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la porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France 32 Numéro 32 - printemps 2016

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la porte des étoilesle journal des astronomes amateurs du nord de la France

32Numéro 32 - printemps 2016

À la une

Édito

Sommaire5���������������������������������������������������������������������� Observer encore

par Michel Pruvost

8����������������������������������Les filtres interférentiels en astronomiepar Stéphane Razemon

14��������������������������������������������������������������La technologie LEDpar Jean-Pierre Auger

22�����Lumière artificielle et effets sur les rythmes biologiquespar Carine Souplet

26��L’impact de la pollution lumineuse chez les populations d’oiseaux par Émeline Taubert

31������������������������������������������������������������������������������ La galerie

Le ciel du planétarium du Palais de la Découverte

Auteur : Simon LericqueDate : 21/11/2015Lieu : Paris (75)Matériel : APN Canon EOS 7D et objectif Peleng 8mm

GROUPEMENT D’ASTRONOMESAMATEURS COURRIEROIS

Adresse postale

GAAC - Simon Lericque12 lotissement des Flandres62128 WANCOURT

Internet

Site : http://www�astrogaac�frE-mail : simon�lericque@wanadoo�fr

Les auteurs de ce numéro

Séphane Razemon- Membre du CARLE-mail : srazemon@gmail�com

Émeline Taubert - Membre du GAACE-mail : emeline�taubert@gmail�com

Jean-Pierre Auger - Membre du GAACE-mail : francoise�auger95@wanadoo�fr

Michel Pruvost - Membre du GAACE-mail : jemifredoli@wanadoo�frSite : http://cielaucrayon�pagesperso-orange�fr/

Carine Souplet - Membre du GAACE-mail : carine�souplet@free�fr

L’équipe de conception

Simon Lericque : rédac’ chef tyranniqueArnaud Agache : relecture et diffusionCatherine Ulicska : relecture et bonnes idéesFabienne Clauss : relecture et bonnes idéesÉmeline Taubert : relecture et bonnes idéesOlivier Moreau : conseiller scientifique

2015 était estampillée ‘‘Année mondiale de la lumière’’� Cet ‘‘événement’’ était source d’appréhension pour nous autres astronomes��� Certes nous étudions la lumière provenant du Soleil, des étoiles, des galaxies, bref du ciel, mais nous fuyons celle que nous créons, artificielle, pour éclairer la Terre mais aussi et souvent, pour la projeter vers le ciel� Pas de chance, c’est cette deuxième ‘‘lumière’’ qui a souvent été mise à l’honneur toute l’année durant� Cette pollution lumineuse sera le fil rouge de ce numéro spécial, comme un état des lieux de ce qu’elle engendre comme conséquences négatives sur les astronomes, mais pas que��� Aujourd’hui en centre-ville, il n’y a guère plus que dans les planétariums (voir la photographie de couverture réalisée au Palais de la Découverte) où l’on puisse voir des milliers d’étoiles� Pourtant, il ne faudrait cesser d’observer le ciel et de sensibiliser ceux qui ne sont pas encore conscient de la disparition de ce patrimoine universel� C’est aussi un peu l’objectif de ce numéro 32 de la porte des étoiles��� Bonne lecture étoilée !

Édition numérique sous Licence Creative Commons

Retour à Maing

Du 15 au 17 avril prochains, le GAAC sera à la salle des fêtes de Maing pour deux journées d’animations, d’expositions et d’observations��� Venez nombreux !

NAT

Pour le pont de l’ascension, du 5 au 8 mai, de nombreux adhérents prendront le chemin de Tauxigny pour les Nuits Astronomiques de Touraine� Ce sera une première pour le GAAC�

Mercure en transit

Le 9 mai aura lieu un phénomène rare : un transit de Mercure devant le Soleil� Pour l’occasion, l’association Jonckheere recevra le GAAC à l’Observatoire de Lille�

Retrouvez l’agenda complet de l’association sur http://www�astrogaac�fr/agenda�html

• • • • LA VIE DU GAAC

C’était en hiver

Ce sera ce printemps

22ème Nuit Noire du Pas-de-Calais

Observation avec la lunette de Thury-sous-Clermont

Soirée à l’Observatoire de Lille

Visite de l’exposition ‘‘la carte, miroir des hommes, miroir du monde’’

Conférence de Brigitte Zanda et François Colas à Arras

Conférence de Romain Maggiolo à Villeneuve d’Ascq

Conférence de Michel Capderou à Villeneuve d’Ascq

Animations astronomiques au collège de Thumeries

Nuit astro de Grévillers du 11 mars

Nuit Astro de Grévillers du 12 mars

Conférence d’Étienne Klein à Mons

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Les instantanés

Retrouvez la vie ‘‘officieuse’’ de l’association sur la page Facebook : https://www�facebook�com/GAAC62

Le monde est plus beau en trois dimensionsCourrières (62)- 11/12/2015

Michel et son camion de pompierVitry-en-Artois (62) - 10/01/2016

Le Président vous souhaite une bonne année !Bersée (59) - 01/01/2016

Grand ménage après la fêteRadinghem (62) - 09/01/2016

Le GAAC : une monarchie !Radinghem (62) - 09/01/2016

• • • • LA VIE DU GAAC

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Observer encorePar Michel Pruvost

• • • • OBSERVATION

J’ai commencé à observer le ciel en 1975, il y a 40 ans� C’était au lycée dans la ville d’Armentières� La ville était éclairée à cette époque, mais cet éclairage était encore raisonnable et ne parvenait pas à masquer les nombreux objets, nébuleuses et galaxies, que j’ai pu découvrir dans le télescope de 200 millimètres du club� Après une période où ma lunette est restée sagement rangée dans sa boite, j’ai repris le chemin des étoiles au milieu des années 90� Les choses avaient bien changé� Le terme ‘‘pollution lumineuse’’ avait fait son apparition en 1995 et avec lui la conscience de la perte progressive du ciel étoilé� Et depuis cette date, les choses se sont considérablement aggravées� L’éclairage a progressivement rongé les abords des villes, puis des campagnes� En 20 ans, toutes les rues se sont illuminées, les monuments se sont éclairés, les parkings vides, les abords des bâtiments industriels, les façades d’immeubles ne connaissent plus la nuit�

Un état des lieuxIl y a 40 ans, j’observais des galaxies en ville� Il y a 20 ans, j’observais la plupart des objets Messier aux abords de Creil (Oise), j’ai suivi en 1996 la comète Hale-Bopp tous les jours depuis le parking où je garais ma voiture� Il y a 10 ans, quand je me suis installé à Vitry-en-Artois (Pas-de-Calais), je pouvais, depuis la terrasse de la maison, observer M4, faible mais grand amas globulaire du Scorpion� Sans difficulté, je pouvais apercevoir NGC 6207, la petite galaxie à coté

C’était quand même mieux avant !

Mon site d’observation à Vitry-en-Artois

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• • • • OBSERVATION

de M13� Aujourd’hui, après la construction d’un bâtiment administratif et d’une petite cité pour personnes âgées, j’ai bien du mal à voir la constellation du Scorpion� Mais cela ne signifie pas pour autant que j’ai arrêté d’observer, même depuis ma terrasse� Il a bien fallu que j’oublie M4, mais je ne me suis pas résigné à ranger le matériel�

Observer encore et continuer à y croire !

Que voir dans cet environnement si dégradé ? Certes, il faut oublier admirer galaxies et objets faibles à l’oculaire, mais de nombreuses autres cibles restent encore accessibles� Parmi les plus évidentes, la Lune et les planètes� Tous les astronomes le savent, la luminosité lunaire occulte les objets pâles du ciel profond, mais cette luminosité permet à la Lune de ne pas être affectée par les lumières parasites de l’éclairage� On peut donc tout à loisir observer les paysages lunaires� Même la délicate lumière cendrée s’observe parfaitement dans un ciel urbain et ce, quel que soit l’instrument et le grossissement utilisés�

Les planètes sont aussi des astres lumineux qui ne craignent pas les ciels éclairés� Jupiter, Saturne, Mars, Vénus mais aussi Mercure et Uranus sont parfaitement observables en ville� Je ne l’ai pas vérifié mais il semble même que les observations planétaires soient plus favorables en ville, le ciel pollué offrant plus de stabilité qu’un ciel pur de campagne� Enfin, tous les phénomènes liés aux planètes et à la Lune, conjonctions, éclipses, occultations sont tout aussi observables�

Mais que faire si ni Lune ni planètes ne sont présentes ? Les étoiles doubles sont une source intéressante de belles observations� Entre 20 et 30 étoiles doubles sont accessibles avec un instrument modeste par soirée� Certaines sont colorées, d’autres serrées et leur observation procure toujours beaucoup de satisfaction�

Les amas ouverts et les astérismes sont des objets relativement lumineux et beaucoup restent observables dans les ciels urbains� Les Pléiades, M44, M35, les amas du Cocher, le double amas de Persée sont des cibles parfaitement accessibles, là encore dans des instruments modestes� Enfin, quelques objets nébuleux restent à la portée des observateurs comme M31, la galaxie d’Andromède, quelques amas globulaires comme M13, M92, M5, la nébuleuse d’Orion M42�

Observer encore et chercher à aller plus loin !Quand on a la chance - et les moyens - d’avoir un instrument de bon diamètre (300 millimètres pour un télescope ou une bonne lunette d’au moins 100 millimètres de diamètre), il est possible d’observer une autre catégorie d’objets du ciel profond : les nébuleuses planétaires� Une bonne quarantaine est accessible sous nos latitudes� Le secret de leur observation est dans leur forte luminosité par rapport à leur petite surface� On peut donc forcer le grossissement� Cela a pour effet de diminuer la luminosité de la portion de ciel observée et renforce le contraste de la nébuleuse�

Rapprochement Lune-Vénus-Jupiter� Image de Serge Nanni

Albireo, l’une des étoiles doubles colorées les plus observées

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• • • • OBSERVATION

J’ai ainsi pu observer la nébuleuse de l’Oeil de Chat, NGC 6543, en plein coeur de la métropole lilloise� L’instrument utilisé était la lunette de 320 millimètres de l’Observatoire de Lille, avec un grossissement de 700 fois� Autre astuce largement partagée : l’utilisation de filtres� Les filtres UHC et OIII sont particulièrement efficaces sur les nébuleuses planétaires et d’autres comme la nébuleuse d’Orion qui apparait alors dans toute sa beauté�

Observer encore et changerde méthode

Il faut l’avouer, l’observation à l’oculaire s’arrête là mais la technologie permet d’aller beaucoup plus loin et même de s’affranchir complètement de la pollution lumineuse� Dans un ciel fortement pollué par la lumière, un grand problème est la recherche de l’objet� Même si celui-ci est suffisamment lumineux pour être vu à l’oculaire, son pointage reste problématique car, dans tous les viseurs, quelle que soit leur conception - optique, point rouge ou Telrad - la portion de ciel visée reste souvent partiellement ou totalement dépourvue d’étoiles� La solution, c’est l’informatique qui l’a apportée avec le système de pointage numérique Goto� Plus besoin de chercher l’objet, il suffit de pointer deux ou trois étoiles brillantes, et parfois même pas, pour ensuite s’être positionné et lancer le télescope vers les objets à observer�

Et puis, après avoir abandonné le chercheur, on peut aussi laisser tomber l’oculaire� L’imagerie numérique permet, cette fois, de s’affranchir complètement de la pollution lumineuse� Les webcam, les caméras CCD, les

appareils photos numériques permettent, en quelques minutes de poses, de faire apparaître l’objet visé sur l’écran de l’ordinateur. L’adjonction de filtres (Hα, Hβ, OIII, filtres colorés, etc.), des temps de pose plus longs (3 à 4 heures) permettent enfin d’accéder à des objets impensables� Les logiciels de traitement (Iris, Registax, Prism, Autostakkert, etc�) permettent ensuite de supprimer tous les effets indésirables de la pollution lumineuse�

Il ne faut pas croire malgré cela que la qualité du ciel est devenu un paramètre négligeable� Le matériel photo et informatique utilisé en ville est largement sous employé par rapport à ses performances� Observer en ville sous un dôme lumineux est donc possible mais ne peut faire oublier le spectacle extraordinaire d’une nuit loin des lumières�

La nébuleuse de l’Oeil de Chat - Dessin de l’auteur

Un exemple de monture à pointage ‘‘Goto’’

La nébuleuse de la Tête de Cheval - Image réalisée à Oignies par Gervais Vanhelle

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Les filtres interférentiels en astronomie

Par Stéphane Razemon

• • • • TECHNIQUE

Il existe un large éventail de filtres utilisables en astronomie� Ceux-ci peuvent être assez facilement classés selon leur technique de fabrication� Les filtres interférentiels, également appelés filtres dichroïques, représentent la technologie la plus aboutie, permettant de ‘‘sculpter’’ à volonté le spectre lumineux� Ils s’opposent aux filtres par absorption, colorés dans la masse qui sont très utilisés pour l’observation planétaire et lunaire, aux filtres polarisants ou aux filtres à réflexion métallique utilisés pour l’observation solaire�

Les filtres interférentiels, par la grande souplesse de fabrication qu’ils présentent, sont utilisés dans tous les domaines de l’astronomie� Ils accentuent parfois de manière étonnante les contrastes en observation visuelle ou sélectionnent une ou plusieurs longueurs d’onde facilitant largement l’imagerie numérique� La diffusion de ces filtres s’est largement développée depuis une vingtaine d’année� La raison en est simple, ils contribuent avec grand succès à l’atténuation des effets de la pollution lumineuse� Toutefois, cette diffusion est freinée par le gros inconvénient de ces filtres, leur coût, les rendant parfois prohibitif�

En astronomie, on distingue deux grands types d’utilisation, l’observation visuelle et l’imagerie numérique� Dans ce cadre, il faudra donc définir la ‘‘gamme de conception’’ du filtre� Le spectre électromagnétique est très large� Aux bornes du spectre visible on trouvera les rayonnements ultraviolets et infrarouges� Non perceptibles par l’homme, ils peuvent l’être par les capteurs numériques�

L’œil humainL’œil humain perçoit les longueurs d’ondes situées entre 400 et 700 nanomètres� Ce sont les couleurs de l’arc-en-ciel� Toutefois on peut noter quelques différences entre la vision diurne et la vision nocturne� La vision diurne, dite photopique, où les cônes sont utilisés, permet en astronomie l’observation en couleur des objets lumineux souvent regroupés sous le terme de “planétaire”� Le pic de sensibilité est maximal aux alentours de 555 nm, correspondant à la couleur vert-jaune� La vision nocturne, scotopique, utilise les bâtonnets� Elle est beaucoup plus performante dans des conditions de faible luminosité, mais ne permet pas la distinction des couleurs� Le pic de sensibilité est aux alentours de 507 nm soit dans le bleu-vert�

Les filtres visuels sont optimisés pour des longueurs d’onde allant de 400 à 700 nm� Pour les filtres utilisés en ciel profond, les longueurs d’onde privilégiées seront proches du bleu-vert� Ces filtres ne tiennent donc pas compte des longueurs d’onde en-deçà de 400 nm et au-delà de 700 nm� Leur gamme de conception va de 400 nm à 700 nm� Dans un grand nombre de cas, ils ne seront pas utilisables en imagerie numérique�

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• • • • TECHNIQUE

Les capteurs CCD et CMOSLa sensibilité des capteurs d’imagerie, qu’ils utilisent les technologies CCD ou CMOS, couvre une plage spectrale beaucoup plus large que celle de l’œil humain, pouvant aller de 350 nm à 1µm� Les filtres utilisés devront en tenir compte� Certains filtres sont disponibles en deux versions, visuelle et CCD� Ces derniers, plus chers, tiennent compte du domaine spectral situé entre 700 nm et 1µm�

Le spectre lumineuxEn astronomie, on distingue deux types de rayonnements :- le continuum qui est émis par les étoiles� C’est un spectre continu qui sera perçu à l’observation des étoiles, amas stellaires, ouverts ou globulaires, les nébuleuses par réflexion et les galaxies ;- les régions ionisées qui émettent selon un spectre de raies� Les principales sont les raies Hβ 486,1 nm, OIII 495,9 nm et 500,7 nm, Hα 656,28 nm, SII (soufre) 671,6 et 673,1 nm� Sur le schéma ci-contre, ces raies des nébuleuses sont représentées en vert, les raies de la pollution lumineuse en orange et le spectre visuel en grisé�

Quelques notions sur la filtrationLes filtres passe-bas : ces filtres laissent passer toutes les longueurs d’onde inférieures à une valeur donnée� Dans la pratique, ils sont utilisés pour mettre en valeur les longueurs d’ondes inférieures à 400 nm ou au contraire pour couper les longueurs d’onde élevées, supérieures à 700 nm� Ils sont donc essentiellement utilisés en imagerie numérique� Exemples : le filtre UV Vénus qui coupe à 400 nm ou les filtres IR-cut�

Les filtres passe-haut : au contraire des précédents, ceux-ci laissent passer les longueurs d’ondes supérieures à une valeur donnée� Pour les filtres à absorption, ce sont les filtres jaunes, oranges et rouges� C’est également

le cas des filtres IR-pass�

Les filtres passe-bande : ils ne laissent passer qu’une bande spectrale plus ou moins large, mais dont les limites sont nettes� La largeur de cette bande, la bande passante, est exprimée en nanomètres� Elle est également nommée FWHM, Full Width at Half Maximum ou largeur de bande à mi-hauteur� Les limites de cette bande ont une transmission à 50 % de la transmission maximale (voir figure ci-contre)� Dans le cas d’une bande étroite, inférieure à 30 nm environ, on donne la largeur de la raie et la valeur de la longueur d’onde centrale� Exemple : Filtre Hα12 nm, 656 nm�

Le spectre lumineux

Spectre d’un filtre ‘‘passe-bande’’

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• • • • TECHNIQUE

Fonctionnement des filtres interférentiels

Ces filtres sont constitués d’une succession de couches minces déposées sur le verre� Leur principe repose sur l’interférence des réflexions lumineuses successives sur chacun des dioptres rencontrés� La lumière se déplace à travers un matériau à plus faible indice et se réfléchit sur un matériau à indice plus élevé� Les interférences ainsi formées peuvent, selon l’épaisseur des couches, la longueur d’onde et l’angle d’incidence, être constructives ou destructives� La lumière est alors, selon le cas, transmise ou réfléchie�

Les filtres interférentiels sont donc très sensibles aux angles� Cela pourra avoir une grande influence en présence d’un filtre à bande étroite� La moindre inclinaison du filtre dans le chemin optique modifiera ses caractéristiques� Utilisé avec un instrument à grande ouverture relative (F/D = 5 ou moins), il sera confronté aux rayons lumineux proches de l’axe optique à valeur angulaire faible, mais également aux rayons provenant des bords de l’optique ayant un angle très différent� L’effet sera potentialisé pour les objets observables en bord de champ�

Technique de fabrication des filtres interférentielsLa fabrication des filtres se fait par évaporation ou pulvérisation sous vide� Les filtres sont disposés face à traiter vers le bas� Les substances à vaporiser peuvent être des oxydes ou des sels de silicium, d’aluminium, de magnésium, de titane, de tantale ou de zirconium� Une multitude de couches d’indices de réfraction différents et d’épaisseurs précises est progressivement formée� Les nouvelles techniques permettent le dépôt successif de substances différentes sans ouverture de la chambre à vide� Le gain de temps est considérable� L’épaisseur des couches est contrôlée en continu par un système optique interférentiel� Plusieurs centaines de couches sont

parfois déposées sur des filtres complexes ou très sélectifs� Ceci en explique leur coût�

Un filtre, qu’il soit interférentiel ou non, est un élément optique� Sa qualité ne dépend pas uniquement de son spectre lumineux� L’homogénéité de son substrat de verre, la planéité de ses faces, le parallélisme de celles-ci et leur état de surface sont des facteurs importants qui expliquent parfois de grandes différences de prix selon les fabricants�

Schéma des interférences constructives et destructives

Angles optiques

Anatomie d’un filtre interférentiel

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• • • • TECHNIQUE

La pollution lumineuseDe nombreux filtres interférentiels ont pour but, de près ou de loin, de lutter contre la pollution lumineuse� Celle-ci est en grande partie due à l’éclairage public� Depuis les années 1970 cet éclairage est dominé par les lampes à décharge de type vapeur de sodium haute pression� Leur spectre montre les raies du mercure, plusieurs raies du sodium et une large bande centrée sur le doublet du sodium : 589 nm et 589,6 nm (doublet orangé)� Raies principales du mercure : 404,7 nm (violet), 435,8 n (bleu), 546,1 nm (vert), 577 nm et 579,1 nm (jaune), 623 nm (orangé) et 690 nm (rouge)�

Les filtres antipollution lumineuseLes filtres antipollution lumineuse à large bande : nommés également LPR (Light Pollution Rejecter), CLS (City Light Suppression), skyglow, broadband ou deep sky, ces filtres ont pour but de rehausser le contraste du ciel profond en milieu urbain ou suburbain en assombrissant le fond du ciel� Pour cela, ils coupent les principales longueurs d’onde de l’éclairage public, soit les émissions autour des raies du sodium et du mercure� Le spectre laisse donc passer une large bande centrée sur les raies Hβ et OIII� Ces filtres n’étant pas très sélectifs, ils sont plutôt destinés à des instruments de petite ouverture relative qui ne supportent pas une extinction trop importante�

Même s’ils ne sont pas forcément les plus performants, ils ont l’avantage d’apporter une amélioration quels que soient les objets observés, nébuleuses en émission, mais également les objets ayant un spectre continu, champs stellaires, nébuleuses à réflexion, amas ou galaxies� Leur usage en photographie est possible, mais l’équilibre des couleurs n’étant pas respecté, il est limité à l’imagerie monochrome�

Les filtres antipollution nouvelle génération : le but est identique à celui des précédents filtres, mais chaque raie spectrale émise par l’éclairage public est ici individuellement coupée� L’équilibre des couleurs est donc mieux respecté et l’extinction est modérée� Ces filtres sont évidemment plus couteux� Ils sont nommés LPS (Light Pollution Suppression) ou skyglow� Ils peuvent être utilisés en photographie�

Ces filtres ont un spectre très découpé� Ils sont à utiliser prudemment avec des instruments très ouverts� En effet, les rayons lumineux de ces instruments ont des angles d’incidence en moyenne plus importants que pour un instrument de faible ouverture� Les rayons lumineux traversent les couches minces obliquement et traversent donc des distances supérieures� Le spectre résultant est donc décalé vers le rouge� Certains fabriquants proposent une version légèrement décalée vers le bleu de leur filtre� Ils sont optimisés pour les grandes ouvertures�

