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Saverio Tomasella Les amours impossibles Accepter d’aimer et d’être aimé © Groupe Eyrolles, 2012 ISBN : 978-2-212-55257-7

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Saverio Tomasella

Les amours impossibles

Accepter d’aimer et d’être aimé

© Groupe Eyrolles, 2012ISBN : 978-2-212-55257-7

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Table des matières

Avant-propos.............................................................................. 1Introduction ................................................................................ 5

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REMIÈRE

PARTIE

Les impasses amoureuses

Chapitre 1 – Médée ou l’empire de la méfiance

............... 15Médée craint le pire ............................................................... 16L’homme neutralisé.................................................................. 18La mort dans l’âme ou la sensibilité reniée................................... 24

Chapitre 2 – Othello ou le règne de la jalousie

.................. 35Othello ne sait pas ce qu’il veut ................................................ 36Une famille sans histoire........................................................... 40Je suis fait pour être seul........................................................... 48

Chapitre 3 – Violetta ou les béquilles de l’amour

............... 53Violetta voudrait vivre sur un nuage ............................................ 57Enfant non aimé, adulte mal aimé.............................................. 65

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Chapitre 4 – Juan ou la peur de l’engagement

.................. 73

« Je verrai bien… » : la fuite en avant ......................................... 73L’amour vandalisé................................................................... 77Un cœur pour penser .............................................................. 82

Chapitre 5 – Tosca ou les leurres de la passion

.................. 87

Tosca : vivre d’art et d’amour ................................................... 89La petite princesse détrônée...................................................... 93Qui pourrait s’aimer mieux que nous ?........................................ 96

Chapitre 6 – Norma ou la quête de la perfection

............... 101

Norma refuse ce qu’elle désire.................................................. 104La religion de la perfection ....................................................... 105L’enfant qui dérange ............................................................... 109Le saut de la mésange............................................................. 115

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EUXIÈME

PARTIE

Accepter d’aimer et d’être aimé

Chapitre 1 – Se rencontrer soi pour rencontrer l’autre

........ 125

L’identité, fondement de la rencontre .......................................... 126Un nécessaire retour vers soi..................................................... 127

Chapitre 2 – Repérer les fausses croyances sur l’amour

.... 139

Femmes, hommes : des idées préconçues ................................... 140Pressions sociales et schémas parentaux ..................................... 142Devenir humain ? ................................................................... 144

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Chapitre 3 – Échapper aux loyautés invisibles

................... 149Dans les filets du pacte affectif .................................................. 150S’isoler par la dévalorisation..................................................... 153

Chapitre 4 – Se désintoxiquer de la méfiance.................... 157Remettre en cause ses exigences ............................................... 159Prendre soin de soi et d’autrui ................................................... 161Sortir de sa prison .................................................................. 164

Chapitre 5 – Passer du besoin au désir ............................... 171Dépasser le fantasme de la rencontre ......................................... 172Au-delà de la causalité ............................................................ 175

Chapitre 6 – S’ouvrir à la réalité et à l’autre ........................ 179L’amour incarné...................................................................... 180Du jardin secret au jardin d’Éden............................................... 183Processus thérapeutique et ouverture à l’amour ............................. 185

Conclusion ................................................................................ 189Bibliographie ............................................................................. 195

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Chapitre

Médée ou l’empirede la méfiance

« Toute notion, quelle qu’elle soit, est fallacieuse. »

Vajracchedika

Nous entendons souvent des femmes souffrant de rancunes pro-fondes envers les hommes1. Leurs raisons sont très variées. Quelleque soit son origine, la rancune est un poison. Lorsque cette ran-cune est venue alimenter et justifier leur haine de l’autre, les poten-tialités amoureuses de ces femmes risquent de se figer dans unerevendication sans fin envers le sexe opposé désormais considérécomme un camp adverse, voire un ennemi. Ainsi, certaines fem-mes, par vengeance, veulent empoisonner la vie des hommes…Elles « ne pensent plus qu’à ça » ! Une avocate devient juge auxaffaires familiales pour « faire payer aux hommes tout ce que son

1. L’inverse est vrai, nous le verrons bientôt (voir chapitre 2, page 35).

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ex-mari lui a fait endurer ». Une anesthésiste rêve de « trop doserles narcoleptiques pour que certains hommes ne se réveillent pasde leur opération ». Une employée de l’administration devientexagérément tatillonne pour ralentir ou obstruer volontairement labonne marche d’une procédure, lorsque le dossier concerne unhomme célibataire ou un père divorcé, etc.

