait être aussi meurtrière.

Heureusement, le mal n’était pas partout ! La jeune

fille leva la tête et mesura la course du soleil dans le

ciel. La fin de la journée approchait : elle devait

regagner sa maison.

Leliana vivait dans la petite ville elfique

d’Azilmer, en bordure de la forêt d’Elzmir. Sa maison

était à l’extrémité nord de la ville, qui s’étendait plus

profondément dans la forêt, là où les Humains

n’osaient pas venir. C’était une petite construction, de

bois, naturellement. Elle s’enroulait autour d’un

énorme chêne, qui en était le centre. Tout était

végétal, en union avec la nature environnante. Un

humain n’aurait pu la voir, à moins qu’il ne fût

magicien, tant elle se fondait dans le paysage.

Quand la jeune fille poussa la porte, sa mère

cuisinait tranquillement dans la petite pièce. C’était

une femme douce, avec un regard d’ange et une voix

de cristal. Des oreilles pointues dépassaient de ses

cheveux d’un noir de nuit, tirant légèrement sur le

bleu. Elle tourna la tête vers sa fille :

Page 15: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 15

– Leliana, où étais-tu encore ?

– Je ne suis plus une enfant, maman, soupira-t-elle.

– Si ton père…

– Je sais, la coupa-t-elle. Si papa était là, il me

dirait que, malgré les atouts que nous confèrent notre

race, nul ne sait tout de la forêt, pas même les Elfes,

que le Maître est partout… Mais papa est mort,

maman.

– Leliana…

– Non, ça ira, reprit-elle. Shakun doit m’attendre.

Elle sortit en prenant soin de claquer la porte

derrière elle.

En effet, son père était mort, il y avait quinze ans

de cela. La mère de Leliana, Lonahi, en voulait

profondément au Maître – c’est ainsi que se faisait

appeler Talenko – de lui avoir pris son âme sœur. Elle

aurait voulu périr avec lui, comme lui, sous le coup

d’une épée Ankheg… mais il lui restait sa fille.

Les Ankhegs étaient des créatures féroces, venues

par la mer avant les Hommes, et que ceux-ci avaient

dû combattre pour conquérir leur territoire.

Malheureusement, un nid ne fut pas détruit et les

créatures perdurèrent encore des années. A présent,

ces bêtes étaient les sbires de Talenko. A l’origine,

elles n’étaient que des insectes sous-développés,

semblables à des mantes religieuses aux puissantes

mâchoires. Cependant, le traître, aidé de sa magie

noire, imposa un sceau aux créatures restantes et leur

descendance, leur octroyant une intelligence

suffisante pour obéir aux ordres.

Leliana arriva, perdue dans ses pensées, à la

cabane de son maître à elle : Shakun.

Page 16: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 16

– Eh bien ! Il ne changera jamais, se dit-elle en

franchissant le seuil de la porte.

En effet, la demeure de Shakun était tout sauf

rangée. Entre les piles de grimoires posés çà et là

gisaient des bouquets de fleurs séchées, dont Leliana

ne reconnut pas la moitié. Les quelques étagères

étaient encombrées de bocaux contenant des poudres

inconnues. Au milieu de la pièce sombre siégeait un

vieux fauteuil. L’ensemble donnait finalement

l’impression d’un lieu désordonné, mais propre, bien

que Shakun ne fût pas vraiment un elfe soigné. Ni

même un elfe, d’ailleurs.

Il était un de ces hybrides, né de l’union d’un

Homme inconnu et d’une elfe, la mystique Lydia.

Cette elfe presque légendaire avait vécu longtemps

auparavant, et elle avait été la première souveraine

du royaume des Elfes. Certains disaient même

qu’elle avait été la première impératrice de

Sawylian. C’est donc pour cela que les Elfes avaient

recueilli son fils… illégitime. Il s’était alors montré

un magicien hors pair. Depuis, il avait formé

quelques elfes à cet art. Mais Leliana n’était pas une

élève comme les autres. Il était un ami de son père et

avait éduqué la jeune fille dès son plus jeune âge.

