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La Mémoire des Forges Témoignage de Claude Brohée - 1 Musée ‘de la Porte’ Musée d’Archéologie, d’Art et d’Histoire de Tubize et sa région

La Mémoire des Forges de Clabecq. Témoignage de Claude Brohée - 1

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Claude Brohée, ancien responsable des hauts-fourneaux des Forges de Clabecq nous livre ses souvenirs.

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Musée ‘de la Porte’Musée d’Archéologie, d’Art et d’Histoire de Tubize et sa région

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Avertissement

Le témoignage qui suit est un témoignage personnel qui n’engage que son auteur. Il fait partie d’un projet global sur «la Mémoire des For-ges de Clabecq», initié par le Musée ‘de la Porte’ à Tubize. Il n’a de sens que dans ce cadre, confronté à et éclairé par d’autres témoigna-ges. Il est uniquement destiné à figurer, parmi d’autres, sur le site Internet du Musée consacré au projet (www.museedelaporte.be).

Si vous utilisez ce témoignage ou des parties de celui-ci, vous êtes tenus de citer votre source :

Témoignage de Claude Brohée «La division des hauts-fourneaux des Forges de Clabecq a été toute ma vie pendant près de 30 ans ! (1961-1990)», extrait du site Internet consacré à la Mémoire des Forges de Clabecq par le Musée ‘de la Porte’ à Tubize (www.museedelaporte.be), consulté le ...

© Musée ‘de la Porte’ - 2012

Illustration de couverture : La ligne des HFx au début des années ‘60. On y distingue : - les 5 Hfx avec leurs appareils cowpers, - les 3 cheminées, - le château d’eau canal en béton (le château d’eau rivière n’est pas visible), - à l’avant-plan la passerelle couverte abritant les courroies transporteuses amenant les minerais criblés vers les Hfx, - la conduite à gaz de Hfx alimentant les fours de l’agglomération.

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Claude Brohée témoigne :La division des hauts-fourneaux des Forges de Clabecq a été toute ma vie pendant près de 30 ans !

(1961-1990)

Témoignage

J’ai dû la quitter il y a maintenant 22 ans étant entré en conflit frontal avec le tout nouveau Directeur Général, Monsieur Hu-bert Galant, dont je ne pouvais, sans dia-logue, partager les objectifs. Je n’ai pas supporté ses méthodes dictatoriales. J’ai été licencié avec indemnités et ai repris du service à Liège, chez Cockerill huit mois plus tard.Deux ans après cela, 24 cadres des Forges ne supportant plus eux non plus ce Directeur, ont adressé un courrier cosigné à Mr Pierre Dessy, le 16/11/1992. Dès le 28/11/1992, il ne faisait plus partie du personnel. Tout cela aurait pu se passer tout autre-ment. Mais était-il encore possible de re-dresser la barre à cette époque ? On aurait certainement pu retarder l’échéance. De combien de temps ? ! Quoi qu’il en soit, je continue à penser très souvent aux Forges. De 1961 à 1975, j’ai pu y mener une série d’actions de remise à bon niveau technique de la division HFx. Cette belle période a culminé avec la mise en service du 6e HF des Forges en 1972.

Ce HF, moderne, très bien équipé, a finale-ment pu produire seul plus de 3000 tonnes/jour calendrier de fonte en marche héma-tite. On a même atteint 3500 tonnes/jour

après la faillite des Forges de Clabecq et le redémarrage par Duferco. Le rapport d’audit rendu en janvier 1996 par le Bureau Laplace Conseil, globalement terriblement critique et accablant pour la direction des Forges, en soulignera encore les qualités (voir documents en annexe 1 et 1 bis). Malheureusement, dès 1974, la crise s’est abattue sur la sidérurgie européenne. Des réductions de capacité de production, in-dispensables au redressement du marché de l’acier, ont été imposées en contre-par-tie des aides d’Etat. Il s’en est suivi, pour les FDC, la mise à l’arrêt définitif des la-minoirs à produits longs et des vieux trains à tôles de l’usine de Clabecq qui n’étaient évidemment pas parmi les plus modernes ni les plus performants. La division HFx s’est donc trouvée en état de surcapacité. Les investissements y ont été bloqués durant 15 ans et les maigres budgets disponibles ont été justement réservés à l’amélioration de l’aval sans que l’on puisse aller assez loin. Les cadres des HFx (mais pas seulement des HFx) ont dû gérer le chômage partiel et les dégraissages progressifs des excédents de personnel. Certains l’ont fait sans état d’âme, personnellement j’étais honteux d’y participer. J’ai très mal vécu cette période. Lentement mais sûrement, cette sale beso-gne, sans perspectives aucune, m’a conduit

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HF6, avant 1976, absence de second bassin à laitier à l’avant-plan

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à une sérieuse dépression. Identifiée début 1986, je n’en suis sorti qu’avec l’aide très efficace du Professeur J.-P. Rousseaux, que Monsieur Pierre Dessy m’avait conseillé. En 1988, j’avais entièrement récupéré, d’autant que la situation économique sem-blait s’améliorer.

