LA LOI DES ÉTOILES PHIL OS OPHIE DE L'ASTROLOGIE

DU MEME AUTEUR

ROMANS

L'AVENTURIÈRE AUX YEUX VERTS, Les Editions du Monde Moderne; MONTE- LA-DESSUS, roman gai, Les Editions du Siècle.

POLITIQUE

VIVE LA RÉPUBLIQUE! (Essai sur l'organisation d'un gouvernement démo- cratique), La Renaissance du Livre.

ECONOMIQUE

SI J'ÉTAIS MINISTRE DU COMMERCE, La Renaissance du Livre.

POLITIQUE EXTERIEURE

CONSTRUISONS L'EUROPE, Les Editions de l'Avenir.

L'ACTUALITE VIVANTE

LA VIE ET LA MORT D'ALFRED LŒWENSTEIN, Nouvelle Société d'Edition; LE SCANDALE DE LA « GAZETTE DU FRANC » ; LES HEURES D'ANDRÉ TARDIEU ET LA CRISE DES PARTIS, Les Editions des Portiques; HAUTE FINANCE ET BASSE JUSTICE (Marthe Hanau), chez Alexis Redier.

LES DOCUMENTS SECRETS (17 volumes)

LE MYSTÉRIEUX ASSASSINAT DE MRS FLORENCE WILSON (Le Crime du Touquet).

OUSTRIC ET CIE. LES RÉVOLUTIONS DE 1914 ET LA

CRISE MONDIALE. LA COMMISSION D'ENQUÊTE. LE PLUS BEL ESCROC QUE J'AI CONNU. JEANETTE MAC DONALD? (Roman). LYON, VILLE SECRÈTE (L'occultisme

et le spiritisme lyonnais). L'ENIGME PHILIPPE DAUDET.

PIERRE LAVAL. L'ASSASSINAT DE JULIETTE TORDJ-

MAN D'ORAN. BANDITS CORSES. LA VICTOIRE EN CAGE, roman de la

Finance internationale. SEZNEC EST INNOCENT. NOUVELLES MANIÈRES DE GUÉRIR

(Etudes médicales). IVAR KREUGER. SAINTE THÉRÈSE DE LISIEUX. VÉNUS AU MAROC.

POUR PARAITRE TRÈS PROCHAINEMENT

L'ASTROLOGIE SCIENTIFIQUE, l'interprétation.

MAURICE PRIVAT

LA LOI DES ÉTOILES PHILOSOPHIE DE L'ASTROLOGIE

Nombreuses reproductions de gravures sur bois, gravures au trait, eaux-fortes lithographies.

ÉDITIONS BERNARD GRASSET 61, RUE DES SAINTS-PÈRES-VI

PARIS

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays, y compris la Russie. Copyright by Editions Bernard Grasset, 1936.

A

ALBERT SARRAUT

EN QUI S'UNISSENT LA COMPRÉHENSION DE L'ORIENT ET LA MISSION DE L'OCCIDENT.

Ne rien croire, ou croire à tout, c'est à égal degré l'indice d'un faible esprit ou d'une con- science qui s'éteint.

PIERRE BAYLE.

RÉSURRECTION DE L'ASTROLOGIE

Brusquement, en peu d'années, l'Astrologie a recon- quis l'audience du public. Quelques prédictions qui se réalisèrent, sur le plan sensationnel, ont attiré l'attention sur cette tradition millénaire, pareille au chardon qui reparaît quand on croit l'avoir définitivement extirpé. Journaux et revues ont fait appel aux services de prati- ciens et l'un des succès de librairie est allé à l'Astrologie Scientifique à la portée de tous, petit ouvrage qui per- met de s'initier à la connaissance du ciel et d'en éprou- ver la valeur.

La France, sur ce sujet, est très en retard. La Grande- Bretagne possède deux astrologues officiels, un est atta- ché au Roi, l'autre au Premier ministre et le nombre de ceux qui y sont capables de lire une carte céleste et d'en débrouiller les grandes lignes y est considérable. En Alle- magne, un diplôme d'astrologue a été créé par le Minis- tère de l'Instruction Publique et n'est accordé qu'après un examen sévère, devant des professeurs chevronnés. Aux Etats-Unis, deux Universités possèdent une chaire d'astrologie.

