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La régionalisation avancée, un palier institutionnel de gouvernance territoriale en stand by RÉGIONS - Réunis il y a quelques jours dans le cadre d'un forum-débat à l'Institut National d'Aménagement et d'Urbanisme, les présidents des régions du Maroc ont été unanimes sur le retard de la mise en œuvre du chantier du siècle, en l'occurrence, la réforme de notre millefeuille institutionnel de la gouvernance territoriale: la régionalisation avancée. Quels sont les obstacles sur lesquels bute la mise en place de la régionalisation avancée? La régionalisation avancée est-elle victime d'un marketing-média et/ou de l'inaction du gouvernement? Au lendemain de l'adoption de la constitution du 1er juillet 2011, les Marocains qu'ils soient acteurs politiques, économiques, sociaux ou simples citoyens ont vu en cette réforme des institutions de l'Etat la naissance d'un Maroc 2.0. En effet, dans son préambule, la constitution rappelle que "le Royaume du Maroc poursuit résolument le processus de consolidation et de renforcement des institutions d'un État moderne, ayant pour fondements les principes de participation, de pluralisme et de bonne gouvernance", et consacre tout un chapitre aux régions et aux collectivités territoriales. Des décrets d'application qui tardent à se mettre en place Ainsi, avec l'adoption de l'acte III de la régionalisation avancée, une nouvelle configuration des espaces et territoires a vu le jour, pour former une armature nationale de 12 espaces régionaux équilibrés et complémentaires, nonobstant les inquiétudes soulevées par des politiques et collectifs d'ONG des régions ayant fait l'objet de fusion avec d'autres territoires, notamment Meknès, Settat, Safi et Kénitra.

La Régionalisation Avancée

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La régionalisation avancée, un palier institutionnel de gouvernance territoriale en stand by

RÉGIONS - Réunis il y a quelques jours dans le cadre d'un forum-débat à l'Institut National d'Aménagement et d'Urbanisme, les présidents des régions du Maroc ont été unanimes sur le retard de la mise en œuvre du chantier du siècle, en l'occurrence, la réforme de notre millefeuille institutionnel de la gouvernance territoriale: la régionalisation avancée. Quels sont les obstacles sur lesquels bute la mise en place de la régionalisation avancée? La régionalisation avancée est-elle victime d'un marketing-média et/ou de l'inaction du gouvernement?

Au lendemain de l'adoption de la constitution du 1er juillet 2011, les Marocains qu'ils soient acteurs politiques, économiques, sociaux ou simples citoyens ont vu en cette réforme des institutions de l'Etat la naissance d'un Maroc 2.0. En effet, dans son préambule, la constitution rappelle que "le Royaume du Maroc poursuit résolument le processus de consolidation et de renforcement des institutions d'un État moderne, ayant pour fondements les principes de participation, de pluralisme et de bonne gouvernance", et consacre tout un chapitre aux régions et aux collectivités territoriales.

Des décrets d'application qui tardent à se mettre en placeAinsi, avec l'adoption de l'acte III de la régionalisation avancée, une nouvelle configuration des espaces et territoires a vu le jour, pour former une armature nationale de 12 espaces régionaux équilibrés et complémentaires, nonobstant les inquiétudes soulevées par des politiques et collectifs d'ONG des régions ayant fait l'objet de fusion avec d'autres territoires, notamment Meknès, Settat, Safi et Kénitra.

Consacrée dans la loi organique n°111-14 adoptée en mai 2015, la mise en place de la régionalisation piétine à cause de la non promulgation des décrets d'application. Aujourd'hui, aucune région n'a mis en place les structures administratives et exécutives prévues par ladite loi, encore plus, et faute de visibilité, les régions ne disposent pas d'un plan de développement régional, soit la feuille de

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route pour les six années à venir. Pour les présidents de régions, le temps technique n'est pas le temps politique, car en tant qu'élus, ils sont redevables aux électeurs à mettre en œuvre le projet de développement sur lequel ils se sont engagés durant leur mandat.

Reproduire les réflexes de la régionalisation de 1997 revient à condamner cette nouvelle expérience à l'échec. D'autant plus, vu le contexte particulier d'émergence de cette réforme des régions, il convient de rappeler la nécessité d'apporter des réponses à la hauteur des défis auxquels font face les territoires. Car la régionalisation avancée issue des concertations, est avant tout à vocation économique et doit, par voie de conséquence, être tournée vers le développement des territoires.

Pour cela, le principe de libre administration, prévu par l'article 136 de la constitution, doit être le leitmotiv de l'action des régions. Un principe qui permet à ces collectivités territoriales d'être autonomes sur le plan financier, de recruter ou de supprimer des emplois et gérer leur personnel, de tisser des contrats et partenariats sans subir la pesanteur de la tutelle.

