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LA PROCEDURE DE MEDIATION ET DE CONCILIATION SOCIALE EN BELGIQUE par Monsieur Etienne DELATTRE Premier Conciliateur social, Conseiller au Cabinet de Madame ONKELINX, Vice-première ministre Collaborateur scientifique de l’Université libre de Bruxelles et de l’Université de Liège Ministère fédéral de l’emploi et du travail du Royaume de Belgique

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LA PROCEDURE

DE MEDIATION ET DE CONCILIATIONSOCIALE

EN BELGIQUE

par Monsieur Etienne DELATTRE

Premier Conciliateur social,Conseiller au Cabinet de Madame ONKELINX, Vice-première ministre

Collaborateur scientifique de l’Université libre de Bruxelleset de l’Université de Liège

Ministère fédéral de l’emploi et du travail du Royaume de Belgique

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TABLE DES MATIERES

La procédure de médiation et de conciliation sociale en Belgique

I. SCHEMA GENERAL DU SYSTEME DE RELATIONS COLLECTIVES DE TRAVAILEN BELGIQUE 3

1. Le rôle de l’Etat – Les intervenants institutionnels 32. Les acteurs sociaux 4

2.1 Les organisations syndicales 42.2 Le patronat 5

II. II. LES MODES DE RESOLUTION DES CONFLITS DU TRAVAIL 5

2.1 Le droit belge face au concept de grève ou d’arrêt collectif du travail 52.2 Le concept belge de conciliation et de médiation 6

III. CADRE INSTITUTIONNEL ET LEGAL 7

1. La compétence des commissions paritaires et leur importance 72. L’action des commissions paritaires dans le processus de médiation : la conciliation préalable 83. Les catégories de litiges pouvant faire l’objet d’un recours à la commission paritaire 9

IV. EFFICACITE DU SYSTEME 11

1. Questions de terminologie 112. La comparution devant le bureau de conciliation 123. La formulation de la recommandation du bureau de conciliation et son acceptation par parties 154. La prise de position par le seul conciliateur ou par un groupe de conciliateurs 16

V. LES ROLE DES CONCILIATEURS SOCIAUX ET DES PRESIDENTS DE COMMISSIONSPARITAIRES 17

1. Fonctionnaires de l’État 172. Présidents de commissions paritaires 173. Conciliateurs sociaux 184. L’extension des attributions administratives et la stabilité des missions de conciliation 195. Les conditions de recrutement 216. La nécessité d’une formation permanente 21

VI. EVALUTION GENERALE DU SYSTEME ET PERSPECTIVES D’AVENIR 22

VII LE SYSTEME DE CONCILIATION ET DE MEDIATION BELGE FACE AU DROITCOMMUNAUTAIRE 23

1. La compatibilité du droit belge et du droit communautaire 232. La valeur ajoutée d’une initiative européenne en matière de médiation par rapport 24

au système belge

BIBLIOGRAPHIE 26

* * * * * * * *

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I. SCHEMA GENERAL DU SYSTEME DE RELATIONS COLLECTIVES DETRAVAIL EN BELGIQUE

1. Le rôle de l’Etat – Les intervenants institutionnels

La Belgique a été après l’Angleterre, l’un des premiers pays industrialisés du mondeoccidental. A ce titre, elle a connu les grandes tensions sociales qui ont caractérisé ladeuxième moitié du 19è siècle. Le point de départ est ici comme ailleurs unesituation de confrontation et d’animosité placée sous le signe des grèvesinsurrectionnelles de 1886. En ce temps là, les coalitions de travailleurs étaientinterdites et les systèmes de protection sociale inexistants.

Les pouvoirs publics de l ‘époque voulant susciter la réduction des tensions créèrentdes conseils de l’industrie et du travail qui avaient pour but d’établir des contactspermanents entre les employeurs et les travailleurs. Une des missions les plusimportantes de ces conseils était la conciliation entre les protagonistes. Cependant,du fait du mode de désignation des membres de ces instances, elles n’obtinrent pasde résultats remarquables et tombèrent rapidement en désuétude.

Dès lors, avant 1914, les conflits collectifs de travail se réglaient principalement sur leterrain entre parties selon le résultat du rapport de force.

Les premières tentatives sérieuses d’intervention d’une tierce partie remontent à1919, année au cours de laquelle le Ministre du travail, J. Wauters est intervenu lui-même de manière conciliatrice. Dans une circulaire du 4 mars 1919, il a confié auxinspecteurs du travail une mission de conciliation d’office en cas de conflit ousimplement de menace de conflit.

Le premier intervenant historique dans la conciliation était ainsi désigné. A la mêmeépoque, les premières commissions paritaires furent installées sans statut légalprécis, mais ce ne fut qu’après la période des grèves de 1935 et 1936 qu’ellesexercèrent réellement une action conciliatrice en cas de survenance d’un conflit dutravail. De la sorte, le deuxième intervenant dans la procédure de conciliation s’étaitmanifesté, à savoir l’instance paritaire.

Après la deuxième guerre mondiale, la législation du travail sensu lato, connut undéveloppement sans précédent et les commissions paritaires reconstituéesconformément à l’arrêté-loi du 9 juin 1945 assumèrent d’une manière permanente etsystématique des missions de conciliation dans les principales branches de l’activitééconomique privée.

Les inspecteurs du travail continuèrent pendant un certain temps à jouer égalementles médiateurs de leur côté. Toutefois, il est apparu très vite qu’avec la croissance dela législation sociale, la tâche devenait de plus en plus malaisée. En outre, commel’OIT l’a affirmé dans une recommandation, il y a une incompatibilité fonctionnelleentre le rôle de contrôleur et celui de conciliateur. En effet, le premier rôle estcaractérisé par l’aspect répressif, tandis que l’autre valorise l’attitude du négociateuravec toute la souplesse qu’un tel comportement implique. Dès lors, les deuxpremiers conciliateurs sociaux furent détachés de l’inspection du travail et désignés

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en 1947 par le Ministre Léon-Eli Troclet, dans l’optique de s’occuper des conflits lesplus importants. Par la suite, en 1964, un premier statut spécifique leur fut conféré etleur effectif s’accrut pour atteindre six unités.

Enfin, un cadre défini fut accordé sous la responsabilité du Ministre Louis Major, parl’arrêté royal du 23 juillet 1969 créant un Service de relations collectives de travail etfixant le statut du personnel de ce Service. Cet arrêté était pris en exécution de la loidu 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissionsparitaires qui élargissait encore le champ d’action de ces commissions, notammenten matière de résolution des conflits collectifs par la voie de la conciliation.

Actuellement, le service compte quatre premiers conciliateurs sociaux, treizeconciliateurs et onze conciliateurs sociaux adjoints qui président la plupart descommissions paritaires.

Ainsi, au cours de la période de l’après-guerre, les intervenants institutionnels dansles conflits collectifs de travail étaient définitivement désignés : les commissionsparitaires d’une part et les conciliateurs sociaux, d’autre part.

2. Les acteurs sociaux

2.1 Les organisations syndicales

L’article 3 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail etles commissions paritaires considère que sont représentatives « les organisationsinterprofessionnelles de travailleurs constituées sur le plan national et représentéesau Conseil central de l’économie et au Conseil national du travail ; les organisationsde travailleurs doivent en outre compter au moins 50.000 membres ». Cela signifieque la Belgique accorde la préférence aux organisations syndicales les plusreprésentatives et que la loi leur confère des pouvoirs d’action spécifiques comme,par exemple, la possibilité d’ester en justice et de conclure des conventionscollectives de travail. Cette disposition ne porte aucun préjudice au principe de libertéd’association. Tout citoyen peut fonder une société à laquelle d’autres personnesvont adhérer librement en vue de défendre par exemple des intérêts professionnels.Toutefois, ces dernières associations qui ne seront pas en mesure d’apporter lapreuve de leur représentativité selon les critères fixés par la loi, ne se verront pasaccorder les privilèges qui viennent d’être cités.

L’objectif du législateur belge est évidemment d’éviter l’émiettement des fédérationsde travailleurs et par là même la concurrence et la surenchère entre elles. Cetteréglementation est un élément fondamental de la cohésion du système belge ; letaux de syndicalisation est très élevé (plus de 60%).

