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COMPTE-RENDU DE CONGRÈS © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés S27 AMC pratique Suppl. 2 avril 2010 Rédigé par le Dr. Daniela Obréja Hôpital de Laon - Service de Cardiologie Prise en charge des syndromes coronaires aigus XX èmes Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie, Paris, 13-16 janvier 2010 La reperfusion à la phase aiguë des SCA ST+ D’après les communications de E. Bonnefoy, S. Charpentier (Toulouse), N. Danchin (Paris), F. Lapostolle (Bobigny), H. Le Breton (Rennes), L. Nibbe (Berlin) Le pronostic des syndromes coronaires aigus (SCA) avec sus-décalage de ST (SCA ST+) dépend de l’importance de la zone nécrosée, dont découle toute la stratégie de prise en charge à la phase aiguë, a rappelé L. Nibbe (Berlin). L’analyse des lésions myocardiques (myocarde ischémié, à risque, et nécrose constituée) à 40 minutes, 3 heures et 6 heures montre qu’à 3 heures la zone nécrosée est complète. Le temps d’ischémie est corrélé à la taille de l’infarctus myocardique (IDM) et à la morta- lité. La reperfusion, quelle que soit sa méthode, doit être rapide : « time is muscle, time is life ». Le travail de Boersma, en 1996, a quantifié l’impact de ce facteur temps de la reperfusion, introduisant la notion mainte- nant classique du seuil de la 3 ème heure, véritable « golden hour » de la reperfusion [1]. L’analyse de cette courbe (mortalité à 1 mois en fonction du délai de reperfusion) montre aussi que les bénéfices respectifs d’un écart de 90 minutes en moins ou en plus sont très différents, beaucoup plus marqués lorsque la reperfu- sion a lieu très précocement (figure 1). Les délais de reperfusion très courts évitent la constitution de la nécrose (IDM « avortés » dans un nombre non négligea- ble de cas, atteignant 17 % à 2 heure et 25 % à 1 heure, avec une mortalité satellite très faible, de 1 % seule- ment. De ce fait, pour L. Nibbe, la thrombolyse pré-hospi- talière doit garder une place importante dans les grandes villes européennes. E. Bonnefoy-Cudraz (Lyon) a présenté les évolutions de la prise en charge pré-hospitalière avec les SAMU et SMUR. Les premiers pas de la médecine pré-hospitalière remon- tent à l’épidémie de poliomyélite antérieure en 1956, au rôle pionnier du Pr Lareng en 1968 à Toulouse, à la créa- tion des SAMU en 1976 et à la définition de leurs missions et statuts dans un cadre législatif en 1986. Ces services pré-hospitaliers sont articulés autour d’un centre 15 (appel, régulation) en relation avec un SMUR, dont l’unité de base est l’ambulance-unité mobile de soins intensifs (MICU, mobile intensive care unit), avec un médecin, une infir- mière, un ambulancier. C’est avec l’étude EMIP, qui a comparé la thrombolyse pré- hospitalière et intra-hospitalière, que la médecine d’ur- gence a pris place dans la prise en charge de l’IDM en 1993. Cette étude pivot a inclus 5469 malades dans 15 pays (3046 en France) entre 1989 et 1991. Elle a montré l’importance des délais des différentes étapes de la prise en charge : 80 minutes avant l’appel, 15 minutes pour l’arrivée du SAMU, 30 minutes de durée de thrombolyse et 40 minutes de trans- fert, auxquels s’ajoutent 45 minutes supplémentaires si le malade passe par un service d’urgences. Au total, la throm- bolyse pré-hospitalière gagne 1 heure sur la thrombolyse intra-hospitalière. Les études qui ont suivi ont montré que ces délais ont relativement peu changé depuis (tableau 1). La prise en charge pré-hospitalière offre plusieurs autres avantages. La régulation sélectionne les patients avec plus de précision. Ainsi, la proportion de SCA à l’arrivée de l’ambulance du SAMU atteint 60 % lorsque l’appel a été traité par le médecin régulateur, alors qu’elle n’est que de 31 %, avec un plus faible nombre de SCA ST+ lorsque le malade est adressé aux urgences. Parallèlement au développement de l’urgence pré-hospi- talière, le nombre des malades non reperfusés a progres-

La reperfusion à la phase aiguë des SCA ST+

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Page 1: La reperfusion à la phase aiguë des SCA ST+

COMPTE-REnDU DE COnGRèS

© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés S27AMC pratique Suppl. 2 avril 2010

