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Au sommaire de ce troisième numéro : un dossier sur les archives de Ian Bruce Huntley et, plus généralement, autour du jazz sud-africain, une critique assassine de «Sema the warrior», un peu de pub pour nos collègues de «Jazz Magazine Jazzman» et les habituelles rubriques «A l'ombre du bananier» et «Pour ceux qui ne veulent pas rester chez eux...» En bonus : un fascicule de 24 pages narrant la nouvelle enquête du détective privé Bernardo Otero.
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LES ARCHIVES DE IAN BRUCE HUNTLEY
Numéro 003 Septembre 2015
«La machine à démonter le temps et l'espace»
fait peau neuve. Sa pagination triple, toujours
sans aucune pub susceptible de vous souiller la
vue, mais avec un fascicule populaire à déta-
cher (?!) en cadeau. Celui-ci narre les nouvelles
aventures du détective privé Bernardo Otero,
déjà protagoniste du «Vol plané de la danseu-
ses étoile», publié l'automne dernier par «Les
éditions de la saucisse et du saucisson» (et tou-
jours disponible à l'achat, si cela vous intéres-
se). Par la suite, les enquêtes de ce privé qui
n'aime ni les flics ni les curés (et encore moins
les riches) s'alterneront avec d'autres histoires,
tous genres confondus, de la poésie et même du
théâtre pour enfant.
Quant à la fréquence de parution de la publica-
tion, elle va se stabiliser autour des dix numé-
ros par année. Tout ça pour vingt francs seule-
ment (à verser sur le CCP 87-190546-6 au nom
de Stéphane Venanzi). Parce que oui, ami pin-
gre de la gratuité virtuelle, j'ai le regret de vous
l'annoncer, dès le prochain numéro, «La machi-
ne» ne sera plus disponible sans bourse délier
sur ce blog, vous serez obligés de vous abonner
si vous désirez continuer à vous régaler de nos
élucubrations surexcitées (le bureau commercial
attire mon attention sur le fait qu'il aurait été
assurément plus vendeur d'écrire : «si vous dé-
sirez continuer à vous régaler de nos perti-
nentes analyses», mais je n'ai malheureusement
jamais été très doué comme camelot...).
Enfin, rassurez-vous, l'avertissement en cou-
verture de ce numéro n'est pas apparu parce
qu'un quelconque groupe bien-pensant («Blog-
ger» ?) nous aurait remonté les bretelles au
sujet de la poignée de (délicieuses) nudités ou
de (visqueuses) flaques de sang qui ornent nos
pages mais parce que nous désirions doubler
d'un coup notre nombre de lecteurs. En effet,
n'affirme-t-on pas qu'un homme averti en vaut
deux ?
Sur ce, bonne lecture et rendez-vous le mois
prochain — j'espère !
On ne peut pas tous être calés en géographie,
c'est un fait. Ainsi, une demi-heure avant le
concert du «Kalakuti Orchestra», dans le cadre
de la trente-troisième fête de l'«AMR» aux
Cropettes, le dimanche vingt-huit juin, j'ai en-
tendu un grand con péremptoire à chapeau
ridicule (c'était la mode, cette année !) affirmer
à son copain (qui lui ressemblait comme un
frère) qu'il n'irait pas écouter ce quintet car il en
avait marre de cette musique sud-africaine (!!).
Que lui répondre (à part d'envisager de se suici-
der pour le bien-être du reste de l'humanité) ?
Déjà, si on peut peut-être effectivement noter
un certain intérêt pour la musique en prove-
nance du pays qui a vu naître Dumile Feni,
dans des formations telles que «Major Taylor»
ou «Country Cooking, jazz sud-africain &
plus» (cf. articles annexes), ce n'est pas non
plus comme si tous les musiciens de l'«AMR»
ne jouaient que ça. Loin s'en faut.
Ensuite, «Kalakuti Orchestra» est un hommage
à Fela Anikulapo Kuti, inventeur de l'afrobeat
(avec Tony Allen) et rebelle nigérian !
Quant à l'excellent multi-saxophoniste Aina
Rakotobe, comme son nom l'indique claire-
ment, il est d'origine malgache.
Effectivement, on ne peut pas tous être calés en
géographie. A défaut, on peut toutefois éviter
de dire des conneries en public et tenter d'amé-
liorer la qualité de ses goûts musicaux. Notam-
ment en écoutant les cinquante et quelques
heures de jazz sud-africain disponibles en ligne
à l'adresse suivante : http://electricjive.blogspot.
ch/p/ibh-audio-archive-posts.html.
Les gaillards d'«Electric Jive», l'admirable blog
consacré à toutes les musiques de la pointe de
l'Afrique (ils ont même offert à nos oreilles, qui
n'en demandaient pas tant, un disque de
«boeremusiek» — ce à quoi je répondrai, para-
phrasant Peter Brötzmann : «Fuck the Boere» !)
bref, les gaillards d'«Electric Jive» se sont
impliqués dans un projet colossal. Mettre à la
disposition de tout un chacun, même des
grands cons péremptoires à chapeau ridicule,
les archives sonores et photographiques de Ian
Bruce Huntley.
