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1944-45 Allemagne 1 NACHTJÄGER Les « Vampir » du Reich ! La Panzerwaffe et ses dispositifs de combat nocturne Par Yann Mahé L’auteur tient à adresser ses plus sincères remerciements à Petr Pechar, sans qui cet article n’aurait pu voir le jour. Note : le lecteur voudra bien nous pardonner quelques lacunes iconographiques mineures tant il est, encore aujourd’hui, extrêmement difficile de se procurer des clichés corrects sur ce type de dispositifs et, surtout, sur les unités allemandes les ayant utilisés ! Nous vous réservons néanmoins quelques « scoops visuels », à l’instar de ces rarissimes clichés de tenues Leibermuster présentés dans nos colonnes !

La Panzerwaffe et ses dispositifs de combat nocturne · 194445 llemane 1 NACHTJÄGER Les « Vampir » du Reich ! La Panzerwaffe et ses dispositifs de combat nocturne Par Yann Mahé

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1944-45 Allemagne

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NACHTJÄGERLes « Vampir » du Reich !

La Panzerwaffe et ses dispositifs de combat nocturnePar Yann Mahé

L’auteur tient à adresser ses plus sincères remerciements à Petr Pechar, sans qui cet article n’aurait pu voir le jour.

Note : le lecteur voudra bien nous pardonner quelques lacunes iconographiques mineures tant il est, encore aujourd’hui, extrêmement difficile de se procurer des

clichés corrects sur ce type de dispositifs et, surtout, sur les unités allemandes les ayant utilisés ! Nous vous réservons néanmoins quelques « scoops visuels », à l’instar

de ces rarissimes clichés de tenues Leibermuster présentés dans nos colonnes !

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Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

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Afin de comprendre les subtilités de la technologie liée au combat nocturne durant la Seconde Guerre mondiale, il convient tout d’abord d’expliquer ce qu’est exactement l’infrarouge. Depuis 1863 et les travaux du physi-cien écossais James Clerk Maxwell, l’on sait que la lumière est une onde, plus précisément une onde électro-magnétique, c’est-à-dire possédant une composante électrique et magné-tique. On parle alors de spectre élec-tromagnétique, lui-même subdivisé en longueurs d’ondes, autrement dit, en couleurs. Or, l’œil humain ne discerne qu’une toute petite partie de ce spectre électromagnétique (équivalente à peu près aux couleurs de l’arc-en-ciel). L’infrarouge est une des ondes de ce dernier, située juste après le rouge qui est la dernière couleur de la lumière visible quand on se déplace dans le sens croissant des longueurs d’onde du spectre. La principale propriété de l’infrarouge, invisible à l’œil nu, est de véhiculer la chaleur. On parle alors de rayonnement thermique. De fait, le rayonnement émis par des objets à température ambiante, comme le corps humain ou un véhicule ayant son moteur en route ou coupé depuis peu de temps, est observable par l’in-termédiaire de capteurs infrarouges qui connaissent leurs premières appli-cations militaires dans les années 30.

LES SOUBRESAUTS DE L’INFRAROUGE DANS LA WEHRMACHT

Durant l’entre-deux-guerres, du fait de la réduction drastique des effec-tifs imposée à la Reichswehr par le « Diktat » de Versailles, son comman-dant en chef, le Generaloberst Hans von Seeckt, décide de forger une Armée surentraînée et apte à combattre dans n’importe quelles conditions. Ainsi, aucun aspect des opérations tactiques n’est négligé par les instructeurs de la Reichswehr, le combat nocturne étant systématiquement enseigné à la troupe. Aussi, dès le début des années 1930, plusieurs firmes allemandes entament-elles des recherches devant

déboucher sur l’élaboration de sys-tèmes de vision susceptibles de faci-liter les opérations de nuit. C’est le cas en particulier de AEG (Allgemeine Elektrizitäts-Gesellschaft) qui met au point, en 1934, un tube cathodique baptisé « Braunsche Röhre », un appareil de conversion permettant de transformer une lueur infrarouge en lueur visible par l’homme. L’avancée est décisive et coïncide peu ou prou avec l’arrivée de l’Oberst Guderian au Kommando der Panzertruppen, le commandement des troupes blindées. L’officier est alors en train d’ériger en doctrine militaire les enseignements qu’il a tirés de ses quinze années d’ex-périence au contact des formations motorisées de la Reichswehr, et met inlassablement l’accent sur la néces-sité de pouvoir livrer des combats nocturnes, ce afin de ne pas avoir à ralentir les opérations du « Blitzkrieg » à la tombée de la nuit.Cela arrive à point nommé car l’invention de AEG ne tarde pas à susciter l’intérêt de la nouvelle Wehrmacht. En effet, à partir de 1936, le WaPrüf 8 (Département des optiques et équipements d’observation) du Heereswaffenamt, l’office de l’Ar-mement de la Heer, travaille en colla-boration avec AEG pour développer un système de vision infrarouge permettant de conduire, d’observer et d’acquérir des cibles de nuit. Le Dr.-Ing. Gaertner,

du WaPrüf 8, est chargé de la mise en œuvre de ce projet. Il est assisté dans cette tâche par des ingénieurs de AEG, du Reichspostforschungsanstalt (Institut de recherche de la Poste) et de la firme Zeiss, déjà mondialement connue pour la qualité de ses optiques.En 1939, après trois ans de travaux, l’équipe livre une version militarisée du convertisseur d’image infrarouge qui est adaptée sur un canon anti-char 3,7cm Pak 35/36. Le système consiste en un projecteur (Infrarot-Scheinwerfer) émettant un faisceau infrarouge monté au-dessus du bou-clier de la pièce, le convertisseur d’image (Bildwandler ou Biwa) étant manipulé par le tireur du Pak.Comment cet appareil fonctionne-t-il ? Il est important de le préciser car tous les dispositifs de vision nocturne éla-borés par le Reich durant la guerre vont fonctionner de la même manière. Au cours de leurs recherches, les techni-ciens allemands ont constaté que la lumière infrarouge se reflétait de façon quasi-similaire à la lueur du jour et que ses faisceaux pouvaient être convertis en lumière perceptible. Pour permettre aux canonniers de percevoir cette lueur, deux instruments sont utilisés : un pro-jecteur muni d’un filtre émettant une lumière infrarouge relié à un convertis-seur d’image capable de transformer cette lueur infrarouge en lumière visible.

La Seconde Guerre mondiale, conflit qui a vu les différentes nations belligérantes accomplir des progrès remarquables dans le domaine de la technologie militaire, reste surtout associée à la bombe atomique, aux avions à réaction, aux fusées balistiques ou aux radars. Ces innovations concernent principalement la troisième dimension. Mais l’on oublie bien souvent que des avancées tout aussi spectaculaires ont vu le jour au sein de diverses armées de terre. C’est ainsi que plusieurs puissances se sont intéressées à la technologie infrarouge, seul le III. Reich ayant sérieusement étudié la possibilité de munir ses chars de moyens de détection autorisant le combat de nuit. Dans ce domaine, au fil des mois, les ingénieurs et penseurs militaires allemands vont mettre au point un système d’armes complet et ultramoderne. Et, de fait, les Panzer parviendront à remporter des succès locaux prometteurs contre les Alliés durant les derniers mois de la guerre. Comme bien souvent, l’aversion des hauts responsables de la Wehrmacht pour les nouvelles technologies et les incessants raids aériens anglo-américains sur les usines allemandes n’ont permis que l’introduction tardive et à une échelle négligeable de ces équipements précurseurs de ceux des armées d’aujourd’hui.

t Gros plan sur le projecteur de 60cm d’un semi-chenillé de détection infrarouge Sd.Kfz. 251/20 Ausf. D Infrarotscheinwerfer « Uhu ». Le cylindre visible sous le projecteur est le télémètre BG 1251 Beobachtungs Gerät 1251. À partir de juin 1944, comme ce fut déjà le cas en Tunisie puis en Sicile et en Italie en 1942-43, l’activité aérienne de la Royal Air Force et de l’US Air Force va fortement entraver les mouvements des Panzer et de leurs colonnes de ravitaillement, les obligeant bien souvent à rouler de nuit. C’est pour cette raison qu’a été développé le Sd.Kfz 251/20 : afin d’accompagner le Panzer V Panther au combat, puis les Panzer-Grenadiere.

Sauf mention contraire, toutes photos : Bovington Tank Museum

t Fin des années 1930, les servants d’un canon Pak 35/36 de 3,7cm s’entraînent au combat antichar de nuit, dans la neige. Sous l’impulsion d’officiers énergiques, la Reichswehr est rapidement devenue une armée capable de combattre en conditions nocturnes, les milieux militaro-industriels allemands s’efforçant de mettre au point des équipements adaptés à ce type d’engagement. La firme AEG est la première à élaborer un système de visée infrarouge qui sera expérimenté sur... le Pak 35/36 de 3,7cm. Archives CaraktèreColl. Kadari

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La lumière infrarouge invisible à l’œil nu est projetée par l’Infrarot-Scheinwerfer, puis elle se réfléchit sur la cible et s’en retourne au viseur Bildwandler renfer-mant le tube cathodique « Braunsche Röhre » qui convertit alors l’image infrarouge en une image visible par le pointeur. Ce convertisseur nécessite une puissance de 17 000 volts pour fonctionner, cette énergie étant fournie par un transformateur haute tension HS 5F, celui-ci pouvant alimenter plusieurs convertisseurs sur un même engin. Cet équipement infrarouge permet à ses utilisateurs de repérer l’ennemi dans la nuit sans être vus. La taille et la capacité de l’Infrarot-Scheinwerfer et du Biwa dépendent alors des besoins. Les performances affichées par le pro-totype testé sur le Pak 35/36 sont mitigées : il fonctionne, prouvant par là que des véhicules ennemis peuvent

être engagés de nuit, mais se révèle très encombrant et, de plus, est sujet à de fréquentes pannes techniques. En outre, le faisceau produit par son projecteur est limité, bien inférieur aux 300 mètres de portée efficace du Pak 35/36, ce qui, en conditions réelles de combat, exposerait dangereuse-ment la pièce et ses servants aux tirs adverses. C’est le Heereswaffenamt qui supervise les essais, puis le sys-tème est présenté à l’Oberkommando der Wehrmacht qui le juge peu facile à mettre en œuvre et déplore sa portée insuffisante. Par conséquent, l’OKW impose de nouvelles spécifications stipulant que tout dispositif de visée nocturne couplé à une pièce « doit atteindre la même probabilité de coup au but que le [même] canon tirant en plein jour. » Une requête illusoire pour une innovation aussi sophistiquée...

En outre, les campagnes victorieuses de la Wehrmacht de 1939 à 1941 et la maîtrise aérienne acquise par la Luftwaffe dans le ciel d’Europe ren-dent les viseurs nocturnes totalement inutiles aux yeux de l’état-major alle-mand, si bien que les recherches de la Heer sur les systèmes infrarouges connaissent bien peu d’avancées dans les mois qui suivent.Au contraire, les autres puissances se lancent à cette époque dans la conception de tels matériels. Ainsi, les Soviétiques expérimentent, en 1940, sur des chars BT, leur système de conduite infrarouge « Dudka » éclairant à 50 mètres. En France, à la veille de l’inva-sion allemande, des travaux portent sur des projecteurs de détection infrarouge devant équiper la ligne « Maginot » afin de repérer les approches ennemies, le fort alsacien de Schoenenbourg devant être équipé dans ce but. Mais l’Armis-tice de juin 1940 ne permettra pas au projet d’aboutir. Quant aux Britanniques, ils concevront, en 1943, le dispo-sitif infrarouge « Tabby » testé sur les Jeeps. Néanmoins, en Allemagne, la Luftwaffe a pris de l’avance sur tout le monde. Dès l’été 1940, la Nachtjagd (chasse de nuit) a équipé ses bimo-teurs Dornier Do 17Z-10 et quelques Do 215B-5 du système « Spanner », un projecteur infrarouge placé dans le nez de l’appareil et couplé à un récep-teur monté sur le pare-brise. Pâtissant d’une portée insuffisante et se laissant facilement brouiller par les nuages de chaleur flottant au-dessus des villes, le « Spanner » ne donne toutefois pas entière satisfaction.

u Au cours de la guerre deux unités de la

Panzerwaffe s’intéressent tout particulièrement

au développement des équipements de vision

nocturne, la Panzer-Lehrversuch-Kompanie

« Fallingbostel » et la 1./Panzer-Versuchs-und

Ersatz-Abteilung 300 (Funklenk). L’on voit ici la voiture d’état-major Tatra

Typ 97 de la seconde lancée sur la piste d’essai

du terrain d’Eisenach.Droits Réservés

u Cette BMW 326, appartenant

probablement à la Panzer-Lehrversuch-Kompanie

« Fallingbostel », est munie d’un système

de conduite infrarouge. Bizarrement, le volant et le

siège du conducteur sont à droite : s’agit-il d’une

automobile réquisitionnée mais destinée à l’origine

à l’exportation dans un pays du Commonwealth ?

Notez que la vitre du conducteur doit être

relevée pour permettre l’utilisation de l’appareil.

