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Les Études du CERI N° 147 - septembre 2008 La méthode suédoise : la cohésion sociale au défi de l’adaptation André Grjebine et Éloi Laurent Centre d'études et de recherches internationales Sciences Po

La méthode suédoise : la cohésion sociale au défi de l

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LesÉtudesduCERI

N°147-septembre2008

Laméthodesuédoise:

lacohésionsocialeaudéfidel’adaptation

AndréGrjebineetÉloiLaurent

Centred'étudesetderecherchesinternationales

SciencesPo

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AndréGrjebineetÉloiLaurent

Laméthodesuédoise:lacohésionsocialeaudéfidel'adaptationRésuméLa«méthodesuédoise»désignelacapacitécollectivedesSuédoisàs'adapter,danslapériodecontemporaine,auxdéfiséconomiquesetsociauxauxquelsilssontsuccessivementconfrontés.Notreétudetenteàcetégarddeposer et d'éclaircir deux questions: quels sont les ressortsprofonds de la «méthode suédoise»? Commentévaluersapérennitédanslaphaseactuelledemondialisation?Ensomme,nousvoulonsdéterminerdansquellemesure la confiance et la cohésion sociale, au cœur du succès suédois, pourraient être affectées par leschangementsdepolitiquepubliquequ'induitunestratégied'ouvertureetd'adaptationdontlaSuèdeabeaucouppoussé les feuxcesdernièresannées.Aprèsavoirpasséenrevue la littératuresur les rapportsentreconfiance,cohésionsocialeetperformanceéconomiqueafindemesurerl'importancerespectivedesfacteursdecohésionsociale, nous montrons comment ces composantes se sont institutionnalisées selon trois logiques socio-économiques, la Suède ayant choisi la voie sociale-démocrate. L'étude revient ensuite sur les performanceséconomiquesetsocialesdelaSuèdedanslapériodecontemporaineetdétaillesastratégiedecroissanceactuelle,typique d'un «petit» pays.Nous détaillons finalement l'évolutiondes politiquesmacro-économiques, fiscales,d'immigrationetd'éducationetnousmettonsenavantl'affaiblissementdesprotectionscollectivesetl'altérationdecertainespolitiquespubliquesdéterminantes–altérationquipourraitàtermeremettreencauselastratégiedegouvernancesuédoiseparl'affaiblissementdelacohésionsociale.

AndréGrjebineetÉloiLaurent

TheSwedishMethod:SocialCohesionFacestheChallengeofAdaptationAbstractThe"Swedishmethod"referstotheSwedes'collectivecapacitytoadapttothesuccessiveeconomicandsocialchallengestheyfaceintoday'sworld.Thepresentstudyattemptstoraiseandshedlightontwoissues:theinnerworkingsofthe"Swedishmethod";itssustainabilityinthecurrentphaseofglobalization.Morespecifically,wetrytodeterminewhetherconfidenceandsocialcohesion,attheheartofSweden'ssuccess,maybeaffectedbythe changes inpublicpolicy inducedbya strategyof openness andadaptation that Swedenhas considerablyencouragedinrecentyears.Webeginbysurveyingtheliteratureontherelationshipbetweenconfidence,socialcohesionandeconomicperformancetomeasuretherespectiveimportanceofthefactorsofsocialcohesion.Wethen show how these components have been crystallized into institutions according to three socioeconomicrationales,thesocialdemocraticrationaleattheheartoftheSwedishsystemdifferingfromtherationaleofsocialsegmentation. The study then takes a fresh look at Sweden's economic and social performance today anddescribesindetailthecontemporarySwedishgrowthstrategy,typicalofa"small"country.Wethendescribetheevolutionofmacroeconomic,fiscal,immigrationandeducationpoliciesandpointoutaweakeningofcollectiveprotectionschemesandthealterationofcertaincrucialpublicpolicies,anevolutionthatinthelongruncouldcallintoquestiontheSwedishgovernancestrategybyerodingsocialcohesion.

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Laméthodesuédoise:lacohésionsocialeaudéfidel'adaptation

AndréGrjebine,CERI/SciencesPoetÉloiLaurent,OFCE/SciencesPoPROLOGUE:MODELESUEDOISOUMETHODESUEDOISE?En1826,MohamedAli,considérécommelefondateurdel'Egyptemoderne,dépêcheenFrance un jeune imam, Rifaa, pour y découvrir les secrets de la supériorité technique etscientifiquedel'Occident,révéléeparl'expéditiondeBonaparte1.Aprèsunséjourdecinqans,RifaarevientenEgypteavecunesériedepréceptesqu'iltented'appliqueràsonpays.L'expérience est un échec: il s'agit moins de traduire des ouvrages et de transposer desacquisquedereconstituerladémarchedontilssontlesfruits.Dansunecertainemesure,nous faisonsaujourd'huilamêmeerreurencroyantque l'onpeut transposerenFrance la«flexisécurité»ou tout autre systèmeappliquédans lespaysnordiques, sans comprendre qu'ils sont inséparables de la démarche qui y a conduit –démarchequel'onpeutrésumerparl'expression«dialoguesocial»–etquecettedémarcheelle-même résulte très largement de la cohésion sociale qui prévaut dans ces pays.Deuxjeunes stagiaires du corps des mines, Benjamin Hutteau et Jean-Yves Larraufie, illustrentcettemépriseenseréférantàlacommissionAttali,quidonnesouventlaSuèdeenexempleet «incarnepourtantmagnifiquement le concept si françaisdecommissiond'intellectuelsqui propose, suivie du Président qui tranche, et au final du peuple qui applique, ou serebelle.CesystèmeesttotalementimpensableenSuède,oùunedécisionnepeutnaîtrequeduconsensus,aprèsconsultationdetouslesacteursconcernés»2. 1 Cf. Sorman G. (2003), ainsi que notre compte-rendu de cet ouvrage: Grjebine A. (2003), «Leçonsinvolontairesd’unvoyagedeGuySormanenterred’Islam»,Commentaire,n°102,p.487-491.

2 Huteau B., Larraufie J. Y. (2008), «Le malentendu suédois… et plus généralement scandinave», texteronéoté,versionprovisoire,Mines,Paris.

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PourAssarLindbeck,«deuxbutsgénérauxparaissentavoirétéprisplusausérieuxdanslaSuède de l'après-guerre que dans n'importe quel autre pays développé: la sécuritééconomique,etnotammentlepleinemploi,etl'ambitionégalitaire,cequisupposeàlafoisunecompressiongénéraledesinégalitésderevenuetuneatténuationdelapauvreté»3.Le«modèle suédois» peut se définir comme le régime institutionnel mis en place pouratteindre simultanément ces objectifs. Notre étude tente d'éclaircir deux questions à cesujet: quels sont ses ressorts profonds? Comment évaluer sa pérennité dans la phaseactuelledemondialisation?Lathéorieéconomiquemontrequelastratégiedecroissancede«petitspays»,telsquelaSuède, suppose l'ouverture internationale et l'adaptation structurelle. En même temps,comme l'a montré Simon Kuznets, c'est avant tout la qualité des institutions sociales etpolitiques des petits pays qui expliquent leur capacité à s'adapter avec succès auxchangementséconomiques4.Lacohésionsocialeapparaîtalorscommeunressortessentielde la gouvernance efficace du petit pays. Un équilibre s'établit ainsi entre stratégie decroissance et stratégie de gouvernance: à l'instabilité et à la vulnérabilité qu'induitl'ouverture internationale doit répondre la stabilité des institutions politiques liée à lacohésionnationale,résultatconnusouslenom«d'hypothèsedelacompensation»etétabliinitialement par Cameron5 puis réinterprété sous la forme du lien entre taille dugouvernement et ouverture internationale par Rodrik6. L'intensité de l'ouvertureéconomiquedupetitpaysn'estsupportablequesidesinstitutionssocialesetpolitiquesenamortissentlechoc.NousrevisitonsdanscetteEtudecettedialectiquedel'ouvertureetdel'amortissementetidentifions, après d'autres, la cohésion sociale comme ressort profond du succès suédois.Cependant,nousdevons interroger lapérennitéde ce succès: laSuèdeva-t-elle trop loindanssastratégiedecroissanceaudétrimentdesastratégiedegouvernance?Laconfiance,qui se trouve au cœur du système social suédois, pourrait-elle être affectée par leschangementsdepolitiquepubliquequ'induitunestratégied'ouvertureetd'adaptationdonton a beaucoup poussé les feux ces dernières années? Si la force essentielle du«modèlesuédois» réside dans son adaptabilité à différents contextes économiques, uneadaptationàmarcheforcéeaurégimeactueldemondialisationnerisque-t-ellepasdeporterpréjudice au développement à long terme de la Suède? Le «modèle suédois» asuffisamment évolué tout au long de son histoire pour ne pas pouvoir être envisagéaujourd'hui comme un ensemble figé de caractéristiques institutionnelles immuables. Ilnous paraît plus judicieux de parler de «méthode suédoise» pour désigner la capacitécollective des Suédois à s'adapter aux défis successifs auxquels ils sont confrontés. Ensomme, nous voulons déterminer dans quelle mesure un ajustement trop rapide, sinon

3LindbeckA.(1997).Lestraductionsdedocuments,articlesetouvrages,depuisl’anglais,ontétéréaliséesparlesauteurs.

4 Kuznets S. (1960), pp. 14-32. Cette thèse sera notamment reprise, approfondie et appliquée par Peter J.Katzenstein aucasdespetits Etats européensdansKatzenstein P. J. (1985). Éloi Laurent a repris, interprété etévaluélecadreconceptuelforgéparKuznetsdansLaurent(2008).

5CameronD.R.(1978).

6RodrikD.(1998).

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brutal, de l'économie suédoise à la mondialisation risque de porter atteinte au moded'adaptationconcertéequiestaucœurdela«méthodesuédoise».7COHESIONSOCIALE,CONFIANCEETCROISSANCELescomposantesducapitalsocialetleursenchaînements•Lesdeuxfacettesducapitalsocial:cohésionsocialeetconfianceLesrelationssociales,l'organisationetlefonctionnementdumarchédutravail,etparlà,les modalités d'adaptation aussi bien individuelles que collectives qui prévalent au seind'une société sont déterminées, dans une large mesure, par son capital social. RobertPutnamdéfinitcelui-cicomme«lesréseauxquireliententreeuxlesmembresd'unesociétéetlesnormesderéciprocitéetdeconfiancequiendécoulent»8.Lecapitalsocialcomporteainsiunversant«objectif»,lacohésionsociale,etunversant«subjectif»,laconfiance,cesdeuxfacettesétantgénéralementétroitementcorrélées.JamesColeman,undespremiersàavoir utilisé ce concept, souligne que le capital social dépend largement de la force dessanctions sociales quimenacent ceux qui ne se plient pas aux règles du jeu collectif: lebénéfice immédiat résultant de sa transgression – par l'adoption d'un comportement de«passagerclandestin»–doitapparaîtrecommerelativement réduitpar rapportàsoncoûtmoyenou long terme.Cecoût résideplusparticulièrementdans le risqued'exclusiondugroupequeprendceluiquiadopteuntelcomportement9.

7L’objetdecetteétuden’estpasdeproposerunedescriptionplusoumoinsexhaustivedu«modèlesuédois»,endécrivantlesaléasdelaviepolitiqueetenpassantenrevuel’ensembledesréformesentreprisesaucoursdesdernières années,notamment enmatière depolitiques sociales (santé, logement, politique familiale, etc.).Ontrouveracettedescriptiondansnombred’études,dontcertainescitéesdanslabibliographie.Nousavonsplutôtcherché à concentrer notre effort sur la méthode suédoise de gestion des conflits d’intérêt entre partenairessociaux,caractériséeparlaconcertation.Danscetteoptique,nousnoussommessurtoutdemandésdansquellemesurel’ouverturecroissantedel’économieetdelasociétésuédoisemodifiaitlacohésionsociale,fondementdecette méthode. C’est pourquoi nous nous intéressons principalement à l’évolution des politiquesmacroéconomiques, ainsi qu’aux politiques d’immigration et d’éducation, en laissant volontairement de côtéd’autresaspectsdespolitiquespubliques.

8PutnamR.(2000),pp.18-24.Danscetouvrage,l’auteurprésenteunpanoramadesdifférentesconceptionsdecettenotionde«capitalsocial».

9ColemanJ.(1988).

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•LescomposantesdelacohésionsocialeLa cohésion sociale résulte principalement de trois caractéristiques du tissu social: sondegré d'homogénéité ou d'hétérogénéité ethnoculturelle; son degré d'égalité (plus oumoins faible dispersion des revenus et des richesses); enfin, son degré de fluidité ou desegmentation (existence d'un système de «castes» et institutionnalisation de différencessocio-économiques en fonction de l'appartenance à un groupe, a fortiori si cetteappartenance est héréditaire). De manière générale, ces trois sources potentielles demorcellementdu tissusocialont tendanceàserenforcer lesunes lesautres.Ellespeuventégalementêtre relativement autonomes.Un systèmecorporatistepeut ainsi sedévelopperdansunepopulationethniquementetculturellementhomogène.C'estcequeTocquevilleobserve, par exemple, dans la France de la fin de l'Ancien Régime10. A l'opposé, uneintégration économique par l'intermédiaire d'un marché du travail ouvert peut coexisteravec des phénomènes communautaristes d'origines ethnique ou religieux. On trouveraprincipalement ce dernier cas de figure dans des sociétés où les politiques sociales sontréduites à la portioncongrue et où, par conséquent, lesmembres d'une communauté nesontpascontraintsàdeseffortsqu'ilsjugeraientexcessifsenfaveurd'autrescommunautés.Ilvaalorsdepairavecdefortesinégalités.•HomogénéitéethnoculturelleetcohésionsocialeCertainesétudesontmontréqu'unhautdegrédecohésionsocialefavorisaitlaformationd'un cercle vertueux qui renforçait le tissu social, et inversement. Ainsi, cherchant àexpliquer les différences de politiques sociales constatées entre les Etats-Unis et les payseuropéensd'unepart,etentrelesdifférentsEtatsdesEtats-Unisd'autrepart,AlbertoAlesinaet EdwardL. Glaeser mettent l'accent sur le rôle de l'homogénéité ethnoculturelle11(tableau1)12. Ainsi, selon eux, les pays les plus homogènes seraient les plus enclins àdévelopperdespolitiquessociales.Acontrario,«cesontlespayslesplushétérogènesquidépensentlemoinspourlesocial»13.D'abord,parcequedesindividusappartenantàunemêmecommunautéseraientplusenclinsàfinancerdesdépensesenfaveurdesmembresdecettecommunautéplutôtqu'enfaveurdespersonnesquin'yappartiennentpasetdontonsuppose qu'elles n'en partagent pas les valeurs. En même temps, la confianceinterpersonnelle est d'autant plus grande qu'on a le sentiment d'appartenir à unecommunauté.L'adaptationdessalariésà l'évolutionde leuremploiestd'autantplusaiséequelaconfiancevadepairaveclatransparenceetdécouragelacorruption.Certains chercheurs nuancent cette relation entre homogénéité ethnique et poids desdépensessociales.Comparantlenombredepersonnesnéesàl'étrangervivantenSuèdeet

10TocquevilleA.(1856).

11AlesinaA.,GlaeserE.L.(2006).

12Lestableauxetgraphiquessontprésentésdanslesannexesàlafindel’Etude.

13Ibid.,p.201.