Les trois syndicats représentatifs en Belgique sont :1. La Confédération des syndicats chrétiens, membre de la Confédération

mondiale du travail (environ 1.400.000 membres),

2. La Fédération générale du travail de Belgique, membre de la Confédérationinternationale des syndicats libres (environ 1.200.000 membres),

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3. La Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique (240.000membres).

Il faut noter que la CSC et la FGTB sont toutes deux affiliées à la Confédérationeuropéenne des syndicats.

2.2 Le patronat

Quant au patronat, aussi très structuré, les mêmes critères sont d’application, saufpour ce qui concerne les critères quantitatifs. Par contre, les fédérationsd’employeurs doivent faire preuve d’une double représentativité. En premier lieu, il ya l’exigence de la représentativité externe ou générale telle que définie à l’article 3 dela loi. En outre, elles doivent justifier leur représentativité pour une branche d’activitésdéterminée conformément à l’article 42 de la même législation, c’est ce qu’on appellela représentativité interne ou particulière. A titre d’illustration, la fédération qui groupeles employeurs de l’industrie pétrolière ne pourrait évidemment siéger dans l’organeparitaire compétent pour l’industrie alimentaire. La plupart des associationspatronales sont affiliées à la fédération des entreprises de Belgique qui tire sareprésentativité de l’article 3 de la loi précitée et chacune des organisations debranches affiliées à la FEB doit faire la preuve de sa représentativité pour un secteurdéterminé. Une procédure spéciale de reconnaissance est prévue pour lesgroupements qui ne sont pas affiliés à l’organisation interprofessionnelle. Au mêmeniveau, il existe également trois organisations regroupant des petites et moyennesentreprises, une fédération francophone (UCM), une flamande (UNIZO) et ungroupement d’agriculteurs (le BOERENBOND).

II. LES MODES DE RESOLUTION DES CONFLITS DU TRAVAIL

2.1 Le droit belge face au concept de grève ou d’arrêt collectif du travail

La Belgique a ratifié la charte sociale européenne signée à Turin le 18 octobre 1961et approuvée par la loi belge du 11 juillet 1990, et plus particulièrement la dispositionprévue à l’article 6, 4 de la charte selon laquelle les parties contractantesreconnaissent "le droit des travailleurs et des employeurs à des actions collectives encas de conflit d’intérêts, y compris le droit de grève, sous réserve des obligations quipourraient résulter des conventions collectives en vigueur ». Ainsi, le droit de grèvebelge est absolument libre, hormis les limites imposées par la maintenance desservices essentiels. L’arrêt de travail collectif est assimilé par la jurisprudence de laCour de Cassation à une suspension du contrat de travail. Dès lors, même si lagrève n’a pas été signifiée avec un préavis à l’employeur, le droit belge ne comporteaucune contrainte légale visant à ramener les grévistes au travail.

Cela signifie que le législateur belge a privilégié la conciliation volontaire des conflitscollectifs de travail plutôt que l’arbitrage ou même la conciliation obligatoire. Cetteréflexion n'est pas applicable à la délicate question, traitée par ailleurs, desordonnances rendues par les magistrats devant les tribunaux de premier instance

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relative à l'application de droits civils autres que le droit de grève. Par ailleurs, lescommissions paritaires évoquent une procédure d’avertissement avant ledéclenchement d’un conflit dans leur règlement d’ordre intérieur. Il ne s’agit pas làd’une norme contraignante mais d’une sorte de code de bonne conduite que lespartenaires sociaux se sont imposés eux-mêmes. Le gouvernement actuel a soumisau Conseil national du travail une déclaration d’intention destinée aux partenairessociaux interprofessionnels visant à l’adoption d’un projet de loi renforçant lesprocédures de conciliation sans les rendre toutefois obligatoires et en rendant lesjuridictions du travail exclusivement compétentes pour connaître les matièresrelatives au droit de grève ainsi que les plaintes concernant la violation de droitscivils liée aux conflits collectifs de travail. Il s’agit bien entendu des questionsrelatives aux occupations des lieux de travail et au libre accès à ces lieux.

2.2 Le concept belge de conciliation et de médiation

Avant d’esquisser la situation de la conciliation sociale en Belgique, il importe dedéfinir le concept que l’on utilise. En effet, par conciliation sociale il faut entendre uneprocédure de règlements des conflits amiable entre employeurs et travailleurs avecintervention d’une tierce partie neutre. Il se peut que, dans certains pays, laconciliation soit obligatoire et même d’ordre public comme en France devant lesconseils de prud’hommes.

Au contraire, en Belgique, la conciliation des conflits sociaux se déroule toujours demanière volontaire dans le chef des parties au litige. En d’autres termes, il n’existeaucun moyen légal de contraindre un employeur ou une organisation syndicale à seprésenter devant l’instance de conciliation compétente.

Toutefois, il existe dans le système belge des incitants à la promotion de la médiationen cas de menace de litige ou de survenance de celui-ci. De nombreusescommissions paritaires ont prévu dans leur règlement d’ordre intérieur, unedisposition qui invite les parties à saisir le bureau de conciliation dans un délaiindéterminé avant que ne survienne l’échéance d’un préavis de grève. Il ne s'agit pasd’une obligation directement contraignante vu que le président du bureau deconciliation de la commission paritaire ne peut pas obliger les parties à comparaîtrecomme devant un tribunal. L’on ne peut toujours pas parler de conciliation obligatoirecar il s’agit d’une clause dont les effets juridiques peuvent librement être appréciéspar le juge, a posteriori, uniquement s’il y a une individualisation du conflit qui estportée devant lui. Le fait pour l’un des protagonistes de ne pas être venu au bureaude conciliation peut être un élément caractéristique de sa mauvaise foi qui pèseradans les considérants et la motivation de la décision du magistrat.

Cela signifie que le législateur belge privilégie la conciliation et la médiationvolontaire dans les conflits collectifs du travail et qu’il n’y a d’arbitrage du juge quelorsque le conflit prend un caractère individuel en cas de contestation personnalisée(disposition normative individuelle) à propos d’une clause de convention collective detravail, par exemple salariale, ou à propos d’un droit civil comme le droit de propriété(occupation des locaux) ou encore la liberté du travail ou la liberté de circulation(piquets de grève).

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III CADRE INSTITUTIONNEL ET LEGAL

1. La compétence des commissions paritaires et leur importance

La base légale sur laquelle repose le fonctionnement actuel du système deconcertation sociale belge est la loi du 5 décembre 1968 sur les conventionscollectives de travail et les commissions paritaires. Cette législation définit laconvention collective de travail (article 5), les critères de représentativité desorganisations d’interlocuteurs sociaux (articles 3 et 42), les attributions descommissions paritaires (article 38) et la hiérarchie des sources de droit et obligationentre employeurs et travailleurs (article 51).

L’article 38 est le plus important pour ce qui concerne la conciliation des conflits dutravail en ce que les commissions paritaires composées également de représentantsdes organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs pour la branched’activités considérée sont chargées :

� de conclure des conventions collectives de travail ;

� de concilier tout litige entre employeurs et travailleurs ;

� de donner au Gouvernement et à d’autres instances des avis sur des matières quirelèvent de leurs compétences ; et

� de remplir toute autre mission qui leur est dévolue par la loi (par exemple, prendredes décisions de nature administrative relatives à la reconnaissance des motifséconomiques ou techniques justifiant la levée de protection de certainstravailleurs membres des conseils d’entreprise ou encore en matière demaintenance des services essentiels).

Les organes paritaires considérés dans le cadre de la législation de 1968 sont, dansl’ordre hiérarchique :

� le Conseil national du Travail, au niveau national et interprofessionnel ;

� les commissions paritaires, au niveau de secteurs d’activité généralement au plannational ;

� les sous-commissions paritaires, au niveau de certaines parties de secteurs.

Il a été beaucoup disserté à propos de la nature juridique des commissionsparitaires. Qu’il suffise ici de mentionner qu’il s’agit d’organes de droit public crééspar le législateur ayant le caractère d’autorités administratives pour ce qui concernecertaines de leurs attributions. Il est à noter qu’ils ne disposent pas d’unepersonnalité juridique distincte de celle de l’État belge.