La grande majorité de ces femmes qui en veulent aux hommesdéplace sur le genre masculin en général la rancœur et la vindictequ’elles éprouvent à l’égard d’un homme en particulier, hommequi ne les a pas respectées : tel parent qui a abusé d’elles ou les amaltraitées, tel grand-père, père, frère qui les a violées, tel compa-gnon qui les a humiliées, tel mari qui les a trompées ou spoliées,etc. Parfois, les motivations profondes sont plus obscures, pluscomplexes aussi, et dépendent d’un ensemble de facteurs s’enche-vêtrant sur plusieurs générations.

Médée craint le pire« De toutes parts, le mal m’environne. Qui dira le contraire ?

Aujourd’hui, trois de mes ennemis ne seront plus que des cadavres.Je les tuerai. Ils périront par le poison. »

Euripide

Médée, magicienne de la mythologie grecqueMédée est la fille du roi Aeétès, gardien de la Toison d’or. Quand les Argo-nautes débarquent en Colchide, pour conquérir la Toison d'or, ils reçoiventl'appui de Médée, qui s'est éprise de Jason. Magicienne, elle donne à sonamant un onguent pour protéger son corps des flammes du dragon qui veillesur la Toison d'or. Pour la remercier, Jason lui propose de l'épouser. La

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\• • •magicienne s'enfuit avec lui. Pour empêcher Aeétès de les poursuivre, elletue son frère Absyrtos. Les époux se réfugient à Corinthe, où Médéeenfante deux garçons. Plus tard, Jason abandonne Médée pour Créuse, fillede Créon, le roi de Corinthe. Répudiée, Médée ourdit une vengeance bar-bare. Elle offre à Créuse une robe qui brûle le corps de la jeune femme etincendie le palais ; puis elle égorge ses propres enfants.

Lorsque Médée vient pour la première fois, elle donne d’ellel’image d’une femme sans âge, rêche, un peu passe-partout. Elle estvolontaire et décidée. Très maigre, sa démarche est raide, son visageviolacé, sa peau est sèche, son regard et sa nuque sont fixes. Médéesemble à l’affût de détails et lance des œillades furtives. Cettefemme en souffrance peine à être présente et à entrer en contactavec l’autre. Elle explique qu’elle cherche à faire bonne figure.Cette tyrannie du « faire bien », de l’apparence correcte « commeil se doit » et du comportement convenable « comme il faut »prend beaucoup de place dans son existence de tous les jour s. Elleoccupe en fait toutes ses pensées, jusque dans les moindres détails.

Médée est célibataire depuis longtemps. Elle indique qu’elle estfondamentalement méfiante. Elle n’arrive plus à faire confiance auxautres. Même lorsqu’ils veulent l’aider ou sont aimables avec elle.Elle affirme qu’elle a « souvent été bafouée, trahie » et qu’elle doitmaintenant « se tenir tout le temps sur ses gardes ». Son discours estennuyeux, ce qu’elle reconnaît elle-même. Les mois passent sansque cette femme puisse parler de réalités plus intimes et plus pro-fondes…

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La mort de son père, après un lent déclin, ne l’attriste pas, mais lasoulage. Médée remarque qu’elle n’a pas pleuré ni le jour du décèsni celui de l’enterrement, et qu’elle ne ressent pas le besoin depleurer. La disparition paternelle est l’opportunité pour elle de par-ler de sa préoccupation principale, jusqu’alors gardée secrète : sapeur des hommes ; ses déboires continus avec les hommes, autantau travail que dans des relations plus personnelles.

L’homme neutralisé« Lorsque l’intention de détruire se manifeste,

elle a pour effet de bloquer, immobiliser et pétrifier. »

M.-C. Defores, Y. Piedimonte

Cela fait des années que Médée vit toute seule. Longtemps satis-faite de cette situation, elle s’en plaint maintenant, plutôt molle-ment. Elle voudrait « rencontrer un homme doux et discret, docilesurtout ». Elle cherche un « homme inoffensif », un « hommeféminin ». Pourquoi ? Médée a du mal à expliciter son choix. Unsoir1, elle finit par avouer qu’elle a peur des hommes. Ainsi, parcrainte d’être dominée par un homme, elle préfère le dominer,elle, le garder sous contrôle et maîtriser la situation. Cela lui semblelogique. Médée n’a pas d’ami homme : elle s’en sent incapable.D’ailleurs, elle a très peu d’amies femmes. Sa vie relationnelle estpauvre. Elle reste dépendante de sa famille.

