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La Politique de l’enfant unique en République Populaire … de la réussite ou non de la PEU, et seont punis dans le cas d’un échec. Pourtant, cela ... «la pratique de la planification

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La Politique de l’enfant unique en République Populaire de Chine Bilan et répercussions sur la société 14/12/2009 SciencesPo Paris, Collège Universitaire du Havre Babacar Pierre SECK

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2 La Politique de l’enfant unique en République Populaire de Chine

Introduction :

Il y a un proverbe chinois qui dit « élever une fille, c’est arroser le champ de son voisin ». Aujourd’hui, une des conséquences des politiques malthusiennes de la République Populaire de Chine (RPC), et plus particulièrement de la Politique de l'enfant unique (PEU) est un déficit de 30 millions de filles et femmes dans le pays. La PEU appliquée en RPC a suscité bien des émois, tant dans la société chinoise, qu’au niveau international. Bien que la croissance démographique de la RPC ait perdu de se vitesse, il est nécessaire de voir comment cette régulation s’est effectuée et quels en sont les répercussions.

Quels est le bilan de cette politique et quelles sont ses conséquences sur la société chinoise ? Afin de répondre à cette question, nous étudierons tout d’abord la genèse de cette politique, et en quoi elle s’inscrit dans un processus historique, ses résultats. Par la suite, nous présenterons les effets que cette loi a causés sur le statut de la femme chinoise, mais aussi sur son bien-être. Enfin, nous discuterons des répercussions de cette loi sur le reste de la société chinoise aujourd’hui et dans les années à venir.

I- La PEU en RPC : genèse d’une loi

Depuis sa création le 1er Octobre 1949 par Mao Zédong, le Parti Communiste a imposé bien des réformes de toutes sortes à la population chinoise. La régulation des naissances est un des domaines dans lequel les gouvernements de la RPC ont tenté d’influer. Après de multiples lois et décrets, nous sommes finalement arrivés à l’adoption de la loi de l’enfant unique par le Parlement chinois lors de sa 25e session en décembre 2001.

Quel est le chemin parcouru pour en arriver là ? Quel a été l’impact de ces multiples formes de contrôle des naissances par le gouvernement chinois ?

(a) histoire des politiques antinatalistes De 1956 à 1978 : Vers une politique de plus en plus stricte de contrôle des naissances

En 1953 eut lieu le premier recensement de la population chinoise. Au grand dam des autorités, il y a non pas 500 millions de chinois comme prévu, mais 600 millions ! 100 millions de trop ! Un certain nombre d’intellectuels, dont Ma Yinchu, le « Malthus Chinois », tirent la sonnette d’alarme et plaident pour une limitation des naissances. Le Parti ne réagit pas tout de suite à ces appels ; s’ensuit une période de confusion parmi les dirigeants.

Puis, en 1956, Mao déclare : « A l’exception des zones habitées par les minorités territoriales, il est nécessaire de populariser le contrôle de la fécondité et de promouvoir la limitation des naissances dans les régions densément peuplées », ce même Mao qui affirmait quelques années auparavant que : « Même avec une population plusieurs fois multipliée, la RPC est tout à fait capable de trouver une solution ; cette solution, c’est la production » . Cette directive sera appliquée à travers une production massive de contraceptifs, et la mise à disposition de l’avortement et de la stérilisation, à condition que la femme demande la permission à son mari, c’est la Première Campagne. Toutefois, cette

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propagande, mal expliquée à la population, n’a aucun impact en dehors des villes, et reste une tentative loupée. C’est le début des politiques de restriction des naissances en RPC.

D’autres mesures de limitation des naissances seront utilisées dans les années suivantes, telles que l’instauration d’un âge légal de mariage, l’espacement obligatoire entre les naissances… Cette Première Campagne sera suivie de deux autres, la Seconde Campagne, lancée en 1962 fera la promotion de l’avortement volontaire. La Troisième Campagne, aussi appelée wan-xi-shao1. imposera un système de quotas des naissances, réparties par zones administratives.

Toutefois, ces politiques de limitation des naissances seront interrompues dans leur continuité par plusieurs revirements, notamment en 1957, après l’échec de la Campagne de Rectification, et dans la période allant de 1958 à 1961, lors du Grand Bond en Avant.