Spectre d’une lampe sodium haute pression

Spectre du filtre Astronomik CLS

Spectre du filtre IDAS LPS

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• • • • TECHNIQUE

Les filtres UHC : les filtres UHC (Ultra High Contrast) ou narrow band sont plus sélectifs� Ils ne laissent passer qu’une faible bande autour des raies Hβ, OIII et parfois Hα� La pollution lumineuse est donc moins présente� Ces filtres donnent de bons résultats dans un grand nombre de conditions à commencer par l’observation des nébuleuses en émission et des nébuleuses planétaires� En observation visuelle, ces filtres s’utilisent avec une pupille de sortie (diamètre/grossissement) de 1 à 4 mm en ciel pollué ou de 2 à 6 mm en ciel noir� Ils rendent de bons services en photographie couleur pour les nébuleuses en émission�

Les filtres OIII : ils ne laissent passer que les raies de l’oxygène ionisé deux fois, 495,9 et 500,7 nm� Ces filtres très sélectifs ont une bande passante de 3 à 13 nm� Ils sont très performants pour certaines nébuleuses en émission et en particulier les nébuleuses planétaires� Ils améliorent le contraste et accentuent les détails parfois au détriment de l’étendue de l’objet� Ces filtres ont tendance à “éteindre” les étoiles, rendant la mise au point parfois difficile� En visuel il faut les utiliser avec de faibles grossissements et une pupille de sortie de 2 à 5 mm en ciel pollué ou de 3 à 7 mm en ciel noir�

Les filtres Hβ : également très sélectifs avec une bande passante étroite autour de 486 nm, ces filtres sont à réserver aux nébuleuses émettant fortement dans l'hydrogène� On choisira une pupille de sortie de 3 à 7 millimètres en banlieue et de 4 à 7 millimètres en ciel noir� Les meilleurs résultats sont obtenus sur M20, M43, la nébuleuse Californie, NGC2327, IC437, IC417, IC1318 etc�

Au total ce sont les filtres UHC qui donnent le plus souvent les meilleurs résultats� Ils sont suivis des filtres OIII qui sont performants avec une grande pupille de sortie� Les filtres antipollution gagneront toujours à être utilisés dans un site peu pollué� Les résultats obtenus dépendent de plusieurs critères :- la nature de l'émission de l'objet observé (Continuum, raies OIII ou de l'hydrogène ionisé Hα et Hβ) ;- la magnitude surfacique de l'objet� C'est la luminosité d'un objet rapporté à sa surface� Certains objets très étendus sont difficilement visibles� Au contraire, les nébuleuses planétaires, souvent très petites, sont assez facilement perçues ;- la pollution lumineuse� Plus celle-ci est importante plus le filtre devra être sélectif� Les instruments lumineux seront alors privilégiés ;- la luminosité de l'instrument ou pupille de sortie qui dépend de son diamètre et du grossissement utilisé (D/G)� Les filtres très sélectifs nécessitent une grande luminosité ;- l'objet observé gagnera à être proche de l'axe optique�À noter que les filtres UHC peuvent être utilisés à l'œil nu dans un ciel très peu pollué pour l'observation d'objets étendus : North America, nébuleuse Californie, boucle de Barnard, nébuleuse de la Rosette, etc�

Les filtres utilisés en imagerie numériqueLes filtres Hα : ils donnent d’excellents résultats en photographie des nébuleuses, y compris en milieu urbain, mais ils sont totalement inutiles en visuel� Plus la pollution lumineuse est importante, plus la largeur de bande devra être faible�

Les filtres Ha, OIII et SII : ces filtres très sélectifs couvrant les raies Hα 656,3 nm, OIII 495,9 et 500,7 nm et SII 671,6 et 673,1 nm sont utilisés en imagerie pour remplacer les trois canaux RBV et ainsi mieux mettre en valeur les structures des nébuleuses� La grande sélectivité d’un filtre ou le faible diamètre d’un instrument pourront être compensés par une augmentation du temps de pose�

Spectre du filtre Astronomik UHC

Spectre du filtre Astronomik OIII

La porte des étoiles n°32 13

• • • • TECHNIQUE

Les filtres infrarouge ou IR pass : ils ne laissent passer que les longueurs d’onde au-delà de 670 nm et ne sont donc pas utilisables en visuel� De nombreuses caméras sont très performantes dans cette zone spectrale moins sensible aux turbulences atmosphériques� Certaines structures planétaires sont mises en valeur par ce type de filtres�

Les filtres IR cut et UV-IR cut : ils peuvent avoir plusieurs utilités� En visuel solaire, ils protègent l’œil d’un rayonnement trop important� En imagerie couleur, ils permettent l’obtention d’un bon équilibre des couleurs�

Les réfracteurs, qu’ils soient achromatiques ou apochromatiques, ne sont pas corrigés dans les longueurs d’onde UV ou IR� De plus, dans ces zones spectrales, les traitements antireflets des éléments optiques traversés perdent leurs caractéristiques� En imagerie ces instruments bénéficieront d’un filtre UV-IR cut� À l’opposé, les captures dans l’infrarouge seront possibles avec les lunettes munies d’un filtre IR pass à bande passante étroite�

Les filtres RVB CCD : ils sont utilisés avec les caméras monochromes� Des captures successives avec les trois filtres rouge, vert et bleu permettent de reconstituer une image couleur� Ils seront souvent suivis d’une capture avec un filtre UV-IR cut seul laissant passer tout le spectre visible et qui donnera une couche luminance�

Les filtres “Fringe killer”Du fait de la correction incomplète de leurs aberrations, les lunettes achromatiques gardent un résidu de chromatisme� Les étoiles sont entourées d’un halo bleu-violacé� Les filtres Fringe Killer coupent les longueurs d’onde courtes� La neutralité des couleurs paraît alors améliorée�

Les filtres planétaires et cométaires

Ils sélectionnent certaines longueurs d’onde pour rehausser les contrastes planétaires� Les filtres ultraviolets tels les filtres U-Vénus ou UV-Vénus qui laissent passer les longueurs d’onde inférieures à 400 nm permettent en imagerie la détection de structures dans l’atmosphère de Vénus� Ces filtres ne sont pas à confondre avec les filtres anti-UV, de type passe-haut, utilisés en photographie diurne et souvent appelés ‘‘filtres UV’’� Il existe aussi les autres filtres planétaires,

type Bandmate pour Mars, Booster de contraste, méthane pour Jupiter ou Saturne ou des filtres cométaires, passe-bande où les raies d’émission CN, CII 511 à 514 nm et OIII 495,9 et 500,7 nm sont privilégiées�

Spectre des filtres Baader RVB

Spectre du filtre Astrodon UVenus

La porte des étoiles n°32 1�

La technologie LEDPar Jean-Pierre Auger

• • • • TECHNIQUE

La réduction des dotations de l’État pour les collectivités locales et la réduction de notre pouvoir d’achat nous amènent à rechercher des ‘‘économies durables’’ dans nos dépenses� Cela nous oblige à changer nos comportements en éteignant la lumière quand nous sortons d’une pièce ou en demandant à nos maires d’éteindre l’éclairage public à certaines heures de la nuit car il n’y plus grand monde dans les rues���

IntroductionQuand l’une de nos ampoules ne fonctionne plus, se pose la question du choix de sa remplaçante� Au supermarché, devant l’étalage, notre choix est guidé par deux critères affichés en évidence sur les trop nombreux produits exposés : l’intensité de la lumière fournie par l’ampoule et sa durée de vie� Les lampes LED du début du XXIème siècle offrent des rendements de l’ordre de 150 lumens par Watt� Par comparaison, nos anciennes ampoules à incandescence ne produisaient que 15 à 20 lumens par Watt� Les LED offrent une durée de vie de 50000 heures, soit 5 ans de fonctionnement en continu� Les anciennes lampes incandescentes ne fonctionnaient que 1200 heures, soit une cinquantaine de jours en fonctionnement continu� Ainsi, la puissance électrique et le prix notés sur l’étiquette ne sont plus les seuls critères de choix !

À intensité égale de lumière émise, notre choix se portera souvent sur une ampoule de technologie LED, qui actuellement possède la plus grande durée de vie, même si son prix est plus élevé� Il en est de même pour les communes, qui mettront en première priorité la durée de vie de la lampe, ce qui minimise le coût du relamping grâce à un écart plus grand entre deux actions de remplacement des ampoules sur les lampadaires�

Cet article a pour but de mieux vous faire connaître cette nouvelle technologie de lampes en avançant des réponses aux questions souvent posées� Comment fait-on sortir des particules de lumière d’un semi-conducteur ? Comment les ampoules à semi-conducteurs sont-elles fabriquées ? Quelles sont les différentes caractéristiques de la lumière produite par ces ampoules ? Quels sont les développements futurs pour cette technologie ? La conclusion de cet article attirera votre attention sur les risques d’une mauvaise utilisation de ce type de lampe, car elle peut entraîner des dommages sérieux sur notre santé et pour la vie animale et florale�

Un exemple de lampadaire photovoltaïque autonome équipé de lampes LED, très économique car ne nécessitant plus aucune canalisation enterrée,

d’alimentation ou de télécommande�

• • • • TECHNIQUE

La porte des étoiles n°32 1�

• • • • TECHNIQUE

Faire jaillir la lumière d’un semi-conducteurLED est un acronyme anglais qui signifie en français Diode Électroluminescente� C’est le nom qui est donné à un composant électronique – un semi-conducteur – qui a la particularité d’émettre de la lumière lorsqu’il est parcouru par un courant électrique�

Un semi-conducteur est un matériau dont la conductivité électrique est intermédiaire entre celle des métaux et celle des isolants� Dans un corps cristallin conducteur, les électrons (particules chargées négativement) peuvent se déplacer plus ou moins librement� Dans un corps cristallin isolant, les électrons ne peuvent pas se déplacer� P l o n g e o n s au cœur de la matière d’un semi-conducteur, dans le domaine quantique : les électrons d’un atome sont assujettis à occuper des niveaux d’énergie fixes différents appelés niveaux d’énergie discrets, E1, E2, E3, etc� Ils définissent leur couche électronique K, L, M, etc�, c’est-à-dire leur éloignement par rapport au noyau de l’atome� Les électrons internes occupent les premières couches� Ils sont très énergétiques et sont très fortement liés au noyau�

Les électrons de valence situés en périphérie occupent la couche la plus externe� Ils sont peu énergétiques et sont peu liés au noyau� Cette couche de valence, quand elle est stable, ne peut jamais comporter plus de 8 électrons� Quand elle en comporte moins, elle devient instable� La cohésion entre les atomes qui forment un corps cristallin est assurée par la mise en commun de leurs électrons de valence� Ils forment alors des liaisons covalentes�

Un électron dont l’énergie est située en-dessous de la bande de valence sera lié à l’un des atomes du cristal� Un électron dont l’énergie est située dans la bande de valence sera commun à plusieurs atomes du cristal�

La bande d’énergie située au-dessus de la bande de valence est appelée ‘‘bande de conduction’’� Un électron dont l’énergie se situe dans la bande de conduction circule librement� Dans un corps cristallin, du fait de l’interaction des atomes entre eux, les couches et les niveaux d’énergie possibles pour les électrons sont semblables à des bandes d’énergie séparées par des bandes interdites� Les électrons comblent par priorité les bandes d’énergie les plus faibles� La conduction électrique résulte du déplacement des électrons entre chacune des bandes permises, c’est-à-dire des bandes situées entre deux bandes interdites� Chaque type de matériau

