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HORS SEC Derniers jours avant Noël dans une société où les employés n’ont pas vraiment le goût à la fête. Derniers jours de travail fade, dernières heures d’habitudes étanches ... Parce qu’aujourd’hui, venant d’un ciel moqueur sous l’œil de La Tourmente, l’eau va s’infiltrer. Pendant 6 jours et 6 nuits, jusqu’aux douze coups de minuit, elle n’aura de cesse de s’immiscer. Insidieuse, délavant les fards, fanant les maquillages, elle forcera une étrange communauté. Pris au piège, ceux qui ne se connaissaient pas devront se découvrir, ceux trop habitués à feindre apprendront à ne plus mentir. Jusqu'à ce que tous soient détrempés au point d’être transparents, c’est hors de leur milieu qu’on les verra patauger, surnager … ou se noyer. Hors de leur certitude, hors de leur routine … Hors sec. Anaïs Deloire, directrice d'agence Lise Atride – Gourdon, responsable des ressources humaines Serge Gourdon, représentant freelance Luc Semestre, cadre précaire Gisèle Cappan, secrétaire sous qualifiée Le sergent Vasquez, technicienne de maintenance (ex béret vert) Bernadette Aimart, agent d'entretien La Tourmente, divinité musicienne (récemment mutée) Petit conseil et avertissement : Cette pièce est jalonnée de chansons qui, si elles ne font pas partie du texte , sont indispensables au rythme. Vous pouvez changer ces chansons à loisir (surtout si vous en connaissez de meilleures) Je conseille néanmoins de conserver les divers moments chantés qui, s'ils peuvent être transformés, ne peuvent (à mon humble avis) être supprimés. Quel que soit votre choix, pensez à chanter ces chansons plutôt qu'à simplement les lire. Je suis joignable pour toute remarque ou réclamation (et pour la fin) Amusez-vous bien, Stéphane. [email protected]

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HORS SECDerniers jours avant Noël dans une société où les employés n’ont pas vraiment le goût à la fête. Derniers jours de travail fade, dernières heures d’habitudes étanches ... Parce qu’aujourd’hui, venant d’un ciel moqueur sous l’œil de La Tourmente, l’eau va s’infiltrer. Pendant 6 jours et 6 nuits, jusqu’aux douze coups de minuit, elle n’aura de cesse de s’immiscer. Insidieuse, délavant les fards, fanant les maquillages, elle forcera une étrange communauté. Pris au piège, ceux qui ne se connaissaient pas devront se découvrir, ceux trop habitués à feindre apprendront à ne plus mentir. Jusqu'à ce que tous soient détrempés au point d’être transparents, c’est hors de leur milieu qu’on les verra patauger, surnager … ou se noyer. Hors de leur certitude, hors de leur routine … Hors sec.

Anaïs Deloire, directrice d'agence Lise Atride – Gourdon, responsable des ressources humainesSerge Gourdon, représentant freelanceLuc Semestre, cadre précaireGisèle Cappan, secrétaire sous qualifiée Le sergent Vasquez, technicienne de maintenance (ex béret vert) Bernadette Aimart, agent d'entretien La Tourmente, divinité musicienne (récemment mutée)

Petit conseil et avertissement :Cette pièce est jalonnée de chansons qui, si elles ne font pas partie du texte, sont indispensables au rythme. Vous pouvez changer ces chansons à loisir (surtout si vous en connaissez de meilleures) Je conseille néanmoins de conserver les divers moments chantés qui, s'ils peuvent être transformés, ne peuvent (à mon humble avis) être supprimés. Quel que soit votre choix, pensez à chanter ces chansons plutôt qu'à simplement les lire.Je suis joignable pour toute remarque ou réclamation (et pour la fin)

Amusez-vous bien,Sté[email protected]

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AVERTISSEMENTCe texte a été téléchargé depuis le site

http://www.leproscenium.com

Ce texte est protégé par les droits d’auteur.

En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir l’autorisation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits (la SACD par exemple pour la France).

Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe.

Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues et les droits payés, même a posteriori.

Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de ces règles entraine des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation.

Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs.

Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes.

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La montée des eaux, le planLa montée des eaux, le plan ................................................................................................................. 2 La montée des eaux, la chronologie ..................................................................................................... 2 ACTE 1 ................................................................................................................................................ 4

ACTE 1 SCENE 1 - La Tourmente. Bernadette. Anaïs. Lise. ..................................................... 4 ACTE 1 SCENE 2 Lise. Anaïs ..................................................................................................... 6 ACTE 1 SCENE 3 Anaïs Luc Gisèle Lise Bernadette ................................................................. 7 ACTE 1 SCENE 4 Anaïs Luc Gisèle Lise .................................................................................. 8 ACTE 1 SCENE 5 Luc. Lise. Bernadette ................................................................................... 10 ACTE 1 SCENE 6 Lise. Gisèle. Serge ....................................................................................... 11 ACTE 1 SCENE 7 Lise. Gisèle. Serge. Luc. Bernadette. ......................................................... 12 ACTE 1 SCENE 8 Tous sauf Bernadette .................................................................................. 13

ACTE 2 ............................................................................................................................................. 15 ACTE 2 SCENE 1 Lise La Tourmente Serge Anaïs Gisèle Luc ............................................... 15 ACTE 2 SCENE 2 Lise Vasquez Bernadette ............................................................................. 16 ACTE 2 SCENE 3 Lise Vasquez Luc Anaïs Gisèle Serge Bernadette ...................................... 17 ACTE 2 SCENE 4 Lise Luc Anaïs Gisèle Serge Bernadette Vasquez ...................................... 18 ACTE 2 SCENE 5 Lise Anaïs Gisèle ......................................................................................... 20 ACTE 2 SCENE 6 Anaïs Lise Luc Gisèle ................................................................................. 22 ACTE 2 SCENE 7 Lise Serge Vasquez Luc Anaïs Gisèle ........................................................ 23

ACTE 3 ............................................................................................................................................... 25 ACTE 3 SCENE 1 ...................................................................................................................... 25 ACTE 3 SCENE 2 Tous sauf Bernadette ................................................................................... 27 ACTE 3 SCENE 3 Lise, Luc, La Tourmente ............................................................................. 28

La montée des eaux, la chronologieLUNDI 21/12

A1S1, 08h00A1S9, 09h00, le chocA2S3, 14h00, le réveilA2S4, 14h30, la BARRICADEA2S5, 20h00, trois femmes en palabreA2fin, 21h30, sauvetage manqué

MERCREDI 23/12A3S1, 09H00, le début de la faimA3S3, 10h00, mort de Luc

JEUDI 24/12A3S4, 22h00, scrabbleA3S7, 23h00, Lise - Luc au clavierA3S9, 23h59, Retour des affamés

VENDREDI 25/12A3S10, final

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Dans les vies sèches l’eau se venge aussi :Il y a des ouragans, des moussons, des déserts.

Autant apprendre à marcher sous la pluie,le visage offert.

Jean-Jacques Goldman

A Lise et Luc, puissent-ils ne jamais se noyer …

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ACTE 1 ACTE 1 SCENE 1 - La Tourmente. Bernadette. Anaïs. Lise.Lundi 21 DECEMBRE – 08h00Décor : BUREAU, BUREAU, BUREAU, PLACARD, FOTOCOPIEUZELe décor est un intérieur d'entreprise dans une pénombre presque totale. Des objets sont suggérés par des cubes et des volumes de tailles variables, emplis d'énormes lettres qui signalent ce qu'ils sont (voir dessin): Il y a ainsi trois BUREAU, une FOTOCOPIEUZE (oui, les fautes sont volontaires ;), un PLACARD. Deux claviers et écrans se trouvent sur les BUREAU. Une vieille radio trône sur le PLACARD. Un téléphone se trouve sur un BUREAU. Une estrade se trouve dans l’ombre, en fond jardin.

L'avant-scène est une baie vitrée imaginaire. Le public se trouve dans ce qui est supposé être la rue. Lorsque les personnages vont 'à la fenêtre', ils se déplacent avant-scène.

Entre La Tourmente, le teint cireux, une guitare électrique en bandoulière. Elle observe le décor, replace une lettre mal alignée. Elle fait un signe vers le ciel et l'on entend la pluie tomber. Elle se tourne alors vers la radio. On entend un crachotement d'une bande FM mal ajustée. La Radio : "Cela fait 2 jours que la pluie ne cesse de tomber. Tous les départements sont en alerte rouge. Malgré la tentation de préparer les fêtes, la préfecture conseille à tous les administrés de limiter leurs déplacements aux cas d'urgence. C'était la météo avec Ultramarché. Ultramarché, jamais de pluie dans vos caddies.’’

(La Tourmente grogne vers la radio qui se tait. Elle regarde alentour et frappe les trois coups. Puis elle commence à jouer l'Ile aux Enfants, tout en allant se positionner sur l’estrade, dans l'ombre. Entre Bernadette, pantalon et chemise gris, chaussures usées, cheveux gras, une lampe frontale pour s'éclairer. Elle chante d'une voix gutturale, le débit lent, comme si elle psalmodiait une vieille imprécation. Elle pousse une table à roulettes sur laquelle sont posées une cafetière et une carafe de jus d’orange. Elle traîne un aspirateur par la prise.)'Voici venu le temps des rires et des chantsDans l'île aux enfantsC'est tous les jours le printempsC'est le pays joyeux des enfants heureuxDes monstres gentilsOui c'est un paradis'

'Ce jardin n'est pas loinCar il suffit d'un peu d'imaginationPour que tout, tout près de vousPoussent ses fleurs, ses rires et ses chansons'

Bernadette (Tentant de mettre l'aspirateur en marche. L'objet ne fonctionne pas):Quoi encore ? (ouvre l'aspirateur) Montre à maman .... là .... des mécanismes graisseux ... du pus dans les rouages ..... Classique. (Referme d'un coup sec) Elle est où la fierté orientale ? Ils sont où les kilowatts purificateurs ? Te voilà corrompue, nipponerie. Écoute bien les murmures qui te grippent. Ils seront désormais tes compagnons. (Délaissant l'aspirateur, elle prend un balai et recommence à chanter)'Si seulement vos parents

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Avaient envie de vivre dans notre îleTout serait beaucoup plus gaiEt pour chacun la vie serait plus facile'

(Entrent Lise et Anaïs. Bernadette se jette au sol et éteint sa lampe. Lise, un tailleur démodé, un maquillage obligatoire, une silhouette transparente. C'est une fille mécanique. C'est une fille d'habitudes. Elle respire parce que c'est la mode, elle mange parce que c'est prévu ; Anaïs, tailleur- jupe chic, chaussures à talon, coiffure à la mode, kit bluetooth à l'oreille, le lieu lui appartient dès qu’elle pose un pied sur scène. Elle sèche son parapluie alors que Lise enlève son imperméable trempé.)Anaïs: Mais où sont-ils tous ? Lise, vous avez bien contacté la maintenance ? Lise: Je leur ai dit huit heures. Anaïs (Donnant son parapluie à Lise): Il faut tout faire soi-même ici ! (Elle porte la main à son oreille) Maintenance ? Anaïs Deloire ! J'avais demandé un nettoyage et une préparation de l'espace 5 pour huit heures (Regardant Lise) Vous êtes transie. Vous devriez vous sécher ou vous allez nous inonder. Lise: Quinze mètres en dehors du métro et j'étais déjà trempée.Anaïs: (Toujours regardant lise, mais causant à son oreille) Non mon petit, je ne patiente pas. Vous allez m'envoyer quelqu'un d'ici 5 minutes ou je serai contrainte de venir boire le café avec votre chef d'unité. (Appuie de nouveau sur son oreille) Il y des serviettes de toilette dans mon bureau. Elles doivent être près de mes affaires de body pump. (Lise tâtonne entre un BUREAU et le PLACARD) Attention où vous mettez les pieds, vous allez casser quelque chose. (Lise bute sur Bernadette qui grogne)Anaïs: Qu’est-ce que c’est ? Montrez-vous ! (Bernadette se redresse, allumant sa frontale)Lise: Bernadette ?Anaïs: Mme Aimart, mais que faites-vous donc à vous rouler par terre ?Bernadette (faisant taire les deux femmes d'un geste impérieux): ChhuuuutLise: Quoi ?Bernadette: Vous l'entendez ?Anaïs: NonBernadette: La crasse. Elle se reproduit. Elle est partout. Anaïs: Amusant ... Vous permettez que j'allume ?Bernadette: Vous êtes chez vousAnaïs: Et pertinente en plus (Elle actionne l'interrupteur. La lumière se fait sur scène)Bernadette: Vous croyez qu'elle craint votre lumière ?Anaïs: Aucune idée. Mais vous allez me faire le plaisir de me débarrasser le plancher.Bernadette: Et lui abandonner le terrain ? Non, j'ai été choisie pour ça Madame.Anaïs: Vous voulez dire embauchée ?Bernadette: Je veux dire Elue. Anaïs: Ah ? Et moi qui aurais juré que votre sacerdoce faisait l'objet d'une rémunération mensuelle. (A Lise, qui récupère une serviette pour ses cheveux) Vous vérifierez Lise ?Lise: Bernadette est juste d'humeur badine. Anaïs: Et bien pas moi. Je ... (Porte soudain la main à son oreille) Charles, darling, how are you? (Elle se poste en fond de scène, faisant signe à Bernadette de s'éloigner. Elle discute alors avec son correspondant dans une conversation inaudible).Lise: Vous devriez poursuivre votre croisade au premier étage. Elle va finir par vraiment s'énerver. Bernadette: Je n'ai pas peur pour ma chair Madame.Lise: Appelez-moi Lise, cela fait 3 ans que je vous le demande. Bernadette: Jamais (La Tourmente lève un bras vers le ciel. Bruit de tonnerre, éclair et vacillement de la lumière. Bernadette regarde dehors) Et surtout pas aujourd'hui. (Elle récupère son matériel en chantant, toujours gutturale et psalmodiant)