Des sorties médiatiques sur la régionalisation ont mis le curseur au plus haut niveauIl importe de souligner que pendant trois ans, les sorties médiatiques des politiques et des experts n'ont cessé de faire l'éloge de cette nouvelle réforme institutionnelle des collectivités territoriales. Et chacun de ces protagonistes est allé puiser dans le jargon de la facilité pour faire croire aux citoyens que la régionalisation est le "vaccin-miracle" de tous les maux des territoires, allant du développement socio- économique à la création de la richesse et de l'emploi.

Dès lors, les présidents des régions issus du scrutin du 4 septembre 2015 se sont trouvés face à des doléances de toutes sortes. Et ce forum-débat a été une occasion pour eux d'inviter le ministère de l'Intérieur à mettre fin à cet attentisme qui risque à leurs yeux de les décrédibiliser face aux attentes de la population.

A mon humble avis, un Maroc fort est dans des régions fortes par leur autonomie de décision et de moyens humains et financiers. Pour cela, le gouvernement a tout intérêt à accélérer le processus de la mise en place de la régionalisation avancée, et ce pour permettre à ce nouveau palier de gouvernance de relever les défis du développement territorial régional, et ainsi permettre au gouvernement de se consacrer aux politiques et stratégies sectorielles et à la réalisation

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des grands chantiers d'infrastructures et d'équipement à rayonnement national, voire international.

Dans les grandes traditions démocratiques, ces "gouvernements" ou collectivités territoriales à échelle intermédiaire entre le gouvernement central et le gouvernement local (collectivité locale) sont créées pour gérer des problématiques territoriales qui se situent entre l'infra-national et le supra-local. De nos jours, il n'est plus permis de faire remonter à l'échelle centrale de décision des problèmes locaux. Un Etat est fort lorsqu'il apporte des solutions aux grands problèmes (croissance économique, chômage, éducation, grands infrastructures, etc.), et en contrepartie, il (le gouvernement) se noie quand tous les problèmes du local remontent à l'échelle centrale de décision.

Or, le discours des présidents de région lors du débat ne laisse personne indifférent, certains expriment un sentiment "d'abandon en pleine mer houleuse", d'autres "estiment que les élus ont été jetés dans une piscine sans eau et on leur demande de nager". Pour corroborer ces dires, il y a quelques jours, le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) a appelé à la "nécessité d'accélérer la mise en œuvre de la régionalisation avancée, à travers la mobilisation des ressources humaines et financières des régions, la création d'agences régionales afin de mettre en place des projets de développements et le renforcement de la déconcentration". Et d'ajouter que, "la réforme est nécessaire pour renforcer la démocratie participative au Maroc et approcher les centres de décision des citoyens".

L'inertie face au changementPrévues par la loi organique sur la régionalisation avancée, les structures administratives (Direction des Services et Direction des Affaires du conseil régional) et exécutives (Agence Régionale d'Exécution des Projets ou Société(s) de Développement Régional) tardent à se mettre en place. Ainsi, certains présidents de régions sont revenus sur les conditions d'adoption de la loi marquées par la précipitation et l'absence de concertation sur le coût financier de sa mise en œuvre et l'efficience de son modus operandi.

Ce qui, finalement, nous ramène à la question triviale qui demeure d'actualité, peut-on faire l'économie de la mise en cause de l'exécutif si l'on veut jeter les bases solides de la régionalisation avancée? A vrai dire, la question n'est pas tranchée, c'est ce qui fait l'intérêt de l'expérience marocaine de la réforme des régions depuis l'adoption

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des actes I et II de la régionalisation respectivement en 1971 et 1997: l'inertie face au changement.

Pour conclure, la viabilité de ce nouveau modèle de gouvernance territoriale est largement tributaire du principe de libre administration consacré dans l'article 136 de la constitution, et de la volonté réelle de l'exécutif de céder aux instances régionales, et les prérogatives et les moyens financiers qui vont avec, et ce à la hauteur des défis du Maroc d'aujourd'hui et de demain.