Atome de silicium avec quatre électrons de valence

Atome de silicium en association avec les quatre atomes voisins pour obtenir 8 électrons sur sa couche de valence� La couche de valence est saturée�

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comporte une hauteur de bande interdite qui lui est propre� La répartition des électrons dans ces différentes bandes obéit aux lois de la thermodynamique statistique� Au zéro absolu, les électrons occupent les niveaux de plus basse énergie�

Dans les corps isolants, les bandes d’énergie les plus faibles sont entièrement pleines et les hauteurs de bandes interdites sont grandes (supérieure à 9 eV)� Dans les corps conducteurs, la dernière bande occupée n’est que partiellement remplie et la conduction électrique par échange d’électrons peut se faire� Pour les corps semi-conducteurs, le taux de remplissage de la dernière bande occupée est soit très faible, soit très important� La hauteur de la

bande interdite est faible (inférieure à 1 eV) et si on apporte une énergie suffisante, la conduction électrique par échange d’électrons, bien que faible, peut franchir la bande interdite� L’électron peut alors passer de la bande de valence à la bande de conduction� C’est l’effet photoélectrique, que l’on trouve par exemple dans les capteurs solaires photovoltaïques où le Soleil apporte l’énergie qui est transformée en courant électrique� Mais l’inverse peut se produire et un électron de la bande de conduction peut également passer dans la bande de valence� Dans ce cas, c’est lui qui libère de l’énergie qui peut être dissipée sous forme de chaleur ou d’onde vibratoire (phonons), ou émise sous forme de lumière (photons)� C’est l’effet d’électroluminescence (dans le domaine visible ou non), que l’on trouve dans les LED�

Le mécanisme de recombinaisonVoyons maintenant comment on peut obliger des électrons à passer de la bande de conduction à la bande de valence pour leur faire émettre de la lumière� Dans un cristal, quand un électron quitte sa place, il laisse un trou� Un électron voisin peut donc venir le combler� Mais quand ce dernier part, il laisse également un trou, juste à côté� Autrement dit : le trou s’est déplacé�

Déplacement des électrons de droite à gauche - Déplacement des trous en sens opposé, de gauche à droite� Suivant le sens du champ électrique appliqué, il y aura conduction ou blocage� Crédit : le repaire des sciences

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Si l’on pousse les électrons dans un sens grâce à un champ électrique, les électrons libres vont se déplacer de trou en trou� Au final, on peut considérer que le courant électrique est bien un courant d’électrons, mais on peut voir également les trous comme des “porteurs de charge”, en se disant que ce sont les trous qui se déplacent� C’est cela que l’on appelle le mécanisme de recombinaison d’une paire électron-trou�

Pour maîtriser le sens du déplacement des électrons et des trous, les mécanismes de recombinaisons sont contrôlés par dopage du semi-conducteur� Le dopage accroît la conductibilité du cristal tout en permettant le contrôle de sa résistivité électrique (capacité du matériau à s’opposer au passage d’un courant) qui varie entre l’état isolant et l’état conducteur�

Le dopage d’un semi-conducteurLa conductivité d’un semi-conducteur - généralement en silicium - est améliorée en y incorporant des impuretés qui portent le nombre de ses électrons périphériques à une valeur juste inférieure ou juste supérieure aux 4 électrons du semi-conducteur pur� Les atomes de ce semi-conducteur dopé n’auront donc pas 4 mais 3 ou 5 électrons sur la couche périphérique� Les atomes qui ont 5 électrons à la périphérie sont dits dopeurs de type N (N comme négatif)� Les électrons supplémentaires ne participent pas aux liaisons du cristal et circulent librement si on tente d’y établir un courant électrique� Les impuretés utilisées sont le phosphore P, l’arsenic As et l’antimoine Sb�

Le semi-conducteur est dit de type P (P comme positif) si les impuretés utilisées pour le doper (le bore B, l’aluminium Al, le gallium Ga, l’indium In) forment des atomes qui n’ont que 3 électrons à la périphérie� Le cristal est électriquement neutre mais il contient des trous où peuvent se glisser les électrons négatifs des atomes voisins� Pour convertir un signal électrique en signal optique, on utilise une diode constituée de deux composants contiguës : un de type P et l’autre de type N�

Que la lumière soit !Le semi-conducteur produisant de la lumière est fondamentalement un produit de très grande pureté� Mais si on lui ajoute des ‘‘impuretés’’ pour créer les deux catégories P et N accolées, il va générer de la lumière quand il sera parcouru par un courant électrique� La première catégorie d’impuretés conduit à un excès d’électrons (matériau de type N), alors que la deuxième catégorie conduit à un manque d’électrons (trous positifs : matériau de type P)� Si une tension continue est appliquée de telle sorte que la zone N soit négative et que la zone P soit positive, les trous et les électrons se combinent à l’interface et produisent alors des photons� En effet, il faut se rappeler que les électrons qui passent de la bande de conduction à la bande de valence perdent leur énergie en produisant de la lumière� La couleur de cette lumière dépend de la nature du semi-conducteur utilisé�

Parlons couleursEn 1907, l’anglais Henry Joseph Round découvre que les matériaux inorganiques peuvent s’éclairer lorsqu’un courant électrique les traverse� Il publie sa découverte dans le journal ‘‘Electrical World’’, mais sa découverte reste sans suite� Vingt ans après, l’électricien-physicien russe Oleg Vladímirovich Lósev appliquera le principe aux semi-conducteurs et inventera la Diode Électro Luminescente (LED)� En 1955, Rubin Braunstein découvre l’émission infrarouge de l’arséniure de gallium (GaAs), que nous utilisons toujours dans nos télécommandes de téléviseurs et autres objets domestiques� La première lumière rouge visible produite par une LED sera inventée en 1962 par Nick Holonyak et Sam Bevacqua, deux chercheurs de la compagnie ‘‘Général Electric’’� Mais il faudra attendre les années 1970 pour voir apparaître d’autres couleurs : le vert, l’orange et le jaune�

Crédit : le repaire des sciences

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En 1993, les japonais Isamu Akasaki, Hiroshi Amano et Shuji Nakamura de la société Nichia développent la première LED bleue� Elle est obtenue avec des semi-conducteurs InGaN (nitrure de gallium-indium)� La couleur blanche visible devient alors possible, car elle est obtenue par le mélange des trois couleurs de base, le rouge, le vert et le bleu� Ces trois chercheurs reçurent d’ailleurs pour leur invention révolutionnaire le prix Nobel de Physique en 2014 mais la recherche ne paie pas��� L’entreprise Nichia qui avait tiré un énorme bénéfice de cette invention, n’avait rémunéré son employé Shuji Nakamura qu’à hauteur de 147 euros ! Ce dernier se sentant lésé trainera en justice son employeur� En 2004, le tribunal de Tokyo exigea que Nichia Chemical lui paye pour son invention 20 milliards de yens, soit 147 millions d’euros� Ce procès a radicalement modifié les relations entre les entreprises japonaises et leurs chercheurs�

Ce procédé combinant la lumière issue de trois diodes LED revenait très cher� La première LED émettant directement de la lumière blanche sera lancée sur le marché en 1995� Elle sera constituée par l’utilisation couplée d’une LED bleue et d’un luminophore jaune�

Température de couleur et Indice de Rendu des Couleurs

Les professionnels, pour caractériser la couleur de la lumière diffusée par une ampoule, parlent de sa température� Il s’agit en fait d’une échelle comparative entre la lumière diffusée par cette ampoule et la lumière d’un corps noir chauffé� Un corps noir est un piège qui ne peut réémettre aucune lumière qui y est entrée, quelqu’en soit son intensité� La lumière y est piégée comme dans une cavité dont elle ne peut sortir� En chauffant ce corps noir, on s’est aperçu que celui-ci émet une lumière, dont la couleur et l’intensité dépendent uniquement de la température de chauffe, indépendamment de tous les autres paramètres (pression, nature du gaz, etc�)� Ainsi quand on chauffe un corps noir à 2800 Kelvins, il émet une lumière visible de couleur rouge� En augmentant encore sa température de chauffe, l’intensité de la lumière émise devient blanche vers 5500 K car il émet à peu près la même quantité d’énergie dans toutes les longueurs d’onde� C’est à cette température que les couleurs nous semblent les plus naturelles� Puis, si on augmente la température, la lumière devient bleutée� La température de couleur d’une source lumineuse correspond donc à la température à laquelle on doit élever un corps noir pour que celui-ci ait un spectre d’émission superposable à celui de la source de lumière dont on veut déterminer

Spectre de la lumière du jour à midiCrédit : Suisse Énergie Environnement

Spectre d’une lampe fluo-compacteCrédit : Suisse Énergie Environnement

Spectre d’une lampe halogèneCrédit : Suisse Énergie Environnement

Spectre d’une LED type lumière du jour ou Day-LightCrédit : Suisse Énergie Environnement

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la température de couleur� Il faut également remarquer que plus la température en Kelvin d’une lumière augmente, plus celle-ci est ‘‘froide’’ et de teinte bleutée� Inversement, la lumière d’une bougie est pour nous associé à une teinte ‘‘chaude’’, c’est-à-dire jaune, orange ou rouge, alors que sa température est finalement faible�

L’Indice de Rendu de Couleur (IRC) est également utilisé par les professionnels de l’éclairage� Il ne faut pas le confondre avec la température de couleur� Cet indice définit l’aptitude d’une lampe à nous faire distinguer toutes les couleurs� La valeur maximale de l’IRC est de 100 et correspond à la lumière du jour� Cette procédure normalisée a été conçue dans les années 1950 pour pouvoir comparer les lampes fluorescentes et les lampes à décharge utilisées pour l’éclairage public� L’IRC est une moyenne comparative entre 8 couleurs-test normalisées� Cet indice n’est pas adapté aux LED dont le spectre lumineux n’est pas continu� Pour les lampes LED, certains fabricants de lampes ajoutent 7 autres couleurs-test pour définir l’IRC�

La fabrication des ampoules d’éclairage à LEDLa technologie d’éclairage au phosphore se développa au cours des années 1980� Nos écrans de télévision, utilisaient ce procédé d’excitation du phosphore par des radiations UV-bleues� Dans le même temps, la maturité de la technologie ne permettait toujours pas de produire de LED bleues suffisamment performantes pour être commercialisées� Nichia Chemical, une entreprise japonaise de taille moyenne (200 à 300 personnes en 1975) fournissait à ses clients fabricants de tubes pour l’éclairage et d’écrans de télévision, le précieux phosphore� En 1979, Shuji Nakamura fut recruté pour prendre en charge le département Recherche et Développement� Cet homme venait du monde de l’électronique et du semi-conducteur� De 1982 à 1989, il travailla au développement d’une LED bleue suffisamment performante, à base de GaN (Nitrure de Gallium)� En 1993, il fabriqua la première LED bleue assez performante pour être commercialisée� S’inspirant du procédé d’excitation du phosphore par UV couramment utilisée, il réussit à produire la première LED de couleur blanche� Ce fut le point de départ de la technologie LED bleue et phosphore�

Le principe de fabrication d’une LED blanche est relativement simple� Il s’agit d’exciter un phosphore à l’aide d’une radiation UV-bleue, qui va ensuite produire une émission jaune� Une seule partie de l’émission bleue est absorbée par le phosphore de telle sorte que se superposent les deux émissions en sortie de la LED, donnant l’impression d’une lumière blanche� La plupart des LED blanches vendues dans le commerce utilisent un phosphore unique (YAG-Ce)� Le spectre de la lumière émise a une forme très caractéristique, composée d’une émission bleue et d’une émission jaune�

Principe de fonctionnement et spectre d’une LED bleue - Crédit : Laurent Massol

Principe de fonctionnement d’une LED blanche - Crédit : Laurent Massol

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Le principal avantage de l’utilisation du Grenat d’Yttrium Aluminium dopé au Cérium (YAG-CE) est son coût réduit par rapport aux autres technologies au phosphore� Mais son Indice de Rendu des Couleurs n’est pas très bon et ne dépasse en général pas beaucoup plus que 75� Ces dernières années, les fabricants de LED ont ajouté d’autres phosphores au premier phosphore utilisé, afin d’atteindre de meilleur rendu colorimétrique, ainsi que des blancs plus chauds�

L’avenir de la technologie LED2015 est l’année où les tubes fluorescents à LED partent à l’assaut du marché mondial� Depuis 5 ans, l’efficacité énergétique, la puissance lumineuse et l’homogénéité de ce type de lampe ont été améliorées et les coûts ont diminué très sensiblement� La grande complexité pour la fabrication des tubes à LED était la chaleur dégagée par leurs alimentations� N’oublions pas que la chaleur, par son apport d’énergie aux électrons avec l’instabilité des semi-conducteurs, est le premier ennemi des LED�

Aujourd’hui le parc tertiaire d’éclairage français fait figure de mauvais élève comparé à celui des autres pays européens� Selon le syndicat de l’éclairage, plus de 80 % de nos installations de bureaux sont composées de lampes et de luminaires énergivores et obsolètes� Leur remplacement engendrerait une réduction de 50 à 70% des consommations d’énergie, soit une économie globale d’environ 750 euros par m2 et par an ; ce qui correspondrait à la consommation d’un pays comme la Roumanie !

Il parait évident que la contribution au progrès de la technologie d’éclairage par LED continuera dans les années à venir, notamment par le biais des LED organiques (OLED) qui remplacent déjà nos écrans

ultraminces de télévision ou d’ordinateurs� Cette technologie évoluera non pas dans sa capacité à remplacer les technologies concurrentes mais dans son aptitude à créer des applications et des besoins nouveaux� Les OLED peuvent par exemple recouvrir des murs entiers et changer de couleur en fonction de l’alimentation qui leur est fournie� Elles pourraient également révolutionner le monde de l’édition avec des feuilles plastiques souples sur lesquelles seraient téléchargés chaque jour votre journal ou votre magazine… Tout cela ne fait déjà plus partie de la science fiction !

Les dangers de la lumière bleueFin 2010, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (ANSES) relevait les risques inhérents à l’emploi de certaines lampes LED blanches, en particulier chez les enfants âgés de moins de 10 ans dont le cristallin n’absorbe pas les rayonnements des courtes longueurs d’onde� D’autres personnes que les enfants courent également un risque� L’ANSES dénonçait que la trop grande proportion d’ultraviolet dans la lumière émise pouvait entraîner un vieillissement prématuré de l’œil, favorisant la dégénérescence maculaire (DMLA) et ne pouvait être recommandée aux gens opérés de la cataracte avec un cristallin artificiel – sauf s’il est jaune (pseudoaphaques) – et ceux sous traitement photo sensibilisant, ainsi que les professionnels exposés à de fortes intensités de lumière (électriciens, éclairagistes, gens du spectacle, chirurgiens)� Je pense qu’il est inutile ici de rappeler que la cause principale des carcinomes (cancers de la peau) est l’exposition aux UV�

La technologie OLED permet la création de formes nouvelles pour nos objets quotidiens – Crédit : Samsung

Alimentation extérieure remplaçable pour tube fluorescent à LEDCrédit document : Charlie Szoradi�

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En septembre 2013, l’ANPCEN (Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturnes) n’hésitait pas à écrire dans ses dossiers de presse que pour des raisons économiques tous les lampadaires de France équipés de LED, l’étaient avec des LED blanches, fortement émettrices d’ultraviolet� L’augmentation de la présence des UV dans la pollution lumineuse est très nocive pour notre faune� Par exemple, les scientifiques n’excluent pas l’influence des UV dans la disparition de nos amphibiens� Et pour nous alerter sur ces effets nocifs, rappelons-nous que les UV sont couramment utilisés pour stériliser notre eau de consommation en substitution du chlore…

L’augmentation des UV dans la pollution lumineuse peut inhiber la croissance de la plupart des plantes vertes� Toute perturbation de l’équilibre des espèces végétales peut avoir de graves conséquences, car tous les organismes vivants y sont interconnectés� Les végétaux forment la base de la pyramide alimentaire, préviennent l’érosion du sol, réduisent les pertes hydriques, sont les principaux producteurs d’oxygène sur la planète et sont le principal puits de séquestration du dioxyde de carbone qui provoque l’augmentation de la température sur Terre par effet de serre�

On voit sur la courbe de l’image de gauche ci-dessus que la lampe LED blanche type ‘‘Lumière du jour’’ ou Day-Light émet près de deux fois plus dans les fréquences du bleu que dans les fréquences du rouge… Le rayonnement ultraviolet est nocif et nous ne devons pas oublier qu’une lampe LED a une luminance 1000 fois plus élevée qu’une lampe incandescente classique� Donc, à puissance égale, elle émettra deux mille fois plus d’ultraviolet ! Dès cette année, Les lampes LED seront les seules lampes encore autorisées, avec les ampoules fluo-compactes et certains halogènes� La France a bien rendu obligatoire en 2013 l’indication de la classe de risque des lampes à LED sur leurs emballages mais ce sont les fabricants qui définissent eux-mêmes ce risque et la plupart des LED proviennent des pays de l’Est, de Chine ou du Sud-Est asiatique, sans aucun contrôle de qualité certifié� Selon le législateur, cela devrait suffire pour nous rassurer…

Alors, que faut-il faire ?Doit-on cependant être opposé à l’utilisation des lampes LED ? Bien sûr que non� Ce serait une grave erreur� Ce serait rejeter et refuser de reconnaître les avancées technologiques que nous apportent nos industriels et nos scientifiques� Il existe des lampes LED filtrées dans les 2200 Kelvin, qui émettent avec les mêmes rendements quantitatifs que les ampoules à LED dites ‘‘blanches’’� Voici par exemple, sur l’image de droite ci-dessus, la courbe spectrale de la lampe LED My Ambiance PAR 20 de 7 W de l’industriel Philips� On voit sur cette courbe que les émissions de lumière dans les fréquences bleues de l’ultraviolet ont été très largement réduites� Il faut tout simplement être vigilent dans ses choix et surtout se tenir informé des avantages et des dangers possibles de cette nouvelle technologie d’éclairage�

Spectre d’une lampe LED type lumière du jour ou Day-Light

Spectre de la lampe LED filtrée My Ambiance PAR 20 de 7 W de l’industriel Philips

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Lumière artificielle et effets sur les rythmes biologiquesPar Carine Souplet

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Du point de vue de l’astronome amateur pratiquant régulièrement son loisir favori, la nuit ne doit pas être consacrée à dormir… Pourtant, c’est bien à ce moment-là que les chances d’avoir un sommeil réparateur

La lumière et le sommeil des français2� % des français déclarent être exposés à l’éclairage public dans leur chambre�

�� % des français déclarent dormir avec au moins un appareil électronique (radio, télévision, ordinateur/tablette) dans la chambre à coucher�

2� % de ceux possédant une télévision et 16 % de ceux possédant une tablette dans leur chambre déclarent laisser ces équipements systématiquement ou de temps en temps allumés toute la nuit�

�2 % des français déclarent dormir avec leur téléphone mobile allumé près d’eux la nuit�

2� % des français dormant avec leur téléphone allumé déclarent être réveillés fréquemment par celui-ci la nuit�

2� % des français déclarent être somnolents en journée�

Source : Sondage Opinion Way ‘‘Sommeil et environnement’’ réalisé pour l’Institut national du sommeil et de la vigilance et la MGEN, 2013

Il est parfois difficile d’éviter les lumières artificielles au moment de se coucher… © International Dark Association Québec

sont les meilleures� Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est inscrit dans nos gènes� Comme pour une immense majorité des êtres vivants, l’activité biologique de l’être humain est rythmée par une horloge interne intimement liée à l’alternance naturelle du jour et de la nuit� On parle d’horloge circadienne ou de rythme circadien, du latin circa ‘‘proche’’ et dies ‘‘jour’’�

L’alternance jour-nuit que nous connaissons est liée à la rotation de la Terre sur son axe, qui réalise actuellement un tour complet en environ 24 heures� Ce cycle, s’il varie progressivement au fil du temps (plus court dans le passé, plus long à l’avenir), a néanmoins toujours existé et lorsque la vie est apparue sur Terre, elle s’est organisée en fonction de lui (mais aussi autour d’autres cycles comme les variations saisonnières, que nous ne développerons pas ici)� Il n’y a guère

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que les organismes vivant là où l’obscurité est permanente (grandes profondeurs, grottes) qui n’en sont pas dépendants�

Chez l’Homme, l’horloge circadienne intervient notamment sur la production des hormones, les capacités cognitives, la puissance musculaire, mais aussi la division cellulaire ou encore la réparation de l’ADN, et bien sûr, le cycle veille-sommeil�

Principaux acteurs du rythme circadien

Le point de départ est notre récepteur à la lumière : l’œil� On croyait jusqu’à un passé récent que les cônes et les bâtonnets, cellules photoréceptrices servant à la fonction visuelle, étaient aussi les responsables de la transmission de l’information lumineuse vers notre horloge interne� Mais ce sont en réalité d’autres cellules présentes au fond de notre œil qui sont en cause : les cellules ganglionnaires à mélanopsine� Outre la régulation de notre horloge, ces cellules sont également impliquées dans d’autres fonctions non visuelles telles que réflexes pupillaires, performances intellectuelles, régulation du sommeil et de la vigilance�

Ces différentes cellules ont une sensibilité différente à la lumière� Les cônes fonctionnent en présence d’une lumière forte (vision de jour) et transmettent les informations de couleur� Les bâtonnets sont quant à eux sensibles aux très faibles luminosités : ce sont ces cellules qui fonctionnent en vision de nuit� Enfin, les cellules ganglionnaires à mélanopsine sont très sensibles aux longueurs d’onde situées entre 480 et 484 nm ; elles sont peu sensibles aux longueurs d’onde inférieures à 440 nm et supérieures à 560 nm� En d’autres termes, elles sont très sensibles aux lumières bleues et peu sensibles aux lumières rouges�

Les cellules ganglionnaires à mélanopsine ont pour fonction d’envoyer les informations lumineuses notamment vers le noyau suprachiasmatique, siège de notre horloge circadienne� Cette zone est constituée de deux minuscules lobes pas plus gros qu’une tête d’épingle et a l’étonnante propriété de conserver son activité cyclique si on la prélève du cerveau pour la cultiver in vitro� De plus, un individu qui s’en retrouve dépourvu perd toutes ses rythmicités biologiques, ce qui prouve sa fonction propre d’horloge interne�

En fonction des informations lumineuses reçues, le noyau suprachiasmatique envoie un signal à une autre zone de notre cerveau : la glande pinéale� Celle-ci est le siège de la production d’une hormone très importante pour notre organisme, la mélatonine� Celle-ci est libérée essentiellement durant la nuit (donc, en l’absence de lumière) durant une période d’approximativement 10 heures, le pic se situant à peu près vers 3 ou 4 heures du matin� En journée, sa sécrétion est absente ou extrêmement faible� Les quantités secrétées varient d’un individu à l’autre, mais ce qui est remarquable, c’est que pour un individu donné (non exposé à des facteurs perturbateurs), elles sont très reproductibles�

Le rôle de la mélatonine chez l’Homme est encore imparfaitement connu mais les scientifiques estiment qu’elle est un peu le chef d’orchestre régulant un grand nombre de nos cycles biologiques� Elle intervient notamment sur la pression sanguine, sur la température corporelle, sur la multiplication des cellules, sur le métabolisme osseux ou encore sur le système immunitaire� Le rôle de la mélatonine sur le sommeil passe notamment par la baisse de la pression sanguine et celle de la température interne qui favorisent tous deux l’endormissement, mais aussi par l’inhibition des systèmes d’éveil�

Le rythme circadien est un acteur majeur des cycles biologiques quotidiens chez l’homme� © Université Mc Gill, Canada

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La production d’une autre hormone, le cortisol, est également dépendante de la présence de lumière� Elle agit notamment sur la régulation du métabolisme de plusieurs nutriments : glucides, protides, lipides, mais aussi de l’eau ou encore des ions, et a également des effets anti-inflammatoires et immunosupresseurs� On sait également que le cortisol a un effet sur le sommeil et sur les capacités cognitives� Le cortisol est secrété tout au long de la journée, avec un maximum le matin entre 6 et 8 heures, ceci dans l’objectif notamment d’apporter suffisamment d’énergie au corps par l’intermédiaire de la néoglucogénèse (synthèse de glucose par le foie à partir des réserves internes) au moment de la phase d’éveil� En revanche, la production de cortisol est minimale au moment ou celle de mélatonine est maximale, au cœur de la nuit : elle est donc en opposition de phase avec celle de la mélatonine� Il est admis que pour que le cortisol remplisse pleinement ses fonctions biologiques, la rythmicité naturelle de sa sécrétion doit être respectée�

La lumière, régulatrice et perturbatricePour mieux comprendre le rôle de la lumière dans ces mécanismes, il est important de savoir que l’horloge circadienne du vivant n’est que bien rarement réglée exactement sur 24 heures� Ainsi, chez l’Homme, certains individus ont un cycle un peu plus court (de l’ordre de 23h30) et d’autres un cycle un peu plus long (de l’ordre de 24h30)� En conséquence, cette horloge doit être synchronisée chaque jour par des facteurs externes� Et le plus puissant de ces facteurs régulateurs, c’est la lumière�

Dans le cas où la lumière artificielle est absente, seule la lumière naturelle intervient� Grâce à ses variations quotidiennes, c’est elle qui ‘‘force’’ notre corps à vivre sur un rythme d’exactement 24 heures� Notez d’ailleurs que les variations saisonnières de luminosité ont un effet qui n’est pas anodin : la plus faible quantité de lumière hivernale conduit en général à une moins grande activité de notre part ! Mais alors, que se passe-t-il en présence de lumière artificielle, en particulier lorsque l’obscurité naturelle devrait-être présente ?

La lumière artificielle a aussi ses bons côtés

Utilisée à bon escient, la lumière est aussi un puissant outil thérapeutique dont les médecins savent se servir� On parle de luminothérapie, qui est employée pour atténuer les effets de la dépression saisonnière, liée justement à l’allongement naturelle de la nuit en hiver, mais aussi pour aider les grands voyageurs à mieux se remettre des effets du décalage horaire, pour lutter contre les troubles du comportement alimentaire, ou agir sur certains maladies dégénératives (Alzheimer)� D’autre part, la lumière bleue peut être utile pour lutter contre l’assoupissement au volant lors de la conduite de nuit (par exemple grâce à la couleur de l’écran du GPS)� Une astuce à n’utiliser cependant que de façon exceptionnelle !

Les scientifiques se sont notamment penchés sur la production de mélatonine� En soumettant des individus à de la lumière artificielle durant divers intervalles de temps où cette hormone est en principe naturellement présente dans le corps, ils ont pu établir un puissant effet inhibiteur sur sa sécrétion� Ainsi, notre corps soumis ponctuellement à un éclairement artificiel de 2 500 lux entre 2 et 4 heures du matin voit sa production de mélatonine inhibée à partir du début de l’éclairement� Soumis au même éclairement de façon répétée entre 22 heures et minuit, notre corps décale sa secrétion vers le matin� Si l’exposition à la lumière répétée est effectuée entre 6 et 8 heures du matin, la production de l’hormone sera décalée plus tôt en soirée� Ces expériences ont également permis de montrer que pour avoir un tel effet, la durée d’exposition à la lumière doit être assez longue�

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• • • • SCIENCESLes chercheurs ont également mis en évidence que l’effet perturbateur dépend directement de la nature spectrale de la lumière et de son intensité� Ainsi, la lumière rouge est sans effet, alors qu’une lumière monochromatique bleue (480 nm) a un effet déclencheur même à très faible intensité : elle peut être 100 fois plus efficace qu’une lumière blanche ! Pour cette dernière, l’effet est quasi inexistant pour une intensité inférieure à 10 lux, mais augmente rapidement au-delà (pour mémoire, le niveau d’une pièce éclairée normalement se situe entre 100 et 300 lux)� De manière générale, les études sont encore quelque peu imprécises sur l’intensité minimale que doit avoir la lumière artificielle blanche pour avoir un effet perturbateur� Mais pour ce qui est de la lumière bleue, notamment émise en quantité par les écrans (ordinateurs, smartphones, télévisions…), il est maintenant admis qu’elle a un puissant effet perturbateur même à très faible intensité : une valeur de 1 à 2 lux est suffisante� Enfin, certains moments de la journée sont plus propices pour déclencher un effet perturbateur sur la production de la mélatonine par la lumière artificielle : ce sont les périodes 21h-minuit et 6h-9h� En revanche, la fin d’après-midi (vers 18 heures) semble être la moins propice�

Du côté du cortisol, une étude réalisée en 2010 a montré que chez les êtres humains, l’exposition à une lumière intense (environ 10 000 lux) juste après le coucher du Soleil ou juste avant son lever a pour conséquence de faire diminuer la secrétion de cortisol� De faibles niveaux d’exposition (3 lux) auraient semble-t-il peu d’effets sur l’homme, cependant il ne peut être exclu que d’autres espèces vivantes soient plus sensibles à ces faibles éclairements�

Les conséquencesEn regard de ces différents résultats, on comprend les puissants effets de la lumière artificielle lorsqu’elle vient contrarier le cycle naturel jour-nuit� En perturbant la production d’hormones aux rôles multiples, en particulier la mélatonine, c’est toute une cascade de perturbations qui s’enclenchent dans notre corps� Mais il faut toutefois noter que si la perturbation est ponctuelle, la resynchronisation est également très rapide� En revanche, lorsque les perturbations sont durables, c’est là que les véritables risques s’installent : troubles du sommeil, du métabolisme, de la régénération cellulaire, de l’humeur… Pour augmenter ses chances de rester en bonne santé plus longtemps, il appartient donc à chacun de contrôler son exposition quotidienne aux lumières artificielles et de veiller particulièrement à limiter son exposition aux lumières bleues en soirée�

Sources- Physiologie de l’horloge circadienne endogène : des gènes horloges aux applications cliniques, C� Gronfier, Médecine du sommeil (2009) 6, 3-11, www�sciencedirect�com- Perturbation du rythme circadien du cortisol, Estelle Louiset, Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et nutrition, Vol XIII, n° 3, mai-juin 2009- Mélatonine et troubles du rythme veille-sommeil, B� Claustrat, Médecine du sommeil (2009) 6, 12-24, www�sciencedirect�com- Le rôle et les effets physiologiques de la lumière : sommeil et horloge biologique dans le travail de nuit et posté, C� Gronfier, Archives des maladies du sommeil et de l’Environnement (2009) 70, 253-261, www�sciencedirect�com- Éclairage du 21e siècle et biodiversité, Les cahiers de Biodiv’2050 : Comprendre, Mission Economie de la Biodiversité et ANPCEN, n° 6 – juillet 2015

La comparaison des courbes de mélatonine et de cortisol sanguins chez les individus aux conditions de vie normales (à gauche) et chez les individus travaillant de nuit sous une forte lumière artificielle (à droite) montre la puissance des effets de la lumière sur le corps humain� Source : Perturbation du rythme circadien du cortisol – Estelle Louiset

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L’impact de la pollution lumineuse chez les populations d’oiseauxPar Émeline Taubert

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Pour le petit monde de l’astronomie (en particulier amateur), la pollution lumineuse constitue un véritable fléau: conditions d’observations médiocres, traitements astrophotographiques spécifiques ou supplémentaires… Nombreux sont les désavantages produits par ce type de nuisance� Mais outre ces conséquences ‘‘directes’’ sur notre discipline de prédilection, existent bon nombre d’autres aspects préjudiciables et ce, à différentes échelles� Préjudiciables non seulement pour l’Homme (gaspillage énergétique, rythme chronobiologique perturbé, délinquance facilitée…) mais aussi pour d’autres espèces vivantes (mammifères, insectes…)� Parmi ces dernières, existe un groupe d’animal tout particulièrement menacé par ce type de pollution : ce sont les oiseaux� Touchées de diverses manières, les populations subissent de plus en plus les effets néfastes de la pollution lumineuse et parfois très lourdement d’après les différentes études menées sur le sujet� Mais dans quelle mesure ces espèces sont-elles impactées par la pollution lumineuse ? Quels sont les enjeux ? Existe-t-il des solutions à l’échelle individuelle? Collective ? Voici quelques pistes de réflexion que nous allons exposer���

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient au préalable de redéfinir les choses concernant la pollution lumineuse� Bien que cela puisse paraître fastidieux pour le lecteur déjà habitué à la présentation régulière de cette thématique, il est toujours bénéfique d’avoir quelques définitions à l’esprit, d’autant plus que nous pouvons ici aborder les choses sous deux angles différents� En premier lieu, pour l’UAI (Union Astronomique Internationale), ‘‘il y a pollution lumineuse, pour une région clairement délimitée, quand la luminosité propagée dans le ciel nocturne est supérieure à 10% de la lumière naturelle’’� À cette définition quantitative, peut venir se rajouter une vision qualitative du phénomène via les propos de Verheijen, écologiste néerlandais, pour qui la pollution lumineuse désigne ‘‘les effets néfastes sur la vie sauvage dus aux lumières artificielles’’� Et c’est plus autour de ce second aspect qu’il convient de raisonner pour la suite des choses…

L’oiseau, ce grand voyageurLe phénomène de migration, génétiquement ancré chez les oiseaux au cours de leur évolution et acquis sur des millions d’années d’existence, est responsable du mouvement bisannuel (printemps et automne) de milliards d’individus à travers le globe� Mais à quoi cela sert-il de migrer ? Après tout, il faut de bonnes raisons pour entamer un voyage éreintant de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres, très énergivore… Et c’est justement pour des questions de ressources que les oiseaux migrent vers des cieux plus favorables, plus que pour la recherche de températures clémentes� Ce phénomène, qui contribue à l’expansion des espèces et leur répartition au sein des niches écologiques du globe, reste encore relativement méconnu des ornithologues� Ce qui est en revanche prouvé, c’est l’utilisation du champ magnétique par les migrateurs afin de se guider� D’ailleurs, une expérience consistant à attacher un aimant