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'Et le soir, dans le noirQuand bien au chaud, votre journée s'achèveVous pouvez nous inviterA revenir chaque nuit dans vos rêves …'

Lise: Joyeux Noël BernadetteBernadette (un sourire étrange sur les lèvres): Joyeux Noël (Elle sort en chantant) 'Voici venu le temps des rires et des chantsDans l'île aux enfants C'est tous les jours le printempsC'est le pays joyeux des enfants heureuxDes monstres gentils ... Oui c'est un paradis'

ACTE 1 SCENE 2 Lise. AnaïsLundi 21 DECEMBRE – 08h07Décor : BUREAU, BUREAU, BUREAU, PLACARD, FOTOCOPIEUZEAnaïs: (toujours en grande conversation avec son oreille dans une affreuse tentative d’accent américain) Yeah … Yeah. No, you’re kidding. Wait, I check. (Anaïs allume une projection sur le fond de scène où des graphiques multiples apparaissent sur un fond de logo de Dexis Entreprises) Yes you’re right, 212 points, it's amazing. Yeah. By the way, I am here with Lise. She says ‘’Hi’’ (sollicitant Lise d’un geste)Lise: Hi !Anaïs: Who’s Lise ? Comment ça ‘’Who’s Lise’’ ?Lise: Aie ...Anaïs: Charles, you little jocker … Lise, you know …Yeah … Oups, l’heure tourne. Charles, the hour is tourning. Speak to you soon! (elle raccroche)Lise: Comment va Mr Dexis ?Anaïs: On ne peut mieux. Remarquez, il aurait beau jeu de se plaindre. Les Seychelles, à cette époque, c'est merveilleux. Lise: Je ne connais pas. (Hésitant avec la serviette)Anaïs: Posez. Je la ferai laver. Les gens sont d'un chaleureux. Et serviables, vous n'imaginez pas. Toujours le sourire, même pour quémander. Ce n'est pas comme ici. Sérieusement, pour votre prochain break, vous devriez envisager un petit séjour là-bas.Lise: Je n'ai jamais dépassé la Loire. Mais j'y penserai.Anaïs: En tout cas, Charles a beau s'amuser, il ne perd pas le sens des priorités. Il m'a demandé de commencer la deuxième étape. (Attrapant la cafetière) Un café ?Lise: Merci. Si tôt ? Je croyais que nous attendions le bilan financier pour ...Anaïs: Oui, oui, c'est ce qui était prévu. (Tendant une tasse à Lise puis démontrant avec les graphiques derrière elle) Mais de toute façon, les unités en surplus finiront tôt ou tard par nous coûter. Charles préfère prévenir que guérir. Il est impressionnant, vous ne trouvez pas ? ... Lise: Je ne le connais pas personnellement, alors ...Anaïs: Mais lui vous connaît. En tant que responsable des ressources humaines des sites Europe, vous êtes la clef de voûte de ses projets. Il croit beaucoup en vous.Lise: Je suis flattée ... Anaïs: (Elles regardent toutes les deux dehors) Quelle tempête !Lise: C’est fou ce qui tombe. Voilà Luc. Il va être dans un état ....Anaïs: Ce n'est pas Gisèle qui le rejoint ? (boit une gorgée) Elle me plaît cette fille.Lise: Elle s'est bien adaptée. Ils forment une bonne équipe tous les deux.Anaïs: J'aime beaucoup son parapluie. Il faudra que je lui demande où elle l'a acheté.Lise: Vous avez vu leur bilan pour le trimestre ? Ce n'est pas mal …Anaïs: Les motifs sont originaux. Ca change de l'uni.

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Lise: Je trouve que Luc termine très bien l'année.Anaïs: Les pauvres. Je crois que je vais devoir gonfler mon stock de serviettes aujourd'hui (silence)Lise: Vous avez décidé pour lui ?Anaïs: Oui (une pause) C'est non. (Un silence, Lise est figée) Ça vous pose un problème ?Lise: (Un temps) Je l'inscris sur la seconde liste ?Anaïs: Non, je veux qu'il soit traité d'ici la fin de semaine. Les autres viendront après. Je vous laisse vous en occuper ?Lise: Comme vous voudrez.(Des bruits d'ascenseur et de pas. Entrent alors Luc et Gisèle. Gisèle, blonde, tailleur sexy, joli sac à main, chaussures à talon, un peu trop maquillée, un peu trop parfumée, un grand sac Galeries Lafayette au bras; Luc, chemise pâle, cravate quelconque, pantalon gris, le regard bas, le front soucieux).

ACTE 1 SCENE 3 Anaïs Luc Gisèle Lise BernadetteLundi 21 DECEMBRE – 08h11Décor : BUREAU, BUREAU, BUREAU, PLACARD, FOTOCOPIEUZE, SAPIN

Gisèle : Bonjour bonjour !Anaïs : Bonjour Gisèle ! Toujours de bonne humeur …Gisèle : Vous savez, moi, les fêtes … (farfouillant dans son grand sac) Regardez ce que j’ai trouvé (Elle sort les lettres d’un SAPIN et des guirlandes) Joyeux Noël !Lise : Joyeux Noël. (A Luc qui ne répond pas) Bonjour … (A Gisèle) Attends, je vais t’aider (Elle l'aide à construire son SAPIN et à enrouler la guirlande autour).Anaïs : Bonjour Semestre. Luc : Madame ….Anaïs : Pas trop mouillé ? Luc : Ça va. Gisèle m’a abrité depuis le métro.Anaïs : Béni soit mon garagiste. Quand je vois ce temps ...Lise: Vous avez récupéré votre voiture ?Anaïs: Hier. Quel soulagement. Je vous admire de supporter les transports en commun toute l'année.Luc: On n’a pas de mérite. La force de l’habitude. Anaïs: Tout de même. Toute cette saleté, cette proximité. Et je ne vous parle pas des odeurs. Remarquez, cette expérience a été intéressante. Je me rends mieux compte du stress que beaucoup accumulent avant la journée de travail. C'est énorme.Gisèle: (allumant la guirlande, intégralement rose) Ta da !Anaïs: C’est … c’est …Luc: GaiAnaïs: Voilà !Gisèle: J’étais certaine que ca vous plairait. Bon, on les ouvre ces cadeaux ? Anaïs: Il est 08h12 et je veux tout le monde sur le pont pour l’ouverture des marchés. Alors speedy speedy. Lise: J’appelle Bernadette ? Anaïs: (bas, à Lise) La nouvelle policy pour le traitement amélioré des personnels techniques ? Bien vu Lise. (Lise prend un téléphone) Mais en attendant, j’ai une petite surprise, moi aussi. (Elle tripote sa télécommande. Le fond d’écran des graphiques prend la couleur de Noël. C’est très laid. Tous contiennent plus ou moins leur amusement) Je sais, c’est une folie, mais le patron du service informatique me doit une faveur. Et d’ailleurs, ce n’est pas tout. (Dos à la projection, elle fait apparaître un écran complémentaire dans lequel on voit une retransmission vidéo : deux pieds sur fond de soleil, de sable et de palmier) Alors ? Dites bonjour à Mr Dexis …Gisèle: Hello

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Anaïs: En anglais voyons !Gisèle: (forçant l’accent) Hello ... Nice pied … Enfin je veux dire joli foot.Anaïs: Pardon ? (se retournant) Mais … Excusez-moi (une main à l’oreille) Charles darling, I can not see your face.Luc: Ah c’est ça, je lui trouvais un truc changé aussi. Anaïs: Charles, do you hear me? Charles, do you copy? (secouant la télécommande) Pourquoi il copy pas ? (Bernadette entre, un chapeau pointu sur la tête, une petite trompette de fête foraine à la bouche) Mme Aimart, quel est cet accoutrement ?Bernadette: Au téléphone, on m’a dit que c’était pour une fête.Anaïs: Vous ferez le pitre plus tard. Veuillez me rétablir le son s’il vous plaît.Bernadette: Je ne touche pas à la gangrène électronique.Anaïs: Gisèle, mon agenda. Meeting pour évaluer l’utilité de Mme Aimart. Mercredi, 10h30. Gisèle: Noté (La Tourmente lève un bras vers le ciel. Bruit de tonnerre, éclair et vacillement de la lumière. La projection clignote et revient) C’était quoi ça ?Lise: C’est la deuxième fois depuis ce matin Anaïs: Charles? If you hear me, please give me a sign (un orteil se plie) Il nous entend. In the name of the team, I wish you a Merry Christmas Charles (Tous les orteils bougent)Tous (plus Bernadette qui souffle dans sa trompette): Merry Christmas!!(La Tourmente lève un bras vers le ciel. De nouveau le tonnerre, éclair, signes de baisse de tension. Les pieds disparaissent)Anaïs: Charles? Charles … Luc: Je crois qu’on l’a perdu.Anaïs: Merci Semestre. Je vois bien que je ne vois plus rien.Luc: Dommage, de si beaux orteils.Anaïs: Spirituel, comme toujours. (Elle regarde l’heure) Bon, nous sommes en retard, au travail tout le monde. (Interrogée par Gisèle du regard) Les cadeaux attendront le prochain break (Allant vers Luc qui installe ses affaires) Semestre, où en êtes-vous avec la compilation de nos process ?Luc: J’aurai terminé lundi prochain.Anaïs: Faites pour jeudi. Vous savez que le siège trépigne en attendant vos résultats.Luc Mais je m’en vais ce soir et je ne reviens pas avant la semaine prochaine … Vous m'avez accordé un congé, vous vous souvenez ?Anaïs: En pleine semaine de bilan ?Luc: En pleine semaine de noël …Anaïs: Gisèle, workshop sur l’impact des convictions religieuses sur le temps effectif de travail, Mercredi 14h00, salle 33Gisèle: NotéLuc: Je vous ai prévenu il y a plus de quinze jours... J’ai la garde de la petite.Anaïs: Gisèle, vous ajouterez un module sur la gestion des familles recomposées (A Luc, souriant) Inutile de vous justifier Semestre. Il est important de savoir faire descendre la pression. Tout le monde ne peut pas rester au top sept jours sur sept. Vous donnerez l'intranet à Mr François. Vous savez, le nouveau du central : il est bouddhiste … ou scientologue (hésite)... Enfin, je suis certaine qu’il est disponible cette semaine.Luc: Non. Je vais me débrouiller. Ce sera prêt mercredi.Anaïs: A la bonne heure. C'est ce que j'aime chez vous, Semestre : l'adaptabilité. C'est une jolie carrière que vous allez nous faire.Luc: Merci Madame.Anaïs: Je descends à la maintenance. (Elle sort)

ACTE 1 SCENE 4 Anaïs Luc Gisèle Lise Lundi 21 DECEMBRE – 08h14Décor : BUREAU, BUREAU, BUREAU, PLACARD, FOTOCOPIEUZE, SAPIN

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(Luc pianote furieusement sur son clavier, Gisèle aussi. On entend alors le son d’un message entrant. Une fenêtre apparait sur la projection avec entête Gisèle. Chaque message est noté plus bas avec un entête en italique)Gisèle: PssstLuc: ?Gisèle: Ça va ?