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Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

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Panzerjäger II für 7,5cm PaK 40/2 « Marder II » (Sd.Kfz. 131)Mit ZG. 1221 Infrarot-Nachtsichgerät 1/35e

© Hubert Cance / Batailles & Blindés 2009

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Il faut attendre le début de l’année 1942 pour qu’un système infrarouge plus perfor-mant soit présenté à la Heer. Sous l’égide du WaPrüf 8, les sociétés AEG et Zeiss ont effectivement mis au point le viseur Zielgerät ZG 1221, qui est monté sur un canon anti-char 7,5cm Pak 40 avec, placé au centre du bouclier, un projecteur de 36cm. La portée de l’ensemble est de 400 mètres, ce qui est très satisfaisant. À tel point d’ailleurs, qu’à l’automne, un appareillage similaire est disposé, à titre expérimental, sur la supers-tructure du 7,5cm Pak 40 d’un Sd.Kfz. 131 Marder II, le pilote étant muni d’un Fahrgerät FG 1253 installé dans le compartiment de conduite. Produit par AEG, Leitz et Zeiss, le FG 1253 dispose d’un Bildwandler de focale 90 mm et d’un champ de vision de 30° por-tant à 400 mètres. Couplée à un projecteur infrarouge de 20cm et de 200 watts placé sur le garde-boue du Panzerjäger, cette lunette est montée à gauche de la fente de vision du pilote. Celui-ci l’utilise à la manière d’un périscope latéral. Les premiers essais effectués sur le Marder II, à la mi-1943, s’avèrent concluants, tant et si bien que le FG 1253, associé à un Infrarot-Scheinwerfer de 30cm, commence à être monté à bord de camions. Puis, à partir de 1944, c’est au tour d’un certain nombre de canons 7,5cm Pak 40 de recevoir un système d’acquisition de cible infrarouge composé d’un projecteur de 30cm et d’un ZG 1221.Cela ne pouvait pas mieux tomber pour les Allemands. À cette époque, en effet, la supré-matie aérienne alliée ne cesse de croître. Les

combats en Afrique du Nord, en Italie et sur le Front de l’Est ont démontré que les « Jabos » et Sturmovik peuvent désormais enrayer une offensive majeure des Panzer-Divisionen. Dès lors, il devient évident que les déplacements des Panzer ne peuvent plus s’opérer que de nuit, les colonnes blindées étant trop exposées de jour. Aussi, le Generaloberst Guderian, nommé Generalinspekteur der Panzertruppen en février 1943, conseille-t-il de livrer des com-bats de nuit autant que faire se peut, afin de ne pas avoir à subir les foudres des pilotes ennemis. En mai, il insiste pour que l’entraî-nement des unités cuirassées soit davantage axé sur les opérations nocturnes : environ 33% des exercices doivent être effectués de nuit et 25% des munitions livrées aux unités sont attribuées dans ce but. Puis, Guderian préconise, fin 1943, la mise en service de matériels de vision nocturne efficaces et, à la suite des essais fructueux sur le Marder II, demande qu’un tel système soit développé pour le char Panther, le meilleur engin aligné par la Panzerwaffe.

ET LA LUMIÈRE FUT… POUR LE PANTHER !

Les travaux devant aboutir à la concep-tion du système de vision nocturne pour le Panther sont logiquement confiés au Ministerialrat Dr.-Ing. Gaertner. Ce type de matériel coûtant particulièrement cher en terme de ressources industrielles, il n’est prévu d’en doter que le Bordführer du Panzer V. Le cahier des charges impose

trois spécifications majeures : le dispositif devra être en mesure d’acquérir des cibles, il devra autoriser au chef de char une vision sur 360° depuis son tourelleau, et enfin il devra lui permettre de donner au pilote ses instructions pour guider l’engin.Les recherches de Gaertner et son équipe d’ingénieurs aboutissent, en 1944, à la mise au point d’un système de vision nocturne dérivé du FG 1253. L’appareil consiste en un projecteur de 20cm et un convertisseur Biwa FG 1250 monté à droite de celui-ci. L’Infrarot-Scheinwerfer de 20cm a une puis-sance de 200 watts, le convertisseur d’image ayant une longueur focale de 90 mm et dis-posant d’un champ de vision de 30°. Baptisé « Sperber » ou « épervier », l’engin sera par la suite aussi désigné « Lösung A » (Solution A) car une variante verra le jour durant les derniers mois du conflit, version sur laquelle nous reviendrons. Construit par les sociétés AEG et Leitz, l’ensemble prend place sur le tourelleau du Bordführer : le phare infrarouge et sa lunette réceptrice sont montés sur un pied, lui-même fixé sur une tablette orientée à midi à l’intérieur de la coupole, en lieu et place du support de la MG-34 antiaérienne. Un dispositif soudé sur l’arceau intérieur de l’ouverture permet au chef de char de faire librement pivoter le système sur 360° autour du tourelleau. Le « Sperber » doit être démonté de jour car, au vu de l’urgence de la situation, un appareil intégré dans le compartiment de combat n’a pu être déve-loppé. Un coffre blindé, soudé en lieu et

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Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

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place du casier de rangement situé à droite du compartiment moteur du Panther, contient les équipements auxiliaires nécessaires au FG 1250. Le « Sperber » fonctionne grâce à une batterie de 12 volts qui alimente un transformateur portant le courant à 17 000 volts pour le Biwa. La pile ne fonctionnant que quatre heures, elle est elle-même alimentée par un générateur électrique GG 400 de 400 watts. Ces deux derniers appareils reposent sur un support fixé dans la partie arrière droite du compartiment de combat du Panzer V, aux dépens du râtelier vertical de trois obus de 7,5cm, d’une section du plancher et du capot de l’amortisseur arrière. En opération, le Bordführer se sert de son équipement infrarouge « Sperber » pour guider son pilote qui ne peut guère voir au-delà de 100 mètres de nuit. Ce dernier conduit donc à l’aveugle, en écoutant les ordres fournis par son chef de char qui lui désigne la route à suivre et les obstacles à éviter. Afin de ne pas voir défiler trop rapidement les objets lors des déplacements ni d’entraver son appréciation des dis-tances et, par conséquent pour lui per-mettre de donner des ordres clairs au pilote, le grossissement de la lunette FG 1250, manipulée par le Bordführer, est limité à x 1,2. Ce type de manœuvre requiert évidemment un entraînement assidu, ce qui sera loin d’être le cas en des temps de plus en plus difficiles pour la Wehrmacht. L’emploi du « Sperber » en conditions de conduite évoqué, comment l’équi-page du Panther opère-t-il en cas de rencontre avec l’ennemi ?

Tandis que le Panzer avance, le Bordführer scrute le ter-rain avec son système infrarouge à la recherche de sa cible. Lorsqu’un char adverse est repéré, il transmet aussitôt ses ins-tructions au Richtschütze ou tireur : via l’Intercom, voire des petites tapes de la main ou du pied sur l’épaule, il lui indique de quel côté orienter la tourelle du Panther. Sa tablette pointée à midi et la cible acquise dans le viseur FG 1250, le chef de char évalue la dis-tance séparant son Panzer de l’engin ennemi et, lorsqu’il est sûr de celle-ci, transmet les hausses en site et en azimut au Richtschütze. Ce dernier répète les coordonnées afin de signifier qu’il les a bien comprises, les affiche et fait feu dès que le Bordführer lui en donne l’ordre. Pour limiter la détection au moment du tir, le Panther utilise des obus spéciaux réduisant la lueur des départs des coups.Malgré toute l’avancée technolo-gique qu’il symbolise, le système « Sperber » présente un nombre important de faiblesses. En premier lieu, la portée réduite de l’Infrarot-Scheinwerfer de 20cm, seulement 400 mètres de nuit et par temps clair, ne permet pas de tirer pleinement profit des performances de l’excel-lent KwK 42/L70 de 7,5cm. En outre, force est de constater que ce dispo-sitif nécessite une obscurité quasi-totale et qu’il ne fonctionne qu’en de bonnes conditions météorologiques.

Enfin, dernier souci, et non des moin-dres, comme tout appareil issu de la technologie de pointe, le « Sperber » est fragile, le tube cathodique du Biwa, en particulier, étant sujet à de fréquents dommages mécaniques. Si l’on ajoute à cela le fait que l’utilisation du système expose dangereusement le Bordführer en dehors de sa tourelle lors des combats, disposition com-pensée par la protection relative que lui offre la pénombre en le dissimulant des tireurs ennemis, le « Sperber » cumule les inconvénients.Les tous premiers essais sont menés à la fin de 1943 sur des Panther acheminés pour l’occasion à la Panzertruppenschule de Fallingbostel, près de Hanovre. Ces évaluations se traduisent par des exercices de conduite et d’acquisition de cibles qui s’avèrent suffisamment concluants pour que l’Oberkommando des Heeres ordonne le montage du « Sperber » sur un petit nombre de Panther, à partir d’août 1944.

p et page de gauche, Le système de vision infrarouge « Sperber », ici monté sur le tourelleau du chef de char du Panther, se compose d’un Infrarot-Scheinwerfer de 20cm et d’une lunette Biwa FG 1250. La première photographie met en évidence la manette dont se sert le chef de bord pour faire pivoter le système en élévation, ainsi que la bandelette métallique reliée verticalement à la hausse du Biwa, un dispositif destiné au Richtschütze. L’un des défauts majeurs du « Sperber » est de contraindre le Bordführer à laisser sa trappe ouverte, ce qui expose l’équipage aux éclats d’obus pleuvant sur le champ de bataille.Sur la seconde, l’on aperçoit les cales rembourrées permettant au Bordführer d’apposer son menton et son front pour viser au travers du FG 1250.

t Un Panzer V Ausf. G Panther teste son dispositif de vision nocturne infrarouge « Sperber », probablement à la Panzertruppenschule de Fallingbostel, à l’automne 1944. Le n° 726 inscrit à la craie au bas du glacis avant indique qu’il s’agit du Panther n° 124726 sorti des chaînes de Daimler-Benz, le 13 septembre 1944, ce qui prouve que son système « Sperber » n’a pas été monté en usine.Les Panther équipés de la sorte sont surnommés Nachtkampfpanther (Panther de combat de nuit). Au cours d’un engagement, le « Sperber » peut illuminer une cible jusqu’à 400 mètres de distance !Droits réservés

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En effet, la première directive en ce sens intervient le 7 août, lorsque l’un des constructeurs du char, la Maschinenfabrik-Niedersachsen-Hannover (MNH), reçoit l’ordre de pro-céder à l’installation de l’équipement de vision nocturne 20cm Infrarot-Scheinwerfer/FG 1250 à la cadence suivante : sur 50 engins en septembre, 70 en octobre, 80 en novembre et 100 en décembre 1944. Ce même jour, la société se voit livrer un exemplaire du FG 1250 devant être posé sur le Panther Ausf. G numéro de châssis 128520. Estimant les délais trop justes pour le mois suivant, le directoire de MNH suggère aussitôt d’équiper de la sorte 120 Panther Ausf. G en octobre, au lieu des 50 prévus en septembre, et 70 autres en octobre. Mais cette proposition est rejetée par l’Oberkom-mando des Heeres le lendemain, 8 août, en raison de l’aggravation de la situation militaire. Berlin exige même de la firme hanovrienne qu’elle monte le FG 1250 sur les 50 derniers Panzer V Ausf. G assemblés en septembre.Confrontée à l’impatience de l’état-major de la Heer, MNH prévoit d’ins-taller l’exemplaire du FG 1250 livré sur le Panther Ausf. G n° 128495 mais, le 4 septembre, du fait du retard de livraison de ce char, il est décidé de monter le viseur infrarouge sur le n° 128557. Ce qui est fait dès le lendemain. Puis, le 5 octobre, le constructeur reconnaît que seulement 20 Panther dotés de « Sperber » ont été produits en septembre en raison de problèmes de délai. De fait, les 30 chars restants devront sortir des chaînes en octobre. Ce mois-ci, une partie du retard est rattrapée, la cadence

de production de MNH atteignant 80 Panzer V « Sperber ». Cependant, le 18 novembre, l’Oberkommando des Heeres exige, pour des raisons mal établies, que les FG 1250 ne soient posés sur aucun des Panther Ausf. G construits par MNH au cours du mois, ce même ordre maintenant tout de même l’équipement de 30 machines avec des systèmes de vision noc-turne pour décembre. Pour l’heure, les chars prêts à recevoir ou ayant reçu le « Sperber » sont donc précipitam-ment re-modifiés en engins conven-tionnels. Le 13 décembre, MNH se voit confirmer l’ordre de monter 30 FG 1250 sur des Panther dans le mois.Quelques semaines plus tard, l’Obe-rkommando des Heeres prend une décision importante : à compter du 15 janvier 1945, tous les Panther Ausf. G sortant des chaînes de MNH devront être dotés de FG 1250. Le nombre total d’engins produits jus-qu’à la capitulation du Reich reste inconnu, d’autant que le montage de tels équipements a peut-être aussi été réalisé par des ateliers régimen-taires, sur le terrain. Chaque Panther Ausf. G muni d’un « Sperber » est identifiable grâce à la lettre « F » sui-vant le numéro de châssis de l’engin. Par ailleurs, nombre d’entre eux ont été équipés à partir d’octobre 1944 des Flammenvernichter, des cache-flammes enserrant les pots d’échap-pement, afin de réduire la lueur émise par ces derniers la nuit et d’éviter ainsi qu’ils soient repérés. À noter que des sources indiquent qu’une unité non identifiée de Jagdpanther aurait aussi perçu des équipements infrarouges similaires à ceux des Panther Ausf. G.

La logique voudrait qu’il s’agisse de la Führer-Grenadier-Division ou de la Panzer-Division « Clausewitz » qui ont aligné, chose certaine, à la fois des Jagdpanther et des Sd.Kfz. 251/20 « Uhu ». Enfin, les blindés étudiés par les ingénieurs allemands à la toute fin de la guerre, mais qui resteront à l’état de prototypes ou de croquis, étaient tous conçus pour intégrer des accessoires permettant le montage des systèmes de visée infrarouge : c’est le cas du Panther Ausf. F mais aussi des engins de la série « Entwicklung », c’est-à-dire le Jagdpanzer E-10 (successeur du Jagdpanzer 38(t)), le Jagdpanzer E-25 (successeur des Panzer III et IV), le Panzer E-50 (successeur des Panther et Tiger I), le Panzer E-75 (successeur des Tiger II et Jagdtiger) et le Panzer E-100 (équivalent du Panzer VIII Maus).