Aujourd’hui, ils devaient commencer leur premier

cours de magie.

Shakun l’interrompit dans ses pensées :

– Où étais-tu encore partie, Leliana ?

Le sourire sur le visage de la jeune fille s’évanouit.

Comme elle garda le silence un bref instant, il se

douta de la réponse. La jeune fille allait répondre une

excuse préparée à l’avance, mais son maître prit les

devants :

Page 17: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 17

– Leliana, je t’ai déjà dit de ne pas te rapprocher de

l’orée de la forêt ! Ne fais pas ces yeux-là : je sais ce

que tu vas me dire. Mais les humains sont

dangereux ! Crois-moi, n’y retourne plus !

– Mais je…

– Non, la discussion est close. Mettons-nous au

travail.

Leliana n’insista pas. Elle savait combien Shakun

pouvait se montrer têtu quand il le voulait. Mais elle

l’aimait, et elle le respectait. Pourtant, ils étaient

diamétralement opposés.

Leliana était d’une splendeur parfaite : une jeune

fille, dans la fleur de l’âge. A l’aube de ses dix-sept

ans, la pointe de ses oreilles rougissait vite sous

l’émotion, que les gens de son peuple préféraient

cacher. Ses longs cheveux noirs de jais, libres de tout

bandeau, volaient au vent. Dans ses yeux de chatte

brillaient – de détermination, mais aussi

d’insouciance – deux iris verts, de la même couleur

que la végétation luxuriante d’Elzmir. De son corps

entier, svelte et souple, émanait la pureté et la grâce.

Les courbes de son corps, parfaitement dessinées par

les Dieux, étaient mises en avant par son éternelle

tunique vert feuille, et ses fines jambes étaient serrées

dans un pantalon couleur de terre. Les Elfes ne

faisaient pas de différences quant aux sexes et Leliana

se sentait ainsi plus à son aise qu’en jupe. De plus,

l’étoffe qu’elle portait avait été faite par les Elfes eux-

mêmes et lui avait été offerte pour son quinzième

anniversaire. C’était une matière unique, alliage de

soie et d’autres encore, inconnus de Leliana, qui

donnaient au vêtement cet aspect moiré si particulier

que seuls les Elfes savaient faire ressortir de manière

si harmonieuse. Les tenues étaient conçues de façon à

Page 18: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 18

ce qu’elles aillent toujours au propriétaire, grâce à un

enchantement puissant. Depuis le jour où elle avait

reçu ces vêtements, elle les avait mis et jamais

quittés. C’était un présent d’une valeur inestimable,

elle le savait. Néanmoins, Leliana n’était pas la seule

à en profiter. Sa peau, douce et veloutée en attirait

plus d’un ; et même s’ils ne faisaient pas outrage à

leur légendaire galanterie, les Elfes mâles ne se

gênaient pas à risquer un œil sur l’attirante poitrine

féminine. Leliana n’y faisait guère attention. Le seul à

ne pas la regarder de cette façon était Shakun. Mais

lui était… différent.

Hybride de Lydia et d’un Humain inconnu, il avait

l’apparence de ce dernier, y compris les oreilles

rondes, bien que ses traits fussent plus fins et délicats

que chez la plupart des hommes. C’était en outre le

seul elfe, à Elzmir et dans tout l’Empire, à avoir les

cheveux argentés. Ils étaient bien argentés, et non pas

gris ; ils brillaient sous le soleil d’un éclat métallique.

