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La publicité mensongère en droit français et en droit

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LA PUBLICITÉ MENSONGÈRE EN DROIT FRANÇAIS ET EN DROIT FÉDÉRAL SUISSE

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BIBLIOTHÈQUE DE SCIENCES CRIMINELLES sous la direction de

G. STEFANI et G. LEVASSEUR Professeurs à l'Université de Droit,

d'Economie et de Sciences Sociales de Paris (II) TOME XIII

LA PUBLICITÉ MENSONGÈRE

EN DROIT FRANÇAIS. ET EN DROIT FÉDÉRAL SUISSE (Etude comparative de l'autonomie au civil et au pénal

d'un délit économique) PAR

Serge GUINCHARD. Diplômé d'Etudes Supérieures de Droit privé et de Sciences Criminelles

LAURÉAT DE LA FACULTÉ DE DROIT DE LYON ( 1 Prix - 1965 - 1967 - 1968) ET DU CONCOURS GÉNÉRAL DES FACULTÉS DE DROIT (2 Prix 1966 - Mention 1968)

ASSISTANT A LA FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ LYON II

Préface de

Albert CHAVANNE Professeur à la Faculté de Droit de Lyon

Directeur Honoraire de la Faculté de Droit de Beyrouth

Ouvrage couronné par la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Lyon et

par l'Académie de Législation

P A R I S LIBRAIRIE GÉNÉRALE DE DROIT ET DE JURISPRUDENCE

R. PICHON ET R. DURAND-AUZIAS 20 et 24, Rue Soufflot (5

1971

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OUVRAGES PARUS DANS LA MEME COLLECTION

TOME I. — BOULOC (Bernard) : L'Acte d'instruction. TOME II. — GENDREL et LAFARGE : Bibliographie mondiale du

droit pénal militaire. TOME III. — MARC (Gilbert) : L'Homicide en Droit anglais depuis

la loi de 1957. TOME IV. — LEMONTEY (Jacques) : Du rôle de l'Autorité Judi-

ciaire dans la procédure d'extradition passive. TOME V. — RASSAT (Michèle-Laure) : Le ministère public entre

son passé et son avenir. TOME VI. — ROKOFYLLOS (Christos) : Le concept de lésion et

la répression de la délinquance par imprudence. TOME VII. — TSARPALAS (Angelos) : Le moment et la durée

des infractions pénales. TOME VIII. — BESANÇON (Anne) : La libération conditionnelle

depuis le code de procédure pénale. TOME IX. — MERLE (Philippe) : Les Présomptions légales en

droit pénal. TOME X. — AUBRY (Gérard) : La jurisprudence criminelle du

Châtelet de Paris sous le règne de Louis XVI. TOME XI. — FAHMY ABDOU (Antoun) : Le consentement de la victime. TOME XII. — PAGES (Jeanne) : Le contrôle des naissances en France

et à l'étranger.

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A mon épouse, Brigitte.

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PRÉFACE

Il n'est pas fréquent qu'un mémoire présenté en vue de l'obten- tion d'un diplôme d'études de doctorat de droit privé fasse l'objet d'une publication. Cependant, le mémoire de M. Serge GUINCHARD sur « la publicité mensongère en droit français et en droit fédéral suisse » est un ouvrage qui a non seulement les dimensions d'une véritable thèse, mais présente également les qualités de fond d'une excellente thèse.

La loi française du 2 juillet 1963, tirant les conséquences de l'importance croissante de la publicité dans la vie moderne, a érigé la publicité mensongère en délit. Le droit suisse l'incriminait déjà depuis 1943. M. GUINCHARD analyse l'une et l'autre en situant le phénomène de la publicité mensongère dans le contexte plus général de la réaction qu'il suscite aussi bien sur le plan civil que sur le plan répressif.

L'auteur analyse avec beaucoup de finesse et de précision la jurisprudence des deux. pays, avant et après les lois envisagées sur deux plans : celui de la notion de publicité mensongère et celui de sa sanction.

Autant sur le plan civil le droit suisse et le droit français sont très proches lorsqu'il s'agit de dégager la notion de publicité men- songère, autant sur le plan répressif les deux notions diffèrent. Pendant longtemps en effet le droit français n'a fait appel qu'à la seule notion d'escroquerie et l'on sait la complexité du système français en la matière alors que le droit suisse est beaucoup moins casuiste et beaucoup plus simple.

En ce qui concerne la sanction, les différences sont également importantes. Le droit suisse connaît une action émanant des consom- mateurs alors que le droit français reste très allergique à cette sorte d'action populaire. Il faut sans doute voir dans cette différence le reflet du tempérament profondément différent des deux peuples, le français très individualiste et peu enclin à envisager la défense des intérêts généraux à l'initiative de groupements particuliers.

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Différence aussi sur le plan de la procédure avec en droit suisse la possibilité d'une action en cessation que le droit français a sans doute introduite dans la loi de 1963 mais dont les décrets d'appli- cation ne sont pas encore sortis et qui est restée lettre morte sur ce point important.

Dans ses démonstrations, M. GUINCHARD révèle une aisance de style, une information très complète et une vaste culture juridique qui rendent aisée la lecture de son livre. Il apporte à la doctrine de la concurrence déloyale en droit comparé une contribution utile. Il affirme aussi dans cet ouvrage qui est pour lui un essai, une maî- trise dans la présentation des idées et le raisonnement juridique qui permettent de fonder les plus légitimes espoirs sur son avenir.

Albert CHAVANNE, Professeur à la Faculté de Droit de Lyon.