Mon parcours professionnel aux For-ges de Clabecq

J’ai donc fait partie du cadre de la division HFx des FDC depuis le 1er juin 1961 jus-qu’au 6 mars 1990. Nonante pour cent des efforts obstinés que j’ai poursuivis durant toute ma carrière aux HFx a eu pour ob-jet d’améliorer la fiabilité et la stabilité de marche de nos HFx et leur niveau de perfor-mance et de sécurité. J’en ai été nommé Chef de service en juillet 1970 et Ingénieur principal en juillet 1975. Sortant du servie militaire, j’avais 26 ans à mon arrivée aux HFx, j’ai découvert que, dernier ingénieur engagé pour cette divi-sion, j’étais le 5e !: il y avait au-dessus de moi un Ingénieur principal HFx + Traction de 62 ans, un Ingénieur Chef de service des HFx de 41 ans, et deux ingénieurs civils de 39 et 38 ans. Le cadre comprenait en outre deux ingénieurs techniciens à la toute nou-velle agglomération Smidth. Pour le reste, tout l’effectif d’encadrement, fabrication comme entretien mécanique, ne compre-nait que des hommes sortis du rang. Ces hommes sortis du rang étaient presque tous de qualité, voire de très grande qualité. Plusieurs d’entres eux, s’ils avaient pu faire des études, seraient devenus de bons ingé-nieurs. A cette époque les Forges étaient une usine dangereuse, et les HFx l’étaient particulièrement. Mais si tous les jours il y avait des problèmes et trop souvent de gra-ves problèmes, l’avenir ne posait aucun pro-blème. A Clabecq, si on osait y entrer et si on était capable de s’y maintenir, on faisait toujours une carrière complète et jamais l’usine n’abandonnait un ouvrier méritant, un contremaître usé prématurément. La fin de carrière, sans perte de salaire, était

assurée dans un travail allégé fortement si nécessaire. Cette attitude était payée en retour d’un dévouement total. Bons salai-res et heures supplémentaires nombreuses attiraient les plus courageux. Parmi les plus intelligents d’entre eux, il était facile de repérer les contremaîtres de demain. L’adversité, le danger soudent les hommes. A cette époque, début des années ‘60 : 5 HFx, 5 incidents majeurs tous les ans. Cha-que HF avait son gros pépin annuel : pas moins qu’un blocage de creuset provoquant un arrêt de 15 à 21 jours de production, ou au contraire, une percée de creuset. Une grosse quantité de coulées étaient diffici-les avec des routes encombrées, difficiles à dégager. Dès 1964, j’ai avancé des idées, neuves pour Clabecq, à ce sujet et mené une série d’actions qui ont permis de sortir progressi-vement de cette situation. Cela fera l’ob-jet d’une seconde note. Mais revenons à la situation de l’époque. Il y avait, au premier incident, un signal sono-re qui appelait les renforts au HF concerné, immédiatement. Ce signal était audible du personnel de tous les HFx, de quelque HF

Four Smidth n° 1

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Four Smidth n° 1, avec à l’arrière-plan le four n° 2. Le réchauffeur Setrem et les conduites d’air et de gaz sont visibles à l’avant-plan.

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qu’il provienne. C’était le «coup de boule». Il y avait sur la circulaire à vent chaud de chaque HF une soupape, la «boule», dont l’ouverture émettait un bruit typique. Au HF1 on appelait par un coup de boule, au HF2 par 2 coups de boule, etc. Et immé-diatement, de chacun des autres HFx arri-vait un fondeur en renfort. Si nécessaire, le contremaître pouvait faire appel en plus à la brigade des manœuvres, à la brigade de l’ «aérien» (évacuation du laitier), et en plus à du personnel appelé de la charge si le problème entraînait un ralentissement pro-longé, voire un arrêt. Il y avait énormément de choses à faire pour améliorer la situation, et beaucoup a été fait entre 1959 (peu avant mon arrivée) et 1974. A ce moment tous les investisse-ments ont été stoppés. Ca a duré 15 ans et pourtant, hélas, il restait beaucoup à faire. Des projets essentiels n’ont jamais obtenu le feu vert par manque de moyens finan-ciers, mais aussi, et même surtout, suite au temps incroyablement long que mettait la haute Direction à admettre leur nécessité et leur utilité. Toujours les moyens financiers existaient au moment de l’introduction des dossiers. Souvent, après avoir trop traîné, on finissait par ne plus les avoir. Pourtant la période financièrement glorieuse à Clabecq avait déjà débuté dès 1945, 15 ans avant les golden sixties. Mais alors, dans l’euphorie des bénéfices plantureux, on n’a pas réalisé d’investissements innovants et en 1959, si on s’est équipé d’un concassage-criblage de minerais, c’est contraint et forcé. Les minières lorraines, elles, s’étant équipées. L’abattage y avait été très fortement mé-canisé, entraînant une modification de la granulométrie des minerais comportant à la fois de très gros morceaux qui bloquaient dans les circuits de chargement des HFx et nettement plus de fines dont les HFx n’ont jamais été friands. Après avoir été à la pointe, en 1914 et même en 1920, on était à la traîne en 1960. Pour le comprendre, il faut se référer à l’histo-rique de l’évolution de 1910 à 1972 de la division HFx, objet d’une autre note. En très bref, disons ici simplement que l’usi-

