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Si, selon le dicton, “il n’est de bon bec qu’à Paris”, il n’en reste pas moins qu’aucune ville au monde autre que Lyon ne peut se targuer du titre de “capitale mondiale de la gastronomie”. Quelques tables centenaires, véritables mémoires culinaires de la région et voraces gardiennes du temple, subsistent encore. Pour certaines d’entre elles, on s’y attarde moins pour l’assiette que par le passé. Mais on y file en pèlerinage manger un morceau d’histoire. Les tables mythiques 88 I LYON CAPITALE I  745 I Juin 2015 La Pyramide R ien ne prédestinait La Pyramide à devenir une légende interna- tionale où viendraient se dé- lecter chefs d’État, têtes cou- ronnées, acteurs, écrivains et célébrités du monde entier. Certes, dès 1926, le guide Michelin accorda deux étoiles au restaurant, alors tenu par Auguste Point, le père. Mais, à l’époque, l’adresse était connue des seuls amateurs de spécialités lyonnaises. C’est Mado, celle qui devint quatre ans plus tard l’épouse de Fernand Point, alors cuisinier, saucier et pâtissier accomplis, qui donna l’impulsion quasi cosmique à l’établissement. C’est elle qui introduisit l’art de la table dans un grand restaurant. Un souci constant de l’élégance apprêté de nappages en fil, de rideaux brodés, de porcelaine de Limoges, de verres en cristal de Baccarat et de fleurs fraîches tous les jours. Le géant de Vienne Grand timide, Fernand Point n’était pas de ceux qu’on décrirait comme ambitieux. Sa femme, en revanche, avait de l’ambition pour deux. Marie-Louise (surnom Mado) permit au doux géant (1,92 m, 165 kilos et 1,69 m de tour de taille) timide et un brin excentrique de donner la pleine mesure de son talent et de s’affirmer comme le monstre sacré de la cuisine française, bref de devenir le “Merveilleux de Vienne”. Le juge de paix de la gastronomie – le bien nommé Michelin – ne s’y trompera pas en lui accordant, en 1933, les trois étoiles tant convoitées. La Pyramide conservera le Graal cinquante-trois ans d’affilée. “C’est l’une des meilleures maisons du monde, écrit alors Curnonsky, le Prince des gas- tronomes. Il est des gens qui ont traversé la Terre pour venir déguster un plat chez Point.” Petit inventaire à la Prévert : crème des mers “à ma façon”, poulardes de Bresse truffées en vessie, terrine de foie gras frais, brioche de foie gras, pâté de gibier grand veneur, filet de sole napolitaine, truite au bleu sauce hollandaise, pintadeau poêlé en cocotte, gratin de queues d’écrevisse à pattes rouges, et la “marjolaine”, un dessert à base de crème blanche, de chocolat, d’amandes et de noisettes. Révolution culinaire Fernand Point a dépouillé la cuisine figée, dans ses formes et protocoles, d’Auguste Escoffier. Au tapis les lourdeurs d’antan. Les sauces, qui servaient jusque-là à masquer les produits, deviennent un élément à part Dans la vallée du Merveilleux Ce fut, dans la première moitié du xx e siècle, la table la plus mythique de la planète, le “sommet de l’art culinaire”, dixit Curnonsky, que gravit avec générosité et talent un monstre sacré qui régnait alors sur le goût français : le doux géant Fernand Point. Aujourd’hui, sous la conduite de Patrick Henriroux, La Pyramide de Vienne est auréolée de deux étoiles Michelin et fait partie de la prestigieuse chaîne hôtelière Relais & Châteaux. Un phénix qui a bien failli ne jamais renaître de ses cendres. Suite page 90 Patrick Henriroux dans les cuisines de La Pyramide, avec le portrait de Fernand Point par Doisneau.