Rédigé par le Dr. Daniela ObréjaHôpital de Laon - Service de Cardiologie

Prise en charge des syndromes coronaires aigusXXèmes Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie, Paris, 13-16 janvier 2010

La reperfusion à la phase aiguë des SCA ST+D’après les communications de E. Bonnefoy, S. Charpentier (Toulouse), N. Danchin (Paris), F. Lapostolle (Bobigny), H. Le Breton (Rennes), L. Nibbe (Berlin)

Le pronostic des syndromes coronaires aigus (SCA) avec sus-décalage de ST (SCA ST+) dépend de l’importance de la zone nécrosée, dont découle toute la stratégie de prise en charge à la phase aiguë, a rappelé L. Nibbe (Berlin). L’analyse des lésions myocardiques (myocarde ischémié, à risque, et nécrose constituée) à 40 minutes, 3 heures et 6 heures montre qu’à 3 heures la zone nécrosée est complète. Le temps d’ischémie est corrélé à la taille de l’infarctus myocardique (IDM) et à la morta-lité. La reperfusion, quelle que soit sa méthode, doit être rapide : « time is muscle, time is life ». Le travail de Boersma, en 1996, a quantifié l’impact de ce facteur temps de la reperfusion, introduisant la notion mainte-nant classique du seuil de la 3ème heure, véritable « golden hour » de la reperfusion [1]. L’analyse de cette courbe (mortalité à 1 mois en fonction du délai de reperfusion) montre aussi que les bénéfices respectifs d’un écart de 90 minutes en moins ou en plus sont très différents, beaucoup plus marqués lorsque la reperfu-sion a lieu très précocement (figure 1). Les délais de reperfusion très courts évitent la constitution de la nécrose (IDM « avortés » dans un nombre non négligea-ble de cas, atteignant 17 % à 2 heure et 25 % à 1 heure, avec une mortalité satellite très faible, de 1 % seule-ment. De ce fait, pour L. Nibbe, la thrombolyse pré-hospi-talière doit garder une place importante dans les grandes villes européennes.

E. Bonnefoy-Cudraz (Lyon) a présenté les évolutions de la prise en charge pré-hospitalière avec les SAMU et SMUR. Les premiers pas de la médecine pré-hospitalière remon-tent à l’épidémie de poliomyélite antérieure en 1956, au rôle pionnier du Pr Lareng en 1968 à Toulouse, à la créa-tion des SAMU en 1976 et à la définition de leurs missions et statuts dans un cadre législatif en 1986. Ces services pré-hospitaliers sont articulés autour d’un centre 15 (appel, régulation) en relation avec un SMUR, dont l’unité de base est l’ambulance-unité mobile de soins intensifs (MICU, mobile intensive care unit), avec un médecin, une infir-mière, un ambulancier.C’est avec l’étude EMIP, qui a comparé la thrombolyse pré-hospitalière et intra-hospitalière, que la médecine d’ur-gence a pris place dans la prise en charge de l’IDM en 1993. Cette étude pivot a inclus 5469 malades dans 15 pays (3046 en France) entre 1989 et 1991. Elle a montré l’importance des délais des différentes étapes de la prise en charge : 80 minutes avant l’appel, 15 minutes pour l’arrivée du SAMU, 30 minutes de durée de thrombolyse et 40 minutes de trans-fert, auxquels s’ajoutent 45 minutes supplémentaires si le malade passe par un service d’urgences. Au total, la throm-bolyse pré-hospitalière gagne 1 heure sur la thrombolyse intra-hospitalière. Les études qui ont suivi ont montré que ces délais ont relativement peu changé depuis (tableau 1).La prise en charge pré-hospitalière offre plusieurs autres avantages. La régulation sélectionne les patients avec plus de précision. Ainsi, la proportion de SCA à l’arrivée de l’ambulance du SAMU atteint 60 % lorsque l’appel a été traité par le médecin régulateur, alors qu’elle n’est que de 31 %, avec un plus faible nombre de SCA ST+ lorsque le malade est adressé aux urgences.Parallèlement au développement de l’urgence pré-hospi-talière, le nombre des malades non reperfusés a progres-

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COMPTE-REnDU DE COnGRèS Prise en charge des syndromes coronaires aigus