Bilan des PLN de 1950 à 1978

Evolution de la fécondité en RPC, 1950-2000

Figure reprise de : Peng X., La fécondité chinoise : constats et perspectives, cf. Attané

I. (éd.), 2002, p 61 Nous allons maintenant brièvement présenter les résultats de la première vague de

politiques de limitation des naissances, c’est-à-dire celle qui va de 1956 à 1978. Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessus, la fécondité des femmes chinoises

est assez stable de 1962 à 1970, ce qui montre le peu d’impact des deux premières Campagnes. Inversement, la Troisième Campagne semble avoir eu beaucoup plus d’influence sur la fécondité « chinoise », car le nombre d’enfant par femme passe de 5,5 à 2,7 sur la période 1971-1978. Le taux de renouvellement des générations étant à 2,3 enfants par femme, ce taux de 2,7 semble montrer un contrôle de la situation. Nonobstant cette affirmation, le chercheur Pascal Rocha da Silva estime que l’on ne peut entièrement attribuer cette baisse du taux de fécondité à la politique de limitation des naissances, car la transition démographique de la RPC a requis un nombre d’années similaire, et a été d’intensité comparable, à celles d’autres pays de la région comme la Thaïlande Taiwan ou Singapour (voir tableau suivant).

1 Littéralement « tard (mariage et mise au monde) ; espacées (naissances) et peu (nombre moyen

d’enfants par femme) ».

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Tableau tiré de : Jiang L., 2000, op cit., p 23 Cette première période de réformes malthusiennes en RPC a posé les bases pour

l’instauration de la PEU à la fin des années 1970, Particulièrement parce qu’elle a instauré un contexte législatif favorable à son apparition, et car elle a permis au pouvoir de renforcer graduellement son contrôle sur l’intimité de sa population, à travers les lois sur le mariage, les naissances, la stérilisation…

De 1978 à nos jours : la PEU

En 1978 commence la PEU, qui nous intéresse plus particulièrement. La politique des quotas devenant plus rigoureuse, l’âge du mariage, le calendrier et le nombre d’enfants par couple sont régulés et la plupart des couples ne devra avoir qu’un seul enfant. Ces règles sont toutefois plus souples dans les zones rurales, où deux enfants sont autorisés, et chez les minorités, qui ne sont pas encore concernées par cette politique.

En janvier 1979 est instauré le « certificat de l’enfant unique », mesure incitative qui récompense les parents qui s’engagent à n’avoir qu’un seul enfant : primes mensuelles, gratuité des soins médicaux et de l’école, facilité de logement en ville et attribution d’un lopin de terre supplémentaire à la campagne. Ceux qui signent le certificat et ne le respectent pas sont sanctionnés : remboursement des primes, retenue sur salaire, licenciement, maison saccagée !2

La loi sur le mariage de septembre 1980 arrive à la suite de la publication de résultats de recherches par un groupe de scientifiques dirigé par Song Jian dans Le Quotidien du Peuple, en mars 1980, et sont approuvés par le Parti. Song préconise une politique drastique : passer de « conseiller un enfant » à « n’en autoriser qu’un ».

Cette loi rend obligatoire la pratique de la limitation des naissances. La volonté du Parti de renforcer le contrôle légal des naissances s’exprimera à nouveau deux ans plus tard, dans la nouvelle Constitution de la RPC qui stipule, dans son article 49 : « Le mari comme la femme ont le devoir de pratiquer le Planning familial ».

Beaucoup de questions furent posées sur les résultats de ces travaux, qui ont amené le « péril démographique » dans l’esprit des autorités. Quelle fiabilité accorder à ces résultats ? Sur quels éléments s’est basé le groupe de Song ? Pourquoi le gouvernement a-t-il soudainement cru à l’existence d’un péril démographique ? N’y avait-il pas d’autres alternatives ? 2 Qiang Zhang-Françoise Chabert, Naître en RPC, des résistances à la PEU