La Pyramide Dans la vallée du Merveilleux · mers “à ma façon”, poulardes de Bresse truffées en vessie, terrine de foie gras frais, ... que gravit avec générosité et talent

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Page 1: La Pyramide Dans la vallée du Merveilleux · mers “à ma façon”, poulardes de Bresse truffées en vessie, terrine de foie gras frais, ... que gravit avec générosité et talent

Si, selon le dicton, “il n’est de bon bec qu’àParis”, il n’en reste pasmoins qu’aucune ville aumonde autre que Lyon nepeut se targuer du titre de“capitale mondiale de lagastronomie”. Quelquestables centenaires,véritables mémoiresculinaires de la région etvoraces gardiennes dutemple, subsistent encore.Pour certaines d’entreelles, on s’y attarde moinspour l’assiette que par lepassé. Mais on y file enpèlerinage manger unmorceau d’histoire.

Les tables mythiques

88 I LYON CAPITALE I N° 745 I Juin 2015

La Pyramide

Rien ne prédestinait La Pyramideà devenir une légende interna-tionale où viendraient se dé-lecter chefs d’État, têtes cou-ronnées, acteurs, écrivains et

célébrités du monde entier.Certes, dès 1926, le guide Michelin accordadeux étoiles au restaurant, alors tenu parAuguste Point, le père. Mais, à l’époque,l’adresse était connue des seuls amateursde spécialités lyonnaises.C’est Mado, celle qui devint quatre ansplus tard l’épouse de Fernand Point, alorscuisinier, saucier et pâtissier accomplis,qui donna l’impulsion quasi cosmique àl’établissement. C’est elle qui introduisitl’art de la table dans un grand restaurant.Un souci constant de l’élégance apprêtéde nappages en fil, de rideaux brodés, deporcelaine de Limoges, de verres en cristalde Baccarat et de fleurs fraîches tous lesjours.

Le géant de VienneGrand timide, Fernand Point n’était pasde ceux qu’on décrirait comme ambitieux.Sa femme, en revanche, avait de l’ambitionpour deux. Marie-Louise (surnom Mado)permit au doux géant (1,92 m, 165 kiloset 1,69 m de tour de taille) timide et un

brin excentrique de donner la pleine mesurede son talent et de s’affirmer comme lemonstre sacré de la cuisine française, brefde devenir le “Merveilleux de Vienne”. Lejuge de paix de la gastronomie – le biennommé Michelin – ne s’y trompera pasen lui accordant, en 1933, les trois étoilestant convoitées. La Pyramide conserverale Graal cinquante-trois ans d’affilée. “C’estl’une des meilleures maisons du monde,écrit alors Curnonsky, le Prince des gas-tronomes. Il est des gens qui ont traversé laTerre pour venir déguster un plat chez Point.”Petit inventaire à la Prévert : crème desmers “à ma façon”, poulardes de Bressetruffées en vessie, terrine de foie gras frais,brioche de foie gras, pâté de gibier grandveneur, filet de sole napolitaine, truite aubleu sauce hollandaise, pintadeau poêléen cocotte, gratin de queues d’écrevisse àpattes rouges, et la “marjolaine”, un dessertà base de crème blanche, de chocolat,d’amandes et de noisettes.

Révolution culinaireFernand Point a dépouillé la cuisine figée,dans ses formes et protocoles, d’AugusteEscoffier. Au tapis les lourdeurs d’antan.Les sauces, qui servaient jusque-là à masquerles produits, deviennent un élément à part

Dans la vallée du MerveilleuxCe fut, dans la première moitié du xxe siècle, la table la plus mythique de la planète, le “sommet de l’artculinaire”, dixit Curnonsky, que gravit avec générosité et talent un monstre sacré qui régnait alors sur le

goût français : le doux géant Fernand Point. Aujourd’hui, sous la conduite de Patrick Henriroux, La Pyramide de Vienne est auréolée de deux étoiles Michelin et fait partie de la prestigieuse chaîne

hôtelière Relais & Châteaux. Un phénix qui a bien failli ne jamais renaître de ses cendres.

Suitepage 90

Patrick Henrirouxdans les cuisinesde La Pyramide,

avec le portrait deFernand Point par

Doisneau.