Ce que recommande le CESELe Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté son rapport sur la régionalisation avancée lors de sa 60e session tenue hier à Rabat. Plusieurs recommandations ont ainsi été faites pour permettre à la région de devenir "un levier de développement économique et humain intégré, inclusif et durable". La mise en place d’une Charte de la déconcentration a en ce sens été inscrite parmi les priorités, afin de doter les régions d’une administration régionale avec un réel pouvoir de décision et qui pourra assister les walis dans la coordination de l’action de l’État. En outre, le CESE demande l’encadrement, via un texte législatif dédié, des opérations de transfert des compétences partagées en plus de faire un diagnostic de type SWOT de chaque région. Ce n’est pas tout : la création d’une Charte de coopération économique régionale réunissant plusieurs acteurs, allant de l’État aux syndicats, figure aussi dans ce texte. L’idée est de développer des pôles de compétitivité régionaux, des mécanismes de préférence régionale pour les TPE/PME locales et des labels pour les produits de terroirs. Par ailleurs, le CESE appelle à s’inspirer du nouveau modèle de développement des provinces du Sud pour préparer les plans de développement régionaux et lancer leur opérationnalisation via la création des Agences régionales d’exécution de projets.

 Des structures se mettent en place en attendant les décrets d’applicationOrganigramme, nouveau DG, agence d’exécution des projets…Le wali doit accorder son visa à toutes les nominations

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Le nouvel organigramme de la région Casablanca-Settat est à l’image des nouvelles missions qui lui sont dévolues. La région devra puiser dans le vivier des 14.000 fonctionnaires de la commune urbaine de Casablanca pour faire face à ses besoins en termes de ressources humaines qualifiéesEst-ce le début de la fin de la situation d’attentisme qui prévaut depuis 6 mois dans les régions? En attendant la promulgation des décrets d’application relatifs aux compétences des présidents des régions, les conseils ont déjà entamé l’installation des nouvelles instances de gouvernance. C’est justement le cas dans la région Casablanca-Settat qui vient de nommer son «directeur général des services», un nouveau poste qui remplace celui de secrétaire général. Conformément aux dispositions de la loi organique 111-14 relative aux régions (publiée au BO en février dernier), l’administration de la région doit comprendre obligatoirement une direction générale des services et une direction des affaires de la présidence et du conseil. Ces deux postes relèvent directement de la présidence. D’ailleurs, la nomination à toutes les fonctions au sein de la région s’effectue par arrêté du président du Conseil de la région. Le wali du chef-lieu garde cependant un droit de regard et doit accorder son visa aux nominations.  C’est Abdelilah Mouattassim qui occupe le poste-clé de directeur général des services, après avoir chapeauté, jusque-là, le pôle «programmation et affaires régionales» à la wilaya de Casablanca-Settat. Mouattassim, qui assiste le président dans l’exercice de ses attributions, est chargé notamment de la supervision de l’administration territoriale et de la coordination du travail administratif. Le directeur des affaires de la présidence et du conseil est, pour sa part, chargé de veiller sur les aspects administratifs relatifs aux élus et au déroulement des travaux du conseil et de ses commissions.Outre ces deux postes stratégiques, rattachés directement à la présidence, de nouvelles  instances sont là pour prêter toute assistance juridique ou d’ingénierie

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technico-financière lors de l’étude et l’élaboration des projets et programmes de développement. C’est le cas notamment de l’Agence régionale d’exécution des projets (AREP) et les Sociétés de développement régional (SDR). Chargée de la mise en œuvre du Plan de développement régional (PDR), l’AREP sera chapeautée par un comité de supervision et de contrôle. Celui-ci sera composé de 2 membres du bureau de la région, un membre des groupes de l’opposition ainsi que les présidents des 3 commissions budget, développement économique et aménagement du territoire. Le Conseil de la région peut confier à l’AREP l’exploitation et la gestion de certains projets pour le compte de la région. L’agence peut en outre proposer au conseil la création d’une ou plusieurs sociétés de développement régional (SDR), conformément à l’article 145 de la loi organique 111-14.Dans le cadre de ses nouvelles prérogatives, la région sera appelée à approfondir sa connaissance du territoire et à élaborer une stratégie de développement intégrée aux grands chantiers du Royaume, mais toujours adaptée à son territoire. Cette stratégie se décline en programmes et projets portés par des organes dédiés et souples (AREP, SDR…). Ces organes réunissent autour d’eux les partenaires pertinents pour chaque projet, qui apportent leur savoir-faire, leurs ressources, connaissances et leur proximité avec les populations. «Le Conseil de la région assure, à travers l’AREP et un petit nombre d’organes exécutifs dédiés à des projets, le suivi, le contrôle et les inflexions de la stratégie régionale de développement qu’il promeut», explique un expert. Autant de missions nouvelles qui exigent le recours à des compétences inexistantes dans les 3 conseils (communal, préfectoral et régional). Avec à peine une cinquantaine de fonctionnaires hérités de l’ancienne région du Grand-Casablanca, les nouvelles instances auront certainement besoin de sang neuf. Il est notamment question de puiser dans le vivier de la commune urbaine de Casablanca (14.000 fonctionnaires environ). Mais ces derniers ont-ils les compétences requises? Certes, la région doit planifier des formations pour la mise à niveau des ressources humaines disponibles. Mais il faudra aussi recourir au recrutement de compétences externes. Cependant, le statut particulier des fonctionnaires d’administration des collectivités locales est un véritable frein. En effet, les ressources humaines exerçant dans l’administration des régions sont assujetties au statut de la fonction publique. Comment donc attirer les meilleurs profils si les salaires ne dépassent pas ceux fixés par le statut du fonctionnariat? Comment motiver les fonctionnaires actuels qui seront affectés à la région pour les pousser à un meilleur rendement? Ce sont autant de défis auxquels la nouvelle équipe régionale devra faire face dans les années à venir.