Au 1er juillet 2001, il y avait :

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� 104 commissions paritaires, dont 96 constituées ;� 67 sous-commissions paritaires (62 autonomes et 5 non-autonomes), dont 66

composées ;� 5 936 mandats de membres dans ces commissions, remplis par 3 089 personnes

(dont 306 femmes occupant ensemble 504 mandats)11.

Il importe de rappeler que ces commissions paritaires couvrent de leurs activitésl’ensemble du secteur privé de l’économie du pays à l’exclusion de la fonctionpublique. Cela ne veut pas dire que les agents de l’État, au sens large du terme, neconnaissent pas de concertation sociale, mais la législation et l’organisation relativesà cette concertation sont différentes de celles en vigueur dans le secteur privé etdoivent faire l’objet d’une étude particulière. Par contre du fait de la privatisationtotale ou partielle d’une série d’entreprises publiques, certaines d’entre ellesconnaissent un statut hybride. Dans ce dernier cas, le Gouvernement a manifestél’intention de donner l’accès aux formes traditionnelles de la conciliation sociale à cesentreprises (radio-télévision, enseignement libre et par la suite postes, chemins defer et télécommunications), sachant que d’autres institutions comme la compagnieaérienne nationale ou les transports publics par autobus sont déjà organisées dansdes commissions paritaires relevant de la loi du 5 décembre 1968.

Les commissions paritaires et sous-commissions paritaires varient en importanceaussi bien par le poids économique qu’elles représentent que par l’effectif destravailleurs occupés. Ainsi la commission paritaire nationale auxiliaire pour employésvise plus de 300 000 travailleurs et 5 000 entreprises. Elle est exclusivementcompétente pour des employés et des entreprises qui ne relèvent d’aucune autrecommission paritaire pour leur appointés dont les prestations sont de caractèreprincipalement intellectuel. Les grands secteurs traditionnels sont constitués encommissions paritaires : l’industrie chimique, les fabrications métalliques, laconstruction de bâtiments et autres. Il en va de même dans le domaine des servicesoù il existe des commissions paritaires pour les banques, les compagniesd’assurances ou la distribution. De petites commissions paritaires ont aussi étéinstituées pour des professions spécialisées telles que l’horticulture, la coiffure ou lafabrication de vêtements sur mesure. Ainsi toute l’économie privée en Belgique estvéritablement quadrillée par des commissions paritaires.

2. L’action des commissions paritaires dans le processus de médiation : laconciliation préalable

« En plus de leur activité « législative », les commissions paritaires jouent un grandrôle en cas de conflit collectif soit dans une entreprise soit au niveau du secteurd’activité.

1 Ministère fédéral de l’Emploi et du Travail de Belgique, « Introduction au budget du Ministère de l’Emploi et duTravail pour l’année 1998 », Bruxelles, septembre 1997, p. 32-7

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Le bureau de conciliation de la commission paritaire, après avoir entendu les parties,proposera une recommandation en vue d’arriver à une solution qui les satisfasse.Environ cinq cents réunions de conciliation sont organisées annuellement. En casd’échec en bureau de conciliation, le président de la commission paritaire, qui estsouvent en même temps conciliateur social, peut agir seul à titre de conciliateur.

La recommandation du bureau de conciliation ou la proposition du conciliateur vise àobtenir une solution acceptable par chacun qui permettra la reprise des relationssociales et des activités dans un climat plus serein. En aucun cas, le point de vued’une des parties ne sera imposé à l’autre ; une telle méthode risquerait de faire subirà l’un des interlocuteurs une humiliation, ce qui serait préjudiciable au rétablissementd’un bon climat social ».2

Une des spécificités du système belge de conciliation des conflits du travail estd’instaurer un système de conciliation qui n’est pas uniquement contentieux. Bienentendu, le devoir de tout bureau de conciliation et de son président est d’intervenirlorsque le litige est survenu. Toutefois, un nombre de conflits beaucoup plusimportants peut être évité, des malentendus peuvent être dissipés ou encore desavis juridiques peuvent être formulés par les bureaux de conciliation descommissions paritaires. C’est le processus que nous avons appelé la conciliationpréalable. Il faut distinguer la conciliation préalable de la conciliation préventive en ceque ce dernier mode d’action relève plus du rapport d’expertise que de la conciliationpure. En effet, le service britannique de conciliation et d’arbitrage (ACAS) est chargéde conciliation préventive, à savoir fournir à l’entreprise demanderesse un rapportvisant par exemple une organisation plus harmonieuse du travail qui sera susceptiblede réduire les tensions potentielles et d’améliorer les performances du personnel ausein de l’unité de production. Des bureaux d’étude privés sont aussi chargés de tellesmissions.

En Belgique, le système de conciliation préalable consiste pour les parties à solliciterune réunion du bureau de conciliation en vue d’apporter une solution à une tension, àun conflit latent, à une contestation au sein d’une entreprise, d’une branched’activités ou d’une partie de celle-ci. Par exemple, un chef d’entreprise, même nonaffilié à une organisation d’employeurs représentative, une délégation syndicale ou leprésident de la commission paritaire s’il l’estime utile, peuvent faire convoquer lebureau de conciliation alors que le conflit n’est pas déclaré, qu’il n’y a qu’une menacede litige ou même simple divergence de vues (par exemple, pour interpréter uneclause de convention collective de travail).

3. Les catégories de litiges pouvant faire l’objet d’un recours à la commissionparitaire.

2 Defort M., op. Cit., p. 234

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Selon une thèse généralement admise « un bureau de conciliation a unecompétence générale pour toutes les questions susceptibles de porter sur lesrelations entre l’(es) employeur(s) et le(s) travailleur(s). Cette mission de conciliationgénérale n’est limitée que part le fait que l’accord qui peut résulter de la conciliationdépend de la matière conflictuelle et que la procédure de conciliation n’empêche pasde saisir le juge du différend ».3

En exécution de l’article 38, alinéa 2 de la loi de 1968 précitée qui définit de manièretrès générale la mission de « prévenir ou concilier tout litige entre employeur ettravailleurs », le chapitre III de l’arrêté royal du 6 novembre 1969 déterminant lesmodalités générales de fonctionnement des commissions et sous-commissionsparitaires (M.B., 18 novembre 1969) confirme qu’une commission paritaire peut créeren son sein un bureau de conciliation pour prévenir ou concilier tout litige entreemployeurs et travailleurs (article 19) ; en cas de conflit ou de menace de conflit, leprésident est saisi du différend sur l’initiative de la partie la plus diligente (article 21).

Les bureaux de conciliation ont traité toutes sortes de litiges potentiels ou déclarés.Du côté patronal, on aurait aimé éviter les conflits dits individuels pour les porter depréférence devant les juridictions du travail. On les oppose généralement aux conflitscollectifs pour lesquels les bureaux de conciliation sont évidemment compétents. Onentend par conflit du travail ou conflit collectif : des conflits entre un groupe detravailleurs et un ou plusieurs employeurs au sujet de problèmes du travail et parconflit individuel : un conflit entre un travailleur et son employeur à propos du travail.4

Par la notion de problèmes du travail, il y a lieu de comprendre dans ce contexte lesquestions relatives :

� À la position juridique des travailleurs ;

� Aux conditions de travail, à savoir l’ensemble des droits et des obligationsrésultant pour les travailleurs de son contrat de travail ;

� Aux conditions matérielles de travail, à savoir les conditions dans lesquelles letravail est effectué, conditions susceptibles d’avoir une influence sur le bien-êtremoral et physique des travailleurs, par exemple, la sécurité, l’hygiène et lecaractère pénible du travail.

Une seconde ventilation des conflits est dès lors possible :

� Des conflits juridiques concernant le respect d’une règle de droit existante

et

3 Delattre E., «Le rôle des présidents et des conciliateurs sociaux »,Orientations, Ced-Samson, Bruxelles,décembre 1988, n° 12, p. 2604 Delattre E., «Le rôle des présidents et des conciliateurs sociaux », op. Cit., p. 261

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� Des conflits d’intérêts, (qualifiés généralement comme des conflits économiquesau niveau international) concernant la création d’un droit nouveau par lamodification de la règle de droit existante ou par l’instauration d’une nouvellerègle de droit.