Mais qui c'est ce mec-là, Ian Bruce Huntley ?
vous demanderez-vous immédiatement, en
espérant recevoir de moi une réponse simpliste
qui vous permette de le ranger dans une case
d'où vous pourrez facilement l'extraire, si
jamais son nom refait surface un jour au cours
d'une réunion mondaine... Eh bien !, disons,
pour simplifier justement, que ça a été un des
nombreux résistants quotidiens à l'apartheid
doublé d'un passionné de jazz (ce qui en fait
deux fois un brave type). Certes, il n'a pas
séjourné en prison (pour autant que je sache) et
il est nettement moins médiatique que les cra-
pules (historiques ou non) de l'«ANC» (voir, au
sujet de la crapulerie de ces «intouchables», le
documentaire «Behind the rainbow — Le pou-
voir détruit-il le rêve ?» de Jihan El Tahri) mais
il a collaboré de nombreuses manières, pendant
près d'une décennie, à rendre vivant le jazz à
Cape Town. Et, avec son appareil photo Leica
de seconde main et son enregistreur Tandberg
Series 6X, il en a conservé diverses traces.
Preuves magnifiques nous réaffirmant aujour-
d'hui qu'il est toujours possible, contrairement à
ce qu'essaye de nous inculquer la lâcheté et la
résignation néolibérales, qu'il est toujours pos-
sible (en plus d'être éthiquement souhaitable)
de résister à l'horreur, qu'importe le masque
derrière lequel elle cache son hideux visage.
Stéphane Venanzi
Tous, lorsqu'il s'agira de vous vendre leur
soupe, invoqueront la passion et l'amour qu'ils
ont mis dans la réalisation de leur projet. Tant
pis si après vous vous retrouvez avec un pavé
qui ne reproduit PAS les éditions originales de
San-Antonio (les premiers volumes de la col-
lection paraissant chez «Bouquins», dirigée par
François Rivière) ou avec des films au format
fantaisiste (le surréaliste coffret Allan Dwan de
«Carlotta»). L'important : c'est la passion et
l'amour (et un peu aussi que vous ayez craché
au bassinet). Le reste, on s'en fout ! C'est du
ronchonnement de «puriste» (comprenez par là,
les récriminations futiles d'un vieux con aigri
jamais satisfait de rien).
A «Electric Jive», les mecs parlent aussi (un
peu) du geste d'amour que constitue la sau-
vegarde et la mise à disposition publique des
archives de Ian Bruce Huntley. Mais eux ne se
contentent pas de parler. Ils agissent !
Ainsi, le livre (a priori beau — je n'ai pas
encore assez d'abonnés pour pouvoir me per-
mettre de le commander pour vérifier) qu'ils
ont publié, «Keeping Time 1964 — 1974, The
photographs and Cape Town jazz recordings of
Ian Bruce Huntley», le livre, disais-je, outre
d'être proposé en version papier à prix coûtant
(ce qui est déjà sympa) est aussi téléchargeable
gratuitement sur le site : http://electricjive.
blogspot.ch/p/ibh-audio-archive-posts.html
Imaginez un peu : cent vingt photos restaurées
et annotées, une introduction, une notice bio-
graphique, un essai et, last but not least, un
listing complet répertoriant le contenu des cin-
quante-six heures de musique enregistrées par
Ian Bruce Huntley. N'est-ce pas là une preuve
irréfragable que la vie vaut la peine d'être vé-
cue (au moins pendant cinquante-six heures) ?
Bon, je vous le concède, si vous venez de
lâcher cet article pour vous empresser de
downloader l'objet et qu'une légère déception
vous assaille, la définition de cette version pdf
est regrettablement un peu faible. Mais que
diable ! Ce sont les mecs d'«Electric Jive» qui
vous l'offrent. Vous comprenez ce que ça signi-
fie ? Ce ne sont pas des petits malins qui ont
illégalement scanné le bouquin pour le mettre
en ligne (et refiler en sous-main, plus ou moins
consciemment, de l'argent à la mafia russe). Ce
sont les mecs qui ont bossé des mois sur ce
projet, sans espérer gagner un centime, juste
pour le plaisir lié à l'appréciation d'un pan
entier d'une sublime musique autrement irrémé-
diablement vouée à l'oubli et l'idée qu'une
société meilleure, sans ségrégation d'aucune
sorte, puisse exister, qui vous en font cadeau.
Alors, essuyez-vous la bouche et dites merci !
Dumile Feni (qui a signé, au charbon de bois
sur du papier journal, la saisissante fresque de
près de trois mètres carrés «African Guernica»
en référence à Pablo Picasso, pompant assez
ouvertement, trente ans après, un ogre ayant
lui-même déjà tout pompé, trente ans aupa-
ravant, chez les «nègres», comme on les appe-
lait à l'époque — ça devient compliqué !) a
aussi réalisé plusieurs pochettes de disques.
Notamment celle du «Home is where the music
is» d'Hugh Masekela (l'originale — depuis, elle
a été changée au profit (?!) d'une banale photo
en pied de Masekela rappelant furieusement la
couverture de son très funky «Give it up / District
six» de mille neuf cent huitante et un). Celle du
«Gideon plays» de Gideon Nxumalo (un pia-
niste dont le blog «Electric jive» propose, à
défaut dudit «Gideon plays», les excellents
«Jazz fantasya» et «Early-mart» et auquel Sam
Nhlengethwa a rendu un joli hommage avec
son «Ode to Gideon Nxumalo and Chris
McGregor», peinture / collage visible, en même
temps que près d'une centaine d'autres pièces
du même artiste, ici : www.rosekorberart.com/
artists/nhlengethwa.htm. A noter que dans cette
sélection on trouve aussi une belle lithographie
intitulée «Tribute to Dumile Feni»...). Et enfin,
celle de l'album éponyme de «Jabula» et celle
du «Wind of change» (featuring Chico Free-
man) de Julian Bahula (voir le site : www.ja-
bulamusic.com)...