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le niveau des dépenses sociales pour la période 1980-2000, Will Kymlicka constatequ'aucunerelationévidenten'apparaît14.Ilsuggèrequecen'estpastantl'immigrationquela force historique du mouvement ouvrier qui est le mieux à même d'expliquer lesdifférences observées quant aux niveaux de redistribution sociale15. A la limite, on peutmêmeinverserlarelationsuggéréeparPutnam,Alesina,Glaeser,etd'autres:ladéfianceàl'égardd'ungroupeethnico-culturelnepeut-elleconduire l'Etatàaugmenter lesdépensessocialesensafaveur,précisémentpourmieuxl'intégrerdanslasociété?C'estàcettequestionqueRobertJ.Sampson,directeurdudépartementdesociologiedeHarvard,atentéderépondreenanalysantl'incidencedesdépensesspécifiquesconsacréesauxNoirs américains aux Etats-Unis en termes d'intégration. Remarquant que l'insécuritédanslesprincipalesvillesaméricainesavaitsensiblementbaissédanslesannées1990alorsquelapopulationétrangèreaugmentaitauxEtats-Unisdeprèsde50%,ildéfendlathèse–inattendue – que l'augmentation de l'immigration réduit la criminalité16. En étudiant lacriminalitéàChicagoentre1995et2002,Sampsonexpliqueque le tauxdeviolencedesMexicano-AméricainsétaitsignificativementplusbasqueceluidesBlancsnonhispaniquesoudesNoirs17.Maiscetteétudemontresurtoutque lacriminalitéétaitsensiblementplusforte chez les personnes nées de parents immigrés, et plus encore chez celles dont lesgrands-parentsétaient immigrés.Uneétudemenéepardeuxsociologues,AlejandroPortesetRubenG.Rumbaut,auprèsd'enfantsd'immigrés,àMiamietSanDiego,confirmecetteobservation. Ils expliquent que ces enfants, confrontés au racisme et aux discriminationséconomiques,tendentàperdrel'optimismedontpouvaientfairepreuveleursparentsàleurarrivée dans le pays18. Ils ont alors tendance à s'affirmer socialement en s'opposant auxreprésentantsde l'autorité,notammentau seinde l'école, etplusgénéralement en faisantpreuve de défiance à l'égard de la culture du pays d'accueil. Dans une autre étude,Rumbaut indique que le taux d'incarcération des enfants d'immigrés d'origine mexicaineseraithuitfoisplusélevéqueceluideleursparents,etdixfoisplusélevédansdesenfantsd'immigrésd'originevietnamienne.C'estcephénomènequePortesetRumbautévoquentquandilsparlentd'«intégrationenrecul».Enrevanche,enSuède,paysquisecaractérisepardesinégalitésplusfaibles,unEtat-providenceplusgénéreuxetunecriminalitébeaucoupplusréduite,letauxd'incarcérationdesenfantsd'immigrésestplusfaiblequeceluideleursparents.En fin de compte, on peut se demander si l'hétérogénéité culturelle n'est pas plusimportante pour la cohésion sociale que l'hétérogénéité ethnique. Les défenseurs dumulticulturalisme présupposent en général que les citoyens adhèrent tous aux valeursnationales et ne se distinguent que par des valeurs dites «secondaires» (religion, langued'origineutiliséedansuncadreprivé,etc.).Defait,mêmeunpays«monoculturel»comme

14KymlickaW.(2007).

15BantingK.,KymlickaW.(2003),«MulticulturalismandWelfare»,Dissent,Vol.50,n°4,pp.59-66.

16Cf.PressE.(2007).

17SampsonR.J.,MorenoffJ.D.,RaudenbushS.(2005).

18PortesA.,RumbautR.(2001).

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laFranceaintégrésansdifficultésexcessivesd'importantesvaguesd'immigrationàpartirdumoment où les immigrés adhéraient sans réserve aux valeurs de la société française(démocratie, laïcité,égalitédessexes,etc.).Bienplus,dansungrandnombredecas,c'estprécisément ces valeurs qui les ont attirés en France. Peut-il en être de même avec desimmigrés qui, pour des raisons religieuses par exemple, ne seraient pas disposés à faireprévaloircesvaleursnationalessurlesleurs?LaquestionseposeaussibiendansdespayscommeleCanada,oùladiversitéethnico-culturelleestperçuecommeunevaleurnationalefondamentale,quedansd'autrespaysoùdesvaleurscommelalaïcités'accommodentmald'uneemprisedureligieux.•SociétéégalitaireetconfianceCertains auteurs décèlent dans la cohésion sociale une quatrième composante:l'importancedelapopulationd'unpays.SelonNielsKaergard19,ladistributiondesrevenusseraitpluségalitairedansun«petitpays»quedansun«grand»etletauxdesprélèvementsobligatoiresbeaucoupplusélevéquedanslespaysdetaillemoyenne(France,Allemagne,Royaume-Uni) et a fortiori dans les plus grands (Etats-Unis). L'explication veut que leshabitantsdes «petitspays» se sententplusprochesde leurs concitoyens etdoncaprioriplus disposés à consentir des «sacrifices» en leur faveur.Mais cette hypothèse peut êtrefacilementdémentie:si l'onconsidère lapartdurevenunationaldétenuepar ledécile leplusélevédelapopulation,ilapparaîtparexempleque laSuisseestplusinégalitairequel'AllemagneoulaFrance. Dans leur étude intitulée All for All : Equality and Social Trust, Bo Rothstein etEricM.Uslanerenvisagentlecasd'unesociétéfortementinégalitairedontlegouvernementnepeutappliquerunepolitiquesocialevigoureusesusceptiblederéduirelesinégalitésenraisondelaréticencedelapopulation,réticencequis'expliqueparunmanquegénéralisédeconfianceenverslesinstitutions,lapolitiqueetleursconcitoyens20. «La confiancegénéraliséeémaned'une société socialement et économiquement égalitaire enmême

tempsqu'ellecontribueàundéveloppementpluségalitaire.Laconfiancedanslesautresnouslieàdesgensquisontdifférentsdenous.Ellereflèteunintérêtpourlesautres,particulièrementpourceuxquisont victimes de discriminations et ont peu de ressources […]. Au contraire, dans un pays où la

distributiondesrevenusest fortement inégalitaire,commeleBrésil, les richeset lespauvrespeuventvivre lesunsàcôtédesautres,sansque leursviesnesecroisent.Laconfiancegénéraliséepeutêtrefaible,alorsmêmequelaconfianceauseindugroupepeutêtreélevée.Chaquegroupenes'intéressequ'àsespropresintérêtsetregardelesdemandesquiémanentdesautresgroupescommecontrairesàsesintérêts.Lasociétéestperçuecommeunjeuàsommenulleentregroupeshostiles[…].Dansune

sociétéayantundegréélevédeconfianceetunéventailderevenusresserré, l'objectif serade traitertouslesindividusdemanièreidentiqueetlespolitiquesdel'Etat-providenceserontuniverselles,etpassimplementredistributives,c'est-à-diresélectives»21.

19Cf.KaergardN.(2006).

20RothsteinB.,UslanerE.(2005).

21Ibid.,p.3.

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Parailleurs, ilsobserventque«lespolitiquesuniverselless'inscriventdans lesdroitsdescitoyens alors que les politiques sélectives correspondent à un soutien des citoyens"méritants" aux pauvres "non-méritants" […]. Il en résulte que les bénéficiaires de tellesallocationspeuventsesentir"aliénés"durestedelasociété.Detelsprogrammesdonnentlesentimentquelesbénéficiairessontresponsablesdeleurpauvreté»22,cequin'estpaslecasdespolitiquesuniversellesplusneutres.Demanièregénérale,diversesétudesestimentquelesbénéficiairesd'allocationsspécifiques témoignentd'uneconfiancemoinsélevéeenversles autres que ceux qui n'en bénéficient pas23. Rothstein etUslaner soulignent enfin que«l'existence de programmes universels de qualité, tout particulièrement en matièred'éducationetdesanté,peutfavoriserunsentimentd'"optimisme"etd'"égaleopportunitépourtous"dansdelargessegmentsdelapopulation»24.Ilsremarquentquedenombreusesétudesfontétatd'unecorrélationétroiteentreleniveaud'éducationd'unpaysetlapartdesapopulationqui témoigned'uneconfiancegénéralisée. L'éducationn'est cependantpasgaranted'uneréductiondes inégalités,car«si l'éducationpeut renforcer laconfiancedesgens,ellepeutaussisusciteràcourttermelaformationd'uneclasseprivilégiéed'individushautementéduqués,provoquantainsiunaccroissementdesinégalités»25.Pourqu'ilensoitautrement,lesauteursexpliquentquel'éducationdoitavoiruncaractèreuniversel.Est-ceàdirequ'iln'enseraainsiquesilesystèmeéducatifviseàaméliorerleniveaugénéralensegardantdedégageruneélite?C'estlecasdelaNorvègeparexemple,maiscelacomportedesérieuxinconvénients26.Par delà les différences observables d'un pays à l'autre, la société sociale-démocrate apourprincipeorganisateurlacohésionsocialeetlaconfiancequilasous-tend.Elleentendréduirelesdisparitésparlaredistributiondesrevenusmaisaussienprivilégiantl'adaptationde la main-d'oeuvre plutôt que sa sélection, car il s'agit moins d'assister les exclus qued'empêcherleurexclusion,afindemainteniruntissusocialaussihomogènequepossible.D'où, par exemple, la place de choix réservée à la formation permanente dans les paysnordiques27.

22Ibid.,p.7.

23KumlinS.,RothsteinB.(2005).

24RothsteinB.,UslanerE.(2005),p.24.

25Ibid.,p.11.

26Cf.GrjebineA.(2006)et(2007.

27Danscertainspaysnordiques,notammentauDanemark,laformationcontinueaétémiseenplacedèsleXIXesiècleparlepasteurGrundtvigc’est-à-direbienavantl’avènementdelasociale-démocratie.VoirBattailJ-F.,BoyerR.,FournierV.(1992).

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•Lasegmentationsociale,freinaudéveloppement:ladémonstrationtocquevillienneLa société segmentée – terme qui semble préférable à celui, trop restrictif, de«corporatiste» – se caractérise par une hiérarchie des clivages sociaux qui instituent des«castes»,pourreprendrelaterminologiejadisemployéeparTocqueville.L'obtentionetlapréservationdesdroitssociauxsontdoncpeuouproudéterminéesparunstatut,quecelui-cisoit institutionnel (lesystèmedescastesen Inde, les troisordresde l'AncienRégimeenFrance, etc.), professionnel (corporatisme), ou qu'il résulte d'un rapport de forces entrediversgroupessociaux.Surlemarchédutravail,lesinsiders(ceuxquisontdéjà«enplace»)sontprivilégiésaudétrimentdesoutsiders(lesnouveauxarrivantssurlemarchédutravail).C'estpeut-êtreàl'opposition,proposéeparTocqueville,entrelaFrancedel'AncienRégimeet l'Angleterre de la même époque qu'il faut remonter pour trouver les racines del'oppositionentreunesociétélibéraleetunesociétésegmentée.DansL'AncienRégimeetla Révolution28, Tocqueville montre que la noblesse anglaise s'est enrichie en participantauxaffairesetenacceptantdesocialiseraveclesmembresdelabourgeoisie: «L'Angleterreétaitleseulpaysoùl'oneût,nonpasaltéré,maiseffectivementdétruitlesystèmedela

caste. Lesnobles et les roturiers y suivaient ensemble lesmêmesaffaires, y embrassaient lesmêmesprofessions,etcequiestbienplussignificatif,s'ymariaiententreeux.Lafilleduplusgrandseigneurypouvaitdéjàépousersanshonteunhommenouveau»29.

Al'inverse,lanoblessefrançaiseasurtoutcherchéàpréserversesprivilèges,aurisquedeseruiner.Ellen'apasconstituéuneélite–cequeTocquevilleappelleune«aristocratie»–maisune«caste».Dece fait,ens'appauvrissant,elleserapprochaitéconomiquementdureste du pays, tout en n'ayant de cesse de marquer sa différence de statut. Tocquevilleobserve qu'à la veille de la Révolution, «la France était le pays où les hommes étaientdevenus le plus semblables entre eux», avant d'expliquer, dans le chapitre suivant,«commentceshommessisemblablesétaientplusséparésqu'ilsnel'avaientjamaisétéenpetits groupes étrangers et indifférents les uns aux autres»30. L'obsession de la caste aprogressivementcontaminél'ensembledupays: «Lepeuplemêmequivitaveclesbourgeoisdansl'enceintedelavilleleurdevientétranger,presque

ennemi[…]cequ'onaperçoitsurtoutdanstouslesactesdecettebourgeoisie,c'estlacraintedesevoir

confondue avec le peuple, le désir passionné d'échapper par tous lesmoyens au contrôle de celui-ci»31.

Fortementancréedanslasociétéfrançaise,cettelogiquedecastesurvivraàl'article2dela Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen qui déclare que «lesdistinctions socialesnepeuvent être fondéesque sur l'utilité commune». Ilne suffirapas

28ToquevilleA.(1856).

29Ibid.,p.122.

30Ibid.,p.121.

31Ibid.,p.131.

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aux nouvelles élites sociales de voir leurs mérites reconnus dans les faits (par despromotions économiques, socialesetpolitiquesdontellesbénéficieront), il faudraencoreque ces mérites soient en quelque sorteofficialiséspar leur inscription dans des ordres,dont,notamment, leplusconnu, celuide laLégiond'honneur.Cette reconnaissance serasymboliséeparlaremisederécompensestellesquedesmédaillesoudesrubans.Descodesréglementant les procédures de promotion et de radiation seront rédigés dans cet esprit.Selon l'expressiond'Olivier Ihl,une«bureaucratiedeshonneurs»vaainsi sedévelopper,favorisantuncertainconformismesocialauseindecesnouvellesélites32.Danssaversionmoderne, cette logique va favoriser le développement d'un système paradoxal fondé surune «méritocratie», qui n'a par ailleurs rien à voir avec les performances obtenues dansl'exercicederesponsabilités.CommelenoteThomasPhilippon: «Lecapitalismefrançaissecaractériseparunefortecirculationdesélitesdel'Etatverslesentreprises,et

une faiblesse de la promotion interne managériale […]. L'absence de renouvellement des élites

managérialesrenforcelalogiquedu"nous"contre"eux"»33.Cesystèmedecastesvaplus loinencore.FrancisKramarzetDavidThesmarexpliquentainsi que 12% des entreprises cotées en bourse à Paris – représentant 65% de lacapitalisationboursière–sontdirigéespard'anciensmembresdecabinetsministériels34.LacristallisationinstitutionnelleLaconfiancenepeuts'ancrerdansunesociétéfortementstratifiéeethiérarchisée.Enfait,cequechacundoitfaireounepasfairedépendenpremierlieudesonappartenanceàtelleoutellecaste.SelonAdamB.Seligman,dansunetellesociété,lesindividusestimentqu'ilestpeuprobablequeceuxquin'appartiennentpasàleurcastepartagentleurscroyances35,etnevoientdoncaucunintérêtàcoopérerlesunsaveclesautres.Ainsi s'esquissent schématiquement deux logiques foncièrement opposées: une sociétélibéraleauseindelaquellechacunestsupposétirersonépingledujeuensepliantaulibrejeu de la concurrence et, à l'opposé, une société où chaque groupe tend à s'unir pourmettreenavantsadifférenceetdéfendresesprivilèges.Unetroisièmelogiqueapparaîtraparlasuite,attachéeàl'égalisationdesconditionsparl'effacementdesaspéritéssociales.

32Cf.IhlO.(2007).

33PhilipponT.(2007),p.44.

34KramarzF.,ThesmarD.(2006),«SocialNetworksintheBoardroom»,documentdetravailduCREST,citédansPhilipponT.(2007),p.47.

35SeligmanA.B.(1997).

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•Troislogiquessocio-économiquesCesfacteursdecohésionsocialetémoignent,pourunebonnepart,delaspécificitésocio-économique d'une société. En dépit des différences relatives aux relations sociales et àl'organisationdutravailquel'onobserveàl'intérieurd'unemêmesociété–d'unsecteuràl'autre, voire d'une entreprise à l'autre – une dynamique socio-économique tend ainsi àprédominer dans chacune d'elles. Tout se passe comme si la logique socio-économiquedominanteauseind'unesociétén'étaitpas«proportionnelle»à lacohésionsociale,maisqu'ilyavaitdesseuils,sinondesruptures,au-delàdesquelsonpassed'unelogiqueàl'autre.Decefait,suivantledegrédecohésionsociale,troismodèles-typespeuventêtredistingués:la société libérale, la société segmentée, et la société sociale-démocrate36. Ces logiquesinduisentdescomportementspropresaux trois typesd'acteursquiprésident aux relationssociales: lessalariés (et lessyndicatsqui les représentent), lesentreprises (c'est-à-direà lafoislesdétenteursducapitalet/oulesdirecteurs)etenfin,l'Etat.Laconfianceauseind'unesociétévarieconsidérablementd'unmodèleàl'autre.Elleestd'autantplusgrandedanslessociétéssociales-démocratesquelacohésionsocialeyestplusdéveloppée. Cependant, une certaine confiance peut également émaner d'un systèmeméritocratiquedanslamesureoùles individussontamenésàpenserqueleursituationausein de la société dépend de règles du jeu objectives et clairement déterminées, enl'occurrencecellesdumarché.Telleestlavisionaméricainedelaconfiance.Ellen'estpastrès différente de celle qui prévaut dans une compétition sportive où la confiance estconfiance dans l'objectivité des règles du jeu et l'assurance que la place occupée parchacunseraattribuéedemanièreobjective,enapplicationdecesrègles.Chaqueparticipantnepeutavoirconfianceques'ilestassuréqu'enréalisantdemeilleuresperformancesqueses concurrents, il atteindra le rang auquel il aspire... pour autant que ces derniers nebénéficientpasd'avantages indus telsque ledopage.Enfin, ledegrédeconfianceestdesplusfaiblesdanslessociétésoùlesprivilègesémanentdepratiquescorruptivesouencoresiceux-cisontrépartisselonle«bonplaisirduPrince».Cette logique est le résultat de l'histoire sociale d'une société en même temps qu'ellel'organise. C'est la raison pour laquelle il ne suffit pas d'appréhender les principalescaractéristiquesd'unautresystème,parexempledu«modèlesuédois»ou«nordique»,etdelestransposer.Touteladifficultéestd'appréhenderlesorientationsinitiales,ladémarchequiaprésidéà l'établissementd'un telsystèmeetdont leschangements–volontairesou,plussouvent,involontaires–peuventmodifiersalogiqueinterneetlerapprocherd'unautresystème.•CristallisationdesrelationssocialesetstabilitédesstructuressocialesApremièrevue,lasociétélibéralefondéesuruneéconomiedemarchéapparaîtcommelesystème«premier»dontseuleuneactionvolontairepeutpermettredes'écarterpeuou

36 Ne nous intéressant ici qu’aux sociétés capitalistes, nous occulterons sciemment un quatrième type demodèle:lasociétésocialiste.CommeledéfinitPetrMateju,cederniercascombine«uneidéologieégalitaristed’inspiration socialiste et le fonctionnementd’un systèmede «nomenklatura»porteurdenombreuxprivilègeséconomiquesetsociaux.».VoirMatejuP.(1997).