ne avait traversé deux guerres, 14-18 et 40-45, et une crise économique très profonde, celle des années 30, toutes périodes très peu propices à l’investissement industriel. La guerre 14-18 avait été, pour Clabecq, une épreuve particulièrement grave, puis-que survenant deux ans seulement après le démarrage de la nouvelle usine de l’époque, elle l’avait laissée très gravement déman-telée. Quoi qu’il en soit, l’agglomération a été trop longtemps considérée aux Forges comme «un mal nécessaire», malheureuse-ment finalement inévitable et auquel on a essayé de consacrer aussi peu d’argent que possible dans un premier temps. Après un premier four Smidth, mis à feu en 1960, on en a construit un 2e mis à feu en 1964. Ceci malgré les très mauvaises performances du premier, véritablement niées par une Direc-tion obstinée. C’est un fait. Et la lutte franche qu’a mené Mr Ferdinand Malaise, Ingénieur entré aux HFx en 1952 pour le faire reconnaître, lui a valu d’être poussé dehors. C’est parce que la décision de l’éli-miner était prise qu’on m’a engagé en 1961. Dès 1963, on m’a attribué la maison d’usine qu’il occupait, malgré quoi nous sommes restés amis jusqu’à son récent décès. Res-tons-en là sur ce sujet, ma troisième note traitera de l’historique de l’agglomération aux FDC. Dans la période 1974-1980, les FDC ont néanmoins retrouvé le statut d’usine à la pointe du progrès, grâce au démarrage de l’aciérie à l’oxygène en 1964, bien qu’on ai commis l’erreur de continuer à y traiter des fontes phosphoreuses et donc à produire de l’acier « Thomas » jusqu’en 1991 (malgré l’arrêt total de la vieille aciérie Thomas en 1969). C’est surtout au démarrage d’une première ligne de coulée continue en 1974, la première en Belgique, et malgré la crise, de la deuxième dès 1978 que Clabecq doit d’être revenu au devant de la scène. A ce moment, Clabecq a été la première usine sidérurgique belge dont 100 % de la produc-tion était issue de la coulée continue. Liège ne démarrait sa première ligne de coulée continue qu’en 1983 et sa deuxième seule-ment en 2001. Sidemar elle-même, usine

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moderne puisque créée à partir de 1962, est restée longtemps dépourvue de coulée continue. Après un gros effort d’informati-sation de toute la chaîne de production, les Forges ont pu être la première entreprise sidérurgique au monde à recevoir, grâce au système de contrôle de qualité mis en place dans toute la chaîne de production, la certification du bureau Veritas le 30 mars 1987. J’espère que d’autres, plus qualifiés que moi pour en parler, sortiront une note à ce sujet. Mais l’annexe 2 met déjà claire-ment en évidence son importance. C’est à monsieur Paul Meuleman, ancien ingénieur principal laminoir que nous la devons. Elle est extraite du bulletin technique Veritas de septembre-octobre 1987. Hélas Clabecq était dès l’époque une sidérurgie de pointe aux pieds d’argile (une note séparée sera développée sur ce point). A cette époque, les HFx, eux, attendaient puisque la division était devenue surpuissan-te après l’arrêt de tous les vieux laminoirs de Clabecq. Qu’allait-on pouvoir conserver à part le HF6 ? Dès 1974, j’ai pensé positi-vement à une marche HF6 seul. Ce HF avait d’ailleurs été implanté pour permettre de passer d’un diamètre de creu-set de 7 m 50 à un diamètre de 9 m très facilement et économiquement. En effet, en 1970 la Direction n’envisageait certai-nement pas l’abandon des produits longs ni des vieux laminoirs à tôles. A la marche à un seul HF, d’autres ont pensé aussi, mais négativement car la marche à un seul HF n’est pas sans poser certains problèmes. Ces problèmes étaient solutionables et une marche à un seul HF était possible en tou-te sécurité moyennant certains investisse-ments et elle aurait été plus économique : mise au mille plus basse, personnel plus ré-duit. Certains ont préféré réduire l’allure du HF6 pour garder plusieurs HFx à feu si-multanément. Finalement, cette marche à un seul HF a été pratiquée sans que les investissements nécessaires ne soient réalisés. D’abord de façon épisodique, dès la deuxième moitié des années 1970 : 4 mois sur 12 en 75, 5/9 en 76 (arrêt de 3 mois du HF6 pour réfec-

tion et installation du 2e trou de coulée), 6/12 en 1977, parce que la production à réaliser ne permettait plus d’y échapper. Ensuite c’est devenu la règle et on s’en est tiré parce qu’on a pu, toujours, compter sur du personnel dévoué, qui n’a jamais reculé (fui) devant le danger, et aussi, et peut-être surtout parce qu’on a toujours eu de la chance. Je possède la relation de pas mal d’incidents qui auraient pu se transfor-mer en catastrophes graves en l’absence de quelques hommes au caractère bien trem-pé. Quoique véritablement furieux de cet état de fait, j’ai, moi aussi, toujours fait tout ce que je pouvais pour que cela mar-che quand même avec les moyens du bord. J’aurais peut-être dû mettre les syndicats au courant. Je ne m’y suis jamais résolu.

