37
La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande - 1- Ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement - Direction des Affaires Juridiques Bureau des affaires juridiques de la mer La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénale de la marine marchande Présenté par Jérôme HEILIKMAN Institut d'Études Judiciaires Université de Paris Ouest Nanterre la Défense Sous la direction de Jean-Christophe IZARD Administrateur en chef des affaires maritimes, Chef du bureau des affaires juridiques de la mer, à la direction des affaires juridiques Stage du 17 janvier 2011 au 15 avril 2011

La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 1-

Ministère de l'Écologie, du Développement durable, des

Transports et du Logement

-

Direction des Affaires Juridiques

Bureau des affaires juridiques de la mer

La plaisance à l'aune de la réforme du Code

disciplinaire et pénale de la marine

marchande

Présenté par Jérôme HEILIKMAN

Institut d'Études Judiciaires – Université de Paris Ouest Nanterre la Défense

Sous la direction de Jean-Christophe IZARD

Administrateur en chef des affaires maritimes,

Chef du bureau des affaires juridiques de la mer,

à la direction des affaires juridiques

Stage du 17 janvier 2011 au 15 avril 2011

Page 2: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 2-

REMERCIEMENTS

Je souhaite remercier M. Jean-Christophe IZARD, chef de bureau, et M. Serge FOCT, adjoint au

chef de bureau, pour leurs conseils et leurs remarques constructives tout au long de ce mémoire

ainsi que pour l'ensemble de leurs démarches auprès de la Direction des Affaires Maritimes et du

Conseil Supérieur de la Navigation de Plaisance et des Sports Nautiques.

M. Antoine PICHON, Secrétaire Général du CSNPSN pour ses renseignements et ses adresses

utiles.

Mes remerciements s'adressent également à M. Denis CLERIN, adjoint au chef de la mission, M.

David PERRIN-PILLOT, chargé de mission et M. Alain MOUSSA, chef de bureau, pour leurs

explications techniques sur la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande.

Enfin j'adresse toute ma gratitude pour la disponibilité des responsable du centre de ressources

documentaires du ministère.

Page 3: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 3-

SOMMAIRE

INTRODUCTION 4

I – La réorganisation du système juridictionnel maritime : l'affirmation d'une

unité du monde maritime 7

A – Une procédure unique conforme au droit procédural commun et réaffirmant

le périmètre maritime 7

B – Une définition unique de l'infraction maritime 15

II – La réorganisation du système juridictionnel maritime : l'adaptation aux

particularismes de la plaisance 21

A – Une nouvelle organisation du Tribunal maritime pour connaître des

« infractions plaisance » 21

B – Une répression de la délinquance maritime adaptée aux spécificités de la

plaisance 29

CONCLUSION 33

BIBLIOGRAPHIE 35

ANNEXES 38

Page 4: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 4-

INTRODUCTION

La réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande est, dans le monde maritime, un

serpent de mer vivace, réforme faite d'hésitations et de palinodies, maintes fois évoquée et

réclamée, mais jamais réellement accomplie.

L'obsolescence générale du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande liée notamment aux

évolutions du droit pénal et de l'entrée en vigueur de la Convention Européenne de sauvegarde des

Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, a conduit à une nécessaire réforme.

Le Tribunal maritime commercial, fruit d'une histoire chaotique, est issu des Tribunaux de

l'amirauté de l'Ancien Régime dont le principe de fonctionnement remonte à l'Ordonnance sur la

marine de Colbert de 16811. La conscience professionnelle, le sens de l'obéissance et le respect de

l'autorité exigé des marins étaient une impérieuse nécessité afin de réaliser l'harmonie collective

indispensable à l'expédition maritime. L'évidence d'une telle discipline à bord justifiait la création

d'un droit disciplinaire spécifique.

Un siècle plus tard, les juridictions d'exception n'ayant plus les faveurs du pouvoir révolutionnaire,

les Tribunaux maritimes commerciaux furent supprimés en 1791. Cependant la spécificité maritime

a eu raison de la vague révolutionnaire et une juridiction spécifique fut rétablie en matière maritime

par un décret du 24 mars 1852 qui institua les tribunaux maritimes.

Pour autant, le fonctionnement de ces juridictions ne donna pas entière satisfaction. Il fut combattu

par les libéraux au cours du 19ème siècle qui leur reprochaient leur particularité, leur subordination

au pouvoir, l'inégalité des citoyens devant la justice et, en matière pénale, la rapidité et la sévérité de

la répression.

Ils furent de nouveau supprimés par la loi du 17 décembre 1926 au profit des juridictions du droit

commun.

1 Ordonnance n°1681-08-00 du 31 juillet 1681 de la marine relative à la police des ports, côtes et rivages de la mer,

dite ordonnance de Colbert.

Page 5: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 5-

Le désaccord du monde maritime et les réclamations tendant au rétablissement des tribunaux

maritimes furent entendus. Le décret-loi du 29 juillet 1939 consacra les Tribunaux maritimes

commerciaux tels qu'ils existaient jusqu'à aujourd'hui. Leur principale justification repose sur la

technicité du milieu maritime qui exige des compétences théorique et pratique.

Les neufs Sages de la rue Montpensier ont donné l’impulsion d’une nécessaire réforme du Code

disciplinaire et pénal de la marine marchande par la décision du 2 juillet 2010. Espérons qu’elle

puisse résonner encore longtemps, telle une corne de brume invitant le juriste à anticiper les

dangers.

Cette décision était attendue, voire même prévisible. En effet, la gestation d'une nouvelle

organisation de cette juridiction d'exception a été amorcée par une loi du 24 août 19932 instituant un

magistrat professionnel du siège du Tribunal de Grande Instance dans le ressort duquel le tribunal

maritime est constitué, comme président de séance, en lieu et place d'un administrateur des affaires

maritimes.

De surcroît, la nécessaire réforme de la juridiction fut mise en lumière en 2003 par le monde des

juristes, des Affaires Maritimes et des Gens de Mer qui avaient constitué un groupe de travail ayant

pour mission « d'analyser les évolutions actuelles de fonctionnement des tribunaux maritimes

commerciaux et d'en proposer les évolutions ».

Cette même année le monde juridique, riche de proposition, fut marqué par le rapport dit

« Guinchard » sur la répartition des contentieux intitulé « L'ambition raisonnée d'une justice

apaisée », rapport qui mettait en évidence l'obsolescence générale du Code disciplinaire et pénal de

la marine marchande.

Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation de l'article 90 du

Code disciplinaire et pénal du Code de la marine marchande, tout en constituant une consécration

constitutionnel au Tribunal maritime commercial, invite le législateur à penser son adaptation au

regard de l'évolution du droit.

2 Loi n° 93-1013 du 24 août 1993 portant réforme de la procédure pénale.

Page 6: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 6-

Si la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande circonscrit l'ensemble des gens

de mers, notre étude sera volontairement axée sur le domaine de la plaisance. A cet égard, il

conviendra d'étudier la réorganisation du système juridictionnel maritime dictée par une volonté

d'unité du monde maritime entre gens de mer professionnels et plaisanciers (I) tout en prenant soin

de prendre en compte les particularismes de la plaisance (II).