1. Les séances de Médée ont lieu tard le soir, après son travail.

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Maintenant que le thème de la relation avec les hommes estabordé, Médée donne de nombreux détails de ses déconvenues.Les rapports avec son père et ses frères sont tendus, mais c’est sur-tout au travail qu’elle se sent constamment sous pression : « épiée »,« exploitée » et « harcelée » par des hommes. De quelle façon sesent-elle exploitée ? Que se passe-t-il ?

Médée travaille dans un grand groupe industriel. Elle raconte comment sonprincipal collègue du moment « cherche à lui nuire ». Il se prend au sérieux,lui coupe la parole en réunion, lui demande de faire des photocopies. Ilgarde pour lui les dossiers les plus intéressants, contredit ses idées. Pour-quoi le laisse-t-elle faire ? Pourquoi se laisse-t-elle faire ? « Je suis lasse »,répond-elle, « il me fait peur ; il est gros, il parle fort, il sent mauvais. » Dequoi a-t-elle peur ? Les mots ne viennent pas facilement : Médée a peur qu’ilse moque d’elle ; qu’il l’écrase ; qu’il lui prenne sa place. Alors, elle l’évitetant qu’elle peut et réduit les contacts au strict minimum avec lui, autantqu’avec tous ses collègues masculins. Elle se méfie d’eux.

Lorsque je lui propose de préciser ce qu’elle ressent, Médée se bra-que et devient virulente. Elle ne ressent rien, elle « sait » seulementque son collègue « l’exploite » et « cherche à lui faire du tort ». Ellecraint que je ne la croie pas : « Ce ne serait pas la première fois quequelqu’un refuse de me croire. » Ce thème du dommage causé etde l’exploitation revient souvent dans son discours. Il s’agit d’unelogique sans faille, impossible à interroger et à remettre en doute.Pour l’instant, Médée refuse d’accéder à ses ressentis. Rigide à

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l’extrême, elle s’est barricadée et reste campée dans une positionde suspicion généralisée, y compris envers moi, son psychanalyste.

Un soir, après beaucoup de réticences, Médée accepte de com-mencer à se pencher sur sa façon d’être en relation : comment s’yprend-elle avec les autres et que se passe-t-il en elle dans cesmoments-là ? Certes, il lui aurait été plus facile qu’une personnequi la connaît bien « parle à sa place »… Un peu comme dans unepièce de Marivaux, L’île des esclaves, lorsque la suivante se moquede sa maîtresse en présentant ses travers et en imitant tous sesdéfauts1. Médée reconnaît qu’elle fait souvent semblant.Comment ? En disant exactement ce qu’elle croit que les autresattendent d’elle dans telle ou telle situation. Pourquoi se sent-elleobligée de faire semblant ? Médée explique qu’elle ne sait plus cequ’elle ressent. « Souvent, je me sens morte à l’intérieur, alors jedonne le change, je joue un rôle. » Ne se perçoit-elle plus, elle-même ? « Non », répond-elle. Médée comprend peu à peu qu’elles’est coupée de son corps et même de toute vie intime : elle nerepère plus vraiment ses sensations ; elle se refuse à toute forme desensualité, même avec la nourriture, qu’elle surveille et rationne,malgré sa très grande maigreur. Elle dit ne plus sentir d’émotionsen elle et encore moins de sentiments. Depuis longtemps, elle n’avécu aucune forme de véritable amitié, encore moins de tendresseet de sexualité. Médée constate tout cela froidement, sans inquié-tude et sans regret, car là n’est pas sa préoccupation. Ce sont leshommes qui lui font peur.