Luc: (Anaïs revient soudain, Luc tape un grand coup sur son clavier, un économiseur d’écran apparait soudain : deux petits chats dans un panier)Anaïs: Gisèle, j’oubliais, faites-moi venir un réparateur pour cette photocopieuse. (Regarde l’ordinateur de Luc) Très mignon Semestre.Gisèle: (L’économiseur d’écran fait place aux messages) CT-1Luc: Traduction ?Gisèle: C’était moins une.

Luc: J’ai envie de la

Gisèle: Genre ??

Luc: Plutôt Gisèle: Achtung !(Lise s’approche de Luc, souriante. Luc ne la regarde pas. Il continue d’échanger des smileys avec Gisèle)Lise: Je peux te parler ?Luc: Fais-toi plaisir.Lise: Ça va toi ?Luc: Je bosse. (Retape un smiley)Lise: Quand tu auras deux minutes, tu pourras venir me voir ? Luc: Si c’est un ordre (Lise retourne à son bureau)Gisèle: T pa kool avekelLuc: Il n’y avait pas français en première langue dans ton collège ?Gisèle (grimaçant): MDRLuc: Je risque quoi, me faire virer deux fois ?Gisèle: Parano ! On ne risque rien, c’est le premier étage qui va trinquer.Luc: Tu me soulages ! Si ce sont les autres qui ramassent … Un bisou pour fêter ça ?Gisèle: T TRO KON ! (un autre message) Tu veux que je traduise ?Luc: Non, c’est bon. Luc: Au fait … Tu as vu ça ? (Envoie une pièce jointe, on voit le visage d’Anaïs dans un montage photo. Gisèle se marre. Anaïs entre. Luc a tout juste le temps de mettre en place l’économiseur d’écran) Anaïs: Je vois qu’il y a de l’ambiance ici …(A Gisèle) Eh bien, respirez mon petit. (A Luc) Et si vous partagiez ce moment d’hilarité ?

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Luc: Madame, je …Anaïs (lui prenant le clavier des mains): J’adore l’humour Semestre. (Elle tape sur le clavier. Au même moment la Tourmente lève haut la main : énorme coup de tonnerre et une coupure de courant. On entend Gisèle taper à toute vitesse) Mais qu’est-ce qui se passe encore ? (La lumière revient, on voit tout une série de messages à l’écran)Gisèle: J’ai envie de toi, mon corps est chaud, prends-moi en A3.Anaïs: Fort bien. Gisèle, agenda : brainstorming sur le harcèlement sexuel, mercredi 17h00, mon bureau, vous et moi.Gisèle: Noté … Anaïs: Et en attendant, allez vérifier au service desk d’où viennent toutes ces coupures de courant. (Elles sortent l’une après l’autre. Luc remercie Gisèle silencieusement)

ACTE 1 SCENE 5 Luc. Lise. BernadetteLundi 21 DECEMBRE – 08h26Décor : BUREAU, BUREAU, BUREAU, PLACARD, FOTOCOPIEUZE, SAPIN

(Lise et Luc sont seuls sur scène. La pluie redouble. On entend le crachotement de la radio).La Radio : « Les précipitations empirent. Les services de sécurité réitèrent leurs messages de vigilance. Les principales autoroutes sont fermées à la circulation. Si vous êtes bloqués dans votre véhicule vous pouvez composer le … » (Bruit de station mal syntonisée. La Tourmente monte sur scène et commence à jouer J’ai encore rêvé d’elle. Lise se plonge dans ses dossiers. La Tourmente va jouer du côté de Luc qui se tient la tête à deux mains. Il tente de chasser l’air de sa tête en se concentrant sur autre chose, mais sans succès) Luc: Ça ne va pas recommencer. Mais qu’est-ce que j’ai avec cette chanson ? (La tourmente continue à jouer jusqu’à Elle n’est pas vraiment belle)Luc: Je sais : 'Elle est faite pour moi'. Si ça continue, il va falloir que je consulte. De toute façon, le problème ne va plus se poser bien longtemps. (Il se lève et va voir Lise, La Tourmente reste en bord de scène) Tu voulais me parler ?Lise: Ça a été ton week-end ?Luc: Il a fait un temps de merde. Je n'ai pas pu sortir. Et puis Brigitte était malade, alors ....Lise: Qu'est-ce qu'elle a ?Luc: Une mauvaise carie. Lise: Pauvre gosse ...Luc: Qu'est-ce que tu veux ?Lise: Pardon ?Luc: Arrête ton cinéma : accouche !Lise: Pourquoi est-ce que tu me parles comme ça ?Luc: Tu le sais très bien (un silence)Lise: Je ne suis pas responsable de ce qui se passe.Luc: Peut-être, mais ça a l'air de te plaire. Tu en es à combien, 33 ?Lise: Arrête. (Bernadette entre, balayant d’une main, écoutant d’une oreille)Luc: Non, félicitations. 33 gars sur le carreau en moins d'un an, c'est un beau score. Tu nous prépares la cinquantaine pour le réveillon ?Lise: C'est marrant que ça te touche maintenant. Tu n'avais pas l'air si concerné en juin.Luc: Ce qui veut dire ?Lise: Que tu joues les victimes, mais que tu es aussi complice que moi.Bernadette (Cherchant à atteindre des gobelets usagés): Je peux ?Lise: Bien sûr (elle lui tend les gobelets)Luc: Attention Bernadette, ne partagez pas trop votre travail, on pourrait vous remplacer.Bernadette: Monsieur ?Lise (à Luc): Arrête …

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Luc: Et oui, à trop déléguer, vous risquez de ne plus être indispensable …Bernadette: Ca m’étonnerait. Je viens d’être certifiée. Luc: Vous êtes certifiée, vous ?Bernadette: Pourquoi, pas vous ? (Elle ouvre sa chemise sous laquelle son T-shirt porte un énorme logo) ISO 666, Management Adaptatif dans la Purification des Immondices.Lise: Il y a des formations pour ça ?Luc (ironique): Aux ressources humaines et tu ne sais pas ça ? (à Bernadette) .... Dites-lui vous.Bernadette: Méthode Nico & Golène. On nous apprend à évaluer une zone maligne et à identifier les infections. Suivent des séminaires sur le cycle de la crasse : Eclosion – Multiplication – Reptation – Putrescence – Recyclage. Puis chacun s'exprime sur son expérience. Et chaque année, on a un congrès pour resserrer les liens : une semaine karcher et barbecue dans une usine désaffectée (Prenant les gobelets) Vous m’excusez ? (Elle sort)Luc: Elle est vraiment tarée …Lise: Au moins, elle, elle sait ce qu’elle veut.Luc (excédé): Je n'y crois pas.Lise: Tu râles tous les jours, mais tu ne fais rien. Je vous ai entendus tout à l'heure. « Merci Madame, bien sûr Madame ». Pourquoi est-ce que tu continues à accepter ses caprices ? Luc: Je dois faire quoi, lui lécher les talons ? Je ne vais pas m'abaisser devant elle.Lise: C'est sûr. C'est plus pratique d’aboyer sur moi.Luc: Tu es mal placée pour donner des leçons. Lise: Je fais ce que je peux. Tu ne sais pas la moitié de ce qui se passe.Luc: C'est tout le problème. Ne pas savoir. Ne pas savoir si je dois renouveler mon bail, ou commencer à vendre mes meubles.Lise: J'ai plaidé directement au siège pour sauver des postes. Cette histoire me bouffe. Cette année a été un enfer. Ça fait des semaines que je ne dors plus (pour elle) Je ne sais même pas pourquoi je continue à venir...Luc: Pauvre biche. Tu veux des cachets pour tes cauchemars ? (Lise se ferme et ne répond pas) Bon, tu voulais quoi ? (elle reste silencieuse) C'est ça, défile-toi. Tu peux soigner les apparences ! Tu peux mentir à qui tu veux, mais moi, je sais ce que tu caches derrière ta gentillesse. Je te connais ! Je t'ai vue changer ! Je t'ai vue devenir cette marionnette polie, bien huilée. Un coup de tampon, une signature et au suivant : la mécanique ronronne, gentiment rangée entre sa chaise et son clavier. Tu t'es tellement bien intégrée que Bernadette finira par te nettoyer avec le reste du mobilier. (Lise le regarde, au bord des larmes, sans rien dire. Coup de tonnerre) Bon, j'ai du boulot (Il se dirige vers la sortie et croise Gisèle qui entre, guillerette)... Si on me cherche, je suis à la doc. (Il sort.)

ACTE 1 SCENE 6 Lise. Gisèle. SergeLundi 21 DECEMBRE – 08h33Décor : BUREAU, BUREAU, BUREAU, PLACARD, FOTOCOPIEUZE, SAPIN

Gisèle: Bon, si on se mettait un peu de musique ?(Lise reste immobile derrière son BUREAU. Gisèle cherche une station sur la radio. Les voix d’un homme et d’une femme se font entendre, précédées du slogan Ultramarché)L’homme: Ça va chérie ?La femme: Il m’est encore arrivé une histoire géniale au boulot. Il faut absolument que je raconte tout à Sophie.L’homme: Mais chérie, Sophie habite à Miami !La femme: Flûte ! Et moi qui n’ai plus de crédit …L’homme: Ne t’inquiète pas. J’ai migré ton forfait vers un super illimité Ultramarché. Tu peux appeler Sophie et toutes tes autres amies.La femme: Il faut que je m’y mette tout de suite alors. (Ils rient) Mon amour, tu es un amour.L’homme: On dit merci qui ?

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L’homme et la femme (Et Gisèle): Merci Ultramarché !Gisèle (Coupant la radio): Ça à l’air super comme forfait (bidouille son portable).Lise: Je ne peux plus continuer comme ça (Elle commence à ranger ses affaires dans un carton. Entre alors Serge, la quarantaine bien conservée, un costume bon marché, des chaussures vernies. Il se débarrasse de son parapluie et avance vers le bureau de Gisèle. Il lui présente son meilleur profil. Gisèle baisse le son de la radio et minaude en jouant avec ses cheveux. Lise continue de ranger ses affaires pendant qu'ils parlent).Serge: Mademoiselle … Gisèle: Bonjour. Ce n’est pas trop tôt. On ne vous espérait plus.Serge (amusé): J’aime me faire désirer.Gisèle: Vous voulez que je vous dise où elle se trouve ?Serge: Merci, je connais le chemin.Gisèle: Dommage, je vous aurais bien guidé.Serge: J’aurai l’occasion de revenir …Gisèle (doutant soudain): Vous venez bien pour la photocopieuse ?Serge: Ah non, je viens pour ma femmeGisèle (le détaillant des pieds à la tête): Je me disais aussi. (Décrochant le téléphone) Je peux vous l’appelez si vous voulez …Serge (voyant Lise): Ne vous embêtez pas, je la vois.Gisèle (regardant Lise): C'est elle ? Votre femme ? Je veux dire ... (elle le détaille encore)Serge: Oui ?Gisèle: Je ne sais pas. Je vous voyais plutôt avec la patronne.Serge (riant): Vous êtes directe.Gisèle: Excusez-moi. Il faut que j'apprenne à ne pas dire tout ce que je pense.Serge: Au contraire. « La franchise est une brise qui souffle sur les jonquilles de la vérité ».Gisèle: C’est joli ce que vous dites. Serge: C’est de moi (Allant vers Lise) Si vous voulez m'excuser ...Gisèle: En tout cas je dirai à Lise qu'elle a un chouette mari. (Pour elle) Et mignon en plus. (Le portable de Serge sonne)Serge (s’isolant et parlant bas): Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler sur ce numéro … Je ne peux pas te parler maintenant … Mais oui, toi aussi tu me manques … Je dois te laisser … C’est ça, bisous. (Lise a terminé de remplir son carton. Elle le porte dans ses bras et se dirige vers la sortie. Serge raccroche et s'approche d'elle).