Page 7: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 7-

I – La réorganisation du système juridictionnel maritime : l'affirmation d'une

unité du monde maritime

Par sa décision du 10 juillet 20103, le Conseil constitutionnel a finalement permis une

reconnaissance constitutionnelle du Tribunal maritime commerciale. Dans cette lignée, la réforme

doit permettre d'assurer le fonctionnement et l'adaptation de la juridiction spécialisée à l'évolution

des principes directeurs du droit commun, tout en réaffirmant son périmètre maritime (A). Cette

orientation suppose également une meilleure définition de l'infraction maritime (B).

A – Une procédure unique conforme au droit procédural commun et réaffirmant le

périmètre maritime

Le maintien du Tribunal maritime commercial, dont la structure parait aujourd'hui anachronique, ne

saurait être envisagé qu'à la condition de modifications importantes de ses règles de procédure.

En ce sens, il convient d'appréhender cette nécessaire réorganisation du système pénal maritime, de

la phase d'enquête au déroulement du jugement et des voies de recours effectives.

1 – De l'enquête à l'instruction : une coopération entre l'administration des affaires maritimes et

le Ministère Public

Dans un souci de mise en conformité du nouveau Code pénal maritime avec les principes du droit

commun, le projet d'ordonnance portant réforme des tribunaux maritimes et de la procédure

applicable instaure de nouvelles modalités d'enquête et d'instruction.

Suite à la constatation d'une ou plusieurs infractions, l'article 7 du projet d'ordonnance prévoit que

« le chef du service déconcentré inter-régional ou régional de l'État chargé de la mer, peut

procéder, dès qu'il a connaissance de faits susceptibles de constituer une infraction maritime, à une

enquête nautique (…). Il en informe immédiatement le procureur de la République compétent et lui

adresse le rapport d'enquête dès sa clôture.».

3 Décision n° 2010-10 QPC du 02 juillet 2010

Page 8: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 8-

Il ressort de cette disposition, que l'administration des affaires maritimes peut diligenter une enquête

si trois conditions cumulatives sont respectées. Ces conditions présentent des difficultés

sémantiques et dont la précision est nécessaire pour permettre de circonscrire les limites d'action

des affaires maritimes.

Tout d'abord, l'enquête diligentée par l'administration des affaires maritimes doit nécessairement

émaner de faits susceptibles de constituer une infraction maritime, terme qui sera étudié

ultérieurement.

Ensuite, l'enquête diligentée doit présenter un caractère nautique.

Aux termes de l'article 33-1 de l'actuel Code pénal et disciplinaire de la marine marchande

« l'administrateur des affaires maritimes, saisi par le capitaine ou par l'un des officiers ou agents

énumérés au paragraphe 1er, alinéa 2, de l'article 26, ou agissant d'office, complète, s'il y a lieu,

l'enquête effectuée par le capitaine en exécution de l'article 28, ou procède dès qu'il a connaissance

de l'infraction, à une enquête préliminaire.».

Il en ressort qu'une enquête présente un caractère nautique si elle émane d'un événement mettant en

danger la préservation du navire et de sa cargaison et la sécurité des personnes se trouvant à bord.

Autrement dit, l'enquête sera nautique si elle procède d'un événement commis à bord ou lors d'une

navigation maritime.

Enfin, l'administration des affaires maritimes doit informer immédiatement le procureur de la

République pour lui adresser son rapport d'enquête.

Cette troisième et dernière condition met en place un véritable « partenariat » signe de

complémentarité en lieu et place de tout risque de concurrence4. Autrement dit, cette disposition

tend à proposer une relation entre l'administration des affaires maritimes et le Ministère Public

s'inscrivant dans le cadre et le respect des procédures de droit commun.

4 A ce propos, en 1992, le comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics avait souligné dans

son rapport sur « La coordination des actions de l'État en mer » les difficultés à sanctionner les infractions

commises en mer en raison de la dispersion des poursuites.

Page 9: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 9-

De surcroît, par l'obligation faite aux affaires maritimes d'informer immédiatement le procureur de

la République et de lui adresser le rapport d'enquête, il est évident que le Parquet conserve

l'initiative et la conduite des enquêtes qui seront nécessairement effectuées conformément aux

règles du Code de procédure pénale.

L'administration des affaires maritimes se trouve auxiliaire du Parquet, subordonnée à son avis

final, lui seul déterminant le sort de l'enquête, tout en conservant ses missions régaliennes dans la

mise en œuvre d'une politique pénale maritime puisqu'elle peut « demander au procureur

territorialement compétent l'accomplissement de tout acte d'enquête qui s'avère nécessaire »

In fine, l'administration des affaires maritimes pourra bénéficier de la logistique, du savoir et du

savoir-faire des Parquets en matière de procédure pénale mais aussi et surtout, ce partenariat permet

d'éviter les risques de contrevenir aux principes posés par la Convention européenne de sauvegarde

des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Aux termes de l'article 36 ter de l'actuel Code disciplinaire et pénal de la marine marchande « les

administrateurs des affaires maritimes et les commissaires rapporteurs sont chargés de l'instruction

des délits ou contraventions relevant de la compétence des tribunaux maritimes commerciaux et

investis à ce titre des pouvoirs conférés aux juges d'instruction par le Code de procédure pénale,

notamment pour la délivrance de mandats de comparution, d'amener, de dépôt et d'arrêt. »

La principale difficulté résidait dans la confusion des phases d'enquête et d'instruction dans les

mains de l'administration des affaires maritimes. Il importe de souligner que pendant la phase

d'instruction, l'administrateur des affaires maritimes avait le pouvoir de mettre en détention

provisoire. Une distorsion est observée avec le droit commun dans la mesure où la loi du 15 juin

20005 a privé le juge d'instruction de ce pouvoir pour le transférer au juge des libertés et de la

détention.

Aujourd'hui, l'exigence de conformité du droit commun semble avoir raison du rôle primordial joué

5 Loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des

victimes, J.O n°138 du 16 juin 2000, p. 9038.

Page 10: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 10-

par l'administration des affaires maritimes bien que celui-ci soit justifié par la nature particulière des

affaires et la compétence de ce corps de fonctionnaires.

Pour pallier les difficultés, différentes modalités d'exercice de l'instruction était envisageables.

Par exemple, à l'instar des pôles d'instruction, un système de collégialité hybride de l'instruction est

mise en place avec la présence d'un magistrat professionnel et d'un fonctionnaire des affaires

maritimes.

Cette solution permettrait de prendre en compte les spécificités des affaires maritimes et

conforterait la cohérence de la nécessité d'un tribunal spécialisé pour les infractions maritimes. Pour

autant, la présence des affaires maritimes sur un plan d'égalité avec un juge professionnel durant la

phase d'instruction est critiquable et supposerait l'affectation de personnels qualifiés juridiquement.

C'est pourquoi, une solution plus opérationnelle est la possibilité pour l'administration des affaires

maritimes, non pas de devenir un « juge d'instruction de la mer » mais un adjoint du juge

d'instruction professionnel. Dans cette optique, le rôle du fonctionnaire des affaires maritimes est

consultatif, ce dernier ayant la possibilité d'émettre des avis motivés afin de demander au juge

d'instruction de procéder à des mesures utiles.

En ce sens, l'article 16 alinéa 2 du projet d'ordonnance prévoit que « le chef du service déconcentré

inter-régional de l'État chargé de la mer (…) [peut] assister ou participer aux interrogatoires,

auditions et confrontations dans les conditions fixées par les articles 119 et 120 du Code de

procédure pénale ».