1. Marivaux, L’île des esclaves, pièce créée à Paris en 1725.

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Dans sa logique à elle, Médée est une victime. Voilà la forme sous laquelleelle réussit pour l’instant à être en rapport avec les autres. Elle est convain-cue d’être exploitée ; les autres l’utilisent, elle le voit bien. Elle se croit cons-tamment épiée ; elle en est persuadée. Alors, elle a choisi de n’avoirni télévision, ni ordinateur, ni accès Internet, ni téléphone portable, etc.,parce qu’elle craint que ce soient des moyens pour l’envahir dans son quo-tidien, et peut-être même pour la surveiller, l’espionner. En revanche, Médéeaime bien sortir : aller au cinéma, au théâtre, au concert. Elle choisit desspectacles de qualité dont elle pourra parler après avec ses collèguesfemmes ; car si elle n’arrive pas à parler d’elle et de ce qu’elle ressent, elleapprécie de raconter ce qu’elle fait le week-end ou pendant ses vacances.

À propos de vacances, Médée me confie pour la première fois desdétails sur une relation amoureuse. Il y a quelques années,lorsqu’elle était au Maroc, elle avait vécu une romance avec unhomme plus âgé qu’elle qui habitait dans une autre ville. Après lesvacances, ils étaient restés en contact quelques mois. Cette relationà distance, sans véritable implication, lui convenait bien. Médée sesentait rassurée de pouvoir continuer à être seule au quotidien, sansêtre envahie par un homme. Finalement, l’éloignement l’arran-geait car il la préservait d’entrer vraiment en relation avec cethomme. Elle était contente de pouvoir parler de « soncompagnon » à ses amies, cela lui suffisait : elle n’avait pas besoinde vivre réellement la relation. Lorsque l’homme l’a quittée, elles’y attendait. Elle a senti deux mouvements simultanés en elle :d’un côté, elle était soulagée, elle n’avait plus à chercher à « bienjouer le rôle de la femme amoureuse » ; d’un autre côté, elle était

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déçue de ne plus pouvoir dire à ses amies et à ses collègues qu’elleavait « un homme dans sa vie ». Ce n’est pas « être seule » quidéçoit Médée, c’est de paraître une « vieille fille » aux yeux desautres.

Ainsi découvre-t-elle que sa méfiance indétrônable a uncorollaire : l’importance démesurée qu’elle donne au regard desautres. Médée ne veut surtout pas que ses collègues ou ses prochesla trouvent « anormale ». Alors, elle se cache et elle fait tout cequ’elle peut pour montrer qu’elle est « normale », malgré sescontradictions. Par exemple, Médée accorde un soin tout particu-lier à ne se nourrir que d’aliments certifiés par l’agriculturebiologique ; en même temps, elle fume beaucoup, s’en veut demettre sa santé en danger et a très peur d’avoir un cancer. Elle estobsédée par la maladie et passe beaucoup de temps chez les méde-cins, réclamant sans cesse de nouvelles analyses.

D’où vient cette crainte envahissante ? Que camouflent toutes cespeurs persistantes ?

Les mois passent. Médée s’approche d’une zone de turbulences.Elle découvre qu’elle n’éprouve aucune empathie envers elle-mêmeou envers les autres1. Ce qu’ils endurent ou souffrent ne la touchepas le moins du monde. Cette indifférence peut même la rendrecruelle. Parfois, sa défiance généralisée, surtout envers les hommes,peut se transformer en attaques d’une rare férocité. Elle avoue qu’il

1. L’empathie désigne la faculté de s’intéresser puis de s’identifier à autrui, afin de res-sentir ce qu’il ressent ; et inversement : laisser autrui s’intéresser et s’identifier à nous,en lui permettant de ressentir ce que nous vivons.

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lui est souvent reproché de terroriser les autres, en faisant durementet continûment pression sur eux, ainsi qu’en utilisant des argu-ments dont elle sait qu’ils leur feront perdre confiance. Elle ditapprécier de se faire craindre… Curieux renversement deperspective : n’était-ce pas elle, qui, il y a plusieurs mois, s’étaitlongtemps plainte d’avoir peur des autres ? Elle peine à en conve-nir, puis reconnaît que, dans la réalité, elle déplore ce qu’elle faitvivre elle aux autres. Ainsi, le « ils me font peur » dont se plaintrégulièrement Médée vient en fait révéler ce « je leur fais peur »,cette terreur qu’elle exerce fréquemment sur ses proches et ses col-lègues. Parfois, tel accuse d’être agressé est en fait le réel agresseur.Cette prise de conscience n’émeut pas Médée, ne la trouble pas.Quelque chose, chez elle, semble figé, inamovible. De quoi s’agit-il ?

« J’ai parfois l’impression que ma vie est un cauchemar. Je suis tout le tempssur la brèche. (Long silence.)