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LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

A.P.I. : Annales de la propriété industrielle, artistique et littéraire. Ass. Nat. : Assemblée Nationale (France). A.T.F. : Arrêts du Tribunal Fédéral (Suisse). B.J.P. : Bulletin de jurisprudence pénale (Suisse). B. stn : Bulletin sténographique des chambres fédérales (Suisse). Bull. : Bulletin des arrêts de la Cour de Cassation (France). Cass. : Cour de Cassation (France)

— Civ. : Chambres civiles — Com. : Chambre commerciale — Crim. : Chambre criminelle.

C.C. : Code Civil (Suisse). C. Civ. : Code Civil (France). C.F. : Constitution fédérale (Suisse). C. Inst. Crim. : Code d'Instruction criminelle (France). C.O. : Code des obligations (Suisse). C. proc. civ. : Code de Procédure Civile (France). C.P.S. : Code pénal suisse. D. : Dalloz (France). Doc. : Documents. D.S. : Dalloz-Sirey (France). F.F. : Feuille fédérale (Suisse). F.J.S. : Fiches juridiques suisses. G.P. : Gazette du Palais (France). J.C.C.-C.D. : Juris-classeur commercial, concurrence déloyale (France). J.C. Civ. : Juris-classeur de Droit civil (France). J.C. Pén. : Juris-elasseur de Droit pénal (France). J.C.P. : Juris-classeur Périodique (La Semaine juridique) (France). J.d.T. : Journal des Tribunaux (Suisse). J.O. : Journal officiel (France). L.B.I. : Loi sur les Brevets d'invention (Suisse). L.C.D. : Loi sur la concurrence déloyale (Suisse). L.M.F. : Loi sur les marques de fabrique (Suisse). P.K.G. : Praxis Grisons, recueil des arrêts cantonaux (Suisse). P.P.F. : Code de procédure pénale fédéral (Suisse). Rev. crit. légis.

et juris. : Revue critique de législation et de jurisprudence (France). Rev. inter.

dr. pén. : Revue internationale de Droit pénal.

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Rev. Sc. Crim. : Revue de science criminelle (France). Rev. suis. prop.

ind. et dr. aut.: Revue suisse de la propriété industrielle et du droit d'auteur. Rev. U.E.R. : Revue de l'Union Européenne de Radiodiffusion. R.I.P.I.A. : Revue internationale de la propriété industrielle et artistique. R.J.B. : Revue des juristes bernois (Suisse). R.D. : Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral (Suisse). R.T.D. Civ. : Revue trimestrielle de Droit civil (France). R.T.D. Com. : Revue trimestrielle de Droit commercial (France). R.TJ). Eur. : Revue trimestrielle de Droit européen (France). S.J. : Semaine judiciaire (Genève). T.G.I. : Tribunal de grande instance (France). Trib. civ. : Tribunal civil (France). Trib. com. : Tribunal de commerce (France). Trib. correc. : Tribunal correctionnel (France). Trib. féd. : Tribunal fédéral (Suisse).

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« Il ne faudrait pas que les juristes conti- nuent à croire que l'effort doctrinal doive s'arrêter au niveau de ce qui nous a été légué par les siècles antérieurs, et, lorsqu'une bran- che nouvelle du droit apparaît, s'imaginent qu'elle sera très suffisamment réglée par les principes dégagés dans l'étude des branches antérieures ».

Paul ROUBIER (Le Droit de la Propriété Industrielle).

Avant-propos.

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INTRODUCTION

« La publicité est la fleur de la vie contempo- raine. Elle est une affirmation d'optimisme et de gaieté. Elle distrait l'œil et l'esprit ».

Blaise CENDRARS.

« La publicité, un des plus grands maux de ce temps, insulte nos regards, falsifie tous les épithètes, gâte les paysages, corrompt toute qualité et toute critique ».

Paul VALERY.

1. — Ripert écrivait que la liberté économique est « une con- quête de la Révolution et la sœur de la liberté politique » (1 ) ; c'est en effet la loi des 2-17 mars 1791 qui affirma le principe de la liberté du commerce et de l'industrie rompant ainsi avec les survivances féodales et corporatives de l'Ancien Régime. Mais si pendant des an- nées l'accent fut mis, tant en doctrine qu'en législation, sur le respect de la liberté de la concurrence, l'évolution récente se fait plutôt dans le sens de la protection de l'égalité dans la concurrence. C'est désor- mais le deuxième terme de la devise républicaine (« Liberté, Egalité, Fraternité ») qui prend de l'importance en matière économique (2). Cette évolution est due pour une grande part aux modifications qui sont intervenues dans les structures économiques ; les phénomènes de concentration, l'apparition de groupes puissants, d'entreprises en situation de monopole, expliquent que les législations actuelles ten- dent à assurer l'égalité dans la concurrence. La lutte concurrentielle qui devient chaque jour de plus en plus âpre, qui fait disparaître les moins puissants et menacent ceux qui hier encore se croyaient en position de force ou tout au moins en état de résister, de subsister, se sert de tous les moyens modernes de la civilisation industrielle. Et parmi ces moyens nous trouvons, au premier rang, la publicité.

(1) G. Ripert, « Aspects juridiques du capitalisme moderne », 1946, p. 212, n° 98. (2) Mario Rotondi, « L'évolution de la réglementation de la concurrence

et l'expérience des Etats-Unis » (De la liberté de la concurrence à l'égalité dans la concurrence), Mélanges Dabin, 1963, p. 837 et s. ; J. Hémard, « L'évolu- tion contemporaine de la réglementation de la concurrence », Mélanges Léon Julliot de la Morandière, 1964, p. 203 et s. ; Y. Saint-Gal, « Aspect actuel de la réglementation de la concurrence et de la protection des droits de propriété industrielle dans le cadre communautaire européen », R.T. Dr. Eur., 1970, p. 43.