Une analyse plus approfondie amène à conclure à ce sujet que la notion de conflitcollectif doit être considérée au sens le plus large du terme et que, dans ce cas, il nedoit même pas s’agir de problèmes du travail proprement dits, mais que le conflitpeut porter sur « un intérêt quelconque que les travailleurs estiment devoirdéfendre ».5

En d’autres termes, les bureaux de conciliation belges se sont vus soumettren’importe quelle question qui était susceptible de provoquer un litige en ce comprisdes tensions purement psychologiques individuelles. C’est ce qui a permis auprofesseur Blanpain de dire qu’en Belgique « practically every kind of conflict can bemade subject to conciliation »6 (pratiquement toute espèce de conflit peut faire l’objetd’une conciliation). Il se peut même que des bureaux de conciliation soient consultéssur des thèmes qui ne feront l’objet d’aucune contestation. C’est notamment le caspour certaines clauses de conventions collectives dont les parties souhaitent voirpréciser la portée et s’en remettent à la connaissance des auteurs patronaux etsyndicaux de ces conventions qui siègent dans les bureaux de conciliation.

Le seul reproche qui pourrait être formulé vis-à-vis de l’action des bureaux deconciliation est qu’ils ont parfois accueilli des requêtes relatives à des sujets quipeuvent paraître futiles pour un observateur extérieur et mobiliser ainsi toute unesérie de personnes pour un motif trivial qu’un simple dialogue au plan de l’entrepriseeût permis de résoudre. Même dans ce cas, le recours à la commission paritairen’était peut être pas inutile car le fait de ne pas arriver à débattre d’une questionsecondaire entre délégation syndicale et direction du personnel prouve que lacommunication et le dialogue à la base ne sont pas bons. Le bureau de conciliationde la commission paritaire peut alors inviter les parties à prendre des mesuresconcrètes pour améliorer le climat des discussions.

IV EFFICACITE DU SYSTEME

1. Questions de terminologie

Considérant que les bureaux de conciliation des commissions paritaires ainsi que lesconciliateurs sociaux, lorsqu’ils agissent seuls, se prononcent par voie derecommandations sont respectées et suivies d’effets sur le terrain. Rappelonségalement que le système belge est fondé sur la conciliation volontaire, requérant

5Commission des Communautés européennes, «Prévention et règlement des conflits collectifs de travail dans lespays membres de la Communauté »,Luxembourg, 1984, p.9

6 Blanpain R., «Prevention and settlement of collective labour disputes in the E.E.C.-Countries »,Industrial LawJournal, Partie II, septembre 1972, p. 151

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l’adhésion de tous les acteurs en présence, et non sur l’arbitrage qui impliquel’exécution d’une sentence arbitrale.

Il y a lieu de remarquer que la conciliation belge implique aussi, s’il échet, lamédiation et que dans le vocabulaire local, il y a confusion entre les deux concepts.Par conciliation, il faut entendre le rôle classique de bons offices qu’une personnetierce exerce entre deux parties. Tandis que la médiation comporte au-delà du rôled’intermédiaire modérateur une fonction plus active consistant à formuler despropositions vis-à-vis de la question soulevée.7 « La seule différence que l’on puissedégager est que le conciliateur serait en premier lieu un facilitateur du rétablissementdes relations perturbées entre parties, tandis que le médiateur, facilitateur au débutde la négociation, serait ultérieurement beaucoup plus interventionniste ».8

2. La comparution devant le bureau de conciliation

Lorsque les parties comparaissent devant le bureau de conciliation belge, elles sontd’abord entendues. Le conciliateur social, président du bureau, donne la parole à lapartie demanderesse, selon le cas, la délégation syndicale de l’entreprise ou bienl’employeur ou son représentant. De toute manière, après l’exposé des faits par ledemandeur, la possibilité de répliquer est immédiatement donnée à l’autreinterlocuteur. Après échange de diverses argumentations, les membres syndicaux etpatronaux du bureau de conciliation ont l’occasion de poser des questions auxintervenants à propos des faits et des arguments qu’ils ont évoqués. Les membresdu bureau sont des représentants permanents des organisations d’interlocuteurssociaux représentatives de la branche d’activités. Ils sont le plus souvent informés dela nature et de la portée de la requête devant le bureau de conciliation avant laréunion de celui-ci via leurs propres canaux.

Il s’agit d’une vérité d’évidence pour ce qui concerne les organisations syndicales, vuque les délégations du personnel sont obligatoirement affiliées aux organisationsreprésentatives, reconnues par la loi, siégeant dans les bureaux. Pour ce quiconcerne le patronat, la situation est un peu plus complexe. Les mêmes contacts onteu lieu entre la fédération patronale et l’employeur lorsque celui-ci en est membre.Dans le cas de sociétés qui ne sont affiliées à aucune association patronale, lesdélégués des employeurs au bureau de conciliation n’ont connaissance du dossierqu’au cours de l’audition des parties. Toutefois, ils disposent néanmoins, même dansce cas, d’une information partielle préalable en ce que le secrétariat de lacommission paritaire joint à la convocation à la réunion une copie de la demandemotivée de l’organisation qui a souhaité cette rencontre.

7 de Roo et Jagtenberger R., «Settling Labour Disputes in Europe », Erasmus Universiteit Rotterdam, 1994, p.278 Delattre E., «Séminaire de formation de conciliateurs et médiateurs sociaux »,BIT, Genève, 1998, p. 12

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Lorsqu’il s’agit d’une conciliation en vue d’une négociation sectorielle de conventionscollectives de travail, le problème d’information préalable ne se pose évidemmentpas, vu qu’il y a communication des cahiers de revendications syndicaux oupatronaux, avant la réunion.

Au cours de cette réunion, lorsque la phase d’information, d’audition et dequestionnement est achevée, les membres du bureau de conciliation se retirent dansun local séparé pour débattre ensemble des problèmes soulevés. Au contraire del’audition des parties, il n’est dressé aucun procès-verbal des discussions qui sedéroulent entre membres du bureau de conciliation : les débats au sein de celui-cisont donc confidentiels. Certains ont pu critiquer le caractère secret de ces débats etleur manque de transparence. Cependant, à notre estime, le colloque entre membresdu bureau doit demeurer confidentiel pour des motifs d’efficacité évidents. En effet,même à l’heure actuelle où la situation sociale et économique est plus difficile, ilexiste dans de nombreux bureaux un rapport entre les personnes fondé sur lacourtoisie, le respect mutuel et la confiance. Cela permet d’exprimer dans cetteenceinte des réflexions qui ne le seraient jamais autrement. C’est vrai lorsqu’onaborde de délicates questions psychologiques telles qu’un rapport de pouvoir tenduentre une délégation syndicale et une direction du personnel ou encore des élémentstrès confidentiels relatifs à la situation concurrentielle de l’entreprise.

C’est de la discussion au sein du bureau que se dégagera la perspective d’aboutir àun accord entre ses membres en vue de formuler une recommandation. A l’époqueoù la croissance économique était unilinéaire, le consensus se dégageait plusfacilement. A l’heure actuelle, du fait des effets de la mondialisation de l’économie,les points de vue patronaux et syndicaux se sont radicalisés et il est plus malaiséd’obtenir des solutions intermédiaires. De plus, lorsque des thèmes relatifs auxrémunérations sont traités, il ne faut pas perdre de vue non plus que les acteurssociaux ont leurs marges de manœuvre limitées par les effets de la loi du 26 juillet1996 précitée relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de lacompétitivité ainsi que par l’application que les organisations interprofessionnelles enont fait dans leurs récents accords pour 1999-2000 et 2001-2002.

En outre, en Belgique comme ailleurs, on a constaté une tendance généralisée àrecourir davantage au juge en cas de litige. Cette judiciarisation n’épargne pas ledomaine du droit social. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’appel ausystème judiciaire n’est pas uniquement introduit par des employeurs (problématiquedes astreintes). Il se peut que des travailleurs non-syndiqués ou même affiliés àcertaines organisations estiment qu’ils ont été mal défendus et de ce fait porterontleurs exigences devant les tribunaux du travail (litiges relatifs à la liquidation de la saKONE et au licenciement collectif à la sa CONTINENTAL).