Pourtant c'est dans notre pays que le commandant

d'artillerie Paul Choisnard, appliquant les méthodes scien- tifiques du calcul des probabilités à l'astrologie, en a démontré la rigueur impérieuse. Mais les temps n'étaient pas mûrs. Ils le deviennent; il s'écoulera peu de lustres avant que la science officielle et classique intègre les leçons augustes du ciel.

Pourquoi? Parce qu'elles reposent sur des bases incon- testables, parce qu'on ne peut nier l'astrologie qu'en l'ignorant, parce que hausser les épaules, à son sujet, c'est agir comme le sauvage qui, entendant un poste de radio, ricanerait si on lui disait que ce chant attirant vient de Boston ou de Paris.

Que penseriez-vous de gens distingués, décoratifs, honorés qui refuseraient d'admettre que l'eau de mer est salée sous le prétexte que l'eau des rivières ne l'est pas ou pour toute autre raison? Qu'il leur suffirait de plonger dans la grande bleue pour changer d'avis? Et si des Mes- sieurs très bien, mais peu au fait de la notation musicale, éclataient de rire en apprenant qu'une partition permet de déchiffrer la musique et de faire entendre d'ineffa- bles harmonies, ne les enverriez-vous pas au Conserva- toire?

Ceux qui se gaussent de l'astrologie sont pareils à ces personnages falots. Ils ne jugent pas sur pièces. Ils se font une opinion a priori, mais qui a tout juste la valeur du raisonnement que pourrait avoir quelque épouvantail dans un champ de cerisiers. Ils répètent une leçon apprise et qui, loin de tenir compte des faits, préfère les ima- giner.

Il n'est pas possible que l'ostracisme immérité subi par

l'astrologie dure davantage, parce qu'elle est une science et qu'il suffit de l'étudier pour s'en rendre compte. Déjà des polytechniciens, des ingénieurs, des médecins con- fessent son intérêt et l'enrichissent de leurs observa- tions. Elle s'imposera parce qu'elle n'est pas une foi mais une connaissance expérimentale. Et si l'on faisait état de sa difficulté pour chercher une défaite, nous avertissons que les grands virtuoses ont à vaincre des obstacles plus réels et ne doivent leurs dons qu'à un labeur acharné.

On se demandera, bientôt, comment on a pu se détour- ner de la science du ciel, qui n'a rien de mystique et s'appuie sur l'analyse des effets et des causes, les vérifi- cations, la comparaison et les mathématiques pour for- muler ses arrêts, équivalents aux diagnostics. A-t-elle démérité par la faute de ses dévots? Nullement. Si elle connut une époque glorieuse au XVI siècle, elle fut ma- gnifique au XVII siècle.

Trois grands noms l'ornent : ceux de Morin de Ville- franche, docteur en médecine, professeur de mathéma- tiques au Collège de France, Antoine de Villon, profes- seur en Sorbonne et le comte de Boulainvilliers, célèbre économiste, qui fut gouverneur du Dauphin, fils de Louis XIV. Morin de Ville franche a laissé un traité, son Astrologia Gallica, monument de connaissances précises. Celui d'Antoine de Villon, intitulé de l'Utilisation des Ephémérides est une œuvre infiniment précieuse. Quant au comte de Boulainvilliers, qui prédit les principaux évé- nements de la fin du règne de Louis XIV et la date, à quelques jours près, de la fin du Roi-Soleil, c'était égale- ment un maître.

Et n'oublions pas que les fondateurs de l'astronomie : Copernic, Tycho-Brahé, Jean Képler, Newton étaient astrologues. On l'a nié pour Képler; comme si son Sys- tème du Monde n'était pas purement astrologique, dans sa conception et sa philosophie! « C'est aux fruits que vous les reconnaîtrez », dit l'Evangile.

Brusquement, au XVIII siècle, malgré les progrès réa- lisés, la sûreté des méthodes et l'éclat des réussites, l'as- trologie fut déconsidérée. On l'avait remisée dans les oubliettes en se persuadant qu'elle était une vaine supers- tition. Lui attribuer quelque crédit était une marque de simplicité, voire de folie. Et de se moquer des gens du passé qui y avaient sacrifié. Les malheureux, ils étaient pareils aux primitifs adorant les totems et ne s'en dou- taient même pas. Et Lalande raillait et les Académies du monde entier se seraient cru déconsidérées si elles avaient attaché le moindre intérêt à ces balivernes.