Dès lors, si l'instruction est confiée aux juridictions de droit commun, les affaires maritimes peuvent

intervenir non seulement au cours de l'instruction mais également par le bais de demandes d'avis ou

d'expertises. La procédure est circonscrite par le droit commun, tout en permettant à l'instruction

d'être teintée d'un fort caractère maritime.

Par ailleurs, le rôle important des affaires maritimes durant cette phase d'instruction se trouve

renforcé par l'alinéa 1er de l'article 16 du projet d'ordonnance selon lequel « le chef du service

déconcentré inter-régional de l'État chargé de la mer, peut se faire communiquer une copie de la

Page 11: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 11-

procédure d'instruction et proposer par avis motivé au procureur de la République compétent (…)

de faire appel des ordonnances de la juridiction d'instruction ».

2 - La phase de poursuite et le statut du Ministère Public

La fonction du Ministère Public lors de l'audience, est selon l'article 91 du Code disciplinaire et

pénal de la marine marchande est assurée par « un commissaire rapporteur, appartenant au corps

des officiers de marine, et désigné par le préfet maritime ou par le chef d'arrondissement

maritime ».

L'article 91 ajoute comme condition que ce commissaire rapporteur n'est désigné en qualité de

Parquet que lorsque le Tribunal maritime commercial connaît d'un des délits prévus « aux articles

80 à 85 et 87 » autrement dit les infractions relatives aux abordages, échouements et autres

accidents de navigation.

Il ressort que la fonction de Ministère Public n'est assuré que partiellement, en fonction de la nature

de l'infraction pendante devant le Tribunal. Or l'article 32 du Code de procédure pénal dispose que

le Ministère public « est représenté auprès de chaque juridiction répressive. Il assiste aux débats

des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa présence. Il assure

l'exécution des décisions de justice ». Il est permis d'affirmer que la présence temporaire et non

continue du Ministère Public au sein d'une juridiction répressive n'est pas conforme au droit

commun.

En ce sens, si aux termes de l'article 1er du Code de procédure pénale « l'action publique pour

l'application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les

fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi », il paraît opportun eu égard aux exigences de la

Cour Européenne des Droits de l'Homme, que la fonction du Ministère Public soit confiée à un

magistrat professionnel et indépendant. Ce dernier aurait alors toute discrétion pour décider soit de

mettre en œuvre l'action publique, soit de la confier aux affaires maritimes.

Page 12: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 12-

3 – Du jugement aux voies de recours

Le fonctionnement des Tribunaux maritimes, à savoir sa formation de jugement doit également se

conformer aux principes édictés par la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

Saisi de la question prioritaire de constitutionnalité n°2010-10, le Conseil constitutionnel a rendu

une décision le 2 juillet 2010 dans laquelle il va déclarer que la composition du Tribunal maritime

commercial est inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 16 de la Déclaration des Droits de

l'Homme et du Citoyen :

« Considérant que, parmi les cinq membres du tribunal maritime commercial, deux d'entre eux,

voire trois si le prévenu n'est pas un marin, ont la qualité soit d'officier de la marine nationale soit

de fonctionnaire ou d'agent contractuel de l'État, tous placés en position d'activité de service et,

donc, soumis à l'autorité hiérarchique du Gouvernement ; que, dès lors, même si la disposition

contestée fait obstacle à ce que l'administrateur des affaires maritimes désigné pour faire partie du

tribunal ait participé aux poursuites ou à l'instruction de l'affaire en cause, ni cet article ni aucune

autre disposition législative applicable à cette juridiction n'institue les garanties appropriées

permettant de satisfaire au principe d'indépendance ; que, par suite, sans qu'il soit besoin

d'examiner les autres griefs, ces dispositions doivent être déclarées contraires à la Constitution »

La présence de fonctionnaires au sein de la juridiction d'exception a donc été remise en cause en

raison de leur soumission à un pouvoir hiérarchique faisant naître un doute sur leur impartialité6 et

leur indépendance7.

6 Formule de la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans un arrêt du 23 avril 1983, Établissement et autres c/

Autriche et du 22 octobre 1984, Sramek et autres c/ Autriche.

7 Le Conseil constitutionnel a rappelé que le principe d'indépendance est indissociable de l'exercice de fonctions

juridiques (Conseil constitutionnel, 21 février 1992, n°92-305 DC). Ce principe a été étendu par la suite à l'exercice

de fonctions juridictionnelles par des juges non professionnels (Conseil constitutionnel, 20 février 2003, n°2003-466

DC).

Au surplus, dans la foulée de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH, 9 novembre 2006, n°65411/01,

Sacilor Lormines c/ France), l'assemblée plénière de la Cour de cassation (Ass. Plen, 22 décembre 2000, n°99-

11303 et n°99-11615) et le Conseil d'État (CE, 30 janvier 2008, n°274556, Association Orientation et rééducation

des enfants et adolescents de la Gironde) avaient jugé que la présence au sein d'une juridiction d'un fonctionnaire

soumis par définition au pouvoir hiérarchique de son administration portait atteinte à l'indépendance de la

juridiction.

Page 13: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 13-

Désormais, aux termes de l'article 18 du projet d'ordonnance portant réforme des tribunaux

maritimes et de la procédure applicable « Le tribunal maritime est présidé par un magistrat désigné

après avis de l'assemblée générale du tribunal de grande instance auprès duquel il est placé. [Il]

est en outre composé de deux assesseurs désignés par arrêté conjoint du ministre chargé de la

justice et du ministre chargé de la mer ».

Concernant le remaniement de la composition du Tribunal, autrement dit les modalités de

remplacement des juges fonctionnaires qu'ils soient civils ou militaires, celles ci ne présentent pas

de réelles difficultés concernant la marine marchande. La formation professionnelle des gens de

mer, la détention de titre de formation ainsi que l'expérience dans l'exercice des fonctions à bord,

permettront aisément au Président du Tribunal de désigner des assesseurs marins au commerce ou à

la pêche à partir d'une liste qui pourrait être établie après avis auprès des organisations

professionnelles représentatives.

Tout autre est la difficulté concernant la présence d'assesseurs issus du monde de la plaisance. Cette

étude particulière fera l'objet d'un développement ultérieur. Cependant il est d'ores et déjà utile de

mettre en relief que la représentation des plaisanciers est essentielle compte tenu de l'importance du

contentieux lié à la plaisance que connaissent les Tribunaux maritimes commerciaux.

A contrario du monde professionnel, la plupart des plaisanciers ne disposent ni d'une formation

maritime théorique ni de titres de navigation. Pour appréhender les modalités de désignation des

« assesseurs-plaisanciers » il faudra alors dissocier le monde de la plaisance professionnelle de celui

de la plaisance d'agrément, l'un minoritaire et constitué de gens de mer aux formations

professionnelles complètes et aux acquis théoriques solides, l'autre majoritaire et symbole du

tourisme, formé de terriens s'aventurant en mer dont l'assise des connaissances maritimes est parfois

plus fragile.

En tout état de cause, la composition du Tribunal devra présenter toutes les garanties requises pour

évincer tout doute éventuel quant à l'indépendance et l'impartialité des juges.

Concernant le droit à réparation, jusqu'alors le Tribunal maritime commercial ne connaissait pas de

l'action civile qui restait soumise à la compétence des tribunaux de droit commun.

Page 14: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 14-

En disposant que « les infractions (…) sont poursuivies, instruites et jugées conformément aux

règles du Code de procédure pénale », l'article 1er alinéa 3 du projet d'ordonnance donne la

possibilité pour la victime de se constituer partie civile devant le futur Tribunal maritime.