ACTE 1 SCENE 7 Lise. Gisèle. Serge. Luc. Bernadette. Lundi 21 DECEMBRE – 08h45Décor : BUREAU, BUREAU, BUREAU, PLACARD, FOTOCOPIEUZE, SAPIN

Serge: Bouchon ?Lise (apercevant Serge): Serge ? Mais qu'est-ce que tu fais là ?Serge: J'ai noyé la voiture ... Heureusement que je passais dans le quartier. Ça va ? Lise: Oui. (Une pause) J'ai pris une décision et ...Serge: Tu sais qu'il y a des rues où l'eau monte jusqu'au trottoir. (Regardant Gisèle) C'est qui cette fille ?Lise: Gisèle. La nouvelle assistante du chef.Serge: Sympa …Lise: Je voulais te dire ... (Serge regarde le carton de Lise)Serge: Ça y est, tu changes de bureau ? Tu vois, je t’avais dit d’insister ! Une DRH sans son propre bureau, te devais être la dernière de France. Et ton PC ? J’espère que tu as demandé à passer sous Mac ?Lise: C’est que …

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Serge: C’est cher. Mais c’est mieux. « Pierre qui roule n’amasse pas mousse ».Lise: Il faut que l’on parle.Serge: Tu es fâchée pour les vacances ? On avait dit le Pérou mais chouchou, c’est quand même 15 jours à Centre Parc pour moitié prix !Lise: Non, ce n’est pas ça, c’est … (Entre Luc)Serge: Luc ! Comment va ?Luc: Bonjour (il lui serre la main) Tu es perdu ?Serge (à Luc): La voiture vient de me lâcher. Tu as vu ce qui tombe dehors ?Lise: Serge ...Bernadette (entre, sacs-poubelles à la main, visiblement énervée, indiquant la rue à Serge): Dites, c’est vous qui êtes garé là-bas ?Serge: Oui. Impossible de me poser correctement. Mais bon, vu le temps, je ne risque pas grand-chose des flics. Il y a un problème ?Bernadette: Vous gênez mes poubelles.Serge: Et ?Bernadette: Inconscient ! Vous pouvez entraver un pénitent, mais vous ne pourrez stopper le Grand Pèlerinage. (Elle sort)Serge: Eh ben dis-moi … (Il mime des guillemets) « Sympathique … »Luc: La fille de l’entretien. Je crois que la pluie lui monte à la tête.Serge (s'approchant de la fenêtre): Faut dire que ça tombe fort. Ça fait combien de temps qu'on ne s'est pas vu ?Luc: Depuis la crémaillère, en juin.Lise (à Serge): Serge …Serge: (tendre): Bouchon ! Je discute … (À Luc) Si longtemps. Ça passe à une vitesse.Luc (regardant le ciel): Ne m’en parle pas.Serge: Et le boulot ?Luc (regardant Lise) : Ça se maintient.Serge: J’espère que Lisounette est gentille avec toi. Faut venir me voir si elle te fait des misères. Luc (regardant Lise): Compte sur moi. Et toi, les médocs, ça marche toujours ?Serge: Des petits pains. Entre la grippe espagnole et les concombres allemands, c’est guinguette. Encore une bonne épidémie et je termine l’année en beauté. A ce propos, il y a un médecin qui m’en a raconté une excellente : vous connaissez la différence entre un Japonais et une table basse ?

ACTE 1 SCENE 8 Tous sauf Bernadette Lundi 21 DECEMBRE – 08h59Décor : BUREAU, BUREAU, BUREAU, PLACARD, FOTOCOPIEUZE, SAPINSerge (Regardant soudain par la fenêtre, à Luc): Ce n’est pas ta folle du ménage ?Luc: Mais qu’est-ce qu’elle fait dehors ? Gisèle (Rejoignant le groupe): C’est dingue, elle a de l’eau jusqu’aux genoux. Et qu'est-ce qu'elle fait avec ses sacs sous cette pluie ? (Enorme coup de tonnerre, La Tourmente commence à jouer un air sourd)Anaïs (entrant): Eh bien, encore à se distraire ? C’est relâche aujourd’hui ? (s’approche) Je peux savoir ce qu’il y a de si fascinant ?Lise (d'une petite voix): Je m'en vais.Serge: Mère Denis brave les éléments.Anaïs (A Serge): Et vous êtes ?Serge: Enchanté ! (Anaïs le toise) Serge Gourdon …Lise (sur un ton mécanique): C’est mon mari. Il a été coincé par la pluie. (Plus bas) Mais je vais divorcer. Et je démissionne aussi. Anaïs (A Lise): Qu’est-ce que vous …Gisèle (criant soudain, attirant l’attention d’Anaïs sur Bernadette): Elle est dingue ! Elle n'arrivera

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jamais aux poubelles avec cette grosse voiture devant.Serge: C'est la mienne.Gisèle (admirative): Classe !Lise: Je pars.Serge (criant à son tour): Mais qu'est-ce qu’elle fait cette abrutie ?Luc: Elle escalade ton Audi.Gisèle: Elle va se rompre le cou.Serge: Mais qui m'a lâché une débile pareille ?Lise: Au revoir (Elle avance lentement vers la sortie, on entend un grondement enfler lentement)Gisèle: Elle a glissé ! Son bras !Serge: Mon pare-brise !Luc: Les sacs sont passés à travers.(Le grondement s'amplifie)Serge: La conne la conne la conne !Gisèle: Elle a une jambe coincée sous le volant.Anaïs: Elle a l'air de souffrir.Serge: Je vais la tuer !(Le grondement se fait clairement audible)Anaïs (regardant derrière le public): Regardez là-bas. L'avenue !Gisèle: Qu’est-ce que c’est ?Anaïs: C’est énorme. On dirait une vague. Serge: Ça vient vers nous ...Luc: Et ça vient vite ! Couchez-vous !(Tous se jettent au sol. Lise reste debout, face au public, lâchant son carton au dernier moment. Elle tombe à genoux dans un fracas de verre brisé et de courts-circuits. Noir.)

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ACTE 2

ACTE 2 SCENE 1 Lise La Tourmente Serge Anaïs Gisèle LucLundi 21 DECEMBRE – 13h00Décor : BUREAU, BUREAU, BUREAU, PLACARD, FOTOCOPIEUZE, SAPIN

La Tourmente allume une lampe et se promène sur scène, jouant la marche funèbre. Elle se promène entre les corps, testant les immobilités. Elle se pose ensuite face public et salue. Le rideau se ferme. Lorsqu’il est à mi-course, Lise se redresse lentement, reprenant ses esprits. Suit un jeu entre La Tourmente et Lise, La Tourmente usant de ses pouvoirs et de sa guitare pour créer courts-circuits et tremblements, Lise persistant à se relever).Lise (allumant un briquet, regardant autour d'elle, se penchant sur le corps inanimé de Luc): Luc ? Luc, ça va ? (secoue Luc) Luc ! Parle-moi (regarde autour) Gisèle ? Anaïs ? Vous êtes là ? (de plus en plus affolée): Répondez-moi (revient vers Luc, le secoue de nouveau) Luc ... Ce n'est pas possible (se lève, va vers son bureau renversé et décroche le téléphone, en composant des numéros) Allô ? Allô ! Quelqu'un m'entend ? (pour elle) C'est pas vrai, c'est pas vrai. (au téléphone) Si quelqu'un m'entend, je suis dans la Tour Dexis. (Regarde alentour). Les vitres ont explosé, il y a des blessés. (Vers Luc à nouveau) Luc, je t'en prie réponds-moi. (Plus fort) Allô ? Allô ?! (Elle frappe sur le combiné) Quelle merde ! (Elle tâtonne entre les corps allongés et atteint le corps d'Anaïs): Anaïs ! Vous m'entendez ? (Anaïs ne bouge pas, Lise lui prend son oreillette) Comment ça marche ce truc ? Allô ? Allô ? (Elle passe près de la radio qui s’allume soudain dans un bruit distordu).La Radio: « scriiitch .... Apprend qu'une catastrophe sans précédent s'est abattue sur .... scraaattchh..... digues auraient cédé sous la pression de ... scraaatcchhh ... ville coupée du monde ..... scraaattchhh .... Les services de secours demandent de ... scraaattchhh ... demandent de ... scriiitcchhhh ... demandent de ... scroootchhhh » Lise: Demandent quoi ? Demandent quoi ! (Elle cogne sur le poste) Mais tu vas marcher saloperie !La Radio: Ce n’est pas la peine d'être vulgaire .... scraaaaatch ... la suite de notre bulletin juste après la publicité (On entend alors la voix de l’homme et de la femme sur fond de musique ultramarché)L’Homme: Vite chérie, il faut y aller !La Femme: Mais poussin, il pleut des cordes et je vais être trempée.L’Homme: Chérie, oublie ta mise en plis : ce sont les 6 jours et 6 nuits Ultramarché. La Femme: Non ? 13 % sur les produits de beauté ? 33 % sur tout l’électroménager ? L’Homme: Et double discount pour les 100 premiers arrivés. On en profitera pour t’acheter un Kway ! Merci qui ?L’Homme et la Femme: Merci Ultramarché !Lise: Il faut que je sorte d’ici (Elle traverse la scène. Alors qu'elle est proche d’une sortie, un bruit de court-circuit claque près d'elle dans une gerbe d'étincelles. Elle hurle et revient au centre de la pièce, paniquée) Lise: A l'aide ! (sanglotant soudain): Aidez-moi … Quelqu'un … (La Tourmente l’observe du coin de la scène, l’air soudain apitoyé. Elle joue deux ou trois notes de J’ai encore rêvé d’elle. Luc se met à bouger en poussant un râle plaintif) Luc ? Luc ! Tu m'entends ? (Elle s'approche de lui, il continue de marmonner) Tu es blessé ? Ne bouge pas.Luc (Délirant): J’ai encore rêvé d’elle …Lise: Quoi ?Luc (dans un râle) Elle n’a rien fait pour ça …Lise: Je suis là, ça va aller. (Luc perd connaissance) Luc ? Luc parle moi ! (Criant soudain) Je vous en prie ... Aidez-moi ... S'il vous plaît ... Pitié ... (La Tourmente regarde Lise, puis le public. Elle soupire et allume la radio qui crachote).

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La Radio : « ... scrattchhh .... pour les personnes actuellement bloquées par les eaux, il faudrait maintenant .... scritcchhh ... un miracle ... scrattchhh ... »

ACTE 2 SCENE 2 Lise Vasquez BernadetteLundi 21 DECEMBRE – 13h33Décor : BUREAU, BUREAU, BUREAU, PLACARD, FOTOCOPIEUZE, SAPIN, VOITURE(Dans une gerbe d’étincelles et un retour partiel de lumière, entrent Vasquez et Bernadette ; Vasquez, visage volontaire, yeux aciers, silhouette militaire, portant bleu de travail et sac à dos. Une lampe torche entre les dents, elle pousse un bloc dans lequel on voit le mot VOITURE sur lequel Bernadette est étendue. Tous les deux sont trempés)Vasquez: On parle de moi ?Bernadette (délirant): Le Dormeur s'éveille ... Il tâtonne entre les corps bouffis...Lise (se redressant, aveuglée par la lampe): Bernadette ? C'est vous ? Vasquez: On cause d'une femme blanche, la bave aux lèvres, qui renifle la cave ?Lise: Oui, mais …Vasquez (poussant Bernadette au sol): C'est elle ! Lise: Qui … Qui êtes-vous ?Vasquez: Nom : Vasquez. Prénom : Sergent (observe aux alentours) Vous pouvez m'appeler par mon prénom.Lise: Sergent … Mais vous … Et qu'est-ce que ..?Vasquez: Je viens réparer le photocopieur. (Du pied, elle retourne le corps de Bernadette qui crache une gerbe d’eau) Et accessoirement, je pêche le gros.Lise (montrant la VOITURE) : Et ça, c’est quoi ?Vasquez (sur le ton de l’évidence): Une voiture. Elle dérivait avec la femme de l’Atlantide accrochée au levier de vitesse. J’ai profité du taxi.Bernadette (toujours délirant): Néblod'zin ... Les peuples borgnes s'agglutinent au son de sa flûte !Vasquez (à Lise): Vous êtes en charge des opérations ?Lise: Oui. Enfin non. Il se trouve que ... les autres ... les autres …Vasquez: Vous n'aimez pas finir vos phrases vous ! Quoi les autres ?Lise: Je crois qu'ils sont … qu’ils sont … (Elle réprime ses larmes avec peine)Bernadette: Dévorés ... Tous seront avalés par le Fouisseur d'En Bas ... (Elle se redresse) Y'a !! Shudd'mell ....Vasquez: Elle est toujours comme ça ?Lise: Éveillée, c'est pire ....Vasquez (frappant sur la tête de Bernadette qui s’effondre): Alors on va se garder un peu d'intimité. (Enlevant son bleu de travail trempé, révélant des dessous camouflage) Permettez ? J’ai les aisselles qui collent.Lise: Heu … Oui … (montrant les corps) Mais … Mais ...Vasquez (singeant un bégaiement): Mais … Mais … Mais … C'est une vrai maladie ! Chantez-le si ça ne sort pas. Il faut vous entraîner soldat ! Vous chantez ?Lise: Pas vraimentVasquez: Tenez, une facile pour commencer : (Elle défile devant Lise en chantant) : "Jamais derrière toujours devant "... (Lise reste silencieuse) Allez, avec moi !Lise: Je ne peux pas.Vasquez: Mais si vous pouvez ! "Jamais derrière toujours devant"Lise (faiblement): « Jamais derrière toujours devant ... »Vasquez: « Foulant la boue bravant le vent » Lise: « Foulant la boue bravant le vent »Vasquez: « Dans la tourmente le vent cinglant … » Du nerf !Lise (plus fort): « Dans la tourmente le vent cinglant »Vasquez: « J'aime mon fusil et j'aime mon ... »