Autant de titres qu'évidemment, si vous êtes un
amateur de jazz (mais pas que... comme dirait
Frédéric Goaty) éclairé (ou que vous espérez le
devenir un jour...), je ne peux que vous encou-
rager à ajouter à votre collection.
«Zwelidumile», le documentaire de Suleman
Ramadan sur l'artiste sud-africain Dumile Feni
se rapproche d'avantage, et ce n'est pas le moin-
dre de ses attraits, du «Dossier secret» d'Orson
Welles que des biographies de stars produites
pour la télévision. Les diverses interventions de
gens l'ayant connu ne se recoupent pas forcé-
ment, de même que les dates ou les lieux évo-
qués, ajoutant encore au mystère de cette
personnalité complexe au destin hélas tragique.
Un destin, comme on peut s'en douter, indubi-
tablement lié à / conditionné par la situation
politique atroce de l'Afrique du Sud au temps
de l'Apartheid (quoique l'on puisse se deman-
der si ladite situation s'est véritablement amé-
liorée depuis — à part peut-être pour une infi-
me minorité...), qui fait que le film de Suleman
Ramadan n'est pas seulement la mise en lu-
mière de l'oeuvre d'un artiste incroyablement
méconnu et sous-estimé (il a le plus souvent
vécu dans des conditions très précaires, «lo-
geant» notamment pendant près d'une année
dans le métro new-yorkais, en proie aux vexa-
tions des flics, et nombre de ses oeuvres ont
semble-t-il été perdues ou détruites au fil du
temps, personne ne se souciant de les pré-
server) mais aussi une réflexion poignante sur
l'exil et sur ce que cela signifie concrètement
pour celles et ceux qui y sont vraiment con-
traints.
Le DVD du film est commandable en ligne :
http://www.boutique.laterit.fr/fr/dvd/219-dvd-
zwelidumile-ramadan-suleman.html
Ci-dessus, une photo de «Major Taylor» saisi
en plein effort (sous la pluie), lors de sa presta-
tion aux Cropettes, en deux mille quatorze.
Ce quartet (composé de Brooks «Coppi» Giger
à la contrebasse, Jean-Jacques «Anquetil» Pe-
dretti au trombone, Nelson «Bartalli» Schaer à
la batterie et Martin «Koblet» Wisard au saxo-
Suite en page 53...
LES ÉDITIONS DE LA SAUCISSE ET DU SAUCISSON
FFFRRROOOUUUSSSSSSEEE DDDAAANNNSSS
LLLAAA BBBRRROOOUUUSSSSSSEEE
SSStttéééppphhhaaannneee VVVeeennnaaannnzzziii
CHAPITRE UN
Une pluie fine cinglait les façades blafardes des
bâtiments. Sur les trottoirs, les rares passants se
hâtaient de circuler, déjà trempés. Sans ré-
fléchir, ils s'engouffraient dans le premier café
venu ou dévalaient les escaliers de la bouche de
métro toute proche. Partout, l'activité humaine
se raréfiait à vue d'œil jusqu'à sembler vouloir
définitivement disparaître. Bientôt, la rue fût
effectivement complètement déserte, glissant
doucement dans une torpeur froide et humide.
C'est alors que retentit avec fracas une ef-
frayante alarme, un son d'une stridence à vous
écorcher les tympans. Dans le même temps,
plusieurs rafales de mitraillettes et des cris de
terreur vinrent se mêler au vacarme ambiant,
accentuant encore la confusion. Puis, on vit
trois malfrats grotesquement masqués, chargés
de sacs en tissu emplis de billets, quitter pré-
cipitamment la succursale régionale d'une
grande banque et se diriger en courant vers un
véhicule stationné à quelques mètres de là.
Déjà, d'autres sirènes se rapprochaient en hur-
lant et les lumières des gyrophares trouaient la
grisaille de cette fin d'après-midi pluvieuse.
Vite, les portières claquèrent, le moteur rugit et
la voiture des voleurs s'élança en bondissant,
presque immédiatement prise en chasse par les
patrouilles de police dépêchées sur les lieux.
Mais le chauffeur, d'un calme inébranlable et
d'une maîtrise exceptionnelle, n'en avait cure. Il
zigzaguait dans la ville comme s'il en con-
naissait chaque dédale, accélérant sans cesse,
changeant à tout moment d'itinéraire. Petit à
petit, les policiers, nettement moins experts,
commencèrent à perdre sensiblement du ter-
rain. Pour ne rien arranger, l'énervement les
gagnait. A chaque tournant, sur l'asphalte
mouillée, les pneus de leurs véhicules coui-
naient comme une demi-douzaine de porcs me-
nés à l'abattoir et ils sentaient que les voleurs
allaient bientôt réussir à quitter la ville et à leur
échapper. En voulant tenter le tout pour le tout,
l'effroyable drame survint. Un passant distrait
qui désirait traverser précipitamment pour
échapper à la pluie battante fut évité de justesse
par les quatre malfrats mais, alors qu'il in-
vectivait ces infâmes chauffards, percuté de
plein fouet par la voiture de flics qui arrivait
immédiatement à la suite. Le pare-brise vola en
éclat, le conducteur perdit la maîtrise de son
véhicule et alla se fracasser contre un arbre qui
bordait l'avenue perpendiculaire. Incapables de
freiner à temps, deux autres voitures de pa-
trouille vinrent s'encastrer dans le véhicule
accidenté. Cependant, les voleurs n'étaient pas
encore tirés d'affaire. Plusieurs poursuivants
s'entêtaient, convaincus du bien-fondé de leur
action.
