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La Mythocritique Née dans les années soixante-dix, la mythocritique s’inscrit dans le champ de la « nouvelle critique ». Son promoteur est le philosophe français Gilbert Durand (1921-2012). Le terme "mythocritique", employé dès 1972 par Durand, a été forgé sur le modèle de la psychocritique de Charles Mauron (1962). Pour Pierre Brunel, le texte fondateur des deux disciplines serait le même: Délires et rêves dans la Gradiva de Jensen de Sigmund Freud (1912). En effet, le psychanalyste s'intéressa à une nouvelle de l'écrivain allemand Wilhelm Jensen, intitulée Gradiva , et racontant l'histoire d'un jeune archéologue allemand qui s’est épris d’une sculpture grecque antique. En plus d'une analyse des fantasmes obsédants du héros laquelle préfigura la psychocritique, Freud établira un rapprochement entre la sculpture et les Hores, divinités de la mythologie grecque, ce qui annonce la mythocritique à venir. Par ailleurs, c'est le mouvement de revalorisation du mythe qui passe, sous l’égide notamment de Claude Lévi-Strauss, du statut de pensée pré-philosophique à celui de mode de pensée à part entière, qui permettra l'émergence de la mythocritique en tant que nouvelle forme de critique, en ce sens où le mythe sera considéré, selon Durand, comme gardien et témoin du fond anthropologique commun de l’imaginaire, son apparition dans un texte faisant donc signe vers cet imaginaire et constituant une matrice génératrice de sens. L'objet de la mythocritique est donc l'analyse d'un texte à la lumière du mythe. On doit cependant la distinguer de la mythanalyse ainsi que de l'étude des mythes littéraires. En effet, la première, que nous devons à Denis de Rougemont, se propose d'étudier la façon dont une société est marquée par ses mythes, alors que la seconde s'apparente à la thématologie: l'étude des thèmes en littérature comparée. Parmi les principaux ouvrages de Gilbert Durand, on peut citer Les Structures anthropologiques de l'imaginaire , L'imagination symbolique , et Figures mythiques et visages de l'œuvre: de la mythocritique à la mythanalyse où l'auteur appliquera sa

La Mythocritique

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La Mythocritique

Née dans les années soixante-dix, la mythocritique s’inscrit dans le champ de la « nouvelle critique ». Son promoteur est le philosophe français Gilbert Durand (1921-2012).

Le terme "mythocritique", employé dès 1972 par Durand, a été forgé sur le modèle de la psychocritique de Charles Mauron (1962). Pour Pierre Brunel, le texte fondateur des deux disciplines serait le même: Délires et rêves dans la Gradiva de Jensen de Sigmund Freud (1912). En effet, le psychanalyste s'intéressa à une nouvelle de l'écrivain allemand Wilhelm Jensen, intitulée Gradiva, et racontant l'histoire d'un jeune archéologue allemand qui s’est épris d’une sculpture grecque antique. En plus d'une analyse des fantasmes obsédants du héros laquelle préfigura la psychocritique, Freud établira un rapprochement entre la sculpture et les Hores, divinités de la mythologie grecque, ce qui annonce la mythocritique à venir. Par ailleurs, c'est le mouvement de revalorisation du mythe qui passe, sous l’égide notamment de Claude Lévi-Strauss, du statut de pensée pré-philosophique à celui de mode de pensée à part entière, qui permettra l'émergence de la mythocritique en tant que nouvelle forme de critique, en ce sens où le mythe sera considéré, selon Durand, comme gardien et témoin du fond anthropologique commun de l’imaginaire, son apparition dans un texte faisant donc signe vers cet imaginaire et constituant une matrice génératrice de sens.

L'objet de la mythocritique est donc l'analyse d'un texte à la lumière du mythe. On doit cependant la distinguer de la mythanalyse ainsi que de l'étude des mythes littéraires. En effet, la première, que nous devons à Denis de Rougemont, se propose d'étudier la façon dont une société est marquée par ses mythes, alors que la seconde s'apparente à la thématologie: l'étude des thèmes en littérature comparée.

Parmi les principaux ouvrages de Gilbert Durand, on peut citer Les Structures anthropologiques de l'imaginaire, L'imagination symbolique, et Figures mythiques et visages de l'œuvre: de la mythocritique à la mythanalyse où l'auteur appliquera sa mythocritique à diverses œuvres littéraires (Xavier de Maistre, Baudelaire, Stendhal, Proust, Gide, Zola ... ) et picturales (Rubens, Rembrandt, Goya ... ).