Cette couleur avait toujours étonné Leliana. Shakun

attachait ses cheveux par un bandeau lie-de-vin. Sa

tenue non plus ne lui faisait jamais défaut : il

s’habillait d’une robe pourpre, délicatement bordée de

fils d’or. Dans ses yeux brillaient la détermination et

la sagesse. Mais dans son regard, au plus profond,

pouvait-on déceler les braises couvées de la haine et

de la colère. Peu de gens savaient exactement qui il

était, alors les rumeurs se répandaient. En effet,

Shakun n’avait jamais parlé de son passé. Il n’aimait

pas non plus parler du futur, et faisait ainsi honneur à

sa maxime favorite : advienne que pourra. C’était, en

outre, un excellent magicien, héritage de sa mère. Il

maniait les éléments mieux que quiconque.

Page 19: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 19

Leliana suivait son maître, tout excitée. Comme à

leur habitude, ils se dirigèrent derrière la cabane de

Shakun, mais cette fois-ci, c’était différent : son

premier cours de magie.

– Vois-tu Leliana, commença le sage, tu dois

contrôler les éléments. N’exige rien d’eux : appelle-

les à toi. Canalise ton énergie et entre en contact avec

la nature. Donne à la nature, elle te rendra. Un sort

que tu lances te coûte de l’énergie. Tu dois choisir

avec soin la dose d’énergie que tu veux consacrer à

ton sort. Si tu invoques un enchantement et que tu

n’as pas assez d’énergie, il échouera simplement. Si

tu en donnes trop, le surplus d’énergie sera perdu

inutilement dans la nature. C’est pour cela qu’il faut

que tu te connaisses, que tu connaisses ton corps et

tes limites.

Sur ces mots, une sphère aquatique s’éleva, avec

une surprenante facilité, du ruisseau qui coulait tout

près et vint se poser dans la main du sage. Leliana

observait patiemment, essayant de comprendre ce

fascinant mécanisme.

– A toi maintenant ! lança le mage.

– Mais… comment dois-je faire ?

– Ferme les yeux.

Elle obéit. Son maître continua :

– Ressens la nature et toute la vie qui t’entoure.

Après, concentre-toi sur l’eau. Souviens-toi de tes

leçons des jours derniers. Il existe six éléments : Tan,

Dour, Maen, Dierdea, Laon et Aer. Le feu, l’eau, la

pierre, la lumière, le métal et l’air. L’eau est un

élément positif. Envoie-lui l’énergie positive qui dort

en toi. Tu ne peux créer d’éléments. Tu ne peux que

les modifier. Concentre-toi sur la forme liquide et

Page 20: La Légende de Sawylian - multimedia.fnac.com

2 20

naturelle de l’eau puis représente-toi ce que tu veux

qu’elle devienne. Imagine cette sphère aquatique, puis

fais en sorte qu’elle se pose dans ta main. Vas-y,

essaie.

Les yeux fermés, Leliana ouvrit son esprit, mais

elle ne parvenait pas à se concentrer.

– Ignore ce qui est autour et concentre-toi sur

l’eau. Quand tu te sentiras prête, invoque son nom.

Ces paroles lui revenaient en tête et se répétaient

telle une sombre litanie. Elle essaya malgré tout. La

jeune fille vida son esprit et projeta sa conscience

vers le monde extérieur. Elle fut aussitôt assaillie par

les pensées de tous les êtres vivants alentours.

– Je n’y arriverai jamais ! désespéra-t-elle.

Elle tenta malgré tout :

– Dour…

Plus le temps passait, plus ses pensées se

focalisaient sur le ruisseau. Au bout de ce qui lui

sembla être une éternité, elle sentit quelque chose

dans sa main. La jeune fille ouvrit les yeux et regarda,

incrédule, sa main trempée. La boule d’eau avait

éclaté au moment où ses yeux s’étaient rouverts.

– J’ai… j’ai réussi ? souffla-t-elle.

– Oui, enfin presque. Disons que, pour une

première fois c’était… plutôt bien.

Elle était ravie : elle avait lancé son premier sort.

Soudain, sa vue se brouilla, elle sentit son corps

trembler, des sueurs froides lui venir, et elle

s’évanouit.

*

* *