Tous à présent roulaient sur la large avenue et
tous accélérèrent davantage. A l'horizon, les
malfrats virent enfin se profiler leur destina-
tion : le petit aérodrome local. Dans un
hurlement de pneus surchauffés, leur voiture fit
une embardée et se rangea sur le bas côté, le
long du grillage qui entourait le terrain. A
nouveau, les portières claquèrent et les quatre
hommes, chargés des sacs de billets volés,
sautèrent la clôture et s'élancèrent sur l'aire de
trafic. En quelques foulées, ils la traversèrent
et grimpèrent dans un vieux piper PA-34 Se-
neca qui les attendait, prêt à décoller. A partir
de là, tout alla très vite. Les hélices se mirent à
tourner, l'appareil prit position sur la piste
mouillée et commença à rouler, de plus en plus
rapidement, jusqu'à s'élever dans les airs. Les
policiers, arrivés sur les lieux, ne purent stricte-
ment rien faire pour empêcher le fulgurant dé-
collage. En désespoir de cause, ils réquisition-
nèrent l'hélicoptère d'un particulier et reprirent
leur chasse.
Dans l'avion, qui bifurquait en direction de la
jungle avoisinante, les malfrats, convaincus
d'avoir semé leurs poursuivants, jubilaient, se
jetaient des paquets de billets au visage en
exultant. Quelle ne fut leur stupéfaction en
entendant les premières rafales de mitraillette
venir se loger dans la carlingue de l'appareil...
Les flics, qui les avaient rejoints, canardaient
sec, désireux d'en finir. Furieux, les voleurs
ripostèrent sur le même ton. Brefs mais fré-
quents échanges de coups de feu. Le crépi-
tement des armes automatiques, incessant,
devenait obsédant. Soudain, l'hélice gauche du
bimoteur ralentit et stoppa, bientôt imitée par sa
collègue de droite. Le réservoir, crevé par une
rafale, s'était complètement vidé. L'avion
commença à piquer du nez. De plus en plus
vite. Tous les efforts du pilote pour le redresser
d'abord puis pour tenter un atterrissage de for-
tune dans la luxuriante végétation environnante
furent vains. Le piper, avec fracas, entra en
contact avec la frondaison des arbres, sembla
glisser quelques instants sur cette immense
étendue d'un vert opalescent avant de s'y en-
gloutir entièrement et de disparaître à la vue
des policiers qui, non équipés en conséquence
pour partir à sa recherche, rebroussèrent
chemin jusqu'à l'aérodrome, déçus de n'avoir
pu récupérer l'argent mais néanmoins satisfaits
du devoir accompli.
Quelques heures plus tard, deux formes in-
distinctes et chancelantes s'extrayaient des
restes de la carlingue. C'étaient les seuls sur-
vivants de l'accident. Le pilote avait péri,
transpercé par une branche d'arbre, épinglé sur
son siège comme un papillon dans sa vitrine et
son co-équipier, ejecté au moment de l'impact,
pendait un peu plus loin, tête en bas, bras
ballants, les pieds emberlificotés dans quelque
liane, tel un pantin désarticulé. Sans s'attarder
sur ce spectacle peu ragoûtant, le duo encore
vivant rassembla l'argent et se mit en chemin.
Mais leur marche se révéla bien vite nettement
plus difficile qu'ils ne se l'était imaginée. La
végétation, extrêmement touffue dans cette
partie de la jungle, entravait continuellement
leur progression, leur griffant le visage, s'accro-
chant à leurs habits qu'elle déchirait. Et, malgré
la pénombre qui régnait alentour, le soleil étant
caché par l'inquiétante densité du feuillage au-
dessus de leur tête, ils étaient accablés par la
chaleur oppressante, suffocante de l'endroit. De
la sueur ruisselait tout le long de leurs corps
meurtris. Leurs vêtements leur poissaient à la
peau. A bout de force, ils décidèrent de s'arrêter
quelques instants. Alors qu'ils reprenaient leur
souffle tant bien que mal, l'un d'eux s'adossa à
un arbre et se laissa glisser, épuisé. Mais à
peine avait-il touché le sol qu'il poussa un
horrible cri. Un serpent, dérangé dans son
sommeil, venait de le mordre. Avec une rapi-
dité phénoménale, l'autre malfrat dégaina son
pistolet et tira, faisant éclater la tête du reptile.
Malheureusement, il était déjà trop tard. Son
collègue, livide, suait à grosses gouttes et le
fixait avec un regard halluciné, implorant son
aide. Tout ce qu'il reçut fut une balle entre les
deux yeux. Au moins n'avait-il pas souffert les
affres d'une trop longue agonie...