Quelques faits pour essayer de faire comprendre

Pour essayer de faire comprendre dans quelle très longue et très fatigante, usante lutte j’ai été engagé, je me contenterai de relater brièvement :

1. la saga non aboutie du groupe diesel de secours vent2. la saga non aboutie du gazomètre de gaz de HF3. la saga victorieuse de la création d’un véritable dispatch gaz de HFx aux HFx4. la saga partiellement aboutie de la mo-dernisation du réseau gaz des HFx.De ces quatre sagas, je possède toujours les dossiers complets.

1. la saga non aboutie du groupe diesel de secours vent

Les ingénieurs HFx ont défendu, en bloc, la nécessité d’un tel groupe pour assurer le balayage de l’ensemble du réseau vent froid de tous les HFx dès le milieu des an-nées 60. Pourquoi et pourquoi à ce mo-ment ? Parce que, si jusqu’en 1964 tous les HFx étaient encore soufflés à l’aide de

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soufflantes à piston entraînées par moteur à gaz de HFx, progressivement ces machines Cockerill, datant de 1909 pour deux d’entre elles et de 1924 et 1930 pour les autres, ont été remplacées par des turbo-soufflan-tes, toutes plus puissantes que nos ancien-nes soufflantes et capables de fournir des débits nettement plus élevés, mais toutes entraînées par moteurs électriques, donc toutes susceptibles de tomber à plat simul-tanément en cas de déclenchement élec-trique général (voir partiel). Pourtant nous n’avons jamais obtenu ce groupe diesel de secours, dont la commande finalement si-gnée par tous les responsables HFx, par le Directeur technique de l’époque et le res-ponsable du Service électrique a été arrê-tée par, Monsieur Collin, Directeur général de l’époque, le 12/12/1970. Il en aurait coûté 5,5 million de FB. Le coût total de la construction du HF6, démarré en 1972, a été de 1.200 millions de FB. Cette sécurité représentait donc 0,45 % de l’investisse-ment engagé dès 1970. Quelle économie ! Une fois cette décision « remarquable » pri-se, la Direction s’est obstinée à développer une solution de substitution compliquée qui n’a jamais été ni vraiment sérieuse, ni ef-ficace. Mais bon, avec de la chance, beau-coup, personne n’en est mort.

2. la saga non aboutie du gazomètre de gaz de HFx

Jamais nous n’avons non plus obtenu l’ins-tallation d’un gazomètre à gaz de HFx qui aurait été bien utile à plus de sécurité d’ex-ploitation lui aussi et aurait dû faire partie de l’investissement de la nouvelle centrale démarrée à Ittre en 1964. Pourtant finale-ment la Direction a reconnu que son payback était de 3 ans. Mais, déjà alors, les Forges étaient pauvres comme Job et dépendaient du pouvoir politique pour investir (lettre de la Direction des Forges au groupement de la sidérurgie en octobre 84 et déjà en 82 : compte rendu du Conseil d’Entreprise du 20/08/1982 qui sera cité plus loin).

3. la saga victorieuse de la création d’un véritable dispatch gaz de HF aux HFx

Victorieuse, mais après plus de 12 ans de lutte contre tous les opposants dont le Di-recteur technique de l’époque et le Chef de service de la Centrale, « pivot » énergie bien sûr, etc. En l’absence de groupe Die-sel de secours vent et de gazomètre de gaz de HFx, il était devenu encore plus impéra-tif de disposer d’un dispatch du gaz de HFx dans l’usine. Et ce aux HFx mêmes bien évidemment. Sans attendre l’existence de la salle de contrôle du HF6, cette de-mande je l’ai personnellement introduite le 20/3/1968. Le rapport de l’époque com-mençait comme suit «il est grandement souhaitable de créer aux HFx un embryon de dispatch gaz». C’était devenu possible en s’appuyant sur le poste de commande à distance des trois Cowpers du HF5 et no-tamment de leur chauffe. A cet endroit se situait aussi la torchère permettant de résorber les pointes de pression qu’il fal-lait absolument rabattre en l’absence de gazomètre et résultant de tout défaut de consommation instantanée par rapport à la production instantanée de gaz des Hfx. Je passe tous les détails d’une lutte qui a duré 12,5 ans. La mise en service d’un véritable dispatch gaz donnant aux HFx, dans la salle de contrôle du HF6, la maîtrise immédiate si nécessaire de toutes les consommations externes à la division, a eu lieu enfin le 10/12/1980.

4. la saga partiellement aboutie de la mo-dernisation du réseau gaz de HFx

A mon arrivée à Clabecq en 1961, le réseau gaz de fourneau s’étendait du HF5 au four d’agglomération n° 1 et du HF1 jusqu’à la tréfilerie à travers l’aciérie Thomas et les laminoirs de Clabecq. Il était extrêmement ramifié. Malgré quoi il n’en existait aucun plan d’ensemble. Je l’ai fait établir en y re-portant tous les organes de sectionnement, vannes, cloches sèches, cloches hydrau-liques, joints hydrauliques, surpresseurs,

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désintégrateurs, organes de purge : pipes gaz, purges d’eau, et organes de protection contre les fortes surpressions : marmites et clapets d’explosion. En 1964, ce réseau s’étend en plus vers la nouvelle usine, centrale d’Ittre, aciérie LDAC et laminoirs d’Ittre. Ce nouveau ré-seau, plus simple, n’est pas conçu de façon plus moderne, sauf qu’il est muni de deux vannes à lunette manœuvrées par l’entre-tien des HFx. L’une commande la branche aciérie + centrale, l’autre celle des lami-noirs d’Ittre. Chacune de ces deux vannes modernes assure, après fermeture, un iso-lement garanti 100 % du réseau qu’elle pro-tège en aval. La pression dans le réseau gaz reste inchangée, tributaire de la capacité des désintégrateurs desservant les épura-tions des petits fourneaux d’une part et de la limite des gardes hydrauliques et des pi-pes de l’autre. L’entrée en piste du HF6 en 1972, ne change rien sauf l’ajout d’une nou-velle torchère sur le réseau propre du HF6. La torchère préexistante au HF5 n’est, dans un premier temps, plus utilisée.Ce réseau est potentiellement dangereux.