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prou.GostaEsping-Andersenenvisagetroistypesourégimesd'Etat-providencequ'ildéfiniten fonction de leur degré de «démarchandisation», c'est-à-dire d'éloignement d'uneéconomiedemarchéausensclassiqueduterme37.Ainsi, lasociétésegmentéeconstitueàsesyeux lastructuresociale laplusstabledans lamesureoù,spontanément, les individusont tendance à s'organiser en groupes afin de préserver ou d'obtenir des avantages. Al'inverse,l'organisationetlemaintiend'uneéconomiedemarchétoutcommed'unesociétésociale-démocratesupposentuneffortconstantpourneutraliser lesforcescentrifugesdelasociétéetlestendancesstructurellesàlastratificationsocialeparladéfensedesprivilègesetdesavantagesacquispropresàtoutesociété.Enfin,commeonapul'observer,l'inefficacitédelasociétésocialisterendproblématiquesasurviedurable.Lamultiplicationdecomportementsdéviantspeutconduireunmodèleàs'éloignerdelalogiquequilefondepours'orienterversuneautrelogique,cequinesignifiepasqu'ilsoitfacile, ni même dans certains cas, simplement possible, d'imposer un changement delogique à une société. C'est pourquoi la transposition à la vie sociale d'un darwinismeéconomique naïf – qui voudrait que les entreprises qui n'adopteraient pas le moded'organisation le plus performant seraient acculées à la faillite – paraît négliger un faitimportant:auseind'unsystèmesocialdonné,lesacteurspeuventêtreincitésàadopterdescomportementsqui,bienquecontrairesauxloissocialesquilerégissent,s'avèrentefficacesd'un point de vue personnel. Plus exactement, des comportements qui s'avèrentparticulièrement efficaces sur le plan individuel au sein d'une société peuvent êtrecontrairesàsonefficacitéglobale38.Ainsi,pourprendreuncasextrême,dansune sociétéfortement infiltrée par la mafia, la corruption peut à la fois permettre à des individusd'arriver plus rapidement à leurs fins et de bloquer son développement39. Bo Rothsteinexplique qu'en raison d'un «piège social» – ce que d'autres appellent le «dilemme duprisonnier»–lesthéoriesstandardsduchoixrationnelnefonctionnentpas.Eneffet,d'aprèscelles-ci, lesagentséconomiques font leurchoixaprèsavoirclassé leurspréférencespourmaximiserleurutilité.Maisfaireunchoixrationneldansunesituationoùl'onnesaitquelsera le comportement des autres agents ne dépend pas seulement des préférencesexprimées.C'estenfaitlaquestiondesavoirsilesautresvontounoncoopérerquidevientdécisive.Ainsi,lavariablestratégiquepermettantd'éviterun«piègesocial»estleniveaudeconfiancedanslegroupe,quidépenddutypeetdel'importancedesinteractionssociales40. 37Esping-AndersenG.(1999),LesTroismondesdel’Etat-providence,Paris,PUF.

38Dansunouvrage,parailleursfortintéressant,ThomasPhilipponsedemandesi«mêmedansunpaysoùune partie des syndicats est idéologiquement opposée au dialogue social, qu’est-ce qui empêche les autressyndicatsdesecomporterdifféremment?Sidebonnesrelationsentrepatronsetemployésdonnentunavantagecomparatifàcertainesentreprises,pourquoineparviennent-ellespasàdominerlemarché?Sicertainspatronssecomportent en petits dictateurs, qu’est-ce qui empêche l’entréemassive d’entreprises où les relations socialesseraientmeilleures?».VoirPhilipponT.(2007),p.29.C’estnégligernotammentqu’unsyndicatquiprivilégieledialogue social sera en bute à la surenchère de ses concurrents et risquera de perdre des suffrages lors desélectionsprofessionnelles,sansparlerdesrisquesqueprendraladirectiondecesyndicatparrapportàlapartielaplusoffensivedesesmandants.C’estl’expérienceenFrancedelaCFDT.

39VoirSavianoR.(2007).

40RothsteinB.(2002),p.290.

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LASOCIALE-DEMOCRATIESUEDOISE,RESULTATETMOTEURDELACOHESIONSOCIALELesracineshistoriquesdelacohésionsocialeLacohésionsocialen'estpasunecaractéristiqueinhérenteàlasociétésuédoise.Depuislesannées1890jusqu'aumilieudesannées1930,«plusqu'aucunautrepays,laSuèdeétaitune nation de grèves et de lock-outs»41. Après 1928, année marquée par d'importantsconflits sociaux, le gouvernement invita le syndicat des travailleurs Landsorganisationen(LO) et l'organisation patronale Svenska ArbetsgivarFöreningen (SAF) à réfléchir àl'organisation de relations du travail plus pacifiques. Après dix ans de négociations, unaccordestfinalementsignéen1938,plusconnusouslenomdesaccordsdeSaltsjöbaden.Sonprincipalacquisrésidesansdoutedansleclimatdeconfiancequis'estprogressivementétabli entrepartenaires sociaux.Comme l'observeBoRothstein, «cet accordétant en faitplussymboliquequ'irrévocabled'unpointdevue légal, il reposaitdansune largemesuresurlaconfiancemutuelleentrelesdirigeantsdesdeuxorganisations»42.LeprésidentdeLO,ArneGeijer,etceluideSAF,BertilKugelberg,vontdominerlascènesocialesuédoisedelafindesannées1940à1966etlieramitié.Danssesmémoires,KugelbergdécritainsiGeijer: «Déjà,aprèsnotrepremièreréunionavecArne,jefusfermementconvaincuquej'avaisrencontréun

homme stable et plein de discernement, à la parole duquel on pouvait se fier. Des années denégociationsetdevoyagesavec luin'ont jamaisdémenticettepremière impression. Il savaitcequ'ilvoulait,sesdéclarationsétaientdroitesetils'entenaitàcequ'ilavaitdit»43.

Iln'endemeurepasmoinsquelaconfiancemutuellequiapermiscetteévolutionsocialefavorablenes'estpasfaiteenunjour.Elletrouvesesracinesdanslavieassociativeintensequi s'est développée en Suède dès la seconde moitié du XIXe siècle, période historiquequalifiéed'«âgedesassociations»44.Parmilesplusinfluentesd'entreelles,noustrouvonslemouvement ouvrier, celui des paysans, la Ligue contre l'alcoolisme, les mouvementsreligieux non conformistes (Free Church). Toutes se sont construites en réaction à labureaucratie,auclergé,àl'aristocratieetauxélitescapitalistesquicontrôlaientlaSuèdeautournantdusiècle45.Bienavant lesAccordsdeSaltsjöbaden,unConseilnationalpour lesaffairessocialesaétéinstitué.Sonobjectif,définiparlacommissionchargéed'enélaborerlesstatuts,illustreremarquablementl'étatd'espritprévalantdéjààcetteépoqueenSuède:

41AmarkK.(1992),p.73.

42RothsteinB.(2002),p.327.

43Ibid.

44PettersonL.(1985).

45Cf.RothsteinB.(2002),p.295.

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«Lesentimentdesolidaritéquis'estdéveloppéparmilesmasseslaborieuses,louableenlui-même,estnéanmoins limitéàcesmassesetneparaîtpassouhaiterprendreencompte l'ensemblede lasociétédont elles partagent la responsabilité et au sein de laquelle elles jouent un rôle. Cet état d'espritconstitueundanger nationalquidoit être écartédans l'intérêt général. Partout, le gouvernement estconfrontéà la tâchedifficiled'atténuer lesconflitsd'intérêtetderéparer les fissuresquiapparaissentdanslesstructuressociales»46.

Ce conseil avait en charge les bourses du travail, la sécurité au travail, les logementssociauxetdevaitsuperviserl'assistanceauxpauvresgéréeparlescollectivitéslocales.Loindesesubstituerauxéchelonslocaux,cetteorganisationdesrelationsprofessionnelless'estaucontraireappuyéesurlesboursesdutravailcrééesen1902,quiréunissaient,auniveaunational, les représentants des salariés et du patronat. En fait, la question des bourses dutravailaétésoulevéedès1895auconseilmunicipaldeStockholmoùlacommissionalorschargée d'y réfléchir a affirmé qu'il s'agissait de ne surtout pas prendre exemple sur lesystème allemand, marqué par des relations conflictuelles entre le capital et le travail. Al'appuidececonstat,lessyndicatslocauxdeStockholmsesontprononcésenfaveurd'uneorganisationcorporatistequi,favorisantlaconfiancemutuelleentredirigeantsdupatronatetdes syndicats, était seule susceptible, selon eux, d'assurer un fonctionnement correct desboursesdutravail47(tableau2).DelacohésionsocialeàlaconfianceLesrecherchesmenéesdansdifférentspaysn'ontpaspermisd'établirunlienprécisentreune confiance généralisée et le degré d'implication des individus dans des activitésassociatives ou des partis politiques48. Cependant, selonDietlind Stolle, l'adhésion à uneassociation peut augmenter sensiblement le capital confiance des individus qui résulteprincipalement d'une auto-sélection des membres de ces associations, les gens peuconfiantsn'yadhérantque rarement49. En réalité, le développementdesassociationspeutavoiruneffettrèsdifférentsurlaconfianceinterpersonnelle,sinoncontraire,enfonctiondela configuration sociale de la population concernée. Dans une logique «tribale», lesmembresdechaquegroupesefontconfiancelesunslesautres,maissontméfiantsàl'égardde toute personne extérieure au groupe. Rothstein et Uslaner prennent l'exemple deschrétiensévangélistesauxEtats-Unisquiseportent fréquemmentvolontairespourdiversestâches collectives et font aisément la charité, mais uniquement à l'intérieur de leur

46Ibid.,p.296.

47Ibid.,p.297,etdumêmeauteur,(1992),Denkorporativastaten,Stockholm,Norstedts.

48UslanerE.(2002).

49StolleD.(2000).

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communauté50.Cette logiquepeutégalementêtre le faitdecorporationsconstituéespourdéfendre les intérêtsd'unecatégorie sociale spécifique, audétrimentde l'ensemblede lacollectivité. Robert Putnam qualifie de «liens affectifs» (bonding) les liens sociaux quiunissent des semblables et ont une forte composante affective51. Ils fondent un réseau«fermé» de relations, sinon une communauté, entre des personnes qui privilégient leurappartenanceàuneéglise,une secte,unmouvement féminin,ou tout autre groupement,généralementaudétrimentdel'extérieur,deceuxquin'yappartiennentpas.Onpeutmêmesupposerquel'effetnégatifdeceslienssurlacohésionsocialegénéraleserad'autantplusfort que les personnes qui les privilégient au sein d'uneminorité seront plus actives, parexemple en tant que leaders d'une secte ou d'une association de défense des intérêts decette minorité. Putnam oppose à ces liens affectifs des relations qui établissent despasserelles(bridging)entredesindividusayantdesappartenancesdifférentes.Contrairementauxpremiers,ces liens sontouvertssur l'extérieuret favorisent l'intégrationdesgens,par-delàdiversclivagessociaux.Ilenestainsidesmouvementsenfaveurdesdroitsciviquesoudesorganisationsreligieusesœcuméniques.Ilsfavorisentladiffusiondelaconfianceauseindel'ensembledelasociété.La Suède donne l'exemple d'une société dans laquelle des liens sociaux fondésinitialement suruneappartenancede«classe», et enpremier lieuà laclasseouvrière, sesontdéveloppésàtelpointque,d'unemanièreoud'uneautre,leurseffetssesontpropagésàl'ensembledelasociété.Cecinesignifieévidemmentpasqu'iln'yapluseuqu'uneseuleclasse sociale et encoremoinsune seulecoalition politique,maisque la recherchede lacohésionsociale,etainsi,desolutionsnégociéesplutôtqued'affrontementssociauxetderuptures,onteutendanceàprévaloirdansl'ensembledelasociété,quellesquesoientlescoalitionspolitiquesaupouvoir.L'organisationen«poupéesrusses»dutissusocialsuédoiscorrespond fort bien à la description d'une société au sein de laquelle la confiance estrenforcéeparl'appartenanceàdesassociationsbridging,reliéesàd'autresassociationsetàla société environnante52. Cette structuration de la société suédoise repose sur un réseauserréd'organisationsquis'étendentdelabaseausommetdelasociétéetpoursuiventdesobjectifs complémentaires d'intérêt national. Le mouvement ouvrier comprend ainsisimultanément,nonseulementlessyndicatsetlepartisocial-démocrate,maiségalementdesorganisations de consommateurs, de locataires, de formation continue, de retraités, depompes funèbres, de scouts, etc. Il n'est pas rare que la même personne appartienne àplusieursdecesorganisations53.L'intégrationàlasociété–apprentissagedeladémocratie,

50RothsteinB.,UslanerE(2005),p.2.

51 PutnamR. (2000),p.22et suivantes.Putnamdéclarequ’endéveloppantcettedistinction, il s’inspiredeRossGittelletAvisVidal(1998).

52VoirPaxtonP.(2002).

53D’aprèsuneétudemenéeen1992surunéchantillondeprèsdesixmillepersonnes,92%desSuédoisadultes appartenaient à une organisation volontaire au moins. Un Suédois adhérait en moyenne à 2,9organisations de ce type (4 selon les mesures). 85% des salariés (62% de l’ensemble des adultes) étaientmembresd’unsyndicat,33%desadultessuédoisétaientmembresd’uneorganisationsportiveoudepleinair,32% d'une coopérative, 27% d'une organisation de locataires et 12% d'une association culturelle (cité parRothsteinB.(2002),pp.299-300).

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maisausside laparticipation, sinonde lanégociationsocialeplutôtquede la rupturededialogue–passeainsipar l'appartenanceàuneouplusieursorganisationsquis'inscriventelles-mêmesdansunréseauenglobantplusoumoinsl'ensembledelasociété.Danscecontexte,iln'estpeut-êtrepasétonnantquelavolontédepréserverlacohésionsociale tendeà l'emporter sur touteautreconsidération. Il est intéressantdecomparer lesréactionssuédoisesàcellesobservablesauDanemarkfaceàdesphénomènesquiremettentenquestionlacohésionsociale,commelacrisedéclenchéeparles«caricaturesdanoises».Observateur attentif duDanemark et de la Suède et correspondant du journalLeMondedans les pays nordiques, Olivier Truc nous explique ainsi, en schématisant, que cesdifférences tiennent au fait que les Danois font prévaloir la liberté sur toute autreconsidération. D'où, par exemple, leur réticence à suivre les consignes données par legouvernementdanslecadredesacampagnenationalecontreletabac,ouencoreleurrefusde limiter la libertéde leurs caricaturistespour satisfaire auxexigencesde groupesoudepaysmusulmans.EnSuède,aucontraire,laprioritéestdonnéeàlapréservationdelapaixsocialeet audialogueavecceuxquinepartagent pas lesvaleurs libérales,même si celaimpliquedelimiterl'expressiondedésaccords.LesattitudesquiontprévalurespectivementauDanemarketenSuèdeaumomentdecettecriseontétérévélatricesdecettedivergencedanslesprioritésnationales.L'évolutiondesrevenusélevésdansunesociétéégalitaire:Suède1903-2004Comme nous l'avons vu dans la première partie, on observe en général une nettecorrélation entre la réduction des inégalités au sein d'un pays et la confiance qui lecaractérise. Etudiant l'évolution des hauts revenus en Suède entre 1903 et 200454,JesperRoine et Daniel Waldenström expliquent qu'en dépit d'un plus grand niveaud'inégalitéquedanslesautrespayseuropéensen1903,lapartdesrevenusdudécileleplusélevé diminue fortement au cours des quatre-vingt premières années de la périodeconsidérée,notammentenraisond'unebaisseextrêmement fortede lapartdu1%de lapopulationbénéficiantdesrevenuslesplusimportants,passantde46%à23%dutotaldesrevenus(horsgainsencapital)entreledébutdusiècleet198055.Pourunegrandepart,cetterégressiondated'avantl'expansiondel'Etat-providence.En1950déjà,lesrevenussuédoisles plus élevés étaient inférieurs à ceux des autres pays européens. Dans les premièresdécennies,cettebaissepouvaitêtreprincipalementattribuéeàcelledesrevenusducapital.Enrevanche,àpartirdumilieudesannées1930,cettebaisses'expliqueégalementparuneréductiondel'éventaildessalaires.Laréductiondesinégalitéss'estpoursuivieentre1950et1980 mais de manière beaucoup plus modérée que précédemment. Au cours des deuxdernières décennies, le constat est différent selon que l'on tienne compte ou non desrevenusducapital.Enlesincluant,onobserveunaccroissementsubstantieldesinégalités,enraisonprincipalementd'unefortehausseduprixd'actionsparailleurstrèsinégalement 54Unsystèmemoderned’impositiondesrevenusaétéinstituéenSuèdeen1902.