ACCOMPAGNERLES NACHTKAMPFPANTHER

La portée efficace des petits projecteurs infrarouges montés sur les Panther n’ex-cédant pas 400 mètres, les Allemands développent en 1944 le véhicule semi-chenillé de projection infrarouge Sd.Kfz. 251/20 Ausf. D Infrarotscheinwerfer « Uhu » ou « Hibou ». En effet, conscients que les performances du système « Sperber » ne permettent pas d’exploiter pleinement les formida-bles capacités du canon KwK 42/L70 de 7,5cm du Panzer V, les Allemands lancent le programme « Uhu », censé procurer une détection infrarouge à plus longue portée aux Panther équipés pour le combat de nuit.Tout commence en février 1944, lorsque six transports de troupes Sd.Kfz. 251 sont requis pour le pro-gramme « Uhu », puis dix autres en mars et encore dix autres en mai. Cependant, aucun de ces vingt-six véhicules n’est livré durant cette période. Ce n’est finalement qu’en octobre 1944 que dix Sd.Kfz. 251 sont envoyés dans une usine de la firme Wumag pour l’installation du dispositif « Uhu ». Quelques semaines plus tard, le 15 novembre, une directive spécifie les équipements devant être attribués à l’engin : un projecteur infrarouge de 60cm couplé à un viseur BG 1251, un projecteur infrarouge de 20cm associé à une lunette FG 1252 pour le conduc-teur, une mitrailleuse MG-42 et un pistolet-mitrailleur MP-40 pour l’équi-page. Cette nouvelle version du mitt-lerer Schützenpanzerwagen reçoit la désignation officielle Sd.Kfz. 251/20. Sa principale caractéristique est d’être équipée d’un projecteur infrarouge beaucoup plus volumineux que ceux jusqu’à présent montés sur le Panther ou les canons Pak, en l’occurrence un dispositif de 60cm de diamètre et d’une puissance de 6 kilowatts.

q L’un des Panther Ausf. D,

véhicule-école (gazogène) comme l’indique la

pancarte sur le glacis avant, de la 1. Kompanie

de la Panzer-Versuchs-und Ersatz-Abteilung 300 (Funklenk). Sur la trappe

de vision du pilote est soudé un support censé

accueillir une lunette de vision nocturne.

Droits Réservés

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Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

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Panzerkampfwagen V Panther (Sd.Kfz. 171) Mit Infrarot-Nachtsichgerät 1/48e

© Hubert Cance / Batailles & Blindés 2009

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Ce phare n’est en fait rien de moins qu’un projecteur de défense antiaé-rienne à arc de carbone auquel l’on a rajouté un filtre infrarouge. Il est couplé à un BG 1251 (Beobachtungs Gerät 1251), un télémètre à coïnci-dence d’un grossissement x 10 et de focale 400 mm permettant l’observa-tion nocturne par temps clair jusqu’à 1 500 mètres. Construit par AEG et Leitz, le BG 1251 a un champ de vision réduit à 4,5°. L’ensemble du système « Uhu » – le projecteur, son générateur et le siège de l’opérateur – est fixé sur une plate-forme rotative à 360° arrimée au plancher du blindé, dans le compartiment de combat. Le projecteur dépasse logiquement du blindage de l’habitacle mais il peut être rabattu et recouvert d’une bâche lorsqu’il n’est pas utilisé, en particu-lier lors des déplacements pour éviter toute détérioration. Conformément à une directive de l’Inspektorat 6 de l’All-gemeines Heeresamt (Département général de l’Armée de terre) datée du 8 août 1944, le Sd.Kfz. 251/20 est équipé d’une radio FuG 8 et d’une FuG 5 dotée d’une antenne de 2 mètres. Quant au Fahrer ou pilote, celui-ci conduit le semi-chenillé grâce à une lunette FG 1252 à grossissement de seulement x 1,2, ce pour ne pas déformer le terrain et ainsi gêner l’ap-préciation des distances. Directement extrapolé du FG 1250, le FG 1252 est produit par AEG, Leitz, Zeiss et le Reichspostforschungsanstalt. L’équipage du Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » est de

quatre hommes. Ces derniers commu-niquent entre eux par l’intermédiaire d’un Intercom Bordsprechanlage. Grâce au BG 1251 et aux instru-ments de visée plus sensibles qu’il embarque, notamment un bolomètre (capteur d’infrarouge lointain, capable de détecter de très faibles variations de température), le Sd.Kfz. 251/20 peut illuminer et repérer des objec-tifs ennemis jusqu’à 1 500 mètres de distance. Du point de vue théorique, le nouveau semi-chenillé est destiné à opérer comme véhicule d’observa-tion et de commandement au profit d’un Zug de cinq Panther. Lorsqu’une cible est repérée et « éclairée » par le système infrarouge « Uhu » dans un rayon de 1 500 mètres, le Bordführer du Sd.Kfz. 251/20 désigne la posi-tion des chars ennemis aux Panzer au moyen de la radio FuG 5 de bord. Le contact radio établi, il dirige les Panther « Sperber » vers la forma-tion blindée adverse. Le faisceau du projecteur de 60cm du « Uhu » per-mettant aux chefs de char de dis-cerner leurs cibles à 800 mètres à travers leurs FG 1250, au lieu des 400 mètres normalement permis par celui-ci, les cinq Nachtkampfpanther (Panther de combat de nuit) n’ont alors plus qu’à réduire les blindés alliés à l’état d’épaves.En août 1944, 600 semi-chenillés de projection infrarouge Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » sont commandés, le plan de fabrication du 1er octobre prévoyant la construction par la firme Wumag de

35 engins par mois entre janvier et mai 1945. La production débute comme prévu, la Wumag-Waggonfabrik de Görlitz rapportant que des 200 Sd.Kfz. 251 sortis de ses chaînes en janvier 1945, 15 sont des Sd.Kfz. 251/20. Bâtis uniquement sur des châssis de Sd.Kfz. 251 Ausf. D, seuls 61 exem-plaires du « Uhu » sont construits et livrés à des unités combattantes au Sonderlehrgang der Panzertruppen de Fallingbostel avant la fin de la guerre.Le projecteur de 6 kilowatts du Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » étant jugé trop consommateur en énergie, l’on pense un moment le substituer à deux autres engins de 60cm mais de seulement 500 watts, des phares alimentés à hauteur de 28 volts éclai-rant à une distance équivalente. Ces deux projecteurs auraient également été inclinables à 90° pour le trans-port. Par ailleurs, un successeur au Sd.Kfz. 251/20 Ausf. D « Uhu » est rapidement envisagé, puisqu’au cours d’une réunion du comité de tra-vail sur les équipements infrarouges, présidée par le Generalinspekteur der Panzertruppen Heinz Guderian le 18 janvier 1945, il est décidé de monter le projecteur de 60cm et son viseur BG 1251 à bord du Bergepanzer 38(t), l’ensemble étant désigné « Uhu II ». Enfin, des plans sont tracés en février dans l’intention de poser un système « Uhu » sur un châssis à huit roues. Cependant, en raison de la capitula-tion du III. Reich, aucun de ces projets ne verra le jour.

q Le semi-chenillé Sd.Kfz. 251/20 « Uhu »

est un engin d’observation et de commandement

nocturne destiné à opérer au profit des Panther « Sperber ». De part et d’autre de l’engin,

sur le blindage incliné latéral du compartiment

de combat, est soudé un marche-pied devant

faciliter le maniement et la maintenance du

projecteur de 60cm. Ce véhicule est l’un des

quinze produits par la firme Wumag, en janvier 1945. Bundesarchiv-Bildarchiv

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Sd.Kfz. 251/20 Ausf.D «Uhu» Mit Infrarot-Nachtsichgerät 1/35e

© Hubert Cance / Batailles & Blindés 2009

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D’après Kamen Nevenkin, Fire brigades: the Panzer-Divisions 1943-1945, J.J. Fedorowicz Publishing, 2008* nombre inconnu

Division Unité Matériels blindés infrarouges Notes

3. Panzer-Division I./Panzer-Regiment 627 Panther « Sperber »

17/11/1944 au 04/12/1944Les équipements infrarouges sont retirés avant le transfert au front.

3./Panzer-Regiment 610 Panther « Sperber »

07/03/1945

6. Panzer-Division

I./Panzer-Regiment 1132 Panther « Sperber »

11/11/1944 au 02/12/1944Les équipements infrarouges sont retirés avant le transfert au front.

17. Panzer-Division

I./Panzer-Regiment 39 -Ordre de doter une compagnie

de 10 Panther « Sperber ». Jamais concrétisé.

19. Panzer-Division

4./Panzer-Regiment 27 -

Ordre de dotation émis le 13/03/1945 : - 10 Panther « Sperber »

- 3 Sd.Kfz. 251/20 « Uhu »Jamais concrétisé.

24. Panzer-Division

3./Panzer-Regiment 2410 Panther « Sperber »

01/1945Les équipements infrarouges sont retirés avant le transfert au front.

26. Panzer-Division

3./Panzer-Regiment 26 -

Ordre de dotation émis le 13/03/1945 : - 10 Panther « Sperber »

- 3 Sd.Kfz. 251/20 « Uhu »Jamais concrétisé.

130. Panzer-Lehr-Division I./Panzer-Lehr-Regiment 130Panther « Sperber »*

29/07/1944 Les équipements infrarouges sont retirés

avant le transfert au front début septembre.

I./Panzer-Lehr-Regiment 1304 Panther « Sperber »

09/12/1944

1./Panzer-Lehr-Regiment 13010 Panther « Sperber »

23/03/1945Rattachée à la

25. Panzer-Grenadier-Division

Panzer-Division « Müncheberg »2./Panzer-Regiment 29

2./Panzer-Grenadier-Regiment 25

10 Panther « Sperber »3 Sd.Kfz. 251/20 « Uhu »Sd.Kfz. 251/1 « Falke »*

05/04/1945

La Panzer-Grenadier-Kompanie (gep.) équipée de Sd.Kfz. 251« Uhu » et

« Falke » est tactiquement rattachée à la 2./Panzer-Regiment 29.

Panzer-Division « Clausewitz » gemischte Panzer-Regiment 1066 Panther « Sperber »

04/1945Perçus début avril 1945, lors de la

constitution de la division.

Führer-Grenadier-Division

1./Panzer-Regiment 10110 Panther « Sperber »

3 Sd.Kfz. 251/20 « Uhu »02/1945 ou 03/1945

Ordre de dotation en équipements infrarouges émis le 12/02/1945

Panzer-Grenadier-Division « Brandenburg » 4./Panzer-Regiment

« Brandenburg »-

Ordre de dotation en équipements infrarouges émis le 23/03/1945.

Jamais concrétisé.

Panzer-Grenadier-Division « Kurmark » 4./Panzer-Regiment

« Brandenburg »-

Absorbe la 4./Panzer-Regiment « Brandenburg »

Kampfgruppe « Ritter »

Panzer-Kompanie z.b.V. « Dreyer »

10 Panther « Sperber » 04/1945 Ces deux compagnies opèrent

tactiquement ensemblePanzer-Grenadier-Kompanie (gep.) « Uelzen »

14 Sd.Kfz. 251« Uhu » et « Falke »

Panzer-Versuchs-und Ersatz-Abteilung 300 (Funklenk)

1. Kompanie 4 Panther Ausf. D infrarouges Matériel infrarouge expérimental

5. SS-Panzer-Division « Wiking »

SS-Panzer-Regiment 5 Panther « Sperber »*

03/1945

LIVRAISON DES MATÉRIELS BLINDÉS INFRAROUGES AUX UNITÉS DE LA PANZERWAFFE

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Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

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Par ailleurs, pour accompagner et assurer la protection rapprochée des Panther « Sperber » et des Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » lors des combats noc-turnes, l’on procède à la conversion d’un certain nombre de transports de troupes semi-chenillés Sd.Kfz. 251/1 Ausf. D. Cette version est baptisée « Falke » ou « Faucon ». Cette variante du mitt-lerer Schützenpanzerwagen reçoit deux ensembles projecteurs de 20cm/Biwa similaires à ceux du Panther : un FG 1250 monté au-dessus de la cabine sur la MG-42 du mitrailleur de bord et un FG 1252 pour la conduite, placé devant la fente de vision du pilote. Le FG 1250 installé sur la MG-42, au détri-ment du bouclier de l’arme, est dévolu au Bordführer qui s’en sert naturelle-ment pour la visée de la mitrailleuse – possible à 400 mètres de nuit grâce à cet accessoire – mais également pour la surveillance du terrain environnant. Comme pour le Sd.Kfz. 251/20, le FG 1252 doit faciliter la conduite de nuit et permettre, en théorie, de rouler à 50 km/h. Pour ce faire, le bloc de vision du pilote doit être relevé, le déficit de protection étant compensé par un petit panneau blindé soudé à gauche du FG 1252. Pour faire face aux aléas du climat, ce viseur est muni d’une vitre chauf-fante accélérant le dégivrage et d’un essuie-glace contrôlé depuis l’intérieur du véhicule. Le FG 1252 étant couplé à son projecteur de 20cm, l’ensemble du système infrarouge peut être retiré en cas de besoin par le pilote. Le Sd.Kfz. 251/1 Ausf. D « Falke » transporte de cinq à six Panzer-Grenadiere armés de

Sturmgewehr MP-44 « Vampir », des fusils d’assaut modernes adaptés au combat de nuit grâce à l’adjonction d’une lunette de visée Zielgerät 1229. Seul un faible nombre de Sd.Kfz. 251/1 Ausf. D aurait été modifié en « Falke ».Enfin, les Allemands semblent s’être penchés sur l’étude de moyens de communication spécifiques aux unités de combat nocturne censés leur éviter de recourir à la radio, instrument sus-ceptible de favoriser la découverte prématurée par l’ennemi des mouve-ments des Panzer et Sd.Kfz. 251 par l’interception de leurs transmissions. Ainsi, des ingénieurs auraient-ils mis au point, en 1943, le système Puma 200 autorisant les communications vocales de nuit par l’émission d’ondes infrarouges, ce à plus de 10 kilomètres de distance. Bien peu d’informations sont disponibles sur cet appareil, mais l’émetteur se présenterait sous la forme d’un projecteur de 200 watts et d’un miroir réfléchissant les rayons infra-rouges. Quant au récepteur, il s’agirait d’un miroir réfléchissant de 30cm à photocellules branché à un amplifica-teur. Un prototype aurait été terminé et testé au combat en 1945 dans le secteur de Wennebostel pour relayer les communications entre des Panther « Sperber », Sd.Kfz. 251 « Falke » et « Uhu », mais la prudence la plus élé-mentaire s’impose quant à ces affirma-tions. Par ailleurs, un développement ultérieur de ce système aurait vu le jour sous la forme du Puma 2 000 d’une portée de quatre kilomètres, dont un seul prototype aurait été construit.