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Lise: C'est bon, c'est bon. Je crois que j'ai compris !Vasquez: Ça fait plaisir ! On fera de vous un homme, ma fille !Lise: Dites, vous êtes vraiment sergent ... Sergent ?Vasquez: J'ai l'air de quoi, d'une marguerite ? (Se rhabille, tenue camouflage)Lise: C'est juste ... Je voulais dire … (Montrant la FOTOCOPIEUZE) C'est quand même rare que l'armée s'occupe de …Vasquez (lui claquant des doigts sous le nez): Il faut vous réveiller Alice ! Code des marines, section 6 : « En cas de catastrophe naturelle ou de victoire des communistes, tous les réservistes doivent se présenter à l'appel » J'ai fait le Vietnam fillette … et là-bas, c'était ...Bernadette (se redresse soudain) : L’Apocalypse ! L’Apocalypse est sur nous ! (Bruit de court-circuit, la lumière revient, Bernadette retombe)

ACTE 2 SCENE 3 Lise Vasquez Luc Anaïs Gisèle Serge BernadetteLundi 21 DECEMBRE – 14h00Décor : BUREAU, BUREAU, BUREAU, PLACARD, FOTOCOPIEUZE, SAPIN, VOITURE

Vasquez (regardant alentour): Pas mal pour une batracienne... On va pouvoir s'occuper de vos défunts. Vous leur avez fait subir le TPR ?Lise: Je vous demande pardon ?Vasquez: Un truc pour identifier les morts sur le front. Après un bombardement, vous avez toujours un ou deux taquins qui en profitent pour roupiller.Lise: le TPR ?Vasquez: Le Test de Proctologie Réflexive ... (Elle fouille son sac à dos et bricole tout en parlant) On monte une mèche de 30 sur un voltmètre, on fait une dérivation avec une batterie de tondeuse et on insère le tout ... au fond du problème. Les ricains l’utilisent pour les évadés fiscaux. (Elle se dirige vers les blessés. Elle allume son TPR qui fait un bruit de tronçonneuse.) Et c’est parti !Alors qu’elle s’approche des blessés, tous se redressent rapidement, un peu gênés. Bernadette reste allongée)Luc: Quel choc ...Anaïs: J'ai dû prendre un coup sur la tête.Gisèle: Moi aussi ...Serge: Que s'est-il passé ?Vasquez (Eteignant son engin diabolique): Et voilà. La famille Lazare au grand complet.Serge (voyant la VOITURE): Ma bagnole ? Putain, c’est ma bagnole ! Bouchon, qui c’est ce qui m’a passé la bagnole par la fenêtre ?Vasquez (levant la main): Mea culpa. Je visais la porte.Bernadette: Yog Sothoth est la clef, Yog Sothoth est la porte.Luc (s'approchant du corps de Bernadette): Qu'est-ce qu'elle a ?Vasquez: Overdose de plancton (Lise et Luc s'occupent de Bernadette)Anaïs (restant à distance de la fenêtre): Mon dieu, c'est horrible. Regardez ... L'eau monte jusqu'au troisième étage …Gisèle: Et il pleut toujours. Vous avez vu le ciel ? C'est si sombre ... Ça fait combien de temps qu'on est là ?Serge: Nous avons dû rester inconscients toute la matinée.Vasquez (Rangeant son matériel): Ouais ... Elle a bon dos l'inconscience. (Anaïs regarde Vasquez et interroge Lise du regard)Lise: C'est Mme ... Sergent. Elle est venue réparer la photocopieuse. Et elle a sauvé Bernadette.Vasquez: Et si ça ne vous ennuie pas, je vais passer à la phase B.Anaïs: Quelle phase B ?Vasquez: Monter sur le toit, histoire de nous faire repérer par l'aéroporté. Si on ne se signale pas, on

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va y passer le réveillon.Serge: Je peux vous aider ?Vasquez: Faut voir … Vous avez servi dans quelle arme ?Serge: J’ai fait 3 ans chez les scouts : Chef Caribou.Vasquez: Alors vous êtes tout qualifié ... (Serge s’avance) ... pour rester ici. Ces dames auront besoin d'un mâle dominant. Il n’y a rien de pire que la carence de testostérone chez la femelle en détresse. Anaïs: Et la photocopieuse ?Vasquez (à la FOTOCOPIEUZE, tournant le Z sur lui-même pour en faire un S) : Et voilà. Des questions ? (Anaïs va pour discuter le ‘F’, mais se ravise) Alors j’y vais (Elle sort)Luc: J'aurais pu l'aider …Anaïs: Il fallait vous proposer Semestre.Serge: Sans vouloir te vexer, si elle ne m'a pas voulu, toi ...Luc: Quoi moi ?Lise: Ce n'aurait pas été prudent de toute façon. Vous venez juste de vous remettre. Tous les deux. (Elle rend son oreillette à Anaïs) J’ai essayé mais ça ne marche pasAnaïs (scrutant son téléphone): Il n’y a pas de réseau. Luc (le téléphone du BUREAU à l'oreille): Le standard est HS.Anaïs: Gisèle, agenda : réunion, jeudi, 17h00, le représentant France telecom pour la révision des procédures d’urgence.Gisèle: Noté. Luc (Voyant Lise frissonner): Tu as froid ?Lise: Ça va aller.Serge: Tape tes bras chouchou, ça fait circuler le sang.Anaïs: Il gèle dehors. Et avec ces vitres brisées... Le chauffage marche toujours ?Luc: La soufflerie a l'air de fonctionner, mais c'est tiédasse.Gisèle: On pourrait chanter. Ça réchauffe.Luc Il va falloir chanter fort ... Ce qu'il faudrait, c'est empêcher l'air d'entrer. On pourrait récupérer ce qui traîne et boucher les orifices ...Anaïs: C'est exactement ce que j'allais dire. Gisèle, récupérez ce qui traîne et essayez de boucher ces orifices.Gisèle: Avec quoi ?Anaïs: Je ne sais pas moi. Vous avez des fournitures de bureau. Gisèle (comptant sur ses doigts): J'ai trois boîtes de post-it, deux mille agrafes et un rouleau de scotch.Luc: On n’ira pas loin avec ça. Il vaudrait mieux bouger quelques meubles et ...Anaïs: C'est tout à fait ça. Mr Gourdon, voulez-vous aider Mr Semestre ? Nous allons placer du mobilier devant les fenêtres.Luc: C'est ce que j'allais faire.Anaïs: Et bien arrêtez d'en parler et agissez !

ACTE 2 SCENE 4 Lise Luc Anaïs Gisèle Serge Bernadette VasquezLundi 21 DECEMBRE – 14h30Décor : BARRICADE BUREAU BUREAU FOTOCOPEUSE SAPIN VOITURE(Luc et Serge s'affairent alors, rapidement aidés par Lise et Gisèle. Ils retirent des lettres des éléments du décor et les placent une par une avant-scène pour former le mot BARRICADE. Anaïs supervise le tout).Anaïs: Voilà .... Celui-ci par-là .... Non, pas le 'B'. C'est ça ... (Observant Luc enlever le I de FOTOCOPIEUSE) Semestre, attention ! Vous allez la casser.Luc: On n’a pas vraiment le choixAnaïs: Tout de même. Elle vient d’être réparée…

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Gisèle: Dites ? Il faut un ou deux 'R' ? Parce que moi, sans Word …Lise: Il en faut deux Anaïs: Allez allez ! Rien de tel qu'un peu d'exercice pour se remonter le moral, n'est-ce pas ? Gisèle, ce n'est pas vous qui parliez de chanter ?Gisèle: Mais je ne connais pas de chansonsAnaïs: Ne soyez pas modeste.Gisèle: Il y a bien un truc que ma grand-mère chantait tout le temps …Anaïs: Parfait !(Gisèle entonne l'Internationale, accompagnée par la Tourmente, puis par tous. Anaïs continue de superviser, bougeant beaucoup mais agissant peu).Gisèle: 'Debout, les damnés de la terreDebout, les forçats de la faimLa raison tonne en son cratère,C'est l'éruption de la fin.Du passé faisons table rase,Foule esclave, debout, deboutLe monde va changer de base,Nous ne sommes rien, soyons tout.'

Tous : 'C'est la lutte finaleGroupons nous et demainL'InternationaleSera le genre humain'

Anaïs: Je ne connaissais pas mais c'est hyper entraînant comme chanson !Luc: (testant la BARRICADE) : Voilà. Ça devrait tenir.Lise: J'espère que tout va bien pour Mme Vasquez. Heureusement qu'elle était là tout à l'heure.Serge: Ne t'inquiète pas Cocotte, elle doit très bien se débrouiller.Luc: Je suis crevé.Anaïs: Moi aussi. Gisèle, vous nous feriez un café ? (Gisèle s'exécute)Serge (regardant entre les interstices de la barricade): Que s'est-il passé à votre avis ?Anaïs: Les digues ont dû lâcher. Ou bien le barrage a débordé. Serge: On est peu de chose face aux éléments … « Un tien vaut mieux que deux tu l’auras ».Anaïs: Il faut relativiser. Nous sommes censés être préparés pour ce genre de cas. Mais c'est la bérézina dans ce pays. Regardez. Six heures que nous sommes ici. Personne n'est venu à notre secours et personne ne nous a contactés. Vous parlez d'une organisation. La ville est plongée dans le noir, il y a de l'eau partout, il va y avoir des millions de dégâts. Et qui va payer ?Serge: Toujours les mêmes : Les (il mime des guillemets) « contribuables ». Lise: Je suis certaine que les secours travaillent d'arrache-pied. Ils ne doivent pas savoir où donner de la tête.Luc: C'est clair. Ce doit être la guerre dehors.Anaïs: Ne me faites pas rire. Les services de l'Etat sont sclérosés. Entre les feignants, les grévistes et les femmes enceintes, c'est un miracle de croiser quelqu'un qui travaille. (Gisèle apporte le café) Vous avez mis du sucre ?Lise: Vous caricaturez.Serge: A peine. Regarde ton frère. (Aux autres) Il est flic, enfin sur le papier, parce qu'il est toujours chez lui. C'est à se demander s'ils n'ont pas déménagé le commissariat. (Bernadette grogne)Gisèle: Écoutez, Mme Aimart essaie de parler.Bernadette: Le limon s'insinue .... Il enfle au son de la flûte…Luc (regardant Bernadette): Elle est vraiment amochée.