55RoineJ.,WaldenströmD.(2006),p.7.

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réparties. Mais si l'on ne retient pas les revenus du capital, la part des revenus les plusélevés paraît stable. Cela suggère qu'au cours des dernières décennies, la Suède s'estnettementdistinguéedespaysanglo-saxonscommedespaysde l'Europecontinentale. Sil'on regarde, sur l'ensemble du XXe siècle, l'évolution du centile de la populationbénéficiantdesplushauts revenus (gainsencapital inclus),onobservequecesrevenus–quiétaientdetroiscentfoissupérieuraurevenumoyenaudébutdusiècle–nelesontplusque de vingt-cinq fois dans les années 1970, pour remonter à plus de cent à la fin desannées1990.La plupart des pays occidentaux ont connu une forte baisse de leurs revenus les plusélevés durant la première moitié du XXe siècle. En revanche, on observe des différencessignificativesentrelespaysanglo-saxonsetceuxd'Europecontinentaleaucoursdestrentedernièresannées.RoineetWaldenströmconcluent: «Nous ne savons pas dans quelle mesure la distribution égalitaire des revenus en Suède résulte

principalementdesprogrèsdel'Etat-providenceousic'estsonhistoirequiapeut-êtrefaitdelaSuèdeunesociétéégalitaire»56.

OnobserveenSuède,depuis ledébutdesannées1990,uneévolutiondel'éventaildesrevenusquine laissepasd'êtrepréoccupanteauregardde lastratégied'égalitéetdesonapportàlacohésionsociale.La«stratégied'égalité»57suédoisesemblemenacéeparl'écartdeprogressiondesrevenusdesdéciles lesplusfavorisésetlesmoinsfavorisés(tableau3).Ledixièmedécileaainsivusonrevenuprogressercinqfoisplusvitequelepremierdécileaucoursdelapériode1991-2006.IlestpossibledemesurercecreusementdesinégalitésderevenuenSuèdededeuxautresmanières.Onpeutd'abordretracerl'évolutiondelapartdu revenu national détenue par le 1% et les 10% les plus riches.Comme lemontre legraphique1, elle progresse substantiellement depuis 1990, alors qu'elle était presqueconstanteentre1975et1990.L'indicedeGiniévolueaussiàlahausseentre1991et2006,qu'onlemesureenincluantouenexcluantlesgainsencapital(graphique2).BrandolinietSmeeding58 parviennent à un constat similaire pour la Suède qui, à partir du milieu desannées 1990, voit son niveau d'inégalité de revenus augmenter nettement et le degré deredistributiondeson système socio-fiscalsecontracter.Cettedynamiquedes inégalitésderevenu pourrait agir commeun acide sur la cohésion sociale suédoise: des inégalités enforteprogressionsignaleraienteneffetunedégradationàvenirdelacohésionsocialeselonl'analysedéveloppéeparRothsteinetUslaner59.

56Ibid.,p.2.

57PalmeJ.(2006).

58BrandoliniA.,SmeedingT.M.(2006).

59RothsteinB.,UslanerE.(2005).

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LEDEFIDEL'ADAPTATION:ENTREOUVERTUREETPROTECTIONSSOCIALESNous tenterons ici de prendre la mesure du défi de l'adaptation suédoise au contexted'européanisationetdemondialisation.Cette adaptationpeut-ellemenacer le cœurde laméthodesuédoise? Il s'agirad'évaluer laperformanceéconomiqueetsocialede laSuèdedanslaphaseactuelledemondialisationetd'établirunecomparaisonaveclesautrespaysnordiques. Le développement suédois demeurant une référence mondiale, le tableaud'ensemble estdoncceluid'une légère régressionéconomique sur fondde remarquablesfondamentauxsociaux60.Maislacraintedecetterégressionapudéclencherdespolitiquesd'adaptation excessives aux contextes mondial et européen, susceptibles d'affaiblir lacohésionsocialeet,finalement,decompromettreledéveloppementsuédoisà long terme.L'ouverture «fonctionnelle» suédoise est en effet remarquable dans la périodecontemporaine.Mais l'équilibreentreouvertureet amortissementapeut-êtreétéperdudevue,auregardnotammentdel'affaiblissementdecertainesprotectionscollectives.Enoutre,les politiques d'immigration et d'éducation ont elles aussi évolué sous la pression del'ouvertureinternationaleetnoustentonsd'enapprécierl'orientation. LaperformanceéconomiqueetsocialedelaSuèdeLaSuèdefait trèsbonne figureparmi les177paysévaluésparlesNationsuniesdansleRapport sur le développement humain. Sixième au classement général de 2005, elle seclasse septième en matière d'espérance de vie, quatorzième en matière d'éducation ettreizième en matière de richesse par habitant. Mais il faut la comparer à des référencespertinentes.Siellefaitmieuxquelagrandemajoritédespaysdel'OCDE,elleoccupeuneposition intermédiaire par rapport à ses pairs nordiques, devançant la Finlande et leDanemark,distancéepar l'Islandeet laNorvège.Elleétaitpourtant endeuxièmepositionsur cinq pays en 1975 et 1995. Le taux de croissance de son indice de développementhumain(IDH)est leplus faibledespaysnordiquesentre1995et2005(tableau4).Si l'onregardedeplusprèssaperformancedans les troiscritères retenuspourcalculer l'IDH,onconstatequec'estenmatièredeproduitintérieurbrut(PIB)parhabitantquelaSuèderéaliselamoinsbonneperformanceen2005parmilespaysnordiques.Elleestavant-dernièreenmatièred'éducationmaispremièreenmatièred'espérancedevie(tableau5).Cetteintuitiond'unerégressionéconomiquerelativeestconfirméeparl'examendel'évolutionduPIBpartête de 1970 à 2006. Si la Suède est le premier pays nordique en termes de revenu parhabitanten1970,ellesefaitdistancerparl'IslandeetlaNorvègedès1980etneparvientpas à rattraper son retard, se faisant même dépasser par le Danemark en 2000 avant dereprendrelatroisièmeplaceen2006(tableau6). 60Ontrouveranotammentdenombreusesréférencessurla«(re)définitiondesfrontièresdel’Etat-providence»danslathèsededoctoratdeNathalieMorelcitéeenbibliographie.

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En2006,l'écartderevenuparhabitantobservéentrelaSuèdeet lesEtats-Unisétaitdel'ordrede20%.Laproductivitésuédoiseétaitrelativementforte,l'écartaveclesEtats-Unissur ce terrain étant limité (tableau 7). Le graphique 3 confirme d'ailleurs qu'après unepériode difficile au début des années 1990, elle a recommencé à augmenter à la fin desannées1990pourreprendreladeuxièmeplacedespaysnordiquesderrièrelaNorvège.Laperformancedecroissanceetdedéveloppement suédoiseestdoncremarquable,endépitd'un léger déclin économique amorcé dans les années 1980 et qui n'a pas été comblédepuis,encomparaisonaveclespaysnordiqueslesplusprospères.Lindbeckainterprétélesdifficultéssuédoisessurvenuesàpartirde1970commeleproduitdurenoncementpartielàcequ'il identifie comme leséléments clésdudéveloppement suédoisde1870à197061:ouverture internationale, libéralisation, modestie et efficacité de la puissance publique etvitalité de la société civile. La stratégie de croissance mise en œuvre par la Suède, enparticulier depuis son intégration à l'Union européenne (UE), vise à renouer avec uneouverture forte et une adaptation résolue aux marchés internationaux. Il nous reste àdéterminerlameilleuremanièred'évaluercettestratégie.Ouverturestructurelleetfonctionnelledel'économiesuédoiseLadistinction, sur leplanéconomique, entre «petits» et «grands»paysapparaîtdès laseconde moitié du XIXe avec les travaux de John Stuart Mill consacrés à la théorie ducommerce international62. Les «petits pays» sont plus ouverts économiquement que lesautres et développent en outre des stratégies de croissance qui accentuent encore cetteouverture (compétitivité, concurrence fiscale, politiques de l'offre). Ils sont ainsi plus àmême que les «grands pays» de tirer profit d'une mondialisation économique qui leurpermetdecompenser lehandicapde l'exiguïtéde leurmarché intérieur.Plusvulnérablesaux changements structurels, ils s'y adaptent cependant plus rapidement que les «grandspays». Il est utile à cet égard de se référer à la distinction opérée par Demas entre«ouverture structurelle» et «ouverture fonctionnelle» sur le plan économique63. L'auteurdistingueainsi,pourles«petitspays»insérédansleséchangesinternationaux,cequirelèvede la contrainte d'un côté, et du libre choix de l'autre. Le «petit pays» est en effetstructurellement ouvert vers l'extérieur du fait de ses ressources internes limitées.Mais ilpeutchoisird'accentuercetteouvertureenladoublantd'uneouverturerésolue,c'est-à-dired'unestratégievisantà tirer lemeilleurpartidesonenvironnementéconomique.Dans lecas de la Suède, l'insertion dans le marché unique depuis 1995 a clairement accélérél'ouvertureinternationale.

61LindbeckA.(2000).

62MillJ.S.(1844).

63DemasW.1965).

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Commeleremarquentà juste titreAlesinaet Spolaore64, l'émergencedepuis1945d'unnombrecroissantdepetitsEtatssouventtrèsintégrésdansleséchangesinternationauxestunphénomènemondial.Ellecorrespondàundoubleprocessus«d'intégrationéconomique»etde«désintégrationpolitique».Ladifférenceentrel'ordremondialetlerégimeeuropéenest néanmoins de taille. En effet, les petits Etats européens se «réintègrent»économiquementetpolitiquementauniveaueuropéenet sont ainsi capablesdemodifierconsidérablement leur échelle de souveraineté économique et politique. Laurent et LeCacheuxexpliquentquantàeuxque,pourun«petitpays»,lesinstrumentsdel'ajustementà un choc macroéconomique négatif (une récession, avec montée du chômage) neprésententpaslesmêmescaractéristiques,etneproduisentdoncpaslesmêmeseffetsquepourun«grand»65:parceque l'économiedupremierest trèsouverte– tantdupointdevue du commerce des biens et services que du point de vue des investissements directsétrangerset autres fluxdecapitaux–unepolitiquebudgétairen'aquepeud'effets sur lademande interne, celle-ci se dispersant à l'étranger par le canal des importations. Al'inverse,lespolitiquesdecompétitivité–quivisentàréduire lescoûtsdeproductiondesentreprises installées sur le territoire, grâce à la modération salariale ou à la baisse desimpôtsetdeschargespesantsur lesentreprisesou sur lamain-d'œuvre–ontunpuissantimpact de stimulation de l'offre, grâce aux gains de compétitivité (tant sur le marchéintérieur qu'à l'exportation) et aussi parce que les flux de capitaux et les implantationsd'entreprises étrangères sur le territoire national sont très sensibles aux différentiels derendements nets de l'investissement, ce qui incite à user notamment des armes de laconcurrencefiscale.Comme d'aucuns le soulignent, il y a donc une cohérence entre le fait que la Suèderenonce aux instruments keynésiens au cours des années 1990 et le fait que l'ouvertureéconomiquedupays se soitaccentuéedans lecadrede l'intégrationeuropéenneetde lamondialisation66.Laquestionestdésormaisdesavoirsiunetellestratégiedecroissanceestviable.Lesréponsesmacroéconomiquesàl'ouverture•L'extraversionéconomiquesuédoise:européanisationetmondialisationL'ouverture fonctionnelle de la Suède se mesure d'abord par la part des échangescommerciauxinternationauxdanslePIBnational(tauxd'ouverture).Legraphique4révèleàcetégardquesilaSuèdeétaitlepaysnordiquelemoinsouverten1970,ellen'estdépasséeen2006quepar leDanemark, son tauxd'ouvertureayantprogresséde27%en1991à47%en2006.Cetteouvertureestliéeàl'intégrationaumarchéunique(tableau8).

64AlesinaA.,SpolaoreE.(2003).

65LaurentE.,LeCacheuxJ.(2006).

66VoirparexempleErixonL.(2005).

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Leséchangesaveclemarchéuniquereprésentent60%deséchangesdelaSuède.L'ouverturefinancièredelaSuèden'estpasmoinsremarquable.Enl'espacedevingt-cinqans, laSuèdeapresquemultipliépar trentesonratiod'investissementsdirectsà l'étranger(IDE) sur PIB, et alors qu'elle était une des économies nordiques les moins ouvertesfinancièrement,elleseplaçaitentêteduclassementen2006,avecunécartdeprèsde30pointsdepourcentagesurlaNorvègeetdeprèsde20pointsdepourcentagesurlaFinlande(graphique 5). Ce qui frappe, c'est la rapidité avec laquelle s'est opérée cette ouverture,multipliéeparunfacteur5enseulementdixans(1995à2006).LaSuèdes'estégalement fortementmondialiséeeteuropéaniséesur leplanboursier.Lapartdessociétéscotéesenboursedétenuespardesétrangers,inférieureà10%en1990,aété multipliée par un facteur 3 pour atteindre près de 40% en 2007 (graphique6). Lastratégie de croissance typique d'un petit pays, on l'a vu, repose sur une politique decompétitivité qui se révèle payante. Le graphique 7 indique que la Suède a consenti uneffort considérable de baisse des coûts relatifs de main-d'œuvre entre 1990 et 2007. En1990,sapositionconcurrentielleétaitparmilesplusmauvaisesdespaysnordiquesetbienen-deçàdecelledelazoneeuro.En2007,lasituationesttotalementinversée.Iciencore,laSuèdeparaîtavoirpousséplusloinquelesautrespaysnordiquessalogiqueéconomiquedepetitpays(graphique7).Dansquellemesurecettestratégiedecroissanceextravertie remet-elleencause lesoclede la politique économique suédoise, déjà mis à mal par la crise du début des années1990?•LemodèleRehn-Meidnerest-ilencored'actualité?La Suède a longtemps suivi une politique économique originale élaborée en 1951 pardeux économistes du syndicat LO, Gösta Rehn et Rudolf Meidner. Cette politique futprincipalement appliquée de la fin des années 1950 au premier choc pétrolier de 1973-197467.Sesgrandeslignespeuventêtreexposéesainsi:–des politiques budgétaires et monétaires restrictives. Ces politiques déterminent leniveauglobalde lademande.Ellesdoiventdoncéviterquedesprofitsengendrésparunedemande excédentaire ne conduisent les entreprises à accorder des augmentations desalairesinacceptablespourunpayssoumisàunefortecontraintedecompétitivité;–unepolitiquedesolidaritésalariale(àtravailégalsalaireégal)ayantpourdoubleobjectifl'équité sociale et l'efficacitééconomique.Enobligeant les entreprises et les secteurspeurentablesàalignerleurssalairessurlesplusproductifs,onaccélèreledéclindespremiersetonfavorisedonclamodernisationdel'économie;–l'augmentation du chômage qui risque de résulter de l'application des deux premiersprincipesdoitêtrecontrecarréeparunepolitiqueactivedumarchédutravail.Cettedernièreestrapidementdevenuelapiècemaîtressedelapolitiquesuédoise.Maiscemodèle,initialementélaboréenpérioded'expansionéconomique,s'estrévélédeplus en plus difficile à appliquer en période de crise. L'adaptation de la main-d'œuvretrouve toute sa mesure quand des secteurs en expansion recherchent une main-d'œuvre

67Cf.GrjebineA.(1991).