Ces considérations imposent aux négociateurs des bureaux de conciliation un soucide rigueur juridique qui était moins présent auparavant et limitent les possibilités decréativité dans le compromis. A titre d’illustration, il va de soi qu’en cas deconciliation à propos d’une restructuration dans une entreprise, les propositions dubureau devront tenir compte des normes légales en matière d’octroi de prépension

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(préretraite), vu que les conventions conclues en l’espèce doivent faire l’objet d’uneapprobation ministérielle fondée sur un respect strict des normes en vigueur.

D’autres difficultés sont dues à l’évolution des thèmes qui font l’objet de médiation. Acôté des sujets classiques tels que les contestations relatives au niveau desémoluments, d’interprétation des clauses des conventions portant des classificationsprofessionnelles liées à des grilles salariales ou encore à des rapports de pouvoirentre délégation du personnel et encadrement, les restructurations, fusions etfermetures d’entreprise font l’objet de discussions constantes au sein des bureaux deconciliation.

Néanmoins, en dépit d’un climat qui s’est nettement alourdi par rapport à la périodeprécédente (de 1946 à 1970), les bureaux de conciliation belges ont continué àprouver une efficacité certaine. Il est très rare de constater qu’une réunion deconciliation se termine par un procès-verbal de carence que le conflit soit déclaré ounon. Des statistiques n’ont pu malheureusement corroborer cette thèse, mais uneétude systématique qui serait entreprise ne manquerait pas de la confirmer. Il se peutmême que dans les cas qui n’ont pas été résolus, suite par exemple à une action degrève, le bureau de conciliation soit amené à se réunir à nouveau et puisse mettre finà l’arrêt de travail en proposant un compromis pour une question qui auparavantn’avait reçu aucune réponse.

La place manque aussi dans le cadre de la présente communication pour étudierl’évolution des conflits déclarés et des statistiques de grève. Qu’il suffise ici dementionner que la Belgique connaît aussi la tendance généralisée à la diminutiondes arrêts de travail. Lorsque ceux-ci se produisent, comme il en a déjà été fait étatplus haut, ils sont dus principalement à des restructurations, des fusions ou desfermetures d’entreprise ou encore à l’augmentation des rythmes du travail liés ou nonà l’introduction des nouvelles technologies.

Le déroulement des travaux du bureau de conciliation s’organise de la manière laplus souple. Chaque membre peut solliciter une suspension de séance en vue d’allerconsulter un groupe de demandeurs qui fait partie ou non de son organisation pourévaluer les chances de compromis ou mieux mesurer la situation du rapport deforces. Dans d’autres cas, les participants syndicaux ou patronaux du bureau seréunissent séparément pour établir ensemble une stratégie de compromis. Il se peutque le conciliateur social président fasse une sorte de navette entre les deux groupespour dégager une synthèse. Cela démontre à suffisance l’extrême souplesse etadaptabilité des instances belges de médiation.

Par contre, l’indépendance et la souplesse d’intervention des conciliateurs estconstamment hypothéquée par le cadre juridique et administratif de plus en pluscontraignant qui leur est imposé.

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3. La formulation de la recommandation du bureau de conciliation et sonacceptation par les parties

A partir du moment où le bureau de conciliation arrive à une conclusion, celle-ci vaêtre formulée sous forme de recommandation aux parties. Il a déjà été soulignéqu’en aucun cas la formulation de cette recommandation ne revêt l’aspect d’unesentence arbitrale et en a encore moins la portée juridique. Une recommandationn’est en fait et en droit qu’une proposition que les personnes auxquelles elles'adresse ont la possibilité de rejeter. Dès lors la question se pose de savoir si lesrecommandations des bureaux de conciliation belges sont suivies d’effets. Laréponse est résolument positive et est due à la structure même du système deconciliation belge.

Du côté syndical, toute délégation qu’elle soit d’entreprise ou de secteur dispose deses représentants au bureau de conciliation qui n’auront pas manqué de s’informerquant à la situation pour laquelle ils sont consultés. Cela signifie qu’il existe undialogue permanent entre les délégués de base des organisations syndicales et leursresponsables permanents siégeant dans les bureaux de conciliation. Il va de soi quece dialogue ne peut aboutir, sauf cas très exceptionnel, à un désaveu par la basesyndicale de ses dirigeants ou inversement que les dirigeants prennent des optionstout à fait en contradiction avec les souhaits de cette base.

Il est des cas extrêmement rares où une assemblée de grévistes a rejeté lespropositions du bureau de conciliation pourtant élaborées avec le concours de leursresponsables permanents. Ces rejets n’ont jamais atteint un demi pour cent del’ensemble des recommandations et étaient dus à une situation de tension émotive etde dramatisation particulièrement intense suite à une très longue occupation d’usineprovoquée, par exemple, par une délocalisation de l’entreprise. Il se peut aussiqu’une délégation syndicale soit noyautée par un groupe de travailleurs défendantune idéologie qui n’est pas nécessairement celle adoptée par l’ensemble de leurorganisation.

Dans le monde patronal, le rapport est le même entre l’employeur et la fédération àlaquelle il est affilié. Il en va de même dans la négociation sectorielle pour laquelleles membres de la fédération ont fait connaître leurs desiderata à leurs négociateursqui ont forcément un mandat précis qu’ils ne peuvent dépasser. Il se peut qu’en casde difficultés, la partie patronale ou syndicale demande une suspension desdiscussions pour obtenir un nouveau mandat en fonction des données et del’évolution du rapport de forces qui est apparu au cours de celles-ci. Il est tout aussiévident qu’un groupement patronal ne peut se permettre d’imposer à un ou plusieursde ses membres des solutions qui ne les satisfassent absolument pas. Le risque deperdre les membres est alors beaucoup trop grand. Or, c’est le propre de toutes lesorganisations intermédiaires de vivre des cotisations de leurs affiliés. Les cas dedémission pour divergence entre un ou plusieurs employeurs affiliés à une fédérationsont extrêmement marginaux. La situation est beaucoup plus délicate encore lorsquela firme n’est pas membre de l’association d’employeurs. Dans ce cas, lesreprésentants patronaux au bureau de conciliation devront faire preuve de plus de

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talents de persuasion auprès de la direction de l’entreprise pour faire accepter lecompromis ou la solution envisagée. Le danger de rejet de la recommandation estsurtout réel dans le cas de petites entreprises qui ne se sont affiliées à aucungroupement et qui estiment que le rapport de forces leur est favorable car lareprésentation syndicale est faible au sein de leur unité de production. Il se peut danscette dernière perspective que les responsables de l’entreprise préfèrentindividualiser le conflit et le porter si possible devant la juridiction du travail avecl’espoir d’obtenir entièrement gain de cause. Néanmoins, même dans cette dernièrehypothèse, il ne s’agit pas d’un comportement répandu.

4. La prise de position par le seul conciliateur ou par un groupe deconciliateurs

Un dernier cas peut se produire par la prise de position solitaire du conciliateur socialprésident du bureau de conciliation ou encore d’un ou plusieurs conciliateurs sociauxdésignés pour un conflit particulier en dehors des bureaux de conciliation decommissions paritaires. Le lecteur comprendra qu’il s’agit là de situations plutôtexceptionnelles. En effet, la pratique courante et absolument majoritaire estl’intervention du bureau de conciliation conformément au prescrit du règlementd’ordre intérieur de la commission paritaire compétente qui en prévoit les modalitésd’intervention. Le bureau de conciliation est en quelques sorte un médiateur collectifdont l’avantage est de compter parmi ses membres les chefs de file desorganisations patronales et syndicales de la branche d’activités considérée, agissantsous la conduite d’une tierce personne neutre le conciliateur social, fonctionnaire,président de la commission paritaire. A partir du moment où ce dernier agit seul, saproposition n’a pas la force d’unanimité de celle du bureau. Si néanmoins, il estimedevoir formuler une recommandation à titre personnel pour éviter ou mettre fin auconflit, c’est que des raisons impérieuses l’y poussent. Il s’agit d’une situation danslaquelle le médiateur doit être susceptible d’exprimer des éléments de solution queles parties ne peuvent officiellement approuver mais qu’elles sont susceptibles desoumettre à leurs instances, pour les syndicats, l’assemblée des affiliés et pour lepatronat les responsables d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises, en vued’éviter qu’une grève dommageable ne survienne ou que la poursuite de celle-cimette en danger la survie de l’unité de production. Dans une telle perspective, lemédiateur va soumette une sorte de plan de survie qui, en temps normal, ne seraitpas du tout acceptable pour les protagonistes mais qui, vu le péril imminent, pourraemporter l’adhésion résignée des divers acteurs.