Rien qu’aux HFx, il comporte, en 1975, 33 cloches hydrauliques et joints hydrauliques de garde peu élevée et 3 collecteurs de gaz, un à l’avant dédoublé à la Centrale Clabecq et deux à l’arrière des HFx. Ces derniers sont situés à un niveau inférieur à celui des planchers de travail des HFx en-dessous desquels ils passent et ces condui-tes qui sont soumises à une atmosphère très humide datent dans la section HF1 et HF2 d’avant la guerre 14-18. En septembre 1975 on en est encore qu’à l’indice C de ce plan créé le 5/2/68, lorsque je propose, note du 8/9/75, la rénovation de ce réseau vétuste. Réponse : pas réalisable pour le moment. On ne fera donc rien que supprimer quel-ques pipes non indispensables, remplacer des braséros par un traçage vapeur des cloches hydrauliques dont l’approvisionne-ment en coke de chauffage contre le gel coûtait l’emploi d’une brigade de maçons y affectée tous les hivers jour et nuit. On placera aussi quelques bouche trous tempo-raires ou définitifs pour condamner toutes les sections non absolument nécessaires. Malgré l’appui de Mr Quairiaux à la note

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du 8/9/75, aucune modernisation sérieuse ne sera menée. Finalement en 1982 trois premiers tronçons de conduite à gaz seront démontés en même temps que l’on rase le HF5. En septembre 79 on était à l’indice N du plan du réseau gaz de HFx. On était bien parti pour épuiser l’alphabet pour de pe-tites actions, des peccadilles. Abrégeons. Finalement le réseau gaz des HFx a été sim-plifié à la longue ne laissant subsister pour desservir les petits HFx (I à V) que deux col-lecteurs, un à l’avant et un à l’arrière ali-mentant les Cowpers. Le schéma de juillet 1990, comparé à celui de 1968 met en lu-mière des améliorations et simplifications obtenues. Il faut avoir l’œil averti pour remarquer que si la conduite vers l’agglo-mération, ainsi que celle vers le broyage-séchage de charbon et le collecteur avant sont commandés par une vanne à lunette, il n’en est encore rien pour la conduite des Cowpers.

Quelques extraits chocs caractéri-sant l’ambiance de l’époque

J’ai personnellement consacré beaucoup de temps et d’énergie à tout cela. Pour en donner une petite idée, je dirai simplement que je possède toujours copie des 28 rap-ports plus ou moins volumineux consacrés à la sécurité gaz et à la sécurité vent et les rapports des incidents plus ou moins graves qui ont permis de relancer périodiquement le débat sur les quatre sagas pendant plus de 20 ans. Ces documents, je les ai récupérés fin 2009. Ils avaient survécu, contrairement à beau-coup de mes archives techniques, à ma « disparition » début 1990 et au déménage-ment des bureaux des HFx. En effet, ceux-ci ont été utilisés pour recevoir les équipe-ments électro-techniques complémentaires nécessaires aux aménagements du HF6 pour son passage en production de fonte héma-tite, fin 1991, après un arrêt de 104 jours.

Les Forges de Clabecq aux environs de 1964-65 vues du Canal Charleroi-Bruxelles.

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Ces documents, pour mes successeurs com-me pour moi, pouvaient être fort utiles à établir, en cas de besoin, qui devait être tenu pour responsable de l’absence de cer-tains équipements de sécurité. Pour donner une petite idée de l’ambian-ce de l’époque, je me contenterai de ci-ter quelques extraits chocs de ces rapports adressés à Monsieur Decamps, Directeur technique. De celui du 8/1/80, point C : les plaquet-tes (détectrices de la présence de CO) « Mr Houdart et moi considérons celles-ci com-me fort peu sûres et irons jusqu’à dire que les utiliser c’est un peu faire semblant de faire de la sécurité » … « Nous continuerons à dire notre opposi-tion à l’emploi des plaquettes, avec plus d’énergie si nécessaire. Ce que nous récla-mons, ce sont des détecteurs mesureurs de CO avec alarme automatique : un détecteur fixe multipoints et deux détecteurs porta-tifs. Ce n’est pas si énorme ! » (100.000 BEF par appareil en 1979). « Je regrette d’ailleurs fort que, lorsqu’on en discute, on discute de mes rapports hors de ma présence !Je pense qu’un contact direct et franc se-rait bien plus fructueux et [qu’ainsi] je pourrais faire de moins longs et moins nom-breux rapports, du moins je l’espère ».… « Compter toujours sur des équipes faibles, parfois incomplètes, pour faire des proues-ses en cas d’incidents graves (et quoi de plus grave qu’un déclenchement général électrique au HF) est une faute »… « Faire courir à de telles équipes le risque de déclenchement général sans secours n’est pas sérieux ». … « Il y a 10 ans que […] je fais des rapports pour obtenir une bonne sécurité vent et une bonne sécurité gaz aux HFx. Je ne peux comprendre la position de la Direction et demande que l’on se réunisse pour en finir avec ces problèmes. Il semble que, malgré mes efforts, on ne perçoit pas bien

la situation en haut lieu. Cela m’étonne vu que les problèmes ne datent pas d’hier et que Mr Quairiaux est bien au courant et partage, pour l’essentiel, mon opinion. » Aujourd’hui, en 2011, je pense que j’aurais dû plutôt écrire « que Mr Quairiaux est bien au courant et me dit partager… ».