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2. — Si l'extension de la publicité est liée au développement in- dustriel contemporain, son apparition est beaucoup plus ancienne et l'écrivain Lucien nous raconte comment Alexandre le Paphlagonien réussit à convaincre son gouvernement de faire figurer de la publicité sur ses pièces de monnaie ! (3).

Mais il fallut attendre le XIX siècle et surtout 1845 pour voir la publicité prendre son essor. C'est le 29 avril 1845, en effet, qu'Emi- le de Girardin partit en guerre contre la publicité déguisée des petites annonces et préconisa une publicité « franche, concise et simple ». L'histoire de la publicité est d'ailleurs liée à celle de la presse : le prix des journaux étant abaissé à une somme modique, les entrepri- ses de presse ont besoin de la réclame pour vivre (4). A partir de 1900 les principes posés par Emile de Girardin, vont être progressi- vement abandonnés ; la publicité ne se réduira plus à dire, comme il le proposait : « dans telle rue à tel numéro, on vend telle chose à tel prix ». Désormais, la publicité va essayer de se rendre de plus en plus persuasive et la dissimulation dans les faits divers, dans les articles de politique, va laisser la place à l'obsession. Dès 1912 M. Rouast écrivait ces quelques lignes qui n'ont rien perdu de leur actualité, bien au contraire : « La réclame ne se dissimule plus, elle s'étale au grand jour ; mais elle vous suit pas à pas, elle s'im- pose à vous à chaque instant : le matin, votre journal en est rempli, vous le laissez sur votre table, et la réclame s'impose insidieusement à vos yeux ; sortez-vous, vous êtes assailli par des distributeurs de prospectus qui vous les mettent dans la main, bon gré mal gré ; pre- nez-vous le train et avez-vous la fantaisie de regarder le paysage : impossible, d'immenses placards vous le masquent pour y substituer la réclame ! Encore bien heureux si votre voisin n'est pas un com- mis-voyageur qui vous vante le produit. Le soir, au théâtre, vous retrouvez la même réclame sur le rideau pendant les entr'actes... Bref, c'est un cauchemar, une idée fixe, qui s'impose à vous, malgré vous, et qui devient une force agissant à votre insu pour vous déter- miner dans vos achats à choisir le produit vanté » (5).

On retrouve cette idée de la publicité obsédante et persuasive dans ces quelques vers de Louis Aragon : (6) :

« La réclame aux balcons accroche ses panneaux, Salit la vue ,et l'autobus et les journaux... Tout, jusqu'à notre corps au commerce est loué, D'une lèpre d'argent nous sommes tatoués. Wagram est un secteur, le scandale une gaine Madame a les cheveux mauves de Van Dongen. Tout est préfabriqué, le rêve et le manger On trouvera son bonheur aux Arts Ménagers ».

(3) Anecdote rapportée par C.R. Haas, « La publicité, théorie, technique et pratique », Dunod, 1970, p. 5.

(4) Cf. Schuwer Philippe, « Histoire de la publicité », Genève, 1966. (5) Rouast, « La publicité frauduleuse et le Droit pénal », Travaux de la

Conférence de Droit pénal de la Faculté de Droit de Paris, n° 4 1912, p. 323 et s. (6) Louis Aragon, « Il n'est Paris que d'Elsa ».

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En 1970, la situation n'a pas changé ; elle s'est même aggra- vée si l'on en croît un article récent « d'un Américain en France » (7) et d'un délégué à la commission de la publicité de la chambre de commerce internationale (7 bis).

Pourtant, la publicité est considérée par certains comme essen- tielle à l'humanité ; Franklin D. Roosevelt n'affirmait-il pas que « l'essor général de la civilisation moderne durant ces cinquante dernières années n'aurait pas été possible si la publicité n'avait pas diffusé la notion d'un niveau de vie plus élevé ? » (8).

3. — Cet essor prodigieux de la publicité est l'objet non seu- lement d'appréciations les plus contradictoires, mais aussi d'études les plus variées et d'une réglementation de plus en plus touffue.

— D'un point de vue criminologique des études ont été faites pour savoir si cette publicité outrancière n'était pas en rapport avec le développement de la criminalité (9).

— D'un point de vue économique les auteurs se sont efforcés de déterminer l'équilibre des dépenses publicitaires dans l'entre- prise et dans le marché (10).

— D'un point de vue législatif ce sont toutes les dispositions destinées à empêcher les abus de la publicité, par exemple la régle- mentation de la publicité pour les produits pharmaceutiques et pour les boissons alcoolisées, de la publicité par la presse (11), les affiches (12), la voie aérienne, le cinéma, etc...

Cette réglementation de la publicité qui devient quantitative- ment de plus en plus importante est due à deux facteurs :

— D'une part, le commerce contemporain ne se contente plus de méthodes de vente purement passives ; les ventes deviennent « agressives » (13) et le consommateur est traqué « tel un gibier » (14). Dès lors une réglementation devient nécessaire ; c'est même parfois une réglementation pénale (15).

(7) H. Koningsberger, « La France s'enlaidit », Le Monde, 28 août 1970, p. 1.

(7 bis) André-Michel Suquet, « Environnement et publicité », Le Monde, 20-21 déc. 1970, p. 10.