– Par quoi êtes-vous tant fascinée ?

– (Médée réfléchit.) Par le danger. (Silence.) Par la mort. (Silence.) La mortme fascine. (Long silence.) J’ai toujours peur que les hommes soient des cri-minels. Je m’attends à ce qu’ils me tuent. Lorsqu’un homme s’approche demoi, je ne peux m’empêcher de penser qu’il va m’étrangler. C’est un peu dif-férent parfois, si je vis le quotidien avec un homme, au bout d’un momentj’ai la conviction de plus en plus forte qu’il va m’empoisonner. Alors, je medébrouille pour le faire partir, pour le dégoûter de moi et l’éloigner de moi.(Silence.)

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– Vous disiez vouloir dominer les hommes, et même apprécier de lesterroriser ?

– (Long soupir.) En fait, c’est moi qui voudrais les étrangler ou lesempoisonner ! »

Alors Médée se plaint encore une fois de moi, son psychanalyste : « Vousdites la même chose que moi… ou presque ! », fulmine-t-elle. Oui. Ne s’agit-il pas de l’aider à traduire ses propres mouvements intérieurs en s’ouvrantà son monde intime, en essayant de partager le même monde qu’elle1 ?

Si l’amour est encore impossible pour Médée, c’est surtout qu’ellene semble pas vraiment disposée à aimer. Comment a-t-elle pu enarriver à tant de méfiance… Parfois, à tant de cruauté ?

La mort dans l’âme ou la sensibilité reniée« Un mouvement d’un autre vers lui ébranle ce qui lui reste

comme un dernier îlot de sécurité, comme si, après, ce serait la mort.Sous un aspect d’indifférence, l’enfant terrorisé a peur de mourir. »

F. Dolto

La solitude lui pèse-t-elle, en fait ? Il existe chez Médée unegrande tendance au fatalisme : « Je suis ainsi, je n’y peux rien, je nevais pas changer maintenant à mon âge, c’est trop tard. » Elle com-

1. U. Eco, Dire presque la même chose, Grasset, 2007. L’auteur y explique comment letraducteur effectue non pas une reprise du « mot à mot » mais du « monde àmonde ». Le psychanalyste n’est un interprète que dans la mesure où il aide sonpatient à mieux traduire sa propre pensée profonde, d’abord inconsciente.

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prend progressivement que ce misonéisme, cette peur et ce refusdu changement, plonge ses racines dans une ancienne traditionfamiliale, celle de l’immobilisme et de l’hypocrisie.

La vie sous cloche« N’abandonne pas ton âme, ne la prends pas en aversion,

mais accompagne-la et interroge-la sur ce qui est en elle. »

Al ‘Alâwî

Médée constate à quel point les idées reçues tiennent lieu de pen-sée dans sa famille. Les conventions sociales dictent « ce qui peutêtre dit » et « ce qui ne doit pas être dit », « ce qui se fait » et « cequi ne se fait pas ». Chacun sauve les apparences, donnant à voirdes formes extérieures, vides, qui ne correspondent pas à des mou-vements profonds et n’expriment rien de l’être. Par exemple, pourMédée, comme pour sa mère, être en couple avec un homme estune de ces formes extérieures, donnant l’illusion de l’amour, alorsqu’il n’y a pas d’amour. Peu à peu, Médée observe que cetteconstruction flatteuse de principes généraux très corrects contrastedouloureusement avec sa débâcle intime. Elle regrette de ne pou-voir aimer personne, elle ne s’aime pas elle-même, elle a laissés’éteindre sa sensibilité : « Je n’ai même plus d’émotions, c’est moncerveau qui me dicte ce que je dois penser, ce que je dois dire, ceque je dois faire ; je suis devenue un robot. »

Comment une telle déshumanisation a-t-elle pu se mettre en place ? Médéecherche dans sa mémoire. « Je me souviens que mes parents faisaient de lapropagande. Non seulement ils m’imposaient toutes leurs règles de bien-