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En 1991, constatant que la politique des quotas était très peu observée dans les zones rurales, le Parti décide que les cadres administratifs locaux seront tenus pour responsables de la réussite ou non de la PEU, et seront punis dans le cas d’un échec. Pourtant, cela est insuffisant pour contrer les résistances de la population rurale, qui va alors, avec le soutien tacite des autorités locales, déclarer un nombre de naissances inférieur au vrai nombre de naissances, créant ainsi une nouvelle catégorie de population, les « enfants au noir » (han feizi), qui du fait de leur absence de statut légal, ne pourront ni aller à l’école, ni se faire soigner dans les hôpitaux publics. Heureusement, les administrations locales, voyant l’ampleur du phénomène, ont parfois accepté de régulariser la situation des enfants tout en accordant l’impunité aux parents fautifs (e.g. : dans les années 1990, plus de 70,000 enfants ont été enregistrés, lors d’une gigantesque amnistie3).

Le 1er Janvier 1999 est mise en place la réglementation sur les mingong, la population flottante, celle-ci a pour but de raffermir le contrôle de la Planification de la limitation des naissances (PLN). Toute une série de régulations incluses dans la précédente visent entre autres à inciter les mingong à adhérer à la PLN, afin d’avoir une meilleure emprise sur la situation des migrants à l’arrivée ou au départ. Malheureusement, elle ne sera que peu respectée.

Finalement, le premier janvier 2002 sera mis en force le texte validant la loi de l’enfant unique sur le territoire chinois, qui asserte aussi que : «la pratique de la planification des naissances est la politique fondamentale du pays ».

Depuis, la tendance est à l’assouplissement des règles sur l’enfant unique, à travers l’augmentation du nombre d’enfants autorisés à la campagne, les ruraux représentant 80% de la population, et la possibilité pour les couples en ville dont les deux membres sont des enfants uniques d’avoir deux enfants.

Maintenant que nous avons vu comment cette politique s’inscrit dans la (presque ?) continuité des PLN de la RPC, il reste tout de même deux questions ; quelle a été l’application de cette politique, et quels ont été ses résultats ? Bilan de la PEU de 1978 à nos jours Son application :

En ville, la PEU se répand assez rapidement à travers la plupart des couches de

population. En effet, les technologies sont souvent utilisées pour gérer les données à propos des femmes travailleuses : le calendrier du cycle menstruel des femmes est informatisé, et celles-ci subissent des examens réguliers, pour vérifier qu’elles ne sont pas tombées enceintes. Cependant, il suffit de changer d’employeur et de lieu pour que les grossesses ne soient plus contrôlées : le développement et la réorganisation de l’économie chinoise ont fait perdre du poids aux unités de travail, et il devient de plus en plus facile de trouver un nouvel emploi. Néanmoins, la dureté de la vie causée par les salaires très bas et les logements « en boîte à sardines » facilite l’application de la PEU.

A la campagne, la PEU ne fut quasiment pas appliquée, et ne l’est toujours pas. Les travaux des champs nécessitent de la main-d’œuvre, et cette limitation n’est pas acceptable par les paysans, qui verraient là disparaître leur principal soutien. De plus, si elle était appliquée, cette politique créerait un déficit de plus pour les agriculteurs, qui sont déjà privés d’une partie de leur progéniture, émigrée en zone urbaine (principalement les filles) 3 Pascal Rocha da Silva, La PEU en RPC

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afin de trouver un emploi mieux rémunéré. Les habitants des zones rurales, déjà privés d’un soutien moral, psychologique et financier ne peuvent pas se permettre,-il en dépendrait de leur survie-, de respecter cette politique, quitte à enfreindre la loi.

Les 55 minorités ethniques reconnues ne sont généralement pas souvent contrôlées, celles qui sont nomades ou paysannes peuvent avoir 3 enfants ; au Tibet, il n’y a aucun contrôle, bien que les mêmes règles soient applicables.

Des résultats mitigés… L’état chinois annonçait en 2005 que la PLN avait permis d’empêcher plus de 400 millions de naissances.4 Toutefois, le chiffre réel semblerait sensiblement inférieur, à cause de la négation de l’impact du développement socio-économique, et des millions de naissances non déclarées. Mais à quel prix s’est faite cette limitation des naissances ? Quelles ont été les répercussions de cette politique sur la femme, première touchée par les mesures de prévention ? Quel a été l’impact sur la société chinoise ?