Par ailleurs, l'article 2 du protocole additionnel n°7 de la Convention Européenne des Droits de

l'Homme pose le droit d'un recours effectif devant un second degré de juridiction en énonçant que

« toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire

examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation.

L'exercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, sont régis par la loi ».

Jusqu'à la réforme opérée par le projet d'ordonnance, les Tribunaux maritimes commerciaux étaient

l'unique juridiction répressive dont la seule voie de recours était la possibilité de former un pourvoi

en cassation. Le plus souvent, le prétexte invoqué était la nécessité d'une exécution rapide du

jugement. Pour autant, on peut s'interroger sur la motivation principale qui semble en réalité

traduire le désir pour l'administration des affaires maritimes de garder la haute main sur la justice

maritime aux fins d'écarter tout contrôle des organes judiciaires, à l'exception du contrôle,

inévitable, de droit par la Cour de cassation.

Au regard des principes du droit, il s'avérait donc indispensable de prévoir une procédure d'appel.

Cette voie d'appel est désormais ouverte aux termes de l'article 1er § 3 du projet d'ordonnance « Les

infractions (…) sont poursuivies, instruites et jugées conformément aux règles du code de procédure

pénale ».

Si l'instauration d'une procédure d'appel ne présente pas de difficulté, il en est autrement concernant

l'opportunité d'instituer des chambres spécialisées en appel pour connaître des affaires maritimes.

La mise en place de telles Chambres présenterait un avantage certain dans la cohérence du suivi de

l'affaire et conforterait l'importante de juges spécialisés dans le domaine maritime.

Page 15: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 15-

B – Une définition unique de l'infraction maritime

1 – Les périmètres d'application du Code maritime

Après avoir circonscrit la réorganisation du système juridictionnel maritime, il convient

d'appréhender, au regard de la finalité de la réforme, le champ d'application du futur Code pénal

maritime.

Définir l'infraction maritime suppose au préalable quelques précisions quant au champ d'application

de la réforme tant au niveau des usagers de la mer, qu'à celui des supports en présence.

Le champ d'application du futur Code pénal doit être pensé dans une volonté de renforcer l'unité du

monde maritime quelque soit le statut des gens de mer concernés, professionnels ou plaisanciers. En

ce sens, le Code maritime doit couvrir l'ensemble des personnes présentes à bord d'un navire battant

pavillon français sans qu'il soit nécessaire d'opérer d'autres distinctions que celles liées à leurs

fonctions.

De même, l'unité s'appréhende en délimitant les paramètres d'application du Code maritime relatif

aux supports en présence. Le domaine de la plaisance pourrait soulever quelques difficultés. En

effet, en l'absence de définition unique du navire, sa définition est propice aux tergiversations

doctrinales et, en conséquence, le domaine d'application du Code maritime pourrait s'en trouver

obscurci.

Le Code des transports donne une définition du navire à l'article L 5000-2 :

«Sauf dispositions contraires, sont dénommés navires pour l'application du présent code :

1° Tout engin flottant, construit et équipé pour la navigation maritime de commerce, de pêche ou de

plaisance et affecté à celle-ci ;

2° Les engins flottants construits et équipés pour la navigation maritime, affectés à des services

publics à caractère administratif ou industriel et commercial. »

Le Code maritime devra donc s'appliquer à tout engin flottant, construit et équipé pour la navigation

de plaisance.

Page 16: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 16-

La difficulté concerne les engins dits de petite plaisance et les engins de plage. Ces bâtiments de

mer destinés à une navigation d'agrément sont pour certains destinés à une activité ludique alors que

d'autres sont aptes à une véritable navigation.

Dès lors, pour éviter toute insécurité juridique, il faudra clairement définir des critères objectifs –

immatriculation, critères physiques – critères administratifs - déterminant le seuil à partir duquel un

engin de plaisance ne saurait se voir appliquer le Code maritime.

Toutefois, la question de l'opportunité de soumettre ou d'évincer aux dispositions du Code maritime

certaines catégories d'usagers de la mer reste ouverte. Les usagers naviguent sur un même milieu

hostile aux conséquences dommageables identiques, il serait donc cohérent que toute personne à

bord d'un bâtiment de mer, navire ou engin de navigation, soit justifiable de certaines infractions

définies par le Code maritime.

Finalement, le navire qu'il soit de plaisance ou non doit être support de compétence du futur

Tribunal maritime au nom de l'unité du monde maritime et de l'égalité des marins devant la loi. Au

titre de la personnalisation des peines, et en prenant soin d'éviter tout risque de justice catégorielle,

il reviendrait à l'appréciation souveraine du juge du fond, de moduler la sanction en fonction de

l'usager mis en cause.

2– Le renforcement du caractère maritime des infractions

Comme nous l'évoquions précédemment (Cf. supra), le Conseil constitutionnel, en appelant le

législateur à réformer la composition du Tribunal maritime commercial, a paradoxalement

« constitutionnalisé » cette juridiction spécialisée.

L'objectif principal de la réforme est alors de renforcer la légitimité du Tribunal maritime et

corrélativement de parvenir à une meilleure répression de l'infraction maritime tant au niveau des

infractions commises à bord que celles commises entre les usagers.

Pour ce faire, il convient de clairement délimiter le caractère de l'infraction maritime, celle ci

pouvant se définir comme une infraction qui présente une réelle spécificité nautique par rapport à

celles du droit commun.

Page 17: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 17-

En premier lieu, il apparaît que certaines infractions présentant un caractère maritime sont laissées

à la connaissance des juridictions du droit commun. Il en est ainsi de la destruction volontaire et

dans une intention criminelle d'un navire quelconque (Article 79 CDPMM).

Il serait cohérent et légitime que ces infractions ressortent sans exception de la compétence du futur

Tribunal maritime à l'exception des contraventions, lesquelles dans un souci de célérité et de

proximité de la justice au profit des justiciables, relèveraient des tribunaux de police.

La seconde difficulté a trait aux infractions « mixtes » associant un caractère maritime et des

éléments de droit commun. Par exemple, un abordage avec perte de vie humaine, la mise en danger

délibérée d'autrui lors d'une navigation maritime ou encore un capitaine qui après un abordage

néglige de faire tous les efforts pour sauver l'équipage de l'autre navire.

Bien souvent l'issue de ce recoupement entre droit maritime et droit commun tourne en faveur de ce

dernier au détriment du Tribunal maritime commercial8 bien que l'infraction soit incontestablement

maritime du fait du lieu où elle s'est produite.

A l'heure actuelle il résulte donc, dans ces situations de dualité, un effacement de l'infraction

maritime absorbée par le droit commun. Cette situation est critiquable car fruit d'une incohérence

entre d'une part, la reconnaissance constitutionnelle d'un Tribunal spécifique et, d'autre part, des

infractions qui, malgré leur caractère maritime, seraient pendantes devant un tribunal de droit

commun sans que la juridiction instituée pour en connaître soit en mesure de les juger.

Enfin, doit être mentionné le régime de la récidive qui paraît complexe voire incohérent. Aucune

disposition du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande n'établit un régime général de la

récidive. Seules quelques dispositions particulières établissent des éléments partiels et disparates.