Pourtant l'astrologie a ressurgi. Elle suscite un intérêt indicible. Intérêt mêlé d'effroi. Car l'astrologue fait figure dé magicien. Les charlatans ont profité de l'en- gouement nouveau qu'elle suscitait. Ils promettent la lune, pratiquent le chantage et l'escroquerie sous l'œil complaisant des autorités. On leur a abandonné l'astro- logie, tentant de la déshonorer après l'avoir niée. Ces « salopards » eux-mêmes, n'ont pas davantage ruiné son prestige que les mauvais médecins n'ont entamé la méde- cine. Sa force c'est d'avoir raison. Dès qu'on commence à vouloir se rendre compte, on tombe d'étonnement en stupéfaction et l'on en trouvera de nombreuses preuves au cours de cet ouvrage.

Mais, si elle mérite créance, comme on en aura la cer- titude en suivant nos observations, il ne s' ensuit pas qu'elle soit parvenue à un stade définitif. Elle tâtonne souvent, elle cherche des clefs.

Supposez que l'art médical n'ait pas à sa disposition les chaires des Facultés, les laboratoires, les leçons de l'hô- pital, les ouvrages qui font autorité, les innombrables études publiées dans les deux mondes et que le théra- peute s'instruise seul, en de vieux livres difficiles à trouver, rarement traduits, obscurs en outre parce que les aphorismes de jadis étaient appuyés et éclairés par des commentaires oraux, où en serait cette science? L'astro- logie en est à cette période. Elle manque d'outillage, de liaisons entre ses familiers, de cours solides. Il y a, dans le legs du passé du meilleur mais aussi du pire et il faut dis- criminer personnellement, s'embarquer en des recherches hasardeuses. Mieux encore, l'expérience acquise n'est qu'exceptionnellement léguée. Sylvain Trébucq, qui fut l'astrologue de Georges Clemenceau, avait dressé dix- sept mille thèmes de naissance, qui auraient permis main- tes remarques décisives. Ce trésor est complètement perdu. Quand donc on pourrait incriminer l'astrologie, ne serait-il pas plus raisonnable de s'en prendre à l'état de déchéance qui lui a été infligé?

Son champ est si vaste, en effet, qu'il exige des spé- cialisations, avec des archives et des enquêtes permettant de redresser des erreurs d'appréciation ou de méthode. Quand on pense à un astrologue digne de ce titre il faut évoquer Robinson dans son île déserte, obligé à créer tout ce qui lui est nécessaire par sa propre industrie. On

serait mal venu de lui reprocher sa cabane en lui mon- trant le plan du Vatican ou celui de Versailles. Il n'au- rait pas demandé mieux que de se pourvoir d'un palais, mais il n'avait pas à sa disposition les génies des contes arabes.

Les astrologues, qui ont les défauts de leurs qualités, comme tout le monde, possèdent, en général, des défor- mations qu'il faut immédiatement souligner. La plupart sont saturniens, ce qui les rend aptes aux travaux pro- fonds et méthodiques. Or, ils sont invinciblement atti- rés par le mal et c'est lui qu'ils augurent avec une joie secrète. Les bons éléments sont écartés par eux, d'ins- tinct. Le public a un tel goût pour les fâcheuses nou- velles qu'ils correspondent à ce besoin d'angoisse. Aussi leurs ouvrages mettent-ils plutôt en valeur le pire que l'excellent. Il faut dire, à leur décharge, que les afflic- tions se distinguent plus aisément que les bienfaits.

Ils commettent une erreur plus grave en se perdant dans des forêts de calculs, sans parvenir à la synthèse.

D'autres adeptes sont parvenus à l'astrologie par les sciences occultes et la mystique. Nous ne ferons pas le procès de cet immense élan vers des puissances infinies. Elle a produit quelques-uns des flambeaux de l'humanité. Quant à l'occultisme, qui recherche la sagesse antique et les secrets des initiés de jadis, il est singulièrement riche et fécond. Lorsque Marcellin Berthelot s'intéressa à l'al- chimie traditionnelle, il fut stupéfait de l'ampleur des connaissances qu'elle possédait. Mais, trop souvent, la formation mystique ou occultiste a trahi la pure science qu'est l'astrologie. Elle ne peut éveiller des correspon-

dances utiles qu'en demeurant sur le terrain des réalités. Ainsi le colonel Caslant, utilisant la loi d'équilibre de Wronski sur le plan astronomique, a pu annoncer l'exis- tence de la planète Pluton des années avant qu'on l'eût repérée dans les cieux.