II-Les conséquences de l’application de cette loi Au-delà de ses premiers objectifs, la PEU en RPC a eu bien d’autres impacts sur la société.

Nous allons maintenant examiner ses conséquences sur la femme chinoise, puis les dommages

causés au reste de la société.

(a) : Conséquences pour la femme Chinoise

Statut de la femme avant la politique en RPC

Dans la tradition chinoise, la société est organisée selon le système patrilinéaire. Ce système prend

son origine dans la montée en puissance du Confucianisme, qui sous la dynastie des Han (-206 avant

JC/220 JC) est devenu la doctrine d’Etat. Cela a renforcé la pratique du culte des ancêtres, le devoir

de piété filiale et le patrilignage. Le statut de l’homme s’en trouve renforcé, car il est le seul à pouvoir

effectuer le culte des ancêtres. En effet, « le sang des ancêtres ne coule que dans les veines du fils ».

Ces pratiques sont restées « doctrines d’état » jusqu’en 1912.

Par ailleurs, la famille chinoise est organisée selon le modèle du feedback, selon lequel les fils vont en

quelque sorte servir d’assurance vieillesse à leurs parents. La fille n’y Participe pas, car elle n’est que

de passage, effectivement, à la suite de son mariage, elle rejoindra la famille de son époux. En outre,

le fils apporte à la famille : « la bru, la descendance et la terre »5, alors que la fille est considérée

comme un investissement perdu : « éduquer une fille, cela revient à arroser le champ de son

voisin »6.

D’ailleurs, on retrouve cette inégalité des sexes dans la manière dont on écrit les caractères homme

et femme. Le caractère homme (男 : nan) représente le champ et la force, symbole de prospérité

5 ATTANE Isabelle, 2002 ; La RPC au Seuil du XXIe Siècle : Questions de Population , Questions de

Société ; Paris ; INED 6 ATTANE Isabelle ; 2005 ; Une RPC sans femmes ? ; Paris ; Perrin

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dans le monde paysan7, alors que le caractère femme (女 : nu) est un idéogramme dérivé d’une

femme à genoux8.

La RPC Maoïste, elle, prône l’égalité des sexes, non pas par la reconnaissance de l’égalité des deux

genres, mais en demandant aux femmes de renier leur féminité afin de ressembler aux hommes.

Néanmoins, de grands efforts sont faits, et de 1950 à 1980, le taux des mortalités maternelles et

infantiles baisse de 90%9.

Le statut des femmes s’était donc amélioré grâce aux communistes, pour permettre qu’elles puissent

prendre part au développement socialiste du pays, mais comment répond-t-il à l’application parfois

rude de la PEU.

Conséquence de cette politique sur le statut/bien-être de la femme Chinoise Les réformes Dengistes renforcent la tradition du patrilignage, à cause de la

résurgence des gouvernements traditionnels à l’échelle du village, malgré les lois encourageant le matrilocalisme. Avec l’annonce du péril démographique, la PLN devient la priorité nationale.

Bien que parce qu’elles leur permettent d’avoir plus de temps, les PLN aident les femmes, elles sont plus affectées par elles qu’aidées dans leur lutte pour l’égalité.

Malheureusement pour les femmes Chinoises, le Parti pense que la reproduction n’est pas principalement une affaire d’homme. Ainsi, le sentiment d’urgence pousse l’état à justifier la coercition et à négliger la santé des femmes, qui passe au second plan dans la mise en œuvre de la PLN. En effet, les avortements forcés se font par milliers, comme le dit Isabelle Attané dans son livre Une RPC sans femmes. Un nombre important de ces avortements fut effectué sur des femmes en état de grossesse avancée, au-delà de 6 mois, dans des conditions d’empressement, dues à la pression du Parti sur les cadres, durant les campagnes d’avortements de masse, dans les années 80, durant lesquelles plusieurs millions d’avortement eurent lieu. Les stérilisations touchent surtout les femmes : les hommes sont assez réticents, du fait de la perte de force vitale et de libido, ce qui explique que 90% des stérilisations concernent uniquement les femmes, alors que la vasosectomie, stérilisation des hommes, est beaucoup moins dangereuse que la ligature des trompes.