En conséquence, il importe de clairement établir les conditions du rapport de nature entre deux

infractions maritimes pour que l'état de récidive soit constitué. Au surplus, il convient de préciser le

délai dans lequel doit être commise la seconde infraction. Enfin, dans cette volonté d'autonomie de

l'infraction maritime, il faut s'interroger sur le point de savoir si la récidive peut exister entre deux

infractions voisines, l'une maritime et l'autre de droit commun.

8 Cass. Crim, 2 juin 1977, n°77.91388 ; Cass. Crim, 30 janvier 1980, n°79.92670 ; Cass. Crim, 6 février 1980,

n°79.92350

Page 18: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 18-

Au regard de ce développement, il apparaît que la détermination du caractère maritime d'une

infraction de façon objective n'est pas aisée. A l'heure actuelle, le projet de réforme énonce une liste

d'infractions limitativement énumérées9 qui circonscrit l'infraction maritime à la fois positivement

en retenant des critères comme la sécurité du navire et négativement en évinçant de son champ

d'application des infractions tributaires de textes spécifiques ou n'apparaissent pas assez

homogènes.

9 A titre d'exemple les infractions prévues dans la loi du 28 mars 1928 sur le régime de pilotage dans les eaux

maritimes et la loi du 5 juillet 1983 sur la sauvegarde de la vie humaine en mer...

Page 19: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 19-

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Au terme de cette première partie, outre des dispositions essentielles comme l'instauration de l'appel

ou la possibilité de constitution de Partie civile, il convient de mettre en relief les dispositions

principales suivantes, proposées par le projet d'ordonnance portant réforme des Tribunaux

maritimes et de la procédure applicable :

L'affirmation d'une définition unifiée et transversale de la notion d'infraction maritime,

précisant son champ d'application et les conséquences qui en découlent en termes de

procédure et de compétence juridictionnelle. L'enjeu est clairement de prévenir les risques

de conflits de compétence entre le Tribunal maritime et les juridictions de droit commun.

Une réforme procédurale avec l'instauration de règles générales du droit commun pour une

mise en conformité avec les dispositions du Code de procédure pénale et de la Convention

Européenne des Droits de l'Homme.

Une harmonisation des critères de compétence territoriale concernant l'enquête, la poursuite,

et l'instruction des infractions maritimes.

Le renforcement d'une coopération entre l'administration des affaires maritimes et le

Ministère Public dans la mise en œuvre conjointe des poursuites sous la responsabilité de ce

dernier afin d'éviter tout risque de concurrence inopportune dans l'efficacité de la répression.

Une compétence renforcée du Tribunal maritime à toutes les infractions maritimes, à

l'exception des crimes, de certaines infractions connexes et des contraventions des quatre

premières classes dans un soucis de célérité et de proximité de la justice.

L'ensemble de ces dispositions doivent permettre d'aiguiller un objectif de rationalisation et de

modernisation des Tribunaux maritimes.

Page 20: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 20-

Page 21: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 21-

II – La réorganisation du système juridictionnel maritime : l'adaptation aux

particularismes de la plaisance

A l'issue de la décision du Conseil constitutionnel, la composition provisoire du Tribunal maritime

commercial a été établie en ces termes « Considérant que l'abrogation de l'article 90 du code

disciplinaire et pénal de la marine marchande est applicable à toutes les infractions non jugées

définitivement au jour de la publication de la présente décision ; que, par suite, à compter de cette

date, pour exercer la compétence que leur reconnaît le code disciplinaire et pénal de la marine

marchande, les tribunaux maritimes commerciaux siégeront dans la composition des juridictions

pénales de droit commun »

La réorganisation du futur Tribunal maritime doit nécessairement intégrer, et mettre plus en avant,

l'activité de plaisance génératrice de la plupart des contentieux devant ces juridictions. Pour ce faire,

deux axes de réflexions retiendront notre attention :

D'une part, une refonte de l'organisation des Tribunaux maritimes avec la désignation

d'assesseurs issus du monde de la plaisance ce qui implique de définir les modalités de leur

désignation sur des critères objectifs (A)

D'autre part, une répression des infractions maritimes adaptée aux activités de plaisance (B).

A – Une nouvelle organisation du Tribunal maritime pour connaître des « infractions

plaisance »

La composition des futurs tribunaux maritimes repose, comme pour les tribunaux maritimes

commerciaux, sur le principe de l’échevinage. Sous la présidence d’un magistrat, le tribunal

maritime se compose en outre de deux assesseurs nommés en raison de leurs compétences et de leur

connaissance des réalités de la navigation maritime.

Un débat s'est instauré concernant la place des plaisanciers au sein de la réforme des Tribunaux

maritimes commerciaux.

Page 22: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 22-

Cette question sous-tend l'idée que les plaisanciers seraient des usagers de la mer avec une

particularité telle qu'ils seraient exclus de cette spécifié maritime. Pourtant ils évoluent sur le même

milieu que les professionnels de la mer, obéissent aux mêmes règles de navigation et affrontent les

mêmes dangers aux conséquences dommageables semblables.

Pour autant, plusieurs raisons justifient que la plaisance ressorte de la compétence des Tribunaux

maritimes commerciaux. La principale raison, déjà évoquée, concerne le principe de l'égalité des

marins devant la loi. Il ne saurait être question de ne pas considérer les plaisanciers comme des

gens de mer et qu'ainsi il ne leur soit pas reconnue la spécificité du milieu dans lequel ils évoluent.

Il paraît ainsi légitime de conférer aux futurs Tribunaux maritimes la possibilité de désigner des

assesseurs plaisanciers. Ce processus d'ouverture permet de renforcer l'association entre la société

civile et les règlements de la justice.

Reste à déterminer les alternatives envisageables dans les modalités de désignation des plaisanciers.

Il reviendra aux directions interrégionales de la mer (DIRM) de recueillir les candidatures

spontanées des plaisanciers. Cela suppose de déterminer des référentiels objectifs relatifs au niveau

exigé dans la connaissance de la réglementation maritime.

Enfin un arrêté interministériel sera rendu entre d'une part, le ministère de la mer et d'autre part le

ministère de la justice afin d'établir une liste d'assesseurs dans laquelle il incombera à chaque

Président des Tribunaux maritimes d'en désigner deux pour l'audience qu'il aura à connaître.

Cette procédure est inscrite dans le projet d'ordonnance portant réforme des tribunaux maritimes et

de la procédure applicable en son article 18 qui dispose que « Le tribunal maritime est présidé par

un magistrat désigné après avis de l'assemblée générale du tribunal de grande instance auprès

duquel il est placé. Le tribunal maritime est en outre composé de deux assesseurs désignés par

arrêté conjoint du ministre chargé de la justice et du ministre chargé de la mer ».

Page 23: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 23-

Des modalités objectives de désignation des assesseurs

Pour les assesseurs, en l'occurrence les plaisanciers dans cette étude, les modalités de désignation

doivent répondre à des critères objectifs dans deux domaines :

Une exigence de compétence en matière de navigation maritime ;

Une exigence de compétence dans le domaine juridique.

Au préalable, rappelons que le projet d'ordonnance ne semble pas prévoir de conditions spécifiques

relatives à l'âge du candidat, seule la majorité étant requise. De même, le fait que le candidat soit

dans la vie active ou en retraite est un critère indifférent.

Des critères de compétences en matière de navigation maritime10

En l'absence de formation obligatoire et harmonisée, les plaisanciers constituent une catégorie

plurielle aux connaissances et à l'expérience disparates. Il convient de distinguer les plaisanciers

professionnels de ceux exerçant l'activité de plaisance à la seule fin d'agrément.