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séance, mais surtout ils pensaient, ressentaient et s’exprimaient à ma place.Ils prétendaient savoir mieux que moi ce dont j’avais besoin, ce qui seraitbon pour moi, ce que je devais croire, etc. » En disant à sa place « tu asbesoin de ceci ou de cela », ils laissaient entendre à leur fille : « Tais-toi, tun’existes pas, je sais qui tu es, je décide pour toi ; en dehors de moi, tu neressens rien et tu n’es rien, tu es incapable de penser. » Comment Médéeaurait-elle pu grandir en s’appuyant sur son expérience ? Comment aurait-elle pu développer une pensée personnelle à partir de ses propresperceptions ? Les parents de Médée utilisaient aussi beaucoup la formule« les autres enfants font ceci ou cela ». Ils essayaient ainsi de faire croire àune norme absolue et contraignante. Aucune individuation, aucune spéci-ficité n’était possible. Médée décèle que ses parents étaient abstraits pourelle. Le consensus social leur servait de couverture, elle n’a pas pu entrer encontact avec eux, ni développer de relation personnelle avec chacun d’eux.

Finalement, devenue adolescente, pour « ne plus se laisser écraserpar le système », Médée s’est braquée. Elle s’est révoltée en sebutant et s’est enfermée dans une lutte de plus en plus hostilecontre son père. Elle le trouvait très autoritaire, il voulait tout letemps avoir raison : la rivalité entre eux n’a fait que s’amplifier etse durcir. Médée lui tenait tête jusqu’à l’affrontement.

Médée comprend mieux maintenant pourquoi elle est sans cesseen conflit avec les hommes autour d’elle, notamment dans son tra-vail, surtout s’ils sont sûrs d’eux et veulent avoir raison. Dans cecas, son opposition devient farouche, virulente. Elle se dit « prêteà tout » pour en découdre !

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Des histoires de couple avortées« Quangel aime sa petite vie bien régulière : les journées de travail

toutes semblables, avec le moins possible d’événements sortant de l’ordinaire. »

H. Fallada

Un soir, suite à une parole en décalage avec ses croyances surl’amour, Médée me reproche de ne pas être « neutre », c’est-à-dire– selon elle – de ne pas me laisser faire, de ne pas la laisser dire tran-quillement sans interroger sa parole, de ne pas penser exactementcomme elle. Elle se demande pourquoi elle vient consulter un psy-chanalyste qu’elle n’apprécie pas, dont elle se méfie et qui corres-pond tellement peu à ce qu’elle attend. À l’occasion de la mise enlumière de cette revendication impérieuse, Médée prend cons-cience qu’elle a instauré le même rapport menaçant avec ses compa-gnons. Elle voulait chaque fois « contrôler la situation », donc larelation.

Lorsqu’elle était étudiante, Médée avait vécu une aventure amoureuse avecun étudiant plus âgé qu’elle. Elle explique qu’elle appréciait (et choisissait)les discussions, les promenades ou les sorties avec cet homme, mais que lorsd’une première approche sexuelle, elle avait été dégoûtée par son sexe, quilui avait fait peur, et elle avait brutalement mis fin à la relation. Elle n’avaitplus donné de nouvelles à cet homme et ne répondait plus à ses appels télé-phoniques. Quelques années plus tard, voyant que ces amies s’étaient« casées », elle avait voulu « faire pareil » et avait jeté son dévolu sur unjeune homme de « bonne famille », poli, doux, plutôt arrangeant et docile,qui avait une situation professionnelle prometteuse. Le couple s’était ins-tallé dans un appartement commun qu’elle avait choisi sans demanderl’avis de son compagnon. Médée relate que le caractère soumis de cet

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homme lui convenait et la rassurait : elle était contente de pouvoir en fairece qu’elle voulait. De la même façon que précédemment, l’arrivée de lasexualité lui avait fait peur, mais elle s’était forcée de temps en temps etavait fait semblant pour « faire son devoir ». Lorsque cet homme exprimaitun désir de devenir père, elle l’en dissuadait. Médée avait très peur de deve-nir mère. Cédant à son insistance répétée, elle avait consenti à concevoir unenfant avec lui, mais une fois enceinte, elle avait décidé d’avorter, sans leprévenir, prise de panique. L’idée d’avoir un fils lui était proprement insup-portable, du fait de sa haine viscérale envers les hommes.

À cette occasion, Médée a pu exprimer à quel point elle avait sou-vent perçu, enfant, que sa mère, elle aussi, détestait son père enparticulier et les hommes en général. Cette découverte est fonda-mentale pour elle : ses difficultés à vivre une relation amoureusesont aussi le fruit d’un schéma qu’elle a inconsciemment intégrécomme une « norme », en prenant pour modèle le couple de sesparents, qui s’était organisé autour de l’argent et non ar ticuléautour de l’amour.