Son arme rangée, le tueur se pencha pour
ramasser les sacs éparpillés autour du cadavre
et se remit en route, s'enfonçant toujours
davantage dans la jungle. Il marcha ainsi
pendant plusieurs heures, abruti par la chaleur.
Tout-à-coup, une légère brise se leva, cares-
sante. Il ferma les yeux pour mieux la savourer
et sentit le sol se dérober sous ses pieds. Il
venait de commettre l'irréparable. En quelques
secondes, les sables mouvants dans lesquels il
s'était stupidement enfoncé l'avaient déjà happé
jusqu'aux genoux. Inquiet, il regarda autour de
lui. Rien. Absolument rien à quoi se raccrocher.
Pas de liane pendant à sa portée, pas de branche
d'arbre, même à moitié pourrie, qu'il aurait pu
essayer de saisir pour se hisser hors de ce piège
à rats.
Un long frisson le glaça. Il se sentit incom-
mensurablement las... Terminée, la vie facile
que lui promettait le magot dérobé. Dans peu
de temps, il allait crever, seul comme un chien,
perdu au milieu de cette foutue jungle.
Le front emperlé de sueur, il se força à se
calmer et à réfléchir. Il devait bien exister un
moyen de s'en sortir. Après tout ce qu'il avait
enduré, ça ne pouvait pas s'achever d'une
manière aussi lamentable. C'était vraiment trop
bête...
«Bon, surtout, ne pas s'agiter», pensa-t-il.
«Limiter mes mouvements au maximum afin
de ne pas accélérer mon engloutissement. Et
d'abord, me débarasser de tout poids inutile.»
Pour ce faire, il chercha à jeter chaque sac
empli de billets un peu plus loin, sur la terre
ferme. Mais dans sa précipitation, il ajusta mal
son tir et le premier s'écrasa mollement à quel-
ques mètres de lui seulement, disparaîssant
dans un écoeurant bruit de succion. Quant au
second, il éclata en touchant le sol et son
contenu se répandit au vent. Certes, il eut plus
de chance avec les suivants mais toutes ces
gesticulations l'avaient placé dans une situation
critique. A présent, il était prisonnier de l'in-
fâme boue argileuse jusqu'au plexus solaire...
Non loin de là, un indien qui venait d'inter-
rompre sa chasse pour assouvir un besoin aussi
pressant que naturel cherchait vainement quel-
ques feuilles à la fois moelleuses et absorbantes
pour s'essuyer le derrière lorsqu'il reçut, ame-
nées par la brise, diverses coupures de cent
dollars en pleine figure. Ne connaissant évi-
demment ni la valeur ni le mode d'utilisation
communément admis de ces étranges morceaux
de papier, il jugea judicieux de s'en servir pour
se torcher et, pleinement satisfait, repartit le
coeur léger.
Au même moment, dans un cri étranglé, le
dernier malfrat disparut complètement, happé
par les sables mouvants et Otero se réveilla de
sa sieste, maugréant. Il avait très faim et c'est
sans attendre qu'il quitta son appartement pour
aller manger quelque chose en ville, laissant
derrière lui, bien en vue sur son bureau, un
quotidien dont la une annonçait sensation-
nellement : «Banque dévalisée : les voleurs
s'enfuient en avion !».
CHAPITRE DEUX
Assis seul à une petite table, un peu à l'écart,
Otero sirotait son habituel jus d'orange en
attendant qu'on lui serve le plat de saucisses
qu'il avait commandé. D'humeur morose, il se
sentait tourmenté par d'insolubles question-
nements existenciels. Du genre de : pourquoi
l'argent se dépense-t-il toujours plus rapide-
ment qu'il ne se gagne ? Comment vais-je pou-
voir payer mon prochain mois de loyer ? La
jolie serveuse qui vient de tacher mon habit en
me balançant négligemment mon assiette sous
le nez accepterait-elle un rendez-vous après son
service ?
La seule réponse qu'il ait pu obtenir étant un
«non» aussi définitif que sarcastique à sa
troisième interrogation, il préféra tout oublier
l'espace d'un instant et s'abîmer dans la
mastication. Activité qui, comme vous le savez
et en atteste à coup sur l'air béat perpétuel-
lement affiché par les bovidés de toutes les
contrées, ne manqua pas de le soulager mo-
mentanément de ses peines... Mais évidemment
cela ne dura qu'un temps. Alors, son repas
terminé, n'ayant plus rien à faire en ces lieux
qui lui devenaient hostiles, le détective régla
l'addition, s'abstint de laisser un pourboire, et
sortit.
D'un pas d'abord pressé, il se mit en chemin,
baissant la tête pour ne pas devoir subir la
vision désagréable de tous ces couples au
bonheur aussi mensonger qu'arrogant que leur
soirée avait faussement égaillés, bifurqua
presque immédiatement à sa gauche, pour
s'éloigner le plus vite possible du centre,
beaucoup trop animé à son goût et se dirigea
vers la vieille ville. Là, dans la pénombre
crépusculaire et le calme retrouvé, il adopta une
démarche plus indolente. Flânant même avec
ravissement devant les vitrines faiblement
éclairées des bouquinistes et des librairies
spécialisées. L'atmosphère ouatée du quartier
aidant, il se sentait déjà mieux, ne doutait plus
qu'une nouvelle affaire allait bientôt lui être
confiée, le tirant encore une fois d'embarras,
lorsqu'une silhouette tout de noir drapée le
heurta violemment.