Les plaisanciers professionnels pourraient se répartir en deux catégories principales en fonction de

leur qualification théorique. Les plaisanciers titulaires du Brevet de Patron à la Plaisance Voile

d'une part, et les plaisanciers titulaires d'un brevet d'État d'autre part.

Le Brevet de Patron à la Plaisance Voile permet d’exercer à titre professionnel, les fonctions de

patron à la plaisance voile aux fins, soit de transport de passagers, soit de conduite d’un navire pour

le compte d’un tiers propriétaire, loueur, locataire ou emprunteur de ce navire. Ce diplôme est

délivré par les Directeurs Régionaux des Affaires Maritimes. Les conditions d'accès à ce diplôme,

outre l'aptitude à la navigation certifiée par un médecin des gens de mer et l'exigence de la majorité,

supposent que la personne soit titulaire d’un titre de formation professionnelle maritime ou, à

défaut, justifier d’une expérience minimale de mille milles nautiques en tant que patron à la

plaisance à voile sur un bateau armé en première ou en deuxième catégorie de navigation.

10 Il faut souligner que la Cour de Strasbourg a considéré que le simple fait que des fonctionnaires siègent en raison de

leur expérience particulière ne saurait ainsi rendre sujette à caution l'impartialité du tribunal (CEDH, 1er octobre

1982, Piersack c/ Belgique ; CEDH, 23 avril 1997, Stallinger et Kuso c/ Autriche)

Page 24: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 24-

Ensuite, le brevet d'État délivré par les Directions de la Jeunesse et des Sports (service déconcentré

du Ministère de la Jeunesse et des Sports) donne à son titulaire la qualification minimale exigée

pour animer ou enseigner la voile tant comme travailleur indépendant que comme salarié

d’associations, d’entreprises, de fédérations ou de collectivités territoriales. Les modalités

d'obtention du diplôme sont définies par l’arrêté du 30 novembre 1992 modifié par l'arrêté du 27

juillet 1999 relatif aux contenus et modalités d'obtention du brevet d'État d'éducateur sportif à trois

degrés.

Il apparaît, au regard de ces exigences de formations théorique et pratique, que la catégorie des

plaisanciers professionnels ne soulève pas de difficulté pour apprécier leur compétence en matière

de navigation maritime. Au contraire, et alors qu'ils sont majoritaires, les plaisanciers non

professionnels présentent comme particularité un niveau difficilement mesurable et quantifiable en

l'absence de permis de navigation obligatoire pour les voiliers et du fait de pratiques très disparates.

Le critère principal pourrait être fonction du nombre de milles nautiques parcourus par le candidat

plaisancier. La vérification matérielle de cette exigence serait facilitée pour les usagers affiliés à une

fédération sportive.

En cas d'impossibilité d'établir un tel critère, il serait opportun de mettre en œuvre, sur le modèle de

l'évaluation obligatoire à l'entrée en formation au monitorat fédéral de voile, des évaluations de

niveau pratique et de connaissances théoriques de la réglementation maritime11

. Ces évaluations

seraient modulables en fonction du niveau réel observé lors des épreuves et pourraient, en outre,

s'appuyer sur un éventuel classement compétitif pour les plaisanciers qui serait licencié à la

Fédération Française de Voile.

11 Cette formation pourrait par exemple se décomposer en trois domaines. Tout d'abord un domaine technique avec une

évaluation en terme de coordination des manœuvres, de choix techniques de navigation et d'exploitation ou

d'adaptation aux informations météorologiques. Ensuite, un domaine de sécurité maritime avec une évaluation en

terme d'assistance et de sauvetage, de communication à distance ou encore de maintenance du support de

navigation. Enfin, un domaine de sens marin et de connaissance de l'environnement avec une évaluation en terme de

gestion de la vie à bord et de prévention des conflits, de gestion de l'environnement marin.

Page 25: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 25-

Des critères de compétences en matière juridique

Le critère objectif de désignation suppose également une appréciation des compétences juridiques

des candidats. A ce propos, une approche comparative peut être opérée avec les Tribunaux de

proximité dont la composition comprend également des juges non professionnels12

.

Pour être nommé juge de proximité, les candidats doivent au préalable êtres des personnes âgées

d'au moins 35 ans et justifier d'au moins 4 ans d'expérience professionnelle dans le domaine

juridique.

A l'appui de ces conditions d'admission, la loi organique n°2007-287 du 5 mars 2007 relative au

statut de la magistrature a institué un stage probatoire obligatoire pour les juges de proximités. Ce

stage probatoire se compose d'une formation théorique et d'un stage en juridiction.

Concernant le stage théorique, il s'agit d'une formation de deux semaines organisée par l'École

nationale de la magistrature comprenant des enseignements portant sur la déontologie, les principes

de la procédure, le fonctionnement d'une juridiction ou encore l'apprentissage de la technique de

rédaction des jugements et de la tenue des audiences.

Un stage en juridiction complète cette formation avec un nombre déterminé de présences effectives

en fonction de l'expérience professionnelle du candidat.

A l'instar des juges de proximité, le stage probatoire pourrait constituer une immersion des juges

non professionnels, comme les plaisanciers, dans un environnement juridictionnel. En ce sens, les

candidats devront démontrer leurs capacités, notamment sur le plan juridique, à exercer les

fonctions de juge au sein du Tribunal maritime. De surcroît, cette formation juridique serait une

garantie de sécurité du droit et des procédures dans le respect des libertés individuelles.

A l'issu de ce stage, il reviendrait au Conseil Supérieur de la Magistrature de rendre un avis

conforme s'il considère que le candidat possède l'aptitude pour être juge au sein du Tribunal

maritime.

Des périodes de formations seraient communes aux magistrats professionnels et aux assesseurs pour

12 A ce propos, les juges de proximités bénéficient de garanties statutaires destinées à protéger leur indépendance et le

Conseil constitutionnel en a souligné l'importance dans une décision du 29 août 2002 n°2002-461 DC.

Page 26: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 26-

des raisons de moindre coût budgétaire, d'autant qu'il apparaît une certaine nébulosité en la matière.

En ce sens, les magistrats professionnels et les assesseurs bénéficieraient d'une formation maritime

au sein des Écoles de marines marchandes. Quant aux assesseurs, ils suivraient également une

formation juridique dispensée au sein de l'École Nationale de la Magistrature.

En tout état de cause, ces stages doivent présenter une organisation souple afin de permettre un

cumul avec une activité professionnelle et devront se prolonger, périodiquement, par des périodes

de formations juridiques continues pour les assesseurs issus du monde maritime.

Les modalités de désignation et de protection des assesseurs

Un autre axe de réflexion pourrait se fonder sur un rapprochement avec les modalités de désignation

au sein des Prud'hommes. Ce rapprochement se justifie également par le fait que les conseillers

prud'homaux, à l'instar des assesseurs au sein du Tribunal maritime commercial, ne sont pas des

magistrats professionnels.

Il convient de mettre en évidence que le conseiller prud'homal est considéré comme un magistrat. Il

prête un serment différent de celui des magistrats professionnels avec la jouissance d'un statut

différent. En ce sens, l'exercice des fonctions prud'homales est en principe compatible avec d'autres

fonctions. Une telle compatibilité doit pouvoir s'appliquer aux assesseurs.