Plus exceptionnellement encore, dans le cas de dossiers particulièrement complexescomme, par exemple, la question de la survie de la compagnie aérienne nationale, leMinistre a décidé de désigner trois conciliateurs sociaux pour aider à apporter unesolution à des difficultés dues à des charges sociales trop élevées. Outre l’incidencepsychologique d’une telle mesure par effet de dramatisation, notamment sur le publicet les divers médias, elle évite le danger de rejet d’un médiateur unique par une desparties qui cacherait sa volonté de ne pas vouloir faire des concessions réellesderrière une récusation du médiateur ou une intention de ne pas aborder les vraies

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difficultés. Il est évident que l’on ne peut pas accuser une équipe de conciliateursd’inobjectivité. Bien entendu, une telle procédure est utilisée très rarement, vul’ampleur et l’importance de difficultés qui n’auraient pas trouvé autrement de solutionpraticable.

Toute la dynamique du modèle belge de conciliation vient d’être esquissée. Il enressort que, même dans les circonstances présentes, de profondes mutationséconomiques et sociales, avec toutes les restrictions que cela comporte pour le bondéroulement des négociations entre interlocuteurs sociaux, la volonté desorganisations et du pouvoir exécutif est de faire perdurer un système qui continue àfaire ses preuves.

V LE ROLE DES CONCILIATEURS SOCIAUX ET DES PRESIDENTS DECOMMISSIONS PARITAIRES

1. Fonctionnaires de l’État

Le rôle de l’État et des partenaires sociaux ayant été défini dans la dynamiqueactuelle des relations professionnelles, il importe à présent de déterminer de façonplus précise les modalités d’action et le statut juridique des conciliateurs sociaux quisont chargés de la conduite des négociations au sein des commissions paritaires etde leurs bureaux de conciliation.

Les conciliateurs sociaux étant rémunérés par les pouvoirs publics, ceux-ci leur ontconféré un statut de fonctionnaire, ils sont nommés par arrêté royal comme tous lesagents de l’État du niveau 1, revêtus d’un certain grade dans la hiérarchieadministrative. L’arrêté royal du 23 juillet 1969 créant un service des relationscollectives de travail et fixant le statut du personnel de ce service prévoit que lesconciliateurs sociaux sont soumis au statut général des agents de l’État (arrêté royaldu 2 octobre 1937 et toutes ses modifications ultérieures). Cela signifie qu’ils peuventêtre l’objet de sanctions disciplinaires comme tous les autres fonctionnaires publics,qu’ils sont soumis à l’autorité hiérarchique normale en dehors de leurs missions deprésidents et de conciliateurs. Récemment, les conciliateurs sociaux adjoints fontl’objet d’un système d’évaluation comme les fonctionnaires du même rang qu’eux. Abref délai, les premiers conciliateurs sociaux et conciliateurs sociaux seront aussisoumis à un système d’évaluation applicable dans toute la fonction publique.

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2. Présidents de commissions paritaires

Au-delà de ces règles générales de droit administratif, il existe des dispositionsparticulières au statut des conciliateurs sociaux, tant dans leur mode defonctionnement que celui de leur recrutement. Il est stipulé dans l’arrêté royal du 23juillet 1969 que les conciliateurs sociaux et des conciliateurs sociaux adjointspeuvent être chargés de la présidence de commissions paritaires. Au plan pratique,présentement, ce sont ces fonctionnaires qui assurent la presque totalité desprésidences de commissions paritaires et c’est là leur activité nettement principale,quantitativement et qualitativement.

Or, l’article 40 de la loi du 5 décembre 1968 précitée sur les conventions collectiveset les commissions paritaires détermine le rôle des présidents de ces instances.Dans l’exposé des motifs de la loi à l’article 41, devenu l’article 40, l’autorité directedu Ministre qui a le travail dans ses attributions sur les présidents de commissionsparitaires est justifiée comme suit : « les fonctions de président et vice-présidentexigent une indépendance absolue vis-à-vis des parties, ainsi qu’une compétence enmatière sociale qui leur permette de diriger les débats avec efficacité et impartialité »et plus loin, « de même que les conciliateurs sociaux se trouvent dans l’exercice deleur fonction sous l’autorité directe du Ministre de l’emploi et du travail, il paraîtindiqué de placer tous les présidents des commissions paritaires, dans l’exercice deleur mission, sous l’autorité du Ministre qui a le travail dans ses attributions »9.

Il est encore ajouté que « l’autorité du Ministre sur le président n’est pas contraire auprincipe de l’indépendance du président à l’égard des parties ».

Le Conseil d’État, dans les mêmes travaux préparatoires, avait même estimé que« la présidence des commissions paritaires doit pouvoir s’exercer en touteindépendance. Placer les présidents et les vice-présidents sous l’autorité du Ministrepourrait compromettre cette indépendance ».

Ce point de vue extrême n'a pas été suivi, mais néanmoins la loi consacre le principede l’autonomie des présidents vis-à-vis des partenaires et de l’autorité directe duMinistre sur ces présidents.

3. Conciliateurs sociaux

A côté de leur rôle de présidents de commissions paritaires, les conciliateurs sociauxpeuvent exercer des tâches en dehors de ces instances. A cet effet, l’article 19 del’arrêté royal du 23 juillet 1969 précité dispose que « dans l’exercice de leur mission,

9 Delattre E., «Le rôle des présidents et des conciliateurs sociaux »,op. Cit., p. 258

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l’administrateur général, les premiers conciliateurs sociaux, les conciliateurs sociauxet les conciliateurs sociaux adjoints sont soumis à l’autorité du Ministre de l’Emploi etdu travail ».

Les considérants de cet arrêté éclairent particulièrement la manière dont il fautcomprendre l’article 19 qui s’inscrit, comme cela a été dit plus haut, dans la mêmeperspective que l’article 40 de la loi du 5 décembre 1968.

Le plus significatif de ces considérants fait valoir que « de l’avis mêmed’organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs et de différentesétudes consacrées aux relations collectives de travail et de l’expérience acquisedans ce domaine, il ressort que les fonctionnaires chargés de mission de conciliationsociale devraient être dotés d’un statut particulier permettant la nomination depersonnes ayant les qualités personnelles essentielles dont dépend la réussite de lamission qui leur sera confiée et leur assurant une indépendance suffisante pourmener à bien les tâches délicates qu’elles doivent accomplir »10.

4. L’extension des attributions administratives et la stabilité des missionsde conciliation

Il faut rappeler que l’action principale des conciliateurs sociaux s’exerce en tant queprésident de commissions paritaires. Depuis une vingtaine d’années, l’on s’aperçoitque le temps dévolu par les conciliateurs à des travaux administratifs s’accroîtconstamment, alors que si les thèmes débattus en conciliation évoluent quant à leurnature (voir supra), l’importance du volume des réunions de conciliation demeure àpeu près constant comme le montre le tableau dressé ci-après, établi en fonction dela nature des séances et relatant le nombre des réunions de commissions paritaireset de sous commissions paritaires pour la période de 1992 à 2000.

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000

Séancesplénières

493 713 585 704 500 722 546 826 569

Réunions deconciliation

449 531 416 368 385 381 379 321 343

Autres 375 457 448 446 380 490 434 119 555

NB : Il convient de noter que plus des deux tiers des réunions de conciliation ont concerné desconciliations préalables.

10 Delattre E., «Le rôle des présidents et des conciliateurs sociaux »,op. Cit., p. 259

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La variation du rapport entre le nombre de séances plénières de commissionsparitaires et les réunions de conciliation est due au fait que les commissionsparitaires se réunissent davantage au moment du renouvellement des conventionscollectives de travail tous les deux ans.