ARMER LE PANZER-GRENADIERPOUR LE COMBAT NOCTURNE

Comme nous l’avons vu, les Sd.Kfz. 251/1 Ausf. D « Falke » sont destinés à transporter un groupe de combat de cinq à six Panzer-Grenadiere pourvus de Sturmgewehr MP-44, un fusil d’assaut censé remplacer à terme le pistolet-mitrailleur MP-40 et qui s’est affirmé comme l’une des armes les plus louées par le Landser.La genèse du MP-43, ancêtre direct du MP-44, remonte à 1942, lorsque la Heer éprouve la nécessité d’équiper le fantassin allemand d’un fusil auto-matique. Devant le manque de fia-bilité du fusil semi-automatique Gewehr 41, il est envisagé de mettre au point une arme tirant une munition moins contraignante que la 7,92mm Mauser. La cartouche 7,92x33mm Kurz, version raccourcie de la précé-dente, est donc choisie, la construc-tion du fusil automatique devant utiliser cette munition étant confiée aux firmes Walther et Haenel. Or, les prototypes de la Maschinenkarabiner 1942, dénommés MKb 42(H) pour celui de Haenel et MKb 42(W) pour celui de Walther, se heurtent rapide-ment à l’hostilité de Hitler qui ne veut plus entendre parler de développement de nouveaux fusils depuis l’échec du Fallschirmgewehr FG-42. Comme bien souvent, les études se poursuivent discrètement, le MKb 42(H) amélioré par Hugo Schmeisser étant désigné MP-43 (Maschinepistole 1943) pour contourner l’interdiction du Führer.

t Un Versuchs mittlerer Schützenpanzerwagen Sd.Kfz. 251/20 « Uhu », engin de démonstration, photographié à l’hiver 1945. L’on constate ici que les marche-pieds latéraux sont plus grands, puisqu’ils longent la totalité du compartiment de combat. La structure surplombant les blocs de vision du Fahrer est une plaque de blindage rabattable, destinée à accroître la protection de l’équipage contre les tirs frontaux d’armes légères, un aménagement qui ne sera pas retenu sur les Sd.Kfz. 251/20 Ausf. D de série. Bundesarchiv-Bildarchiv

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Les progrès sont tels que plusieurs armes sont livrées à des unités sur le front de l’Est dès la fin de l’année 1943, notamment à la 93. Infanterie-Division et à la 1. Skijäger-Brigade. Informé de la poursuite des travaux d’Haenel au début de 1944, le Führer est toujours aussi peu convaincu par le fusil à l’étude. Rebaptisant l’arme MP-44 en avril, il autorise toutefois la pour-suite des développements mais seule-ment pour évaluation, ignorant qu’elle est déjà aux mains de centaines de Landser ! Au printemps 1944, l’Obe-rkommando der Wehrmacht fait cir-culer un questionnaire afin de s’enquérir de la tenue de l’arme en conditions de

combat. Les rapports remis par les 1., 15., 35., et 45. Infanterie-Divisionen abondent dans le même sens : le MP-44 est extrêmement fiable et procure aux Landser une remarquable puis-sance de feu. Quelques semaines plus tard, le Reichskanzler découvre le sub-terfuge. Lors d’une conférence sur la situation de l’Ostfront réunissant les généraux Wicking, Löwrick et Brock, Hitler demande à ces derniers ce dont ils auraient besoin dans l’immédiat, ce à quoi l’un d’entre eux répond : « davantage de ces nouveaux fusils. » Surpris, le dictateur interroge l’as-semblée : « Quel nouveau fusil ? » Renseignements pris, le « nouveau

fusil » donne entière satisfaction. Le Generaloberst Guderian en réclame déjà pour ses Panzertruppen. À son tour, le Generalfeldmarschall Kesselring, l’un des officiers de confiance de Hitler, en demande pour ses armées en Italie. En définitive, voilà le MP-44 plébiscité par les généraux allemands.Il est vrai que le MP-44 est une arme remarquable qui présente une allure incontestablement moderne et en avance sur son temps. Sa silhouette et ses mécanismes devaient d’ailleurs, un peu plus tard, « inspirer » un jeune sergent-chef du 8e corps mécanisé soviétique devenu ingénieur armurier de l’Armée rouge, un certain Mikhaïl Kalachnikov. En fait, le MP-44 est le premier fusil d’assaut de l’Histoire et demeure incontestablement la meilleure arme individuelle de la Seconde Guerre mondiale. Mesurant 94 cm et pesant 5,22 kg (contre 3,92 kg pour le Mauser 98k, ce poids excessif étant la principale faiblesse du MP-44, de même que sa crosse en bois trop fragile), le MP-44 est doté d’un chargeur courbe de 30 cartou-ches 7,92x33mm Kurz. Il dispose d’un sélecteur de tir au-dessus de la poignée, autorisant le tir au coup par coup (pour les engagements à longue distance) et en rafales (pour le combat rapproché). Sa cadence de tir de 500 coups/minute et sa puissance d’arrêt phéno-ménale qui couche immanquablement l’ennemi visé à 300 mètres sont très appréciées des soldats allemands.

u Gros plan sur le dispositif de vision

nocturne du Fahrer du Versuchs Sd.Kfz. 251/20

« Uhu » : la lunette FG 1252 côtoie le projecteur

infrarouge de 20cm. Le pilote du Sd.Kfz.

251/1 Ausf. D « Falke » jouit du même équipement.

Le lecteur aura observé que le blindage

rabattable précédemment évoqué est ici relevé.

Bundesarchiv-Bildarchiv

q Ce Sd.Kfz. 251 est un engin bien énigmatique :

son marquage d’usine le désigne comme un

Sd.Kfz. 251/20 « Uhu », or il est dépourvu du

projecteur de 60cm (bien qu’équipé des marche-

pieds latéraux) mais est armé d’une MG-42 munie d’un FG 1250, comme le Sd.Kfz. 251/1 « Falke ».

En effet, le montage de la MG-42 à bord du

Sd.Kfz. 251/20 semble loin d’avoir été systématique,

contrairement à ce que préconisait la directive du 15 novembre 1944.

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Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

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Sd.Kfz. 251/1 Ausf.D «Falke» Mit Infrarot-Nachtsichtgerät1/35e

© Hubert Cance / Batailles & Blindés 2009

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Sa précision peut être accrue par le montage d’une lunette de visée Zielfernrohr ZF 4. Outre ces perfor-mances exceptionnelles, le MP-44 présente l’avantage d’être particuliè-rement économique puisqu’il coûte 66 Reichsmarks contre 70 pour le Mauser 98k. Enfin, enthousiasmé par le fusil, le Führer ordonne en juillet que le MP-44 soit produit en masse, puis il le rebaptise Sturmgewehr 44 (fusil d’assaut modèle 1944). Sous l’impul-sion du Reichsminister Albert Speer, l’industrie allemande va construire presque 45 000 StG-44 par mois, de décembre 1944 à avril 1945. Au total, pas moins de 425 977 fusils d’assaut MP-43 et StG-44 seront produits. Dans un premier temps, ce sont les unités d’élite de la Heer (2. Panzer-Division, Panzer-Grenadier-Division « Großdeutschland », etc.) et des Waffen-SS (SS-Panzer-Divisionen « Leibstandarte SS Adolf Hitler », « Das Reich », « Totenkopf », « Wiking » et « Hitlerjugend ») qui en sont dotées. Puis, à partir de décembre 1944, les Volks-Grenadier-Divisionen en reçoivent pour défendre les frontières du Reich. En avril 1945, les volontaires français rescapés de la 33. Freiwilligen-Grenadier-Division der SS « Charlemagne » perçoivent des StG-44 pour la défense de Berlin.C’est à la mi-1943 que les Allemands prennent conscience de la nécessité de munir leurs fantassins de sys-tèmes de visée infrarouge. En effet, une lettre de l’Organisationsabteilung des Generalstab des Heeres (sec-tion organisation de l’état-major de la Heer) au Chef der Heeresrüstung und Befehlshaber des Ersatzheeres (chef de

l’équipement de la Heer et comman-dant de l’Armée de l’Intérieur), datée du 6 mai 1943, stipule qu’un Bildwandler est en cours de développement pour le MP-43. Mais, d’après l’interrogatoire du Dr. Gaertner, en juin 1945, c’est en octobre 1944 que le programme Bildwandler-Zielgerät « Vampir » est véritablement lancé. Celui-ci doit répondre au besoin de procurer une infanterie d’accompagnement aux Nachtkampfpanther « Sperber ». Par conséquent, environ un millier de fusils d’assaut StG-44 sont équipés d’un rail soudé par points sur le côté droit du boîtier de culasse, à l’usine Haenel de Suhl. Ce montage permet normalement d’y placer la lunette Zielfernrohr ZF 4, sauf qu’il s’agit ici d’accueillir le sys-tème de visée infrarouge actif Zielgerät ou ZG 1229 « Vampir » développé à la fin de l’année 1944 au détriment des projets « Habicht » et « Mücke », respectivement présentés par AEG et le Reichspostforschungsanstalt. Ce nouveau dispositif d’acquisition n’est rien moins qu’une sorte de « Sperber » miniaturisé pour le StG-44. Pesant 2,25 kg, le « Vampir » se compose de deux éléments montés sur le rail précité : une lunette de visée Biwa ZG 1229 sensible aux infrarouges, comprenant une lampe diode Typ 128 de focale 750 mm et d’un champ de vision de 2°, elle-même surmontée d’un projecteur infrarouge de 10cm (ou 12,5cm selon d’autres sources) et d’une puissance de 36 watts. Ce der-nier, composé d’une lampe tungstène éclairant à travers un filtre laissant seu-lement passer le rayonnement infra-rouge, émet une lumière qui est captée par la lunette réceptrice ZG 1229. Les

batteries et autres composants du système « Vampir » sont contenus dans un ensemble porté sur le dos du soldat grâce aux deux bretelles de suspension du harnais Traggestell 39 : un boîtier rectangulaire en bois emportant la batterie de 30 volts du projecteur et un étui de masque à gaz (Gasmaskenbüchse) modifié conte-nant un second accumulateur servant à alimenter le Biwa ZG 1229, d’où sort un fil reliant celui-ci aux batteries. Ces dernières ont une autonomie de 3 à 5 heures. Tous ces équipements, pesant tout de même 13,5 kg, sont emportés en lieu et place du paquetage dorsal habituel du Landser.Le « Vampir » porte à environ 100 mètres, l’image perçue par la lunette ZG 1229 étant décrite comme d’une grande luminosité et présentant un bon contraste. Un homme debout peut être discerné à une distance de 73 mètres, surtout lorsqu’il se déplace, son mouvement produisant une traînée luminescente. L’immense avantage procuré par le StG-44 « Vampir » est de permettre à son utilisateur de viser sans être vu, mais la portée réduite de son système infrarouge limite son emploi aux compartiments de combat les plus courts, comme les engage-ments en zone urbaine. Ce, d’autant que le poids de 2,25 kg du système « Vampir », ajouté aux 5,22 kg du StG-44, ne devait pas faciliter la visée du Grenadiere dans l’obscurité.Mis au point dans les tous der-niers mois de la guerre, le dispo-sitif Bildwandler-Zielgerät ZG 1229 « Vampir » ne sera produit qu’en tout petit nombre par les firmes Leitz, AEG et le Reichspostforschungsanstalt.

q Gros plan sur notre Sd.Kfz. 251/20

« hybride », avec son inscription d’usine. L’on voit parfaitement le petit

panneau blindé en forme « d’aileron de requin »

soudé pour compenser le déficit de protection

du Fahrer, obligé d’ouvrir son bloc de vision pour

utiliser son FG 1252. La lunette FG 1250 couplée

à la mitrailleuse MG-42 autorise à son servant une visée jusqu’à 400

mètres. Rappelons que la MG-42 est une mitrailleuse

d’un calibre de 7,92mm et que sa cadence de tir, phénoménale, s’élève à

1 200 coups/minute !

u Page de droite : Trois vues de l’intérieur

d’un semi-chenillé de transport de troupes

Sd.Kfz. 251/1 « Falke » mettant particulièrement en évidence le système

de visée infrarouge de la mitrailleuse MG-42 du bord.

Le compartiment de conduite avec, à gauche,

le siège du pilote (l’on aperçoit la lunette

FG 1252 à travers sa fente de vision) et à droite celui du radio.

La mitrailleuse MG-42 de bord pourvue d’un projecteur de 20cm et d’un viseur FG 1250.

Sur la paroi blindée située à droite du radio est fixée la batterie du système

infrarouge de la MG-42.