Sociétés de développement régional

A l’image du Conseil de la ville de Casablanca, qui dispose de 7 SDL, le Conseil de la région compte aussi recourir à ces sociétés mixtes pour assurer l’exécution de son PDR. «Ces sociétés sont créées pour exercer des activités à caractère économique ou technique dans le champ des compétences de la région ou pour la gestion d’un service public relevant de la région», stipule la loi organique. Autrement dit, l’objet de la SDR se limite aux activités à caractère industriel et commercial, qui relèvent de la compétence de la région, des groupements de régions et des groupements des collectivités territoriales, à l’exception de la gestion du domaine privé de la région.

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Pour Mohamed Zineddine, politologue et professeur universitaire, la situation d’attentisme dans les régions ne prendra fin qu’avec la promulgation des décrets d’application. En attendant, une région aussi vaste que Casablanca-Settat, avec ses 7 millions d’habitants et des attentes en matière d’infrastructures, de développement,  d’urbanisme… ne peut se permettre le luxe de perdre encore plus de temps.

- L’Economiste: Quelles sont les actions prioritaires après la mise en place des principales instances opérationnelles de la région?- Mohamed Zineddine: Aujourd’hui, il faut s’atteler à sortir le plus tôt possible les décrets d’application qui clarifient les compétences du Conseil de la région et de son président. Je ne sais pas à quoi est dû ce retard qui paralyse les 12 régions du Royaume. Mais dans le contexte actuel,  les provinces du Sud sont encore plus concernées par l’accélération de la promulgation de ces décrets d’application dans le but d’activer le processus de la régionalisation avancée. Cette situation d’incertitude et de chevauchement des compétences (entre les 3 conseils: communal, préfectoral et régional) ne peut durer longtemps, sachant que le délai prévu par la loi pour la promulgation des décrets d’application est de 30 mois.

- Les ressources humaines ne sont pas cohérentes avec les nouveaux enjeux, à la fois en termes de quantité et de qualité?- Tout d’abord, il faut relever que le cadre juridique est aujourd’hui dépassé. Le problème qui se pose est celui de pouvoir attirer les meilleures compétences dans la région, alors que le statut du fonctionnariat ne permet pas de dépasser un salaire équivalent à celui de l’échelle 11. Les salaires ne sont pas motivants. Du coup, le président de la région a les mains liées. En effet, il doit respecter le statut de la fonction publique tout en s’ouvrant à de nouvelles compétences. Il ne pourra pas recruter les meilleurs profils du privé avec les salaires de la fonction publique.

- Il y a un  déficit d’élites requises pour opérationnaliser la régionalisation. Ce qui est incohérent avec le nouvel organigramme?- C’est la grande question qui se pose. Il s’agit d’un changement brutal qui nécessite une mobilisation des ressources humaines et financières. L’organigramme comporte une pléthore de fonctions, postes et compétences qui sont loin d’être cohérents avec les ressources matérielles et humaines disponibles. La région doit désormais assurer le rôle de formation et de mise à niveau au profit de l’ensemble des ressources humaines des 3 conseils. Le choix de la régionalisation avancée est stratégique, mais il faut trois conditions pour le réussir: audace, ressources matérielles/humaines et surtout reddition des comptes.Propos recueillis par Aziza EL AFFAS

La région n’est pas un gouvernement local et ne se substitue pas à l’EtatL’administration régionale serait «un contresens coûteux»Approfondir la connaissance du territoire, décisif pour l’efficience de la régionalisationEntrée en vigueur il y a quelques mois, la régionalisation avancée connaît quelques couacs de démarrage. Certains présidents de régions ont déjà commencé à pointer des problèmes qui risquent d’entraver la réalisation des objectifs de cette nouvelle architecture territoriale. En dépit de cette situation, Driss Benhima, ancien ministre et haut fonctionnaire(1), se dit «optimiste, même si cela va se faire dans la douleur, avec quelques contresens». L’ancien wali du Grand Casablanca, qui était l’invité de l’Ecole supérieure de journalisme de Casablanca (ESJC), jeudi dernier, a livré une vision