Ces critiques, formulées dans un esprit bienveillant, ne sauraient atteindre la science astrologique. Et l'on verra ce que nous avons tous perdu par le sot dédain de ceux qui l'ont vilipendée sur une réputation saugrenue, sans corriger leur point de vue erroné lorsque la physique moderne a bouleversé nos connaissances sur l'énergie et les radiations, quand l'influence des taches solaires a été démontrée, quand des postes de T. S. F., rayonnant une force infime, permettent de capter des émissions loin- taines. Mais quoi, ceux qui traitaient Christophe Colomb avec dérision se sont ensuite évertués à démontrer que découvrir l'Amérique était certainement des plus aisés. Les Pontifes expliquent admirablement tout, après, et leur suffisance est toujours égale à elle-même. Ce sont des suiveurs et qui pensent par procuration. Ils ont pour modèle cet académicien qui, lorsque le phonographe fut présenté à la docte assemblée, s'écria, en prenant la porte, qu'il avait mieux à faire que de s'intéresser à des expé- riences de ventriloquie!

Si la loi des étoiles est incontestable, comme nous l'af- firmons, comme on en aura la certitude en lisant ces pages, nous devrons en tirer des conclusions. Et nous constaterons l'immensité des problèmes qu'elle pose, dans tous les ordres. Nous verrons qu'elle apporte des solutions à nos multiples préoccupations, des réponses et des plans

d'action hardis, tutélaires. Elle a organisé les civilisations grandioses d'autrefois. Elle disciplinera la nôtre, chaoti- que et affolée. Elle est la base de toute philosophie. D'où sa vertu.

Seule elle permettra d'édifier, avec un monde meilleur :

la fière tour qui sur les flots domine.

LA LOI DES ÉTOILES

I

LES CIVILISATIONS ANTIQUES

Il n'y a pas de sauvages.Tous les peuples que nous quali- fions ainsi possèdent une civilisation, souvent étrange, mais fondée sur le Ciel. Non seulement parce que le jour et la nuit, le cortège des saisons ont soumis les hommes à leur joug, mais parce que des pratiques astrologiques ont formé ces sociétés demeurées primitives. Leurs légendes, leurs pratiques religieuses, la sorcellerie qu'elles respec- tent établissent une obéissance à des règles tutélaires, venues du fond des âges et qui se sont perpétuées.

Evoquez les anciens habitants de la Bretagne qui cou- vrirent cette péninsule de monuments mégalithiques. Combien de leurs menhirs servaient à mesurer le passage du Soleil pour établir le calendrier, comme le démontrent les crans encore visibles sur ces pierres1.

Pensez aux Esquimaux, aux indigènes des îles Aléou- 1. Nous ne voulons pas encombrer ce travail de notes qui fatiguent

l'attention et nous prions nos lecteurs de nous faire confiance car nous n'avançons rien qui ne soit certain et éprouvé. Pour les menhirs à crans, voir l'Astronomie de juin 1934; l'orientation des dolmens est exposée dans la Préhistoire par les Etoiles du Dr Marcel Beau- douin. Les Malgaches ont toujours orienté leurs maisons, explique le Bulletin de l'Afrique Française (1933). On pourrait écrire un gros volume avec les faits de cet ordre répandus dans le vaste monde.

tiennes, à ceux de la Terre de Feu, groupes qui eurent le moins de rapports avec le reste des humains : tous pos- sèdent une mythologie où l'on reconnaît un enseigne- ment commun. Ces Peaux-Rouges, qu'on ne tolère plus aux Etats-Unis que par curiosité, en appellent aux dieux- moutons (au Bélier), premier des Signes astrologiques et invoquent la déesse arc-en-ciel, c'est-à-dire le Ciel lui- même, aux sept planètes classiques. Chez les noirs du Soudan on danse en l'honneur des étoiles et ces grands ballets cosmiques se transmettent comme un secret mer- veilleux. Aux Nouvelles-Hébrides et chez les chasseurs de têtes, les tatouages évoquent les constellations pro- tectrices comme dans l'écriture chinoise primitive. Mieux encore, les totems sont en général, des animaux astrologiques, comme le démontrent les fêtes qui se déploient, les cérémonies qu'elles suscitent. Les tri- bus invoquaient comme protecteur le signe céleste, non la bête de la jungle, celle-ci n'étant que sa représentation familière.