S28 AMC pratique Suppl. 2 avril 2010

rence globale, principalement du fait de délais thérapeu-tiques inégaux [2].La place actuelle de la thrombolyse pré-hospitalière ne doit plus être prise en seule alternative à l’angioplastie primaire. En effet, si la méta-analyse de Keeley (23 essais randomisés) a bien montré la supériorité de l’angioplastie primaire sur la thrombolyse [4], il faut l’interpréter, indique N. Danchin (Paris), en fonction de la « vraie vie », en prenant en compte le malade, son environnement, les infrastructures cardiologiques accessibles, le personnel paramédical intervenant en première ligne, l’organisation des urgences cardiologiques. Et si le bénéfice de l’angio-plastie primaire est supérieur dans le cadre des grands essais (réalisés par des équipes hospitalières de grands centres urbains), il est souvent bien plus difficile au quoti-dien de mettre en œuvre une angioplastie primaire dans les délais préconisés par les recommandations. Il s’y ajoute que les études analysées dans la méta-analyse de Keeley

sivement diminué, comme le montrent les enquêtes USIC successives : 70 % de non reperfusés en 1995, 50 % en 2000, et 40 % en 2005, la progression de la reperfusion étant surtout liée à celle de l’angioplastie primaire. Néanmoins, simultanément, la thrombolyse pré-hospita-lière est passée de 0 à 8 % et 18 % à chacune des étapes de l’enquête.S’appuyant également sur les résultats de CAPTIM, F. Lapostolle (Bobigny) a souligné que la thrombolyse pré-hospitalière précoce réduit le nombre de chocs cardiogé-niques [2, 3], en particulier lorsqu’elle est réalisée dans les 2 heures (tableau 2).La comparaison des résultats à 30 jours de la thrombolyse pré-hospitalière et de l’angioplastie primaire (non combi-nées l’une à l’autre) dans la même étude CAPTIM (840 patients atteints de SCA ST+ traités dans les 6 premiè-res heures) montre des avantages et des risques différents pour chacun des traitements (tableau 3), mais pas de diffé-

80

60

40

20

0

0 3 6 9 12 15 18 21 24Durée du traitement (h)

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Figure 1. Impact du facteur temps sur le résultat de la reperfusion.

Tableau 1. Délais de prise en charge pré-hospitaliers de l’IDM.Appel Arrivée SAMU Thrombolyse Transfert

EMIP (1993) 80 15 30 55CAPTIM () 60 17 52 60FAST MI () 60 15 30 70

Tableau 2. Comparaison de la thrombolyse pré-hospitalière (N=419) et de l’angioplastie primaire. Délai <2 heures Délai > 2 heuresThrombolyse Angioplastie primaire Thrombolyse Angioplastie primaire

Choc cardiogénique 1,3% 5,3% 3,9% 4,4%Mortalité à 30j 2,2% 5,7% 5,9% 3,7%(N=421) en fonction du délai de reperfusion dans l’étude CAPTIM (d’après 3).

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COMPTE-REnDU DE COnGRèS

S29AMC pratique Suppl. 2 avril 2010

La comparaison de l’angioplastie primaire à la thrombo-lyse pré-hospitalière a pu être établie à partir de l’essai CAPTIM (Comparison of Angioplasty and Prehospital Thrombolysis In acute Myocardial infarction), qui a inclus 834 patients atteints de SCA ST+ traités soit par thrombo-lyse pré-hospitalière suivie d’un transfert en cardiologie interventionelle (et angioplastie si nécessaire) et angio-plastie primaire seule. La mortalité à 30 jours et la surve-nue d’un choc cardiogénique ne sont significativement réduits dans le groupe thrombolyse pré-hospitalière que lorsque le traitement est entrepris avant la 2e heure des symptômes (tableau 2) [3].L’angioplastie de sauvetage, à la suite des études DANAMI-2, SIAM 3 et GRACIA, a été validée par l’essai REACT (Rescue Angioplasty versus Conservative Treatment or Repeat Thrombolysis), qui a comparé traitement conserva-tif, seconde thrombolyse et angioplastie après échec de la première thrombolyse (résolution de ST < 50 % à 90 minutes) chez 427 patients [8]. L’angioplastie de sauvetage se révèle supérieure en termes de récidive d’IDM (tableau 5).La comparaison ensuite de l’angioplastie de sauvetage à l’approche interventionnelle systématique chez les 600 patients de CARESS-in AMI [9] a fait évoluer les concepts de l’association des deux méthodes de reperfusion en faveur de la généralisation au recours interventionnel (tableau 6).Le concept et son intérêt pour les centres ne disposant pas d’un plateau technique interventionnel a été confirmé par TRANSFER-AMI (Trial of Routine Angioplasty and Stenting after Fibrinolysis to Enhance Reperfusion in Acute Myocardial infarction), où les 1059 patients inclus avec un SCA ST+ sont traités par aspirine/clopidogrel, tenecteplase,