Courroucé, le détective voulut cracher une
grossièreté à l'encontre du sinistre individu qui
venait ainsi de le bousculer, pour bien lui faire
comprendre ce qu'il pensait de sa façon de se
conduire, mais ne put finalement émettre le
moindre son, si ce n'est un ridicule gargouillis
qui mourut presque aussitôt au fond de sa
gorge devenue subitement sèche, tant il se
sentit comme foudroyé par le regard incan-
descent que l'inconnu, qui venait de se retour-
ner, darda sur lui, le fixant avec une insistance
malsaine, telle une bête fauve prête à bondir sur
sa proie pour la lacérer de ses griffes, la
déchiqueter de ses crocs...
Otero n'avait jamais vu regard pareillement
halluciné. Seul un fou furieux pouvait exhiber
un tel masque, aux traits si grossièrement dé-
formés par la haine et les tourments intérieurs !
L'espace d'un instant, le détective craignit
même pour sa vie mais l'autre, étreignant un
peu plus fort le paquet qu'il tenait contre lui et
que les plis de sa cape noire dissimulaient en
partie aux regards, tourna sur ses talons et se
précipita vers le fond d'une ruelle adjacente, en
direction d'une porte étroite qu'on devinait, plus
qu'on ne la voyait vraiment, derrière un empile-
ment de caisses éventrées et de sacs poubelles.
Il tambourina à plusieurs reprises, fébrile,
contre le panneau de bois et quelqu'un, une
frêle silhouette indistincte, lui ouvrit. D'un
bond, il se faufila à l'intérieur et le battant
claqua dans la nuit.
Otero, encore sous le choc, mit quelques
secondes à se ressaisir puis fila à toute vitesse
en direction de chez lui, bien décidé à se glisser
au lit et à n'en plus bouger jusqu'au lendemain.
(à suivre...)
STÉPHANE VENANZI
FROUSSE DANS LA BROUSSE UNE ROCAMBOLESQUE RÊVERIE DE BERNARDO OTERO
Une pluie fine cinglait les façades blafardes
des bâtiments. Sur les trottoirs, les rares
passants se hâtaient de circuler, déjà
trempés. Sans réfléchir, ils s'engouffraient
dans le premier café venu ou dévalaient les
escaliers de la bouche de métro toute
proche. Partout, l'activité humaine se raré-
fiait à vue d'œil jusqu'à sembler vouloir
définitivement disparaître. Bientôt, la rue
fût effectivement complètement déserte,
glissant doucement dans une torpeur froide
et humide. C'est alors que retentit avec
fracas une effrayante alarme, un son d'une
stridence à vous écorcher les tympans...
LES ÉDITIONS DE LA SAUCISSE ET DU SAUCISSON
phone alto), nommé en hommage à Marshall
Walter Taylor, cycliste afro-américain de re-
nommée internationale, reviendra, après sa per-
formance de l'année dernière, pour quatre
nouveaux tours de piste, mais à la Cave de
l'«AMR» (donc à l'abri du crachin) cette fois.
Plus précisément, du trente novembre au trois
Suite de la page 28...
décembre. Notez-le déjà dans votre agenda.
Vous ne risquez pas d'être déçus !
Quant à «Country Cooking, jazz sud-africain &
plus», formation relativement récente (son pre-
mier concert s'est tenu le samedi vingt-quatre
mai deux mille quatorze lors des «Jours de
fêtes aux Grottes»), elle est composée de Ian
Gordon-Lennox au tuba et aux arrangements,
Béatrice Graf à la batterie et aux compositions,
Ludovic Lagana à la trompette, Yves Massy au
trombone et aux compositions et enfin Aina
Rakotobe au saxophone alto et aux arrange-
ments (quant à l'intrus sur la photo, c'est, si je ne
m'abuse, le tromboniste Christophe Legrand).
Quoi qu'il en soit, et comme vous pouvez le
constater par vous-même, pour peu que vous
traîniez un peu au Sud des Alpes : que du beau
monde ! Ce qui est déjà plutôt réjouissant. Et
l'autre bonne nouvelle, c'est que vous n'aurez
pas à attendre jusqu'à la fin de l'année pour les
écouter, eux. «Country Cooking» se produira le
dix-huit septembre déjà à l'«AMR».
Qu'y a-t-il de plus con qu'un mauvais film
hollywoodien ? Deux mauvais films holly-
woodiens, me répondrez-vous peut-être, non
sans malice... Pourtant, il existe encore bien
pire que ça ! Pire même que la sale manie
typiquement US des sequels, des prequels et
des trilogies. Vous ne devinez toujours pas ?
Eh bien ! je vais vous le dire : un mauvais film
hollywoodien tourné par des thaïlandais !!
Parce que ça existe ? me demanderez-vous
assurément, pour le moins incrédules. Hélas !
Et afin de vous en convaincre, il vous suffira de
jeter un oeil à «Sema the warrior», de Tanit
Jitenkul — ah non ! je l'ai mal orthographié,
excusez-moi : Tanit Jitnukul.