On est aussi loin que possible de leurs conceptions si l'on ne sait pas que le bœuf Apis, considéré comme un totem, correspondait à une métaphysique et à un cycle luni-solaires.

Parce que ces idées, fortement motivées, se sont dégra- dées au cours des âges, ou parce que nous préférons n'en pas tenir compte, elles n'en subsistent pas moins. L'Astro- logie grecque a été examinée et critiquée par Bouché- Leclercq dans un gros volume. Or, il n'était pas astro- logue. Aucun des égyptologues illustres ou inconnus, qui ont tenté d'élucider les problèmes que pose l'empire

Voici comment Gustave Doré imagina Her Tripa moqué par Rabelais dans son Pantagruel. Her Tripa n'est autre qu'Henri-Corneille Agrippa, l'un des plus puissants esprits du XVI siècle, astrologue, kabbaliste, géomancien, dont le savoir fut encyclopédique. Cette caricature représentait, au temps de Gustave Doré, et pour certains arriérés au nôtre, comment devait être un

astrologue.

du Sphynx, basé tout entier sur le Ciel, sachant de la manière la plus évidente et indiscutable que l'Astrologie était la vie même de ce grand peuple, n'ont consenti à l'apprendre. C'est parler de chimie sans connaître la nomenclature et la notation atomique. Que penseriez- vous des déductions ou suppositions qu'un poète mal au fait de la science tirerait d'un cours de mathématiques supérieures?

Et même si l'astrologie des Egyptiens ne méritait pas créance, ce qui est une autre question, les spécialistes de la Vallée du Nil n'auraient-ils pas dû s'en inquiéter pour s'efforcer de comprendre, pénétrer le mobile des âmes et des actions.

Bah! se disent-ils, l'à-peu-près suffit. A quoi bon aller au fond des choses. Mieux vaut construire un univers conforme à nos imaginations, à nos idées préconçues. La vérité? N'en parlons pas : chacun a la sienne et il suffit de s'entendre sur un certain point de vue pour le faire adopter à l'unanimité. Ce n'est pas seulement en pein- ture que l'impressionnisme s'imposa. Il a également con- quis la science!

Pour expliquer ces rêveries, scintillantes d'étoiles, qu'on trouve aussi loin qu'on remonte dans l'humanité, « des experts » invoquent la jeunesse du monde où l'on ferait les mêmes découvertes, sur des milliers de lieues, du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest, malgré les mers, les déserts, les montagnes alors infranchissables. Spontané- ment une idée sublime fleurissait dans les âmes. Alors que l'on ne comprend les phénomènes célestes qu'après avoir longtemps médité, tant on se sent écrasé et dépassé par

cet univers à peine concevable, il paraît qu'à l'aube de la création chacun en avait conscience et prenait les astres pour rimes!

La jeunesse du monde!... Quelle tarte à la crème! Ceux qui se gargarisent de tels arguments pensent donc qu'on peut tout savoir sans avoir rien appris, que c'est même la règle nécessaire pour être plus près de la con- naissance? Sans doute en jugent-ils par eux-mêmes, sinon comment s'appuieraient-ils sur une prétention aussi sau- grenue. Ceux qui inventent ces thèses se font payer, en outre, mais ils courent à la recherche d'un agent quand on leur refile du poisson gâté. Ils grimacent quand on leur parle des talapoins et des augures et crieraient au sacrilège si on comparait leurs catéchismes puérils aux moulins à prières. Dire que la plupart prennent un air supérieur quand on fait une allusion au mystère de la Sainte Trinité!

Mais, comme l'amour, la science n'est-elle pas pareille aux auberges espagnoles où l'on ne trouve que ce qu'on y apporte?