Le Pétrel de Barau, espèce endémique de la Réunion, connaît 1000 échouages par an� Ceux-ci sont surtout le fait de jeunes quittant le

nid et qui sont attirés par les lumières côtières�

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• • • • SCIENCES

sur le dos d’un pigeon confirme cette caractéristique puisque l’animal se retrouve complètement désorienté� Mais les oiseaux ne se fient pas uniquement au champ magnétique pour se guider� Pour s’orienter, ils utilisent d’autres sens, tels que l’odorat, mais surtout la vision� Et c’est ce dernier cas qui va tout particulièrement nous intéresser ici puisque des points de repère qui nous sont bien familiers vont être mis à profit� C’est ainsi que l’on peut considérer les oiseaux comme d’excellents astronomes amateurs puisqu’ils utilisent les étoiles pour se repérer (mais ni la Lune, ni les planètes)� Ce paramètre est important à prendre en compte quand on sait que deux tiers des espèces migratrices effectuent principalement leur voyage de nuit� Une fois cette caractéristique mise en exergue, on devine aisément comment la pollution lumineuse peut venir perturber la route migratoire d’un oiseau� À cette altitude, ce n’est pas tant la voûte céleste qui est masquée, mais plutôt des faisceaux lumineux ponctuels et autres halos de lumière qui perturbent leur route� En effet, surtout en cas de conditions météorologiques mauvaises, certaines espèces d’oiseaux ont particulièrement tendance à être attirés par ces ‘‘jets’’ de lumière qui transpercent le ciel, tandis que d’autres semblent au contraire les fuir… Les pièges lumineux sont donc nombreux sur la route migratoire des oiseaux� En voici quelques exemples : les complexes industrialo-portuaires, souvent très éclairés, qui perturbent les oiseaux dans leur route migratoire ; les autoroutes littorales sur-éclairées ; les plateformes pétrolières off-shore qui agissent telles un véritable aimant lumineux� Les exemples sont donc nombreux et les conséquences désastreuses�

Des massacres en sérieLorsque les oiseaux sont déviés de leur trajectoire, ils consomment alors beaucoup d’énergie supplémentaire, essentielle pour achever leur voyage� Dans le meilleur des cas ils terminent leur voyage dans de mauvaises conditions, extrêmement fragilisés, ou au pire, ne le finissent pas��� Mais c’est avant tout la mortalité directe qui est à déplorée, engendrée par la collision avec les bâtiments ou autre� C’est ainsi qu’aux États-Unis, on estime de 100 millions à 1 milliard d’individus (toutes espèces confondues) qui meurent chaque année du fait de ces conséquences� Et même si la récurrence de ce phénomène est plus prononcée lors des périodes migratoires, les pertes restent quotidiennes, et surtout, ubiquitaires ! Et cela ne date pas d’hier, puisque historiquement parlant, nombreuses sont les anecdotes terribles concernant l’impact de la pollution lumineuse sur les oiseaux…

Vous trouvez le chiffre cité précédemment énorme ? Bien que le phénomène soit connu depuis la fin du XIXème siècle (premiers gratte-ciels notamment), les halos lumineux ont accentué leurs crimes à partir des années 50, avec la recrudescence de l’illumination des tours verticales d’aéroports, ou encore des tours de communication de télévision� C’est ainsi qu’entre 1957 et 1995, 120000 oiseaux ont été retrouvés au pied d’un de ces édifices� Les exemples de ce type se multiplient malheureusement et transparaissent au travers d’études spécifiques� En deux nuits, plus de 10000 oiseaux ont été retrouvés morts au niveau de cheminées du Lennox dans l’Ontario, 23000 au total jusqu’à ce que des mesures draconiennes soient prises au niveau de l’éclairage� Outre ces comptages, des études comparatives ont également été menées� C’est ainsi qu’il a été démontré que 83% de cette mortalité pourrait être évitée si des mesures d’extinction étaient prises aux niveaux des vitrages� Le 7 octobre 1954, ce ne sont pas moins de 50000 oiseaux qui se tuèrent à la Warner Robins Air Force Base, une base militaire aérienne des États-Unis, attirés par le faisceau-guide du bâtiment� En 2001, c’est cette fois-ci au niveau du pont reliant le Danemark à la Suède, où l’éclairage, associé au brouillard fit quelques milliers

Une plateforme off-shore illuminée en mer du Nord

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• • • • SCIENCES

de victimes parmi des oiseaux� À côté de ces données réelles, les estimations ne sont guère plus optimistes� Rien qu’en mer du Nord, ce ne sont pas moins de 50 millions d’individus qui réalisent le grand voyage et selon des estimations calculées à partir d’observations de terrain, une seule plateforme pétrolière pourrait à elle seule être responsable de la mort de 60000 individus par an (mortalité directe et épuisement)�

La ville et ses piègesSi les phénomènes de masse paraissent lourds de conséquences de par leur violence apparente, n’oublions pas que quotidiennement également les oiseaux pâtissent beaucoup des nuisances lumineuses, en particulier en ville, et même pour les espèces sédentaires� Effectivement, en milieu urbain, le bruit de fond n’est pas le seul facteur impactant les oiseaux, en particulier les mâles étant obligés de chanter plus forts afin de communiquer avec leurs congénères� Il y a également l’excès de lumière qui joue là encore un rôle négatif sur leur éthologie� C’est ainsi que l’éclairage massif de la ville (bâtiments, phares de voitures, vitrines, signalisation routière…) perturbe le rythme biologique des oiseaux et influence leur comportement de reproduction� Certaines études ont mis en évidence le rôle négatif de l’éclairage nocturne urbain sur la période annuelle charnière pour la survie des espèces qu’est la période de reproduction� Et les conclusions qui en ressortent sont très claires : la reproduction se réalise en ‘‘décalage’’ car la lumière stimule l’activité des organes reproducteurs ainsi que les secrétions hormonales, les mâles chantent plus tôt, ce qui a pour effet de tromper les femelles pour le choix du mâle reproducteur, la période de nidification est elle aussi anticipée, ce qui entraîne un manque de ressources alimentaires pour la jeune progéniture� Et même si certaines espèces semblent être plus sujettes que d’autres à ces influences (pigeon colombin, étourneau sansonnet), aucune n’est réellement épargnée� Toujours sur le versant reproductif, des effets totalement opposés sont également observés� Si chez la poule a été observé un accroissement du nombre de pontes annuelle (également réparti sur toute l’année), un comportement cette fois-ci antiphysiologique est relevé chez l’ocnidème criard qui peut, lors d’une exposition lumineuse de sa couvée, abandonner celle-ci� Le dérèglement biologique interne constitue donc réellement une perturbation physiologique importante chez l’oiseau� Notons qu’il existe aussi une certaine hiérarchisation parmi les oiseaux de ville qui se combine à leur horloge interne� C’est ainsi qu’au printemps, les espèces les plus imposantes physiquement ont tendance à débuter leur chant au lever du Soleil, pour laisser la place aux espèces les plus petites� Le dérèglement hormonal induit par la nuisance lumineuse (sécrétion excessive de testostérone) interviendra ici en provoquant un chant excessif chez le mâle chanteur, et surtout, décalé dans le temps� La lumière les pousse donc à chanter beaucoup plus tôt� À partir de cela, il n’est pas difficile de concevoir le fait que cela perturbe l’activité des oiseaux qui consacrent ce temps d’activité supplémentaire à chercher un endroit à l’abri de la lumière ! Merles noirs ou mésanges bleues : ces espèces qui nous sont si familières et sympathiques subissent

de plein fouet les conséquences de nos propres actes�

Le phénomène lumineux en ville est tel que l’on a pu constater une modification des aires de répartition de certains individus� C’est ainsi qu’à Lille, des groupes d’étourneaux sansonnets attirés par la chaleur des lampadaires ont nettement et purement abandonné la migration� Cet effet attractif (et répulsif) de la lumière est tellement efficace qu’il est d’ailleurs mis à profit pour de mauvaises intentions� C’est en effet le stratagème déloyal utilisé par certains braconniers pour attirer des oiseaux dans leurs filets� À l’opposé, cet effet hypnotique de la lumière peut également être employé dans un processus d’étude et de suivi des populations, à travers le bagage� On

Décalage dans la période de reproduction, temps davantage consacré à la recherche de zones dépourvues de lumière au détriment de la recherche de

nourriture et de la reproduction… Le merle noir fait partie des espèces les plus impactées par la pollution lumineuse - Photo Didier Collin

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comprend à travers ces exemples que pour stopper le phénomène, il n’y a guère d’autres solutions qu’éteindre, même si certains détracteurs diront que des oiseaux accroissent leurs effectifs avec la lumière� Effectivement, si l’on recense des cas où des espèces nichent davantage dans des zones plus éclairées (moineau domestique, mésange charbonnière), en particulier industrielles mais ceci ne concerne que quelques espèces�

D’autres impacts Au-delà de ces conséquences que l’on peut qualifier de directes sur les populations, s’additionnent des effets indirects auxquels on pense moins, mais qui pourtant pèsent lourdement dans la balance pour la survie des individus… Mais quels sont-ils ? Il suffit pour cela d’élargir son champ de vision et de considérer les oiseaux dans leur globalité, c’est-à-dire inscrits dans leur environnement� De manière générale, beaucoup d’espèces (petits mammifères ou insectes) sont nocturnes ou tout du moins présentent un pic d’activité la nuit� Les raisons en sont diverses, avec en premier lieu le moyen de se protéger des prédateurs et a contrario, de trouver des ressources de manière plus abondantes� D’ailleurs, certaines espèces considérées comme menacées semblent mieux s’adapter et trouver les armes nécessaires à leur survie au sein de zones d’ombres� Afin d’illustrer cet aspect, citons les rapaces nocturnes (chouettes, hiboux), véritables chasseurs de la nuit, en attestent leurs adaptations physiques� Habitués à fonctionner dans de très faibles conditions lumineuses grâce à leurs pupilles plus dilatées que la moyenne, ils sont plus hypersensibles que les autres oiseaux face à ces lumières intempestives (il a été constaté une mortalité accrue au niveau des autoroutes concernant les rapaces nocturnes)� En effet, en cas de pollution nocturne, ces rapaces sont éblouis, les perturbant dans leurs actions de prédation et perturbant leur métabolisme mais c’est surtout le manque de nourriture qui les met en péril�

Un autre effet indirect, que l’on peut qualifier de synergique, est le fait que les oiseaux, attirés par les villes particulièrement éclairées (couloirs migratoires au niveau des littoraux et des vallées), subissent les effets de la pollution ‘‘classique’’ (chimique par exemple) présente dans tous les compartiments de l’environnement (air/eau/sol)� Or, il se trouve que ces villes très éclairées sont particulièrement développées en termes d’infrastructures et rejettent souvent des choses dans l’environnement, souvent de manières corrélées� Ce dernier aspect, certes minoritaire, vient tout de même s’ajouter à tout ce qui a été évoqué précédemment pour alourdir encore un peu plus les contraintes qui pèsent sur les oiseaux� Cette urbanisation massive contribue à la fragilité des espèces, d’autant plus qu’au sein des réseaux trophiques, les oiseaux sont souvent tout en haut de la chaîne, ils ont donc tout particulièrement tendance à ‘‘bio-accumuler’’ les polluants (par exemple, les pesticides comme le DDE ou le DDT qui ont pour conséquence la fragilisation et l’amincissement des coquilles)