Les femmes souffrent donc physiquement, mais aussi psychologiquement. En effet, si le premier enfant qui naît, et qui restera donc le seul si la PEU est respectée est une fille, elle risque d’être discriminée ou isolée, parfois même agressée verbalement par sa belle-famille, alors privée de progéniture mâle, et donc privée aussi du culte des ancêtres. Par ailleurs, beaucoup de petites filles ont souffert de la PEU. Isabelle Attané remarque que la mortalité infantile féminine est très supérieure à celle des garçons chez l’ethnie Han, où le Confucianisme et donc la nécessité du culte des ancêtres font loi. Selon elle, celle-ci est la conséquence d’une négligence, volontaire ou non, de la santé des petites filles. Certaines sont parfois même appelées « pourvu qu’un garçon suive » !

L’eugénisme fut aussi ouvertement prôné par le Parti, mettant encore plus de pression sur les mères d’enfants handicapés ou « déficients ». On retiendra le cas d’une

7 Wenlin, software for learning RPCse, 2006

8 RPCse writing and culture, site de la Hong Kong university of science and technology.

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mère dont la fille, née avec un bec-de-lièvre, lui fut enlevée avant même qu’elle ne la voie, sa peau utilisée pour soigner les blessures d’un brûlé.

Enfin, les Chinoises rurales sont 66% de plus à se suicider que les hommes, ce qui reflète bien leur mal-être; elles possèdent un des taux de suicide les plus élevés de la planète.

Mais les effets néfastes de cette politique ne s’arrêtent pas à la femme, et touchent aussi les petites filles, les hommes ainsi que la famille.

Conséquences de la PEU sur le reste de la société Conséquence 1 : « un garçon ou une fille, c’est pareil, mais un garçon c’est mieux »

En RPC, la mortalité infantile féminine est très élevée par rapport à celle des garçons. En effet, dans un contexte de basse fécondité, les petites filles ne sont pas forcément les bienvenues, surtout dans une société qui donne plus d’importance aux garçons plutôt qu’aux filles.

La principale raison de cette forte mortalité est généralement une négligence des parents vis-à-vis de leur petite fille, principalement à la campagne. Les mères ont parfois même tendance à allaiter moins longtemps leurs filles que leurs garçons. Mais pire encore, l’abandon de bébés filles. Cet abandon, très répandu, est en fait un infanticide différé : si le bébé a la chance de survivre jusqu’à être trouvé, il se retrouvera probablement dans un orphelinat, où ses chances de survie sont minimes : 90% des enfants y meurent.

Pour finir, il ne faut pas oublier les avortements sélectifs, qui favorisent grandement la naissance de garçons, et qui expliquent le ratio garçons/filles très élevé que l’on peut constater en RPC : 117 garçons pour 100 filles.

Les petites filles sont donc très mal loties, par rapport aux garçons, c’est pourquoi la RPC se masculinise. Actuellement, le déficit est de 30 millions de femmes, et tend à s’agrandir dans les années qui viennent. Conséquence 2 : L’augmentation dangereuse du nombre de Guang guan

Le manque de femmes sur le marché matrimonial a créé une nouvelle catégorie de population, les guang guan, ‘branches nues’ ; ce sont des hommes condamnés à ne pas prendre femme. En général, ceux-ci viennent des catégories sociales pauvres, car les femmes, qui ont maintenant la possibilité de choisir, ne s’en privent pas, et ont tendance à moins se marier avec les hommes moins riches qu’elles. Les chercheurs estiment que 12 à 20% des hommes nés avant le 21e siècle sont dans cette situation. D’après les recherches de Andrea den Boer et Valérie Hudson, ces hommes seuls, étant insatisfaits et désavantagés dans la compétition socio-économique, trouveraient satisfaction dans le crime, le vice, la violence. Ces activités leur permettraient d’acquérir les ressources qui leur permettraient de rentrer dans une compétition plus égalitaire. Quand on sait que la dernière pénurie de femmes provoqua une rébellion : celle de Nian, causée par 100,000 guang guan, sous la dynastie Qing, qui causa une dévastation économique considérable et affaiblit sérieusement le pouvoir, on se doit d’être effrayé par les possibles conséquences d’une même situation aujourd’hui, avec environ 23 millions de guang guan.