n’ont comparé les deux approches thérapeutiques que l’une à l’autre, mais n’ont pas pris en compte leur combi-naison dans le cadre de l’angioplastie « facilitée », dont une nouvelle méta-analyse n’a été publiée que tout récem-ment [5].Les délais pré-thérapeutiques (début de la thrombolyse, première inflation du ballon) sont le principal facteur de l’écart entre essais cliniques et vraie vie. Le registre GRACE (Global Registry of Acute Coronary Events) a inclus de 1999 à 2006, puis suivi 10 954 patients atteints de SCA ST+ vus dans les 12 premières heures. Entre le début et la fin des inclusions, la proportion de patients traités par angioplastie primaire augmente de 15 % à 44 %, mais son délai de réali-sation ne se raccourcit pas (tableau 4). La mortalité diminue avec le temps (passant de 6,9 % à 5,4 %), mais il reste encore 33 % de malades chez lesquels aucune reperfusion n’est entreprise, et lorsqu’elle l’est, son délai se situe au-delà des recommandations dans 40 % des cas [6].L’augmentation de la mortalité avec l’allongement du délai de reperfusion a amené à suggérer que le bénéfice de l’angioplastie primaire puisse être perdu lorsque le délai intra-hospitalier avant insufflation (« door to balloon », DB) dépasse de plus d’une heure celui avant mise en route de la thrombolyse intra-hospitalière (« door to needle », DN). L’impact pronostic de cette différence DB-DN a été évalué à partir des données de 192 509 patients admis dans 645 hôpitaux. La mortalité des malades traités par angioplastie augmente de façon importante avec cet intervalle de temps, ainsi qu’avec l’âge du malade et la topographie de l’IDM [7]. Ainsi, les délais intra-hospitaliers au-delà desquels le bénéfice de l’angioplastie est perdu sont-ils assez courts, de moins de ¾ d’heure pour un IDM antérieur chez un sujet de moins de 65 ans.

Tableau 3. Comparaison thrombolyse pré-hospitalière et angioplastie primaire dans CAPTIM.Thrombolyse pré-hospitalière (N=419) Angioplastie primaire (N=421) p=

Délai avant traitement (min) 130 190Mortalité ou récidive ischémique* 57 (13%) 41 (9,8%) 0,06Mortalité cardiovasculaire 16 (3,8%) 18 (4,3%) 0,86Récidive ischémique 29 (7,2%) 16 (4%) 0,09Hémorragie sévère 2 (0,5%) 8 (2%) 0,06AVCHémorragiqueischémique

2 (0,5%)2 (0,5%)

00

0,50,5

Choc cardiogéniqueavant admissiony compris hospitalisation

010 (2,5%)

9 (2,1%)20 (4,9%)

0,0040,09

Tableau 4. évolution des délais thérapeutiques dans le registre GRACE.2000-2001 2005-2006

Délai pré-admission (min) 129 133Délai avant angioplastie (min) 7( (43-125) 80 43-119)Délai avant thrombolyse (min) 35 21-62) 34 (17-52)

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COMPTE-REnDU DE COnGRèS Prise en charge des syndromes coronaires aigus

S30 AMC pratique Suppl. 2 avril 2010

des SCA ST+ à distance de grands centres impose le recours à la thrombolyse initiale, comme le montre le registre régional du Minnesota.En France, les modalités de prise en charge et leurs consé-quences ont pu être précisées à partir du registre FAST MI. Ce registre multicentrique a inclus 1714 patients atteints d’IDM ST+ au cours d’une période d’un mois, fin 2005, avec suivi à un an. Deux stratégies de reperfusion à la phase aigüe sont comparées, à partir des données des 60 % de patients chez lesquels une reperfusion a lieu :

angioplastie primaire chez 33 % des patients•thrombolyse intraveineuse par fibrinolytique fibrino-•spécifique (tenecteplase chez 78 % des patients) chez 29 % des malades (pré-hospitalière chez 18 %). Une angiographie est réalisée chez 96 % des patients au décours de la thrombolyse (dans les 24 heures chez 58 %)