Si la part de la conciliation et de la conclusion de conventions collectives de travaildans l’activité des présidents de commissions paritaires est à peu près constante,d’autres compétences leur ont été confiées et n’ont pas été nécessairementcomptabilisées dans les statistiques reprises ci-dessus. En effet, du fait de l’évolutionéconomique, de l’accroissement du rôle de l’État dans les relations sociales, lesprésidents se sont vus conférer des compétences particulières par une série denouvelles législations et réglementations. Il en va ainsi, par exemple, des articles 35,5° et 52 de la loi sur l’apprentissage de professions exercées par des travailleurssalariés selon lesquels le Comité paritaire d’apprentissage est tenu de se prononcerdans un délai de soixante jours en cas de demande de résiliation d’un contratd’apprentissage par un employeur pour cause d’inaptitude de l’apprenti ou encore lacoresponsabilité du président du Comité d’apprentissage avec celle des membresdans le pouvoir de surveillance qui leur est conféré par cette législation en matière deformation des apprentis dans les entreprises.

Il est à noter aussi que le président est tenu de faire respecter les délais en matièrede reconnaissance des motifs économiques ou techniques susceptibles de lever laprotection de certains travailleurs membres des conseils d’entreprise, des comités deprévention et des délégations syndicales.

De même, la réglementation en matière d’instauration de nouveaux régimes detravail (flexibilité des prestations horaires) attribue aussi une mission spéciale auprésident en cas de défaut d’accord au niveau de la branche d’activités en ce qu’ildoit soumettre aux parties les projets élaborés dans les entreprises dans un délaidéterminé. La commission qu’il préside exerce un contrôle de légalité sur ces projets.Suite aux récents accords interprofessionnels, un ensemble de conventionscollectives de travail a été conclu au niveau des commissions paritaires en matièrede mesures favorisant la promotion de l’emploi (interruption de carrière avecobligation de remplacement, temps partiel et autres). Lesdites conventions prévoientla possibilité d’adhésion des entreprises à l’une ou l’autre de ces mesures etl’obligation de soumettre le plan d’adhésion à la commission paritaire compétentepour avis, avant la décision ministérielle finale de dispenser ces entreprises d’unepartie des cotisations sociales légales.

D’autre part, les présidents de commissions paritaires ont parfois un rôle spécifique àjouer en vertu d’arrêtés particuliers d’exécution de la loi du 19 août 1948 relative auxprestations d’intérêt public en temps de paix (maintenance des services essentiels encas de grève) ou encore par l’application de certaines législations socialesspécifiques à des branches d’activités déterminées comme la pêche maritime,

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l’industrie portuaire, les services de santé, les réparateurs de navires et l’industrie dudiamant.

Les conciliateurs sociaux sont aussi investis de missions de contrôle. La base légalede ce pouvoir trouve sa source dans les articles 52 et 53 de la loi du 5 décembre1968 qui reçurent leur exécution dans l’arrêté royal du 21 octobre 1969 dont l’article2 investit les conciliateurs sociaux de missions de contrôle. Toutefois, au planpratique, les conciliateurs sociaux laissent les tâches de caractère répressif àl’inspection des lois sociales car il ne serait pas bon de mélanger les objectifs derépression de la fraude sociale avec les desseins de la conciliation sociale. Le butn’était donc pas de transformer les conciliateurs sociaux en agents répressifs maisplutôt, en cas de conflit grave, de leur donner la possibilité d’avoir accès à des locauxqui leur auraient été fermés et de requérir les forces de l’ordre si nécessaire pourobtenir cet accès.

Il n’est pas possible, faute de place, de dresser un inventaire complet de toutes lesattributions nouvelles des présidents de commissions paritaires, qu’il suffise ici deconstater qu’au fil du temps, leurs responsabilités administratives ont augmentéconsidérablement, suite à l’accroissement du nombre de législations, alors que levolume de travail suscité par les actes de pure médiation demeure constant.

5. Les conditions de recrutement

Le changement dans un sens plus administratif des compétences des conciliateurssociaux a provoqué une modification des conditions de recrutement de ceux-ci. Pourl’instant, il existe un cadre composé de quatre premiers conciliateurs sociaux, treizeconciliateurs sociaux et onze conciliateurs sociaux adjoints. L’objectif est de mettreégalement des médiateurs à la disposition des entreprises publiques renduesrécemment autonomes ou privatisées. Initialement, pour le recrutement desconciliateurs sociaux et des conciliateurs sociaux adjoints, l’arrêté royal du 23 juillet1969 ne prévoyait que des conditions d’âge (35 ans) et d’expérience des relationssociales (10 ans). L’arrêté royal du 10 janvier 1994 modifiant l’arrêté du 23 juillet1969 introduisit des exigences de diplôme à côté des conditions d’âge etd’expérience. Par exemple, le candidat doit être titulaire d’un diplôme del’enseignement secondaire supérieur lié à 12 ans d’expérience en matière detraitement de problèmes sociaux, dont 8 au moins consacrés aux relations socialesentre employeurs et travailleurs, l’âge requis étant abaissé à 30 ans. Par contre, lestitulaires d’un diplôme de l’enseignement universitaire ne doivent compter que 8 ansd’expérience en matière de relations entre employeurs et travailleurs, l’âge minimumimposé étant le même.

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6. La nécessité d’une formation permanente

Dans le passé, l’on se situait dans un contexte de croissance économique continue.De ce fait, les conciliateurs sociaux, outre l’accomplissement de leurs devoirsadministratifs afférents au dépôt des conventions collectives sectorielles, travaillaientisolément dans leurs secteurs tout en faisant rapport sur les résultats de leursactions au Ministère du travail et à l’Administrateur général du service des relationscollectives du travail. L’exigence principale de l’autorité administrative vis-à-vis d’euxétait qu’ils soient bons promoteurs de la paix sociale.

A l’heure actuelle, du fait des mutations de la société dans le sens de la complexité,des réunions mensuelles sont tenues entre les conciliateurs sociaux, la direction duservice des relations collectives du travail et le cabinet du Ministre pour expliquer laportée des décisions gouvernementales ou législatives en matière de relationscollectives ainsi que leurs effets sur le terrain. Il en va de même pour les décisionsjurisprudentielles des cours et tribunaux ainsi que de la Cour de justice de l’Unioneuropéenne. Si cette nécessité de formation permanente due à l’évolutionsociologique ne peut être contestée, il faut déplorer que l’action du conciliateur belgedemeure libre et volontaire vis-à-vis des interlocuteurs sociaux, mais elle est de plusen plus freinée par les structures juridiques et administratives initiées par leGouvernement et le jurisprudence.

VI EVALUATION GENERALE DU SYSTEME ET PERSPECTIVES D'AVENIR

Compte tenu de la nature très spécifique de la conciliation sociale et du financementdu service des relations collectives dans le cadre général du ministère de l’emploi etdu travail, l’évaluation des résultats du service se fait par le contrôle et les remarquesdu monde politique, du Gouvernement en premier lieu et du Parlement au cours de ladiscussion du budget du département par le Parlement. Comme toute administration,les activités du service dont dépendent les conciliateurs sociaux font l’objet ducontrôle financier de la Cour des Comptes de Belgique.

Il se peut qu’à l’occasion d’un conflit déterminé ou d’une situation particulière, unparlementaire interpelle le ministre responsable sur la manière dont il compte s’yprendre pour sortir des difficultés, c’est particulièrement le cas lors de fermeturesd’entreprises spectaculaires (Renault Vilvorde, Levis, Danone, Continental). Lapresse s’intéresse particulièrement aux activités des conciliateurs dans descirconstances semblables.

En outre, le système belge de conciliation a évolué lorsqu'on le place en perspectivepar rapport à ses origines. A côté des motifs classiques de négociation, laglobalisation de l'économie et les conséquences qu'elle entraîne ont mis à l'avant-plan les thèmes des restructurations d'entreprise et la flexibilité des prestations detravail.

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Même si l'intervention des juges a été plus fréquemment requise pour valoriser desdroits individuels, l'appel aux conciliateurs sociaux continue à faire partie de nostraditions belges. L’intention du Gouvernement belge a déjà été évoqué d’introduireun projet de loi, après consultation des partenaires sociaux interprofessionnels. Ceprojet de loi aura pour objet de :

. favoriser et promouvoir la concertation sociale au sein des entreprises ;

. veiller à rendre la jurisprudence conforme à la charte sociale européenne ;

. renforcer l’unité du contentieux social du tribunal du travail.