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qualifiéequipeutleurêtrefournieparunepolitiquesystématiquederecyclagedessecteursenpertedevitesse.Cetteadaptationdevientplusproblématiquequandl'offred'emploitendàstagnerenraisond'unecroissancefaible,voirenégative.Orlarécessionqu'aconnuelaSuède au début des années 1990 a été pire encore que celle des années 1930. Le PIBsuédois a éténégatifpendant trois annéesconsécutives (1991-1993) et l'offrede travail adiminuédrastiquementaucoursdecettepériode.Lechômageestainsipasséde1,7%en1990à9%en1993,laSuèdes'engageantàsontoursurlavoieduchômagedemasse,àlasuitedesautrespaysmembresdel'OCDE.L'exempledesformationsestàcetitreparlant:aprèsavoirculminéà41,1%dubudgettotalconsacréaumarchédutravailen1990-1991,lapartconsacréeà la formationabaissédemanièrequasicontinuedès1992 (35,5%en1992-1993,25,5%en1993-1994,20,6%en1997)pourneplusreprésenterque18,6%en2003,aprèsuneembelliepassagèrel'annéeprécédente(29,5%en2002).UnepartnonnégligeabledecesdépensesdeformationfutengagéeendehorsduFondsnationalpourlemarché du travail (AMS), notamment dans le programme «Knowledge Voost»(Kunskapslyftet) des années 1997-2002. Mis en œuvre dans le but d'élever le niveaud'éducationetde réduire le chômagedesadultesn'ayant atteintque leniveaude l'écoleprimaire, ceprogramme répondait également àuneéconomiede l'offre.Dès la finde lapremière année, il concernait déjà 2% de la population en âge de travailler. Il n'endemeurepasmoinsqued'autresprogrammes,nonprévusparlemodèleRehn-Meidner,ontconnuundéveloppementconsidérable.Ainsi,celuienfaveurdeshandicapésdutravailquin'atteignait que 7,6%de ces dépenses en 1965 s'est-il élevé à 43,8% en 1990-1991 etreprésentait-il encore 37,2% en 2003. De même, les subventions à l'emploi, encorenégligeables en 1990-1991 (1,2%), n'ont cessé d'augmenter jusqu'en 1995-1996 pouratteindre 13,6%. Elles représentaient encore 11,6% en 2003. En 1997, ces subsides neconcernaientque1,9%despersonnesbénéficiairesdeprogrammesdumarchédu travailfinancésparl'AMSetd'autresautoritéspubliques.En2003,cetauxs'élevaità17,5%68.Demanière générale, le nombre de personnes bénéficiaires a progressivement diminuéjusqu'en2004,demêmequelapartduPIBconsacréeàdetellesdépenses.LennartErixonobservequ'en2000,lesdépensesconsacréesàcesprogrammesreprésentaientunepartduPIBinférieureàcequ'elleétaitauDanemarkouauxPays-Bas,deuxpayscomptantpourtantmoinsdechômeursque laSuède.Enmêmetemps,aprèsdeuxréductionssuccessivesdesallocations chômage – de 90% à 80% du salaire de référence en 1993 sous legouvernement «non socialiste», puis de 80% à 75% sous le gouvernement social-démocrateen1996–lerétablissementdel'équilibrebudgétaireen1997permitdereleverleplafonddesallocationschômage.Cesystèmefutréviséen2001-2002,afind'augmenteràlafoisletauxeffectifdesallocationschômageetlaflexibilité.LennartErixons'interrogeainsisurl'applicabilitédumodèleRehn-Meidneraujourd'hui69.Si la situation actuelle n'est guère favorable à la mise en œuvre d'une politiquekeynésienne,ellerépondenrevancheàlapremièrerègledumodèleRehn-Meidner.Dansce modèle, le plein emploi doit en effet être recherché dans le contexte d'une politiquemacroéconomiquerestrictive.Encesens,l'adhésiondelaSuèdeàl'Unioneuropéenneen1995 tout comme l'indépendance acquise de la Banque centrale (après un changement 68ErixonL.(2008),p.46.

69Ibid.

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constitutionnel en 1998) d'une part, et le renforcement des contraintes de compétitivitéinhérentes à la mondialisation d'autre part, invitent en toute hypothèse à le faire. Erixonmontre par ailleurs que les distorsions au modèle Rehn-Meidner apparues au milieu desannées 1970 s'expliquent notamment par des erreurs de politiquemacroéconomique, unaffaiblissement de la position du principal syndicat LO et une moindre coordination desnégociationssalariales–cesdonnéesrésultantelles-mêmesdelamondialisationcroissantedesgrandesentreprisessuédoisesetdel'exacerbationdelaconcurrenceinternationale.Desurcroît,larévolutiontechnologiqueetlacréationdenouveauxemploisengrandnombredanslesecteurdestechnologiesdel'informationetdelacommunicationontcertainementélargi l'éventail des salaires et favorisé des négociations salariales décentralisées etindividualisées.Enconclusiondesonétude,LennartErixonobserve: «La politique économique suédoise depuis lemilieu des années 1970 peut être considérée comme

hybride, comportantdes aspects keynésiens,d'autresnéo-monétaristes etdes caractéristiquespropresaumodèleRehn-Meidner.Lacombinaisond'unepolitiquedumarchédutravailetderèglesfiscalesetmonétaires rigoureuses du début des années 1990 au milieu des années 2000 était, au moins enthéorie, compatible avec le modèle Rehn-Meidner. De manière peut-être paradoxale pour unobservateur étranger,durantcettepériode, laSuèdeamieux réussique laplupartdesautrespaysdel'OCDEàcombinerune fortecroissancede laproductivitéetdes tauxd'inflationbas,maisn'estpasparvenueàmaintenirunbasniveaudechômageetlefaibledifférentieldesrevenusdesannées1970et1980, alors même que l'application précédente du modèle Rehn-Meidner avait contribué à unesituation dans laquelle un chômage faible et un différentiel de revenus réduit avaient étéinstitutionnalisésenSuède»70.

L'inflexiondespolitiquesmacroéconomiquesàpartirdumilieudesannées1990semblefinalementmontrer que lemodèle Rehn-Meidner est toujours applicable, sous une formemodifiée.•L'austéritémacroéconomiqueLarigueur,voirel'austéritémacroéconomiqueaétégénéraliséedanslaSuèdedesannées1990etasévèrementtouchélesdépensespubliquescommelapolitiquemonétaire.Ainsi,les finances publiques ont été spectaculairement assainies, notamment du fait de laréductiondrastiquedeladettepublique (sapartdanslePIBayantétéréduitedequarantepoints en moins de dix ans) et des dépenses publiques (baisse de près de vingt points),tandisquelesoldepublics'améliorait(graphique9).Quantauxdépensessociales,ellesontété réduites de près de dix points en quinze ans, même si la Suède demeure le pays del'Unioneuropéennequiconsacrelaplusgrandepartdesarichessenationaleauxdépensessociales (graphique10).Sicesdépensesontdonceu tendanceàbaisseraprès leurniveaurecord de 1993, elles demeurent aujourd'hui proches de leur niveau des années 1980(graphique11).La politique monétaire et de taux de change appliqués par la Suède depuis la crisefinancièredudébutdesannées1990 est la chroniqued'uneconversionà laplusgrande

70Ibid.,p.64.

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rigueur monétaire. L'inflation a été vaincue et stabilisée autour de 2%. Dans le mêmetemps,lastratégied'extraversionéconomiqueetdecompétitivitéapermisdedégagerdesexcédentsdelabalancecourantedeplusenplusimportants(voirgraphique8).Onretrouveici la logique économique du petit pays, qui peut se satisfaire d'une politique monétairerestrictiveouneutredèslorsqu'ils'engagedansunestratégiedecompétitivité.Pourautant,cette politique a sans doute été inutilement restrictive, sous l'influence d'un cadreinstitutionneltroprigide.FrancescoGiavazzietFredericS.MishkinrecommandentainsiàlaRiksbank(Banquecentralesuédoise)demieuxprendreencompteladoublenaturedesonmandat–quivisesimultanémentlaréductiondel'inflationetduchômage–,des'orientervers une politique monétaire plus expansionniste, de dialoguer plus efficacement avec leParlementetenfindesoumettresesfutursresponsablesàdesauditionsparlementaires71.•L'adaptationfiscaleLa politique fiscale suédoise s'est adaptée au contexte d'ouverture croissante liée àl'européanisationetàlamondialisation,mêmesilaSuèdeconserveunrégimefiscalquiladistingue parmi les pays développés. Comme le note Ganghof, deux stratégies biendifférentes peuvent permettre aux Etats-providence de faire face à la pression de laconcurrencesocio-fiscale: «soitdéplacerlachargefiscaleversl'impositiondutravailetlaconsommation(stratégiedemodération

fiscale),soitdonner la faveurauxrevenusducapitalauseinde l'impositiondesrevenus (stratégiededifférenciationfiscale)»72.

C'est en faveur de cette dernière qu'ont opté les pays nordiques au début des années1990.Par ailleurs, la taille des pays joue un rôle non négligeable dans les modèles deconcurrence fiscale contemporains. Dehejia et Genschel résument cette question à unarbitrageentrelapertederevenuinterneetlegainderevenuexternerésultantd'unebaissede l'imposition73.Plus lepaysestpetitausenséconomiquedu terme,pluscetarbitrageatendance à pencher en faveur d'une baisse des taux et donc vers une stratégie deconcurrence fiscale. L'autre raison pour laquelle un pays a tendance à privilégier cettestratégietientaufaitqu'étantpetit,ils'exposemoinsquelesgrandspaysàlamenaced'unesanction, c'est-à-dire une baisse stratégique des taux d'imposition en représailles.L'argumentserésumedoncdelamanièresuivante:lespetitspaysvontavoiravantageplusquelesgrandsàtaxerfaiblementlesbasesmobiles,notammentlecapital.Lorsquelepaysest grand,cetavantagedécroîtconsidérablement,àmesurequ'augmente lepérimètredesrevenus fiscaux intérieurs.Uneautremanièredecomprendre leproblèmeconsiste àdirequelaconcurrencefiscaleaenprincipebienplusdeconséquencessurlespetitspaysquesur lesgrands,carcesderniersontmoinsàperdreque lespremiersà lamobilitésortantedescapitaux. 71GiavazziF.,MishkinF.S.(2006).

72GanghofS.(2006).

73DehejiaV.,GenschelP.(1999).

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Letableau9rendcomptedelacoordinationdeséconomiesdumodèlenordiquefaceauxpressions induites par l'intégration financière, la Suède, la Norvège et la Finlande ayantadoptéentre1991et1993lemêmerégimed'impositiondualeducapitaletdutravailavecdes tauxd'impositionextrêmementproches réduisant aumaximum lesdifférencesqui lescaractérisaientenlamatière74.Cettestratégiededualisationfiscaleconduitàéroder,aunomdel'efficacitéfiscale,l'équitédesmodèlesnordiques.Onpeutdonclogiquements'attendreàunehaussedesinégalitésderevenusenSuèdedufaitdecetteréforme(cf.infra).D'autantplusque laSuèdeaaccentuécettedifférentiation fiscaleparunepolitiquedemodérationfiscalevisantàréduirel'impositionsurlesbaseslesplusmobilesenaugmentantlepoidsdel'imposition sur le travail. Pour autant, cette politique demeure de portée modeste(graphique12). Ilyabieneudéplacementde lacharge fiscaledesbasesmobilesvers lesbases immobiles, mais l'essentiel de la dynamique s'est produite entre 1965 et 1980.Cependant,aprèscettedate,latendancedemeure,voiremêmes'accentue.LaSuèdeaainsiabaisséletauxd'impositiondesesentreprisesde1981à2007,plusencorequelaNorvègeouleDanemark(tableau10).ImmigrationetcohésionsocialeS'agissantdurapportentre immigrationetcohésionsociale, lecasdespays scandinavesestparticulièrementintéressant.L'intégrationdepersonnesoriginairesdeculturesdifférentesserait-elleplusdifficiledansunesociétécaractériséeparunefortecohésionsocialequedansune société fondée sur ladiversité? Lespremières nevont-ellespascraindrequ'unaffluxd'immigrés ne remette en question leur cohésion sociale? A l'opposé, des sociétéstémoignantd'unefortecohésionsocialenesesentent-ellespassuffisammentassuréesdelapérennité de leurs valeurs et de leurs institutions pour accepter aisément l'intégration denouveauxarrivants?Uneréponseàcesquestionsdoitégalementintégrerlecomportementdespopulations immigrées. Ilestévidentque leprocessusd'intégrationne fonctionnepasde lamêmemanièresielles sereplient sur leurcommunautéousiaucontraireelles fontdeseffortsenvuedeparticiperactivementà laviede lacollectivitéd'accueil.Auvudesexpériencesdetroispaysnordiques(laFinlandeetl'Islanden'ayantconnujusqu'àprésentqu'uneimmigrationlimitée),lesréponsessontdiversifiées:leDanemarksemontreeneffetdeplusenplusrétifà l'immigration,alorsque les frontièresde laSuèdeetde laNorvègerestent,pourl'heure,largementouvertes.

74LeDanemarkavaitadoptéunrégimefiscaltrèsprochedecelui-cidèslesannées1980.

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•Uneprogressionrapidedel'immigrationCesdernièresannées, les fluxannuelsd'immigrationenSuèdesesontamplifiés jusqu'àatteindreceuxobservésdanslesannées1970(graphique13).Ilsdépassenten2007leseuilsymboliquedes1%delapopulation,faitsansprécédentdansl'histoiresuédoise.En1940,les personnes nées à l'étranger ne représentaient que 1% de la population suédoise. En1970,ellesenreprésentaient7%eten2006,12,9%.Sil'onyajoutelesSuédoisdontlesdeuxparentssontnésàl'étranger,cepourcentageatteint16,7%delapopulationen2006.Pour sa part, la démographeMichèle Tribalat a calculé la proportion de jeunes d'origineétrangère(0-17ans)enappliquantsuccessivementladéfinitionstrictequiprévautenSuède(deux parents immigrés) puis une définition plus large adoptée en France (au moins unparentimmigré)75.Selonl'uneoul'autredéfinition,oncompteen2007enSuède15,7%et26,2% de jeunes d'origine étrangère dans la population totale de la tranche d'âgeconsidérée(contre14,4%et22,4%auxPays-Basen2007,10,4%et17,9%enFranceen2005,9,7%–définitionstricte–auDanemarken2007et8,4%–définitionstricte–enNorvège en 2006). Ainsi, en Suède, plus d'un jeune sur quatre a au moins un parentd'origineétrangère.Selon les statistiques du Statistika Centralbyrån, sur une population totale de9113000habitants,laSuèdecomptaitau31décembre2006,1526177personnesnéesàl'étranger ou en Suède, mais dont les deux parents étaient nés à l'étranger. Parmi elles,373769personnesavaientdesoriginesnordiques(horsSuède),276065étaientoriginairesdel'Europedes27,dont65242dePologneet55608d'Allemagne;oncomptait285640personnes originaires du reste de l'Europe (Turquie comprise), dont 110624 de l'ex-Yougoslavie, 69286 de Bosnie-Herzégovine et 65720 de Turquie; 108856 d'Afrique,dont 27346 de Somalie, 74153 de l'Amérique du Sud; Par ailleurs, 109348 personnesétaientoriginairesd'Irak,71873d'Iranet42100duLiban.De nombreuses études mettent en évidence la relation négative entre l'hétérogénéitéethnoculturelled'unepart,lacohésionsocialeetlaconfiancequ'ellesecrèted'autrepart.Apremière vue, cette relation sera d'autant plus négative que la politique suivie tendra àfavoriser la formation de communautés distinctes plutôt que l'intégration des immigrés.Dans lamême veine,plusieurs auteurs avancentque la confianceestd'autantplus faiblequeladiversitéethniquevadepairavecune forteségrégationetde fortesinégalitésentrelesgroupes76.SelonStaffanKumlinetBoRothstein: «Il y a un risque qu'une société qui promeut le multiculturalisme endommage la cohésion de

l'ensembledelasociétéetréduisedecefaitsoncapitalsocial.Eneffet,lesgroupesfavorisésparunetelle politique (par exemple en disposant de leurs propres écoles) vont développer une méfiance àl'égarddeceuxquiappartiennentàd'autresgroupesouà l'égardde lamajoritéde lapopulation.Lerenforcement de la confiance intra-groupe peut bien se faire au détriment de la société dans sonensemble»77.

75TribalatM.(2008),«Effetsdémographiquesdel’immigrationétrangère»,Futuribles,n°343,pp.41-60.

76UslanerE.(2006).

77KumlinS.,RothsteinB.(2007),p.5.

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Dans lemêmeesprit,pourcertainsauteurs, laconfiancerésultepourunebonnepartdel'importanceetde laqualitédescommunicationsinterpersonnellesetladiversitéethniquetendàaffaiblircettedernière78.