Les délais de reperfusion sont plus courts avec la fibrino-lyse (130 vs 300 minutes). La mortalité intra-hospitalière est de 4,3 % après thrombolyse et 5 % au décours de la prise en charge interventionnelle. Chez les patients throm-bolysés, la mortalité à 30 jours, de 9,2 % en l’absence d’an-gioplastie ultérieure, n’est que de 3,9 % lorsqu’elle a été réalisée. Les courbes de survie à un an ne montrent pas de différence entre les deux groupes (94 % après thrombo-lyse, 92 % après angioplastie primaire). L’un des renseigne-ments les plus informatifs sur la réalité quotidienne concerne l’analyse du pronostic en fonction du délai et de la méthode de reperfusion (tableau 9).

héparine ou enoxaparine, et soit transférés immédiate-ment (délai < 6 heures après thrombolyse) pour coronaro-graphie/angioplastie soit de façon non systématique pour angioplastie de sauvetage ou différée (tableau 7).L’analyse des résultats de TRANSFER-AMI, combinés à ceux des autres études sur l’angioplastie facilitée (tableau 8), plaide en faveur du transfert rapide en aval de la throm-bolyse. Néanmoins, il ne faut probablement pas perdre de vue, même si les chiffres n’atteignent souvent pas la signi-ficativité, le risque potentiel de la revascularisation percu-tanée au décours immédiat de la fibrinolyse, et dans certains cas, lorsque le risque hémorragique est élevé, parfois retarder un minimum la procédure.L’approche pharmaco-invasive née en aval de ces études, puis de celles qui les ont suivies [5, 11] s’est généralisée, a pris place dans les recommandations, mais n’a été prise dans la perspective du « monde réel », de la « vraie vie » que plus récemment, à partir des données de trois regis-tres.L’expérience de Vienne (Autriche), où tous les IDM sont transférés dans un centre de garde pour l’ensemble de l’agglomération (91 % de coronarographies), a montré que de 2002 à 2004, la thrombolyse a diminué de 50 % à 27 %, l’angioplastie primaire a augmenté de 16 % à 60 %, et le pourcentage de malades non reperfusés a diminué de 34 % à 13 %. Lorsque la reperfusion est entreprise dans les 2 heures, la mortalité est de 8,2 % avec l’angioplastie et 8,1 % avec la fibrinolyse seule, alors que celle des non reperfusés atteint 18,2 %. A l’inverse, la prise en charge

Tableau 5. Angioplastie de sauvetage dans l’essai REACT.2e thrombolyse (N=142) Traitement conservateur

(N=141)Angioplastie de sauvetage (N=144) p

Mortalité 18 (12,7%) 18 (12,8%) 9 (6,2%) 0,12Mortalité cardiovasculaire 15 (10,6%) 14 (9,9%) 8 (5,6%) 0,26Récidive IDM 15 (10,6%) 12 (8,5%) 3 (2,3%) <0,01Revascularisation 33 (23,2%) 29 (20,6%) 19 (13,2%) 0,08

Tableau 6. Approche interventionnelle systématique dans CARESS-in –AMI.Approche interventionnelle : Systématique (N=299) De sauvetage (N=301) pAngioplastie 255 (85,6%) 91 (30,3%)Mortalité, IDM ou récidive ischémique à 30j 13 (4,4%) 32 (10,7%) 0,004Hémorragie majeure 10 (3,4%) 7 (2,3%) 0,47

Tableau 7. Approche interventionnelle systématique dans TRANSFER-AMI.Approche interventionelle Sauvetage/différée (N=522) Systématique, immédiate (N=536) pDélai coronarographie 32,5 h 2,8h Angioplastie 352 (67,4%) 456 (84,9%) <0,001Mortalité,IDM, récidive ischémique, choc, ins cardiaque (30j)

90 (17,2%) 59 (11%) 0,004

Hémorragie 84 (16%) 110 (20,5%)

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COMPTE-REnDU DE COnGRèS

S31AMC pratique Suppl. 2 avril 2010

5. Keeley EC, Boura JA, Grines CL. Comparison of primary and facilitated percu-. Keeley EC, Boura JA, Grines CL. Comparison of primary and facilitated percu-Keeley EC, Boura JA, Grines CL. Comparison of primary and facilitated percu-taneous coronary interventions for ST-elevation myocardial infarction: quanti-tative review of randomised trials. Lancet 2006;367:579-88.

6. Eagle KA, Nallamothu BK, Mehta RH, et al. Trens in acute reperfusion therapy for ST-segment elevation myocardial infarction from 1999 to 2006. Eur Heart J 2008;29:609-17.