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innovante, favorisant une implémentation efficiente de la régionalisation avancée. La première recommandation adressée aux présidents des régions porte sur la perception de cette entité territoriale. «Le conseil régional n’est pas un gouvernement local. Son champ d’intervention est indépendant des communes», a-t-il insisté. Une refonte de l’articulation entre les deux niveaux de gouvernance territoriale qui reste décisive pour être en phase avec l’esprit de la Constitution. Aujourd’hui, il est important d’en finir avec la logique de distribution des parts du budget régional au profit des communes. Un souci également évoqué par Mohand Laensar, président de la région de Fès-Meknès, lors d’un colloque organisé jeudi dernier (cf.www.leconomiste.com). Dans le sens consacré par la Constitution de 2011, la Région est appelée à jouer de nouveaux rôles. «Elle est créée pour assumer des attributions qui jusque-là n’étaient pas prises en charge. Ces compétences sont d’ordre économique, social, culturel et environnemental. Son rôle est d’assurer l’intégration du territoire dans la mondialisation et de promouvoir le développement durable». D’où le sens du nouveau découpage régional, «adapté», selon Benhima. Car, «il a été réalisé sur la base de données socioéconomiques, qui ont permis de faire ressortir des groupes homogènes», a-t-il ajouté. Contrairement à l’approche adoptée dans les anciens découpages régionaux, «où l’on voulait mettre en place des régions diversifiées»… Cette fois-ci, l’Etat a misé sur «la spécialisation, qui favorise l’ancrage dans la mondialisation, à travers la valorisation des facteurs de force et de limiter les points de faiblesse», explique l’ancien wali.Au moment où différents intervenants appellent à l’accélération du processus de déconcentration, pour doter les régions d’antennes des ministères et autres entités publiques, Benhima considère que cela «n’est pas une priorité». Pour ce grand commis de l’Etat, «la construction éventuelle d’une administration régionale serait un contresens coûteux et un geste historique contreproductif». L’important, selon ce polytechnicien, est de mener une série d’actions, qui constituent des préalables indispensables à la réussite de l’implémentation de la régionalisation. Les mots d’ordre restent flexibilité, souplesse et appropriation. L’ancien directeur de l’Agence de développement du Nord a également dressé une feuille de route, à même de renforcer les capacités des décideurs régionaux. Première action à mettre en place: «approfondir la connaissance du territoire régional». Benhima a appelé au développement d’un système d’information géographique, en s’appuyant notamment sur les compétences universitaires. C’est cette «connaissance précise qui permettra aux Conseils régionaux de se positionner en tant qu’interlocuteurs reconnus et recherchés par le reste de l’appareil constitutionnel». L’idée est aussi d’éviter que les responsables régionaux se contentent de «répéter de fausses certitudes». Il a donné l’exemple du Rif, qui était considéré pendant des années comme un territoire marginalisé et laissé pour compte. Or, «cela ne résulte pas d’une décision politique, mais plutôt des conditions de ce territoire marqué par une forte concentration de la population, avec une absence de l’exode rural vers les centres urbains, parallèlement au développement des activités illicites», a-t-il expliqué. Par exemple, l’état délabré des routes dans cette région est plus lié à des facteurs géologiques, au point où les frais de leur entretien, pendant une dizaine d’années, correspondaient au prix de la réalisation de l’autoroute Casa-Marrakech.Cette maîtrise des réalités locales favorisera «l’élaboration d’une stratégie de développement régional intégrée aux grands chantiers du Royaume, qui met en valeur les atouts du territoire et limite ses faiblesses».

Mode opératoire

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La mise en œuvre des stratégies de développement des régions doit se baser sur des organes d’exécution souples et flexibles. Chaque région est appelée à se doter d’une «Agence, placée sous le contrôle politique du conseil régional». Elle sera chargée de la déclinaison de la stratégie en programmes et projets, en complément des efforts de l’Etat, ou d’autres acteurs, comme les ONG locales, qui doivent être mises à contribution pour faciliter l’accès aux populations. Le statut de ces agences permettra d’offrir une flexibilité et un mode de fonctionnement innovant en matière d’organes d’exécution, à travers des équipes ad-hoc chargés de travailler sur des dossiers précis. Ces organes auront aussi la possibilité de réunir les partenaires pertinents pour chaque projet. Le conseil régional peut également disposer d’autres outils, à travers le recours notamment aux SDL pour la mise en œuvre de certains programmes.