•UntraitementinstitutionneléquitableSefondantsurdesenquêtesd'opinionconduitesen1999etportantsurlarégiondeGöteborg(1,5millionsd'habitants),StaffanKumelinetBoRothsteinsesontpenchéssur laconfiancedonttémoignent les groupes minoritaires. Il leur est ainsi apparu que la différence de confianceobservéeentre les individusappartenant àdesgroupesminoritaireset ceux issusde lamajorité(les «Suédois de souche») tend à diminuer au fur et à mesure que les premiers éprouvent lesentimentdebénéficierd'untraitementéquitabledelapartdesinstitutionsetque leurscontactsdevoisinagesemultiplient.LeBritishCouncil et leMigrationPolicyGroupde laCommissioneuropéenneontpublié, enseptembre 2007, un rapport intitulé Migrant Integration Policy Index. Ce rapport examine lespolitiquesd'intégrationsuiviesparlesvingt-septpaysdel'UEpluslaNorvège,etlesclasseselonsixcritères: l'accèsaumarchédu travail, la réunification familiale, la résidenceàlong terme, laparticipationpolitique,l'accèsàlanationalité,etlalégislationanti-discriminatoire.IlapparaîtquelaSuède seclasseaupremier rang,non seulement sur l'ensembledescritères,mais égalementpourchacund'eux.Appeléaupouvoirà lasuitedesélectionsgénéralesde l'automne2006, legouvernement de centre-droite a certes rendu l'immigration en Suède plus difficile, mais il acependant instauré de nouvelles mesures visant à faciliter l'intégration des immigrants sur lemarchédu travail, tellesque l'anonymatdescandidatures auxemploisde la fonctionpublique,l'instaurationd'unecommissionparlementairechargéed'envisagerdenouveauxemploispourlesimmigrés,ledéveloppementdesemploisdeserviceàdomicileetdesemploisdedébutants,etc. •ImmigrationetemploiDanssonrapportsurl'économiedelaSuèdepubliéen2007,l'OCDEnoteque«lesimmigrantsdecesdixdernièresannéesreprésententunepartdelapopulationenâgedetravaillerplusfortequepartoutailleursenEurope,sauf en Irlande». Il souligneenrevancheque«laproportiondeceux qui immigrent pour des raisons professionnelles est plus faible que dans la majorité desautrespays»79.Enfait,«depuislafindesannées1980,lesfluxmigratoiressemontrentbienmoinsréactifs à la situation du marché du travail suédois: ce sont avant tout des raisons politiques,humanitaires et familiales qui motivent l'immigration». Il apparaît notamment que les liensfamiliaux sont devenus la première caused'immigration en Suède, que celle-ci a pourmotif leregroupementfamilialoulaformationd'unfoyer–desimmigrantsoudescendantsd'immigrantstrouvantunconjointdansleurpaysd'origineoudesSuédoisrencontrantleurconjointàl'étranger.Ce décalage entre les besoins du marché du travail et l'immigration se ressent au travers del'évolutiondu tauxd'emploidesnatifs etdes immigrésenSuède.Dansunrapportconsacréau«profil»desimmigrés,l'OCDEconstatequeletauxd'emploidesnatifsenSuèdeestundesplus

78SallyD.(1995).

79OCDE(2007a),p.96.

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élevés des Etats membres de l'OCDE: 73,6%pour les personnes âgées de 15à 64ans contre67,3% en Allemagne, 61% en France et 54,7% en Italie, mais 79,7% au Danemark80. Enrevanche,l'écartaveclespersonnesnéesàl'étrangerestplusaccentuéenSuède:letauxd'emploin'estquede52,4%contre60,5%enAllemagne,56%enFrance,58%en Italieet54,4%auDanemark.Lapremièreexplicationconsistesansdouteàmettreenexerguelapartimportantedesréfugiés politiques parmi les immigrés. Ce taux d'emploi est particulièrement faible pour lespersonnesoriginairesdepayscommel'Irak(34,9%pourleshommeset21,8%pourlesfemmes)et l'Iran(respectivement51,8%et44,1%).Encequiconcerne lespersonnesoriginairesd'Irak,leurtauxd'emploiestfaiblequelquesoitleniveaud'éducation:21,4%pourcellesquin'ontpasdépasséleniveauprimaire,40,3%pourcellesquiontatteintleniveausecondaireet39,4%pourcellesquiontpoursuividesétudestertiaires.Enrevanche,pourlespersonnesoriginairesd'Iranoud'ex-Yougoslavie,letauxd'emploiestlargementfonctionduniveaud'éducation:respectivement27,1%et34,4%pourleprimaire,50,6%et62,5%pourlesecondaire,62,8%et67,1%pourletertiaire.•UnediversitédansladiversitéRogerAnderssonobservequelaSuèdesedistingue: «a)parlecaractèremultiethniquedetouslesquartiersayantunefortepopulationimmigrée; b) une hiérarchie ethnique/raciale prononcée qui existe aussi bien sur le marché du travail qu'en matière

d'habitat»81.Il remarque que la plupart des études suédoises quimettent l'accent sur l'«auto-ségrégation»expliquent que les immigrés considérés ont choisi de vivre près de leurs parents, mais qu'ilsdéplorent la présence réduite de Suédois d'origine dans leur environnement. Elles concluentégalementqueleregroupementencommunautésminimiselespossibilitésd'intégration.SelonunrapportduConseilsuédoispourlesaffairessociales(Socialstyrelsen)publiéen1999, lamajoritédes immigrants du Chili, d'Iran, de Pologne et de Turquie résidant dans des quartiers à fortepopulationimmigréesouhaiteraitvivredansdesenvironnementsplus«suédois».OnobserveenSuède,commeailleurs,quelapopulationimmigréeatendanceàseconcentreretoccupeuneplacecroissantedanscertainesagglomérationsetsurtoutdanscertainsquartiers.Lespersonnes nées à l'étranger ou dont les deux parents sont nés à l'étranger représentaient, au31décembre2006,25,6%delapopulationduGrandStockholm(populationtotalede1918000habitants),et27%decelledeStockholmàproprementparler(environ783000habitants).Ellesreprésentaient 38,2% de la population de Södertälje (82000 habitants), 27,3% de celle deGöteborg (490000habitants)et35,9%decelledeMalmö(276000habitants).Enrevanche, iln'yapeuoupasd'équivalents suédoisde «Chinatown» telqu'onpeut les connaître auxEtats-UnisouauRoyaume-Uni,etceenraisondeladiversitédesprovenancesdesimmigrés,mêmesion constate que dans un nombre croissant de quartiers, les Suédois «de souche» sontproportionnellementdemoinsenmoinsnombreux,c'est-à-direque lamixitésocialeestdeplusen plus forte. Roger Andersson prend l'exemple d'Husby, une banlieue de Stockholm où la

80OCDE(2008).

81AnderssonR.(2007).

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population totale n'a que faiblement augmenté en dix ans (1990-2000), passant de 10000 à12000habitants.Cependant,alorsqu'en1990, lenombred'immigrésetdeSuédoisdesoucheétait àpeuprèséquivalent,dixansplus tard,oncomptaitprèsde9000 immigrésetmoinsde3000Suédoisdesouche82.EtudiantlapopulationdelarégiondeStockholmentre1995et1999,ilobservepar ailleursque lapropensiondespersonnesà rejoindre lesmembresde laminoritédont elles sont issues dans des quartiers où celle-ci représente aumoins 5%de la populationtotalevaried'ungroupeà l'autre.Faiblechez lesEthiopiens, lesBosniaqueset lesChiliens (quiquittentrapidementlegroupe),elleestforteetcroissantechezlesSomaliensetlesIrakiens,fortemaisdécroissantechezlesTurcs.LavilledeSödertäljesemblefaireexception.Nonseulementlesimmigrésyreprésententprèsde40%delapopulation,maisdeplus,lamajeurepartiedeceux-cisontdeschrétiensoriginairesduMoyen-Orient, notamment des Irakiens.Cette «communauté» représente près d'un quart de lapopulation de la commune, qui accueille près d'un tiers de ces chrétiens du Moyen-OrientinstallésenSuède83.Pourdissipercetteconcentration,l'Agencesuédoisedel'immigrationaréduitlenombred'IrakiensautorisésàresterenSuède(alorsquetroiscassurquatreyétaientautorisésen 2007, la tendance s'est inversée en 2008). Dans le même temps, le gouvernement commel'oppositionenvisagentderépartirlesréfugiésdans touteslescommuneseninstaurantunesortederésidenceforcéedurantquelquesannées.Ainsi,laprésidentedupartisocial-démocrate,MonaOhlin, aproposéque «toutes les communes soientobligéesd'accepterdes réfugiés etquecesdernierssoientforcésd'accepterlelieuderésidencechoisiparlesautoritéspouraumoinsunoudeux ans»84. Des chercheurs suédois mettent toutefois en doute l'efficacité des placementsd'office, expérimentéspar lepassé. Ils s'appuientnotamment sur les travauxd'unchercheurdel'UniversitédeVäxjö,MatsHammarstedt,quiconstateque«lesréfugiésonteux-mêmestendanceàdéménagerpourserapprocherdesopportunitésd'emploi»85.Par ailleurs, il convient de noter que la diversité du voisinage n'a pas lemême impact selonqu'elle résultedumélangedeminoritésdifférentes ouqu'ellemetteenprésencedespersonnesissuesdegroupesminoritairesd'uncôtéetdesSuédoisdesouchedel'autre.Danscederniercasdefigure,l'hétérogénéitéduvoisinageaurauneincidenceplusmarquéesurledegrédeconfiancedelamajoritédelapopulationcommedesgroupesminoritaires.Ledéveloppementdecontactsde voisinage avec des personnes appartenant à d'autres minorités peut réduire le sentimentd'isolement qu'éprouvent souvent les immigrés, et renforcer ainsi leur confiance dans leursperspectives d'intégration, voire de réussite sociale. Dans l'hypothèse où ces contacts sedéveloppent, notamment, sinon principalement, avec des personnes appartenant au groupemajoritaire, ilspeuventêtreperçuscommeune«promotionsociale».Enrevanche,ces relationsdevoisinageneparaissentguèreavoird'effetssurlesentimentdeconfianceressentiparceuxquiappartiennent à la population majoritaire. A cet égard, on peut évoquer une étude menée parMelissa J. Marschall etDietling Stolle86 sur une population de la ville deDétroit au début des

82Anderssonse fondesur la thèserédigéesoussadirectionparAsaBramaet lesarticlesquiensont issus,publiésdansBrama(2006);voiraussiBrama(2007).

83TrucO.(2008a).

84TrucO.(2008b).

85AnderssonR.(2007).

86MarschallM.,StolleD.(2004).

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années 1970 qui démontre qu'un haut degré d'hétérogénéité du voisinage et de sociabilitéfavorise la confiance parmi lesNoirs, alors qu'il demeure sans conséquences parmi les Blancs.PourlesNoirs,l'hétérogénéitésignifiequ'onn'estplus«cantonné»auseindesacommunauté–enl'occurrenceunecommunautéperçuecommepauvreetvictimedediscriminations–afortiorisi cette hétérogénéité permet de nouer des contacts avec des membres de la majorité sociale,c'est-à-direavecdesBlancs.Pourcesderniers,cettehétérogénéitépeutaucontraireêtreperçuecomme une régression, un déclassement social. Enfin, il ne semble pas y avoir de corrélationapparenteentre le statutdeminorité et ledéveloppementde relations formelles (participationàdiversesorganisations).•Le«cerclevicieux»delahiérarchieethnique/racialeCommel'expliqueAndersson,àl'exceptiondel'immigrationd'originegrecque,quisedistingueparlapartimportantedepersonnesâgées: «Lespersonnesquisontconfrontéesàdesproblèmesd'intégrationsurlemarchédutravailetàunhautniveau

de ségrégation résidentielle sont exclusivement d'origine non-européenne oumusulmane… Ce phénomène

toucheaussileursenfantsqui,bienqu'ayanteffectuétouteleurscolaritéenSuèdeetobtenudebonnesnotesenlanguesuédoise,ontuntauxd'emploisubstantiellementplusbasqueceuxdesSuédoisdesouche»87.

Selon l'OCDE,onpourrait attribuer cesdifficultésd'intégration sur lemarchédu travail àdesfacteurs catégoriels tels que «des problèmes linguistiques, l'inadéquation des qualifications, leschémafamilial,etc.»88.L'obstacle linguistiqueparaîtainsi jouerunrôlecroissantsur lemarchédutravail,«lenombredepersonnesincapablesdes'exprimerd'embléeensuédois»augmentant.Audébutdesannées1970,«prèsde59%desimmigrantsprovenaientd'autrespaysscandinaveset comprenaient donc le suédois sans avoir à se former– contre seulement 35% en 2005»89.Même si, en Suède, tout immigrédoit suivredescoursde langue,gratuits etobligatoires, cetteproportion croissante d'immigrants ne maîtrisant pas le suédois au moment de leur arrivée enSuède ne facilite évidemment pas leur intégration sur le marché du travail. D'autres logiquessemblentyprésider.Ilsembleraiteneffetquelesdifférencesobservéesnesoientpasimputablesauseulniveaudequalification. «Plusdu tiers des personnes ayant récemment immigré enSuèdeont fait des étudesuniversitaires, et cette

proportion est supérieure à celle des Suédois de souche. Cette composition de l'immigration en termes deniveau d'études est plus favorable que dans la plupart des autres pays. Parallèlement, l'écart des tauxemploi/populationdesimmigrantsetdesSuédoisdesoucheestplusoumoinslemêmequelquesoitleniveaudequalification,etdenombreuximmigrantsformellementtrèsqualifiésoccupentunemploidanslequelleurformationprofessionnellen'estpasvraimentmiseàcontribution»90.

87AnderssonR(2007),p.17.

88OCDE(2007a),p.97.

89Ibid,p.96.

90Ibid.,p.99.

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Selon un rapport du Conseil suédois de l'intégration, publié en 2006, cette situation seraitnotamment imputable à l'inadéquation des procédures mises en œuvre pour reconnaître lescompétences: seuls 25%des réfugiés récents ont subi une évaluation de leur formation et deleursdiplômesantérieurset,deuxansaprèsleurinstallationenSuède,seuleunefaibleproportiond'entre eux a pu faire valider son expérience professionnelle antérieure. Par ailleurs, un récentrapport de la Cour nationale des comptes suédoise a mis en évidence de sérieuses carencesadministratives dans tous les organismes publics d'intégration91. On peut par ailleurs envisagerqu'enmatière d'intégration sur lemarché du travail, le niveau «formel» des diplômes obtenusn'est pas la seule variable, l'adaptation des études suivies aux besoins d'une économie hyper-développéeétantégalementdéterminante.Aunniveaud'étudescomparable,undiplômeobtenudans une université prestigieuse en Europe ou aux Etats-Unis n'aura pas lamême valeur sur lemarché du travail que celui obtenu dans un pays en développement. C'est d'ailleurs ce quesouligne l'OCDEdanssonrapportquiconstatequedesmigrantshautementqualifiés, «endépitdesolidescompétencesformelles,ontpeut-êtrebesoind'uncertaintempspourintégrerlemodusoperandi suédois dans leur domaine professionnel avant d'être pleinement productifs»92. Enrevanche, il sembleque l'intégration scolairedesenfantsd'immigrants soitplusaisée enSuèdeque dans majorité des pays membres de l'OCDE, même si leurs résultats scolaires demeurentmédiocres: «Si l'on sebase sur l'évaluationdes élèves âgésde 15ans effectuée par l'étudePISA, l'écart queconnaît la

Suèdeentrelesélèvessuédoisdesoucheetlesélèvesimmigrantsestl'undesplusélevésdespaysdel'OCDEpourlesquelsondisposededonnées.Cerésultatvautaussibienpourlalecturequepourlesmathématiquesetlessciences.Al'inverse,l'écartentrelesélèvesd'originesuédoiseetlesenfantsd'immigrantsnésetélevésenSuèdeestplusbasquelamoyenne»93.

Enfin,onnepeutnégliger le rôledesréseauxdans l'obtentiond'unemploi.Comme l'observeAsaOlliSegendorf,denombreuxemploissontpourvusparlebiaisderéseauxinformels,auxquelslaplupartdesimmigrantsontunaccèslimité94.Selond'autresobservateurs,ceseffetsderéseauxpourraientexpliquerlesrésultatsd'étudesrécemmentmenéesselonlesquelleslesenfantsnésenSuèdedeparentsimmigrésontplusdedifficultésàentrersurlemarchédutravailquelesenfantsde parents nés en Suède, en dépit de facteurs tels que le niveau d'études et la maîtrise dusuédois95.Lestroisphénomènes–discriminationsethniques,mauvaiseintégrationsurlemarchédutravailmarquée par une importante exclusion de ce même marché, ségrégation résidentielle – serenforcent mutuellement. Les discriminations, dont les hiérarchies mises en évidence par

91Ibid.,p.104.

92Ibid.,p.102.

93Ibid.,p.99.

94SegendorfA.O.(2005).

95BehtouiA.(2006);NekbyL.,ÖzcanG.(2005).