(8) Cité par M. Lavernhe, « Rôle économique de la publicité », Annales de la Faculté de Droit de Toulouse, 1969, t. 17, fasc. 2, p. 145 et s., spéc. p. 149.

(9) Cf. G. Stefani, G. Levasseur, R. Jambu-Merlin, « Criminologie et science pénitentiaire », Précis Dalloz, 2 éd. 1970, n° 101, p. 108 et s.

(10) Ainsi, en Suisse, C. Blöchliger, « Die Theoretische Bestimmung der Reklame », thèse Zurich, 1959 ; En France, récemment, Lavernhe, « Rôle éco- nomique de la publicité », Annales de la Faculté de Droit de Toulouse, 1969, t. 17, fasc. 2, p. 145 et s. ; Giron Bruno, « Quelques aspects du rôle de la publi- cité dans le développement économique ». Thèse Paris 1962, L.G.D.J. 1968.

(11) V° Blin, Chavanne et Drago, « Traité du Droit de la presse », 1969, p. 610 et s. (« La presse et la publicité ») ; D. Pernet, « La protection des moyens de publicité », thèse Lyon, 1961 ; J. Meilhaud, « La limitation et le contrôle de la publicité dans la presse écrite », thèse, Lyon, 1968.

(12) Sur la distinction de l'affichage publicitaire et non publicitaire, note G. Orfila sous Crim. 20 déc. 1968, D.S. 1969, p. 473.

(13) J. Calais-Auloy, « Les ventes agressives », D.S. 1970, chron. p. 37. (14) J.C. Fourgoux, « Marques, publicité et tromperie », G.P. 1967, 1, Doct., 2. (15) Sur la réglementation pénale, V°, F. Caquelin, « Réglementation pénale

en matière de promotion des ventes », D.S. 1970, chron. p. 21.

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— D'autre part, la publicité peut être l'instrument d'actes de concurrence déloyale : l'imitation des moyens publicitaires, le déni- grement et enfin la publicité mensongère.

4. — La publicité en elle-même n'est pas a priori condamnable, car elle rend de grands services. Mais elle peut être trompeuse et faire accepter des indications fausses à des personnes qui ne les auraient jamais admises sans le recours des méthodes de la publicité contemporaine ; par là même elle lèse les consommateurs mais aussi les concurrents qui ne recourent pas à ce procédé.

En France, la publicité mensongère c'est d'abord une jurispru- dence abondante car elle constitue un acte de concurrence déloyale, mais c'est aussi une loi pénale depuis 1963. Cette dernière a pour but, si l'on en croit l'exposé des motifs, la protection des consom- mateurs ; or, une étude plus approfondie de la protection des con- sommateurs contre la publicité monsongère, montre qu'en Droit français, elle est insuffisante : la jurisprudence envisage la réclame trompeuse d'abord comme un cas de concurrence déloyale qui ne met en rapport que des concurrents et la loi du 2 juillet 1963 est pratiquement inefficace, pour protéger les consommateurs. Et pour- tant, la publicité mensongère est un danger social certain dont il faut protéger ceux qui pourront en être les victimes. L'étude de la juris- prudence et de la législation françaises ne permettant pas de décou- vrir les moyens efficaces de lutter contre la réclame trompeuse, il faut, si l'on admet la nécessité de sanctionner cette activité (16), rechercher comment on y parvient dans d'autres systèmes juridiques.

A cet égard, on peut penser se tourner vers le passé, c'est-à-dire le Droit romain. Mais en cette matière « la vieille tradition romaine fait défaut » (17).

C'est donc vers le Droit comparé qu'il faut aller, méthode que préconisait d'ailleurs le Doyen Roubier pour l'étude des droits de la propriété industrielle (18). Mais alors quel Droit étranger doit rete- nir notre attention ? Le choix du pays doit être guidé par l'idée sui- vante : il faut un Etat qui ait pris conscience, autrement que par des déclarations d'intention, de la nécessité de protéger efficacement les victimes de la publicité mensongère. Or, une telle protection existe dans un pays géographiquement très proche du nôtre, sinon juridiquement car il a subi l'influence du Droit allemand : la Confé- dération Helvétique.

La comparaison du Droit Français et du Droit fédéral suisse est particulièrement intéressante en matière de publicité menson-

(16) Le Droit italien est beaucoup plus souple à cet égard, V° Luigi Sor- delli, « Problèmes juridiques de la publicité commerciale », Milan 1968.

(17) P. Roubier, « Le Droit de la propriété industrielle », t. 1, 1952, page 2 de l'Avant-propos. On peut cependant songer aux actions édilitiennes données par les Ediles curules, chargés de la police des marchés, contre le vendeur d'esclave attribuant à sa « marchandise » une qualité professionnelle absente ou un pécule irréel (Dig. XXI, 1, loi 17 § 20, lois 18, 19, 37). Voy. Ch. Maynz, Cours de Droit romain, Bruxelles et Paris, 1870, t. 2, p. 201 et s., spéc. p. 203.

(18) Ibid.

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gère, en ce qui concerne d'une part la définition de cette activité, et, d'autre part, ses sanctions :

— Quant à la définition, c'est la loi qui la donne en Droit suisse, aussi bien sur le plan civil que sur le plan pénal. Au con- traire, en France, seule la loi pénale donne une définition de la publi- cité mensongère ; sur le plan du Droit civil la notion n'apparaît qu'à travers l'analyse de la jurisprudence. Mais à ce niveau, cette différence de méthode n'est pas fondamentale car finalement, ces systèmes juridiques se réfèrent tous les deux à la division classique du Droit privé (Droit civil et Droit pénal) pour appréhender la notion de publicité mensongère.