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Un document daté du 14 décembre 1944 du Chef der Heeresrüstung und Befehlshaber des Ersatzheeres répertoriant les projets en dévelop-pement, indique que 200 « Vampir » viennent d’entrer en production, ces appareils étant destinés aux missions spéciales, probablement celles rele-vant des SS-Jagdverbände du SS-Sturmbannführer Otto Skorzeny. Cette même note mentionne une requête du Generalinspekteur der Panzertruppen pour la construction d’un autre lot de 300 systèmes « Vampir » mais comportant des modifications non précisées. Toujours est-il que 310 exemplaires de ce dispositif de vision nocturne sont sortis des chaînes alle-mandes, leur distribution ayant débuté à partir de février 1945 au sein de certaines unités de la Wehrmacht, la Panzer-Division « Müncheberg » étant la seule formation dont on soit sûr aujourd’hui qu’elle en ait fait usage au combat. En tout cas, des vétérans de l’Ostfront en 1945, interviewés par l’historien militaire polonais Waldemar Trojca, rapportent avoir vu des snipers opérer de nuit avec des « torches non lumineuses particulières couplées à d’énormes optiques de visée » mon-tées sur leurs fusils. Les Grenadiere ayant utilisé ces équipements auraient été surnommés « Nachtjäger » ou « chasseurs de la nuit ». En opération, ils sont supposés être transportés par des Sd.Kfz. 251/1 Ausf. D « Falke », à condition toutefois que leur unité en ait reçus, chose peu évidente compte tenu des faibles dotations en maté-riels des Panzer-Divisionen Typ 1945. À noter, pour finir, que le ZG 1229 aurait été testé à titre expérimental sur le fusil semi-automatique Walther G43, ainsi que sur les mitrailleuses MG-34 et MG-42.

UN CAMOUFLAGE RÉVOLUTIONNAIRE : LE LEIBERMUSTER !

Simultanément au développement du système de visée infrarouge ZG 1229 « Vampir », mais sans qu’aucun document n’atteste de lien direct, l’Oberkommando der Wehrmacht se penche sur les éventuelles contre-mesures dont pourraient être équipés les « Nachtjäger ». Il est vrai que les États-Unis ont une certaine avance sur le plan opérationnel, puisque l’US Army dispose, depuis 1943, de la lunette infrarouge Sniperscope M3 montée sur les carabines M1 des GI’s sur le front du Pacifique pour contrer les infiltrations nocturnes des troupes japonaises dans les lignes américaines. Alors, dans l’éventualité où les Alliés viendraient à déployer des systèmes analogues au « Vampir » en Europe, les Allemands orientent leurs recherches vers la conception de camouflages spécifiques protégeant les Landser de la détection infrarouge. Dans ce domaine, les ingénieurs allemands vont

prendre de court tout le monde, mais la situation militaire catastrophique du Reich en 1945 ne permettra pas la dif-fusion à une large échelle de ces effets de camouflage. En outre, l’effon-drement de la Wehrmacht a eu pour conséquence de disperser les infor-mations disponibles quant aux études germaniques sur les camouflages anti-infrarouges. Tant et si bien que la plu-part des connaissances actuelles sur les recherches allemandes proviennent du rapport du Lieutenant Francis R. Richardson, du Quartermaster Corps de l’US Army, un document intitulé « Camouflage fabrics both plain and printed for military use by the Waffen-SS and German Army » et publié le 20 juillet 1945. Les observations de l’officier américain se basent sur deux mois d’interrogatoires réalisés immé-diatement après-guerre auprès de spécialistes de l’industrie textile alle-mande comme Franz Lewisch, colo-riste, et des directeurs d’entreprises tels Messieurs Piepenburg, Engelmann et Fohrmann de la Württembergische Kattun Manufaktur de Heidenheim et de la Neue Augsburger Kattunfabrik d’Augsbourg. C’est cette étude qui a mis au jour l’existence de l’innovant camouflage Leibermuster.Les principales avancées dans le domaine des camouflages anti-infra-rouges sont le fait d’un centre de recherche des Waffen-SS, dépendant du Beschaffungsamt-SS (départe-ment des approvisionnements) du SS-Hauptamt du SS-Obergruppenführer Gottlob Berger et installé au Bekleidungswerk der Waffen-SS de Munich. Les travaux y sont dirigés par le Professor Johann Georg Otto Schick, déjà à l’origine des premiers camouflages des blouses de combat des Waffen-SS, lui-même assisté des SS-Hauptsturmführer Lechler, Krug et Fischer. Cette petite équipe travaille en étroite collaboration avec les entreprises textiles du Reich, comme les sociétés industrielles chimiques IG Farben et Hoechst.

u Quelques semaines après la guerre, un soldat

britannique « teste » un exemplaire capturé du Sturmgewehr StG-44

« Vampir ». Du moins, il l’épaule seulement

pour le photographe car l’arme est dépourvue de chargeur et le capuchon

de protection du viseur infrarouge ZG 1229 est

en place. Le système « Vampir » porte à une

distance de 100 mètres.Imperial War Museum

q Sturmgewehr 44 mit Nachtvisiers ZG 1229 « Vampir »© M. Filipiuk / Batailles & Blindés, 2009

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Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

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Sd.Kfz. 251/1 Ausf. D « Falke »2. Kompanie, Panzer-Grenadier-Regiment 25

(rattachée à la) 2. Kompanie, I. Abteilung, Panzer-Regiment 29Panzer-Division « Müncheberg »

Secteur de Berlin, Allemagne, avril 1945

Sd.Kfz. 251/20 Ausf. D Infrarotscheinwerfer « Uhu »1. Kompanie, Panzer-Regiment 101Führer-Grenadier-DivisionAllemagne, mars 1945

© M. Filipiuk / Batailles & Blindés, 2009

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Au cours de leurs recherches, les chimistes allemands découvrent que le noir de carbone est « infrarouge résis-tant », c’est-à-dire qu’il apparaît rouge à la lueur infrarouge. Autrement dit, il brouille la détection infrarouge. Cette découverte pourrait avoir été faite par un dénommé Hellmut Leiber, tra-vaillant en collaboration avec la firme Schlieper & Baum, mais son apparte-nance à l’équipe de Schick n’est pas avérée. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que Leiber a déposé deux bre-vets, le 4 mai 1942 et le 11 mars 1944 (respectivement numérotés 909667 et 897689), dont l’un donne précisément le pourcentage de carbone à utiliser sur le camouflage. Il semble en effet que ce soit Hellmut Leiber qui ait eu le premier l’idée d’imbiber des tissus de coton avec des mélanges de 2% à 4% d’un produit à base de noir de carbone et d’un composant appelé par les Allemands « Sulphur ». La série de tests photographiques qui suit donne alors des résultats surprenants : les clichés pris avec des objectifs ordi-naires puis ceux saisis avec des filtres infrarouges sont comparés et mon-trent alors des différences notables, les tenues bariolées de noir de car-bone prenant, au travers du filtre infra-rouge, une teinte rougeâtre identique à celle de la chlorophylle des plantes environnantes (la chlorophylle est for-tement réfléchissante dans le proche infrarouge). Les Allemands viennent tout simplement de trouver un moyen interdisant aux nouveaux dispositifs de détection infrarouge de déceler les Landser dissimulés dans la nature.

L’équipe de Schick effectue dans un premier temps des essais sur des toiles de tente bariolées Splittermuster M31 agrémentées de tâches noires de carbone, puis les ingénieurs SS perfec-tionnent les motifs des dessins pour améliorer le camouflage de base.Ce camouflage prend bientôt la désigna-tion officielle de Buntfarbenaufdruck 45, mais il est plus connu sous le nom Leibermuster, c’est-à-dire « modèle Leiber », du nom de son inventeur pré-sumé. Son développement a pris en compte l’insuffisance des propriétés « subreptices » des camouflages exis-tants, en particulier le Water de la Heer visible à l’œil nu à courte distance. D’où la variété de couleurs utilisées pour le Leibermuster, pas moins de six différentes : vert foncé, vert clair, rouille, brun, blanc et, le plus impor-tant, le noir disposé en fines et larges « larmes ». Le noir, le vert et la rouille se confondent dans des traînées qui donnent l’impression de « couler » le long du vêtement. Ce sont également les tons les plus importants. En effet, hormis le noir de carbone possédant les propriétés évoquées plus haut, le rouge « rouille », outre l’intérêt de se fondre avec les couleurs automnales ou celle des briques des maisons en plein jour, présente également l’avan-tage de ne pas réfléchir la lueur infra-rouge la nuit. Quant au vert foncé, il a été intégré sur les conseils de la firme IG Farben qui avait effectué l’inventaire de ses cuves de colo-rants à la recherche d’un mélange « infrarouge résistant ». D’après la société, ce vert foncé, désigné Olive

hydron GX, s’avère particulièrement efficace et accroît le camouflage aussi bien de jour que de nuit. En définitif, le Leibermuster donne entière satis-faction : il est efficace aussi bien en zone urbaine, en terrain rocailleux, en montagne enneigée qu’en forêt, les experts évaluant dans leurs études à 15% l’amélioration au camouflage ordinaire que le tissu procure.Jugé extrêmement fiable et novateur par rapport aux camouflages jus-qu’alors développés pour les troupes allemandes, le modèle définitif du Buntfarbenaufdruck 45 est choisi pour remplacer, à terme, tous les types de camouflages utilisés au sein des diverses unités de la Wehrmacht (y compris Luftwaffe et Kriegsmarine) et des Waffen-SS. Il devait ainsi devenir le premier camouflage équipant l’en-semble des forces armées allemandes. Cependant, les ateliers d’impression ne reçoivent pas la moindre informa-tion sur le nouveau camouflage avant le 15 janvier 1945. Le Leibermuster est donc imprimé, semble-t-il, à partir de la fin du mois de janvier sur diverses pièces d’uniformes : vestes de combat à quatre poches M44, pan-talons M44, vestes courtes à deux poches M45, parkas d’hiver réversi-bles matelassées (Wintertarnanzug), etc. Toutefois, l’invasion du Reich par les Alliés et les bombardements anglo-américains sur les usines allemandes empêchent régulièrement la livraison du tissu aux fabricants d’uniformes. Par conséquent, la distribution en grand nombre de ces effets camouflés à la Wehrmacht et aux Waffen-SS est

u Fuyant le front polonais, ces soldats de la 101.

Jäger-Division viennent de se rendre à des partisans

tchèques à Hronow. Le Jäger de dos est vêtu d’une superbe tenue

intégrale Leibermuster dont on discerne

parfaitement les « larmes » de noir de carbone,

des motifs brouillant la détection infrarouge.

Coll. Pechar

p Le rarissime camouflage Buntfarbenaufdruck 45

Leibermuster restera certainement le plus abouti

de la Seconde Guerre mondiale. Constitué de

six couleurs (vert foncé, vert clair, rouge rouille,

brun, noir et blanc), il inspirera de nombreux

camouflages de la Guerre froide, notamment le

célèbre ERDL Woodland Pattern de l’US Army.

Apparu en 1945 et destiné à devenir le camouflage

standard de la Wehrmacht et des Waffen-SS, le

Leibermuster ne sera en fait distribué qu’aux

19. et 20. Waffen-Grenadier-Divisionen der

SS et à la 101. Jäger-Division de la Heer.

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Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

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impossible, et seules quelques unités en recevront. Certains éléments ten-dent à indiquer que des tenues ont été livrées à partir de février à la 19. Waffen-Grenadier-Division der SS « Latvia » (lettische Nr. 2) qui combat dans la poche de Courlande, ainsi qu’à des formations engagées sur le front de l’Oder en prévision de la bataille de Berlin. Ainsi, comme la Panzer-Division « Müncheberg » et la Kampfgruppe « Ritter » ont perçu des engins de combat de nuit Sd.Kfz. 251, il serait logique que leurs Grenadiere aient reçu des tenues Leibermuster, surtout pour défendre la capitale du Reich. L’historien Rolf Michaelis affirme, pour sa part, que des pièces d’uniformes Leibermuster ont été distribuées aux 101. Jäger-Division et 20. Waffen-Grenadier-Division der SS « Estland » (estnische Nr. 1). Or, ses présomptions se sont confirmées depuis peu car un collectionneur tchèque a récemment acquis une série de photographies montrant des soldats de la 101. Jäger-Division se rendant à des partisans et des policiers tchèques à Hronow, au nord-est de la Bohème près de la fron-tière polonaise, au moment de l’arrivée de l’Armée rouge, début mai 1945. Parmi ces Jäger, plusieurs portent la tenue Leibermuster.