Par contre, un système de récusation devrait être mis en place suivant une liste de situations,

incompatibles avec la fonction d'assesseur, limitativement énumérées. Cette procédure de récusation

consisterait à refuser la compétence d'un assesseur et, en pratique à demander son remplacement, du

fait du lien qu'il peut avoir avec l'affaire dans des cas, loin d'être exhaustif, tels que :

l'assesseur aurait un intérêt personnel à la contestation ;

l'assesseur serait affilié à un organisme syndical ou associatif ne constituant pas cet intérêt

personnels ;

Un lien de parenté trop étroit existerait avec une partie au procès ;

La présence de l'assesseur constituerait une violation du principe d'impartialité édicté par

l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des

Page 27: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 27-

Libertés fondamentales.

Par ailleurs, le statut des assesseurs au sein du futur Tribunal maritime pourrait être assimilé à ceux

des conseillers prud'homaux à la différence que l'assesseur ne sera pas élu par ses pairs mais nommé

par le Président du Tribunal sur une liste arrêté après consultation interministérielle.

Après sa nomination, il serait opportun que, pour entrer en fonction, l'assesseur au cours d'une

réception publique organisée dans le cadre d'une audience du Tribunal de Grande Instance, à

l'initiative du Ministère Public, prête serment afin de remplir ses obligations déontologiques et ses

fonctions avec dignité, indépendance, probité et humanité ainsi que de garder le secret des

délibérations.

Pour les assesseurs salariés, par référence à l'article L 1442-6 du Code du travail13

, le temps passé

hors du lieu de travail, pendant le temps de travail, pour l'exercice de leurs fonctions, doit être

assimilé,à un temps de travail effectif pour la détermination des droits que l'assesseur tient de son

contrat de travail et des différentes dispositions législatives et règlementaires. L'exercice des

fonctions pendant ce temps de travail ne saurait entrainer pour l'assesseur aucune diminution de

salaire et de toute autre forme de rémunération.

Rappelons que l'employeur est fondé à demander aux intéressés la justification de leurs absence.

Pour ce faire, il serait envisageable que le greffe du Tribunal de Grande Instance adresse à

l'employeur un courrier l'informant de la date d'entrée en fonction dudit assesseur.

De surcroît, l'assesseur doit être protégé contre le licenciement. A ce titre, l'exercice de sa fonction

ne saurait être une cause de rupture du contrat de travail, protection énoncée par l'article L 1442-19

du Code du travail14

.

13 Article L 1442-6 du Code du travail « Le temps passé hors de l'entreprise pendant les heures de travail par les

conseillers prud'hommes du collège salarié pour l'exercice de leurs fonctions est assimilé à un temps de travail

effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son contrat de travail, des dispositions légales et des

stipulations conventionnelles. Les absences de l'entreprise des conseillers prud'hommes du collège salarié, justifiées

par l'exercice de leurs fonctions, n'entraînent aucune diminution de leurs rémunérations et des avantages

correspondants. La demande de remboursement aux employeurs des salaires maintenus aux conseillers

prud'hommes du collège salarié, ainsi que des avantages et des charges sociales y afférents, est adressée au greffe

du conseil de prud'hommes au plus tard dans l'année civile qui suit l'année de l'absence du salarié de l'entreprise. A

défaut, la demande de remboursement est prescrite ».

14 Article L 1442-19 du Code du travail « L'exercice des fonctions de conseiller prud'homme et la participation aux

activités mentionnées aux articles L. 1442-2 et L. 1442-5 ne peuvent être une cause de sanction ou de rupture du

Page 28: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 28-

Enfin, si l'assesseur possède des droits pour assurer le bon exercice de sa fonction, il lui incombe

également des devoirs. A ce titre, l'assesseur ne doit pas entraver le bon fonctionnement de la justice

par exemple par un manque d'assiduité récurrent aux audiences de jugement. Ces comportements

seraient constitutifs d'une faute pouvant conduire à des avertissements voire à son évincement selon

des modalités qu'il resterait à définir.

contrat de travail. Le licenciement du conseiller prud'homme est soumis à la procédure d'autorisation

administrative prévue par le livre IV de la deuxième partie ».

Page 29: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 29-

B- Une répression de la délinquance maritime adaptée aux spécificités de la plaisance

L'article premier du projet d'ordonnance portant réforme des tribunaux maritimes et de la procédure

applicable précise la définition de l'infraction maritime :

« Les contraventions maritimes sont les contraventions prévues par :

1 – la présente loi [17 décembre 1926 modifiée portant Code disciplinaire et pénal de la marine

marchande] lorsqu'elles sont commises à bord d'un navire au sens de l'article L. 5000-2 du Code

des transports ;

2 – les règlements pris pour l'application des dispositions de la cinquième partie du Code des

transports ;

3 – Les règlements pris pour l'application des dispositions législatives relatives à l'hygiène à bord,

à la santé et à la sécurité au travail applicables aux gens de mer ;

4 – les articles R. 304-1, R. 304-7 et R. 330-1 du Code des ports maritimes ;

5 – Les articles R. 610-5, R.622-1 et R. 625-2 à R. 625-6 du Code pénal, ou par d'autres règlements

en cas d'atteinte à la sécurité du navire ou de la navigation dans le champ d'application de la

convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer faites à Londres le 1er

novembre 1974 (SOLAS), de la convention sur le règlement international pour prévenir les

abordages en mer faites à Londres le 20 octobre 1972 (COLGREG) ou de la convention

internationale de 1978 amendée sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des

brevets et de veille (STCW),

6 – le décret n°2007-937 du 15 mai 2007 relatif à la sûreté des navires. »

Cet article définit les infractions délictuelles ou contraventionnelles constituant des « infractions

maritimes », c’est à dire appelant, dans le cadre des règles générales du code de procédure pénale,

l’application de certaines règles spécifiques de mise en œuvre de l’action publique et la compétence

exclusive des tribunaux maritimes pour connaître des délits en la matière.

Rappelons que les crimes sont hors du champ d'application des infractions maritimes, en raison de

la prédominance de l’élément criminel sur le caractère maritime de l’infraction.

Page 30: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 30-

Si l'infraction maritime est mieux circonscrite par le projet d'ordonnance, tel n'est pas le cas pour

ses modalités d'application et d'adaptation aux plaisanciers. Il faut mettre en relief deux aspects

essentiels, mais également antagonistes, de la répression en matière de plaisance :

D'une part, pour les infractions flagrantes15

, applicables notamment en matière de

réglementation maritime, l'intervention des autorités maritimes doit être facilitée en vu d'une

sanction rapide. Pour ce faire, il s'agit de développer le principe de forfaitisation des

amendes.

D'autre part, pour les infractions non intentionnelles, mettant en jeu une pluralité de facteurs,

la répression doit avant tout être pédagogique et individualisée avec l'instauration de phase

de conciliations et de peines accessoires ou complémentaires.

La forfaitisation des amendes : un objectif de célérité et de simplification de la répression

La forfaitisation des amendes est une source de simplification et de célérité des procédures

administratives et donc d'économies pour les autorités d'enquête que sont les affaires maritimes.

Un tel processus doit être encadré car il n'est pas souhaitable et ni juridiquement envisageable de

généraliser un principe de forfaitisation à toutes les infractions maritimes.

Il semble que les principaux concernés par cette approche soient les plaisanciers et à ce titre il

apparaît opportun de différencier les peines encourues selon le type d'activité.