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CUISINE DES MOTSFernand Point avait le sens de la formule, àl’instar de Sacha Guitry. L’homme de théâtreavait d’ailleurs quasiment table ouverte à LaPyramide. Point, c’était aussi la cuisine des mots.Quand Guitry lui demanda de venir dans son hôtelparticulier parisien préparer son dîner de mariageavec la Valentinoise Jacqueline Delubac –“la femme la plus élégante de Paris” –, le chefrétorqua superbement : “Je ne viens pas aumonde, c’est le monde qui vient à moi !” Il céderapourtant… C’est lors de ce dîner que Guitry aurace mot non moins fameux : “Ah, le saint-marcellin ! Comme je comprends qu’on l’aitcanonisé !”

Sacha Guitry

Fernand Point, dans les années1927-1928, avec le “staff” de LaPyramide. Il rasera sa moustachequand il rencontrera sa muse, Mado,en 1930.

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entière de l’ensemble. De la simplicité etde la limpidité sans esbroufe.Bref, avec Fernand Point, c’est la révolutionculinaire. La plupart des futurs grandspassent par l’“école viennoise”. Pas celled’Autriche, bien celle d’Isère. Parmi lesapprentis : Paul Bocuse, les frères Troisgros,Alain Chapel, Louis Outhier et FrançoisBise, qui finiront tous triple-étoilés. PierreTroisgros (dont le fils Michel est aujourd’huià la tête du restaurant familial) confia unjour : “Avant, on hachait le persil pour lasemaine, on faisait une poudre qu’on mettaitsur tout. Point nous a ouvert les yeux. Si lecerfeuil va mieux avec tel ou tel mets,pourquoi mettre du persil* ?” Sa devise :“Chaque matin, on doit recommencer àzéro, sans rien sur les fourneaux.” Autrementdit, Point mit sur pied ce qu’on appelleaujourd’hui la cuisine du marché. Élé-mentaire maintenant, impensable jadis.Chaque matin, le rituel est immuable. Surla terrasse ensoleillée, Fernand Point sefait raser à l’ancienne. Mado vient ensuitelui nouer sa lavallière. Le champagne pa-tiente au frais dans l’immense mortier en

pierre. Paul Bocuse se souvient : “On brisaitdes blocs de glace au maillet pour maintenirà température les magnums destinés à saconsommation personnelle. Il en buvait plu-sieurs par jour. Ce qui lui a valu le surnomde Magnum. Dès qu’il m’apercevait au petitmatin, il me criait “Paul ! Moule !” et jedevais attraper une bouteille et remplir deuxcoupes de Baccarat : celle du chef et lamienne*.”

D’une pyramide à un tombeauQuand Fernand Point décède, en 1955, lestémoignages affluent du monde entier.Jean Cocteau écrira à Mado : “Fernand,c’est le vrai luxe qui s’écroule, le luxe ducœur.” La Pyramide continuera avec les fi-dèles de Fernand Point, les cuisiniers PaulMercier, puis Guy Thivard. Les trois étoilesflotteront au-dessus de La Pyramide jusqu’en1986, à la mort de Marie-Louise. Marie-Josée Eymin, sa fille adoptive, reprend lerestaurant une année. Elle vendra à la Fon-cière des Champs-Élysées, propriété del’homme d’affaires Dominique Bouillon,un proche de Tapie.

Patrick Henriroux est alors chef des cuisinesà La Ferme de Mougins, dans les Alpes-Maritimes, auréolée d’une étoile Michelin.“Je voulais acheter La Ferme, mais l’un desdeux associés ne voulait pas. J’ai alors cherchésur la Côte d’Azur mais, les fonds de commerceétant trop chers, j’ai changé mon fusild’épaule”, explique-t-il. C’est son amiJacques Chibois, patron de La BastideSaint-Antoine à Grasse, qui lui présenteDominique Bouillon. Le promoteur, no-tamment propriétaire de la station de skiIsola 2000, cherche un cuisinier pour pour-suivre l’aventure de La Pyramide, alorsconsidérée comme un tombeau. Le res-taurant avait perdu sa clientèle et sa crédi-bilité. Le chef refuse d’abord, tétanisé àl’idée de passer derrière le grand FernandPoint. Patrick Henriroux se laisse finalementconvaincre par le charisme de Bouillon. Ilprend la direction générale, avec un statutde salarié, sans intéressement à l’affaire.C’est l’appel du 18 juin 1989.Le restaurant rouvre après de gros travaux.“J’avais 29 ans et demi, une grosse partd’insouciance et l’envie de réussir”, se re-