LA MYSTÉRIEUSE PANZERTRUPPENSCHULE DE FALLINGBOSTEL

Tandis que les développements des divers matériels de combat nocturne sui-vent leur cours en Allemagne de 1943 à 1945, un centre d’entraînement de la

Heer dédié est choisi pour centraliser les expérimentations des engins éla-borés et affiner la doctrine d’emploi des systèmes « Sperber » et consorts : la Panzertruppenschule de Fallingbostel.En août 1943, les bombardements aériens alliés perturbant les entraî-nements des Panzerschützen qui y sont formés, l’état-major de la Panzertruppenschule I de Wünsdorf s’installe à Fallingbostel, au nord de Hanovre, sur ordre de l’Oberkom-mando des Heeres. Cette décision est également motivée par la nécessité de disposer d’un terrain d’exercices plus

discret pour des entraînements secrets impliquant des véhicules munis d’équi-pements dits « spéciaux ». Aussi, dans l’enceinte de la Panzertruppenschule de Bergen-Fallingbostel dirigée par le Generalleutnant Westhoven, un nouvel état-major secret est-il mis sur pied, la Panzer-Lehrversuch-Kompanie « Fallingbostel » (compagnie d’en-traînement et d’essai Fallingbostel). Cet élément de la Panzerwaffe consiste en une compagnie d’état-major, une compagnie de Panther, une compagnie de Tiger I et deux compagnies de Panzer-Grenadiere.

t Mains levées, ces hommes de la 101. Jäger-Division se constituent prisonniers auprès des partisans et policiers tchèques de Hronow afin d’échapper à l’Armée rouge. Le Jäger du premier plan à gauche est pourvu d’une vareuse et d’un pantalon camouflés Buntfarbenaufdruck 45. Notez que la reddition des Allemands se fait dans le calme, contrairement à certaines autres localités tchèques où, au même moment, des centaines de prisonniers de la Wehrmacht sont lynchés par une population ivre de vengeance, écrasée et humiliée qu’elle aura été durant six années par les Reichsprotektor Reinhard Heydrich puis Ernst Kaltenbrunner.Coll. Pechar

q Ces soldats de la 101. Jäger-Division, dont l’un porte un pantalon Leibermuster, et des civils (probablement des collaborateurs) attendent leur sort dans le centre-ville. Au second plan, stationne un Jagdpanzer 38(t). Le Panzerjäger est surmonté de nombreux enfants pour qui les affres de la guerre sont enfin terminés. Ces Jäger ne le savent pas encore mais les maquisards tchèques vont les livrer à l’Armée rouge à laquelle ils essayaient pourtant d’échapper...Coll. Pechar

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Chacune de ces compagnies a pour tâche d’assurer l’entraînement de troupes à l’utilisa-tion des équipements infrarouges et de recher-cher les meilleurs moyens d’attaquer l’ennemi en pleine nuit, de façon à profiter de l’absence de l’aviation alliée. Tout est mis en œuvre pour conserver le maximum de discrétion autour de l’unité, puisque chaque soldat par-ticipant à ces manœuvres est tenu de signer un document officiel dans lequel il s’engage à ne pas divulguer l’existence du centre de Fallingbostel et à ne pas parler des équipe-

ments de combat nocturne qu’il y manipule.Comme nous l’avons vu plus haut, les premières expérimentations sur le ter-rain effectuées par les personnels de la Panzertruppenschule de Fallingbostel sont réa-lisées avec des Panzer V Panther « Sperber » à la fin de l’année 1943. L’auteur d’un article paru en mars 1957 dans le magazine « Der deutsche Soldat » a prétendu qu’un équipage bien entraîné pouvait engager des cibles à 2 500 mètres de distance et que deux coups sur trois atteignaient leur but, ce qui paraît

douteux. En dépit de ces affirmations gros-sières, les tests n’en demeurent pas moins prometteurs. Malheureusement, au prin-temps 1944, les hautes sphères de la Heer manifestent clairement une certaine opposi-tion aux systèmes de combat infrarouges, un général de l’Oberkommando des Heeres allant même jusqu’à s’exclamer, à la présen-tation de ces matériels : « nous n’avons pas besoin de choses comme cela, nos soldats gagneront la guerre chevaleresquement ! » Par conséquent, le millier de systèmes de visée Infrarot-Scheinwerfer/FG 1250 pro-duits de juin 1943 à février 1944 et livrés à la Heer, ainsi que ceux en cours de construc-tion, sont remisés dans une mine de sel des montagnes du Harz. Certains sont bien uti-lisés à Fallingbostel mais ils ne servent qu’à l’entraînement expérimental. Or, au cours d’une démonstration effectuée devant le Generaloberst Guderian, le Bordführer d’un Panther équipé d’un « Sperber » ne parvient pas à faire fonctionner correctement son dis-positif infrarouge durant l’exercice pratiqué. Autant d’éléments qui portent gravement préjudice au développement des systèmes nocturnes de la Heer.Les choses changent à partir du débarque-ment en Normandie, en juin 1944, lorsque les « Jabos » anglo-américains commencent à tailler en pièces les Panzer-Divisionen par d’incessants raids aériens diurnes. Dès lors, les seuls mouvements possibles pour les blindés allemands s’opèrent de nuit et, de fait, des équipements nocturnes sont urgemment requis pour les Panzer. En septembre 1944, le Generalinspekteur der Panzertruppen Guderian introduit des programmes d’entraînement de nuit spécifiques pour les unités de Panzer et de Panzer-Grenadiere. Son idée ? Axer la for-mation des équipages et fantassins motorisés aux combats par faible visibilité afin que les Panzer-Divisionen puissent lancer de vastes contre-offensives blindées nocturnes sans que l’aviation alliée ne puisse intervenir.Durant la seconde moitié de 1944, la Panzer-Lehrversuch-Kompanie « Fallingbostel » multiplie les expérimentations. C’est ainsi que ses personnels soudent une structure composée de trois plaques métalliques assemblées en « U » sur la plage arrière de trois Panther, des garde-corps devant per-mettre à chacun le transport de trois Panzer-Grenadiere armés de StG-44 censés pro-téger les blindés. Les exercices sur le terrain ne semblent pas avoir été concluants, échec qui aurait pu directement conduire à la mise au point du Sd.Kfz. 251/1 Ausf. D « Falke ». L’unité procède aussi, à titre expérimental, à la modification de divers engins afin de leur permettre d’embarquer des systèmes infrarouges : Panzer IV, Panzer VI Tiger, Jagdpanther, Hetzer, Sd.Kfz. 164 Nashorn, Sd.Kfz. 234 Puma... Elle tente également d’améliorer le « Sperber » qui a l’extrême désavantage de n’offrir une vision de nuit qu’au Bordführer du Panther. Ces travaux vont aboutir à la mise au point d’un système ingénieux qui va se généraliser sur tous les Panzer V « Lösung A ». Il s’agit en fait d’un dispositif de hausse relié au viseur FG 1250

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qui facilite la tâche du Richtschütze ou tireur. Celui-ci, préposé au manie-ment de la commande en élévation du canon KwK 42/L70 en tourelle mais rendu « aveugle » par l’absence de système de vision nocturne propre, devait jusqu’à présent se fier aux don-nées de pointage en site transmises par son Bordführer. L’innovation est la suivante : l’on installe une bande d’acier reliée mécaniquement à la hausse du FG 1250 du chef de char, cette bandelette actionnant un curseur qui indique précisément au tireur les mouvements verticaux du Biwa manié par le Bordführer. Ceci lui permet donc de connaître l’élévation exacte du FG 1250 « verrouillé » sur la cible. Fort de ces informations, le Richtschütze aligne son pointage en site en compa-rant les données du curseur et celles du canon. Cette bande métallique, pas-sant par un trou foré à travers le toit de la tourelle du Panther, à la base de la coupole du chef de char, est protégée par un blindage soudé sur le toit.Mieux, à la fin de la guerre, tirant profit du nombre important de Biwa stockés à Fallingbostel, les hommes de la Panzer-Lehrversuch-Kompanie élaborent la « Lösung B » (Solution B) qui doit permettre de remédier à l’ab-sence de système de vision nocturne pour le tireur et le pilote du Panther. Comme les Panzer V Ausf. A début de production et Ausf. G ne dispo-sent que d’un épiscope rotatif pour le pilote, ce qui y compliquerait la pose d’un ensemble aussi encombrant que le couple Infrarot-Scheinwerfer/Biwa,

des Panzer V Ausf. D et Ausf. A début de production tout juste sortis d’usine après des réparations sont livrés à la Panzer-Lehrversuch-Kompanie et modifiés par les mécaniciens de l’unité. Ces deux modèles se distinguent en effet par la trappe de vision rétrac-table du pilote sur le glacis avant, au niveau de laquelle il est plus aisé de disposer un système projecteur/viseur infrarouge. C’est ainsi qu’un support sur lequel prend place un convertis-seur d’image Biwa, peut-être un FG 1254 (produit par AEG, Leitz, Zeiss et le Reichspostforschungsanstalt), est soudé sur le glacis avant juste sous le bloc de vision du pilote, avec à droite un projecteur infrarouge de 30cm. Lorsque le Fahrer utilise son FG 1254, il ouvre son bloc de vision et fait glisser la vitre blindée pour suivre la route à travers ladite lunette. En ce qui concerne le poste du Richtschütze, les Panther Ausf. D et Ausf. A début de production disposent d’un viseur télescopique binoculaire TZF12, les versions ultérieures ayant un viseur monoculaire TZF12a. Le pointage du canon de 7,5cm au moyen de ces optiques se fait donc au travers d’un ou deux, c’est selon, orifices de visée conçus dans le mantelet blindé de pro-tection de la pièce. La « Lösung B » consiste au montage d’un Infrarot-Scheinwerfer de 30cm à gauche des trous, ce projecteur et le Biwa dévolus au tireur reposant sur un support soudé sur le mantelet, juste sous les orifices de télémétrie. Les versions de début de production du Panther dis-

posant de deux orifices, binoculaire oblige, une improvisation ingénieuse est trouvée : la TZF12 est remplacée par deux monoculaires, la gauche utilisée le jour pour la visée, la droite étant employée la nuit car disposant du Biwa fixé à la sortie de son embra-sure de mantelet. Cette disposition est contestée par Waldemar Trojca qui prétend, certainement à raison, que les équipements infrarouges sont trop sensibles à la poussière et aux rayons du soleil pour ne pas être démontés de jour ou, tout du moins, être recouverts d’un manchon qui dissimulerait imman-quablement l’une des deux optiques de la TZF12. Or, ceci ne peut être fait, la lunette gauche servant à l’acquisi-tion de la cible et la droite au calcul de sa distance. Reste que le matériel infrarouge peut être rapidement retiré de jour : il faut moins d’une minute pour enlever les deux vis et débran-cher les deux câbles des systèmes du Richtschütze et du Fahrer. De son côté, le Bordführer reçoit un dispositif iden-tique à la « Lösung A », quoique amé-lioré, avec un projecteur de 30cm au lieu de 20cm (portant à 600 mètres au lieu de 400 mètres pour le précédent), qui plus est couplé à une mitrailleuse MG-34 à la manière du Sd.Kfz. 251/1 « Falke ». En définitive, avec la « Lösung B », ce sont désormais trois des cinq membres d’équipage du Panther qui sont munis de viseurs nocturnes. Bien que relativement peu de choses soient connues de la « Lösung B », les tests à Fallingbostel auraient été encourageants.

t Un alignement de deux Sd.Kfz. 251/20 « Uhu », probablement photographiés à Fallingbostel au printemps 1945. L’engin du premier plan est celui des pages précédentes. Quant au second, juste derrière, son projecteur de 60cm est rabattu à 90° et recouvert d’une bâche, configuration adoptée lors des déplacements pour éviter d’endommager l’Infrarot Scheinwerfer.

t Page de gauche, en haut : Par petits groupes, les éléments de la 101. Jäger-Division pénètrent dans les rues de Hronow, où les drapeaux tchécoslovaques ont refait leur réapparition aux fenêtres des maisons après six ans d’interdiction, pour se rendre aux résistants locaux. Ce cliché est sans conteste extraordinaire car il montre pas moins d’une douzaine de Jäger vêtus d’effets camouflés Leibermuster sur la quarantaine d’hommes qui composent ce groupe ! L’homme marchant au centre du premier rang a même cousu au-dessus de la poche droite de sa vareuse un Hoheitszeichen réglementaire, l’aigle national de la Heer.Coll. Pechar

t Page de gauche, en bas : Sous les yeux d’un partisan tchèque, ce camion transportant des Jäger s’est arrêté dans une rue de Hronow. L’un des hommes assis sur le pare-choc est affublé d’un pantalon Leibermuster. Le panneau fixé sur la ridelle du véhicule indique qu’il a été réquisitionné à la compagnie des transports urbains de Bad Charlottenbrunn, nom allemand de la ville polonaise de Walbrzych. L’insigne en métal aux trois feuilles de chêne (Jäger Abzeichen) agrafé sur la casquette de l’Allemand accoudé sur le toit du camion ainsi que les cannes de randonnée des hommes du cliché précédent désignent sans conteste les soldats de cette sensationnelle série comme des Jäger.Coll. Pechar

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Pendant tout ce temps, au gré des exer-cices pratiqués, la Panzer-Lehrversuch-Kompanie « Fallingbostel » érige la doc-trine et les tactiques des véhicules de combat infrarouge de la Panzerwaffe. Les manœuvres démontrent aux offi-ciers instructeurs que la formation tac-tique idéale s’articule autour d’un Zug de cinq Panther « Sperber » au profit duquel opère un semi-chenillé de pro-jection infrarouge Sd.Kfz. 251/20 « Uhu ». Ce dernier se tient à l’avant et fait office de véhicule d’observation et de commandement. Lorsqu’une unité blindée ennemie est repérée et prise dans le faisceau du projecteur infrarouge de 60cm du « Uhu », c’est-à-dire dans un rayon de 1 500 mètres, son chef de bord transmet par radio la position des cibles aux Panther. Une fois la liaison radio établie avec les Bordführer, il dirige les Panzer vers les chars adverses. Dès lors, bénéfi-ciant de l’illumination des objectifs par le Sd.Kfz. 251/20 jusqu’à 800 mètres de distance, ceux-ci n’ont plus qu’à détruire les blindés alliés « éclairés » par le projecteur « Uhu », ce avec encore plus de précision une fois qu’ils seront entrés dans le champ de leurs « Sperber », à 400 mètres de distance, ou de leurs systèmes « Lösung B », à 600 mètres de dis-tance. Plus en arrière, se tiennent des semi-chenillés Sd.Kfz. 251/1 « Falke » transportant chacun un groupe de combat de 6 Panzer-Grenadiere armés de fusils d’assaut StG-44 « Vampir ». Profitant eux aussi du spectre émis par le projecteur du « Uhu », ces hommes sont chargés d’accompagner et de défendre à courte distance les Panzer et le Sd.Kfz. 251/20 en éli-minant les fantassins ennemis « illu-minés » par le 60cm. Ces formations