— Par contre, quant aux sanctions, les différences sont consi- dérables. Le Droit français n'a pas encore compris la nature écono- mique de cette activité ; il a simplement aperçu que les consomma- teurs devaient être protégés contre elle, mais il a cru qu'une loi pénale était suffisante et ne leur a pas accordé l'action en cessation. Au contraire, le Droit suisse ne protège pas d'un côté les concurrents par le Droit civil, de l'autre les consommateurs par le Droit pénal ; pour lui il y a une activité anti-économique qui est unique, forme un tout : cette activité porte atteinte aux intérêts des concurrents et des consommateurs ; ils seront donc protégés tous les deux par les mêmes moyens judiciaires, et notamment par l'action en cessation, sans attendre qu'il y ait infraction pénale.

Autrement dit, alors que le Droit français utilise sur le plan des sanctions, la distinction classique du Droit privé, le Droit suisse voit dans la publicité mensongère un véritable délit économique que les consommateurs et non pas seulement les concurrents ont la possi- bilité de faire cesser. Tout en partant des notions classiques de délit civil et de délit pénal, le Droit suisse prend conscience au niveau des sanctions, de la nature économique de la publicité mensongère et à partir de là élabore une notion spécifique au Droit économi- que, celle de délit économique. L'étude des sanctions de la publicité mensongère nous permettra de nous rendre compte comment cette activité constitue, au moins en Droit suisse, un point d'émergence du Droit économique nouveau, appelé à régir un jour l'ensemble des activités économiques.

C'est pourquoi nous adopterons le plan suivant : Première partie :

La notion de publicité mensongère, résurgence d'une division classique du Droit privé.

Deuxième partie : Les sanctions de la publicité mensongère, point d'émergence

d'un Droit économique nouveau.

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PREMIERE PARTIE

La notion de publicité mensongère, résurgence d'une division classique

du Droit privé

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INTRODUCTION

5. — L'expression « publicité mensongère » se compose de deux termes qu'il faut d'abord séparer si l'on veut appréhender cette notion. Définir la publicité monsongère c'est donc définir succcessi- vement s'il y a publicité, puis, en cas de réponse affirmative, s'il y a mensonge.

A. — LA NOTION DE PUBLICITE

6. — Prononcer le mot « publicité » c'est évoquer « tout à la fois l'Amérique et ses gratte-ciel, la prospérité, la voiture de sport et le dentifrice, les calembours de Maurice Biraud sur les ondes d'Europe n° 1, la silhouette deshabillée d'une jolie fille dans un magazine à grand tirage » (19).

Lorsqu'on parle de publicité on pense en effet immédiatement à la publicité commerciale, peut-être parce qu'elle est de plus en plus envahissante.

Pourtant, si cet aspect commercial est intéressant, le problème n'est pas si simple car même dans le langage courant le mot « publi- cité » est utilisé dans d'autres domaines ; c'est ainsi que l'on parlera de publicité littéraire, de publicité idéologique, de publicité tou- ristique et aussi de publicité juridique, sans que cette liste soit limi- tative. Cette évocation rapide des emplois les plus fréquents du mot publicité dans la vie quotidienne au XX siècle, montre que ce mot peut avoir plusieurs sens.

7. — Le dictionnaire Robert (20) retient deux définitions du mot publicité :

— C'est tout d'abord le « caractère de ce qui est public, n'est pas tenu secret » ; et l'on trouve comme exemple « Publicité des débats en justice ».

— C'est aussi, dans un sens plus courant, « le fait, l'art d'exer- cer une action psychologique sur le public à des fins commer- ciales ».

(19) Lavernhe, « Rôle économique de la publicité », Annales de la Faculté de Droit de Toulouse, 1969, t. 17, fasc. 2, p. 145 et s.

(20) « Le petit Robert », éd. 1969, V° Publicité.

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De ces deux définitions, nous ne retiendrons que la deuxième, la plus courante, mais en l'élargissant quelque peu ; la publicité envisagée comme une action psychologique sur le public n'est pas uniquement l'œuvre des commerçants ; ce peut être le fait de tous ceux qui exercent une activité économique ; certes, l'aspect com- mercial est important dans le domaine des activités économiques, mais ce n'est pas le seul. C'est pourquoi nous préférons définir la publicité comme le fait d'exercer une action psychologique sur le public à des fins lucratives.

Il nous faut préciser cette définition d'une part en en repre- nant les éléments constitutifs, d'autre part en nous demandant, s'il convient de distinguer entre la publicité et la réclame.

1°) LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE LA PUBLICITE

8. — Ils résultent de la définition que nous avons proposée ; il s'agit d'une part de l'action psychologique sur le public et, d'autre part, du but lucratif. L'étude de ces éléments nous permettra de déli- miter la notion de publicité par rapport à d'autres, comme par exemple, la notion de propagande ou de relations publiques.

a) L'ACTION PSYCHOLOGIQUE SUR LE PUBLIC 9. — C'est l'élément fondamental, caractéristique, celui qui dis-

tingue la publicité au sens où nous l'entendons ici, de la publicité juridique par exemple. Cette action psychologique se réalise par l'emploi de certaines méthodes et par l'intermédiaire de supports.

1) Les méthodes. 10. — Elles sont très nombreuses et toutes seront retenues au

cours de cette étude. Nous en indiquerons deux pour le moment : ce peut être une simple information ou une véritable campagne publi- citaire.