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Anaïs (à Lise): Vous avez un frère dans la police ?Lise: Oui. Et une sœur aux impôts. Gisèle: Ça doit être sympa les repas de famille.Bernadette: ... Les notes obscènes coulent sous les doigts impies ...Luc (à Lise): Je ne l'ai vu qu'une fois, mais ton frère est plutôt cool, non ?Lise: Quel rapport ?Anaïs: Il n'était pas question de mettre en cause vos proches. Je suis certaine qu'ils font honneur à leur fonction et que ...Lise: Mon frère est alcoolique et ma sœur nous a redressés l'année dernière.Serge: D'ailleurs, celle-là, quelle s...Lise: ... mais je persiste à dire que tout est mis en œuvre pour nous secourir. Il y a des gens qui sont au service de la communauté. Anaïs: Je dirais exactement le contraire. Ne le prenez pas mal, mais vous êtes un peu trop naïve.Lise: Je ...Bernadette (hurlant soudain): Les étoiles sont alignées ! Celui Qui n'Est pas Mort est Éveillé ! (Elle retombe. Vasquez entre en trombe, hilare et trempée).Vasquez: Je n'ai pas vu une telle tempête depuis octobre 53 à Hanoï.Anaïs: Alors ?Vasquez: Il n'y a plus de jus sur le toit. Autant péter sur un sourd. (Aux deux hommes) Clark ! Kent ! Avec moi ! (Les deux se lèvent en même temps).Luc (se levant, regardant Anaïs): Ça me fera du bien de prendre l'air.Lise: Sois prudentSerge (Alors que Luc se retourne): Ne t’inquiète pas Bichoune. Vasquez (soudain grave): Pas de promesses soldat. Le front est fourbe. Et c'est la guerre là-haut ! (Vasquez, Serge et Luc sortent. La lumière décroît lentement. On entend le bruit de la pluie qui tombe. Gisèle, Anaïs et Lise restent seules avec Bernadette, toujours évanouie. Les trois femmes jouent nerveusement avec des éléments du décor, faisant un rythme sur le rythme de la pluie. Sur ce rythme, La Tourmente semble se prendre au jeu et entonne Singing in the Rain. Elle s’approche de Bernadette et joue spécialement pour elle. Bernadette se redresse, le regard vide. Les trois femmes ne la voient pas. Elle les observe, puis observe la Tourmente, qui continue de l’envoûter. Elle sort alors sans bruit).

ACTE 2 SCENE 5 Lise Anaïs GisèleLundi 21 DECEMBRE – 19h54Décor : BARRICADE BUREAU BUREAU FOTOCOPEUSE SAPIN VOITUREGisèle (interrompant la sérénade): Il reste des sucres ?Anaïs: Je viens de manger le dernier.Gisèle: Ça fait longtemps qu'ils sont partis, non ?Anaïs: Ils tentent de brancher un éclairage de secours. Il faut croire que c'est long.(Regardant à l'extérieur) Cette histoire est démentielle. A propos, il n'est pas un peu à fleur de peau, Semestre ?Lise: Vous n'êtes pas très tendre avec lui.Anaïs: Il m'agace parfois. Il manque de punch.Lise: Ce n’est pas faute de volonté.Anaïs: Oui, mais il faut toujours lui répéter les choses cent fois. Peut-être que je suis trop exigeante. J'ai tendance à demander aux autres la même rigueur que je m'impose. Lise: Ça doit être ça.Gisèle: Quand je vais raconter cette histoire, personne ne me croira (Anaïs l'interroge du regard) Ben ouais : se retrouver comme ça ! C'est grisant vous ne trouvez pas ?Anaïs: Ce n'est pas le mot que j'emploierais. Lise (l'air absent): Quelle heure est-il ?

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Gisèle: Presque vingt heures.Anaïs: Déjà ? Et une journée de productivité qui s’envole. Ça va nous bouffer le bilan cette histoire.Gisèle: Au fait Madame, je n’ai jamais trop osé poser la question, mais on fait quoi ici exactement ? Je veux dire, on sert à quoi ?Anaïs: Mais enfin Gisèle, nous scrutons les fonctions linéaires servant à déterminer la probabilité de toxicité d’actifs dont nous assurons la valeur ajoutée. Personne ne vous a rien dit ?Gisèle: Non ! Moi, je surveille les emails … Et c’est important ?Anaïs: C’est vital. Nous sommes quand même les garants de la fluidité des options. Les marchés éternuent, nous les mouchons. Gisèle: Et aujourd’hui, pas de mouchoirAnaïs: Exactement.Lise: Je me demande où est la fille de Luc. Vous imaginez si nous avions des enfants ? Ils seraient dans le bureau d'une institutrice ou dans le couloir d'un commissariat, à guetter les murmures des adultes. Je me demande à quel âge on est capable de concevoir la perte de ses parents. (Silence)Gisèle: Bonjour l'ambiance.Anaïs: Je suis stérile (Une pause) Ne me regardez pas comme ça, ce n'est pas contagieux.Lise: Je suis désolée.Anaïs: Vous plaisantez ? C’est un don du ciel. (A Lise) Votre exemple est une démonstration supplémentaire de la tyrannie de la reproduction. Vous, par exemple, pourquoi n'avez-vous pas d'enfants ?Lise: Serge en voulait, mais je suppose que nous n'avions pas le temps. Impossible pendant les études, difficile en cherchant du travail, pas très pratique quand on en a trouvé. Trop compliqué.Anaïs: Je vous comprends. C'est un chemin de croix. Il faut prévoir un an à l'avance pour la crèche, ou réussir à dénicher une des rares nourrices qui n'ait pas fait de prison. Ensuite il faut trouver une école qui ne soit pas un coupe-gorge, ce qui implique un gros investissement financier. Si vous ajoutez le fait de devoir changer de voiture, de partir en vacances entassé pour trois fois le prix et se faire racketter par les baby-sitters pour le moindre resto, c'est ingérable. Gisèle: Moi j'aurai des enfants. J'adore les mômes. Quand je fais mes courses, je passe toujours par le rayon bébé. Je regarde les petites robes, les peluches. Si je ne me retenais pas, j'achèterais tout. C'est comme pour les magazines. Je découpe tous les tests sur l'éducation. Ils disent que je serai ‘une mère un peu trop laxiste sur les fondamentaux éducatifs, mais attentive aux besoins premiers de l'enfant’. C'est bien non ? En tout cas, je suis prête. Il ne me reste plus qu’à trouver le bon mec. Anaïs : Ce qui rajoute à la difficulté de l’exercice, le passe-temps à la mode chez l’homme étant de féconder des femmes libres et d’abandonner des mères mariées. Le mâle n’est pas fait pour le couple, il est programmé pour voguer au gré des rondeurs fertiles. En bonne économiste, je ne me mettrai jamais sur un marché où la nature amène à chaque coin de rue de la concurrence déloyale. Gisèle (soudain livide): Oh non ... Pétasse !Anaïs: Gisèle !Gisèle (hoquetant): Pétasse... ma chienne .... Je l'avais complètement oubliée.Lise: Tu as appelé ta chienne Pétasse ?Gisèle (au bord des larmes): C'est l'année des P. Et mon voisin a appelé sa chatte Phalange, alors ...Anaïs: D’abord des enfants et maintenant des animaux ! En ville ! Mais vous êtes inconsciente !Gisèle: Elle doit mourir de faim.Lise: Calme-toi.Anaïs (regardant alentour): Moi aussi, j'ai faim.Gisèle: Je l'imagine, sa petite tête derrière la porte, remuant la queue à chaque fois que quelqu'un sort de l'ascenseur.Anaïs (à Gisèle): Pauvre bête.Gisèle (explosant en sanglots): Elle a dû crotter partout ...Lise (la prend dans ses bras): Là, là ... Ça va aller.Gisèle: Mon canapé n'est même pas lessivable .....

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Anaïs: Mais si. Ils font des produits miracles aujourd’hui. Lise: Et puis on viendra vite nous chercher. Ça ne lui aura pas fait trop long.Gisèle: Tu crois ?Lise: J'en suis certaine.Anaïs: Oui. Ils vont nous envoyer des hélicoptères, comme à la télévision.Gisèle: Mais j'ai le vertige.Anaïs: Eh bien .... (Interrogeant Lise du regard)Lise: ... Nous partirons en bateau !Gisèle (pleurant de plus belle): On ne pourra jamais le prendre, les escaliers sont inondés.Anaïs: C'est exact ... mais on trouvera autre chose ...Lise (montrant la fenêtre): Nous n'aurons pas à descendre. L'eau sera tellement haute qu'elle affleurera au bas des fenêtres. Nous embarquerons et nous partirons dans les courants. Gisèle: C'est vrai ? (La Tourmente joue le thème de Lise)Lise: Bien sûr. Nous descendrons l'avenue en naviguant entre les réverbères. Ils seront comme des bouées de lumière pour nous guider. Nous irons jusqu'au bout de la ville, de l'autre côté de l'autoroute. Autour de nous, les buildings deviendront maisons, puis les maisons deviendront plaines. Avec un peu de chance, il se pourrait même qu'on rejoigne la mer.Gisèle (les serrant contre elle): Je suis contente que vous soyez ici avec moi. Je ne sais pas ce que je ferais sans vous.

ACTE 2 SCENE 6 Anaïs Lise Luc GisèleLundi 21 DECEMBRE – 20h51Décor : BARRICADE BUREAU BUREAU FOTOCOPEUSE SAPIN VOITUREAnaïs (se dégageant): Nous non plus … (regardant sa montre) Bon, cela commence à bien faire, je vais voir où ils en sont.Gisèle: Je viens avec vous. J'ai besoin d'air frais.Lise: Je vais rester ici, pour le téléphone, au cas où (Gisèle et Anaïs sortent. On entend le crachotement de la Radio et le slogan Ultramarché).L’homme: Poussin, où sont mes espadrilles ?La femme: Mais il est 2 heures du matin.L’homme: Mais demain, ce sont les offres voyages Ultramarché, dix croisières à prix cassés.La femme: Tu n’as pas le mal de mer ?L’homme: A ce prix-là, je veux bien vomir toute la journée. Et puis les sacs plastiques sont offerts aux 15 premiers. Qu’est-ce que tu fais ?La femme: Je mets mes tongs pardi. Il faut y aller ! (la radio arrête de crachoter, Luc entre, trempé).Luc: C'est la tempête dehors (Lise ne répond pas) On a presque fini. Un sacré numéro ce Sergent ! (silence) Ça va toi ? Lise: Je survis.Luc (Se déshabillant): Ça te dérange si ..?Lise: Fais-toi plaisir.Luc: Où est Bernadette ?Lise: Aucune idée. Luc: Et merde ... D'habitude, elle est déjà bizarre. Mais alors là ...Lise: C'est le problème de nous autres marionnettes. On ne sait plus ce qu'on fait. Luc: Ok. Temps mort. Je suis désolé pour ce matin. Qu'est-ce que tu veux, me taper dessus ?Lise: J'aimerais bien. Mais tu avais raison. Luc: Non. Je suis un vrai con. Je sais que tu as fait ce que tu as pu pour les gars. Tout le monde te critique mais personne ne voudrait ton poste, même si tu le donnais.Lise: Ce que je n'ai pas fait. J'aurais pu démissionner.Luc: Tu sais bien que ce n'est pas si simple.

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Lise: Je ne vois pas ce qu'il y a de compliqué. Il suffit de faire un choix ... et de l'assumer.Luc: Ne raconte pas n'importe quoi. Tu as une vie, des obligations. On aurait tous fait pareil à ta place.Lise: Ah oui ? Tu vires tes amis pour colorier de gros camemberts tout en vert toi ?Luc: Non.Lise: Et bien moi, sans cette tempête, j'allais régler ton avenir (elle fouille son bureau et sort une lettre). Le courrier est déjà prêt. Je n'ai plus qu'à l'envoyer.Luc (calme, après un silence): Et qu'est-ce que ça te fait ?Lise: Quoi ? Mais ... A ton avis ?! (Elle s'approche de lui, lui mettant la lettre sous le nez) Je vais te virer Luc, je vais briser ta vie. Comment crois-tu que je me sente ?Luc: (souriant) Je ne sais pas ? Barbouillée ? Lise: Comment est-ce que je peux te faire ça ? On se connaît depuis …Luc: La seconde.Lise: C'est ça. Et je te poignarde dans le dos. Je suis encore pire que l'autre ... (elle désigne le toit d'un geste vague).Luc: (souriant de plus en plus) Largement. Aucune comparaison.Lise: Arrête de te foutre de moi ! Ce n'est pas drôle !Luc: Je sais. C'est tragique. Je vais paumer mon job, puis faire la manche dans le métro, pour finalement crever de froid dans un vieux carton. Mais franchement : je m'en fous. (Il l'attire contre lui)Lise (sans le repousser): Ça ne va pas ? Luc: Je n'ai jamais été mieux. (Il l'enlace) Dis-moi, tu rêves en ce moment ? Lise (sans se dégager): Quoi ?Luc: Parce que moi, je n’arrête pas (Serge entre alors. Lise et Luc se séparent, gênés).