de combat, composées d’un Zug de cinq Nachtkampfpanther « Sperber », d’un Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » et d’un ou plusieurs Sd.Kfz. 251/1 « Falke », sont baptisées Kampfgruppen « Sperber » par l’état-major de la Panzer-Lehrversuch-Kompanie « Fallingbostel ». Avec davantage de temps, un Puma 200 aurait intégré chaque Kampfgruppe « Sperber » pour relayer les communications entre les différents engins la composant.Les exercices sur le terrain sont pro-metteurs et, bientôt, des unités de la Panzerwaffe viennent s’entraîner à l’utilisation des systèmes infrarouges, la première étant le 3. Schwadron de la I./Panzer-Regiment 24 à l’été 1944 (ce bataillon conserve la tradition d’unité de cavalerie de la 24. Panzer-Division, d’où l’utilisation de la désignation de Schwadron à la place de Kompanie). De nombreuses autres suivront. Si l’en-traînement est rigoureux et se focalise bien évidemment sur la familiarisation des Panzerschützen avec les équipe-ments infrarouges et la coopération avec les autres véhicules composant la Kampfgruppe « Sperber », l’appren-tissage des tactiques de combat spéci-fiques aux opérations nocturnes et le recours à certaines astuces, comme l’utilisation de fusées éclairantes pour illuminer les chars adverses, sont inculqués par les instructeurs de Fallingbostel. Les forces alliées s’ap-prochant, il semble avec le temps que seule l’instruction aux systèmes infrarouges ait été dispensée aux équi-pages, ce au détriment de l’apprentis-sage des notions tactiques.Parallèlement aux activités de la Panzer-Lehrversuch-Kompanie « Fallingbostel », une autre unité expérimentale allemande s’intéresse

de près aux équipements de conduite infrarouge, la Panzer-Versuchs-und Ersatz-Abteilung 300 (Funklenk) du Major Weicke. Encasernée à Eisenach, cette formation est initia-lement spécialisée dans les engins de démolition ; sa 1. Kompanie, aux ordres de l’Oberleutnant Fischer, procède à toute une palette de tests impliquant des véhicules prototypes de déminage, comme par exemple un Borgward IV guidé par radio depuis un avion. Or, sans que l’on sache trop pour quel motif, la 1./Panzer-Versuchs-und Ersatz-Abteilung 300 (Funklenk) dispose d’une voiture d’état-major Pkw. Tatra Typ 97 munie d’un modèle expérimental de système de conduite infrarouge com-posé d’un projecteur et d’un conver-tisseur d’image Biwa. Les tests menés au printemps 1943, sous l’égide du Leutnant Haas, permettent d’évaluer le dispositif et de l’améliorer dans le but d’aboutir à un système de conduite infrarouge vraiment fiable. Puis, en juillet 1943, le bataillon se voit affecter trois Panther Ausf. D servant de véhicules-écoles. Les recherches de Haas allant dans le même sens que celles de la Panzer-Lehrversuch-Kompanie « Fallingbostel », il est décidé de modifier la trappe de vision du pilote de l’un des Panther pour y permettre l’installation d’un système de vision infrarouge devant lui faci-liter la conduite de nuit. Un Panzer V est converti dans ce but, un sup-port vertical censé accueillir le dis-positif semblant avoir été soudé sur le volet blindé du bloc de vision du pilote. Avec le temps, ce sont quatre Panther Ausf. D qui seront modifiés de la sorte avant de gagner le front hongrois, début 1945.

u Ce Sd.Kfz. 251/1 « Falke » a été capturé

par les Britanniques comme le prouvent les

inscriptions à la craie sur la plaque de blindage

du moteur. L’on aperçoit sur celle-ci et entre les

deux blocs de vision du compartiment de conduite, les supports destinés aux équipements infrarouges.

Immédiatement après la guerre, les Alliés et les

Soviétiques vont tout mettre en œuvre pour

s’accaparer la technologie de pointe allemande.

Coll. Anderson

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Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

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LES « NACHTJÄGER »ENTRENT EN ACTION

Le 26 juin 1944, le Generaloberst Guderian annonce dans un mémo-randum que la I./Panzer-Lehr-Regiment 130 sera la première unité à recevoir des équipements infrarouges. Relevant, comme son nom l’indique, de la Panzer-Lehr-Division qui combat durement en Normandie, ce bataillon blindé est alors toujours en cours de constitu-tion en Allemagne, la division d’élite ayant absorbé en remplacement la I./Panzer-Regiment 6. La I./Panzer-Lehr-Regiment 130 touche ses appa-reils de vision nocturne le 29 juillet puis, début septembre, elle rejoint de toute urgence le front de l’Ouest pour former la Panzer-Brigade 113, mais sans emporter ses « Sperber ».En fait, la première unité à s’entraîner au maniement des systèmes infra-rouges est le 3. Schwadron de la I./Panzer-Regiment 24 qui gagne, à la fin de l’été 1944, la Truppenübunsplatz de Bergen, près de Fallingbostel. De sep-tembre à octobre, ses équipages sont formés à l’utilisation des « Sperber » lors de manœuvres nocturnes, puis, en décembre, c’est l’ensemble de la I./Panzer-Regiment 24 (bataillon dépen-dant en théorie de la 24. Panzer-Division mais temporairement rattaché à la 116. Panzer-Division) qui se rend à Bergen où il doit recevoir des Panther équipés de dispositifs infrarouges « Lösung A », matériels qui ne seront finalement pas livrés. Entre-temps, le 27 septembre, la I./Panzer-Regiment 6 a reçu l’ordre de partir pour la Panzertruppenschule de Fallingbostel pour s’y reconstituer. La Panzer-Brigade 113 ayant été écrasée en Lorraine, elle y est rejointe dès le début du mois d’octobre par la I./Panzer-Lehr-Regiment 130. Les deux bataillons blindés suivent alors sur place un entraî-nement aux équipements de combat nocturne (la I./Panzer-Regiment 6 effec-tuant des manœuvres conjointes avec des Panther « Sperber » et des Sd.Kfz. 251 « Uhu »), puis se voient attribuer leurs propres Panther dotés de viseurs infrarouges : le Heeres-Zeugamt, dépôt de la Heer, en affecte vingt-sept à la I./Panzer-Regiment 6, du 17 novembre au 4 décembre, et en expédie quatre autres à la I./Panzer-Lehr-Regiment 130 le 9 décembre. Toutes deux ral-lieront la Hongrie quelques jours plus tard : la première après avoir démonté les « Sperber » de ses Panther, alors que la seconde sera rattachée à la 8. Panzer-Division qui combat à l’ouest de Budapest, sans que l’on sache si elle a dû laisser ses équipe-ments nocturnes derrière elle.De son côté, repliée à la Truppenübunsplatz de Grafenwöhr pour reconstitution le 29 août,

la I./Panzer-Regiment 11 de la 6. Panzer-Division reçoit du Heeres-Zeugamt 32 Panther « Sperber » entre le 11 novembre et le 2 décembre. Le 4 de ce mois, sa 4. Kompanie est subor-donnée à la Panzer-Brigade 150, récem-ment formée en prévision de l’opération « Wacht am Rhein ». Il semble en effet que Hitler ait envisagé d’engager le 3./Panzer-Regiment 24 et la 4./Panzer-Regiment 11 lors de la contre-offensive des Ardennes, mais les deux unités ne semblent pas avoir pris part aux combats. Un vétéran du SS-Panzer-Regiment 1 de la 1. SS-Panzer-Division « Leibstandarte SS Adolf Hitler » pré-tend pourtant que quelques Panther équipés de viseurs nocturnes ont com-battu dans les Ardennes, une affirma-tion qui paraît douteuse.Préservés lors de la bataille des Ardennes, les matériels infrarouges de la Panzerwaffe vont être en revanche nettement plus utilisés en 1945, à mesure que les troupes alliées arrivent aux frontières du Reich. La production en série des systèmes « Sperber » par la firme Leitz-Wetzlar atteint en effet environ 100 unités par mois durant les derniers mois de la guerre mais, malgré 800 à 1 000 engins disponi-

bles, les Panzer V se font toujours moins nombreux et ne sont en outre plus suffisamment approvisionnés en essence pour permettre les grandes offensives de nuit initialement envi-sagées par Guderian. Il est évi-dent, dans ces conditions, que des Kampfgruppen « Sperber » ne pour-ront être constituées qu’au gré des circonstances et être employées que pour des contre-attaques localisées. Pourtant, l’école de Fallingbostel poursuit inlassablement la formation des équipages qu’elle accueille : des SS-Panzerschützen censés rejoindre les 1. et 12. SS-Panzer-Divisionen en Hongrie, des tankistes de la Panzer-Abteilung « Müncheberg » de la Panzer-Division du même nom et des hommes d’équipage de Jagdpanther de la Panzer-Division « Clausewitz » sont parmi les derniers à fouler les bancs de la Panzertruppenschule. C’est d’ailleurs à Fallingbostel mais également au Truppenübunsplatz de Bergen et à la Schießschule der Panzertruppen de Putlos que les véhicules blindés de combat nocturne sont rassem-blés à leur sortie d’usine avant leur transfert aux unités sélectionnées.

Panzerkampfwagen V Mit Infrarot-NachtsichgerätPanther (Sd.Kfz. 171) Ausf. G « Sperber »

3. Schwadron , I. Abteilung, Panzer-Regiment 24Panzertruppenschule de Fallingbostel

Allemagne, octobre 1944

© M. Filipiuk / Batailles & Blindés, 2009

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Un semi-chenillé Sd.Kfz. 251/20 « Uhu », véhicule d’observation et de commandement d’une Kampfgruppe « Sperber » (constituée d’un Zug de deux Panther « Sperber » et un Sd.Kfz. 251/1 « Falke » transportant l’infanterie d’accompagnement), repère dans l’obscurité une colonne blindée américaine à l’arrêt, sur le bord d’une route, grâce à son projecteur infrarouge de 60cm « éclairant » à 1 500 mètres. Le Zugführer transmet aussitôt par radio la position des véhicules ennemis aux Panther.

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1Guidés par radio par le Zugführer, les deux Bordführer dirigent leurs Nachtkampfpanther vers les Sherman et les Half-Tracks américains, le Sd.Kfz. 251/1 « Falke » s’occupant pour sa part de la Jeep ouvrant la colonne blindée ennemie. Compte tenu des bruits des moteurs des Panzer, la surprise ne joue plus mais les Allemands ont l’avantage de mettre en œuvre leurs équipements de combat nocturne qui leur permettent de voir l’adversaire sans être vus !

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2

EMPLOI THÉORIQUE D’UNE KAMPFGRUPPE « SPERBER »

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Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

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Les deux Sherman ont été détruits par les Nachtkampfpanther, alors que la Jeep a été incendiée par la MG-42 de bord du Sd.Kfz. 251/1 « Falke ». Profitant eux aussi du spectre émis par le projecteur du « Uhu » et progressant sous la couverture des MG-42 des SPW, les Panzer-Grenadiere investissent le périmètre ennemi et éliminent les GI’s « éclairés » par le 60cm et le ZG 1229 de leur « Vampir ». Cibles prioritaires : les binômes de bazookas cherchant à tirer sur les blindés des assaillants.

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4p

3

Tandis que les six Panzer-Grenadiere armés de fusils d’assaut StG-44 « Vampir » se déploient en protection rapprochée des Panther et du Sd.Kfz. 251/20 « Uhu », les Panzer V, qui ont acquis en visuel les blindés américains à 800 mètres grâce au faisceau du « Uhu », engagent les Sherman qui constituent la principale menace adverse. Parvenus à distance suffisante, soit 400 mètres (600 mètres pour les « Lösung B »), les Bordführer des Panther « Sperber » assurent leur visée grâce à leur FG 1250 de tourelleau. À cette portée, les KwK 42/L70 de 7,5cm ne laisseront aucune chance aux Sherman.

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Ainsi, le 7 mars 1945, six Sd.Kfz. 251/20 sont acheminés par train à Putlos et neuf autres également par voie ferrée à Bergen. Le 16, quatre autres Panther « Sperber » sont affectés à Fallingbostel pour l’instruction des Panzertruppen. Seulement, compte tenu des coupes sombres opérées par les Alliés dans les rangs des Panzer-Divisionen, les Panther « Sperber », Sd.Kfz. 251 « Uhu », Sd.Kfz. 251 « Falke » et autres « Nachtjäger » n’auront qu’un impact limité sur le champ de bataille et seront bien incapables de ren-verser le cours des évènements.Dans un premier temps, c’est sur le front de l’Est que ces matériels sont utilisés à plus large échelle. L’irrésistible progres-sion de l’Armée rouge sur toute l’étendue du front oblige en effet les Allemands à « racler les fonds de tiroir » pour com-bler les pertes toujours plus lourdes enregistrées par les Panzer face aux T-34/85 et autres JS-2. C’est ainsi que la Panzertruppenschule de Fallingbostel dépêche au front son Panzerjäger Sd.Kfz. 164 Nashorn, dont les équipements infrarouges (probable-ment un projecteur de 30cm similaire à celui du Marder II associé à un viseur ZG 1221) ont été préalablement démontés, l’engin combattant en janvier 1945 à Katowice, en Silésie, au sein de la schwere Panzerjäger-Abteilung 88. Davantage au sud, les efforts de la Wehrmacht sont tout entier tournés vers la tentative de dégagement de la garnison de Budapest encerclée par les Soviétiques depuis le 29 décembre 1944. D’après l’auteur bul-gare Kamen Nevenkin, le baptême du feu des matériels infrarouges allemands se serait déroulé lors de l’opération « Konrad », lancée en janvier 1945 par le IV. SS-Panzer-Korps pour reprendre la capitale magyare, une hypo-thèse tout à fait plausible puisque la I./Panzer-Regiment 24, qui vient d’arriver en toute hâte à Györ, et la 3. Panzer-Division participent à cette opération près du lac Balaton. Il semble en tout cas que des mesures drastiques aient été adoptées afin d’empêcher que ces maté-riels ultrasensibles ne tombent aux mains de l’ennemi. D’après Erwin Bernhardt, ancien Panzerwart (mécanicien) de la I./Panzer-Regiment 24, les équipements « Sperber »