— Selon un auteur (21) la publicité supposerait la mise en œuvre de techniques, de procédés caractérisés le plus souvent par une répétition, qui mettraient en valeur le produit « soit par des légendes, soit par des reproductions agréables à l'œil, soit par des émissions flattant l'oreille et vantant en même temps les mérites du produit » (22). Ainsi un catalogue qui ne ferait qu'énoncer pro- duits et prix courants, ne serait pas une publicité. Par contre, des brochures éditées par certains aéroports et représentant en grand modèle et en couleurs des bouteilles de whisky, constitueraient de la publicité car celle-ci se caractérise par « l'emploi de couleurs, la taille des reproductions, la composition et la variété des images » (23).

(21) Note J.D. sous TGI, Auch, 18 mars 1969, D.S. 1970, p. 554. (22) Ibid. (23) Ibid.

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Cet annotateur anonyme du jugement rendu par le Tribunal de grande instance d'Auch (24) a raison de dire que « psychologi- quement, c'est l'obsession qui est le fondement de la publicité » (25) ; mais il est faux d'affirmer que toute publicité suppose l'utili- sation des techniques que nous venons d'énumérer, qu'elle exige superlatifs et hyperboles. La « campagne publicitaire » n'est qu'un aspect de la publicité ; sans doute c'est le procédé le plus employé à l'heure actuelle, mais ce n'est pas le seul.

— C'est bien d'ailleurs à cette conclusion qu'arrive M. Fourgoux lorsqu'il écrit : « la notion de publicité est certainement moins étroite... Elle peut se contenter de faire connaître un produit de façon objective, d'informer les consommateurs ; on l'analysera com- me une sollicitation du public en vue de promouvoir la vente de produits ou de prestations de services, d'exercer une action sur sa détermination et sur son comportement » (26).

Il n'est pas nécessaire en effet, pour qu'il y ait publicité, que certains procédés techniques soient utilisés. Et nous pouvons affir- mer, contrairement à l'annotateur anonyme du jugement du Tribu- nal de Grande Instance d'Auch, que l'envoi d'un catalogue, d'une circulaire par un commerçant, un industriel ou autre agent écono- mique, à sa clientèle constitue une publicité. C'est d'ailleurs à cette conclusion qu'était arrivé le Tribunal d'Auch puisqu'il avait con- damné sur la base de l'article L 17 du Code des débits de boissons un commerçant qui distribuait par la poste, sous pli fermé, à des destinataires personnellement désignés, des prix courants et des bons de commande ou prospectus offrant, à côté d'Armagnac et de Porto, la vente de whisky. Or, ce jugement a été infirmé par la Cour d'appel d'Agen au motif : « qu'aucune expression laudative » n'était employée (27). La Cour reprend ainsi les arguments de l'an- notateur anonyme : la publicité exigerait l'utilisation de certains procédés, de superlatifs et d'hyperboles. Nous ne pensons pas qu'une telle position soit fondée ; l'action psychologique peut s'exercer sur le public sans qu'il soit besoin de faire appel à la répétition du pro- cédé utilisé ; une simple circulaire envoyée à des consommateurs constitue en soi une publicité. Il en serait autrement s'il s'agissait d'une lettre envoyée individuellement en réponse à une demande de prix, car la publicité suppose une démarche active qui doit éma- ner du commerçant, de l'industriel et non pas du public. Cet arrêt de la Cour d'appel d'Agen est d'autant plus critiquable qu'en l'es- pèce il y avait bien une véritable « campagne publicitaire » : le prévenu envoyait systématiquement une grande quantité de bons de commande à des clients éventuels qui ne l'avaient absolument pas sollicité. On ne voit pas pourquoi un tel procédé ne serait pas de la publicité. Peut-être cet arrêt s'explique-t-il par le fait qu'il a été

(24) TGI, Auch précité. (25) Ibid. (26) Note Fourgoux sous Paris, 20 déc. 1968, G.P. 1969, II, 319. (27) Agen, 4 déc. 1969, D.S. 1970, p. 57.

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rendu en matière pénale et que la Cour d'Appel a fait application du principe de l'interprétation stricte des textes répressifs.

Quoiqu'il en soit, nous retiendrons, au cours de cette étude, com- me constitutif de publicité, tout procédé qui a pour but de solliciter le public.

Si les méthodes utilisées peuvent être variées, il en est de même des moyens et des supports.

2) Les supports et les moyens 11. — La distinction entre le support et le moyen est la sui-

vante : Le moyen est le procédé utilisé pour la transmission du mes-

sage publicitaire. Le support est l'élément matériel qui sert à cette transmis-

sion. Ainsi l'annonce insérée dans un journal est un moyen, alors

que le journal lui-même est un support. Parfois un même support peut être utilisé pour plusieurs procédés : ainsi la presse contient souvent deux moyens : l'annonce et la publicité rédactionnelle.

Il n'entre pas dans notre intention d'étudier chaque moyen pu- blicitaire (28), chaque support. Nous voudrions simplement indiquer que nous retiendrons dans le cadre de cette étude la publicité sous toutes ses formes (affiches, enseignes lumineuses, étalages, peintures murales, panneaux, enseignes, banderoles, prospectus et dépliants, etc...) et quel que soit son support (presse, radiodiffusion, cinéma, télévision, et même... les nuages) (29). Bien mieux, nous verrons que la publicité peut être seulement verbale, le moyen étant alors la parole et le support, l'être humain (30).