Quoi qu'il en soit, le principe de forfaitisation des amendes rejoint la nécessité d'une définition

précise de l'infraction maritime en vu de prévenir des insécurités juridiques source de recours

contentieux, ce qui ferait perdre l'avantage d'une telle procédure.

Le domaine des infractions contraventionnelles pouvant faire l'objet d'une forfaitisation est

limitativement énuméré et ne concerne que les amendes des quatre premières classes. Cette

situation n'est pas satisfaisante dans la mesure où, d'une part, de nombreuses infractions commises

15 Par exemple : non présentation immédiate du permis, obstacle à un contrôle de sécurité ou encore navigation de

planche à voile en zone interdite

Page 31: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 31-

par les plaisanciers sont réprimées en application de l'article 63-1 du Code disciplinaire et pénal de

la marine marchande qui concerne des peines délictuelles et, d'autre part, de nombreuses infractions

sont réprimées par des contraventions de cinquième classe donc hors du champ d'application de la

procédure de forfaitisation.

En conséquence, deux solutions seraient envisageables pour pallier la difficulté :

Soit procéder à un « déclassement » de certaines infractions contraventionnelles de

cinquième classe, voire de nature délictuelles, en contravention de quatrième classe ;

Soit élargir la liste limitative des infractions pouvant faire l'objet d'une forfaitisation, en

l'occurrence, permettre une forfaitisation des amendes de cinquième classe.

L'instauration de peines accessoires et de mesures de conciliation : un objectif pédagogique et

d'individualisation de la sanction

En premier lieu, il convient de s'attacher aux procédures de conciliation. A ce titre, il est opportun

de rappeler le contexte juridique actuel en matière de conciliation et d'opérer un rapprochement

avec la réforme instaurée par le décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 relatif à la conciliation et

à la procédure orale en matière civile, commerciale et sociale.

Désormais, une conciliation peut être menée par un conciliateur devant le Tribunal d'instance et le

Tribunal de commerce. La demande aux fins de tentative de conciliation est formée par déclaration

faite ou remise au greffe.

En cas d’accord des parties, le conciliateur dresse un constat de l’accord en vu de l’homologation

par le juge. A contrario, en cas d’échec de la conciliation, ce qui a été déclaré et constaté par le

conciliateur ne peut être produit dans la procédure ordinaire sauf si les parties en donnent leur

accord ce qui permet d'encourager la conciliation en évinçant toute crainte de réutilisation des

éléments lors d'un éventuel procès ultérieur.

Il serait intéressant que cette procédure, qui s'inscrit dans le cadre du développement des modes

alternatifs de règlement des conflits, soit applicable devant les Tribunaux maritimes afin de

Page 32: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 32-

privilégier une justice moins coûteuse et plus rapide.

En second lieu, l'adaptation des infractions maritimes aux activités de plaisance pourrait se traduire

par un développement des peines accessoires ou complémentaires sans qu'il soit nécessaire de

requérir l'ouverture d'une procédure de sanctions administratives distincte et spécifique.

A ce titre, il devrait être envisageable d'affecter une peine d'emprisonnement d'un sursis avec mise à

l'épreuve et d'un sursis avec obligation d'effectuer un travail d'intérêt général ou encore l'obligation

de suivre un stage de formation à la réglementation maritime.

De plus, certains infractions devraient se voir appliquer des peines complémentaires de droit

commun ou des peines complémentaires nouvellement crées telles que la suspension d'une activité

maritime ou d'un titre de navigation ou encore l'immobilisation ou la saisie temporaire du support

de navigation.

Page 33: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 33-

CONCLUSION

Suite à l'impulsion donnée par la décision du Conseil constitutionnel du 2 juillet 2010, le projet de

loi de réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande doit être appréhendé comme

le renouveau d'une Justice pénale maritime alliant le respect des règles du droit commun aux

spécificités du monde maritime.

Cette réforme est l'occasion de moderniser une législation anachronique, complexe et en

inadéquation avec l'évolution du système judiciaire de droit commun. L'enjeu fondamental consiste

au maintien d'une justice pénale maritime adaptée à une société de gens de mer diversifiée et en

constante évolution.

Telle une sirène, « mi-homme, mi-marin », cette réforme est animée par le souci d'équilibre et de

compromis entre droit commun et droit maritime. Elle s'attache à mettre en lumière la

modernisation du droit pénal maritime et à clarifier une procédure en phase avec les principes

directeurs du droit commun.

De cette assise actuelle et, dans une vision, certes aujourd'hui idéaliste mais sans nulle doute

envisageable dans l'avenir, il est possible d'imaginer la constitution de véritables pôles maritimes

dont l'acteur central serait le Tribunal maritime. Cette juridiction pourrait connaître des infractions

en matière de pêche maritime, de travail maritime ou encore de pollution maritime par adossement

des juridictions du littoral spécialisées.

Ainsi, serait modernisée et renforcée la spécificité maritime en matière pénale, sociale et

environnementale.

Cette unité maritime permettrait de pérenniser une justice spécialisée de qualité comme un îlot de

stabilité dans un océan de droit en perpétuel mouvement.

Page 34: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 34-

Page 35: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 35-

BIBLIOGRAPHIE

ARTICLES ET CHRONIQUES

BLOCH (J-P), Le Tribunal maritime commercial, un tribunal qu'il faut maintenir en le

modernisant, DMF n°651, 2004.

BRIAND (L.), Quel avenir pour les tribunaux maritimes commerciaux ?, DMF n°717, septembre

2010, pp. 691 et s.

GHICA-LEMARCHAND (C.), Le droit pénal et la mer, DMF n°661, 2005.

GOASGUEN (C.) & GIRODROUX (C.), (Sous. La direction), Droit du travail, Lamy Social, 2010.

IZARD (J-C), La réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande : la (re)fondation

d'une justice pénale maritime ?, Revue de droit des transports, Avril 2008, pp.12 et s.

RENAUD (M.), Le Tribunal maritime commercial doit-il se réformer ou disparaître ?, DMF n°651,

2004.

Dictionnaire permanent Social, Organisation des conseils et statuts des conseilleurs de

prud'hommes, Fascicule n°1062, Éditions législatives.

THESES ET MEMOIRES

ESSOU (M.), Le droit pénal maritime, mémoire soutenu à l’Université de Droit et de Sciences

Politiques d’Aix-Marseille en 2004 sous la direction de C.SCAPEL.

TEXTES ET DOCUMENTS OFFICIELS

Textes règlementaires

Projet d'ordonnance portant réforme des tribunaux maritimes et de la procédure applicable

Page 36: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 36-

Code

Code disciplinaire et pénal de la marine marchandes

Code pénal

Code de procédure pénale

Code des transports

RAPPORTS, COLLOQUES ET DOCUMENTS DIVERS

Bureau des Affaires Juridiques et Contentieuses de la Direction des Affaires Maritimes et des Gens

de mer, Pré-rapport relatif à la réforme des Tribunaux maritimes commerciaux et du Code

disciplinaire et pénal de la marine marchande, avril 2003.

PINSON (G.), Le Conseil Constitutionnel a t-il mis à mort le Tribunal Maritime Commerciale ?,

Magazine de Fortunes de Mer, août 2010.

Page 37: La plaisance à l'aune de la réforme du Code …jurisplaisance.free.fr/upload_doc/8610c73126525edab0d8a...Finalement, la décision du Conseil constitutionnel qui a conduit à l'abrogation

La plaisance à l'aune de la réforme du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande

- 37-

commerciaux en 2009