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Gastronomie

Depuis 1822, La Pyramide n’a connu que cinq propriétaires.1822-1880 : M. et Mme Chambertin – Le restaurant s’appelait alors Au Poirier Idéal.1880-1920 : M. et Mme Léon Guieu – Le restaurant prend le nom de La Pyramide.1923-1987 : Marie-Louise et Fernand Point, puis leur fille adoptive, Marie-Josée Eymin.1989-1996 : Foncière des Champs-Élysées (Dominique Bouillon).1996-… : Pascale et Patrick Henriroux.

Parler de La Pyramide sans évoquer sa cave serait une gageure tant l’endroit est liéau mythe du restaurant. Longtemps, le vin arrivait en fûts et était mis en bouteillessur place. La Pyramide était si connue que Fernand Point était “adjudicataire auxHospices de Beaune dans tous les bons millésimes”, tel qu’il était inscrit sur lesmenus d’époque. Aujourd’hui, le dogme de Fernand Point est toujours d’actualité :“La cave ne se visite pas, le vin doit dormir tranquille.”

LA CAVE

VALS

E

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mémore le chef. Sept mois plus tard, il dé-croche un premier macaron Michelin. Puisun second en 1992 : “J’ai connu une pressionhumaine et professionnelle assez intense.Cette année-là, Lacombe et Orsi perdaientchacun leur deuxième étoile… C’est aussil’année de l’arrivée de Philippe Gauvreauau casino de Charbonnières et de StéphaneGaborieau à la Villa Florentine. On nousappelait “les Sudistes”. Pour emmerder toutle monde, on avait chacun une Golf GTIdont on avait laissé la plaque en 06…”

Le sauvetageChapeauté par Yanou Collart, attachée re-lations publiques des stars du showbiz –qui emmenait Gaston Lenôtre, Roger Vergéet Paul Bocuse aux États-Unis pour leursopérations de promotion de la cuisinefrançaise –, Patrick Henriroux se retrouverapidement sous les feux de la rampe. Il aréussi à imposer sa touche, sa proprecuisine, avec pour philosophie qu’“il fauttoujours travailler sans oublier, mais sansoublier d’être au goût du jour”.Pourtant, en mars 1995, c’est la douche

froide. Dominique Bouillon est en liqui-dation personnelle depuis un mois. La Py-ramide est dès lors déclarée en liquidationjudiciaire. L’exploitation du fonds de com-merce étant saine, Patrick Henriroux disposed’une période d’observation d’une année(reconduite huit mois supplémentaires).“Tout le personnel a choisi de rester et ilsont travaillé davantage. Il y a eu une sortede communion extraordinaire !” Le chiffred’affaires augmente de 10 %, Gault&Millaudésigne Henriroux “chef de l’année”. Unan plus tard, le chiffre d’affaires augmentede 30 %. Fin 1996, Pascale et Patrick Hen-riroux rachètent le fonds de commerce etla cave (lire In vino veritas et Petites etgrandes histoires de vin) pour 800 000 francs.Deux ans plus tard, toujours un 18 juin,ils font l’acquisition des murs de La Pyra-mide pour 4 millions de francs. Un peuplus de dix ans après, tous les empruntssont clos. Boris et Leslie, deux de leurstrois enfants, les ont rejoints dans l’aventurepyramidale. En 2009, le PH3, nouvel espacede restauration-démonstration avec che-minée centrale, cuisine ouverte, lignes épu-