Si les races retardataires se sont appuyées sur le Ciel, les grandes civilisations du passé se sont complètement soumises à ses lois. Nous n'évoquerons pas celles des Etrus- ques ou du Mexique mais celles qui ont été longuement étudiées et nous sont plus familières : l'Egyptienne, l'Hindoue et la Chinoise.

En Egypte, de la naissance à la mort, tout, absolument tout était régi d'après les décrets célestes. L'astrologue assistait à la délivrance, le nom donné à l'enfant l'était d'après l'horoscope et la plupart des momies portaient,

inscrit sur les bandelettes, leur thème, qui jouait le rôle d'un passeport pour l'autre monde. Le ciel réglait les travaux des champs, les fêtes, les anniversaires. Les monu- ments étaient orientés. La langue sacrée des hiérogly- phes avait pour racines planètes et constellations. Le sym- bolisme s'enracinait au firmament et il n'était rien, sur la terre, qui ne correspondit avec les quatre éléments et leurs composantes. La théocratie égyptienne, qui initiait les princes, était dominée par le corps tout-puissant des astrologues dont le prestige fut toujours incontesté.

Le bœuf Apis, symbolisant l'univers et dont la vie était de 25 ans, correspondait à un cycle lunaire de 25 ans (309 révolutions lunaires) qui faisait revenir les nouvelles Lunes aux mêmes jours que 25 ans auparavant. « Les Egyptiens, dit Bailly, connaissaient la rondeur de la terre, la cause des phases et des éclipses de Lune. » Ils avaient calculé exactement le diamètre du Soleil et estimé la masse de la Lune le 72 de celle de la Terre, s'accordant en cela avec Bernouilli et Lalande. Leurs obélisques sont des gnomons permettant de mesurer l'ombre solaire.

Ils avaient placé dans une pyramide, près de Thèbes, une couronne ou roue d'or de 3 65 coudées de tour, — la coudée royale mesurait 525 millimètres — et large d'une coudée. Chacune correspondait à un jour où était marqué le lever et le coucher des astres et les indications astrologiques qu'on en devait tirer (Bailly, Histoire de l'Astronomie, I. p. 471).

Diodore de Sicile nous rapporte (Livre I, p. 55) que dans la ville de Nise, en Arabie, on déchiffrait des textes, sur deux colonnes. Le premier enseignait :

« Je suis Isis, Reine de tout ce pays : j'ai été instruite par Mercure ; nul ne peut abolir mes lois. Je suis la fille aînée de Saturne, le plus jeune des dieux. Je suis sœur et femme du roi Osiris : j'ai donné la première aux hommes l'usage des fruits. Je suis mère du roi Horus : je me lève avec l'étoile de la Canicule (Sirius). C'est moi qui ai bâti la ville de Bubaste. Réjouissez-vous, Egypte, qui m'avez nourrie. »

Le deuxième est consacré à Osiris (le Soleil), puisque Isis est la Lune :

« J'ai pour Père le plus jeune de tous les dieux. Je suis le fils aîné de Saturne formé de son sang le plus pur et le frère du Jour. Je suis le roi Osiris qui, suivi d'une armée nombreuse, ai parcouru la terre depuis les sables inhabi- tés de l'Inde (l'Ethiopie) jusqu'aux glaces de l'Ourse (le cercle polaire) et depuis les sources de l'Ister (le Danube) jusqu'aux rivages de l'Océan où j'ai porté partout mes découvertes et mes bienfaits. »

Isis et Osiris n'étaient pas des personnages historiques, bien qu'ils soient mêlés à des fables humaines. Mais c'était pour mieux dissimuler leur grandeur. Aussi, parce que les leçons des savants d'autrefois avaient perdu leur sel. Socrate était astrologue, nous assure Platon, et l'on sait qu'il enseignait que les dieux étaient des forces de la nature, non des hommes. Qu'on l'ait accusé de corrom- pre la jeunesse, parce qu'il prétendait ramener à la vérité astrologique, démontre à quel point la Grèce elle-même s'était égarée dans la tradition céleste, au point de n'en estimer que l'apparence.