Donc, Smegma (ce n'est pas une coquille cette
fois, mais une blague foireuse !) est forgeron
malgré lui, pour aider son pauvre papa malade
à rembourser ses dettes, alors qu'il rêve au fond
de son coeur fougueux comme une mer
déchaînée un jour de tsunami de devenir soldat
(quand je pense qu'en Suisse, il y a près de
trente ans, on avait déposé une initiative pour
supprimer l'armée, le monde est quand même
mal fait, vous ne trouvez pas ?). D'ailleurs,
Joseph Staline en personne (cameo financé par
le «CPT») veut le recruter mais le sens du
devoir (sans Michelle Yeoh) est le plus fort et
Smegma (oui, ça m'amuse follement, que
voulez-vous ? Je ne suis qu'un pauvre critique
frustré qui rêve de devenir metteur en scène
afin de pouvoir se taper plein d'aspirantes
actrices au quotient intellectuel avoisinant le
zéro absolu et peut-être même, un jour, bar-
boter dans une flaque de ciment pour atteindre
à l'immoralité... pardon, l'immortalité !) bref,
Smegma décline l'offre. Surgit alors un crétin
armé d'un marteau en balsa et un ancien cama-
rade à la coiffure improbable de footballeur
professionnel qui s'allient à notre zéro pour
reformer les trois Stooges, l'humour et le talent
en moins.
Bon, j'abrège un peu parce qu'on s'emmerde !
Un jour, au marché, Smegma fait la connais-
sance de la princesse Reraï (dont le blaze, pro-
noncé à la nippone, devient Lélaï — mais que
fait Luke Skywalker ?! N'importe quoi, ndlr).
Donc, les deux se croisent et, comme l'histoire
est puissamment originale, le petit forgeron mal-
gré lui tombe éperdument amoureux de la noble
mais pas snob pour un baht damoiselle (et évi-
demment, le coup de foudre est réciproque,
sinon le film s'arrêterait là ou faudrait inventer
quelque chose d'intelligent pour continuer !).
Comme c'est tellement beau qu'on en pleurerait
presque !
Malheureusement pour les deux tournedos (tour-
tereaux, ndlr), «ce mariage ne doit point se
faire, ni demain ni jamais», comme dirait un
personnage alessandro-manzonien que j'ai bien
connu autrefois, car ils ne sont pas du même
monde, faudrait voir à ne point l'oublier, et
voilà que s'interpose tout aussitôt (pour nous le
rappeler justement !) le perfide Moon Khan,
prétendant officiel de la nénette.
Horreur et consternation ! J'en suis complète-
ment boulversifié tant c'est terrorifiant !
Heureusement pour les deux fricandeaux (idem
que ci-dessus, ndlr) et soupir de soulagement
devant les télévisions, plutôt que de se lancer
sur un terrain glissant qui pourrait même nous
amener (le cas échéant) à remettre en question
les castes ou les privilèges des puissants, voilà
que la fée Hollywood (qui ne vaut pas la fée
Dulogis et encore moins la fée Lation !) s'em-
presse de passer par là répandre sa poudre aux
yeux. Ainsi Smegma, devenu entretemps guer-
rier rebelle (?), grâce à sa bravoure au combat,
est prestement anobli pour affronter le chef des
armées ennemies et, l'ayant vaincu après avoir
passé une raclée au fourbe Moon Khan, devient
une légende nationale. Il peut donc enfin espé-
rer tremper son biscuit là où il l'entend sans
qu'on vienne lui marcher sur les pieds ou lui
briser autre chose. Eh oui !, tout ça pour ça. On
est peu de chose quand même !
Quant au reste de l'histoire, étant à l'avenant, je
vous en fais grâce. Pas besoin de me remercier,
ça commençait aussi à me fatiguer, ces con-
neries. Pour conclure en vitesse, c'est tellement
pourri ce machin qu'on ne peut même plus
parler de cinéma à propos de pareille mélasse.
Entre les erreurs de continuité et les béances
scénaristiques, on croirait regarder la compila-
tion pour «grand écran» d'une télénovelas lo-
cale. Un remontage hâtif, en un peu moins de
cent vingt minutes, des initiales dix heures
d'épisodes. Et pourtant, malgré le rendu propre-
ment hideux (ça semble tourné au camesco-
pe — et sans trépied, qui plus est !), les acteurs
lamentables et les effets spéciaux conçus avec
un Amiga 500 (le serpent dans la jungle !!), il
s'agit bien d'un long métrage. Pour dire à quel
point le septième art, à l'instar du monde glo-
balisé, est foutrement malade.
A l'heure de la non-communication instantanée
(où vos interlocuteurs se sentent sociétalement
tellement obligés de vous répondre dans les
plus brefs délais que, s'ils sont pris par autre
chose, ils y renoncent purement et simplement,
vous laissant seul comme un crétin face à votre
requête), l'ironie de vous parler d'un numéro de
«Jazz Magazine Jazzman» que j'ai reçu ce
matin même par courrier mais qui ne sera déjà
plus en kiosque lorsque vous téléchargerez
cette troisième «Machine à démonter le temps
et l'espace» n'est pas pour me déplaire.