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Andersson sont le symptôme, jouent certes au moment de la recherche d'un travail ou d'unlogement.Mais la localisationdansunquartieréloignédes lieuxde travailetoù,desurcroît, lapartde lapopulation inemployéeestplus importantequ'ailleurs, rendplusdifficile la recherched'unemploi.Ason tour, ladifficultéà trouverun travail,eta fortioriun travailbienrémunéré,rendplusaléatoirel'obtentiond'unlogementdansunquartiercentraletdoncpluscher.Ilfautnéanmoinsobserverquelecerclevicieuxquitendainsiàseconstituercomportediversesentréesquipeuventavoirdesoriginesdifférentes.Ainsi,leregroupementd'uneminoritédansunquartier–cequ'Anderssonappellelaségrégationrésidentielle–peuts'expliquerparlaréticencedelamajoritéàaccepterlacohabitationavecuneminorité.Auquelcas,ceuxquiappartiennentàcettemajoritévontavoirtendanceàéviterdes'installerdansunquartieroùcetteminoritéestenexpansion,quittercequartiers'ilsysontdéjàinstallés,ouencoretenterd'isolercetteminoritédemanièreàlafairepartir.Ilestaussicompréhensiblequelesimmigréscherchentàs'installerauprèsdes membres de leur minorité, où ils pourront célébrer leur religion et s'entraider dans unenvironnementqu'ilspercevrontcommehostile.Desurcroît,certainsobservateursprétendentquelefaitdevivredansune«enclaveethnique»peutêtrebénéfiquedupointdevuedel'intégrationdesimmigrantssurlemarchédutravail,étantdonnél'importancedesréseauxdanslarecherched'un emploi96. De même, si la difficulté à trouver un emploi peut avoir pour origine unediscrimination ethnique, elle peut également s'expliquer par des facteurs propres à la personneconcernée,etenpremier lieuparunniveaud'éducationplus faiblequeceluide lamajoritéoud'autres minorités. On peut supposer que, de manière générale, les deux sources de«cantonnement»convergent:unepersonneappartenantàuneminoritéserad'autantplusvictimedediscriminationàl'embauchequesonniveaud'éducationserafaible;demême,lesmembresdelamajoritéserontd'autantplusréticentsàvivreàproximitéd'unecommunautéminoritairequecelle-cis'attacheraàpréserversesspécificitésculturellesetreligieuses.SelonunrapportduministèredesFinancessuédoisde2006,bienque laSuèden'affichepasd'objectif officiel en termes de taux d'emploi moyen des immigrants,la pérennité budgétairesupposede réduired'un tiers l'écart entre leur tauxd'emploi et celuidesSuédoisde souche97.C'estsansdouteparcebiaisdu«coût»del'immigrationquepourraitsedévelopperuneremiseenquestiondel'accueilgénéreuxdesimmigrésquiaprévalujusqu'àprésent98.Déjàen2003,lePremierministresocial-démocrate,GöranPersson,avaitprônéuneapprocherestrictive,évoquant«les touristes sociaux» qui porteraient atteinte à l'Etat-providence. Selon un sondage publié enmai 2008, le parti démocrate (extrême-droite) paraît en passe de franchir la barre des 4%nécessairespourfairesonentréeauParlement.SesreprésentantslocauxàMalmö,lagrandevillequi accueille proportionnellement le nombre d'immigrants le plus important, ont proposé depayer ces derniers pour qu'ils quittent la Suède.Cependant, malgré une progression rapide del'immigration, les réticencesà accueillirunnombrecroissantd'immigrésontplutôtdiminué enSuède.Ainsi, à la question «faut-il acceptermoins de réfugiés», 61%des interrogés répondaitfavorablementen1990contre46%en2006;parallèlement,ceuxquiyapportentuneréponsedéfavorable–etquiestimentdoncqu'il fautaccepterdavantaged'immigrés–passede17%à

96EdinP.A.,FrederikssonP.,AslundO.(2003).

97CitéinOCDE(2007A),p.98.

98Voir.EkhaugenT.(2005).

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28%99.Danscetespritd'ouverture,laLoid'intégrationde1997amêmeproclaméquelaSuèdeétait «une sociétémulticulturelle» et,mesurehautement symbolique,NyamkoSabuni, réfugiéeduCongoàl'âgededouzeans,aéténomméeen2006ministredel'Intégrationetdel'Egalitédessexesdanslegouvernementdecentredroite.Education:efficacitéetcohésionsont-ellescompatibles?Laréformedusystèmeéducatifsuédoisestunexcellenttémoignagedelavolontédeconcilierlarecherche d'efficacité avec le maintien, sinon l'approfondissement de la cohésion sociale.Traditionnellement, le système éducatif constituait une composante essentielle de la prioritéaccordéeparlasociétésuédoiseàl'applicationduprinciped'égalité.Ils'agissaitenl'occurrencedepromouvoirsimultanémentl'égalitédeschancesetl'égalitédesrésultatsafindedéconnecterlasituationdesparentsdecelledesperformancesscolairesdesenfantsetd'instituerunesociétéauseinde laquelle l'éventaildesrevenuset les inégalités soitaussi réduitquepossible. L'insertionsocialedesindividusprimaitalorssurlaformationd'uneélite.Cependant, comme en témoignent les comparaisons internationales effectuées au début desannées1990,cesobjectifsgouvernementauxn'ontpasempêchélesétudiantssuédoisderéaliserde bonnes performances (tableau 12).Demanière générale, il en était demême concernant leniveaud'éducationdesadultes,etcelapourtouteslesclassesd'âgenéesentre1929et1970.C'estnotammentcequ'arévélél'InternationalAdultLiteracySurvey100.LesperformancesdesSuédois,comparées à celles obtenues dans d'autres pays, étaient particulièrement nettes en ce quiconcernelapartdelapopulationrelativementlamoinséduquée101.Ilapparaissaitégalementquesilesécartsentreélèvesdemeuraientélevés,enrevanche,lesdifférencesentreécolesétaientpluslimitéesqu'ailleurs.D'autrepart,ilsembleraitquelefaibleécartderevenusenSuèdes'expliqueenpartieparuneplusgrandeégalitéentermesdecompétencesauseindelapopulation.C'estcequifaitdireàcertainsobservateursque«l'éducationaétéunfacteurimportantd'égalisationdescompétences,mêmesid'autresfacteurs,commelapressiondessyndicatspourréduirel'éventaildessalaires,yontégalementcontribué»102.Quoiqu'ilensoit,lacriseéconomiquequiaséviàlafin des années 1980 et au début de la décennie suivante a mis en évidence la nécessitéd'améliorerla«compétitivité»delamain-d'œuvreetdonclaqualitédel'enseignement,sanspourautant sacrifier la cohésion sociale. Le pari suédois était que ces deux objectifs, apparemmentcontradictoires,pouvaientêtreconciliés,voiremêmequ'ilspouvaients'avérercomplémentaires.C'estbienl'objectifdelaréformedel'éducationentrepriseen1992.

99HolmbergS.,WeibullL.(dirs.)(2007).

100OCDE(1995),Literacy,EconomyandSociety:ResultsoftheFirstInternationalAdultLiteracySurvey.

101Pourrésumerlesprincipauxaxesetlebilanprovisoiredecetteréformedel’éducation,noussuivonsici,pour une bonne part, le bilan détaillé proposé dans un ouvrage: Björklund A., Clark M.A., Edin P.-A.,FredrikssonP.,KruegerA.D.(2005).

102Ibid.,p.168.

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Demanièrequelquepeusurprenante,comptetenudesonpassé,laSuèdeamisenœuvredesréformesvisantàintroduirel'économiedemarchédanslesystèmeéducatif,etcedansunelargemesure. Ces réformes devaient notamment encourager la concurrence entre établissementsd'enseignement publics et privés et déléguer l'autorité de l'Etat sur les écoles publiques auxmunicipalités103.Bienquecesréformesaientétélancéesparlegouvernementdecentre-droitdèssonarrivéeaupouvoiren1991,lemouvementenleurfaveur,etplusgénéralementenfaveurdeladécentralisation,avaitdébutéplusieursannéesauparavantetallaitsepoursuivreaprèsleretouraupouvoirdessociaux-démocratesen1994.Tout d'abord, les règles de gouvernance des écoles suédoises ont été modifiées, en vue defavoriserladécentralisation,ladirectionparobjectif,laresponsabilisation,lechoixdesparentsetlacompétition.BienquelaSuèdes'inscrivecefaisantdansuneperspectivecommuneàbeaucoupdepaysmembresdel'OCDE,ilsemblequ'ellesoitalléenettementplusloinqued'autresdanslavoie de la décentralisation104. Celle-ci introduit de fait une forme de compétition, la qualité dusystèmeéducatifoffertconstituantunélémentnonnégligeabledanslechoixdulieuderésidence.La responsabilité du financement des établissements d'enseignement primaires et secondaires aété transférée aux communes dès 1990. Dans un premier temps, l'Etat central a continué deredistribuerunepartdesressourcesdescommunes lesplusaiséesvers lescommunes lesmoinsbienloties.Maislefondsréservéàceteffetaétéréduit,puisfinalementsuppriméen1993.Decefait, désormais, les capacités de financement de l'éducation varient considérablement selon lescommunes.Parallèlement,la«gestionparobjectif»desétablissementsscolairesaétédéveloppéeet ceux-ciont été invités à s'auto-évaluer.Pource faire, ilspouvaientnotamment s'appuyer surune batterie de tests nationaux auxquels étaient soumis les élèves des classes de cinquième etneuvième. Le recrutement des enseignants a été transféré de l'Etat central aux communes dès1989,lesnégociationssalarialesdemeurantcentralisées.Cen'estqu'en1995quelachargedecesdernièresaététransféréeauxétablissementsscolaires: «Bonnombred'écolesenontprofitépourdiversifierlessalairesdesenseignants,enparticulierenaugmentant

ceuxdesnouvellesrecruesafindefairefaceaumanqued'enseignantsqualifiésannoncédanslesannées1990.L'augmentation des salaires qui s'en est suivie a été le prix payé par le gouvernement pour persuader lesenseignantsd'accepterladécentralisationduprimaireetdusecondaireverslesmunicipalités»105.

Apartirde1992,lesparentsontétéautorisésàopterpourl'écoledeleurchoixauseindeleurcommune. Néanmoins, les écoles très prisées ont continué à privilégier la proximité du lieud'habitationdans leur critèrede sélection… exception faitedeStockholm.Eneffet, en2000, leconseilmunicipaldelacapitaleadécidéquel'ordred'admissiondesélèvesdansuneécole trèspriséeseraituniquementfonctiondudossierscolaire.Lesfamillesdemeuraientparailleurstoutàfaitlibresd'envoyerleursenfantsdansdesécolesprivées.Lescommunessonttenuesdefinancerces dernières au même titre que les écoles publiques. Seules exigences imposées aux écolesprivées:l'applicationdelarègledu«premiervenu,premierservi»danslasélectionlescandidatset la gratuité – les écoles publiques comme privées étant payées par les chèques-éducationdistribués aux parents par l'Etat et reversés aux établissements de leur choix. Anders Hultin,

103Ibid.,p.7.

104Cf.LindbladS.,LundahlL.,LindgrenJ.,ZackariG.(2002).

105BjörklundA.,ClarkM.A.,EdinP.-A.,FredrikssonP.,KruegerA.D.(2005),p.13.

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fondateur et président de Kunskapsskolan, un organisme fondé en 1999 regroupant vingt-sixécolesprivées,expliquaitquelarègledu«premiervenu,premierservi»étaitrarementinvoquéetoutsimplementparcequecesécolesprivéess'adaptentsuffisammentrapidementàlademandepour que les parents désireux d'y placer leurs enfants y trouvent une place106. En 1992, aumomentdel'introductiondecesystème,lesécolesprivéesaccueillaientàpeine1%desélèves.Cetauxétaitde6%en2002etavoisinaitles10%en2007.Endépitdufaitqueplusdequinzeanssesontécoulésdepuisledébutdesréformes,enfairelebilann'estpastoujourssimple.D'abord,parcequel'effetd'uneréformedusystèmeéducatifsurlesperformancesdesélèvesest loind'être immédiat,enparticulierquandil s'agitduchoixdesfilièresd'étude.Ensuite,parcequel'effetsurl'emploidecesperformancesnouvellementacquisesest encore plus lent à se faire sentir. Enfin, parce que dans laplupart des cas, d'autres facteursinterviennent simultanément et qu'il n'est pas toujours évident de déceler les effets précis deschangements enmatière éducative.Ainsi faut-il attribuer l'allongementdesétudesaux réformesentreprises ou bien plutôt à l'accroissement des inégalités de revenus? A priori, il est d'autantmoins «rentable» d'entreprendre des études longues et difficiles que l'éventail des revenus estresserré et que le différentiel des taux d'emploi selon le niveau d'éducation atteint est plusfaible107.Acontrario,faut-ilattribueràl'élargissementdel'éventaildesrevenusl'allongementdesétudes observable en Suède? En 1990, parmi la population suédoise des 25-64ans, 33%n'avaient pas dépassé le premier cycle du secondaire; la part de ceux qui avaient effectué ledeuxième cycle du secondaire s'élevait à 43%; et enfin, la part de ceux qui avaient fait desétudespost-secondaireétaitde22%.En2007,cestauxs'élevaientrespectivementà15%,46%et36%(tableau11).Parailleurs,ilfautsoulignerlaqualitédesuniversitéssuédoises:en2007,selon le classement de l'Institute for Higher Education de Shanghai, quatre d'entre elles setrouvaientparmi les centmeilleuresdumondeet neufparmi les trois centsmeilleures (tableau12).Unedesprincipalesquestionsquiontfaitdébataumomentdel'adoptiondesréformesétaitdesavoirdansquellemesurelacompétitionrenforcéeentrelesécoles,notammentledéveloppementdesécolesprivées,allaitfavoriserleurproductivité.UneétudepubliéeparBergströmetSandströmen2001avanceque laprésenced'écoles «indépendantes» (ladénomination suédoisepour lesécolesprivées)dansunecommuneaméliorait leniveaudes écolespubliquesdanscettemêmecommune, en particulier en mathématiques108. Confirmant cette hypothèse, Björklund, Clark,Edin,FredkrikssonetKruegerestimentquelaquestiondemeuredesavoirpourquellesraisonscesécolesindépendantessedéveloppenticietpaslà.Ilssedemandentégalementsilesélèvesissusdefamillesaiséesn'ontpasdavantagebénéficiédesréformesquelesautres.Ilsconstatenteneffetune accentuation de la «ségrégation» en fonction des origines familiales et des ressources à ladispositiondescommunes. Ilsdémontrentenoutreque l'augmentationdunombred'élèvesparclasse joueplusparticulièrement à l'encontredes élèves issusde familles lesmoinsbien loties,notammentd'origineétrangère.Ilsobserventnéanmoinsque«larelationentreleprofilfamilialetlesperformancesscolaires,mesuréesparlamoyennedesnotesobtenuesàseizeans,s'esttrèspeumodifiéeenSuèdeentre1988et2000»109.Enfindecompte,Björklundetsescollègesconcluentainsi:

106TheEconomist(2007).

107VoiràcesujetGrjebineA.(2006).

108Bergström,F.,SandströmM.(2001).

109BjörklundA.,ClarkM.A.,EdinP.-A.,FredrikssonP.,KruegerA.D.(2005),p.172.

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«Notreprincipaleconclusionestqueleseffetsdelaréformedel'éducationontétéexagérésdesdeuxcôtés,

parsespartisanscommeparsesadversaires.Laréformeaaméliorél'efficacitédusystèmescolaire,maiscetteamélioration a été modeste. Les inégalités ont également augmenté au cours de cette décennie, maisl'accroissement des disparités provoqué par la réforme paraît avoir été modeste. Certains groupes,principalement les immigrés, n'ont pas bénéficié de la possibilité de choisir leur école, mais de manièregénérale, lenouveau systèmedechoix,n'a euque des effets réduitspour laplupartdes élèves suédois. Laprincipaleconclusiondenotreétudeestqu'onnesauraitespérerdesrésultatsmiraculeuxmêmed'uneréformeorientée radicalement vers le marché, pas plus qu'on ne doit craindre une aggravation dramatique desinégalités»110.

EPILOGUE:PRESENTETAVENIRDELACONFIANCESUEDOISENousavons voulumontrerdanscetteEtude les raisonsquipoussentunpetitpayscomme laSuèdeàprendrelerisquederemettreencauseleressortprincipaldesonsuccèssocialaunomdela logique d'adaptation à l'européanisation et à la mondialisation. Il ne s'agit cependant pourl'heurequede risques, et il existeprobablementparmieuxunehiérarchie, voiredesarbitragesauxquels la société suédoise pourrait décider de procéder dans un avenir proche, afin de lesréduire. Ainsi peut-on imaginer que le pays choisisse de rester largement ouvert aux fluxcommerciauxetfinancierstoutendemeurantrelativementferméauxfluxmigratoires.Enoutre,leseffetsdel'harmonisationjuridiqueàl'œuvredanslespaysdel'UEpeuventaffecter,plus encore que le commerce, les capitaux ou les migrations, la méthode sociale suédoise etconduireàtermeàunrejetdelalogiqued'adaptationàl'ouvertureéconomique.Lesdeuxrécentsarrêtsde laCourde justicedesCommunautés européennes (CJCE)– «Vikingc/ITWF»et Lavalc/Byggnads(11et18décembre2007)–portantd'unepartsurledroitdessyndicatsàmettreenœuvredesactionscollectiveset,d'autrepart, sur la force juridiquedesaccordsconclusdans lecadre de négociations collectives, ont légitimement inquiété les syndicats suédois quant à lapérennitédeleurmodèlesocialdansuneUnioneuropéennedontlepouvoirjudiciaireestquasifédéral. Lenouvel arrêt «DirkRüffert / LandNiedersachsen» rendupar laCJCE le3avril2008n'estpaspour les rassurerpuisqu'il interdit les conditionsde salaireminimumdans les contratsd'appelsd'offrespublics.Par ailleurs, lamontée relativede ladélinquancepourrait êtreunpremier signe, sinond'uneremiseenquestion,dumoinsd'un«malaise»delacohésionsociale.EnSuède,l'évolutiondelacriminalitésuggèredeuxdynamiquesassezdifférentes.Onobserved'unepartuneaugmentationnetteetcontinuedescrimesquidénotentunepertedes«freinséthiques».Ilenestainsipourleshomicides,lesviolsetlesatteintesàlalégislationsurlesnarcotiques.Lenombred'homicidesestpasséde66en1950à100en1970,121en1990et240en2006.Aucoursdelamêmepériode,lenombredeviolsestpasséde350en1950à692en1970,1410en1990et4208en2006.Enfin,lesatteintesàlalégislationsurlesnarcotiques,insignifiantesen1950(aunombrede5)ont

110Ibid.,p.17.