C'est ainsi que Diodore de Sicile (Liv. I, p. 45) assure

qu'Osiris est enterré dans une île du Nil aux confins de l'Egypte et de l'Ethiopie; son tombeau est entouré de 360 urnes que, chaque jour, les prêtres remplissent de lait. Newton, dans sa Chronologie, note que l'année en ce temps n'avait donc que 360 jours, alors qu'il s'agit de 360 degrés du zodiaque.

Pour montrer à quel point le Ciel avait envahi la Terre, au temps des Egyptiens, faut-il rappeler l'importance qu'ils attachaient au signe de la Balance?

De temps immémorial et jusqu'au règne de Sésostris (1.300 ans avant l'ère chrétienne), l'Egypte se divisait en trois royaumes fédérés. Or, lorsque le Soleil passait dans le signe de la Balance, (c'est-à-dire du 24 septembre au 24 octobre) Héliopolis, Memphis et Thèbes, capitales des trois principautés, envoyaient dix délégués chacune pour juger les différends entre les rois, les corps constitués et les villes. Ces hauts magistrats tenaient leurs assises entre les pattes du Grand Sphynx de Giseh, autour de l'Ariel, bloc de granit sur lequel on proclamait les nouveaux rois, devant les ordres assemblés. Il avait neuf coudées de hau- teur. Cette pierre taillée était certainement la pierre cu- bique, représentation du nombre 4 cher aux Pythagori- ciens et incarnation de la planète Jupiter qui est représen- tative de la justice opportuniste, légale, nécessaire à l'ordre.

Chaque député présidait une séance. Les magistrats décidaient, sur la lecture des mémoires présentés par les parties, en se conformant aux huit codes de Thot et à leur conscience. Quand les voix étaient partagées ils en référaient au jugement de Dieu. Camille Duteil dans son

Dictionnaire des Hiéroglyphes, page 91, nous dit com- ment on procédait : « On plaçait les mémoires des plai- deurs dans les plateaux de la balance installée sur la pierre sacrée et la plaidoirie qui, pesant le moins, mon- tait vers le ciel, « que Dieu attirait à lui, par consé- quent », gagnait son procès, l'autre tombant à terre se trouvait repoussé par la Justice. « Bon droit est concis, fraude est verbeuse observait un axiome des bords du Nil. » Bossuet dit, de même : « le mensonge abonde en détails ».

Les génies de la lumière et des ténèbres pesaient aussi, dans la Balance, les bonnes et les mauvaises actions de l'âme qui passait en jugement.

C'est au mois de la Balance que les juges égyptiens ren- daient leurs arrêts, en appelant le signe de la Justice à leur secours.

La coutume égyptienne reposait-elle sur des vérités observées? Nous pouvons, à ce sujet, invoquer une remar- que imprévue.

M. Robert Jayle est un jeune économiste, fils du pré- sident du Syndicat des Médecins de la Seine. Il a, dans la Vie Financière, publié quelques articles intitulés : La Loi de Septembre. Il y démontre que l'année boursière a pour base les mouvements enregistrés sur les valeurs au cours du mois de septembre. Il est singulier de constater que le début du mois de septembre, du 1 au 23 est caractérisé par le déplacement du Soleil dans le signe de la Vierge, où il entre le 22 août, tandis que du 23 sep- tembre au 22 octobre, il gravite dans la Balance; or la Vierge est le signe des récoltes et, par analogie, des éco-

La statue du Sphynx. C'est devant elle, qu'au mois de la Balance, on célébrait la cérémonie judiciaire que nous rappelons.

nomies, des caisses d'épargne, des dépôts bancaires, de la propriété mobilière. Si l'observation de M. Robert Jayle est pertinente, le rapport astrologique s'expliquerait fort bien, la Vierge ramassant, et l'on comprendrait de même que la Balance pesât, comptât, équilibrât. A priori la remarque, appuyée sur un cortège de chiffres impres- sionnants, rejoint, on le voit, la croyance des Egyptiens touchant les vertus de la Balance!

Elle est la justice naturelle, infaillible et qu'on ne sau- rait éviter. La pierre cubique, qui joue un si grand rôle dans la franc-maçonnerie, confrérie qui vénère d'anti- ques symboles, sans en bien connaître la valeur, était en Egypte synonyme de la justice légale, la pierre brute étant, comme la Balance, celui de la justice naturelle. Dans les temps primitifs les juges siégeaient sur des pier- res brutes, pareilles aux dolmens. Quand la loi sortit des coutumes, la pierre fut taillée, placée devant la porte ou dans la cour du prince et devint le tribunal. On répandait sur elle l'huile qui consacre. La justice humaine pouvait se tromper, l'autre, symbolisée par le signe sur lequel règne Vénus-Uranie, était inexorable.