devaient être systématiquement sabotés en cas d’abandon des Panther : « Tous les dis-positifs infrarouges étaient arrimés à des gre-nades à manche. Une ficelle reliait le cordon détonant dépassant du manche dévissé [des grenades] au système du Bordführer. Lorsqu’il quittait le Panzer hors de combat, le dernier homme d’équipage à sortir devait dégoupiller la grenade en tirant la ficelle. » Reste que, d’après Thomas Anderson et Kamen Nevenkin, les équipements de vision nocturne des 14 (ou 17 selon Anderson) Panther « Sperber » du 3. Schwadron de la I./Panzer-Regiment 24 auraient inexplicablement été démontés à Fallingbostel avant le départ du bataillon pour la Hongrie, le 12 janvier. Pourrait-il alors s’agir des Panzer V de la I./Panzer-Regiment 6 ? Ce qui est plus certain en revanche, c’est que la Panzer-Versuchs-und Ersatz-Abteilung 300 (Funklenk) met sur pied, au début de 1945, le Versuchszug « Leutnant Haas » (peloton expérimental « Leutnant Haas ») formé de quatre Panther Ausf. D équipés de systèmes infrarouges : les chars du Leutnant Haas, de l’Unteroffizier Cibis, du Feldwebel Boll et du Feldwebel Deichfuß. Ce peloton est lui aussi envoyé en Hongrie, dans la région du lac Balaton. Grâce à ses équipements spéciaux, le Versuchszug « Leutnant Haas » parvient à détruire plusieurs chars ennemis de nuit et suscite une véritable psychose dans les rangs soviétiques lors de ses opérations noc-turnes. Il semblerait également qu’un Panther « Sperber » ait été envoyé à Stuhlweißenburg (l’actuelle Székesfehérvár, au sud-ouest de Budapest) où il aurait été utilisé au combat avec un certain succès par la 5. SS-Panzer-Division « Wiking ». Tandis que ces unités de Panzer affluent dans la région de Budapest, la I./Panzer-Lehr-Regiment 130 fait le chemin inverse. Ayant subi de lourdes pertes face à l’Armée rouge, la formation est rapatriée, le 5 janvier 1945, à Grafenwöhr afin d’être recons-tituée et de rejoindre – enfin – la Panzer-Lehr-Division, consigne lui étant donnée de laisser sur place ses Panther. Nul ne sait ce qu’il est advenu de ses quatre Panzer V « Sperber »...De manière tout à fait paradoxale, à compter de mars 1945, alors même qu’une tour-mente irrésistible emporte l’Allemagne, plu-

sieurs Panzer-Divisionen et Panzer-Grenadier-Divisionen commencent à intégrer des embryons de Kampfgruppen « Sperber ». Ainsi, le 7 mars, la 3./Panzer-Regiment 6 de la 3. Panzer-Division se voit attribuer dix Panther infrarouges. Six jours plus tard, il est prévu de doter les 19. et 26. Panzer-Divisionen de dix Panzer V « Sperber » et trois Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » à hauteur d’une compagnie par Panzer-Regiment (respective-ment les 4./Panzer-Regiment 27 et 3./Panzer-Regiment 26). Le jour même, le personnel de la 3./Panzer-Regiment 26 quitte l’Italie pour Wünsdorf, afin de réceptionner ses véhicules de combat infrarouge, l’unité devant être opérationnelle le 20 mars. Cependant, ces hommes ne rejoindront jamais leur division puisque, le 19 avril, ils seront transférés à la Panzer-Division « Müncheberg ». Le 23 mars, c’est au tour des I./Panzer-Lehr-Regiment 130, I./Panzer-Regiment « Brandenburg » de la Panzer-Grenadier-Division « Brandenburg » et Kampfgruppe « Dreyer » (4./Panzer-Regiment 11) d’être désignées pour recevoir une telle dotation. L’avant-veille, la 1./Panzer-Lehr-Regiment 130 a reçu l’ordre de quitter la Panzertruppenschule de Wünsdorf pour la ville de Müncheberg, située à l’est de Berlin, où elle doit se placer sous le commandement tactique de la 25. Panzer-Grenadier-Division. C’est là qu’elle perçoit du Heeres-Zeugamt ses dix Panther « Sperber », le 23 mars. Par ailleurs, un document daté du 1er avril 1945 précise que plusieurs compagnies doi-vent suivre, dès le surlendemain, des entraî-nements aux systèmes infrarouges, ce dans l’attente de recevoir des Panther « Sperber » et/ou des Sd.Kfz. 251 « Uhu » : la 1./Panzer-Regiment 29 et la 2./Panzer-Grenadier-Regiment 25 (Panzer-Division « Müncheberg ») à la Panzertruppenschule de Wünsdorf, les 3./Panzer-Regiment 26, 4./Panzer-Regiment 11, 4./Panzer-Regiment 27 et 4./Panzer-Regiment « Brandenburg » à Fallingbostel. En outre, une compagnie de la I./Panzer-Regiment 39 de la 17. Panzer-Division se rend à Fallingbostel pour être directement équipée de Panzer V infrarouges. En réalité, de ces sept compa-gnies, seules celles de la « Müncheberg » sont pourvues en blindés de combat nocturne, de

Panzerkampfwagen V Mit Infrarot-NachtsichgerätPanther (Sd.Kfz. 171) Ausf. G « Sperber »

2. Kompanie, I. Abteilung, Panzer-Regiment 29Panzer-Division « Müncheberg »

Secteur de Berlin, Allemagne, avril 1945© M. Filipiuk / Batailles & Blindés, 2009

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Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

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même que la 4./Panzer-Regiment 11, qui reçoit dix Panther du Heeres-Zeugamt le 8 avril. Les autres ne toucheront jamais les matériels promis. Pire, l’urgence de la situation oblige à disperser les Panzerschützen formés dans des unités combattantes : le 19 avril, ceux de la 3./Panzer-Regiment 26 sont affectés à la Panzer-Division « Müncheberg », les hommes de la 4./Panzer-Regiment 27 rejoignent leur 19. Panzer-Division et le personnel de la 4./Panzer-Regiment « Brandenburg » est incorporé à la Panzer-Grenadier-Division « Kurmark ».Sur le front de l’Ouest, la première uti-lisation opérationnelle d’équipements infrarouges se déroule le 26 mars 1945, durant un engagement nocturne opposant la 1./Panzer-Regiment 101 de la Führer-Grenadier-Division, consti-tuée de dix Panther équipés de lunettes FG 1250 et de trois Sd.Kfz. 251/20 (reçus conformément à une directive du Generalinspeckteur der Panzertruppen, datée du 12 février 1945), à des unités britanniques. Le Major Woellwarth et le Hauptmann Rietz rapportent que les équipements infrarouges ont parfaite-ment fonctionné durant le combat.Quelques jours plus tard, le 4 avril, est formée dans le secteur de Lauenburg, sur l’Elbe, l’éphémère Panzer-Division « Clausewitz » levée à partir d’unités hétéroclites. La division blindée, placée sous le commandement du Generalleutnant Martin Unrein, compte peu de Panzer (seulement 25 !), mais parmi ceux-ci figurent, semble-t-il, deux Züge de trois Panther « Lösung A » et « Lösung B » chacun. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Unrein va utiliser ces derniers à merveille. Dans la nuit du 14 au 15 avril, l’une de ses Kampfgruppen intégrant des Panther infrarouges lance une contre-attaque à Stadensen, localité occupée par la 46th Brigade de la 15th (Scottish) Infantry Division. Dans un rapport écrit pour le compte des Américains en février 1947, Unrein narre l’enga-gement : « Dans la nuit du 14 avril, une Panzerkampfgruppe, commandée par un Hauptmann (environ 20 Panzer, 10 canons d’assaut, 70-80 véhicules de reconnaissance) fut assemblée à l’est d’Uelzen, Osterholz et Bollensen dans l’objectif de lancer une attaque vers Stadensen, au-dessous d’Hol-lenstedt. Vers 3h00, ces éléments établirent le contact avec l’ennemi à Nettelkamp. Le gros de l’engagement dura jusqu’à l’aube. Les troupes de l’Armée britannique, qui se reposaient dans le village, furent étrillées, et environ 40 chars et véhicules blindés furent mis hors de combat. » Parmi ces engins, les Allemands revendi-quent la destruction de 22 chars, dont un peloton entier de chars Comet des Coldstreams qui aurait été incendié par des Panther « Lösung B » et

des StuGe, action qui sera à l’ori-gine de la remise de la Ritterkreuz à l’Hauptmann Walle, au Leutnant Anding et à l’Obergefreiter Stützle, appartenant tous trois à la Panzerjäger-Abteilung « Großdeutschland » de la « Clausewitz ». Reste que les Britanniques ne reconnaissent la perte que de deux Churchill, deux M10 Achilles et de nombreux véhicules (dont 22 Bren Carriers, 10 Half-Tracks et 31 autres engins). Difficile avec un bilan aussi contradictoire d’évaluer objectivement l’efficacité des Panther équipés d’infrarouges.Dans les jours qui suivent, la Panzer-Division « Clausewitz » livre des com-bats retardateurs dans la région de Wolfsburg, tentant de se frayer un chemin au sud des montagnes du Harz. Dans la nuit du 21 avril, c’est au tour de la 5th US Armored Division de faire l’objet d’une contre-attaque de la divi-sion allemande à Fallersleben. Unrein ordonne alors une reconnaissance préalable : « Notre reconnaissance rapporta que le pont sur le canal de la Weser-Elbe, au nord de Fallersleben, était occupé par l’ennemi, et que le bruit des chars pouvait être entendu à Fallersleben. Nous renouvelâmes notre reconnaissance. Aux abords de 2h00, notre avance parvint à 3 kilomètres au nord du pont. » La contre-attaque de la « Clausewitz » a pour objectif de reprendre aux GI’s le pont sur le canal Weser-Elbe et met en œuvre les dix derniers Panzer de la division. Vers 2h00, précédés par une Sd.Kfz. 234/1 ouvrant la voie, les dix chars allemands s’élancent vers la position antichar américaine composée de pièces M2 de 76 mm battant les approches du pont. Alertés par les bruits de moteurs, les Américains tirent aussitôt des obus éclairants pour illuminer la zone. Le Panther de tête est rapidement touché par un obus de 76 mm et échoue dans un fossé, ce qui oblige les Allemands à suspendre leur assaut. C’est alors que deux Panther « Sperber » se met-tent à couvert et entrent en action. Au bout de quelques minutes, ils repèrent les canons antichars ennemis et tirent une vingtaine d’obus. Leur position anéantie, les canonniers et les GI’s qui les couvraient cèdent à la panique et s’enfuient. Les Panther poussent alors leur avantage et détruisent plusieurs camions et véhicules américains.Pendant ce temps, sur le front de l’Oder, des unités de circonstance de la Panzerwaffe perçoivent des équi-pements infrarouges en prévision de la défense de Berlin. Ainsi, le 16 mars 1945, il est décidé de créer une Kampfgruppe « Sperber » au sein de la Panzer-Division « Müncheberg ». De fait, le 5 avril, une Kompanie de dix Panther équipés de FG 1250 aux ordres de l’Oberleutnant Rasim est

affectée à la I./Panzer-Regiment 29 de la « Müncheberg » dont elle forme la 2. Kompanie. Parallèlement, une Panzer-Grenadier-Kompanie (gep.) constituée à partir de la 2./Panzer-Grenadier-Regiment 25 (prélevée sur la 12. Panzer-Division) et commandée par le Hauptmann Steuer est adjointe au bataillon blindé dans le but d’opérer de concert avec la Panzer-Kompanie « Rasim ». Cette compagnie de Panzer-Grenadiere comporte trois Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » et des Sd.Kfz. 251/1 « Falke », ses hommes étant armés de StG-44 « Vampir ». Cette composante de la Panzer-Division « Müncheberg » combattra avec acharnement dans la capitale allemande mais succombera sans que les détails de ses opérations nocturnes ne soient connus. Enfin, le 19 avril, la 4./Panzer-Regiment 11 et la Panzer-Grenadier-Kompanie (gep.) « Uelzen » (alignant 14 Sd.Kfz. 251 infrarouges) reçoivent l’ordre de quitter la Panzertruppenschule de Wünsdorf pour rejoindre la 7. Panzer-Division dans le secteur de Neusterlitz. Cependant, les ordres sont modifiés en cours de route et, le 22 avril, les deux compagnies sont rattachées à la Kampfgruppe « Ritter », qui comprend la Panzer-Kompanie z.b.V. « Dreyer », elle-même dotée de dix Panther « Sperber », pour assurer la défense de Zossen.

CONCLUSION

À peine le Reich effondré que les vain-queurs occidentaux et soviétiques, bien que rarement – mais durement quand ce fut le cas – confrontés aux matériels infrarouges alignés par la Panzerwaffe, vont minutieuse-ment étudier les véhicules allemands dotés de systèmes de combat noc-turne tombés entre leurs mains et tout mettre en œuvre pour récupérer le savoir-faire technologique germa-nique. Il est vrai que les Allemands ont réussi à mettre au point non une série de matériels blindés infrarouges, mais un véritable système d’armes complet apte à leur assurer de nuit la supério-rité tactique sur le champ de bataille. Confrontée dès le départ à l’hostilité de la caste conservatrice des offi-ciers supérieurs de la Wehrmacht, cette technologie a ultérieurement pâti des campagnes de bombarde-ments effectuées par l’US Air Force et la Royal Air Force sur les usines du Reich. Autant d’éléments qui ont retardé la mise en service des Panther « Sperber », Sd.Kfz. 251 « Uhu » et « Falke », des engins remarquables s’il en est, mais dont la conception incarne à elle seule un terrible constat d’échec : l’Allemagne, incapable de reprendre l’initiative de jour dans le ciel d’Europe, n’était depuis bien long-temps plus maîtresse de son destin.