Vue générale de la pollution lumineuse en Europe� Les zones urbaines sont fortement éclairées�

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issus de diverses sources (agriculture, industrie)� Enfin, le morcellement ainsi que la destruction des habitats naturels ne contribuent sûrement pas à maintenir les effectifs d’oiseaux à leur niveau ‘‘théorique’’… Tous ces aspects se révèlent inquiétants surtout quand on sait que l’IUCN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) tire régulièrement la sonnette d’alarme concernant les oiseaux� À titre d’exemple, ce ne sont pas moins d’un quart des espèces nicheuses en France qui sont inscrites sur sa liste rouge des espèces menacées� Même si ces chiffres sont à prendre avec parcimonie (rien n’indiquant la proportion du rôle négatif de la pollution lumineuse), nous avons vu que d’autres études bien spécifiques et ciblées ont été menées et ce, à différentes échelles, locale à mondiale, afin de démontrer concrètement l’impact de la pollution lumineuse sur les populations d’oiseaux� Force est de constater que la biodiversité aviaire est plus que jamais impactée par les facteurs anthropiques� L’enjeu est tel que depuis 2013 la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) et l’ANPCEN (Association Nationale de Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturnes) se sont associées au sein d’un partenariat� L’objectif ? Développer des actions locales communes� Leurs outils ? Des conférences ou le label ‘‘villes et villages étoilés’’� À l’instar de leurs grandes sœurs ‘‘verte’’ et ‘‘bleue’’, l’ANPCEN tente également de lancer l’idée d’une trame écologique noire dont le but serait d’initier de longs corridors dépourvus de lumière au sein des territoires, notamment suivant l’axe des couloirs migratoires� Dans tous les cas, beaucoup d’autres choses sont à encore à réaliser� Les refuges en ville sont rares, pratiquement toute infrastructure étant soumise à éclairage public : parking, façades, enseignes publicitaires, vitrines� L’idée est ici de faire appliquer le peu de lois existant sur la réglementation de l’éclairage public (voir l’article ‘‘Pollution lumineuse : de la République Tchèque à la France’’ dans le numéro 26 de la Porte des Étoiles), avant d’en créer de nouvelles� Au niveau individuel aussi, tout le monde peut être acteur, éteindre ses éclairages personnels la nuit, contribuer à protéger et défendre la cause des oiseaux en particulier…

ConclusionAu regard des informations citées précédemment, force est de constater que les oiseaux pâtissent des effets de la nuisance lumineuse sur différents plans� Et si nous venons de dresser un constat à la fois alarmant et alarmiste concernant les conséquences de la pollution lumineuse sur les oiseaux, des éléments de réflexion ainsi que quelques démarches plus ou moins concrètes sont également abordés� Et c’est bien cette seconde partie qu’il convient de garder à l’esprit ! Car contrairement à d’autres dangers qui guettent les oiseaux (pollution chimique, destruction des habitats naturels), la pollution lumineuse constitue une problématique bien plus solutionnable (ou tout du moins contrôlable) et ce, à l’échelle locale ou globale� Nous pouvons aisément nous passer de lumière la nuit, même si l’on voudrait nous faire croire le contraire, pour des pseudo-raisons sécurito-économiques� De plus, contrairement à d’autres types de pollution, la photo-pollution peut être endiguée très rapidement, avec une évaluation positive directe sur l’avifaune� Les clefs sont par conséquent à la portée de toutes et tous (élus, particuliers, industriels, législateurs…) afin d’élaborer, acter, coordonner, des projets allant dans le sens de la réduction, voire de l’éradication totale de toute lumière la nuit� Ces mesures, qui seraient de toutes manières indéniablement bénéfiques à tout être vivant sur Terre dont l’Homme, deviennent presque vitales concernant les populations d’oiseaux, déjà soumises à de nombreuses contraintes� Les amoureux du ciel que nous sommes ne pouvons être insensibles à leur sort, eux majestueux êtres vivants ayant colonisé les cieux bien avant nous� D’ailleurs, la petite communauté de l’astronomie y est déjà plus ou moins sensibilisée, c’est pourquoi l’objectif de ce modeste travail était davantage d’interpeller l’esprit collectif, en l’éclairant d’une manière un peu plus ouverte sur le sujet�

Supprimer les éclairages des parcs urbains permettrait de favoriser le développement des ‘‘trames noires’’�

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La galerie

32������������������������������������������������������������������������Une nuit à l’observatoire

35����������������������������������������������������������������������������������� La Lune, toujours

38����������������������������������������������������������������������������������� Belles nébuleuses

42����������������������������������������������������������������������������������������������Ambiances

44����������������������������������������������������������������������������������� La petite dernière

Sommaire

Souvent délaissée, notre satellite naturel offre pourtant de spectaculaires paysages ! Tout un tas de formations géologiques différentes se montrent sous divers éclairages et s’offrent surtout aux astrophotographes avec une grande facilité���

Le Soleil et la Lune se mettent en scène��� Tantôt en plein jour, tantôt en pleine nuit, ou alors au crépuscule� Les deux astres sont souvent les protagonistes de beaux panoramas célestes, situés entre ciel et Terre�

En janvier, quelques heureux élus ont pu accéder à la coupole de l’observatoire de Lille� En plein centre-ville, la Lune est une cible privilégiée qui offre de spectaculaires images à travers la lunette de 33 centimètres de diamètre�

Hiver, été, printemps, automne : chacune des saisons offre des belles nébuleuses disséminées à travers le ciel� Tout au long de l’année, les astrophotographes peuvent ainsi s’adonner à leur sport favori et montrer la grande diversités de ces nébulosités célestes�

• • • • LA GALERIE

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Une nuit à l’observatoire• • • • LA GALERIE

La coupole de l’observatoire est ouverte dans les lueurs du crépuscule - APN Canon EOS 7D et objectif Tokina 11-16 - Lille (59) - 17 janvier 2016 - Simon LERICQUE

La région d’Archimède et des monts Apennins - APN Canon EOS600D, oculaire Hypérion 25mm et lunette 150/1200 - Lille (59) - 17 janvier 2016 - Yann PICCO

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Quelques mosaïques lunaires - Caméra Basler et lunette Jonckheere 320/6000 Lille (59) - 17 janvier 2016 - François LEFEBVRE

• • • • LA GALERIE

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Photo de groupe au pied de la coupole - APN Canon EOS 7D et objectif Tokina 11-16Lille (59) - 17 janvier 2016 - Simon LERICQUE

Le pôle Sud lunaire - Caméra Basler et lunette Jonckheere 320/6000 Lille (59) - 17 janvier 2016 - François LEFEBRE

• • • • LA GALERIE

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• • • • LA GALERIE

Mosaïque d’une Lune gibeuse - Wancourt (62) - 19 janvier 2016Caméra DMK 31 NB et télescope Maksutov Intes Micro 150/1500 - Simon LERICQUE

La Lune, toujours

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• • • • LA GALERIE

Quelques formations lunaires - Wancourt (62) - 19 janvier 2016Caméra DMK 31 NB et télescope Maksutov Inter Micro 150/1500 - Simon LERICQUE

Les environs du cratère Bullialdus

Le cratère Copernic Le Golfe des Iris

Les monts Riphée Platon et les monts Caucase

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• • • • LA GALERIE

Clavius Gassendi

Le Golfe des Iris Herschel

Quelques formations lunaires - Varages (83) - 21 décembre 2015Caméra DMK 41 NB et lunette Televue 76 mm - Fabienne et Jérôme CLAUSS

Fin croissant de Lune et lumière cendrée

Dessin à la craie et pastel à la lunette SBS 60 mm

Hem (59) - 9 février 2016

Philippe NONCKELYNCK

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Nébulosités dans l’amas des Pléiades - 19/08/2015 - Valdrome (26)APN Canon 600D et lunette Skywatcher Esprit 120ED - Gervais VANHELLE

• • • • LA GALERIE

Belles nébuleuses

L’amas des Pléiades

09/01/2016 Chéreng (59)

APN Canon 1000D et lunette 66/400

François LEFEBVRE

La porte des étoiles n°32 3�

• • • • LA GALERIE

La nébuleuse IC 443

28/01/2016 - Oignies (62)

Caméra Atik 383 et lunette Skywatcher Esprit 120ED

Gervais VANHELLE

La nébuleuse NGC 6820

18/08/2015 - Valdrome (26)

Caméra Atik 383 et lunette Skywatcher Esprit 120ED

Gervais VANHELLE

Le coeur de la nébuleuse de la Rosette

16/01/2016 - Oignies (62)

Caméra Atik 383 et lunette Skywatcher Esprit 120ED

Gervais VANHELLE

La porte des étoiles n°32 �0

• • • • LA GALERIE

Les nébuleuses de la Flamme et de la Tête de Cheval - 17/01/2016 - Oignies (62)Caméra Atik 383 et lunette Skywatcher Esprit 120ED - Gervais VANHELLE

La grande nébuleuse d’Orion - 19/01/2016 - Oignies (62)Caméra Atik 383 et lunette Skywatcher Esprit 120ED - Gervais VANHELLE

La porte des étoiles n°32 �1

La nébuleuse de la Bulle11/06/2015 - Oignies (62)

Caméra Atik 383 et lunette Skywatcher Esprit 120ED

Gervais VANHELLE

Nébulosités autour de l’étoile Sadr

13 octobre 2015 - Chéreng (59)APN Canon 1000D et lunette 66/400 - François LEFEBVRE

La Voie lactée dans la constellation de l’Aigle - Lunette Orion 80EDDessin réalisé en juillet 2015 à Mouzens (81) - Philippe NONCKELYNCK

• • • • LA GALERIE

La porte des étoiles n°32 �2

• • • • LA GALERIE

Ambiances

La Lune et le beffroi d’Arras (62) - 20 janvier 2016APN Canon EOS 7D et objectif Canon 35mm - Simon LERICQUE

La porte des étoiles n°32 �3

Soleil et éolienne - Guémappe (62) - 26 septembre 2015APN Canon EOS 7D et objectif Canon 35mm - Simon LERICQUE

Soleil et parhélie - Chéreng (59) - 18 décembre 2015IPhone 5C - François LEFEBVRE

Belles couleurs après le coucher du Soleil - Guémappe (62) - 18 janvier 2016APN Canon EOS 7D et objectif Canon 35mm - Simon LERICQUE

• • • • LA GALERIE

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La petite dernière

On pensait connaitre par coeur notre planète��� Il faut dire que depuis l’avènement de l’ère spatiale, de nombreuses photographies de la Terre ont été produites� Pourtant, le 12 octobre 2015, la sonde américaine Lunar Reconnaissance Orbiter a saisi ce spectaculaire point de vue : une image de cette qualité, pleine d’exotisme, nous n’en avions jamais vu ! On y admire la surface de notre satellite naturel, éclairée de manière très rasante, avec, en fond, notre belle planète bleue� L’horizon et le relief lunaires d’ailleurs, sont aussi bien visibles et ‘‘découpent’’ étonnamment la partie inférieure du globe terrestre