Finalement la définition de la publicité que nous retiendrons sera très large ; il s'agira de l'action psychologique exercée sur le public par des méthodes allant de la simple circulaire à la campa- gne publicitaire, au moyen de procédés techniques les plus variés et par l'intermédiaire de supports aussi différents que le nuage et l'être humain.

Mais pour qu'il y ait publicité au sens où nous l'entendons dans le cadre de cette étude, encore faut-il que cette action psychologique exercée sur le public ait un but lucratif.

b) LE BUT LUCRATIF

12. — On pourrait admettre que la publicité, l'action psycholo- gique n'ait pas nécessairement de but mercantile. C'est ainsi qu'un auteur (31) définit la publicité dans un sens très large comme étant

(28) Pour les moyens, voyez « La publicité » par Bernard De Plas et Henri Verdier, coll. « Que sais-je «, p. 59 et s.

(29) C.E., 15 déc. 1961, arrêt Chiaretta, D. 1962, 473, note Vergnaud. (30) Paris, 20 déc. 1968, G.P. 1969, II, p. 319, note Fourgoux. (31) C.R. Haas, « La publicité, théorie, technique et pratique », Coll.

Dunod, 1970, p. 5.

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« une technique ayant pour but de faciliter soit la propagation de certaines idées, soit les rapports d'ordre économique entre certains hommes qui ont une marchandise ou un service à offrir et d'autres hommes susceptibles d'utiliser cette marchandise ou ce service ». Cette définition très large de la publicité recouvre en réalité deux notions que l'on peut distinguer par leur but : l'une a un but non lucratif et c'est la propagande, l'autre a un but lucratif et c'est la publicité proprement dite au sens où nous l'entendons ici.

Mais s'il faut un but lucratif, peu importe que ce but soit direct ou indirect ; c'est pourquoi après avoir montré ce qui distingue la publicité de la propagande, nous indiquerons que pour nous, dans le cadre de cette étude, ce que l'on appelle parfois, les relations publiques sont en fait de la publicité.

1) Le but lucratif est nécessaire : publicité et propagande. 13. — Le dictionnaire « Robert » définit la propagande comme

« l'action exercée sur l'opinion pour l'amener à avoir certaines idées politiques et sociales, à soutenir une politique, un gouvernement, un représentant ».

On retrouve dans cette définition l'élément commun à la publi- cité et à la propagande : l'action psychologique sur le public ou sur l'opinion. Mais il y manque le but lucratif, mercantile.

Le mot propagande est mentionné pour la première fois au dictionnaire de l'Académie en 1740, en tant que terme ecclésiasti- que ; en effet, si ce mot est issu de propager (du latin propagare), son histoire est liée à celle de l'Eglise catholique et plus précisément à la « Congregatio de propagande fide », ce qui signifie littérale- ment, « congrégation pour propager la foi ». La Congrégation de la Propagande fut fondée par le pape Clément VII en 1597 et orga- nisée par Grégoire XV en 1622 ; le but de cette congrégation était de répandre dans le monde la foi catholique. Ceci permet de com- prendre qu'en fait la propagande, c'est de la publicité idéologique. Aujourd'hui les deux termes sont bien distincts : on emploie propa- gande pour une action religieuse, philosophique, sociale, politique, et publicité pour une activité mercantile.

Cependant, il existe encore quelques cas où il est difficile de distinguer avec précision ce qui est publicité et ce qui est propa- gande. Ainsi M. C.R. Haas prend l'exemple des campagnes de la Metropolitan Life Insurance C° aux Etats-Unis (32) qui sont à la fois des campagnes de publicité au sens exact du terme (c'est-à-dire avec but lucratif) puisqu'elles servent directement les intérêts de cette société, et de la propagande puisqu'elle fustigent l'abus exces- sif de l'alcool, du tabac, des drogues et luttent contre l'analphabé- tisme. Les deux notions sont ainsi mélangées mais dès l'instant qu'il y a dans une activité une part de publicité proprement dite nous la retiendrons comme objet de notre étude. Nous n'éliminerons que les campagnes de pure propagande, sans aucun but lucratif.

(32) C.R. Haas, op. cit., p. 7.

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Mais si ce but lucratif est nécessaire, il n'apparaît pas toujours directement, immédiatement.

2) Le but lucratif peut être direct ou indirect : publicité et relations publiques.

14. — Certains auteurs distinguent la publicité des relations publiques (33). La publicité (commerciale) serait « l'ensemble des techniques à effet collectif utilisées au profit d'une entreprise ou d'un groupement d'entreprises afin d'acquérir, développer ou main- tenir une clientèle » (34) alors que les relations publiques auraient « pour but de créer ou de développer une atmosphère d'intérêt et de sympathie autour d'une entreprise ou d'une collectivité », sans que ce but soit « immédiatement et nécessairement lucratif » (35).

En réalité, si cette distinction peut présenter un intérêt dans le cadre de l'organisation d'une entreprise où les services « Publi- cité » et « Relations Publiques » pourront être distincts, il faut recon- naître qu'elle est subtile dans la mesure où « créer et développer une atmosphère d'intérêt et de sympathie autour d'une entreprise », revient à exercer sur le public auquel cette entreprise s'adresse, une action psychologique dans le but de se faire connaître sous son meilleur aspect ; et finalement il s'agit bien pour cette entreprise d'en retirer un profit, peut-être indirect, mais profit tout de même. Le but lucratif n'est donc pas absent des relations publiques ; nous pensons même que les relations publiques ne sont que la forme la plus élaborée, la plus subtile de la publicité ; c'est en quelque sorte la publicité au second degré : les fins lucratives, mercantiles n'y apparaissent pas immédiatement, mais dans un deuxième temps, à plus long terme.