Mais ceci mis à part, pourquoi parler justement
de ce numéro six cent septante-cinq, d'août
deux mille quinze ? Parce que, outre les habi-
tuelles rubriques et interviews, toujours aussi
intéressantes, on y trouve un dossier intitulé
«Jazz, soul & cinéma» dont les deux princi-
pales qualités sont (non pas l'iconographie cha-
toyante, il y manque une photo de Pam Greer
topless pour ça — tiens, du coup, ça me donne
envie de vous l'offrir... Non, ne me remerciez
pas, ça me fait plaisir aussi !) dont les deux
principales qualités sont, disais-je, la concision
et l'approche «technique» des interventions. On
peut ainsi lire, entre diverses choses passion-
nantes, un papier sur la conception et la com-
mercialisation de la BO du «Sweet sweetback's
baadasssss song» de Melvin van Peebles et un
autre, sur l'astucieuse utilisation (à mettre sem-
ble-t-il au crédit du réalisateur Larry Cohen) de
la musique composée par James Brown (et
Fred Wesley) pour (pas vraiment, en fait)
illustrer le génialissime «Black Caesar».
A noter, que cet usage «diégétique» (c'est le
nom savant !) de la musique était déjà de mise,
quatre ans plus tôt, dans le «More» de Barbet
Schroeder mais s'avérait franchement plus
frustrant, tant les compositions de «Pink
Floyd» constituent le seul attrait de cette fable
qui se veut morale. Là, en revanche, on ne s'en-
nuie pas une minute durant l'ascension âpre et
violente de ce «Parrain de Harlem» (le titre
français) et encore moins lors de sa fin minable
dans un terrain vague. Une séquence d'une
ampleur opératique, un temps scandaleusement
écourtée par le distributeur (ou le producteur ?)
pour permettre, vu le succès fulgurant du titre,
la réalisation instantanée d'une suite, le complè-
tement raté «Hell up in Harlem».
Pour en revenir au dossier, et malgré tout le
bien que j'en pense, je trouve cependant regret-
table l'absence (quoique paradoxalement, il soit
peut-être le musicien le plus cité) d'un article
sur Curtis Mayfield, de même que les trop
nombreux renvois (burp !) à Quentin Tarantino,
poseur agaçant dont la notoriété semble être da-
vantage due au bla-bla pseudo-polémique qu'il
suscite, qu'à la qualité (toute relative) de son
cinéma.
UNE AVENTURE DE SKIPPY : LA MALÉDICTION
DE LA POUPÉE, par François Dimberton
Cet album, actuellement indisponible (et de
toute façon très cher, comme toutes les publi-
cations de cet éditeur), a toutefois le mérite de
réparer (en partie du moins) l'une des grandes
injustices de l'histoire de la BD franco-belge :
le non-succès (et par conséquent, la non-reprise
en album) des mirifiques histoires créées durant
les années huitante par François Dimberton.
Ainsi, il propose (outre deux brefs essais de six
et huit pages) l'époustouflante aventure du so
british Skippy et de son majordome, le facé-
tieux babouin Master Jeeves (accompagnés de
Sally Pudding, la reine des collectionneuses),
qui donne son titre au recueil (et qui avait été
initialement publiée dans les numéros neuf cent
septante-six à neuf cent septante-huit de «Pif
Gadget»). Une enquête pleine de rebondisse-
ments, feuilletonesque en diable, qui n'est pas
sans rappeler celles menées par Harry Dickson
sous la plume échevelée de Jean Ray, tant par
les ambiances savamment fantastiques qui y sont
distillées, que par son goût pour les décors inso-
lites ou son intrigue exquisément tarabiscotée.
LA MÉCANIQUE DES LETTRES, par Un homme
de lettres anonyme
Quelque part entre «Le postier» de Bukowski
et «Jour de fête» de Tati, un témoignage (dou-
blé d'une réflexion) intéressant sur le métier de
facteur, son rôle social mais aussi l'automati-
sation des tâches, la dévalorisation des compé-
tences humaines, etc.
De quoi se poser quelques questions perti-
nentes à l'ombre du bananier, tout en sirotant
une bonne tasse de thé...
Brochure (à l'instar de beaucoup d'autres) télé-
chargeable gratuitement sur le site www.info-
kiosk.net (pour faciliter votre recherche, elle est
répertoriée sous la rubrique «Critiques du tra-
vail»).
A partir du deux septembre (et jusqu'au dix-
huit octobre), la «Fondation Baur», musée des
arts d'Extrême-Orient, propose de découvrir
une série de pièces créées par Jean Girel, sous
l'intitulé : «Retour aux sources, la céramique
Song».
Parallèlement, et pour la quatorzième fois de-
puis sa création en mille neuf cent huitante-
neuf, Carouge organise, du dix-neuf au vingt-
sept septembre, son «Parcours céramique».
Vaste panorama de la production contemporai-
ne (vingt-cinq lieux d’exposition, quarante-cinq
artistes provenant de douze pays différents),
que complètent démonstrations, conférences et
même projections de courts métrages.
Pour le programme détaillé :
www.parcoursceramiquecarougeois.ch
La machine à démonter le temps et l'espace est éditée par «Les éditions de la saucisse et du saucisson» et paraît dix fois par année. Numéro 3, septembre 2015 Tous les textes sont de Stéphane Venanzi. Quant aux photos, qui demeurent la propriété exclusive de leurs ayant-droits, elles sont reproduites ici uni-quement à titre d'exemple. Abonnement pour 1 année (10 numéros) : 20 francs suisses à verser sur le CCP 87-190546-6 au nom de Stéphane Venanzi.