Je pourrais multiplier ce type d’exemples. Stop. Un dernier point cependant. Pour mettre tout à fait clairement en évidence où la direction des Forges en était arrivée, je terminerai ce chapitre par une relation du Conseil d’Entreprise du 27/08/1982 au cours duquel la délégation syndicale s’est inquiétée de la marche à un seul HF. Dans le compte rendu, on peut lire : « M. Di Ilio [Délégué CSC]. – Pour en revenir à la marche des HFx, n’y aurait-il pas de problème de gaz avec un seul HF ? Ne fau-drait-il pas avoir un gazomètre ? M. Petit [Directeur général]. – La priorité doit être donnée aux investissements. La marche à un HF ne devrait pas créer de pro-blème. M. Pierre Dessy. – Il n’y a pas de danger. Il est évident qu’un gazomètre serait intéres-sant, on pourrait se passer de la torchère et économiser de l’énergie, mais il faut 80 millions de BEF. »

Les représentants des HFx n’ont pas pris la parole et n’ont pas été interpellés. La di-rection les avaient priés d’être absents et donc fait porter au nombre des « excusés ». Je n’ai cependant pas manqué de réagir à la lecture de ce compte rendu en rédigeant la note suivante que mon adjoint, Mr Hou-dart, a signée lui aussi (annexe 3).

Venons-en à mon licenciement de mars 1990.

Les faits et mon commentaire en 2010 avec pas mal de recul.

Je pense que l’on peut dire qu’il fallait avoir son métier vraiment à cœur pour oser s’adresser à la Direction aussi franchement

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et assez vertement parfois. Je l’ai fait à de nombreuses reprises et ce dès 1964 au pied du HF4, encore recons-truit suivant les standards traditionnels de Clabecq. Ce sera la dernière fois qu’ils auront été utilisés. Après quelques mois de marche, le HF4 venait de subir sa première percée de creuset. J’ai pu dire franche-ment ce que j’en pensais à Mr Pierre Dessy, exceptionnellement descendu sur place. C’est le point d’origine de la série d’actions de modernisation de la Division HFx que je mènerai par la suite. (voir note spéciale à ce sujet).

J’oserai encore le faire en 1989 vis à vis du dernier véritable Directeur général qui venait d’être choisi. Après lui la fonction disparaîtra en effet rapidement après avoir été occupée par quelques éphémères «pa-rachutés» peu motivés. Hubert Galant était mon collègue aciériste depuis 25 ans. Je croyais le connaître. On m’avait dit de me méfier. Je serai viré dans les circonstances suivantes. Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas supporté ses méthodes dictatoriales, je n’ai pas sup-porté son refus de tout dialogue. J’étais excédé de son attitude méprisante consis-tant à ignorer totalement les avis verbaux ou écrits qui ne s’alignaient pas sur sa vi-sion. Il n’était même plus possible d’ob-tenir un échange de vues. Hubert Galant désirait être craint et il l’était de beau-coup. Finalement, pratiquement presque seul à oser lui résister ouvertement, je suis devenu l’homme à abattre pour l’exemple. Dans un premier temps, la plupart des ca-dres ont considéré qu’Hubert Galant allait resserrer les boulons et qu’il allait mettre les syndicats au pas. Ils ont donc soute-nu ses actions brutales de restructuration. Ceci d’autant plus volontiers que ses ac-tions s’accompagnaient d’une révision très importante de l’arbre de commandement qui avait pourtant résorbé naturellement son hypertrophie remontant à 1975.

L’arbre de commandement des Forges avait, en effet, malencontreusement, été gonflé, hypertrophié en janvier 1975.