7. Pinto DA, Kirtane AJ, Nallamothu BK, et al. Hospital delays in reperfusion for ST-elevation myocardial infarction. Implications when selecting a reperfusion therapy. Circulation 2006;114:2019-25.

8. Gershlick AH, Stephens-Lloyd A, Hughes S, et al. Rescue angioplasty after failed thrombolytic therapy for acute myocardial infarction. N Engl J Med 2005;353:2758-68.

9. Di Mario C. Dudek D, piscione F, et al. Immediate angioplasty versus standard therapy with rescue angioplasty after thrombolysis in the combined abciximab reteplase stent study in acute myocardial infarction (CARESS-in-AMI): an open, prospective, randomized, multicentre trial. Lancet 2008;371:559-68.

10. Cantor WJ, Fitchett D, Borgundvaag B, et al. Routine early angioplasty after fibrinolysis for acute myocardial infarction. N Engl J Med 2009;360:2705-18.

11. Verheugt FWA. Routine angioplasty after fibrinolysis – how early should early be. N Engl J Med 2009, 360 : 2779-80.

12. Danchin N, Coste P, Ferrières J, et al. Comparison of thrombolysis followed by broad use of percutaneous coronary intervention with primary percu-taneous coronary intervention for ST-segment elevation acute myocardial infarction : data from the French registry on acute ST elevation myocardial infarction (FAST MI). Circulation 2008;118:268-76.

La conclusion pratique FAST MI souligne le bénéfice compa-rable de la thrombolyse (avec angioplastie secondaire) et de l’approche interventionnelle d’emblée. Une stratégie réaliste doit donc prendre en compte le nombre de patients reperfusés par tranche de délai et ne pas différer une reper-fusion pour privilégier l’approche interventionnelle lorsqu’elle sera trop tardive [12]. En pratique, aujourd’hui, l’heure de l’angioplastie post-thrombolyse doit être guidée, selon N. Danchin, par l’obtention ou l’échec de la reperfu-sion. Dans le premier cas, on gagne en complications hémorragiques à attendre quelques heures, et inversement en cas d’échec.

Références1. Boersma E, Maas AC, Deckers JW, et al. Early thrombolytic treatment in acute

myocardial infarction : reappraisal of the golden hour. Lancet 1996;348:771-5.

2. Bonnefoy E, Lapostolle F, Leizorovicz A, et al. Primary angioplasty versus pre-. Bonnefoy E, Lapostolle F, Leizorovicz A, et al. Primary angioplasty versus pre-Bonnefoy E, Lapostolle F, Leizorovicz A, et al. Primary angioplasty versus pre-hospital fibrinolysis in acute myocardial infarction: a randomised study. Lancet 2002;360:825-9.

3. Steg PG, Bonnefoy E, Chabaud S, et al. Impact of time to treatment on mor-. Steg PG, Bonnefoy E, Chabaud S, et al. Impact of time to treatment on mor-Steg PG, Bonnefoy E, Chabaud S, et al. Impact of time to treatment on mor-tality after prehospital fibrinolysis or primary angioplasty. Circulation 2003;108:2851-6.

4. Keeley EC, Boura JA, Grines CL. Primary angioplasty versus intravenous throm-. Keeley EC, Boura JA, Grines CL. Primary angioplasty versus intravenous throm-Keeley EC, Boura JA, Grines CL. Primary angioplasty versus intravenous throm-Primary angioplasty versus intravenous throm-bolytic therapy for acute myocardial infarction : a quantitative review of 23 randomised trials. Lancet 2003;361:13-20.

Tableau 8. Angioplastie post fibrinolyse (d’après [11]).Essai CAPITAL CARESS-in AMI SIAM-III GRACIA-1 TRANSFER-AMIPatients (N=) 170 598 163 499 1059Délai thrombolyse-angioplastie (h) 1,6 2,3 3,7 16,7 3,9Evénements ischémiques (%) angioplastie sélective/routine

24,4/11,6 10,7/4,4 50,6/25,6 20,3/9,3 17,1/11

Tableau 9. Mortalité à 30 jours selon délai et méthode de reperfusion dans FAST-MI.Délai de reperfusion (min) <120 121 à 180 181 à 360 >360

Patients (N=) 263 183 300 282

Thrombolyse 9/216 (4,2%) 5/108 (4,6%) 4/89 (4,5%) 4/52 (7,7%)

Angioplastie 2/47 (4,3%) 3/75 (4,9%) 10/211 (4,7%) 13/230 (5,7%)