On discernera mieux l'importance des symboles, comme celui du Ciel, chez les anciens Egyptiens, par ce que nous révèle le bœuf Apis.

Apis était un taureau sacré, adoré à Memphis et con- sidéré comme la représentation vivante de tout ce qui est, c'est-à-dire l'intelligence universelle et la matière principe, indissolublement confondus et co-éternels. Cette matière-principe, qu'anime l'intelligence, était l'eau stellaire, l'océan cosmique dans laquelle l'élément

Terre était en dissolution. L'intelligence sublime ayant brassé ou baraté ces forces, un œuf apparut, plongé sur une eau infinie appelée l'abym, l'abîme. Cette grande vague bleue, enveloppant le monde, était représentée par un taureau noir ou un aigle d'Abyssinie. La vie univer- selle et l'intelligence suprême, existant de toute éter- nité dans les eaux de l'abîme, constituaient avec elles tout ce qui est, c'est-à-dire Dieu. Le scarabée symboli- sait la vie universelle, l'aile d'épervier signifiait l'intelli- gence suprême, également figurée par la tête d'un initié au crâne rasé.

Apis était un taureau noir et donc pareil à l'abîme. Sous sa langue on devait trouver le scarabée, insigne des vertus existant dans l'Océan abyssal. Sur les statues d'Apis le scarabée était gravé au garot de l'animal, afin que le symbole fut visible, dit Caylus, et la table isiaque confirme cette appréciation. L'aigle était placé sur la croupe de l'animal et le disque solaire ornait ses cornes. Celles-ci figurent le croissant de la Lune; en englobant le soleil elles expriment l'idée de Ciel.

Le taureau portait, sur le front, une tache blanche, de forme carrée ou triangulaire. C'est la lettre 0 de l'écriture sacerdotale et qui signifie le nom sacré, le nom magique de l'astre du jour. Le triangle loue la perfection divine de Dieu grand, fort et immortel. Apis avait aussi, sur le flanc droit, un croissant de couleur blanche (et qui ne reconnaîtrait, ici, la Lune?) Le poil des cuisses, en arrière, devait être rebroussé naturellement, car il indi- quait les facultés génératrices de l'animal : on reconnaît une bonne laitière à la même particularité.

Enfin, les taches blanches et noires de l'animal expri- maient la lumière et les ténèbres.

Cette collection de symboles nous montre que le bœuf Apis proclame non seulement la grandeur et la puis- sance des cieux, mais l'avenir le plus lointain. Car Apis vivait un lustre de la Lune, c'est-à-dire la période de 25 ans égale à 309 révolutions lunaires où «le flambeau des nuits » reprend sa course au même jour et environ à la même heure. Le cycle de 25 ans, conjugué avec la période caniculaire de 1.461 ans des Egyptiens donnait une période au bout de laquelle, dit Bailly, le lever de la Canicule (Sirius), les commencements de l'année solaire, les nouvelles et pleines lunes retombaient aux mêmes jours et aux mêmes heures de l'année commune. Ainsi Apis unissait le passé à l'avenir.

Ces utilisations des grands cycles sont révélatrices. L'Astronomie s'y intéresse à cause du mouvement de la précession des équinoxes, qui fait avancer les étoiles, au- tour de l'écliptique, d'environ 50 secondes par an. Pour les astrologues, ils sont essentiels. Le déplacement de l'équinoxe de printemps, par la précession, marque notamment les grandes périodes de l'humanité et les conjonctions des grandes planètes, en certains secteurs du zodiaque fixe, la renouvellent, comme nous l'exposerons.

Nous connaissons mieux l'antique Egypte que l'Inde, où les symboles sont moins accessibles à notre esprit, étant de la métaphysique mouvante, tandis qu'elle est cristal- lisée sur les bords du Nil ou chez les Hellènes. Les Hin- dous ont deux zodiaques : l'un de 28 divisions qui repré- sente les mansions ou maisons de la Lune, les portions

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