De toute façon, nous retiendrons comme objet de notre étude les relations publiques envisagées comme une forme de publicité.

15. — Finalement sous le terme de publicité, nous regrouperons la publicité proprement dite, y compris les relations publiques, sous toutes ses formes, mais nous exclurons la propagande.

Ayant ainsi déterminé la composition interne de la publicité en deux éléments distincts, il nous faut maintenant nous demander s'il y a lieu de distinguer entre publicité et réclame.

2°) PUBLICITE OU RECLAME ?

16. — Le Droit français, les auteurs français parlent de publi- cité (mensongère) et non pas de réclame (trompeuse). Est-ce à dire qu'il y a une différence de nature entre les deux termes ? Nous ne le pensons pas.

(33) B. de Plas et H. Verdier, op. cit., p. 45. (34) Ibid. (35) Ibid.

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Le mot réclame vient du latin clamare (appeler) et il fut men- tionné pour la première fois dans le dictionnaire de l'Académie en 1762 ; mais son emploi est plus ancien : selon le dictionnaire Robert, il remonte à 1625 en ce qui concerne son sens technique, c'est-à-dire de notation au bas d'une page. En réalité, dès 1611, Cotgrave le mentionnait dans son dictionnaire (36) en tant que terme de vénerie (« réclamer un faucon »).

Ce n'est que beaucoup plus tard, et par extension du sens tech- nique que le mot réclame prit son sens actuel signifiant « mise en œuvre de procédés, quels qu'ils soient, en vue d'attirer l'attention sur une idée, un service, un produit, un individu généralement dans un but intéressé » (37). Mais il a aujourd'hui perdu son utilisa- tion dans les milieux professionnels ; ce terme a en France, à l'époque contemporaine, une nuance péjorative ; il s'est en quel- que sorte abâtardi, comme le montre cette citation tirée du diction- naire Robert : « publicité, mot savant, apparaît comme plus noble, plus prestigieux que réclame » (38).

Et pourtant le mot publicité est plus ancien que le mot réclame, tout au moins dans le dictionnaire de l'Académie où il figure dès 1694 (contre 1762 pour réclame) au sens juridique de publicité des débats. Au XIX siècle « publicité » prit un sens commercial et il tend aujourd'hui à se substituer au terme « réclame ».

Il n'y a donc pas de différence de nature entre les mots « publicité » et « réclame » tout au moins dans leur sens courant ; simplement on constate qu'en France le premier tend à supplanter le second. A l'étranger et notamment en Suisse on emploie indiffé- remment publicité ou réclame ; et même le mot réclame semble y être plus utilisé : ainsi en Italie on parle de « réclame menzognera », de « falsa reclame ».

Quant à nous, nous utiliserons indifféremment publicité ou réclame (39) de même que publicité mensongère ou réclame trom- peuse. C'est qu'en effet la publicité ne fait l'objet de notre étude que dans la mesure où elle est mensongère, où il y a un mensonge.

B. — LA NOTION DE MENSONGE

17. — Le dictionnaire « Robert » définit le mensonge comme une « assertion sciemment contraire à la vérité, faite dans l'inten- tion de tromper ». Si l'on retenait cette définition, il n'y aurait publicité mensongère que lorsque son auteur aurait voulu sciemment tromper le client ; nous verrons que juridiquement l'intention de tromper n'est pas nécessaire ; dès lors qu'il y a objectivement une indication inexacte dans une publicité, cette dernière doit être qua-

(36) Cotgrave, A Dictionary of French and English Tongues, Londres, 1611. (37) C.R. Haas, op. cit., p. 8. (38) Dictionnaire Robert, V° Réclame, citation de M. Galliot. (39) A titre indicatif, on peut signaler que M. le Dr. Eugen-Ulmer emploie

de préférence réclame à publicité dans son ouvrage sur « la répression de la concurrence déloyale dans les Etats membres de la C.E.E. », t. 1, spéc. p. 126.

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lifiée de mensongère. La définition du mensonge en Droit canonique correspond mieux à la publicité : commet un mensonge celui qui ne tient pas sa promesse (39 bis).

18. — En retenant comme définition du mensonge une assertion contraire à la vérité, inexacte, il nous faut voir comment une publi- cité qui contient une telle assertion est prise en considération par le Droit. Or, à cet égard on constate une différence fondamentale de conception entre le Droit français et le Droit suisse, tout au moins sur le plan civil :

— Le Droit français n'envisage la publicité mensongère sur le plan du Droit civil, que si elle peut entrer dans le cadre d'une théorie classique, comme celle du dol ou de la concurrence déloyale. Au contraire, le Droit suisse l'appréhende par une loi spéciale, sans at- tendre qu'elle réunisse les éléments permettant de l'intégrer, de l'as- similer à une notion connue.

— Mais nos deux systèmes juridiques se rapprochent sur le plan du Droit pénal, car tous les deux incriminent la publicité menson- gère comme délit pénal par une loi spéciale : depuis 1943 en Suisse, depuis 1963 en France.

C'est pourquoi, nous examinerons successivement : Titre 1. — La publicité monsongère, délit civil. Titre 2. — La publicité mensongère, délit pénal.

(39 bis) Voy. H. Capitant, Cours de Droit civil approfondi, Doctorat 1935- 1936, L'évolution du Droit des contrats, « Les cours de Droit » éd., Paris, 1936.

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