A cette époque, monsieur Pierre Dessy, Président-Administrateur-Délégué des Forges et son éminence grise monsieur José Petit, depuis des années déjà In-génieur en chef attaché à la Direction, avaient voulu préparer le rajeunissement de la direction au départ à la retraite de Monsieur Collin, Directeur général jus-que là. Mais ils avaient voulu le faire sans froisser ni léser financièrement per-sonne. D’où une soudaine prolifération de Directeurs. Avec ou sans précision : co-directeurs [généraux ? !], co-direc-teurs commerciaux, directeur adjoint et autres ingénieur en chef attaché à la Direction, ingénieurs en chefs adjoints au Directeur technique, eux mêmes rapi-dement devenus Directeur administratif, Directeur fonte et Directeur acier, titres qui s’éteindront au départ à la retraite de leur unique porteur. Cette fournée extraordinaire a donc promu au départ de deux Directeurs seulement (Mr Collin, Directeur général, et Mr Robert Danneau, Directeur financier), huit nouveaux di-recteurs et trois Ingénieurs en chef, fu-turs Directeurs. Plus un Ingénieur princi-pal : le futur élu, le déjà élu faudrait-il dire. Les deux autres chefs de service (HFx et Laminoir) ne seront nommés In-génieurs principaux que six mois plus tard, le signal était net. Cette soudaine prolifération directoriale tomba au plus mal. En effet, dès l’exercice 1975-1976 le chômage économique débuta pour les ouvriers, car malgré cette prolifération directoriale la production des Forges reculera de 1.266.000 tonnes d’acier en 1973-74 et 1.150.000 tonnes en 1974-75, à 702.000 tonnes en 1975-76. Quelques années plus tard, on sabrera dans les postes à salaires élevés, pré-pensions, licenciements. En 1975, l’heure n’est manifestement pas encore venue et on ne retrouva un arbre de commandement progressivement moins touffu que par le départ à la retraite plus ou moins rapide, selon leur age, des nouveaux promus.

Le remaniement de l’arbre de comman-dement, Mr Galant l’avait poursuivi en y

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incluant pas mal de promotions pour des cadres « jeunes » par le moyen de la créa-tion du titre de Chef de secteur qui devait entraîner la disparition à terme de celui de Chef de Service. Titre de Chef de Service qui avait, depuis toujours, l’inconvénient de couvrir le même territoire que celui de l’Ingénieur principal. Rapidement ce-pendant, l’estime que beaucoup avaient eue pour Monsieur Galant s’est fortement amoindrie. Amoindrie au point que le 16/11/1992 vingt quatre cadres, dont certains promus récem-ment à des grades élevés, ont adressé un courrier co-signé à monsieur Pierre Dessy, réclamant « un remaniement profond de notre Management et directement un chan-gement de personnes à la tête de nos Di-rections générale, technique et sociale ». Je possède copie de cette lettre. Dès le 28/11/1992, Monsieur Galant était remer-cié. Monsieur Galant avait fini par faire l’unanimité contre lui : tant des syndicats bien sûr, que … de beaucoup de cadres et de Monsieur Pierre Dessy lui-même. Cela n’a pas apaisé mon amertume en 1992. Même si cela prouvait, à posteriori, que j’avais eu raison trop tôt, tout simplement. Comme je l’ai déjà écrit, tout cela aurait pu se passer et se terminer tout autrement. Clabecq avait besoin de rassembler toutes les énergies. Il est clair que toutes les lut-tes intestines, qui ont duré des années (je dirais de début 1975 et probablement même avant jusque fin 1992) ont fait beaucoup de tort aux Forges. Ca aussi c’est la marque d’une haute direction faible et mal infor-mée. A qui la faute, sinon à elle-même.

Ce dont je reste entre autres cho-ses particulièrement fier

Je reste en tous cas très fier d’avoir refusé de participer à une politique d’investisse-ments folle et fort peu judicieuse pour ce qui est des HFx en tous cas. Je me suis no-tamment opposé au projet de porter le HF6 à 9 mètres au creuset, à l’occasion de son reconditionnement complet pour passer en

marche hématite, ce qui, d’office, allait ac-croître sa productivité d’au moins 25%. Je possède toujours le dossier des discussions à ce sujet. J’en ai extrait copie du document rectifié et signé par moi le 30/10/1989 et rendu d’application par le Directeur géné-ral le 27/11/1989 comme l’instruction qu’il donne à Mr Peteers au bas du document en atteste. (voir annexe 4)Le Conseil d’Administration avait en effet, entre temps, choisi de suivre la voie que je préconisais. (voir annexes 5 et 6). Celles-ci reprennent le rapport complet de l’étude du coût comparé d’investissement et d’ex-ploitation pour la marche future en fonte hématite dans la solution préconisée par le Directeur général : HF6 seul porté à un dia-mètre de creuset de 9 mètre, d’une part, et dans celle préconisée par moi : HF6 non agrandi + HF2 si nécessaire. Ce choix a permis de réduire l’investissement aux HFx à l’époque de – 722.000.000 FB sur un total de 1792.000.000, soit de – 40%. Si, comme je le préconisais d’autre part, le Directeur général avait attendu de voir s’il était vraiment nécessaire et utile d’inves-tir au HF2, cette économie aurait pu être majorée de 153.000.000 FB et portée ainsi à – 50%. Mais, dès mon départ, le Directeur général a fait engager les dépenses du HF2. Je sais de source sûre (Mr Jacques Dellieu) qu’il a ensuite tenté de les arrêter. Il était trop tard. Et pourtant les petits HFx ne servi-ront pratiquement plus par la suite. De plus la Direction a réalisé la totalité de ces investissements sur fonds propres. Cette erreur clôturera la série de celles qui ont finalement entraîné les Forges à une faillite prématurée.