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bondijusqu'à15803en1970,pouratteindre26517en1990etculmineren2006à66857111.Enrevanche,lescrimesàmotivationéconomiqueontsuivi,dansunelargemesure,l'évolutiondelaconjoncture,etnotammentlaforterecrudescenceduchômagedanslesannées1980-1990.Lesvolsetcambriolagessontainsipassésde110660en1950à392034en1970,733023en1990et582715en2006,avecdespicsautourde740000entre1991et1997.Demême,lesfraudesontprogresséde14653en1950à71601en1970et106699en1990avantderedescendre,parà-coups,à57460en2006.Certes,onpeutobjecterqueceschiffresnesontpasparticulièrementalarmants,d'autrespayseuropéensayantconnuunecroissancede lacriminalitébeaucoupplusforte.Ilsn'enexprimentpasmoinsunedétériorationdelacohésionsocialeenSuède.Qu'en est-il de la confiance suédoise, élément essentiel de la cohésion sociale? Les étudesd'opinion menées par le Som-Institutet de Göteborg montrent que le degré de confianceinterpersonnellenes'estguèremodifiéaucoursde ladécennie1996-2006.En1996,58%despersonnes interrogées témoignaient d'une forte confiance dans leurs concitoyens, 27% uneconfiancemoyenneet9%unefaibleconfiance.Ilsétaientrespectivement54%,32%et12%en2006. Par ailleurs, entre 1986 et 2006, la confiance dans les institutions s'est sensiblementdétériorée,etcequellesquesoientlesinstitutionsenvisagées.Ainsi,de1986à2006,l'équilibreentreceuxqui exprimaientuneconfiance forteoumoyenneet ceuxqui avaientuneconfiancemédiocreou très faibleestpasséde53%à42%encequiconcerne lapolice,de13%à2%pourl'Eglisesuédoise,de-7%à-20%pourlessyndicats,de36%à3%pourlegouvernementetde33à11pour leParlement.Cetéquilibreestpasséde37%(1994)à28%(2006)pour lajustice. La famille royale elle-même n'a pas entièrement échappé à une perte de confiance, labalance passant pour elle de 41% en 1995 à 26% en 2006112. Seule la confiance dans leshommes politiques s'est quelque peu améliorée au cours des dernières années, tout en restantassezmince.En1998,69%despersonnesinterrogéesn'avaientguèreconfianceet30%avaienttrèsouplutôtconfiance.Ilsétaientrespectivement59%et37%en2006.Selonlesdonnéesdel'EuropeanValuesSurvey,quicouvrelapériode1980-2000,laconfiancesuédoiseprésenteunvisagecontrasté:d'unecôté,elleparaîts'êtrefortementaccrueentre1981et1990, de l'autre, elle semble s'être stabilisée, à un haut niveau, au cours de la décennie 1990(tableau13).Lesrésultatsdonnésparl'EuropeanSocialSurveypourlapériodeplusrécentesontmoins encourageants. D'abord, la confiance suédoise semble plus faible dans l'absolu, bienqu'ellesemaintienneàunniveauappréciable.Elleestparailleurslaplusfaibledetouslespaysnordiques (tableau 14). Sans pouvoir l'affirmer avec certitude, il n'est donc pas exclu qu'unedégradationdelaconfiancegénéraliséesesoitamorcéeenSuèdeaudébutdesannées2000.Demême, la confiance dans les institutions, telle quemesurée par l'EuropeanValues Surveyentre1990 et 2000, paraît s'améliorer sensiblement sur la période (tableau 15a et 15b). Mais lesdonnéesdel'EuropeanSocialSurvey,plusrécentesetmoinsriches,sont,làaussi,moinsflatteuses(tableau16).Laconfiance suédoiseparaîtdoncencore solide,maisdes signesd'effritement laissentpenserquecertaines tendancesquenousavons identifiées iciontpeut-être commencéàproduire leureffetcorrosifsurlacohésionsociale.

111TouteslesstatistiquesmentionnéesiciviennentduSwedishNationalCouncilforCrimePrevention(2007),Stockholm.

112HolmbergS.,WeibullL.(eds.)(2007).

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Annexes

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Tableau 1 Indices de fragmentation de la population

Fragmentation Raciale Ethnique Linguistique Religieuse

Belgique 0,05 0,56 0,54 0,54 Danemark 0,02 0,08 0,10 0,23

France 0,10 0,10 0,12 0,40 Allemagne 0,06 0,17 0,16 0,66

Italie 0,02 0,11 0,11 0,30 Pays-Bas 0,11 0,11 0,51 0,72 Norvège 0,06 0,06 0,07 0,20 Espagne 0,03 0,42 0,41 0,45 Suède 0,05 0,06 0,20 0,23 Suisse 0,05 0,53 0,54 0,61

Royaume Uni 0,10 0,12 0,05 0,69 Etats-Unis 0,49 0,49 0,25 0,82

(1) chaque fragmentation est mesurée de 0 à 1. 0 indique un pays parfaitement homogène, 1 un pays dont la population est infiniment diversifiée. Source : Alesina, A., Glaeser, E.L. (2006)

Tableau 2 Syndicalisation en Europe en 1910 et en 2001

Taux de syndica-lisation en 1910-1914

Part de l’industrie dans l’emploi total

Taux de syndicalisation en 2001

Classification de Crouch

Autriche 4,8 % 24 % 35,7 % 2 Belgique 7,5 % 45 % 55,5 % 1

Danemark 13 % 24 % 72,5 % 1 Finlande 3,4 % 74,5 % 11 % 1 France 1,9 % 30 % 8,1 % 0

Allemagne 11,4 % 39 % 23,5 % 2 Italie 4 % 27 % 34,8 % 0

Pays-Bas 12,2 % 33 % 22,5 % 2 Norvège 8,5 % 26 % 52,8 % 1 Suède 7,1 % 25 % 78,0 % 1

Royaume-Uni 22,6 % 45 % 29,3 % 1 0 indique les Etats hostiles aux syndicats entre 1870 et 1900 ; 1 les Etats neutres et 2 les Etats favorables. Source : Colin Crouch, Industrial Relations and European StateTtraditions, Oxford, Clarendon Press, 1993 (cité par Philippon, T. (2007), Le capitalisme d’héritiers, Paris, Le Seuil, p.32).

Tableau 3 Evolution du revenu disponible, en %

Décile Croissance de 2005 à 2006 (sans gains en capital)

Croissance de 1991 à 2006 (sans gains en capital)

Croissance de 2005 à 2006 (avec gains en capital)

Croissance de 1991 à 2006 (avec gains en capital)

1 3,4 11,2 4,3 12,8 2 2,7 14,9 2,9 15,2 3 2,9 16,9 3,3 17,5 4 3,5 18,8 3,9 19,7 5 3,3 20,8 3,9 21,8 6 3,4 21,8 4,3 23,2 7 3,6 22,4 4,6 24,3 8 3,6 23,5 5,1 26,0 9 4,1 25,7 6,3 29,6 10 8,3 43,0 12,3 63,1

Source : SCB

Tableau 4 Le développement de la Suède et des pays nordiques, 1975-2005

1975

1995

2005

Classement IDH en 2005

Taux de croissance 1975-1995

Taux de croissance 1995-2005

Islande 0,868 0,923 0,968 1 6,0 4,6 Norvège 0,87 0,938 0,968 2 7,2 3,1 Finlande 0,846 0,918 0,952 11 7,8 3,6

Danemark 0,875 0,916 0,949 14 4,5 3,5 Suède 0,872 0,935 0,956 6 6,7 2,2

Source: Nations Unies

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Tableau 5 Décomposition de l’IDH en 2005

Education Espérance de vie

PIB

Islande 0.978 0.941 0.985 Norvège 0.991 0.913 1.000 Finlande 0.993 0.898 0.964

Danemark 0.993 0.881 0.973 Suède 0.978 0.925 0.965

Source: Nations Unies

Tableau 6 Indice en volume du PIB par habitant (OCDE = 100 en 2000), prix 2000 et PPP

1970 1980 1990 2000 2006

Danemark 63,2 76,1 93 115,8 125,8 Finlande 49,2 68,2 88,1 103,2 120,7 Islande 51,1 84,4 99,1 115,6 134,7 Norvège 57,7 86,5 106,8 145,1 159,4 Suède 66,8 78,5 94,7 111,5 128,6 UE 15 51,6 67,4 83,6 101,1 109,2 OCDE 52,6 67 83,4 100 109,1

Source: OCDE

Tableau 7 Ecarts de revenu par habitant avec les Etats-Unis, la zone euro et les autres pays nordiques (en 2006)

Ecart de revenu par habitant avec les Etats-Unis (en points de %)

Ecart de revenu par heure travaillée (en points de %)

Ecart d’heures travaillées (en points de %)

Islande -18 -29 15 Norvège 18 41 -16

Danemark -20 -15 -5 Finlande -25 -18 -8 Suède -20 -11 -10 OCDE -30 -25 -7

Zone euro -29 -14 -18 Source: OCDE

Tableau 8

Part dans les échanges de biens et services suédois, 2007, en % (15 premiers partenaires) Part des exportations Part des importations Part dans les échanges

Allemagne 18,4 10,4 14,4 Danemark 9,1 7,4 8,25 Norvège 8,6 9,4 9 Royaume-Uni 6,9 7,1 7 Pays-Bas 6,1 5,1 5,6 Finlande 6,1 6,4 6,25 France 4,9 5 4,95 Belgique 4,2 4,6 4,4 Italie 3,6 3,2 3,4 Chine 3,5 1,9 2,7 Etats-Unis 3,1 7,6 5,35 Russie 2,9 2 2,45 Pologne 2,9 2,5 2,7 Japon 1,7 1,2 1,45 Espagne 1,5 2,8 2,15 UE 63,7 54,5 59,1 Europe 72,3 63,9 68,1 Reste du monde 11,2 12,7 11,95 Source : SCB et calculs des auteurs

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Tableau 9 La dualisation fiscale dans les pays nordiques, en %

Année d’introduction Taux d’imposition des profits

Taux d’imposition des revenus du capital

Taux d’imposition des revenus du travail

(min/max) Suède 1991 28 30 28/56

Norvège 1992 28 28 28/47,5 Finlande 1993 29 29 30,5/52,5

Source : Cnossen S. (2002), « Tax Policy in the European Union – A Review of Issues and Options ». CESifo Working Paper Series, n° 758, CESifoGmbH, Munich.

Tableau 10 Taux d’imposition sur les sociétés, 1981-2007

1981 2007 Ecart 1981-2007 Finlande 61,5 26 35,5 Suède 57,8 28 29,8 Islande NA 18 NA Danemark 40 25 15 Norvège 50,8 28 22,8 Source : OCDE

Tableau 11 Niveaux d’éducation atteints en Suède (population 25-64 ans)

Primaire et 1er cycle secondaire, 9ans d’étude et

moins

2e cycle secondaire

post-secondaire

post-master

1990 33 % 43 22 0,6 1998 24 % 47 27 0,7 2007 15 % 46 35 1,1

Source : Statistiska centralbyran, Level of Education in Sweden 1990-2007, 2008 .

Tableau 12 Classement des universités mondiales en 2007

Classement mondial Nombre d’uni-versités

dans le Top 100 Nombre d’uni-versités

dans le Top 200 Nombre d’uni-versités

dans le Top 300 Nombre d’uni-versités

dans le Top 400 Nombre d’universités

dans le Top 500 Suède 7 4 4 9 10 11

Danemark 12 1 3 4 4 4 Norvège 13 1 1 2 3 4 Finlande 14 1 1 1 3 5 France 6 4 7 12 18 23

Allemagne 4 6 14 22 36 41 Source: Institute of Higher Education, Shanghai Jiao Tong University

Tableau 13 Confiance généralisée*

1981 1990 1999/2000

Norvège 60,9 65,1 Islande 39,8 43,6 41,1

Danemark 52,7 57,7 66,5 Finlande 62,7 57,4 Suède 56,7 66,1 66,3

* Pourcentage de gens qui répondent « Il est possible de faire confiance aux autres » à la question : « En règle générale,pensez-vous qu’il est possible de faire confiance aux autres ou que l’on est jamais assez méfiant ? ». Source: EuropeanValues Survey.

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Tableau 14

Confiance généralisée* 2002 2004

Danemark 67,1 64 Finlande 59,3 58,6 Norvège 61,5 62,2 Islande 60,5 Suède 51,8 52,4

* Pourcentage de gens qui répondent aux trois niveaux les plus élevés de la question : « En règle générale, pensez-vous qu’il est possible de faire confiance aux autres ou que l’on est jamais assez méfiant ? » Source: European Social Survey

Tableau 15a Manque de confiance dans les institutions*, 1990

…la justice …au Parlement …aux syndicats …au service public …au système de sécurité sociale Norvège 2,5 5,1 6,6 6,7 8,9 Islande 4 8,2 7,5 7,5 4,5

Danemark 1,6 9,6 13,7 5,3 3,5 Finlande 3,1 15,1 12,5 11,9 2,3

Suède 7,7 11,1 14,8 8,5 12,3 * Pourcentage de gens qui répondent « aucune confiance » à la question « quelle confiance accordez-vous à… ? » Source: European Values Survey.

Tableau 15b

Manque de confiance dans les institutions*, 2000

… la justice … au Parlement … aux syndicats … au service public … au système de sécurité

sociale

Islande 3,9 2,8 6,2 3,5 7,2 Danemark 2,3 6,7 8,4 4,3 2,8 Finlande 3,5 9,4 6,9 8,3 3,8 Suède 4,7 6,1 9,7 5,4 5,3

* Pourcentage de gens qui répondent « aucune confiance » à la question « quelle confiance accordez-vous à… » ? Source: European Values Survey.

Tableau 16 Manque de confiance dans les institutions*, 2000

… au Parlement … à la justice

2002 2004 2002 2004 Danemark 6,3 5,4 4,3 3,7 Finlande 8,3 6,5 4,9 4,3 Norvège 7,5 9,9 5,6 6,3 Islande 8,2 9,7 Suède 8,3 11,5 7,5 9,6

* Pourcentage de gens qui répondent aux trois niveaux les plus faibles de la question « quelle confiance accordez-vous… » ? Source : European Social Survey.

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Les Etudes du CERI - n° 147 - septembre 2008 49

Graphique 1 Evolution de la part du revenu détenu par les 1 % et les 10 % les plus riches

Source : SCB

Graphique 2 Evolution de l’indice de Gini, avec et sans les gains en capital, 1991-2006

Source : SCB.

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Les Etudes du CERI - n° 147 - septembre 2008 50

Graphique 3 PIB par heure travaillée, en GK $ de 1990, 1960-2007

Source: The Conference Board and Groningen Growth and Development Centre, Total Economy Database, January 2008, http://www.conference-board.org/economics/

Graphique 4 Taux d’ouverture des pays nordiques, de l’UE 15 et de l’OCDE, 1970-2006, en % du PIB

Source : OCDE.

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Les Etudes du CERI - n° 147 - septembre 2008 51

Graphique 5 Stock d’IDE, en % du PIB, 1980-2006

Source : UNCTAD.

Graphique 6 Propriété des sociétés cotées sur le marché suédois, 1983-2007, en %

Source : SCB.

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Les Etudes du CERI - n° 147 - septembre 2008 52

Graphique 7 Positions concurrentielles : coûts unitaires relatifs de main-d'œuvre, 1990-2007

Source : OCDE

Graphique 8

Balance courante et taux d’inflation, 1970-2007

Source : Riksbank et SCB

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Les Etudes du CERI - n° 147 - septembre 2008 53

Graphique 9 Les finances publiques suédoises, en % du PIB, 1990-2007

Source : OCDE Graphique 10

Dépenses sociales totales en % du PIB, 1990-2007

Source : OCDE

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Les Etudes du CERI - n° 147 - septembre 2008 54

Graphique 11 Dépenses sociales publiques, en % du PIB, 1980-2003

Source : OCDE.

Graphique 12 Structure de la fiscalité suédoise, 1965-2005

Source : OCDE

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Les Etudes du CERI - n° 147 - septembre 2008 55

Graphique 13 Immigration en Suède, en % de la population totale, 1875-2007

Source : SCB et calculs des auteurs.