Médée commence à réaliser que sa vindicte envers les hommesn’est pas seulement le fait d’une volonté de vengeance contre sonpère et tous ceux qui lui ressemblaient, mais qu’elle prend aussi sasource chez sa mère. Sans s’en rendre vraiment compte, Médées’est identifiée à sa mère. Elle a constitué son identité de femme enprenant sa mère comme modèle, en adoptant sa vision des hom-mes, son mode relationnel avec eux, sa méfiance et son incapacitéà aimer. Elle n’a jamais vu ses parents s’aimer, avoir un geste tendre,prononcer une parole douce, etc. Interrogeant sa mère vieillissantesur sa grand-mère maternelle, elle apprend un événement resté

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secret dans la famille. Sa grand-mère avait un amant. Le divorceétant alors mal vu dans le milieu provincial bourgeois qui était lesien, elle s’était débarrassée de son mari en l’empoisonnant, et enfaisant croire qu’il s’était suicidé, pour pouvoir épouser son richeamant en secondes noces. Cette révélation bouscule Médée, quiraconte alors comment, sans le savoir, elle a répété à sa façon lemodèle amoureux de sa grand-mère.

Médée avait littéralement « empoisonné » l’existence de son premier com-pagnon, qui, du fait de sa docilité extrême, avait fait tous les efforts possi-bles pour être agréable à sa femme et lui rendre la vie facile. Elle le trouvait« cruche », tellement soumis que cela la rendait encore plus hargneuse etcruelle à son égard. Un jour, n’en pouvant plus et ne comprenant pas pour-quoi elle s’acharnait sur lui, cet homme la quitta. Médée en profita pour seplaindre auprès de son entourage d’avoir été « abandonnée », alors quec’était elle qui avait mis son homme dehors, mais elle préférait « la positionofficielle de victime », plus facile à endosser et « plus avantageuse ». Quel-ques années passèrent, puis Médée rencontra chez des amis un homme for-tuné beaucoup plus âgé qu’elle. Réussissant à le séduire en s’adaptant àson discours et à ses goûts, elle se mit en ménage avec lui, sans amour etpar intérêt : comme sa mère l’avait fait. Le couple fonctionnait sur une rou-tine quotidienne et sociale, rassurante pour Médée.

Ainsi, dans sa première relation, Médée a « empoisonné » la vie deson compagnon, le poussant à partir, comme l’avait déjà fait sagrand-mère avant elle. Son second choix « amoureux » a étémotivé par l’argent, une valeur visiblement primordiale dans le

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couple que formaient ses parents. À son insu, Médée a rejoué lesmêmes scénarios conjugaux que sa grand-mère et sa mère.

Cet exemple met en évidence comment, le plus souvent, nousrépétons à notre insu les modèles et schémas familiaux qui organisentles relations de couple dans notre généalogie1.

Comme dans La serva amorosa de Carlo Goldoni, Médée ressembleà cette femme sans amour qui essaie seulement de tirer son épingledu jeu social en tentant d’hériter d’un vieux barbon qu’elle aépousé pour son argent2. L’absence de sentiments laisse la place àune existence faite de calculs. Médée est lasse. Elle repère que, dansson travail comme dans sa vie privée, elle prend ses décisions enfonction de ce qui lui rapporte le plus… Elle n’en est pas heureuse.

Sans pouvoir dire comment, Médée avait recommencé à « empoisonnerl’existence » de son deuxième compagnon, alors qu’il dépensait son argentsans compter pour essayer de la rendre heureuse et de répondre sans arrêtà ses moindres caprices. Ne sachant plus comment la contenter, l’hommel’a quittée en lui laissant un pactole : se disant « trahie », Médée avait faitpression par le biais d’un avocat éminent pour obtenir une grosse sommed’argent de la part du vieil homme, arguant du dommage social qu’elleallait subir, du fait de son départ.

1. Nous reproduisons aveuglément ces schémas tant que nous ne les avons pas mis enlumière…

2. Comédie créée à Venise en 1752.

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Des années après, lorsqu’elle en parle en séance, Médée se plaintencore des hommes avec lesquels elle a vécu. Elle leur reproche dene pas être restés avec elle : elle aurait voulu qu’ils acceptent sadureté sans broncher. Elle avait « besoin de se défouler », de« décharger sa hargne sur eux ». D’ailleurs, elle raconte facilement– et froidement – sa méchanceté envers un de ses petits frères,pourtant très gentil avec elle, à qui elle en a « fait voir de toutes lescouleurs ».