ACTE 2 SCENE 7 Lise Serge Vasquez Luc Anaïs GisèleLundi 21 DECEMBRE – 21h01Décor : BARRICADE BUREAU BUREAU FOTOCOPEUSE SAPIN VOITURESerge (sec, à Luc): Le sergent t’appelle.Luc: J’arrive (A Lise) A tout de suite (Il sort lentement)Serge: Ça va bouchon ?Lise: Arrête de m'appeler comme ça s'il te plaît. Ça avance là-haut ?Serge: Oui. Je suis descendu chercher de quoi caler les lampes. (Lise frissonne) Tu as encore froid ?Lise: Ça va.Serge (s'approchant d'elle): Cocotte ... Il faut faire attention à toi.Lise: Arrête de m'appeler comme ça je te dis.Serge: Mais tu sais bien que c'est affectueux (il l'enlace)Lise: Je sais, mais je n'aime pas.Serge (la serrant contre lui): Désolé. Il faudrait peut-être que je demande à Luc pour savoir ce que tu aimes.Lise (se dégageant): Pardon ?Serge: Ne fais pas l'innocente. Lise: Je connais Luc depuis des années. Tu sais très bien qu'il n'y a rien entre nous.Serge: Tu me prends pour un idiot ? Tu crois que je ne sais pas ce qui se passe quand j'ai le dos tourné ?Lise: C’est toi qui dis ça ? Tu ne manques pas de souffle.Serge: Je ne vois pas de quoi tu parles.Lise: Ah non, pas ça. Que tu achètes des fleurs et des chocolats avec la carte bleue de ta boîte, soit. Que tu prennes systématiquement des douches en revenant de tes (elle mime des guillemets) « dîners d’affaire ennuyeux », ok. Que tu aies un deuxième portable caché dans tes chaussettes, pourquoi pas. Mais que tu me penses assez conne pour avaler tes bobards, là je dis stop.

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Serge: Attends mais n’importe q…Lise: Arrête je te dis !Serge: En admettant que ce soit vrai, si tu es si maligne, pourquoi est-ce que tu es encore là ?Lise: Je me pose la question.Serge: Et bien permets-moi de te proposer une réponse : par confort. Nous avons une maison en banlieue, deux voitures … enfin une … un appart’ presque remboursé dans le Jura et quelques placements juteux dans des produits « porteurs ». C’est facile d’avoir des états d’âme quand on est comblée. Alors certes, tu fais des envieuses … et je ne suis pas de bois ! Attends, tu ne me désires plus. Tu es là, sans vie, sans envie, j’ai l’impression de partager mon lit avec ta mère. Je suis un homme … et au top de ses capacités en plus. Si tu crois que ça m’amuse toutes ces femmes. C’est super compliqué à gérer… Comme si je n’avais pas assez de boulot. Lise (Amère): Pauvre bouchon … Mais si c’est difficile pour toi, pourquoi ne pas t’affranchir d’un poids mort ?Serge: Tu plaisantes ? Je me suis engagé. J’ai prêté serment devant le maire, qui je te le rappelle est ton père. Et puis tu connais le coût d’un divorce toi ? J’ai trop investi ! Se séparer serait complètement déraisonnable … « Noël au balcon, Pâques au tison » (Vasquez, Luc, Anaïs et Gisèle arrivent alors en courant).Gisèle: Ils arrivent !Luc: Il y a un hélicoptère qui vient vers nous Gisèle: On est sauvés !Anaïs: Vous voyez, je l'avais dit.Luc: (voyant l'air étrange de Lise) Ça va ?Lise: Je n’ai jamais été mieux. On y va ?Vasquez: Rassemblez vos affaires ! On lève le camp !Anaïs: Il faut remonter sur le toit (s’immobilisant soudain) Mme Aimart ?(Bernadette barre l’entrée, une hache d’incendie à la main)Bernadette: Misérables impies. Vous pensiez me berner ? Vous croyiez m'abuser par vos formes contrefaites ? J'ai reconnu vos odeurs. Le sang du peuple aux yeux blancs coule en vous.Vasquez (se positionnant devant le groupe): Tout doux bucheronne, tu vas gentiment me donner …Bernadette (menaçant de sa hache): Arrière ! (La tourmente lève la main, fracas de tonnerre. La lumière s'éteint. Il ne reste que l'éclairage de secours et la guirlande de Gisèle)Gisèle (regardant par la fenêtre): Il n'y a plus de lumières là haut (un bruit d'hélicoptère se fait entendre) Avec la pluie, il ne va jamais nous voir.Anaïs: Mme Aimart, je vous demande de vous arrêterBernadette: Taisez-vous, adoratrice d'idoles obscènes.Serge: Laissez-nous passer !Vasquez: Lâche ta hache si tu es une femme !Bernadette: Ia'' Shub Niggurath !!! Tu peux vomir tes chevreaux !(Le bruit de l'hélicoptère s'affaiblit)Gisèle et Anaïs (au ciel, agitant la guirlande près de la fenêtre): Revenez ! Revenez !Lise: Bernadette je vous en prie (Luc la ramène en arrière, à bonne distance de Bernadette)Bernadette: Vous mourrez tous et je piétinerai vos dernières reptations.Lise (A genoux, près de la fenêtre): Laissez-moi partir ... (Le bruit de l'hélicoptère s'éteint) Non ! (Un bruit de court circuit. Noir)

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ACTE 3

ACTE 3 SCENE 1Mercredi 23 DECEMBRE – 09h00Décor : VERRE, PAPIER, BOIS, FER, EAU, PLASTICUE (Le rideau s’ouvre alors que la radio se met de nouveau à crachoter). La Radio: ... scraaaatch ... déjà deux jours que la ville de ... scraattchhh ... suite à la rupture des digues ... scrittchhh ... a été totalement submergée par les eaux ... scraatch ... la situation ne cesse d'empirer ... scraaatch ... les précipitations augmentent ... scroooootch ... la température continue de chuter ... scraaatch ... il ne reste que très peu d'espoir scruuutchhh ... pour les sinistrés ... scrittttchhhh (la qualité s'améliore). C'était la météo Ultramarché. Ultramarché, c’est du soleil dans vos journées (La Tourmente joue le sunlight des tropiques, sur chant de Gisèle. Pendant ce temps, la lumière renaît avec le lever du soleil. Le décor s’est transformé en VERRE, PAPIER, BOIS, FER, PLASTICUE (Oui, je ne sais pas écrire, mais ça, c’est voulu). Tous déambulent au travers de la scène sur la chanson, occupés à disposer leurs vêtements pour les faire sécher. Tous s’échangent des regards noirs, sauf Lise et Luc. Après avoir terminé, Lise finit avant-scène, les jambes dans le vide ; Serge est accroupi derrière ce qui était la VOITURE. Gisèle s'amuse à tourner sur sa chaise, pendant qu'Anaïs bricole les lettres du nouveau décor. Vasquez tient la radio. Luc cherche quelque chose, entrant et sortant)Gisèle: Vivre sous l'équateur du Brésil Entre Cuba et Manille A l'heure d'été c'est facile Prends-moi la main, viens danser J'ai du soleil sur la peau J'ai dans le cœur un bongo J'ai dans la tête un oiseau Qui te dit tout haut

Viens danser, Sous Les sunlights des tropiques L'amour se raconte en musique On a toute la nuit pour s'aimer En attendant viens danser J'aime l'océan pacifique Ça m'fait quelque chose de magique Y a rien à faire qu'à rêver Prends-moi la main viens danserOh danse danse danse danse

Lise (A Gisèle): Tu peux arrêter s’il te plait ? (A Vasquez) Et coupez-moi cette radio, ça me rend folle.Vasquez: Il faut rester à l'écoute. Si Têtard veut nous joindre, c'est notre seul moyen de communication. (Elle porte le poste à son oreille, secouant les boutons) « Têtard, Têtard, ici Palourde, vous me recevez ? »Anaïs (à Vasquez, tentant de remettre les lettres en place): Vous étiez vraiment obligée de tout casser ?Vasquez: Vous pouvez me rappeler qui a embauché l’amphibie sociopathe ? Vous savez celle qui nous a torpillés notre seule chance de sortir d’ici ?Anaïs: C’est Lise qui gère le recrutement (Regard noir de Lise) Mais c’est vrai que j’ai mon mot à

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dire.Vasquez: Alors estimez-vous heureuse que je me sois arrêtée à la démolition du mobilier.Anaïs (montrant le C de PLASTICUE): Et ça ?Vasquez: Je n’ai pas eu de Q. Ça arrive, même aux meilleures.Anaïs: Ça ne se passera pas comme ça. Vos supérieurs seront informés. Vasquez: J’en ai la vessie qui fuit (reprenant sa radio) « Têtard, ici Palourde, à vous … Têtard, répondez Têtard »Serge: Vous pensez vraiment que ça sert à quelque chose ?Vasquez: Vous vous y connaissez en procédure radio ? Serge: Je dis ça je dis rien … Vasquez: Ben continuez : ne dites rien. (Bricolant) Je vais tenter une dérivation .... Luc: (entrant) J’ai vérifié partout. Il ne reste plus rien à manger. Même le distributeur près des toilettes a été vidé. Gisèle: Dire que j’ai une bûche dans le frigo.Anaïs: Alors ce paquet de chips est tout ce qui nous reste ? (Gisèle croque une chips bruyamment, Luc retourne le sachet vide)Luc: Restait …Serge (des boites à la main): C’est tout ce que j’ai pu sauver de ma tournée. 7 boîtes de Tormedia 600 et 6 plaquettes de Maigrantin.Anaïs: Ce n’est pas un coupe-faim ça ? Serge: Si.Anaïs: J’en prends deux.Gisèle: Moi aussi (Serge distribue, seuls Luc et Lise refusent) Mais j’y pense, Mr Dexis avait envoyé des cadeaux pour Noël (Elle va là où était le SAPIN) C’est peut-être des chocolats ? (Elle défait les cadeaux à toute vitesse)Luc: Alors ?Gisèle (sortant des papiers enrubannés): Ce sont des actions.Anaïs: 2 par personne. (Fière) J’étais dans la confidence.Luc (sifflant d’admiration): Il y en a au moins pour 6 euros.Gisèle: Et les chocolats ?Anaïs: Je sais. C’est généreux. Luc: Et super utile surtout. On va aller loin avec ça.Gisèle: C’est bon les chocolats …Anaïs: Il n'y en a plus pour longtemps de toute façon. Charles a dû constater que je n'étais pas présente pour le e-briefing de ce matin et il aura alerté les secours.Luc: Je ne compterais pas trop là-dessus si j'étais vous.Anaïs: Et pourquoi cela ?Luc: Parce que la considération du personnel n'est pas le point fort de cette société.Lise: Luc ... Anaïs: Laissez-le parler. Expliquez-vous Semestre.Luc: Votre directeur s'intéresse autant à vous que vous vous préoccupez de nous.Anaïs: Ce qui veut dire ?Luc: Que votre e-blondinet, dans son e-caleçon, sous son e-soleil, il n'en a rien à foutre de votre gueule.Vasquez (toujours collé à la radio): Moins fort !Anaïs (à Luc): Vous avez terminé ?Luc: Oui.Anaïs: Lorsque tout ceci sera fini, vous rendrez compte de vos paroles par écrit, Semestre.Luc: Je ne rendrai compte de rien du tout. Je démissionne.Anaïs: Enfin une bonne nouvelle dans cette triste journée. Lise: Luc ...