rées et contemporaines, ouvre dans lafoulée. L’architecte d’intérieur Régis Dhofait entrer le restaurant dans le XXIe siècle.Puis c’est au tour de l’hôtel d’être intégra-lement rénové, façon “hôtel en ville contem-porain et de charme”, souffle Madame.Étape idéale entre Paris et la Côte d’Azur,La Pyramide accueille de nouveau les stars.Henriroux s’est accompli en tant que cui-sinier. Le mythique établissement, qui doitson nom à la spina du cirque romain deVienne, fait désormais partie de la presti-gieuse chaîne Relais & Châteaux. DeuxMeilleurs Ouvriers de France ont rejointles rangs de la brigade. Deux étoiles Michelinbrillent depuis vingt-trois ans au-dessus,et 40 000 clients viennent s’y régaler chaqueannée.L’héritier Patrick Henriroux a su perpétuerle legs de Fernand Point et faire entrerl’adresse mythique dans un siècle nouveau.Tel le phénix, La Pyramide renaît de sescendres.

GUILLAUME LAMYPHOTOS : TIM DOUET

* In Eve-Marie Zizza-Lalu,Paul Bocuse – Le Feu sacré, éditions Glénat, 2005.

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Creusée en 1780, la cave de La Pyramide est un extra -ordinaire sanctuaire. Et un formidable voyage dans le temps.“Cette cave n’est pas une valorisation, c’est l’histoire de la

maison”, s’enivre Patrick Henriroux. 35  000  bouteilles, soit900 références de vins et 450 de spiritueux, y sommeillent tran-quillement en attendant d’être bues, car, comme le fait remarquer,clin d’œil en prime, le maître de céans, “on fait vivre cette cave,on boit les flacons !” Parmi les raretés, un château-grillet 1893

(sur une production annuelle de 10 000 bouteilles, La Pyramide aune allocation fixée à 120), des lafite-rothschild 1865 et 1898, desromanée-conti de 1911, 1925, 1926 et 1938. Et la deuxièmeplus grande collection de liqueurs de Chartreuse aumonde, dont une grande partie a été achetée par Mado Point,l’épouse du doux géant Fernand. Cette collection se perpétueaujourd’hui avec Patrick Henriroux. Soit 800 bouteilles, 115 réfé-rences et un millésime daté de 1840.

Début 2013, un amateur fortuné, client de l’hôtel, a commandé quatre bouteilles : 1878, 1898, 1904 et 1905 – “On aparfois de belles surprises”, n’en revient toujours pas Patrick Henriroux. Des anecdotes comme celle-ci, la cave endéborde. Un jour, deux des trois pères chartreux qui détiennent la recette de la liqueur (gardée secrète depuis 1605),en visite privée dans la cave pyramidale, sont restés comme deux ronds de flan de voir un flacon du couronnement de lareine Élisabeth d’Angleterre. Il y a aussi l’épisode de la paille. Un client du restaurant – prix Nobel par-dessus le marché– commanda lors de son dîner un lafite-rothschild 1806 (époque napoléonienne donc !). Un tel desideratum le conduitaux sous-sols, normalement interdits d’accès. Mais l’homme cassa la bouteille, au verre très fin. Patrick Henriroux et lesommelier finirent par boire le nectar avec le Nobel au fond de la cave, à la paille.Pendant la guerre de 39-45, pour éviter que les Allemands ne la pillent, la cave de La Pyramide fut murée. Mais pasn’importe comment. Les murs furent emplis de paille, de couvertures et de plâtre, pour éviter qu’ils ne sonnent creuxquand les Allemands tapaient dessus. C’est ainsi que de grands crus achetés par Fernand Point (richebourg 1940 et 1942,grands-échezeaux 1943, La Tâche 1940, etc.) furent sauvés du pillage nazi. Et aussi une bonne partie des vins de grandsdomaines à destination du Vatican (alors également stockés dans la cave de La Tour d’Argent, à Paris, et celle du GrandHôtel de Paris à Monte-Carlo).

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PETITES ET GRANDES HISTOIRES DE VIN

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