Une si lourde menace

Un soir, Médée parle du « malheur d’être une femme » : « Je le viscomme une malédiction ! » Aurait-elle préféré être un homme1 ?Se sent-elle en rivalité avec eux ? Un rêve vient l’aider à mieuxcomprendre la place qui est la sienne dans sa famille, ainsi que lapression invisible qui pèse sur elle.

« Je suis plus jeune qu’aujourd’hui. J’habite à la campagne. Je travaille dansune entreprise sans bureaux, sur le lieu d’habitation. Aucune salle n’estdédiée au travail, tout est mélangé. Les réunions peuvent se passer àn’importe quel moment, dans n’importe quel endroit. Je me sens très mal àl’aise. Il n’y a pas de patron clairement défini, mais deux personnes quiprennent des décisions, chaque fois de façon arbitraire et inattendue. Trèsvite, je comprends confusément qu’ils font assassiner les membres del’entreprise qui les dérangent, souvent sur un coup de tête. Viendra bientôtmon tour, je m’y attends, je m’y prépare. Je me sens de plus en plus sur-

1. Voir S. Tomasella, L’inconscient – Qui suis-je sur l’autre scène ?, Eyrolles, 2011, pp.88-91.

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veillée. C’est le fils d’un des deux patrons qui est chargé de me tuer avec uncouteau un dimanche matin alors que je vais voter. Je fuis une premièrefois. Je sens la mort rôder autour de moi. Je comprends soudain qu’il n’estpas seul. Ils sont nombreux ensemble pour me tuer. Je réalise que je n’yéchapperai pas. Je me réveille angoissée. »

Si l’interprétation des rêves est « la voie royale pour accéder àl’inconscient1 », ce sont les associations libres du rêveur qui favori-sent la découverte progressive de ses ressorts profonds2. Après avoirraconté son rêve, Médée en vient peu à peu à expr imer une sen-sation de malaise, d’oppression, puis une image d’enfermementdans un labyrinthe3. Elle comprend que, dans son enfance et sonadolescence, l’atmosphère familiale était lourde de menaces.L’ennui qui étirait chaque journée en longueur et la politesse quirégnait sur l’apparence du quotidien cachaient en réalité unelourde menace de mort psychique : d’inexistence et de disparitionsubjective. Le message envoyé implicitement à Médée par sesparents était : « Si tu ne te plies pas aux règles abstraites, impossibleset incompréhensibles de notre famille, tu es morte ; nous te feronsdisparaître. » Ses frères, surtout l’aîné, étaient les relais de la tyran-nie de ce système familial dévastateur pour l’identité. « Je ne saismême pas qui je suis », déplore Médée, qui comprend désormaismieux pourquoi. « Comment pourrais-je aimer quelqu’un ? » sedemande-t-elle. « C’est impossible ! »

1. S. Freud, L’interprétation du rêve, PUF, 2010.2. S. Tomasella, op. cit., pp. 48-55.3. Cf. M.-C. Defores, Y. Piedimonte, La constitution de l’être, Bréal, 2009, pp. 47-48.

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Imperceptiblement, et pour ne pas être rejetée par ses parents,Médée avait accepté de se plier à un règlement très str ict, en faitimpossible à appliquer. Cette soumission aux lois familiales irréali-sables lui avait demandé une telle vigilance de tous les instants queMédée, enfant et jeune fille, n’avait pas pu consacrer son énergieet son temps à constituer sa propre identité. Elle avait dédié toutesses forces à survivre dans un environnement dangereux pour sonéquilibre psychique. L’arbitraire et la terreur des règles familialesavaient donc empêché Médée de développer son identité, de deve-nir elle-même et surtout d’exister en tant que femme désirante etdisponible pour rencontrer un homme.

Médée ne savait pas qui elle était, ne se sentait pas vraiment réelle,ne savait pas comment exprimer ses sentiments, ne connaissait pasce qui aurait pu être un désir pour elle, etc. Qu’allait-elle devenir ?

Telle était la question lancinante qu’elle se posait maintenant,séance après séance, en découvrant l’étendue du désastre person-nel, existentiel et amoureux qui était le sien…