Ces dispositions ne devront nullement porter atteinte au droit fondamental consacrépar l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertésfondamentales qui consacre le droit de recours dont dispose toute personne ; ellepeut s’adresser à un tribunal indépendant et impartial lorsque ses droits sontmenacés par des actions aux fins d’obtenir protection et réparation en cas dedommage. Le projet a pour objectif de renforcer le recours à la conciliation et à lamédiation sans toutefois la rendre obligatoire. Il ne s’agit pas non plus d’imposerl’arbitrage du juge au-delà de l’affirmation du droit individuel, comme cela a été ditplus haut.

A côté d’une certaine tendance à la judiciarisation des griefs individuels, l’on constateparallèlement un appel à étendre les processus de conciliation volontaire à desbranches d'activité non marchandes ou même à d'anciens services publics privatisés.A titre d'illustration, l'enseignement libre subventionné francophone fait appel à desconciliateurs sociaux du ministère fédéral de l'Emploi et du Travail. La sociétéBELGACOM, entreprise de télécommunications, ancien service public, vient desolliciter la création d'une commission paritaire spécifique avec les modes demédiation que la création de cette institution implique. Cela signifie que le mode deconciliation sociale belge, s'il a évolué, voit son avenir assuré dans le cadre de tousles modes alternatifs de résolution des conflits que l'Europe connaît.

VII LE SYSTEME DE CONCILIATION ET DE MEDIATION BELGE FACE AUDROIT COMMUNAUTAIRE

1. La compatibilité du droit belge et du droit communautaire

Vu le caractère libre et volontaire des mécanismes de conciliation, il n’y aucuneincompatibilité de caractère juridique entre le droit collectif du travail belge et lesdirectives communautaires, sachant par ailleurs que celles-ci ont été intégrées dansle droit national.

Par contre, le système belge étant assez formaliste, l’on doit bien constater certainesdifficultés lorsque des conflits ou des menaces de conflits ont des implicationstransnationales. Que l’on se souvienne de tous les problèmes liés à la fermeture dusiège de Vilvorde de la société Renault. La constatation la plus pertinente en

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l’espèce n’est pas de relever que des manquements ont été constatés quant àl’application de la législation belge. Le fait le plus marquant à notre sens est qu’aucours de ce conflit les mécanismes de médiation belge n’ont pas joué leur rôle. Il afallu un rapport de force prolongé pour qu’un plan social comportant de nombreuxavantages comme des indemnités complémentaires de licenciement, desprépensions et des aides au reclassement, soient prévues.

D’autres conflits du même type se sont également déroulés et dans la meilleure deshypothèses il n’y a eu de recours aux voies de la conciliation qu’à la fin du processusconflictuel. Toutefois, l’illustration la plus frappante de ce constat peut être tirée dulitige qui est survenu lors de la restructuration du siège liégeois de la sociétéallemande de fabrication de pneus CONTINENTAL. L’entreprise avait cependantrespecté la législation belge en matière de fermeture d’entreprise. En outre, laconsultation obligatoire du conseil d’entreprise étant achevée, une négociation visantà l’adoption d’un plan social a été entamée avec les organisations syndicales. L’aidedu bureau de conciliation de la commission paritaire de l’industrie chimiquecompétente en la matière a été sollicitée.

Pendant les négociations difficiles qui se déroulaient, le conciliateur social présidentde la commission paritaire a formulé une première fois des propositions que lesorganisations syndicales ont même refusé de soumettre à leur base, les jugeantinsuffisantes. Dans une deuxième tentative, le conciliateur président de lacommission paritaire présenta avec l’aide de la direction des propositions nettementaméliorées prévoyant aussi des prépensions, des allocations complémentaires delicenciement, des aides au reclassement ainsi que le maintien au travail de 200travailleurs sur 800 pour le site de Liège. Après référendum, les travailleursrefusèrent ces dernières propositions par 80% de suffrages négatifs. Des sabotageseurent lieu dans les locaux de l’entreprise et un groupe minoritaire de travailleursassigna l’employeur pour obtenir des dommages pour faute présumée de procédure,alors que les organisations syndicales n’avaient jamais évoqué de faute dans le chefde ce même employeur. La direction du groupe était prête à abandonner toutediscussion, à fermer complètement le site et à se limiter à ses obligations strictementlégales.

C’est alors que la ministre de l’emploi et du travail décida d’impliquer un de sespropres conseillers dans le mécanisme de conciliation. Les propositions furentreformulées au nom de la ministre sans en changer le coût pour l’entreprise. Ils’agissait d’une initiative tout à fait exceptionnelle, inhabituelle dans la tradition belge.Elle aboutit par une approbation des travailleurs, cette fois-ci à 80% des suffrages.L’analyse de ce conflit ne fait pas du tout apparaître que le conciliateur responsableétait en défaut, c’est tout simplement le système belge, tout sophistiqué qu’il soit, quiconnaissait ses limites. Dans un conflit d’une telle ampleur, comme celui de Renaultou d’autres, il faudrait pouvoir profiter de l’intervention d’un médiateur de plus hautniveau, vu que les ministres belges ne peuvent évidemment s’impliquerpersonnellement via leurs conseillers dans des litiges collectifs qui prennent unecertaine ampleur, surtout transnationale. Il y a à ce stade un incontestable déficit deniveau.

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2. La valeur ajoutée d’une initiative européenne en matière de médiation parrapport au système belge.

En cas de restructuration d’entreprise ayant des implications transnationales, lesexemples évoqués ci-dessus permettent de démontrer la valeur ajoutée d’uneinitiative européenne de médiation, même si, par ailleurs, le système belge deconciliation continue à faire ses preuves. En effet, au lieu de désigner un de sesproches collaborateurs après les échecs successifs du processus habituel deconciliation, la Ministre de l’emploi et du travail belge aurait été dans une situationplus enviable si elle avait pu suggérer le recours à un mécanisme de médiationeuropéen. Dans l’hypothèse d’un échec de cette intervention, il n’y aurait pas deresponsabilité politique engagée. Par contre, en cas de succès il y a un profitmanifeste pour les pouvoirs publics locaux, l’entreprise et les travailleurs. Le fait depouvoir conclure des accords cadres au plan européen peut dans certains cas éviterou limiter la fermeture d’unités d’exploitation. La société OPEL est parvenue à obtenirune convention générale de restructuration avec les organisations syndicales pourtous ses sièges européens, considérant qu’il fallait négocier des modalitésspécifiques en fonction des législations et des situations nationales pour chaquesiège et notamment l’usine d’Anvers pour laquelle les pertes d’emploi ont pu êtrelimitées. Dans ce cas précis, une intervention médiatrice n’était pas nécessaire vu laculture sociale spécifique à l’entreprise, mais dans d’autres situations il se pourraitque les bons offices d’une conciliation de haut niveau aboutissent à un résultatsemblable.

Il en va de même lorsqu’une société transnationale a choisi le droit belge commebase d’élaboration de son statut pour le Comité d’entreprise européen. Ces statutssont parfois très complexes et le recours au juge belge n’est pas nécessairement denature à améliorer les rapports entre employeurs et travailleurs. Jusqu’à présent iln’est pas possible non plus de faire appel au conciliateur belge lorsque le litigedépasse le plan national. Ici également, le recours à un niveau de médiationeuropéen qui tiendrait compte des contingences locales serait de nature à prévenirou à contribuer à apporter une solution aux problèmes. Le même raisonnement peutêtre appliqué dans le cas où une entreprise établit un ou plusieurs sièges enBelgique et connaît des difficultés d’élaboration ou d’interprétation des statuts relatifsà l’implication des travailleurs conformément à l’article 3 de la directive complétant lestatut de la société européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs. Lemême raisonnement analogique peut évidemment s’appliquer à la sociétécoopérative européenne.

Pour conclure, il peut être affirmé que la Belgique connaît une tradition deconciliation et de médiation parmi les plus élaborées et les plus ancrées au monde. Ilne peut être envisagé pour l’instant que les dispositions normatives individuelles detravail (salaires, conditions de travail, durée du travail et autres) soient négociées auplan européen, encore que la législation belge de normes minimales en cascade nenécessiterait pas beaucoup d’adaptation. Néanmoins, les illustrations qui viennentd’être évoquées montrent que, vu l’évolution économique et sociale, ce systèmeaussi bon soit-il, ne peut apporter des réponses dans certaines situations. Enl’occurrence, la contribution pour élaborer des solutions pourrait provenir de l’Europe.

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