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Luc: J'en ai marre. (A Anaïs) Et puis ce n'était que partie remise, n'est-ce pas ?Anaïs: Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.Luc: C'est dingue. Ça fait 48 heures que nous sommes coincés ici. Il fait froid, nous n'avons rien à bouffer et vous persistez à couvrir vos petits projets.Anaïs: Vous ne faites plus parti du personnel. Je n'ai rien à vous dire.Luc: Et à Lise ? Et à Gisèle ? Même à cette malade de Bernadette, vous n'avez plus rien à leur dire ? Ouvrez les yeux ! C'est fini ! Vous ne pouvez plus jongler avec la vie des gens. Vous n'êtes plus Dieu dans 450 m² de bureaux. Vous êtes une petite femme, mal coiffée, mal foutue, qui s'accroche à son univers en distribuant des faveurs cartonnées. Anaïs: Profitez bien de votre heure de gloire Semestre et priez pour qu'il pleuve encore cinquante ans. Sinon, la vraie vie va reprendre son cours et la petite femme va de nouveau gagner dix-huit fois votre salaire. Quant aux héros, ils iront pointer aux restos du cœur. Je me demande combien d'assiettes de nouilles tièdes votre gamine supportera avant de questionner votre bravoure.Luc: Laissez ma fille en dehors de ça. Et changez de ton. Parce qu'à partir de maintenant, je ne suis plus votre larbin.Anaïs (ironique): Le méchant Semestre va se fâcher ? (Elle se place devant lui) Serge (s’interposant): Ça va, détendez-vous. On est tous très énervés. Est-ce que je vous raconté celle du Japonais et de la table basse ?Luc: Reste en dehors de ça ! (Il fait face à Anaïs, Serge se lève)Serge: Tu me parles autrement. Je ne suis pas une brunasse anorexique sur laquelle tu peux te défouler. Alors du calme ! (les deux hommes se font face)

ACTE 3 SCENE 2 Tous sauf BernadetteMercredi 23 DECEMBRE – 09h13Décor : VERRE, PAPIER, BOIS, FER, EAU, PLASTICUE

Anaïs (hurlant): C'est moi que vous traitez de brunasse ? Bande de demeurés. Dès que cette histoire sera finie, je vous vire tous ! (À Serge) Et vous, je rachète votre boîte et je vous délocalise. Vous irez faire du porte-à-porte en Ukraine. J'en ai marre d'être coincée ici avec des abrutis. Je devrais être chez moi, dans mon bain, à lire un bouquin dont vous ne comprendriez même pas le titre. Mais non, je dois supporter vos conneries. 'Têtard ici Palourde', 'ma chienne a dû crotter partout'. Mais tu n’avais qu’à la faire opérer ta chienne ! (Hystérique) Je n'en peux plus. Vous puez la médiocrité. J'ai l'impression d'être sale. Je vais mourir ici et ce sera à cause de vous. (En sanglots) Maman... (Elle s'assoit dans un coin) Maman, viens me chercher .....(Silence. La Tourmente entame un hymne militaire funèbre).Vasquez: Ma mère est morte en 69. J'étais à Song Cau, au campement du 41eme, en plein mois de juillet. Pour moi, c’était la quille. J'attendais le bus qui devait me conduire à Saigon et de là, aller simple pour le pays. On avait commencé un baseball avec les copains : on s’était dit qu’une bonne suée, ce serait toujours ça de moins à chialer au grand moment. J’étais à la batte, le soleil sur le crâne et vingt points à remonter. Face à moi, Dugrelet : Le cerveau d’un ruminant mais de l'or dans la main droite. J'avais les yeux rivés sur la balle et pourtant je l’ai vue … Maman … (La Tourmente change de thème) Elle adorait me faire ce genre de surprise. Elle était venue en bus depuis Saigon. Elle descendait, fine, presque trop gracile pour le marchepied. Elle portait une robe que le vent s'amusait à relever. Sa bouche était brillante et ses yeux ourlés. Je me souviens de sa petite mèche qui luttait pour rester coiffée … (Tout en parlant, Vasquez sort une poupée de son sac) Elle m’avait apportée un cadeau, trois fois rien, une poupée de bazar … C’est alors que Dugrelet lance. Je cogne … et là camarades, croyez-le ou pas, un vrai miracle. Le genre de geste qui vous fait croire à Raël, Moïse et au reste des barbus. J’avais mis de quoi enfoncer un tank dans cette balle. (Elle sourit, pensive, puis poursuit, l’air détaché) Ma mère l’a prise pleine tête. On n’a jamais réussi à nettoyer le bus. (Elle recommence à bricoler la radio sans s'occuper du regard des autres. Serge et Luc se séparent, gênés. Gisèle vient près de Luc).

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Gisèle (Regardant Vasquez, une boîte de Maigrantin à la main): Elle en a pris combien ?Luc: Aucune idéeGisèle (Regardant Anaïs): Bien envoyé au fait.Luc: Merci.Gisèle: Si je pouvais je ferais pareil, mais j'ai un crédit pour l'appart …Luc: Moi aussi.Gisèle (pensive): Ben t'es dans une sacrée merde.Luc: Je sais.Gisèle: Au fait ... ta fille ...Tu crois qu'elle va bien ?Luc: J'ai bluffé. Elle est avec sa mère dans le sud. Je n'ai pas la garde ce week-end. J'avais juste envie d'une semaine tranquille.Lise (relevant Anaïs): Ca va aller ? Venez vous asseoir (Elles s'assoient près de Serge)Anaïs (à Lise): Merci, c'est bon de savoir que j'ai au moins une personne dans mon camp.Lise: Je ne suis dans le camp de personne. Et à propos, je démissionne aussi. Serge: Ah bon ? C’est gentil de me tenir informé.Lise: La ferme !Anaïs: Mais qu’est-ce qui vous prend ?Lise: Je change de cap.Anaïs: A votre âge ?Serge: C’est vrai pupuce, tu n’es plus toute jeune.Lise: Je prends le risque. Et je le prends seule. Serge: Tu dis ça parce que tu es fâchée.Lise: Ça doit être ça. De toute façon, cela n'a plus beaucoup d'importance maintenant(On entend un bruit de machinerie et un grand vacarme. Puis le silence)Luc: C'était quoi ?....Anaïs: La soufflerie s'est arrêtée ....Gisèle: Le chauffage ? (Elle place sa main près de la ventilation) Il ne marche plus !Vasquez: Alors ça c’est la goutte d’eau qui fait déborder la chasse. Gisèle: Comment on va faire sans chauffage ?Anaïs: Mais qu'est-ce qu'elle veut à la fin ?Vasquez: Je n'en sais rien et je ne vais pas attendre de comprendre.Luc: Qu'est-ce que vous allez faire ?Vasquez: La noyer. (Criant soudain) A mon commandement Garde à Vous ! (personne ne bouge) Ah les civils ... Bon, on va faire trois binômes (à Serge) Vous venez avec moi, on va fouiller le reste de l'étage. (A Anaïs et Gisèle) Vous, vous irez voir sur le toit (A Luc et Lise) Et vous deux, vous resterez ici, au cas où l’autre se pointe.Serge: Je préfère rester avec ...Vasquez: Des objections du chef des scouts ?Serge: Non.Vasquez (à tous) : Pas d'héroïsme. Les premiers qui la trouvent appellent les autres. Des questions?Anaïs: Et bien ...Gisèle: Comment ...Vasquez: Parfait ! Go Marines Go ! (Tous sortent, sauf Lise et Luc)

ACTE 3 SCENE 3 Lise, Luc, La TourmenteMercredi 23 DECEMBRE – 09h47Décor : VERRE, PAPIER, BOIS, FER, EAU, PLASTICUE Lise : Qu'est-ce qui t'a pris avec Anaïs ?Luc (souriant): J'en ai peut-être eu marre d'être un lâche. Tu as vu la tête qu'elle a faite ?Lise: Et je suis la suivante sur la liste ? Mais vas-y, je t’en prie, défoule-toi !Luc: De quoi tu parles ? Si ça ne va pas chez toi, il ne faut pas t'en prendre à moi.

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Lise: Pourquoi ça n’irait pas ? Dernier virage avant la quarantaine et je me retrouve sans boulot et sans mec. J'aurais des raisons de me plaindre ?Luc: Lise … je …Lise: Mais tu croyais quoi ? Qu'il suffit de m'enlacer un jour de pluie pour tout changer ? Que tes 20 secondes radio-nostalgie allaient embraser ma vie ? Luc: Je voulais te dire …Lise: Laisse tomber. Tu crois peut-être aux princesses et aux poneys, mais moi, j’ai passé l’âge. (La guirlande rose commence à clignoter. La tourmente commence à jouer 'J'ai encore rêvé d'elle')Luc: Je voulais juste te dire que je rêve de toi. Ça fait des mois. Je ne sais pas pourquoi. Ça se passe ici, dans le bureau. Tout le monde est là, sauf Gisèle. Sur sa chaise, il y a le portrait d'une nonne, qui nous regarde d’un sale œil et répond au téléphone en allemand. Moi, je suis à la photocopieuse. J’imprime des pages, par centaine, encore et encore, mais elles sortent toutes trempées et toutes blanches et moi je suis tout nu. Anaïs les récupère et elle les accroche sur l’arbre, là-bas (il montre le SAPIN). Mais le papier lui colle aux doigts, alors elle n’y arrive pas et la nonne l’engueule : 'Schneller, Schneller !!' (La Tourmente joue un peu plus fort)Lise: Luc ...Luc: Attends. Toi tu es là (montre le bureau de Lise) un carton dans les mains. Tu ressembles à une photo que j'ai de toi, une de celles que nous avions prise pour tes 30 ans. Lise: Celle où je suis sous la véranda ?Luc: Non, celle où tu portes les bières. Tu sais, il y a une ombre sur ton visage, comme un tatouage qui te couvre les yeux. Je me suis toujours demandé ce que tu regardais. Dans le carton, il y a une poupée. Exactement comme celle ci (Il montre la poupée de Vasquez). Tu as l'air triste. Non, éteinte. Tu lui caresses les cheveux. Et tu chantes (Lise et Luc sont face au public. Ils commencent à chanter J'ai encore rêvé d'Elle. Bernadette entre alors derrière eux, sa hache à la main).Luc: 'Si je pouvais me réveiller à tes cotés'Lise: 'Regarde moi'Luc: 'Si je savais où te trouver'Lise: 'Réveille toi'Luc: 'Donne-moi l'espoir'Lise: 'Je suis à toi'Luc: 'Prête-moi un soir'Luc (ils s'enlacent): 'Une nuit 'Lise: 'Juste pour toi et moi'Luc: 'Et demain matin' (Bernadette est juste derrière eux)Lise: 'Tu seras là' (Ils s'embrassent. Bernadette lève sa hache. La Tourmente lève la main. Tous trois se figent. On attend alors le slogan Ultramarché et le son de la radio qui crachote).La radio: « Et comme chaque semaine notre grand jeu Ultramarché : Ma Hache ou ta Vie ? Votez pour qui de Lise ou de Luc va nous quitter et gagnez votre poids en charcuterie et produits de beauté. Mais déjà nos auditeurs se bousculent au standard » (Noir sur le trio, lumière en jardin)Gisèle (Seule avant scène, Anaïs est en retrait): J'ai choisi d'éliminer Luc. C'est ce qu'il y a de mieux pour lui. Il va se retrouver sans argent et à son âge, il n'est pas prêt de décrocher un boulot. Il va certainement se mettre à boire et à prendre du bide. Je pense vraiment que c'est lui rendre un grand service. (Noir. Gisèle sort sur le noir. Lumière en cour sur Serge)Serge: J'ai choisi d'éliminer Luc. J'ai longtemps hésité, ma femme devenant intenable ces derniers temps. Mais je pense que c'est lui qui a une mauvaise influence sur elle. Tout va redevenir comme avant : elle tiendra la maison et elle ne discutera plus mes décisions. (Noir. Serge sort sur le noir. Lumière en jardin sur Anaïs) Anaïs: J'ai choisi d'éliminer Lise. Si je la laisse continuer, j'ai peur qu'elle quitte son mari, qu'elle parte de cette ville et qu'elle change de vie. Elle pourrait rencontrer quelqu'un, tomber amoureuse. Elle pourrait même fonder son entreprise. Imaginez que je la croise un jour au volant d'un 4x4 série sport, des sièges jumeaux à l'arrière. C'est une perspective terrifiante. Je ne peux pas la laisser faire.

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(Noir. Anaïs sort sur le noir. Lumière en cour sur Vasquez) Vasquez (idem): J'ai choisi d'éliminer Lise. Ça ramène les deux à égalité. C'est bon pour le suspens, et moi j’aime bien quand il y a du suspens ! (Noir sur Vasquez. Bruits de tonnerre et des éclairs. Sur un flash, Bernadette abat sa hache sur le couple. Noir et changement de décor)

La suite du texte est disponible sur demande à [email protected]

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