Les causes essentielles de la faillite prématurée des Forges de Clabecq

Les Forges de Clabecq étaient devenues une usine sidérurgique presque intégrée dès le démarrage de la cokerie de Vilvorde en 1913. Elles ont commencé à se désintégrer avec la mise à l’arrêt des vieux laminoirs de

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Haut-Fourneau 6 en 1978

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Clabecq à la fin des années 1970. Cette dé-sintégration s’est fortement aggravée par la mise à l’arrêt définitif de la cokerie en 1986, et s’est achevée par celle de la Divi-sion agglomération se terminant par l’arrêt de la pelletisation en 1992. En résumé, je dirais que, pour moi, compte tenu des informations que je possède ac-tuellement (janvier 2011), les principales causes internes de la mort prématurée des Forges de Clabecq et de la lente désinté-gration qui l’a précédée sont : 1. un manque de lucidité de la Direction dans sa vision à moyen et long terme, et ce de longue date ; 2. de grands retards dans l’engagement des investissements de modernisation, et ce de longue date ; 3. retards qui n’ont même pas permis de faire l’économie de mauvais choix dans cer-tains investissements très importants, tel celui des équipements de l’agglomération des fines de minerais, par exemple ; 4. le passage beaucoup trop tardif en mar-che hématite ;5. la mise en place beaucoup trop tardive d’une réelle comptabilité analytique ;6. une gestion des stocks très approxima-tive du fait d’équipements insuffisants et surchargés ;7. un manque de fermeté de la Direction qui permit une hypertrophie du pouvoir syndical aux Forges ; 8. les effets négatifs cumulés que tout cela a eu sur l’état de la trésorerie des Forges ; 9. la réalisation sur fonds propres à 100%, au pire moment, des gros investissements de 1990-1991.Cette liste, c’est la mienne. Elle n’est sû-rement pas complète. C’est mon point de vue de haut-fourniste. Je pense qu’une discussion franche et ouverte entre « ex » haut-fournistes, aciéristes, lamineurs, com-merciaux, contrôleurs de qualité, … devrait permettre de compléter, d’affiner l’ana-lyse des causes d’une faillite trop rapide, mais ayant de très longues et vieilles raci-nes. Je peux évidemment développer pas mal de faits justifiant cette liste pour ce qui est des HFx et de leur amont. Il y aura

certainement un large accord sur certains points, par exemple sur le point 7, que seu-le la Direction elle-même voudra peut-être contester. Pour d’autres points, il y aura peut-être désaccord entre différents servi-ces. La discussion est toujours intéressante dans de tels cas. Bien sûr, à ces causes internes sont venues s’ajouter des causes externes très fortes. Mais celles-là, elles ont pesé lourdement sur toute la sidérurgie européenne. Quoi-qu’elles aient certainement pesé plus sur les petites sociétés qui ont évidemment été, proportionnellement, moins aidées par les pouvoirs publics. Bien sûr, nous nous rendions tous compte depuis plus ou moins longtemps et plus ou moins clairement que, vu l’évolution des coûts de la main-d’œuvre toujours crois-sants et de ceux des transports (maritime surtout), décroissants eux, vu aussi la ra-réfaction des matières premières de base (minerais et charbon) en Europe, il était inévitable que l’industrie sidérurgique euro-péenne se déplace en bord de mer, voire même outre-mer. Il n’empêche, on aurait pu résister mieux et plus longtemps à Cla-becq en visant beaucoup plus tôt la qualité. Pour ma part, je suis disposé à débattre de tout cela avec tout qui le voudra bien. La Direction des Forges aurait dû organiser de tels débats techniques, au moins au ni-veau des ingénieur principaux, non pas pour donner des instructions, mais pour recueillir des opinions et dégager une vue commune après débat totalement ouvert. Elle ne l’a jamais fait. En près de trente ans, je n’ai jamais entendu parler d’une telle réunion. En quinze ans de prestation comme ingé-nieur principal, je n’ai jamais été appelé à participer à une réunion de ce genre. Dès 1974, j’ai personnellement appelé en vain à une telle réunion suite à la sortie du rapport Mac Kinsey qui malmenait déjà Clabecq. On aurait du envisager de se reconvertir, on aurait dû en débattre. Pour moi, c’est vraiment de ça que les For-ges sont mortes.

Claude BROHEE18/10/2011

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Mr Jacques Dellieu a bien voulu, après avoir lu cette note, nous faire part de son point de vue, nous l’en remercions et nous espérons que d’autres voudront bien faire de même. Voici la note, brève et précise, qu’il nous a remise, transcrite telle que nous l’avons reçue.

Réaction de Mr Jacques Dellieu :

Les causes essentielles de la faillite prématurée des Forges

Handicaps suite aux vieux investissements peu judicieux : fours Smidth et en-suite pelletisation au lieu d’une agglomération Dwigth Lloyd. Suite à la crise sidérurgique et à l’instauration des quotas et pour les FDC la di-minution importante des exportations vers les USA, difficultés de retrouver de nouveaux débouchés.Manque de vision dans les investissements :

Fabrication de tôles à tubesDégazage sous vide pour avoir un acier propreBobineuse au laminoir pour vendre des bobines à la place de brames (FDC excédentaire en produits bruts)Investissements superflus (réfection du HF2 par exemple)Perte d’argent suite au procès du cowper (cause perdue)

Gestion des périphériques coûteux : Traction, ateliers, monteurs, maisons, … Gestion obsolète du personnel : manque de formation, promotion à l’ancien-neté, … Echec dans la conquête de nouveaux marchés de tôles à tubes (expédition de tôles non conformes vers l’Iran).

•1.2.3.

4.5.

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