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Conséquence 3 : répercussions sur la famille Le phénomène 4-2-1 et les dangers du vieillissement de la population

Ces dernières 60 années, les Chinois ont gagné en moyenne 30 ans d’espérance de vie, ce qui est énorme. Combinée à une baisse de la natalité, cette augmentation de l’espérance de vie risque d’entraîner un fort vieillissement de la population, qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la société chinoise.

Figure 15. - Projection de la proportion de personnes âgées de 65 ans et plus (1990-2050)

Figure tirée de : Li J., La population de la RPC à l’horizon 2050

En effet, actuellement, la prise en charge des personnes âgées à la campagne, mais aussi ponctuellement en ville, est pour la plupart effectuée par la famille, et surtout les enfants. Mais avec une augmentation des migrations des jeunes vers la ville, d’une perte de vitesse du principe confucéen de piété filiale, ceux-ci risquent de voir leurs revenus fortement baisser. Par ailleurs, la démocratisation du système 4-2-1 : 4 grands-parents-2 parents-1 enfant, à cause de la PEU, diminue le montant de « l’assurance vieillesse que les ‘’précédents‘’ peuvent attendre de leurs descendants.

100 millions d’empereurs ! Cette contraction de la famille a aussi un autre effet pervers, situé géographiquement

en ville, cette fois, qui est de créer ce que les Chinois appellent les « petits empereurs ». Ces enfants uniques, gâtés par leurs parents et leurs grands-parents, qui veulent être sûrs que l’enfant sentira l’obligation d’accomplir sa « piété filiale », le gâtent, et cèdent à une grande Partie de ses demandes. Ils deviennent alors égoïstes et irrespectueux de leurs parents. Selon Pascal Rocha da Silva, ils seraient plus de 100 millions à l’heure actuelle ! Dans les grandes villes, on assiste de plus en plus au développement de l’obésité chez ces enfants uniques. Si les auteurs s’accordent sur l’existence de ce changement des comportements des enfants, ils divergent sur la cause. Certains l’attribuent à la PEU, alors que d’autres pensent qu’il résulte de l’influence occidentale.

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Les enfants uniques, parce que tous les espoirs de leurs parents sont portés sur eux, subissent une très forte pression : ils doivent réussir. Ils ont souvent un très grand nombre d’heures de cours par jour, avec des cours supplémentaires tous les jours. L’exemple extrême de cette pression est l’histoire célèbre de Liu Yiting, une fille qui a été « scientifiquement préparée » pour rentrer à Harvard. Ses parents ont par la suite écrit un livre sur leur méthode, qui est devenu un best-seller, et à fait bien des émules.

Conclusion :

Finalement, cette PEU en RPC aura causé bien plus de maux qu’elle n’en aura soignés. Bien que les taux de fécondité aient été réduits partout en RPC, il reste que le bien-être des femmes a été de prix à payer pour arriver à de tels résultats qui de surcroît sont largement contestés. Il est par exemple impossible de pondérer l’impact des changements socio-économiques ont concouru à cette réduction des naissances. Certains auteurs affirment même que plus de 20% des naissances n’ont pas été comptabilisées du fait des résistances de la population et de la corruption des fonctionnaires.

En outre, nous assistons aujourd’hui à toutes ces conséquences de la PEU, qui s’est parfois transformée en politique du fils unique, comme le dit Isabelle Attané. L’augmentation annuelle du nombre de guang guan, signifiant une prochaine pénurie probable de femmes sur le marché matrimonial chinois, combiné à l’expansion du phénomène 4-2-1, et à son impact sur la société et l’économie, sans oublier l’apparition d’une génération de « petits empereurs » sont la confirmation de l’échec de la PEU.

Pour quelques années encore, la RPC va continuer sa croissance économique folle, sortant des millions de personnes de la pauvreté. Toutefois, la question reste de savoir non pas combien de temps encore va durer cette ascension folle de la RPC à l’échelle mondiale, mais plutôt combien de temps les dirigeants Chinois vont-ils attendre avant de remettre en cause les décisions de leurs prédécesseurs, avant d’oublier le cynisme et la langue de bois tant caractéristiques des régimes communistes, avant de penser sérieusement à ces défis qui se dressent comme un mur, de plus en plus haut face au développement de leur pays.